Passer au contenu
Début du contenu

SECU Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CHAPITRE 2 : LES DIFFÉRENTES
MESURES DE PROTECTION DES TÉMOINS
EN VIGUEUR AU CANADA

La confiance des témoins dans le système de justice est indispensable au maintien de la primauté du droit. Tous ceux qui possèdent des informations pouvant intéresser la police et qui craignent pour leur sécurité doivent pouvoir bénéficier d'une protection adaptée à leur besoin. Les protections doivent viser les jeunes autant que les adultes qui ont été témoins d'un crime ou qui ont participé à un crime et souhaitent désormais collaborer avec les autorités. C'est aussi la conclusion à laquelle est arrivée l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime dans un rapport exhaustif publié en février 2008 sur les meilleures pratiques en matière de protection des témoins dans le monde([4]). On peut y lire que des mesures de sécurité devraient être considérées chaque fois qu'un témoin croit être en danger en raison de sa collaboration avec la justice. Au Canada diverses mesures sont en vigueur visant à protéger les témoins vulnérables et menacés. Le présent chapitre donne un aperçu de ces mesures.

1. APERÇU DES MESURES DE PROTECTION DES TÉMOINS EN VIGUEUR AU CANADA

Les témoignages recueillis dans le cadre de notre examen indiquent que la vulnérabilité des témoins varie selon divers facteurs, notamment l'âge du témoin et le type de crime à l'origine de l'enquête. De façon générale, on reconnaît que les témoins impliqués dans les enquêtes sur les organisations criminelles et terroristes sont des cibles d'intimidation graves, de même que les enfants qui, en raison de leur âge, sont perçus comme étant plus facilement intimidables. Ces connaissances sont évidemment utiles à la prévention de l'intimidation et permettent aux autorités qui viennent en contact avec ces témoins d'adapter la protection offerte à leur situation.

Pour encourager et faciliter la collaboration des témoins vulnérables et menacés, le Parlement a créé au fil du temps un ensemble de mesures de protection judiciaires pouvant être déployées lors de l'audience, dont celles énoncées à l'article 486 du Code criminel([5]). On y prévoit, notamment :

  • la possibilité d'autoriser des témoignages à l'extérieur de la salle d'audience au moyen de télévision en circuit fermé ou derrière un écran;
  • la possibilité de faire sortir un ou plusieurs membres du public de la salle d'audience pour toute la durée ou une partie du procès;
  • la possibilité d'imposer une interdiction de publication de façon à empêcher la publication, la diffusion ou la transmission de tout renseignement qui pourrait permettre d'établir l'identité d'une victime ou d'un témoin;
  • la possibilité de nommer un avocat pour procéder au contre-interrogatoire lorsque l'accusé dans l'affaire assure sa propre défense;
  • la possibilité de permettre aux victimes de moins de 18 ans de témoigner en présence d'une personne de confiance.

Les personnes dont la sécurité est menacée en raison d'information ou du témoignage qu'ils acceptent de rendre dans le cadre d'une enquête ou d'une poursuite criminelle peuvent également se voir offrir des services de protection temporaires adaptés à leurs besoins et au contexte de l'affaire par les services policiers municipaux, provinciaux et fédéral. Ces mesures peuvent prendre différentes formes : il peut s'agir d'une escorte policière au tribunal, d'une surveillance téléphonique, d'une aide financière à court terme ou encore d'un hébergement temporaire du témoin et de ses proches dans un lieu sûr. Selon les renseignements recueillis pendant l'examen du Comité, ces mesures de protection temporaires ne requièrent pas nécessairement la signature d'une entente entre le témoin et le service policier et ne sont pas forcément encadrées par une politique précise.

Cela étant dit, certaines provinces et municipalités canadiennes ont mis sur pied des programmes officiels de protection des témoins; c'est le cas entre autres de la Colombie-Britannique, de l'Ontario, de la Sûreté du Québec et du service de police de la ville de Montréal. Ces programmes permettent d'offrir toute une gamme de services de protection temporaires aux témoins vulnérables et menacés avant, pendant et après le procès. Il est noté, dans l'avis de pratique du ministère du Procureur général de l'Ontario sur le programme de protection des témoins, déposé devant le Comité le 25 mai 2007, que le programme ontarien « ne prévoit pas d'aide financière à long terme ». Il s'agit « d'un programme de réinstallation et d'aide temporaire » dont l'administration relève du Procureur général, qui permet à la province d'offrir « un financement limité dans le temps pour aider à la protection, à la subsistance et à la réinstallation d'un témoin et/ou des membres de sa famille quand cela est dans le meilleur intérêt de l'administration de la justice »([6]). Notons enfin que ces programmes officiels n'étaient régis par aucune loi au moment de l'étude du Comité.

Le Parlement a aussi prévu des mesures de protection extrajudiciaires pour les témoins dont la sécurité pourrait être mise en péril en raison de leur collaboration avec les autorités. Ces mesures de protection exceptionnelles sont énoncées dans la Loi sur le programme de protection des témoins (LPPT), adoptée par le Parlement en juin 1996; elle fournit les assises législatives au Programme de protection des témoins administré par la GRC.

Ce programme, qui permet la relocalisation à long terme des témoins gravement menacés et le changement d'identité([7]), revêt, de l'avis de tous les témoins rencontrés, une importance particulière dans la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Cette situation s'explique par le fait que les organisations criminelles disposent, dans la majorité des cas, « de moyens très importants pour recueillir des renseignements »([8]) sur leurs accusateurs. Les méthodes d'investigations classiques s'avèrent par ailleurs souvent inefficaces pour infiltrer ce genre d'organisations du à leur caractère secret. Les services de police doivent donc recourir à des informateurs et/ou agents sources, souvent eux-mêmes affiliés aux organisations criminelles qui font l'objet de l'enquête ou de la poursuite, et qui, en raison de leur collaboration avec les autorités, font face à des menaces très sérieuses nécessitant une protection à long terme et même à vie.

Quoique le mandat du Comité se limite à l'examen du Programme de protection des témoins administré par la GRC, nous tenons à réitérer que toutes les mesures de protection des témoins mises en ouvre au Canada, que ce soit à l'échelle municipale, provinciale, territoriale ou fédérale, sont indispensables à la lutte contre la criminalité et au maintien de la suprématie du droit. Nous estimons d'ailleurs, étant donné que les policiers sont souvent les premiers à entrer en contact avec des témoins vulnérables et menacés, qu'il serait utile de les sensibiliser davantage au phénomène de l'intimidation des témoins de façon à prévenir le phénomène et à identifier les témoins vulnérables et menacés qui ont besoins de protection. Le Comité estime également que les Canadiens et Canadiennes devraient être mieux informés des différentes initiatives en vigueur pouvant protéger ceux qui collaborent avec les autorités.


([4])       Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Good practices for the protection of witnesses in criminal proceedings involving organized crime, New York, 2008. (Disponible en anglais seulement).

([5])       Pour de l'information détaillée sur les mesures de protection spéciale, consulter le site du Centre de la Politique concernant les victimes du ministère de la Justice du Canada à http://canada.justice.gc.ca/fr/ps/voc/index.html.

([6])       L'avis de pratique du ministère du Procureur général de l'Ontario sur le programme de protection des témoins (PM (2007) No.1) est reproduite à l'annexe D du rapport.

([7])       Il convient de souligner qu'une personne victime de violence familiale, dont la sécurité est gravement menacée, peut également se prévaloir d'un programme fédéral leur permettant de changer d'identité et de s'établir dans une nouvelle collectivité. Ce programme, appelé Nouvelles identités pour les victimes d'abus (NIVA), est administré par Service Canada (ministère des Ressources humaines et du Développement social du Canada). Contrairement au programme fédéral de protection des témoins, le programme NIVA n'exige pas la collaboration de la victime avec les autorités pour la poursuite de l'agresseur et n'offre aucune aide financière à la victime.

([8])       Anne-Marie Boisvert, La protection des collaborateurs de la justice: éléments de mise à jour de la politique québécoise, Rapport final présenté au ministre de la Sécurité publique du Québec, juin 2005, p.11. (Disponible en français seulement).

haut