Passer au contenu
Début du contenu

LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 025 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 avril 2008

[Enregistrement électronique]

  (0910)  

[Français]

     Bon matin à tous. Bienvenue à cette 25e séance du Comité permanent des langues officielles.
    Ce matin, avant d'aller plus loin, je veux informer les membres du comité que lors de nos prochaines rencontres, on se penchera sur l'accès à la justice et sur les compétences linguistiques des cadres exemptés.
    Je vous demanderais donc de me faire parvenir vos suggestions de témoins à convoquer pour l'étude de ces deux sujets d'ici le 15 avril.
    Pourriez-vous répéter, s'il vous plaît.
    Je vous invite à me faire parvenir les noms des témoins que vous souhaitez convoquer pour l'étude des deux prochains sujets inscrits à notre grille horaire, soit l'accès à la justice et les compétences linguistiques des cadres exemptés, conformément au plan de travail qu'on s'est donné il y a quelques semaines.
    Ce matin, on a le plaisir de recevoir M. Jean-Pierre Corbeil, spécialiste en chef de la Section des statistiques linguistiques. Comme vous le savez, M. Corbeil a fait une étude spécifique sur les communautés linguistiques en situation minoritaire.
    Monsieur Corbeil, il nous fait plaisir de vous accueillir de nouveau à notre comité. On a eu le temps de régler quelques petits détails administratifs depuis votre dernière visite. C'est pourquoi ce matin nous sommes tout ouïe et pleinement disposés à vous entendre.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci, messieurs les députés.
    Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous. Dans mon exposé, je ferai un survol de l'évolution de la situation linguistique au pays. Je me fonderai sur les statistiques tirées des recensements, en particulier celui de 2006. Par la suite, je présenterai quelques-uns des résultats tirés du rapport intitulé « Les minorités prennent la parole : résultats de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle », qui a été diffusé le 11 décembre dernier.
    Je présenterai d'abord l'évolution du nombre et du poids relatif des grands groupes linguistiques au Canada. Je vous invite à suivre avec moi l'information que j'ai distribuée. À la page 2, on présente la première diapositive, qui traite des tendances observées au cours des 25 dernières années. En fait, ces tendances se sont accentuées entre 2001 et 2006. Au recensement de 2006, on dénombrait environ 18 millions de Canadiens ayant l'anglais comme langue maternelle, c'est-à-dire une hausse de 3 p. 100 depuis 2001, et environ 6,9 millions de Canadiens de langue maternelle française, soit une augmentation de 1,6 p. 100.
    Les anglophones représentent encore la majorité de la population, bien sûr. Bien que leur nombre ait continué de s'accroître, leur poids au sein de la population canadienne est passé de 59,1 p. 100, en 2001, à 57,8 p. 100, en 2006. Il en va de même pour la population de langue maternelle française. Sa part relative est passée de 22,9 p. 100, en 2001, à 22,1 p. 100 cinq ans plus tard, en 2006.
    Évidemment, en raison de la hausse importante de l'immigration depuis le milieu des années 1980, essentiellement composée de personnes de langue maternelle autre que le français ou l'anglais, le poids de ceux qu'on appelle les allophones a rapidement augmenté. Il était de 13 p. 100 en 1986, de 17 p. 100 en 1996 et de 20 p. 100 en 2006.
    Toujours à la page 2, à la deuxième diapositive, on observe qu'au Canada, l'usage des langues...
    Veuillez attendre un instant, monsieur Corbeil.
    Monsieur le président, je veux simplement savoir si la présentation sera d'une durée de 20 minutes, suivie d'une période de questions.
    Exactement.
    Je posais la question parce que je ne savais pas si on pouvait vous interroger pendant votre présentation.
    Monsieur le président, le document que s'apprête à lire M. Corbeil sera-t-il déposé? Pourriez-vous me dire si on va pouvoir obtenir son texte par la suite?
    Oui, bien sûr. On pourra le faire circuler. Je veux simplement faciliter l'interprétation des premières diapositives.
    Je voudrais vous rappeler brièvement la procédure. Habituellement, on accorde à peu près 10 minutes au témoin et on fait ensuite un premier tour de questions.
    Ça va.
    Je propose qu'il prenne le temps qu'il voudra, 10 ou 15 minutes. Cela ne me pose pas de problème. On va chercher de l'information.
    En fait, il y a deux sujets: le recensement et l'enquête. Souhaitez-vous poser des questions entre les deux sujets, ou attendre à la fin?
    Je pense qu'on va donner le temps à M. Corbeil de faire sa présentation. Ensuite, nous pourrons continuer.
    Donc, comme je le disais, à la deuxième diapositive, à la page 2, on observe que l'usage des langues autres que le français ou l'anglais le plus souvent à la maison est moins répandu que la proportion que ces langues représentent comme langues maternelles. Ceci découle de l'utilisation de l'une ou l'autre des deux langues officielles à la maison par les allophones, ce qu'on appelle essentiellement des transferts linguistiques.
    On sait par exemple que l'importance des allophones parmi les immigrants, c'est-à-dire la proportion des immigrants qui n'ont ni le français ni l'anglais comme langue maternelle, a augmentée depuis les années 1980. En fait, en 1981, les allophones représentaient 60 p. 100 des immigrants, alors qu'en 2006, ils représentaient 80 p. 100 des immigrants. Donc, on voit qu'il y a une croissance très importante de la composition de l'immigration. Toutefois, la proportion des francophones, en immigration, est toujours restée très faible, c'est-à-dire autour de 2 à 4 p. 100.
    Il y a près d'un allophone sur deux qui parle le français ou l'anglais le plus souvent à la maison. Si on ajoute à cela ceux qui parlent soit le français ou l'anglais en plus de leur langue maternelle, on atteint à peu près 68 p. 100 de la population. Donc, vous pouvez voir l'attrait important, à l'extérieur du Québec, de l'anglais auprès des immigrants.
    À la page 3, si on examine la situation des francophones qui vivent à l'extérieur du Québec, on observe qu'il y a une réduction continue depuis à peu près un demi siècle du poids relatif du français langue maternelle, c'est-à-dire ce qui est en rouge, et de la langue parlée à la maison, ce qui est en vert.
    À l'extérieur du Québec, en 2006, on comptait 975 000 personnes de langue maternelle française, c'est-à-dire 4,1 p. 100 de la population. On sait que c'est une diminution par rapport à 2001, alors qu'on comptait 980 000 personnes dans cette situation. Donc, il y a eu une baisse de 5 000 francophones à l'extérieur du Québec.
    À cause de l'anglicisation des francophones, le français n'est parlé plus souvent à la maison que par 2,5 p. 100 de la population. On parlait de 975 000 personnes qui ont le français comme langue maternelle, mais seulement 605 000 personnes le parlent le plus souvent à la maison. C'est ce qui est représenté sur ce graphique, qui montre que l'importance du français parlé à la maison est beaucoup inférieure au poids de ceux qui ont le français comme langue maternelle.
    La langue maternelle, telle que définie dans le recensement, c'est la première langue qui a été apprise dans l'enfance et qui est encore comprise au moment du recensement.
    À la page 4, il y a un graphique qui montre que les francophones à l'extérieur du Québec — c'est une surprise pour personne — est une société vieillissante, où les jeunes sont de moins en moins nombreux, en raison de la faible fécondité et de la transmission incomplète de la langue maternelle. Si vous examinez ce graphique, vous pouvez constater que les lignes jaunes représentent le nombre de francophones en 1971, selon le groupe d'âge, et les lignes rouges représentent le nombre de francophones en 2006. Vous voyez assez clairement que le nombre de jeunes est à peu près comparable au poids relatif des personnes âgées de 70 à 74 ans. Vous voyez donc qu'il y a quand même une érosion importante chez les plus jeunes. De plus, on compte 34 000 enfants de moins de cinq ans. Ils sont près de trois fois moins nombreux que les adultes de 45 à 49 ans, qui, eux, constituent un groupe d'environ 94 000 personnes.
    Cela vous donne une idée de l'évolution de la situation pour les francophones à l'extérieur du Québec.
    Si on passe à l'examen de la situation des anglophones du Québec, on observe que la proportion de l'anglais langue maternelle et celle de l'anglais langue parlée le plus souvent à la maison sont restées à peu près stables entre 2001 et 2006. C'est un renversement de la situation qui prévalait depuis très longtemps. On sait que la proportion des anglophones avait toujours diminué d'un recensement à l'autre depuis 1851. Quant à leur nombre, il est à la hausse pour la première fois depuis 1976. Le changement qui a été observé entre 2001 et 2006 s'explique essentiellement par la baisse des pertes migratoires nettes de la population anglophone dans les échanges avec le reste du pays. Vous allez voir un exemple.
     Si vous regardez le graphique qui illustre la situation en ce qui a trait aux anglophones qui ont quitté le Québec, vous voyez très clairement que durant la période de 1976 à 1981, par exemple, un nombre très important d'anglophones ont quitté le Québec. Cela a diminué par la suite, mais on observe qu'à partir de 1986, il y avait quand même eu une augmentation du nombre d'anglophones qui quittaient le Québec. Donc, le graphique montre clairement qu'entre 2001 et 2006, c'était la première fois qu'il y avait une perte aussi faible du nombre d'anglophones au Québec. Essentiellement, c'est une perte d'à peu près 8 000 personnes. Comme je l'indiquais, c'est la perte la plus faible observée depuis la fin des années 1960.
    Si on examine la structure par âge des anglophones du Québec, à la page suivante, vous pouvez constater que la répartition par âge de la population anglophone du Québec est marquée par ces fortes pertes migratoires survenues entre 1971 et 2001. Donc, le fait que beaucoup d'anglophones aient quitté le Québec entre 1971 et 1986, en particulier, a eu une répercussion sur la population plus jeune. On voit que les cohortes qui avaient moins de 40 ans en 1971 ont vu leur effectif réduire de manière assez draconienne en 35 ans.
    Si on observe la diapositive qui montre l'écart entre le poids de la langue maternelle et celui de la langue parlée le plus souvent à la maison, on voit que cet écart s'est accru progressivement chez les allophones du Québec.
    Quand on examine la ligne rouge, qui représente la langue parlée à la maison, et la ligne bleue, qui représente la langue maternelle, on voit que la proportion de ceux qui parlent leur langue maternelle à la maison est beaucoup moins importante que la proportion de ceux dont c'est la langue maternelle. C'est donc dire qu'au Québec, historiquement, l'attrait de l'anglais a été très fort, ce qui a fait en sorte que l'anglais est le plus souvent utilisé à la maison par les allophones. Par contre, comme vous le constaterez, il y a eu un renversement de tendance, au moins depuis l'année 1976.
    À la page 7, lorsque vous examinez la diapositive du haut, vous voyez que les transferts linguistiques des immigrants allophones, c'est-à-dire le fait de parler une autre langue que sa langue maternelle le plus souvent à la maison, se font de plus en plus vers le français. Si on considère l'ensemble des immigrants allophones, plus de 60 p. 100 des immigrants allophones, en 2006, utilisaient le français le plus souvent à la maison, comparativement à un peu plus de 25 p. 100 en 1971. Cela dit, c'est la première fois depuis très longtemps que, dans l'ensemble de la population allophone et pas seulement chez les immigrants, le français est utilisé plus souvent à la maison que l'anglais. En 2006, le pourcentage était de 51 p. 100.
    Toujours à la page 7, regardons la diapositive du bas. Quand on considère la période d'immigration, on voit que la proportion des immigrants allophones qui sont arrivés au Canada après 1970 qui parlent une langue officielle le plus souvent à la maison au Québec en 2006 et utilisent le français est très élevée. En fait, entre 2001 et 2006, près de 75 p. 100 des allophones utilisaient le français le plus souvent à la maison. On sait que l'une des raisons importantes est liée à la composition de l'immigration. Depuis cinq ou dix ans, particulièrement au Québec, une proportion importante des immigrants ont l'arabe comme langue maternelle. Ils ont justement tendance à utiliser davantage le français à la maison, puisqu'ils utilisaient souvent le français avant même d'arriver au Québec.
    J'ai tenu à ajouter de l'information sur l'utilisation des langues au travail. Comme vous pouvez l'observer sur la diapositive, on voit clairement, dans la série de barres de gauche sur le graphique, que la prédominance du français au travail chez les francophones du Québec est importante. Toutefois, on voit qu'il y a eu une augmentation de l'utilisation du français au travail par les allophones et une augmentation de l'utilisation du français par les anglophones. L'utilisation du français est à la hausse chez les francophones. On est passé de 92 p. 100 à 93 p. 100, alors que chez les anglophones, l'utilisation du français au travail de façon prédominante est passée de 22 p. 100 à 23,4 p. 100. Il y a également eu une augmentation chez les allophones, c'est-à-dire que l'utilisation prédominante du français passait de 42 p. 100 à 47 p. 100. À l'opposé, on peut voir qu'à l'extérieur du Québec, l'usage prédominant du français au travail est presque exclusivement le fait des francophones, encore que 60 p. 100 d'entre eux utilisent l'anglais au travail de façon prédominante.
    Vous avez été témoin des débats qu'il y a eu, en particulier au Québec, sur les données du recensement qui ont été diffusées au mois de décembre et celles qui ont été diffusées au mois de mars sur la langue de travail. Or, vous pouvez constater sur le graphique qu'alors qu'on observait une diminution du poids de la langue maternelle française entre 2001 et 2006 et une diminution de la langue parlée le plus souvent à la maison, entre 2001 et 2006, l'utilisation du français au travail est demeurée à peu près stable. C'est évidemment un phénomène qui évolue beaucoup plus lentement et qui est régi par des mécanismes totalement différents. On parle de l'utilisation d'une langue dans la sphère publique.
    Dans la deuxième série de barres à la droite du graphique, vous pouvez constater que l'utilisation de l'anglais au travail est quand même plus importante que le poids de l'anglais comme langue maternelle. Cela tient évidemment à l'importance de l'anglais au Québec. On parle de l'utilisation tant par les francophones que par les allophones.
    J'ai tenu à vous présenter l'essentiel des résultats qui ont été diffusés dans le recensement de décembre et de mars. J'aimerais maintenant profiter de l'occasion pour vous présenter les principaux résultats qui ont été diffusés après la publication des résultats, en décembre dernier, de l'Enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle. Certains d'entre vous le savent peut-être, cette enquête a été financée par 10 ministères fédéraux. Il y a un échantillon important de francophones à l'extérieur du Québec et d'anglophones au Québec. En fait, ça nous permet...

  (0925)  

    Monsieur Corbeil, ça va très bien. Cependant, j'ai une petite demande spéciale de la part des interprètes. Pourriez-vous ralentir un peu la cadence? Merci beaucoup.
    Comme je le disais, cette enquête est majeure. C'est la première fois qu'une telle enquête est menée par Statistique Canada. L'objectif était de couvrir très large, c'est-à-dire d'obtenir de l'information qui dépassait ce qu'on peut obtenir par recensement. C'est pourquoi cette enquête contient de l'information qui porte tant sur la petite enfance, la fréquentation scolaire et l'utilisation des langues dans divers domaines de la sphère publique que sur l'accès aux soins de santé dans la langue de la minorité. Ces thèmes étaient jugés prioritaires par les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    Le premier objectif de l'enquête était donc de recueillir des renseignements relatifs à des domaines jugés prioritaires; le deuxième consistait à diffuser des informations statistiques utiles à l'élaboration de politiques et à la mise en oeuvre de programmes; et le troisième avait pour but de procurer une base de données qui offre des éléments de réponse aux problématiques identifiées par les chercheurs gouvernementaux, universitaires et privés en ce qui concerne les minorités de langue officielle.
    Comme vous pouvez le voir à la page 11 de ma présentation, le 11 décembre dernier, lors de la diffusion des premiers résultats du rapport d'analyse, on a abordé quatre sujets principaux: l'appartenance identitaire ou les perceptions subjectives liées à la vitalité; l'utilisation des langues dans les activités quotidiennes; l'utilisation des langues de la minorité dans l'accès aux services de soins de santé; et la fréquentation scolaire.
    Examinons d'abord les principaux résultats qui ont émergé du module portant sur l'appartenance identitaire et ce qu'on appelle la vitalité subjective, c'est-à-dire les perceptions concernant la vitalité de la communauté. Sur la première diapositive de la page 12, la proportion des adultes de langue française qui ont déclaré s'identifier tant au groupe francophone qu'au groupe anglophone est élevée dans toutes les provinces à l'extérieur du Québec. La bande rouge de la diapositive représente les personnes de langue française, puisqu'il faut se rappeler que cette enquête tenait compte non seulement des personnes qui ont le français comme langue maternelle, mais également des personnes qui ont le français comme première langue officielle parlée. Donc, on tient compte des immigrants ou des allophones qui ont adopté le français comme première langue officielle parlée.
    En examinant ce graphique, vous pouvez constater que dans pratiquement toutes les provinces, sauf au Québec, la bande rouge représente ceux qui indiquent s'identifier aux deux groupes. Donc, cela représente essentiellement 50 p. 100 des francophones à l'extérieur du Québec.
    Quand on examine la situation au Québec, toujours la bande rouge sur la diapositive du bas, vous pouvez voir que bien qu'elle soit un peu moins élevée, la proportion des adultes de langue anglaise au Québec qui déclarent s'identifier aux deux groupes linguistiques est aussi assez élevée, c'est-à-dire qu'un peu plus de 40 p. 100 des personnes de langue anglaise au Québec ont déclaré s'identifier tant au groupe francophone qu'au groupe anglophone.
    Cette enquête a mesuré l'importance perçue de la prestation de services des gouvernements provincial et fédéral en français aux adultes de langue française à l'extérieur du Québec. Vous pouvez voir que la proportion des adultes de langue française qui déclarent considérer important ou très important que les services des gouvernements provincial et fédéral soient offerts en français atteint près de 85 p. 100 à l'extérieur du Québec.
    De même, au Québec, la proportion des adultes de langue anglaise qui considèrent important que les services des gouvernements provincial et fédéral soient offerts en anglais dépasse 90 p. 100: 93 p. 100 de la population anglaise du Québec considère qu'il est très important ou important que ces services soient offerts dans la langue de la minorité.
    Je vais maintenant passer à la page 14. On a aussi posé des questions sur la perception de la vitalité de la communauté francophone au sein de la municipalité de résidence.

  (0930)  

    On peut constater qu'à l'extérieur du Québec, un peu plus de 40 p. 100 de la population de langue française considère...
    Monsieur Corbeil, votre énoncé va très bien. Seulement, je vois qu'il reste encore beaucoup de transparents. Je vous invite à résumer afin qu'on puisse passer ensuite aux questions des parlementaires. Je tiens à rappeler à mes collègues qu'il y a un décalage d'une page par rapport à votre document. Nous sommes à la page 12, alors que vous êtes à la page 13.
    Il sera assez facile pour moi de résumer.
    Lorsqu'on examine ces thèmes, il semble y avoir un certain écart entre les perceptions des gens et leur comportement dans la vie quotidienne. D'une part, on s'identifie aux deux groupes linguistiques et, d'autre part, on considère qu'il est très important d'obtenir des services dans la langue de la minorité et que la vitalité de la communauté est assez forte. Environ 40 p. 100 de la population à l'extérieur du Québec considère que la vitalité de leur communauté est assez forte.
    Au Québec, il est intéressant de constater que les anglophones semblent un peu plus pessimistes concernant l'avenir de leur communauté que ne le sont les francophones à l'extérieur du Québec. C'est ce qu'ont démontré les résultats.
    Comme vous pourrez le constater sur les autres diapositives, l'utilisation de l'anglais chez les adultes de langue anglaise au Québec est assez importante, peu importe le poids qu'ils représentent au sein de leur municipalité de résidence. À l'extérieur du Québec, c'est un phénomène tout à fait différent. On sait que 42 p. 100 des adultes de langue française à l'extérieur du Québec résident dans des municipalités où ils représentent moins de 10 p. 100 de la population. Or, cette situation influence beaucoup leur comportement et leur perception.
    Les résultats ont démontré que l'utilisation du français par les francophones à l'extérieur du Québec est directement liée au poids qu'ils représentent dans leur municipalité. Au Québec, ce n'est pas tout à fait ce qu'on observe. Peu importe le poids qu'ils représentent dans leur municipalité, les anglophones utilisent l'anglais de façon importante.
    On a posé des questions sur l'utilisation des langues dans l'accès aux services de soins de santé. Tant les francophones que les anglophones du Québec ont mentionné qu'il était important pour eux de recevoir des services de santé dans la langue de la minorité. En fait, plusieurs francophones à l'extérieur du Québec ont mentionné qu'il était très difficile pour eux d'obtenir des services de santé dans leur langue.
    Finalement, certains des résultats importants de l'enquête ont touché la fréquentation scolaire, thème qui est abordé à la page 18. Parmi les principaux résultats, 53 p. 100 des enfants dont un des parents est de langue française sont inscrits dans une école française au primaire, comparativement à 44 p. 100 au secondaire. Ce sont des gens qui, en vertu de la Charte, pourraient envoyer leurs enfants dans des écoles de la minorité, mais qui ne le font pas pour un certain nombre de raisons. L'enquête en dévoile un certain nombre. Il faut se rappeler qu'environ 40 p. 100 des parents dont les enfants fréquentent une école de la majorité, un programme régulier, auraient souhaité envoyer leurs enfants dans une école de la minorité.
    Comme vous pourrez également le constater en examinant le rapport diffusé le 11 décembre dernier, il existe un lien très étroit entre les caractéristiques linguistiques des parents. Les parents qui sont tous deux francophones ont tendance à envoyer leurs enfants dans une école de la minorité de façon assez générale. À l'inverse, la proportion des couples composés d'un francophone et d'un anglophone qui envoient leur enfants dans une école de la minorité est beaucoup plus faible.
    Au Québec, la réalité est tout à fait différente. Une bonne partie des adultes de langue anglaise qui ont une langue maternelle autre que le français ou l'anglais ne peuvent envoyer leurs enfants dans une école de langue anglaise.
    J'ai présenté beaucoup d'information. J'espère que je n'ai pas créé trop de confusion. J'aimerais simplement dire que cette enquête sur la vitalité regorge d'informations beaucoup plus détaillées sur la situation des minorités de langue officielle, comparativement à ce qu'on avait pu observer dans le cadre du recensement canadien.

  (0935)  

    Merci beaucoup, monsieur Corbeil. Je vous remercie aussi d'avoir synthétisé pareille quantité d'information, d'abord avec Statistique Canada, de façon générale, et plus spécifiquement par la suite. Je suis certain que plusieurs questions vous permettront d'expliciter la situation. On commencera par l'opposition officielle.
    Monsieur D'Amours, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Corbeil, d'être devant nous encore une fois ce matin. J'aimerais revenir sur votre présentation, aux pages 3 et 4. Je commencerai par la question des francophones hors Québec. S'il me reste du temps, je parlerai peut-être des anglophones qui vivent au Québec.
    Quand on fait une comparaison entre les deux groupes, il est quand même clair qu'il y a une diminution constante du nombre des francophones et une stabilité visible du nombre d'anglophones au Québec. Il peut y avoir bien des raisons à cela. Je vais peut-être un peu mélanger les choses, mais entre 1976 et 1981, on sait qu'il s'est passé des événements au Québec, sur le plan politique, qui ont peut-être provoqué des peurs. Comment expliquer autrement un exode soudain d'une telle ampleur? Il y a eu l'arrivée d'un nouveau gouvernement et la question de la séparation, et c'est peut-être une certaine réalité. Je ne sais pas si vous en avez étudié l'impact en profondeur.
    Lorsqu'on observe la situation des francophones hors Québec, c'est quand même un peu inquiétant. J'en suis un moi-même, je vis au Nouveau-Brunswick. S'agit-il d'une tendance qui pourrait peut-être se redresser ou d'une tendance qui se perpétue de telle sorte qu'on peut s'attendre à voir le nombre de francophones continuer à diminuer? Il est certain que la population canadienne grandit, mais elle ne grandit pas nécessairement seulement grâce aux francophones. Donc, c'est certain que lorsqu'on utilise le pourcentage, on peut se demander s'il est toujours le même, mais vous avez dit qu'il y avait eu une perte nette en termes du nombre d'individus.
     À ce moment-là, ce n'est plus une question de pourcentage, c'est parce qu'il y a vraiment moins de francophones hors Québec à l'intérieur du Canada. Selon toutes vos analyses, peut-on croire que cela va continuer, ou y a-t-il des choses qui pourraient être faites pour essayer de limiter cela? Je comprends que je pourrais faire ma part et avoir plus d'enfants, mais cela veut dire qu'il y en a d'autres qui n'ont pas fait leur part. Y a-t-il seulement la natalité ou y a-t-il d'autres éléments qui entrent en ligne de compte dans cette analyse?

  (0940)  

    Merci de votre question.
    On sait qu'en démographie, quand on essaie de comprendre l'évolution des groupes linguistiques, on tient compte d'un certain nombre de facteurs. Vous avez mentionné le taux de natalité ou ce qu'on appelle la fécondité. Cela dit, les francophones ne font pas nécessairement moins d'enfants que les anglophones. Donc, il y a d'autres facteurs qui viennent influencer l'évolution du groupe linguistique. Chez les francophones de l'extérieur du Québec, ce qui influence directement l'évolution des groupes linguistiques, c'est la migration entre les provinces. Si vous vous rappelez, entre 1996 et 2001, il y avait eu une augmentation de 10 000 francophones à l'extérieur du Québec, et la plus forte proportion de cette croissance était attribuable à la migration des francophones vers l'extérieur du Québec. Pour l'essentiel, la plupart de ces francophones s'étaient dirigés vers l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Donc, la migration entre les provinces est un facteur qui joue beaucoup, tout comme il joue beaucoup pour les anglophones du Québec.
    Chez les francophones de l'extérieur du Québec, depuis un certain nombre d'années, on table sur l'immigration. On se dit que si on n'a pas un taux de natalité suffisamment élevé, on va miser sur l'immigration internationale.
    Il faut garder à l'esprit qu'à l'extérieur du Québec, il y a environ 1 p. 100 des immigrants qui ont le français comme première langue officielle parlée. Donc, c'est un défi, comme vous pouvez vous en douter, qui est important pour changer cette situation. On sait que la structure par âge, les transferts linguistiques, c'est-à-dire la non-transmission, le fait d'utiliser l'anglais à la maison le plus souvent et la transmission intergénérations, c'est-à-dire le fait de transmettre ou non le français aux enfants, entraînent également une diminution du nombre de francophones à l'extérieur du Québec. Plusieurs facteurs ont une influence, mais certainement, à l'extérieur du Québec, la non-transmission du français aux enfants, la part assez faible du français dans l'immigration à l'extérieur du Québec et la mobilité importante des francophones d'une province à l'autre expliquent beaucoup l'évolution.
    Prenons l'exemple d'un francophone qui va s'établir en Alberta. Cette province est quand même plus anglophone que l'Ontario. En tout cas, il y a moins de francophones qu'en Ontario. Vous avez dit « certaines provinces ». Si un francophone quitte une région pour une province plus anglophone et qu'il décide de s'y marier et d'y avoir des enfants, même avec la meilleure volonté du monde de la part des parents, c'est certain qu'il peut y avoir un switch. Il sera plus difficile de les pousser à parler français alors que l'environnement général est anglophone. On ne parle pas nécessairement d'assimilation, mais s'ils demeurent là, il y a des chances que ces enfants marient des anglophones. Il est certain que la langue se perd petit à petit.
    Les francophones ont des besoins, et si on ne peut pas y répondre, ils feront face à des problèmes. Si plus de services en français étaient disponibles dans ces régions, cela pourrait peut-être favoriser le renversement de cette tendance.
    Qu'en pensez-vous?
    D'après les résultats obtenus, entre autres dans le cadre de cette enquête, si les parents choisissent d'envoyer leurs enfants dans des garderies francophones où la présence du français est plus importante, ce choix a une influence directe sur la fréquentation scolaire dans les écoles françaises par la suite. Ce n'est qu'un exemple, mais la petite enfance a souvent été identifiée comme un secteur important. Il est clair que lorsqu'on commence dès le plus jeune âge, cela peut avoir une influence assez importante sur l'évolution de la situation.
    La fréquentation scolaire en français influence les attitudes et les perceptions, qui peuvent éventuellement influencer les comportements.

  (0945)  

    Merci, monsieur D'Amours.
    On va maintenant continuer avec le représentant du Bloc québécois M. Richard Nadeau.
    Merci, monsieur Blaney.
    Bonjour, monsieur Corbeil.
    Les chiffres ne m'étonnent pas. Je m'intéresse à la question depuis très longtemps. Certaines choses me surprennent toujours un peu. Je ne vous ai pas entendu prononcer une seule fois le mot « assimilation », mais vous avez dit « anglicisation ». On s'entend: c'est la même chose.
    Je me souviens, quand je travaillais à la FFHQ, qui est devenue la FCFA, on parlait de la rétention du fait français dans les milieux minoritaires. En Saskatchewan, chez les jeunes, elle était de 15 p. 100. À un moment donné, elle est montée à 15,4 p. 100. En réalité, l'assimilation était à 84 p. 100.
    Prenons le tableau du bas de la page 3. Si j'étais responsable d'un chantier de construction et qu'il y avait annuellement 20 p. 100 de décès chez mes travailleurs, je me poserais de sérieuses questions. Depuis 1951, les taux d'assimilation sont effarants et ne s'améliorent pas. On sait pertinemment que cette situation existe et que si elle existe toujours, c'est que la volonté politique de respecter les minorités francophones a toujours fait défaut.
    La bonne vieille théorie d'Henri Bourassa, celle du Québec et de ses satellites, qu'on entend au ministère du Patrimoine canadien depuis je ne sais combien de temps, ne fonctionne pas, sauf si on s'en sert pour montrer à quel point on peut venir rapidement à bout d'assimiler les francophones.
    Tout à l'heure, on se demandait comment les taux d'assimilation pouvaient être aussi élevés. Cela inquiète M. D'Amours, qui vient pourtant de la « République du Madawaska », le pays des Brayons, qui est très francophone comparativement à d'autres endroits à l'extérieur du Québec. Imaginez ce que c'est dès que l'on s'éloigne du Québec ou de l'Acadie.
    Ce sont les provinces qui offrent les services de santé — on vient au monde avant d'aller à l'école — et qui gèrent les systèmes scolaires et les services sociaux venant en aide aux familles et aux jeunes en difficulté. Tout cela relève des provinces. L'aide au revenu relève également des provinces. Or, ce sont les provinces qui ont aboli le système scolaire et les services en français. Elles n'ont pas voulu mettre en place de services en français. On l'a fait tout dernièrement pour plaire au Québec parce qu'on y brasse la cage pour obtenir l'indépendance. On l'a fait pour plaire aux Québécois et non pas pour les minorités. Je l'ai vécu. Le gouvernement fédéral ferme les yeux sur cette question ou il essaie de mettre des diachylons sur les jambes de bois. C'est le tableau de la situation.
    MM. Coderre et Lemieux trouvent ça drôle, mais moi, je trouve ça extrêmement triste, et c'est la raison pour laquelle moi, Franco-Ontarien et Fransaskois, je suis devenu un indépendantiste québécois. On peut voir le sort réservé aux minorités francophones au Canada. Telle est la réalité.
    À Statistique Canada, lorsque vous produisez un tableau comme celui du bas de la page 3, analysez-vous la cause de cette pente descendante? Je sais que vous travaillez sur le plan statistique et que vous n'avez pas à faire l'analyse de la volonté politique. Faites-vous des études sur les services qui n'existent pas afin qu'une telle réalité se poursuive et persiste? Cela dépend malheureusement de la volonté politique, et s'il s'agit effectivement de nous faire disparaître des provinces autres que le Québec...
    Allez-vous aussi loin? Faites des études sur cet aspect?

  (0950)  

    Votre question est importante. En dépit du fait que le recensement canadien comporte sept questions de nature linguistique — le Canada est le seul pays au monde à poser autant de questions de nature linguistique dans un recensement —, une enquête comme celle sur la vitalité des minorités, qui nous permet justement de creuser ce genre de phénomène, est tout à fait nouvelle. On a abordé les questions de perception. Il est clair qu'il y a souvent des dynamiques assez complexes. Il est difficile de savoir si c'est la poule ou l'oeuf qui vient d'abord. On sait, par exemple, que chez beaucoup de francophones de l'extérieur du Québec, le fait de s'identifier aux deux groupes fait en sorte que dans certaines situations, plutôt que de revendiquer des services, on se dit qu'on n'en a pas besoin puisqu'on est bilingue. D'autres chercheurs l'ont déjà démontré, notamment Rodrigue Landry de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.
    Il y a l'information de nature plus démographique, c'est-à-dire de l'information sur le poids de ces minorités. Les études montrent très clairement que plus on est nombreux dans une municipalité, plus on revendique des services, plus on utilise la langue et plus on la transmet aux enfants. Évidemment, 40 p. 100 des francophones de l'extérieur du Québec résident dans des municipalités où ils représentent moins de 10 p. 100 de la population. Il est certain que ça influence non seulement leur comportement mais aussi leurs perceptions. Selon nos observations, les gens qui demeurent dans ces municipalité ont parfois tendance à se dire que c'est important. La plupart des gens considèrent qu'il est très important que leurs enfants puissent parler la langue de la minorité. Néanmoins, dans certains cas, ils choisissent d'envoyer leurs enfants dans des écoles anglaises parce que la qualité du programme y est supérieure ou parce qu'il n'y a pas d'autre école disponible, ou pour toutes sortes de raisons. Cependant, il est clair que la question de la disponibilité des services fait en sorte qu'on a tendance à utiliser davantage la langue de la majorité.
    Merci, monsieur Corbeil et monsieur Nadeau.
    Nous poursuivons maintenant avec M. Godin.
    Merci, monsieur le président.
    D'abord, je vous souhaite la bienvenue. Vous disiez tout à l'heure que des francophones laissaient des régions et s'en allaient ailleurs, au Québec, mais aussi en Alberta. Un nombre assez important de francophones ont quitté l'Acadie pour s'en aller en Alberta. C'est causé par les problèmes économiques qu'on a au pays. Certains disent qu'il n'y a pas de problèmes économiques parce qu'il y a des emplois en masse, qu'on est même obligé de faire venir des immigrants pour combler les postes et qu'encore là, on en manque. Toutefois, tout le travail est concentré dans une province anglophone. On ne peut pas se le cacher, l'Alberta est une province anglophone.
    Lorsque le nombre de francophones baisse dans une région comparativement au nombre d'anglophones, cette étude fait-elle un suivi pour savoir où sont passés ces gens? Ils ne sont pas tous décédés. Ils ont changé de place, mais où sont-ils allés?
    Avez-vous des statistiques qui disent exactement où ils sont? Là où ils sont, y a-t-il des écoles françaises? À quel soutien communautaire ces gens peuvent-ils s'attendre? Arrivent-ils dans un endroit anglophone? Se retrouvent-ils seuls et se disent-ils que c'est bien plus facile d'utiliser l'anglais? Comme vous l'avez mentionné plus tôt, parfois les écoles ou les programmes en anglais sont meilleurs.
    Peut-on trouver ce genre de choses dans votre étude et voir ce qui est arrivé?

  (0955)  

    Votre question est très importante. Elle démontre l'importance de la recherche et l'importance d'avoir des bases de données suffisamment solides pour avoir ce genre d'information.
    Dans le recensement, on demande où les gens étaient il y a cinq ans et où ils étaient il y a un an. Cela nous permet au moins de savoir où se sont établis les gens qui ont déménagé. Quant à savoir s'ils ont eu des services, des écoles et tout cela une fois qu'ils se sont établis, oui, des fichiers administratifs permettent d'avoir ce genre d'information. Toutefois — et peut-être est-ce ce que cette enquête sur la vitalité a pu démontrer —, pour pouvoir répondre à ce genre de question, on a besoin d'information, on a besoin de bases de données et on a besoin de recherches. Autrement, on est dans le flou, dans le brouillard.
    On peut donc partiellement dire où ils sont allés s'établir, mais on ne sait pas pour quelles raisons, pour quels motifs. Vous parlez du Nouveau-Brunswick. On y voit clairement un déplacement important des gens des régions rurales vers les régions plus urbaines. On n'a pas beaucoup d'information pour nous aider à comprendre les causes de ce phénomène.
    Donc, une partie des données nous manque. Il faudrait que vous fassiez une étude plus en profondeur.
    Il est clair qu'une étude est nécessaire pour arriver à mieux comprendre ces phénomènes. Par exemple, quand au Nouveau-Brunswick les jeunes quittent les régions rurales, une certaine infrastructure devient déficiente à long terme puisqu'il s'agit alors d'une population plus vieillissante. Il y a une question d'emploi et d'infrastructure économique. Il s'agirait d'essayer de comprendre tous les liens entre ces différents éléments.
    Lors de notre tournée nationale, nous avons parlé des garderies situées dans les écoles françaises. En envoyant leurs enfants à la garderie d'une école française, les parents qui vivent à Vancouver ou même à Edmonton leur donnent l'occasion de commencer dès leur plus jeune âge à parler le français et de maintenir cette langue par la suite. À la maison, les enfants parlent français également. Pour ce qui est de l'anglais, ils l'apprennent automatiquement. On n'habite pas en Alberta ou à Vancouver sans apprendre l'anglais.
    Je ne sais pas si lors de vos recherches, vous avez demandé aux francophones pourquoi leurs enfants finissaient par devenir anglophones. Cette question est à la base du problème. Dans le cadre du plan d'action, à quoi devrait-on accorder la priorité, de façon à s'assurer que les francophones du Canada et les anglophones du Québec puissent vraiment conserver leur langue?
    Certaines études ont montré que le choix de l'école ou de la garderie — française ou anglaise — dépendait beaucoup de la disponibilité. Toutefois, un des défis importants est qu'une proportion assez importante des francophones vivant à l'extérieur du Québec ont un conjoint anglophone.
    Les études ont démontré que dans bien des cas, les francophones étaient déjà anglicisés avant de former un couple avec un conjoint anglophone. Ça rend parfois le choix de l'école ou de la garderie difficile. En fait, à partir du moment où un conjoint anglophone est impliqué, une décision doit être prise en ce sens. L'exogamie et la croissance des unions exogames à l'extérieur du Québec représentent donc un défi important.

  (1000)  

    Dans le cadre de notre étude, on nous avait dit que des écoles anglaises avaient été fermées parce qu'on voulait en bâtir de nouvelles, mais que ces vieilles écoles, jugées inutilisables, avaient été transférées aux francophones. Voilà qui n'est pas très attrayant. En fait, on avait jugé que ces écoles ne pouvaient plus être utilisées par la communauté anglaise parce qu'elles étaient dépourvues d'installations comme des gymnases, entre autres.
    Votre temps est écoulé, monsieur Godin.
    Dans le cadre de vos recherches, vous avez aussi parlé de la qualité de l'éducation.
    Une des raisons invoquées par certains parents de langue française pour avoir choisi des écoles anglaises plutôt que des écoles françaises était la qualité des programmes et des ressources disponibles.
    Merci. Nous allons maintenant passer au secrétaire parlementaire, monsieur Lemieux.
    Merci pour votre présentation et pour les diapositives.
    Il est évident, quand on voit tous ces résultats, qu'il s'agit d'une affaire complexe. Plusieurs critères peuvent nous aider grandement à évaluer les deux langues officielles partout au Canada.
    Toutefois, une question primordiale se pose. Il est arrivé, pendant les réunions du comité, qu'on se demande ce que signifiaient les mots « anglophone » et « francophone ». De temps à autre, quand un député pose une question au représentant d'un organisme provenant d'une communauté de langue officielle en situation minoritaire, le mot « francophone » cause problème.
    En tenant compte des résultats qu'on nous présente aujourd'hui, pourriez-vous me dire quelle est la définition de Statistique Canada des mots « anglophone » et « francophone »?
    Merci. C'est une excellente question. En ce moment, elle fait l'objet d'un bon nombre de débats parmi les chercheurs. Il n'y a pas de définition canonique, si on peut dire, de ce qu'est un anglophone ou un francophone.
    Pour définir ce qu'était un francophone, Statistique Canada se fondait par le passé sur le critère de la langue maternelle, c'est-à-dire qu'on utilisait la définition figurant dans la Charte canadienne des droits et libertés et dans la Loi sur les langues officielles. Il s'agit de la première langue apprise à la maison dans l'enfance et encore comprise au moment du recensement. Toutefois, depuis 1991...
    Un instant, s'il vous plaît. Par respect pour notre témoin et pour nous permettre de bien entendre ce qu'il dit, je demanderais aux députés qui veulent converser d'aller le faire à l'extérieur de la salle.
     Je vous invite à continuer, monsieur Corbeil.
    Depuis 1991, on utilise le concept de première langue officielle parlée. En fait, ce concept est dérivé de questions qui existent déjà dans le recensement, à savoir la connaissance des langues officielles, la langue maternelle et la langue parlée à la maison. Ce concept de la première langue officielle parlée est utilisé par bien des gens dans les communautés parce qu'il tient compte des personnes dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais.
    Par exemple, le Canada a accueilli plus d'un million de nouveaux immigrants au cours des cinq dernières années. Or, 80 p. 100 de ces gens n'ont ni le français ni l'anglais comme langue maternelle. On avait l'habitude d'utiliser le terme « allophone » pour désigner les gens parlant une  autre langue, sauf que de plus en plus de gens utilisent l'anglais depuis leur jeune âge. Bien que ce ne soit pas leur langue maternelle, ils se considèrent comme des anglophones. De la même façon, à l'extérieur du Québec, des immigrants provenant de l'Algérie ou du Maroc et dont la langue maternelle est l'arabe se considèrent francophones parce qu'ils utilisent le français au quotidien. Pour cette raison, Statistique Canada n'impose pas de définition du terme « francophone ».
    Je sais qu'il y a toutes sortes de débats entourant les critères à utiliser pour définir ce qu'est un francophone. Certains considèrent la langue parlée à la maison, d'autres la langue maternelle, et d'autres encore la première langue officielle parlée.

  (1005)  

    J'ai remarqué, dans le sommaire des résultats, que les chiffres étaient assez semblables de 2001 à 2006, bien qu'il y ait peut-être une augmentation de 1, 2 ou 3 p. 100 dans une catégorie ou une baisse du même ordre dans une autre catégorie. Ces résultats sont-ils significatifs? Se peut-il que la confusion au sujet de la définition des termes «  francophone » et « anglophone » ait eu une incidence sur la variation dans les résultats? Les personnes qui remplissent les formulaires de recensement et les organismes qui fournissent de l'information aux gens comprennent-ils clairement ces définitions?
    C'est une excellente question. Dans le recensement canadien, les mots « francophone » et « anglophone » n'apparaissent nulle part. On pose une question sur la langue qui a été apprise en premier. Ce peut être le français, l'anglais ou une autre langue. Dans un nombre de cas non négligeable, les gens ont deux langues maternelles, soit l'anglais et le français. On doit décider, mais ce n'est pas nécessairement nous qui décidons. Certaines personnes choisissent d'utiliser cette double catégorie; certains les placent dans la catégorie « français », d'autres, dans la catégorie « anglais ». Par le biais du recensement, Statistique Canada publie des informations, mais nulle part sur le formulaire du recensement on ne définit ce qu'est un francophone ou un anglophone.
    Je vais répondre à la deuxième partie de votre question. L'évolution de la situation depuis cinq ans est très significative. En fait, elle découle principalement de la très forte croissance de l'immigration. J'ai mentionné que le Canada a reçu 1,1 million de nouveaux immigrants depuis cinq ans. Le poids relatif de l'anglais comme langue maternelle a diminué, tout comme le poids relatif du français comme langue maternelle. Cette diminution est la plus importante qu'on ait observée depuis plusieurs années.
    Quant à savoir s'il y a une évolution des francophones, si on utilise le critère de la langue maternelle, on voit définitivement une baisse, tant de l'anglais que du français. Par contre, les anglophones du Québec privilégient le concept de première langue officielle parlée, puisque environ 13 p. 100 de la population a l'anglais comme première langue officielle parlée. Or, si on utilisait le critère de la langue maternelle, ce serait 8,1 p. 100 de la population.
    C'est un choix que les gens font à l'extérieur du Québec. Certains vont préférer utiliser la langue maternelle pour définir les francophones. En Ontario, il y a des gens qui préfèrent utiliser uniquement le critère du français parlé à la maison. Dans ce cas, on passe de 500 000 à 300 000 personnes. C'est pour cette raison que Statistique Canada n'impose pas de définition comme telle.
     Merci beaucoup, monsieur Lemieux.
    On va maintenant entamer notre deuxième tour et donner la parole à M. Coderre, de l'opposition officielle.
    Bonjour, monsieur Corbeil.
    La façon dont vous parlez, c'est un peu comme la météo: on peut dire ce qu'on veut avec des statistiques. J'ai déjà été ministre de l'Immigration et je peux dire que les Marocains, les Algériens ou les Tunisiens qui font partie de la Francophonie, et qui sont très francophones même s'ils apprennent l'arabe, demeurent des francophones. Je trouve qu'il est un peu arbitraire de donner un portrait et de jouer avec la notion d'allophone. Je suis un peu mal à l'aise à cet égard.
    Expliquez-moi un peu vos techniques. Contrairement à mon ami M. Nadeau et à M. Beauchemin, qui pensent que les francophones hors Québec sont des « cadavres encore chauds », je crois qu'il faut être vigilants. Le fait d'être d'accord ou non sur les services offerts et sur la philosophie des partis politiques quant à la façon de favoriser l'épanouissement d'une langue et, par conséquent, un groupe communautaire, est un problème de nature politique.
    J'aimerais qu'on parle plus en profondeur de la notion d'allophone, car ces données sont essentielles pour obtenir un portrait juste du pays. Je pense que pour l'ensemble, il est important de comprendre davantage.

  (1010)  

    Merci pour votre question.
    Je vais poursuivre ce que j'avais commencé à expliquer à M. Lemieux. Prenons l'exemple du Québec. Depuis les cinq dernières années, 75 p. 100 des allophones, soit ceux qui n'ont ni le français ni l'anglais comme langue maternelle, utilisent le français le plus souvent à la maison. Parmi ceux qui sont arrivés durant les cinq dernière années et qui parlent le français ou l'anglais à la maison, mais qui ne parlent pas leur langue maternelle le plus souvent à la maison, 75 p. 100 parlent français. Bien sûr, on peut les appeler des francophones.
    Historiquement, Statistique Canada, en distinguant français, anglais et autres, et en utilisant les vocables « francophone », « anglophone » et « allophone »... Ce qui est intéressant et important, c'est de voir justement la transition et l'évolution des pratiques linguistiques. Si on nommait tous ceux qui adoptent ou parlent le français le plus souvent à la maison ou dans leur quotidien mais qui ont une autre langue, disons l'arabe ou le roumain, comme langue maternelle...
    Là, à mon avis, vous faites une erreur d'interprétation; cela dit bien respectueusement. En effet, on parle des maghrébins, qui parlent l'arabe, bien sûr, mais qui sont des francophones, et non des allophones. Quand on participe à des conférences internationales, on le comprend très bien. Pour la plupart, ces gens demandent d'avoir recours à la traduction simultanée en français, par exemple. Pour moi, ce sont des francophones.
    On a travaillé à cette immigration non seulement avec le Québec, mais j'ai aussi signé des ententes, par exemple avec le Nouveau-Brunswick ou très certainement avec le Manitoba. Cela m'a permis de constater qu'il ne s'agissait pas d'allophones qui avaient une capacité d'apprendre plus aisément le français, donc de s'intégrer à la communauté francophone, il s'agissait de francophones qui contribuaient à l'épanouissement et à la protection du fait français.
    C'est pourquoi je vous dis que votre approche est un peu subjective. On sait que cette question, la définition du mot « allophone » et de tout le reste, constitue un débat de tous les jours. Je ne suis pas sûr de partager vos prémisses ni même d'être d'accord sur la façon dont vous allez classer les gens.
    Le recensement canadien ne nous fournit pas d'information sur les francophones, sur les anglophones ou sur les allophones. On sait, par exemple, qu'une personne a comme langue maternelle le français, l'anglais ou une autre langue. Bien sûr, on utilise ce critère de langue maternelle. Comme vous le mentionnez, on pourrait très bien utiliser celui de la langue parlée à la maison, comme on pourrait utiliser celui de la langue utilisée au travail. Toutefois, comme il y a parfois des différences importantes entre les comportements linguistiques à la maison, au travail et à titre de langue maternelle, il peut devenir assez hasardeux de dire qu'une personne est francophone parce qu'elle utilise le français au quotidien. Il se peut qu'à la maison, elle utilise l'arabe le plus souvent.
    C'est simplement pour vous donner une idée. Des gens ont l'arabe comme langue maternelle, utilisent l'arabe à la maison, alors que d'autres qui ont la même langue maternelle utilisent le français le plus souvent à la maison. On ne cherche pas à contourner cette complexité, mais on doit utiliser un terme. On pourra peut-être changer de terme avec le temps. Il y a, en ce moment, des débats sur la façon de définir quelqu'un qui a le français comme langue maternelle. Est-ce un francophone ou doit-on dire qu'il s'agit de quelqu'un qui a appris le français en premier lieu durant l'enfance et qui le comprend encore? Il faut peut-être trouver un terme. Il n'en demeure pas moins que je reconnais que les immigrants et ceux qu'on appelle les allophones nous disent souvent qu'ils ne sont pas allophones, mais francophones.
    C'est bien.
    C'est un débat. Vous avez tout à fait raison de le soulever. On se penche sur cette question afin d'essayer de trouver des solutions.

  (1015)  

    Merci beaucoup, monsieur Coderre.
     Nous retournons maintenant du côté du gouvernement, avec Me Petit.
    Merci.
     Merci, monsieur Corbeil, d'être présent aujourd'hui. Un peu plus tôt, vous avez lu un texte. Je comprends que vous allez pouvoir nous le déposer, parce que vous avez dit tellement de choses! J'ai pris des notes, mais j'ai été incapable de vous suivre, dans certains cas. Allez-vous le faire?
    Oui, bien sûr.
    Merci beaucoup. Je vais poursuivre sur la question des allophones. Le mot « allophone » me cause un problème. Je suis immigrant, je ne suis pas né au Québec. Mes parents étaient belges, mais ils étaient des deux communautés linguistiques, c'est-à-dire qu'ils formaient un couple exogame: l'un Flamand, l'autre Wallon. J'ai appris les deux langues au berceau, c'est aussi simple que cela. Lorsque je suis entré dans le milieu étudiant, j'étais aussi confronté aux deux langues. Au moment où je suis arrivé au Canada, j'ai joint la communauté francophone et, naturellement, la langue parlée à l'extérieur de la maison était le français. À la maison, c'était les deux langues.
    Lorsqu'on répondait au recensement... Même aujourd'hui, on a modifié des questions pour les rendre un peu plus faciles, mais elles nous compliquent encore la vie. La langue parlée n'est pas nécessairement tributaire d'un renseignement qui est valide. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. J'essaie de vous faire comprendre que deux langues sont parlées chez nous. Même actuellement, deux langues sont parlées chez nous: l'anglais et le français. Mes enfants sont bilingues. Alors, quelle est leur langue parlée ou leur langue maternelle? Ce sont les deux.
    La définition du mot « allophone » me cause un problème et je dirais que ce mot est péjoratif. Je me sens un peu exclu parce qu'en réalité, c'est comme si on m'excluait d'une des deux communautés et qu'on me demandait de faire un choix. Je parle deux langues; j'en parle même quatre, dans certains cas. Quand on fait des statistiques, c'est embêtant parce que les statistiques ne reflètent pas nécessairement ce pourquoi je suis au Canada.
    Au Canada, quand un immigrant se présente, c'est pour le travail d'abord, peut-être aussi pour changer de vie, pour avoir une meilleure vie, etc. Lorsque nous nous déplaçons et que nous arrivons dans un milieu, par exemple francophone, si on voit... Par exemple, en 1958, quand nous sommes arrivés, Montréal était la métropole du Canada. Aujourd'hui, c'est Toronto. Nous nous rendons où il y a du travail, nous nous déplaçons. Lorsque nous choisissons une communauté, nous arrivons, et bien souvent, nous ne savons pas quoi faire parce nous sommes dans une communauté, mais le travail nous attire vers une autre communauté.
    Lorsque vous faites vos recensements, le mot « allophone » me crée un problème; cela me crée littéralement un problème. Je suis incapable de vous suivre dans vos statistiques. C'est pourquoi j'aimerais obtenir des réponses de vous.
    J'aimerais vous poser une question plus précise concernant le milieu de travail, car c'est quand même un élément important. Quand je travaille, c'est en français. En dehors du Québec, l'utilisation du français semble avoir augmenté. Je parle des francophones hors Québec parce que c'est le sujet précis. Du moins, on utilise davantage le français actuellement dans les communautés minoritaires francophones. Est-ce exact? Cela apparaître dans votre document, il me semble, mais je n'arrive pas à le comprendre. Je vous demanderais un peu plus d'explications.
    Si vous me le permettez, je vais essayer de répondre le plus simplement et le plus clairement possible à votre première question. Il est clair que le terme « allophone » — qui a son origine au Québec, d'ailleurs — a une racine grecque. En effet, « allos » veut dire « autre », et « phonê » signifie « langue ». De plus, on utilise parfois un substitut, les tierces langues maternelles, c'est à dire ni l'anglais ni le français, mais une autre langue maternelle que l'anglais et le français. Cela peut donc être très technique.
    Le deuxième volet de cette question est qu'en principe, si vous utilisez les deux langues de façon égale à la maison, donc autant le français que l'anglais, en principe, vous indiquerez dans le recensement « français et anglais ». Si vous utilisez davantage le français mais que vous parlez l'anglais tout de même régulièrement à la maison, au deuxième volet de cette question, où on demande si vous parlez d'autres langues régulièrement à la maison, vous inscrirez « français ou anglais ».
    En fait, bien que ça puisse être confondant, Statistique Canada recueille cette information, et les gens peuvent décider si on définit quelqu'un qui utilise les deux langues le plus souvent à la maison comme une personne bilingue ou comme quelqu'un qui est plutôt francophone ou anglophone. Il y a tout un travail, et des gens choisissent une option A versus une option B. Des gens s'intéressent à la situation des francophones à l'extérieur du Québec, et si la personne parle une autre langue que le français à la maison, on la place avec les francophones. Si je m'intéresse à la situation des anglophones, je vais vous mettre avec les anglophones.
    Les gens choisissent donc d'utiliser cette information, mais lorsque vous remplissez votre questionnaire, en principe, la question devrait être claire. Si vous inscrivez deux langues, c'est que vous les utilisez également. On ne décide pas pour vous si vous êtes un anglophone ou un francophone.

  (1020)  

    Tout à fait.
    Cela dit, c'est un des éléments. Je vous avoue que le travail de Statistique Canada et de toute agence qui recueille ce genre d'information est de cartographier un peu le domaine social et de catégoriser les gens. Or, dans ce processus de catégorisation, il est clair que des gens n'acceptent pas d'être dans une catégorie plutôt que dans une autre. C'est vraiment aux gens de décider s'ils sont dans une catégorie plutôt que dans une autre.
    C'est parfait, merci.
    En ce qui a trait à votre question sur la langue de travail...
    Soyez succinct, s'il vous plaît, monsieur Corbeil.
    En ce qui a trait à votre question sur la langue de travail, on a observé que la proportion des francophones à l'extérieur du Québec qui ont déclaré utiliser le français le plus souvent au travail est demeurée stable dans les deux recensements. Par contre, à la question visant à savoir s'il y a une autre langue que celle que vous mentionnez, on répond souvent l'anglais.
    Par conséquent, lorsqu'on demande si on utilise une autre langue régulièrement au travail, on observe une légère augmentation du nombre de francophones qui disent utiliser le français régulièrement au travail. Cela est également lié au domaine dans lequel travaillent les francophones. On sait que les francophones se retrouvent beaucoup dans les domaines de la santé, de l'éducation, et dans certains secteurs de l'industrie. Il peut donc y avoir une augmentation de l'utilisation du français.
    Merci, monsieur Corbeil.
     On va maintenant passer à...
    Je veux faire ajouter mon nom à la liste, parce que je me suis...
    Monsieur Gravel, on va...
    ... retiré, tout à l'heure.
    J'ajoute votre nom, monsieur Godin. Je demande au greffier d'en prendre bonne note.
    Merci, vous êtes bien gentil.
    Merci d'être là, monsieur Corbeil.
     J'ai été surpris quand vous avez dit, lors de votre présentation, que les anglophones du Québec étaient plus pessimistes quant à leur avenir que les francophones hors Québec. Comment peut-on être pessimiste quand on est anglophone au Canada, qu'on soit au Québec ou ailleurs? Comment peut-on être pessimiste alors qu'on est entouré d'une mer d'anglophones? Je trouve cela assez particulier.
     Comment se fait-il que les francophones hors Québec ne sont pas pessimistes quant à leur avenir, alors qu'on sait que leur proportion baisse toujours?
    C'est un intéressant paradoxe, si vous me permettez d'utiliser ce terme. On a demandé aux gens comment avait évolué la présence de l'anglais au Québec et du français à l'extérieur du Québec. Au Québec, on a demandé aux adultes de langue anglaise comment avait évolué la présence de l'anglais dans leur communauté depuis les 10 dernières années. Près de 30 p. 100 des anglophones du Québec ont indiqué que la présence de l'anglais avait diminué depuis les 10 dernières années. Lorsqu'on leur a demandé comment la présence du français évoluera au cours des 10 prochaines années, une proportion de gens à peu près égale a mentionné que la présence de l'anglais va continuer à diminuer. Paradoxe intéressant: on a observé depuis cinq ans une augmentation de la présence de l'anglais au Québec.
    À l'extérieur du Québec, c'est différent. D'où cela peut-il venir? Ce que je vais vous dire n'est pas fondé sur des statistiques, mais sur des perceptions. Quand on a beaucoup de droits, de ressources, d'institutions, etc., et que ceux-ci diminuent un peu, on perçoit une baisse. En revanche, quand on n'a pas beaucoup d'institutions et que ces dernières augmentent légèrement, on est très positif parce qu'on y voit une amélioration.
     Beaucoup de gens ont dit que les communautés anglophones du Québec ont un certain nombre de ressources, d'institutions, etc. Peu importe comment la situation évolue, vous savez que les allophones doivent absolument, en vertu de la loi 101, fréquenter, pour l'essentiel, l'école française. Comment cette obligation est-elle perçue par les anglophones du Québec? Évidemment, elle est perçue comme une situation très difficile. Par contre, à l'extérieur du Québec, s'il y a une augmentation, même légère, de la fréquentation des écoles françaises — même si elle est de loin inférieure à ce qu'on observe chez les anglophones du Québec —, on perçoit quelque chose de positif et il y a un certain optimisme.

  (1025)  

    Les anglophones du Québec se rendent-ils compte qu'on doit, même si les francophones sont majoritaires au Québec, défendre la langue française parce qu'on est menacés en raison de l'entourage complètement anglophone? Je pense qu'ils devraient comprendre ça.
    Je veux parler maintenant du tableau de la page 4, qui concerne les francophones de l'extérieur du Québec. Les personnes âgées ont maintenu l'usage du français mais ne l'ont pas transmis à leurs enfants, de sorte que les jeunes ne parlent pas nécessairement français. Ils ont été assimilés, anglicisés. Je vais dire comme Bernard Derome, « si la tendance se maintient », à quand la disparition du fait français au Canada? Y a-t-il des dates précises là-dessus? Si l'usage du français continue à diminuer, à un moment donné, il disparaîtra complètement.
    Vous comprendrez que je ne peux pas me prononcer ou faire un tel pronostic. Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il est clair qu'en ce moment, il y a des gens qui misent sur certains facteurs, dont l'immigration, pour essayer de renverser ce phénomène. Comme on l'a mentionné, s'il y a une plus forte fréquentation des écoles françaises minoritaires, on peut évoluer vers une plus grande utilisation du français par les minorités.
    C'est un débat. La transmission aux enfants est un enjeu majeur. S'il n'y a pas transmission, il peut être difficile de demander aux immigrants d'agir différemment des communautés minoritaires. Certains défis sont majeurs. Je ne pourrais vraiment pas me prononcer sur la situation du français à l'extérieur du Québec dans 30 ou 40 ans. Il semble y avoir une certaine vitalité; c'est ce que les études démontrent. Le dynamisme au sein de ces communautés est assez impressionnant et semble démontrer un écart entre les perceptions et les comportements.
    Merci beaucoup, monsieur Gravel et monsieur Corbeil.
    On va maintenant aller en rappel avec M. Godin.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai un point à soulever. Je ne voudrais pas être à la place de M. Nadeau ce soir quand il va rentrer à la maison. Je suis certain que sa femme pensait qu'il l'avait choisie plutôt que le Québec. Lorsqu'il est déménagé au Québec, c'était parce qu'il l'aimait sa femme et qu'elle venait du Québec. Ce soir, elle va apprendre que c'est plutôt le Québec qu'il avait choisi.
    Tu vas te faire parler, ce soir!
    Des voix: Ah, ah!
    Je t'en donnerai des nouvelles.
    Vous avez parlé de l'immigration comme moyen pour augmenter le nombre de francophones au Québec, par exemple. Par contre, de la façon que la question est posée, cela ne permet aux immigrants pas de s'identifier comme francophones. Par exemple, tout à l'heure, vous parliez du Maroc, etc., d'où pourraient venir des francophones.
    Selon les statistiques, à moins de faire erreur, à Montréal, le français n'est-il pas plus parlé qu'auparavant? Quand on pose la question à savoir si une personne est francophone, on pourrait croire que le taux de francophones a diminué parce que plusieurs sont allés vivre sur la rive sud. Mais à Montréal, n'est-il pas vrai que plus de personnes parlent français qu'auparavant? Par exemple, les jeunes anglophones parlent beaucoup plus le français qu'il y a 20 ou 30 ans. Est-ce ce que démontrent les statistiques et les données?
    La question de l'île de Montréal est un enjeu majeur pour beaucoup de gens. On l'a vu dernièrement, entre autres dans les médias. Il est clair que, par exemple, le taux de bilinguisme des anglophones du Québec est en hausse constante depuis au moins 1971. On sait qu'en 2001, 66 p. 100 des anglophones se déclaraient bilingues. Cinq ans plus tard, ce pourcentage était de 69 p. 100.
    Il est clair que lorsqu'on pose des questions sur l'utilisation de la langue au travail, les anglophones du Québec utilisent le français dans leur quotidien au travail. En fait, près de 60 p. 100 des anglophones du Québec déclarent utiliser le français, soit le plus souvent ou à tout le moins régulièrement, dans le cadre de leur emploi.
    Il est clair que si on ne se fie qu'à la langue maternelle, bien sûr que c'est la première fois que la proportion de personnes de langue maternelle française passe sous la barre de 50 p. 100 sur l'île de Montréal. C'est la première fois, mais si on utilise un autre critère que celui de la langue maternelle, puisqu'on doit tenir compte aussi des immigrants qui n'ont peut-être pas le français comme langue maternelle mais qui l'utilisent dans leur quotidien ou qui le parlent à la maison, on voit qu'il y a un portrait assez différent.
    Je pense que la connaissance du français est à la hausse chez ceux qu'on appelle les « allophones ». Je devrais peut-être plutôt dire chez ceux qui ont une tierce langue comme langue maternelle. Il y a aussi une augmentation de l'utilisation du français chez les anglophones du Québec. Donc, c'est un phénomène réel.

  (1030)  

    Pourriez-vous nous expliquer un peu plus le fait que la proportion des anglophones était de 59 p. 100 mais qu'elle est maintenant de 57 p. 100, et que celle des francophones est passée de 22 p. 100 à 22,1 p. 100. C'est une faible augmentation, mais c'est une augmentation quand même.
    En fait, il y a eu une augmentation du nombre de — je crains presque d'utiliser les termes « anglophone », « francophone », « allophone » — personnes qui ont le français comme langue maternelle au Québec, c'est clair. Sauf que, étant donné qu'il y a eu une forte croissance de l'immigration depuis cinq ans, il est clair que la proportion que représente ces personnes a baissé. Donc, augmentation du nombre, baisse de la proportion: c'est la même chose pour l'anglais à l'extérieur du Québec. Quand 80 p. 100 des nouveaux immigrants n'ont ni l'anglais ni le français comme langue maternelle, par conséquent, il est clair qu'il va y avoir une baisse du poids que représentent les anglophones au Québec.
    Ça ne veut pas dire qu'ils ne parlent pas l'anglais et ça ne veut pas dire qu'ils ne parlent pas le français.
    Absolument. Vous avez tout à fait raison. On sait qu'à l'extérieur du Québec, au fur et à mesure que se prolonge leur durée de séjour, les immigrants qui n'ont ni le français ni l'anglais comme langue maternelle vont utiliser principalement l'anglais, alors qu'au Québec, on observe que c'est plutôt le français qui tend à être adopté de plus en plus par les allophones.
    Je voudrais juste rassurer notre témoin et lui dire qu'il bénéficie de l'immunité parlementaire. Vous avez quand même clairement exprimé que Statistique Canada ne fait pas référence à « francophone » ou « anglophone » dans son enquête, mais que c'est l'interprétation des données par ceux qui les utilisent.
    Nous entamons maintenant le troisième tour, le dernier avant l'ajournement.
    Nous allons poursuivre immédiatement avec M. Rodriguez.
    Merci, monsieur le président.
    J'écoute tout cela avec beaucoup d'intérêt. J'aimerais vous poser une question personnelle. Je suis arrivé au Canada à l'âge de huit ans. Je ne parlais que l'espagnol jusqu'à l'âge de huit ans. J'ai appris le français à huit ans. J'ai appris l'anglais peu de temps après.
    Donc, dans quelle catégorie est-ce que je me situe?
    C'est une bonne question.
    [Note de la rédaction: inaudible] ma première langue.
    Si je prenais votre cas, si j'arrivais à utiliser les données du recensement et si j'avais l'information de M. Rodriguez, je pourrais voir que votre langue maternelle est l'espagnol. À la question sur la langue que vous utilisez le plus souvent à la maison, vous m'indiqueriez peut-être à la fois l'anglais et le français ou seulement le français.
    Le français.
    Vous me diriez peut-être qu'au travail, vous utilisez surtout le français. Je ne sais trop. Je dirais donc que vous appartenez au groupe de tierce langue maternelle ou que vous êtes un allophone. Si on utilise un autre critère, on dira que vous êtes aussi francophone.
    Je fais référence aux propos de mon collègue M. Coderre. Moi, je me considère francophone.
    Oui. Je vais vous donner un exemple très précis. En décembre 2008, Statistique Canada diffusera un CD-ROM sur lequel on trouvera le profil de toutes les informations du recensement des 6 000 municipalités du Canada. Il y a deux profils: le profil de la langue maternelle et le profil de la première langue officielle parlée, français.
    Vous, vous ne voudriez peut-être pas être limité et tomber dans une catégorie allophone...
    Non, je ne souffre pas d'insécurité. Ce n'est pas pour moi personnellement, mais je trouve que cela biaise un peu le débat lorsqu'on parle de la situation du français au Québec. J'ai appris le français très jeune. J'ai gagné à deux reprises des concours de littérature, de rédaction. Chez nous, on ne parle que le français, mais je ne suis pas compté dans les statistiques sur les francophones. Je fais donc régresser le français. Comprenez-vous ce que je veux dire? Je ne fais pas partie de ces statistiques, alors qu'à mon avis, ce n'est pas du tout le cas.

  (1035)  

    Cela dit, vous ne faites pas régresser le français. À partir du recensement, je peux savoir, parmi ceux qui ont l'espagnol comme langue maternelle, combien parlent le français le plus souvent à la maison.
    Mais je suis d'accord avec vous. Dans l'enquête sur la vitalité des minorités, on a posé une question qui n'apparaît pas dans le recensement et qui est très simple. On demandait quelle était la langue principale, celle dans laquelle on se sentait le plus à l'aise. On a donc une très bonne estimation de ceux qui ont le français comme langue principale et de ceux qui ont l'anglais comme langue principale. Quelqu'un pourrait apporter sa propre définition de ce qu'est un francophone et de ce qu'est un anglophone. Toutefois, je suis d'accord qu'il y a une différence entre...
    Moi, je me considère francophone, mais je ne compte pas parmi les francophones.
    Je suis tout à fait d'accord sur votre point de vue. Entre les analyses qu'on fait à partir des données du recensement et le vocable qu'on utilise pour catégoriser les gens, il y a un écart. Je suis d'accord avec vous.
    Parlons un peu de Montréal. Qu'en est-il de la situation précise du français à Montréal. Il y a toutes sortes d'interprétations. Selon la cause qu'on défend, on va interpréter les chiffres différemment. Est-il vrai que le nombre absolu de francophones a augmenté mais qu'il a baissé proportionnellement?
    Ça dépend si on considère l'île de Montréal ou la grande région de Montréal.
    Je parle de l'île. Vous allez me dire que beaucoup de francophones ont quitté l'île pour s'établir en banlieue. Il y a donc plus d'allophones qui intègrent l'île et de francophones qui en sortent.
    Historiquement, ce qu'on sait, c'est que les personnes qui ont l'anglais comme langue maternelle et les personnes qui ont une autre langue que le français ou l'anglais comme langue maternelle s'installent principalement à Montréal. Au fur et à mesure que se prolonge la durée de leur séjour, ils migrent vers les banlieues.
    Les francophones font de même. Bien sûr, compte tenu du poids des francophones et des personnes de langue maternelle française sur l'île de Montréal, il est clair que quand tous ces immigrants arrivent et...
    C'est là que des gens cherchent à nous faire peur. Je ne vise personne, mais ils nous disent que c'est épouvantable. On doit tout faire pour protéger le français, mais en même temps, on ne tient pas compte...
    On doit conclure là-dessus, monsieur Rodriguez.
    ... de gens comme moi, qui se considèrent justement vraiment francophones.
    Je vais conclure rapidement. Les francophones de souche, de naissance, quittent l'île. D'autres, comme moi, débarquent là très jeunes, apprennent le français, mais cela ne compense pas les francophones qui quittent, parce que moi, je ne suis pas considéré comme francophone. Il y a quelque chose d'un peu faux dans ce débat. Comprenez-vous?
    Je pourrais répondre très rapidement...
    Peut-être que le français n'est pas si mal en point qu'on le dit. Je ne sais pas. Je veux le savoir.
    Soyez bref, s'il vous plaît.
    Je vous répondrai très rapidement. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, il est clair que si on met l'accent uniquement sur la langue maternelle, bien sûr, il y a une diminution. C'est normal puisqu'il y a une forte croissance de l'immigration non francophone et non anglophone. Par contre, à Montréal, si on examine l'utilisation du français au travail, on a alors un portrait complètement différent parce qu'on parle d'une situation des langues dans une sphère publique qui est régie, comme je l'ai dit tout à l'heure, par des mécanismes différents. Près de 270 000 francophones des banlieues viennent travailler sur l'île chaque matin. Cela change le portrait de la situation sur l'île de Montréal. C'est très différent de Montréal la nuit. C'est aussi très différent si on considère seulement la langue parlée à la maison ou la langue maternelle.
    Je suis d'accord avec vous qu'entre les caractéristiques et les comportements linguistiques, il y a une différence importante.
    Merci, monsieur Rodriguez et merci à notre témoin.
     Nous allons maintenant passer au Bloc québécois.
    Monsieur Nadeau, vous voulez ajouter quelque chose?
    Je trouve dommage que Denis Coderre soit parti parce que je lui aurais donné la référence de deux ouvrages provenant de la Fédération des communautés francophones et acadienne, donc de la francophonie minoritaire. Il s'agit, dans le premier cas, d'une série de documents intitulée Les Héritiers de Lord Durham. Déjà en 1971, les statistiques donnaient une idée de ce que serait la situation actuelle. Le même organisme a publié une autre étude intitulée Pour ne plus être... sans pays. Avant de décocher des flèches comme il l'a fait plus tôt, Denis aurait pu tenir compte du contexte. Je ne veux pas vraiment jouer avec les mots, mais je pense que Denis devrait éviter le déni. La réalité est ce qu'elle est.
    Tout ce débat sur les définitions, notamment, est très intéressant. Ces éléments sont une composante essentielle des études, à la collecte des données. Il y a là des facteurs humains extrêmement importants, tangibles et même émotionnels. En effet, ça nous touche, c'est notre identité. Au risque de me répéter, je vais revenir à ce qu'on démontre au bas du tableau 3, à savoir que la tangente observée est extrêmement défavorable à l'image du Canada en termes de respect du fait français. Inutile de faire un dessin pour le comprendre. Face à cette réalité, il faut trouver des solutions.
    Cela dit, dans le cadre de l'étude sur la vitalité des communautés de langue officielle, je me suis demandé à quel moment l'assimilation intervenait. Dans un couple, par exemple, il est possible que le français soit la langue maternelle et la langue parlée des deux personnes, mais il est aussi possible qu'un des deux partenaires ne parle pas français — et on suppose qu'il parle anglais, vu que c'est majoritairement le cas — et que l'autre soit francophone.
    À un certain âge, nous conservons notre langue parce que nous avons des références, et ainsi de suite. Par contre, la question se pose quand notre premier enfant atteint l'âge de fréquenter l'école. Nous avons alors à décider si nous inscrivons notre fille ou notre garçon à un programme d'immersion, à l'école française ou à l'école anglaise. On peut parler d'une école d'une autre langue, selon que le partenaire parle une autre langue. S'il n'y a pas d'école française, c'est dommage. C'est malheureux que cette situation existe encore aujourd'hui, en 2008. Les parents ne devraient pas avoir à couvrir tout le territoire canadien pour inscrire leurs enfants dans une école française.
     J'aimerais savoir si, en vous fondant sur des études ou d'autres connaissances, vous pourriez me dire à quel moment dans cette dynamique entre les parents et les enfants l'assimilation entre en ligne de compte et cause la perte de la langue première, soit des deux parents, soit de l'un d'entre eux.

  (1040)  

    Merci. Dans le cadre de l'enquête sur la vitalité des communautés de langue officielle, on a observé qu'à l'extérieur du Québec, 88 p. 100 des parents dont la langue maternelle était le français choisissaient d'envoyer leurs enfants dans des écoles françaises. On a noté que dans les cas où l'un des parents avait comme langue maternelle le français alors qu'il s'agissait de l'anglais pour l'autre parent, cette proportion baissait à 34 p. 100. On parle ici de couples exogames. On a souvent dit que le phénomène de l'exogamie était l'élément déclencheur faisant en sorte que le français cesse d'être transmis aux enfants et que l'anglais devienne prédominant.
    Or, au cours de cette enquête, on a demandé aux gens à partir de quel âge ils avaient commencé à utiliser le plus souvent à la maison une autre langue que leur langue maternelle, et on a découvert que 75 p. 100 des personnes vivant aujourd'hui avec un conjoint anglophone avaient commencé à utiliser le plus souvent l'anglais au quotidien avant même de rencontrer leur conjoint. Dans près de 50 p. 100 des cas, c'était avant l'âge de 15 ans. Ça démontre que l'anglicisation ayant lieu dans la jeunesse, parmi les amis, dans les réseaux et ainsi de suite, influence éventuellement le choix du conjoint. L'environnement dans lequel on vit est aussi un facteur, bien sûr.
    Merci, monsieur Nadeau.
    Je vous remercie, monsieur Corbeil, pour ces éclaircissements.
    Nous allons maintenant passer du côté du gouvernement.
    Monsieur Michael Chong.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    J'examinais vos diapos et vos statistiques, et un des secteurs dont vous ne traitez pas est la question du nombre de Canadiens bilingues, ceux qui peuvent parler les deux langues officielles.
    Pouvez-vous nous dire, en gros, quelles sont les statistiques courantes sur le nombre de Canadiens bilingues et est-ce que ce nombre augmente, décroît, ou est resté le même au cours des 30 à 35 dernières années?

  (1045)  

    Merci de cette question.
    Nous avons observé une augmentation de la proportion de gens qui se décrivent comme étant bilingues, du moins jusqu'en 2001. Pour les anglophones au Québec, j'ai dit que la proportion de ceux qui se disent être en mesure de parler deux langues est passée de 66 p. 100 en 2001 à 69 p. 100 en 2006. J'ai mentionné que la proportion des anglophones au Québec qui se déclarent bilingues a cru depuis au moins 1971, et l'augmentation est importante.
    À l'extérieur du Québec, la situation est assez stable, mais je parle ici des anglophones ou des non-francophones, ou des gens dont le français n'est pas la langue maternelle. La proportion des gens se déclarant bilingues est passée de 7,1 p. 100 en 2001 à 7,4 p. 100 en 2006. La situation est assez stable à environ 7 p. 100 pour les anglophones en général et à environ 5 p. 100 pour ceux dont ni le français ni l'anglais est la langue maternelle.
    Le problème, c'est que nous ne pouvons pas expliquer ce qui est arrivé aux francophones. Nous avons observé une diminution de la proportion de francophones se disant bilingues, une légère diminution au cours des cinq dernières années.
    Est-ce une légère diminution pour le reste du Canada?
    Pour tout le Canada, et même les francophones au Québec. Il y a une légère diminution. La seule explication que nous avons est un courriel distribué un mois avant le recensement qui encourageait ou demandait aux francophones de ne pas se déclarer bilingues parce qu'on avait peur qu'ils ne recevraient pas les services dans leur langue. Évidemment, nous avons fait beaucoup de publicité et d'entrevues dans les médias pour contrecarrer cette campagne et donner les informations pertinentes démontrant que c'était inexacte. Nous croyons que cela a pu avoir une certaine influence.
    Le fait que les francophones en général se soit déclarés moins bilingues au cours des cinq dernières années a eu un effet sur le taux global de bilinguisme. En 2001, il était de 17,7 p. 100 et en 2006, il est de 17,4 p. 100. Cette diminution est surtout due aux francophones qui se sont déclarés moins bilingues.
    Les statistiques que vous avez mentionnées de 66 p. 100 en 2001 et de 69 p. 100 en 2006 font référence à tous ceux qui vivent au Québec ou seulement aux anglophones vivant au Québec?
    Comme je l'ai dit, il y a eu une augmentation du niveau de bilinguisme pour les non-francophones en général. C'est-à-dire non seulement ceux dont l'anglais est la langue maternelle, mais aussi ceux dont la langue maternelle est une autre langue, une troisième langue, ou les allophones. Il y a donc une augmentation de la proportion de bilinguisme chez les non-francophones.
    Au Québec.
    Au Québec.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci monsieur Chong.
    Cela met fin aux trois tours de questions. Monsieur Gravel s'est dit intéressé à poser une dernière question.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Ce n'est pas une question, c'est une demande.
    Monsieur le président, le témoin a parlé d'un courriel qui a été envoyé un mois avant un recensement, selon lequel les francophones hors Québec diraient n'être pas bilingues afin de conserver les services. Pourrions-nous voir ce courriel? C'est un élément extrêmement important. C'est quasiment de la propagande et j'aimerais voir de quoi on parle. Cela fait partie du témoignage de notre témoin. Pourriez-vous lui demander de le déposer pour que je puisse le lire, s'il vous plaît?

  (1050)  

    Vous faites référence à un courriel qui a été...
    Il s'agit d'un courriel qui a été mentionné par le témoin.
    D'accord.
    Monsieur Corbeil.
    Il n'y a pas de problème, malgré le fait que ce courriel soit bourré de fautes d'orthographe. Cela dit, le document diffusé par Statistique Canada le 4 décembre dernier contient un encadré qui fait référence à ce courriel — sans que ce dernier y figure —, lequel pourrait avoir eu une influence. Évidemment, on n'est pas certain que ce courriel soit la cause, mais on dit qu'il peut avoir eu une influence. Ce courriel a circulé partout au Canada et même en Europe. J'en ai une copie.
    Est-il possible de le demander au témoin?
    S'il est possible de le présenter au greffier, on va l'acheminer aux membres du comité.
    On va le distribuer ensuite aux membres du comité.
    Cela sera-t-il possible, monsieur Corbeil?
    Merci, monsieur le président.
    D'accord. Merci beaucoup.
    Je donne la parole à M. Gravel et à M. Lebel, qui n'a pas eu la chance de poser une question, puis ce sera au tour de M. St. Denis.
    J'ai une brève question que je n'ai pas eu le temps de poser.
    Monsieur Corbeil, vous avez dit que le gouvernement pensait à l'immigration pour régler le problème de la baisse du nombre de francophones hors Québec.
    Beaucoup de gens pensent à l'immigration.
    Si je suis un immigrant venant d'Europe ou d'ailleurs et que je m'installe en Alberta, cela me surprendrait beaucoup que j'aille vers les francophones. Je vais plutôt aller vers les anglophones. Il me semble que c'est le gros bon sens.
    Soyez bref, monsieur Corbeil.
    Si vous aviez la chance de participer à certains échanges dans certains groupes en Alberta ou au Manitoba, où des immigrants s'intègrent à la communauté francophone, vous y constateriez une vitalité assez exceptionnelle. Il y a quand même des immigrants qui vont s'établir dans ces régions.
    Merci, monsieur Corbeil.
    Monsieur Lebel.
    J'ai simplement un commentaire à faire.
    On a parlé de la situation du Québec. M. Rodriguez nous a parlé de la spécificité de Montréal. Le Saguenay—Lac-Saint-Jean est une région qui a perdu près de 10 p. 100 de sa population dans les 15 ou 20 dernières années: elle est passée de 285 000 à 260 000 personnes. La migration des francophones du Québec vers les grandes villes que sont Montréal et Québec va aussi accentuer la perte démographique.
     Il faut toujours situer l'ensemble des données, pour les comparer. Prenons tous les francophones hors Québec. Est-ce que le Québec continue à « exporter » ses enfants vers l'extérieur? Il faut regarder les courbes démographiques. Il faut vraiment remettre les choses en perspective pour trouver des solutions et non des coupables.
    C'est seulement un commentaire pour dire que les régions du Québec dites de ressources se sont toujours vidées au profit de Montréal. Les familles comptaient dix enfants, dont cinq restaient dans les régions. Aujourd'hui, elles en ont deux enfants, et les deux partent: il n'en reste plus. Il faut donc vraiment voir le phénomène dans son ensemble.
    Je suis nouveau à ce comité. Je vois bien qu'on va parler de la francophonie et du fait francophone et j'en suis très heureux, mais il faut considérer tous les éléments et les comparer, afin que le tableau soit le plus complet possible.
    Au Québec, c'est une préoccupation importante chez les anglophones des communautés. Les communautés se vident, et c'est le cas non seulement pour les anglophones, mais pour toutes les communautés rurales.
    D'accord.
    L'honorable Michael Chong va poser une question très brève.

[Traduction]

    Merci monsieur le président.
    Pour votre information, dans votre deuxième diapo vous mentionnez que l'utilisation plus courante d'une langue autre que le français ou l'anglais à la maison est moins fréquente que la proportion de la population allophone qui parle cette langue. Je peux vous donner une explication partielle à ce phénomène.
    Je suis un Canadien de première génération. Mon père est chinois et ma mère européenne. Donc, la langue maternelle de mon père est évidemment le chinois et la langue maternelle de ma mère, c'était le hollandais. Pour que le ménage puisse fonctionner, ils devaient communiquer dans une des deux langues officielles. Je me souviens lorsque j'étais enfant, mon père se fâchait et disait quelque chose en chinois à ma mère et elle répondait en hollandais, et les deux n'avaient aucune idée ce qu'ils venaient de se dire.

[Français]

    Merci, monsieur Chong.
    Je voudrais remercier notre témoin. Cette fois-ci, on a vraiment profité pleinement des deux heures qui nous étaient imparties. On pourrait conclure en disant qu'on se rend compte que la langue est une question identitaire qui nous interpelle tous personnellement.
    Merci, monsieur Corbeil.
    La séance est levée.