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Bonjour et bienvenue à tous les membres du comité.
Je voudrais également souhaiter la bienvenue aux témoins qui ont pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui. Nous avons hâte d'entendre vos exposés. Comme nous recevons beaucoup de témoins aujourd'hui, il va falloir que nous respections rigoureusement notre horaire.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, à la motion adoptée par le comité le 13 mars 2008 et à l'article 25.9 de la Loi sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral, les territoires et les provinces, nous ouvrons ce matin notre quatrième et dernière réunion, en présence de témoins, sur l'examen du Plan décennal pour consolider les soins de santé.
Nous sommes ravis d'accueillir parmi nous aujourd'hui les représentants de huit organismes, soit le Secrétariat des professionnelles et professionnels de la santé du Canada; l'Association canadienne des aliments de santé; l'Association des infirmières et infirmiers du Canada; l'Organisation nationale de la santé autochtone; l'Inuit Tapiriit Kanatami; l'Institut d'études canadiennes de l'Université McGill; la Coalition canadienne de la santé; et, l'Association médicale canadienne.
Comme nous recevons beaucoup de témoins aujourd'hui, il va falloir se limiter à cinq minutes pour l'exposé de chaque organisme. Ensuite, nous ouvrirons la période des questions.
Nous allons donc commencer par entendre Mme Elizabeth Ballermann, coprésidente du Secrétariat des professionnelles et professionnels de la santé du Canada.
(coprésidente, Secrétariat des professionnelles et professionnels de la santé du Canada):
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je suis très heureuse de comparaître aujourd'hui au nom du Secrétariat des professionnelles et professionnels de la santé du Canada, ou SPSC, comme nous avons l'habitude de l'appeler, qui est un organisme national de défense représentant 70 000 professionnels de la santé syndiqués qui assurent des services cliniques, de diagnostic, de réadaptation et de prévention, services qui sont essentiels à la prestation de soins de santé de qualité, en temps opportun. Ces professionnels hautement qualifiés comprennent, notamment, des technologues de laboratoire médical, des physiothérapeutes, des travailleurs sociaux, des pharmaciens, des ergothérapeutes, des diététistes et des psychologues. Il s'agit ici de professionnels de la santé qui ne sont pas médecins ou infirmières, mais qui travaillent dans tous les différents secteurs du système de soins.
Le Plan décennal traite d'un grand nombre de questions qui sont toutes importantes pour nos membres, mais je voudrais me concentrer aujourd'hui sur nos deux principales préoccupations, soit l'absence d'un plan stratégique à l'échelle nationale visant à pallier les sérieuses pénuries de professionnels de la santé, pénuries qui sont en croissance; et, deuxièmement, le fait qu'aucun effort n'est déployé en vue de promouvoir et de garantir des solutions innovatrices au sein du système public. Je n'ai pas l'intention de consacrer beaucoup de temps à ce deuxième élément.
S'agissant des pénuries, comme je viens de le dire, nos membres font partie intégrante de chaque étape du système de soins, du diagnostic à la guérison en passant par le traitement, si bien qu'une pénurie de professionnels a de sérieuses répercussions sur la prestation de soins de santé de bonne qualité dispensés en temps opportun. Si la plupart d'entre nous sommes au fait de la pénurie de médecins et d'infirmières, nous sommes très peu à savoir que bon nombre d'autres professions spécialisées du domaine de la santé que nous représentons sont également confrontées à de graves pénuries. Pour que ce soit bien clair, je me permets de préciser que la pénurie touchant ces professionnels de la santé n'est pas une menace imminente; il s'agit en fait d'un état de crise qui touche déjà bon nombre de collectivités.
Par souci de brièveté, je voudrais aborder tout particulièrement la situation d'une profession précise que nous représentons, à savoir les technologues de laboratoire médical. D'après les estimations, 80 p. 100 des décisions en matière de diagnostic et de traitement s'appuient sur les tests effectués par les technologues de laboratoire. De même, la demande de bon nombre de services de santé, notamment les tests de laboratoire, est déjà supérieure à la capacité actuelle; de surcroît, la demande est obligatoirement appelée à augmenter en raison du nombre sans cesse croissant de tests qui sont demandés.
Je vous invite à prendre connaissance des faits suivants. Selon les estimations de la Société canadienne de science de laboratoire médical, il y a au moins 1 000 postes de technologues de laboratoire à pourvoir au Canada. En même temps, la SCSLM indique que 50 p. 100 de l'effectif actuel pourra prendre sa retraite à compter de 2015. Si des stratégies de recrutement très dynamiques sont en place dans certaines provinces, force est de constater qu'il manque des places pour former ces professionnels et, ce qui est peut-être encore plus grave, un grand nombre de postes de formation clinique.
Il existe, de plus, une complication supplémentaire. Par suite des réductions importantes effectuées dans les années 1990, l'industrie a été privée d'une génération entière de professionnels, ce qui a nécessairement de sérieuses conséquences pour la planification de la relève.
Voilà les faits. Or, pour une raison ou une autre, les gouvernements n'y prêtent pas attention. Dans certaines collectivités, les citoyens n'ont pas accès à des services de première importance et, dans certains cas, la qualité des soins se trouve compromise.
J'insiste donc sur le fait que le problème des pénuries est à la fois bien enraciné et généralisé et touche bon nombre de professions diverses — pas uniquement les technologues de laboratoire.
Voilà les cinq domaines prioritaires où des mesures s'imposent de la part de tous les gouvernements:
- les conséquences des réductions budgétaires effectuées par les gouvernements dans les années 1990, comme je vous l'expliquais il y a quelques instants;
- le manque de planification des ressources humaines en santé à l'échelle nationale;
- les rivalités entre les provinces, ce qui fait que les provinces se concurrencent l'une l'autre et concurrencent les autres pays du monde pour ce qui est d'inciter les professionnels de la santé à quitter leur province pour aller travailler ailleurs — ce qui représente du maraudage, en réalité. Ces pénuries sont d'ordre national et nécessitent par conséquent des solutions nationales, plutôt que des initiatives provinciales isolées.
- dans la plupart des provinces, le nombre de postes de formation en milieux universitaire et clinique est insuffisant. De même, certaines pratiques d'emploi aggravent le problème, entre autres, le recrutement d'un plus grand nombre d'employés occasionnels et à temps partiel et le fait qu'on demande aux employés de faire un nombre excessif d'heures supplémentaires, ce qui conduit à l'épuisement professionnel. De plus, les restructurations constantes créent de l'instabilité, ce qui mène à l'incertitude et au découragement. Souvent, de nouveaux équipements restent inutilisés parce qu'il n'y a pas suffisamment de personnel pour les faire fonctionner.
- le manque de données, notamment entre les membres des différentes professions, ce qui représente un obstacle majeur à l'évaluation et à la prévision de l'offre, de la composition et de la répartition des professionnels.
Même si le Plan décennal reconnaît l'existence de la crise actuelle en matière de ressources humaines — j'ai parlé tout particulièrement des pharmaciens et des technologues — il ne prévoit aucunement l'établissement d'un plan stratégique ou un mécanisme quelconque permettant de s'attaquer aux causes profondes du problème et à y remédier. Nous comprenons tout à fait les questions constitutionnelles et juridictionnelles difficiles qui se posent dans le domaine de la santé, et nous croyons que les Canadiens veulent et méritent un système de première qualité. Il est donc impératif que tous les ordres de gouvernement oeuvrent à le leur fournir.
S'agissant d'innovation au sein du système public, qui a suscité et continuera à susciter beaucoup de discussion, j'en suis sûre, nous sommes tous d'accord pour dire que le système actuel ne peut pas rester en mode de pilotage automatique, c'est-à-dire à l'abri du changement. Selon nous, la réforme peut et doit être mise en place au moyen d'innovation au sein du système public et, malheureusement, le Plan décennal n'insiste pas suffisamment là-dessus, en ce qui nous concerne.
À notre avis, le gouvernement fédéral doit en faire davantage pour promouvoir et assurer l'innovation au sein du système public, et ce pour trois raisons: c'est notre devoir, c'est intelligent, et l'innovation au sein du système public a fait ses preuves.
Nous avons énuméré un certain nombre d'exemples de mesures novatrices dans notre mémoire…
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Bonjour à vous tous. Je tiens à vous remercier de l'occasion qui nous est donnée ce matin de nous prononcer sur le Plan décennal pour consolider les soins de santé.
Comme on vient de vous le dire, je m'appelle Anne Wilkie, et je suis vice-présidente et chef des affaires réglementaires au sein de l'Association canadienne des aliments de santé. La présidente et directrice générale, Mme Penelope Merritt, regrette de ne pas avoir été en mesure de comparaître aujourd'hui. L'ACAS organise des forums dans toutes les régions du Canada à l'intention des membres et du secteur en général sur le projet de loi déposé au mois d'avril, et Mme Merritt est l'hôte d'une séance qui se déroule aujourd'hui à Montréal.
L'Association canadienne des aliments de santé est la plus grande association professionnelle nationale du Canada représentant l'industrie des produits naturels et des produits biologiques. Les membres de l'Association, qui sont au nombre de 1 300, représentent tous les segments de la chaîne d'approvisionnement, y compris les cultivateurs, les fabricants, les détaillants, les grossistes, les distributeurs et les importateurs qui sont actifs dans différents sous-segments de l'industrie, tels que les suppléments vitaminiques et minéraux, les produits médicinaux, les remèdes homéopathiques, les suppléments alimentaires destinés aux athlètes, les produits naturels et biologiques, les fibres et les produits santé-beauté.
Conformément à notre vision, nous souhaitons que notre secteur d'activité soit le principal fournisseur de produits à tous les Canadiens cherchant à atteindre un état de santé et de bien-être optimal. Plus que jamais auparavant, un nombre croissant de Canadiens découvrent les effets positifs pour la santé des produits naturels, et optent pour ces produits en vue de maintenir et d'améliorer leurs santé et bien-être, et ceux de leurs familles. En fait, plus de 75 p. 100 des Canadiens ont acheté des produits de santé naturels. La valeur du secteur des produits de santé naturels est évaluée à plus de 2,5 milliards de dollars, et ne cesse de croître.
Le rapport déposé en 1998 par le Comité permanent de la santé, intitulé Les produits de santé naturels: Une nouvelle vision, posait les jalons de cadres législatifs et réglementaires uniques pour les produits de santé naturels, cadres qui s'appuyaient sur la reconnaissance du caractère unique des produits de santé naturels, qui ne sont ni des aliments, ni des médicaments.
L'ACAS félicite le gouvernement d'avoir mis en oeuvre en temps opportun certaines des 53 recommandations du rapport de 1998. Toutefois, il reste beaucoup de travail à faire. Afin de garantir aux consommateurs un accès ininterrompu à des produits sûrs, efficaces et novateurs à prix raisonnable, il est essentiel que le gouvernement réexamine les règlements actuels qui visent les produits de santé naturels. En ce qui nous concerne, pour que les Canadiens puissent continuer à profiter librement du choix des produits de santé naturels actuellement disponibles et pour que notre industrie puisse prospérer et se développer, il faut un mécanisme permettant de répondre aux préoccupations de l'industrie de façon appropriée et en temps opportun, étant donné le faible risque associé à ces produits.
Les produits naturels revêtent une importance capitale pour ce qui est de permettre aux Canadiens d'atteindre un état de santé et de bien-être optimal. Un nombre grandissant de citoyens souhaitent pouvoir acheter une vaste gamme de produits naturels et biologiques et posséder les connaissances nécessaires qui leur permettent de s'en servir à bon escient. Afin d'aider les Canadiens à atteindre un état de santé et de bien-être optimal, le gouvernement fédéral doit établir un cadre énergique de promotion de la santé et de prévention de la maladie. Les études continuent à faire état des effets bénéfiques pour la santé de produits naturels et biologiques, ce qui devrait inciter le gouvernement fédéral à jouer activement un rôle de chef de file en fournissant aux Canadiens l'information dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés.
Nous sommes d'avis que le ministre de la Santé devrait se faire le champion de la cause du mieux-être et viser à faire du Canada un chef de file mondial en ce qui concerne l'évolution vers un système de soins de santé plus holistique et davantage centré sur le mieux-être au profit de tous les Canadiens.
L'Association canadienne des aliments de santé continue d'insister sur l'adoption d'un modèle de soins de santé plus proactif qui s'appuie sur des soins auto-administrés, la préservation et la promotion de la santé.
Nous désirons par conséquent vous faire les recommandations suivantes:
- que le gouvernement fédéral devienne un chef de file national dans la promotion d'un mode de vie sain, sensibilisant le public aux bienfaits de la prévention, du mieux-être et des soins auto-administrés, par la fourniture, notamment, d'information sur les bienfaits des produits naturels;
- que le gouvernement fédéral encourage les recherches permettant d'en savoir plus long sur les bienfaits de la prévention, du mieux-être et des soins auto-administrés en ce qui concerne l'optimisation de la santé et la réduction des risques;
- que le gouvernement fédéral agisse à titre d'ambassadeur international pour ce qui est d'un modèle de gestion de santé axé sur le mieux-être; et, enfin,
- que le gouvernement fédéral fasse la promotion des bienfaits des produits biologiques en tant qu'option pour les Canadiens en quête d'une santé et d'un mieux-être optimaux.
L'Association canadienne des aliments de santé est tout à fait disposée à travailler en étroite collaboration avec le gouvernement à mesure que ce dernier intensifie ses efforts en matière de promotion de la santé et de prévention de la maladie. Voilà ce à quoi s'attendent les Canadiens de la part de leur gouvernement fédéral. Assurons-nous de ne pas perdre cette occasion, car tous les Canadiens profiteront grandement de cette approche axée sur le mieux-être.
Merci infiniment de m'avoir écoutée, et je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Marlene Smadu, et je suis présidente de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, qui représente plus de 133 000 infirmières autorisées d'un bout à l'autre du Canada.
Je voudrais, tout d'abord, vous remercier de l'occasion qui nous est donnée de présenter les résultats de notre examen du Plan décennal pour consolider les soins de santé. Je voudrais faire quelques brèves observations, ainsi que certaines recommandations, dans cinq domaines en particulier. De plus amples détails sont fournis dans notre mémoire.
Premièrement, je voudrais aborder la stratégie nationale relative aux produits pharmaceutiques. Dans le cadre du Plan décennal, les premiers ministres ont adopté la stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques. En juin 2006, le groupe de travail national sur les produits pharmaceutiques a diffusé son rapport d'étape public. L'AIIC craint que plusieurs des problématiques définies comme étant prioritaires dans la stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques soient traitées de façon isolée et est d'avis qu'il faut miser davantage sur une stratégie de grande envergure permettant de s'attaquer directement aux problèmes recensés. Ainsi nous recommandons un effort soutenu de la part des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, afin d'élaborer et de mettre en oeuvre une stratégie nationale, comme le prévoit le cadre relatif à une stratégie pharmaceutique canadienne.
Le deuxième domaine est celui des ressources humaines de la santé. Nous tenons à féliciter le gouvernement d'avoir élaboré un cadre pour la planification pancanadienne des ressources humaines, de même que la tenue de consultations auprès des intervenants clés, si bien qu'il a été possible de tenir compte de leurs observations. Malheureusement, les progrès dans ce domaine demeurent lents, et le manque de coordination pancanadienne nous inquiète. Aucun système provincial ou territorial de soins de santé ne peut fonctionner isolément, sans tenir compte de ce qui se passe ailleurs. La mobilité des professionnels de la santé est un exemple parmi d'autres de cette réalité.
Tout porte à croire que nous sommes à la veille d'une crise des ressources humaines de la santé. L'une des solutions à la crise du milieu infirmier se trouve dans une utilisation plus efficace des ressources actuelles. Grâce à l'adoption de la technologie, à la modification des méthodes de travail et au traitement des problèmes menant à l'absentéisme, on atteindra une plus grande efficacité de la main-d'oeuvre du secteur de la santé. Par exemple, plusieurs organismes ont déjà accompli des progrès considérables dans ce domaine, mais il n'existe aucun mécanisme officiel permettant de communiquer ces nouvelles connaissances et solutions à d'autres secteurs au Canada ou à nos organismes. En conséquence, l'AIIC recommande que les premiers ministres établissent un mécanisme officiel pour faire la promotion du partage et de l'adoption de solutions innovatrices, mais pratiques, pour remédier à la crise de la main-d'oeuvre du secteur de la santé.
Le troisième élément est la réforme des soins de santé primaires. L'une des priorités établies dans le plan décennal, en ce qui concerne la réforme des soins de santé primaires, était le dossier de santé électronique, ou DSE. Mais, malgré les nombreux avantages éprouvés du dossier de santé électronique, les progrès tardent à se faire voir. L'AIIC recommande donc que le financement d'Inforoute Santé du Canada soit augmenté et accéléré afin que la vision des premiers ministres concernant le dossier de santé électronique puisse être réalisée.
Le quatrième domaine est celui de l'innovation en matière de santé. Le Plan décennal reconnaissait l'importance des sciences, de la technologie et de la recherche pour le renforcement de notre système de soins, de même que pour notre compétitivité et notre productivité. L'AIIC considère, toutefois, qu'il y a place à amélioration en ce qui concerne les investissements dans les technologies de l'information et des communications. S'agissant des TIC, le secteur des soins de santé accuse un retard de 25 à 30 ans par rapport au secteur bancaire et à d'autres industries. Donc, afin de favoriser l'adoption des TIC dans le secteur de la santé, l'AIIC recommande que les gouvernements remboursent 100 p. 100 de la taxe sur les produits et services appliquée aux achats de TIC pour le système de santé.
Dans le domaine de la recherche, il a été démontré que les sciences infirmières permettent de réduire les taux de mortalité, d'améliorer la qualité des soins et de limiter les coûts, ce qui favorise la santé économique du Canada. Grâce au Fonds de recherche en sciences infirmières, nous avons acquis une capacité de recherche ainsi que de solides connaissances en sciences infirmières au cours des 10 dernières années. Il reste qu'il faut continuer à investir dans les recherches. L'AIIC recommande donc au gouvernement fédéral de soutenir le nouveau programme décennal de 79 millions de dollars proposé par le Consortium canadien pour la recherche et l'innovation en sciences infirmières pour atteindre ces objectifs et améliorer la contribution des soins infirmiers aux sciences de la vie et de la santé.
Enfin, je voudrais aborder la question de la responsabilisation. Bien que les transferts aux provinces aient considérablement augmenté en raison du Plan décennal, la hausse des crédits n'a pas toujours été accompagnée d'une plus grande responsabilisation. Santé Canada a l'obligation de rendre des comptes au Parlement et doit contrôler l'application des cinq critères et des deux conditions de la Loi canadienne sur la santé. Toutefois, Santé Canada continue de permettre aux provinces et aux territoires de refuser de communiquer de l'information au sujet de la prestation à but lucratif des soins de santé sur leurs territoires. En conséquence, l'AIIC recommande à Santé Canada d'utiliser ses pouvoirs discrétionnaires afin de faire respecter les principes et les conditions de la Loi canadienne sur la santé relativement aux transferts aux provinces et de présenter un rapport au Parlement sur la question.
En conclusion, malgré les progrès réalisés par rapport à certains éléments du Plan décennal, il reste encore des défis considérables à relever et des occasions à saisir.
Merci de m'avoir écoutée.
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Bonjour, madame la présidente et membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette réunion.
Je m'appelle Paulette Tremblay, et je suis la présidente-directrice générale de l'Organisation nationale de la santé autochtone. L'ONSA est un organisme conçu et contrôlé par les Autochtones dont le seul but est d'influencer et de faire progresser la santé et le bien-être des peuples autochtones en adoptant des stratégies axées sur les connaissances.
Dans un premier temps, je vous fais remarquer que, selon le recensement de 2006, il y a 1,1 million de membres des premières nations, d'Inuits et de Métis au Canada, ce qui représente 4 p. 100 de la population totale du Canada. Il s'agit du segment de la population canadienne qui croît le plus rapidement, presque six fois plus vite que les 8 p. 100 d'augmentation de la population non autochtone.
Cinquante-quatre pour cent des Autochtones vivent dans des zones urbaines, et 48 p. 100 de la population autochtone se compose d'enfants et de jeunes de moins de 24 ans, comparativement à 31 p. 100 pour la population non autochtone. L'âge médian — c'est bien important, parce que cela correspond vraiment au milieu — est de 22 ans ou moins chez les Inuits, de 25 ans chez les membres des premières nations et de 30 ans chez les Métis, comparativement à 40 ans pour la population non autochtone.
Je vous fais part de ces statistiques pour vous montrer que c'est au sein de la population autochtone du Canada que le besoin d'améliorer les soins et services de santé est le plus impérieux.
Lors de la réunion des premiers ministres de 2004, 100 millions de dollars ont été engagés, sur une période de cinq ans, pour l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone. Les objectifs de cette initiative étaient les suivants: augmenter le nombre d'Autochtones travaillant dans le secteur de la santé; améliorer le maintien en poste des travailleurs en santé au sein des collectivités autochtones; et, adapter les programmes actuels d'enseignement en santé afin d'améliorer la sensibilité culturelle des fournisseurs de soins.
En ce qui concerne l'accès aux soins et les délais d'attente, il n'existe aucune donnée longitudinale permettant de savoir s'il y a eu une amélioration de l'accès général aux soins primaires et des délais d'attente. Bien que la tendance veuille que l'on favorise de plus en plus les programmes et initiatives communautaires dans les collectivités des premières nations et inuites, les programmes correspondent à un type de services différents et ne sont pas équivalents aux soins primaires actifs.
S'agissant de l'accroissement des ressources humaines en santé autochtone, encore une fois, nous ne possédons aucun mécanisme nous permettant de suivre la situation. Par conséquent, nous avons effectué une analyse interne Les données statistiques à cet égard manquent gravement, mais nous avons réexaminé les données découlant des recensements de 1996 et 2001 afin de nous faire une idée préliminaire du nombre d'Autochtones qui travaillent dans le secteur de la santé.
D'après cette analyse, le nombre d'Autochtones occupant des postes dans le secteur de la santé entre 1996 et 2001 a augmenté de plus de 5 000. La plus forte augmentation du nombre de fournisseurs de soins autochtones s'est produite chez les Métis. En Ontario, le nombre de fournisseurs de soins autochtones dans les réserves est passé de 78 p. 100 à 90 p. 100, et le nombre de médecins, de dentistes et de vétérinaires autochtones a presque doublé, passant de 145 à 280. Le nombre d'optométristes, de chiropraticiens et d'autres professionnels diagnosticiens autochtones est passé de 40 à 80. Le nombre de pharmaciens, de diététistes et de nutritionnistes autochtones a plus que triplé, allant de 60 à 200 dans les réserves, et quadruplé, passant de 40 à 160 hors des réserves. Enfin, le nombre d'infirmières autorisées autochtones a également augmenté, passant à 915.
Il s'agit, évidemment, d'une analyse tout à fait préliminaire, mais ces chiffres indiquent bien que les nombres augmentent. En même temps, nous espérons pouvoir travailler de pair avec Santé Canada et nos autres partenaires pour faire une autre analyse, qui comprendra les données du recensement de 2006 et nous permettra de dégager davantage les tendances actuelles. Il reste qu'il existe un besoin évident d'information et d'analyse complémentaire.
Toujours sur la question des ressources humaines en santé autochtone, avec le soutien de ses partenaires et l'encadrement de l'Institut canadien d'information sur la santé et de la Dre Gail Tomblin Murphy, l'une des plus grandes spécialistes de la planification des ressources humaines en santé, l'ONSA a assumé la direction d'un projet de création d'un ensemble minimum de données qui servira à la planification des ressources humaines en santé, en fonction des besoins, pour les collectivités des premières nations, inuites et métisses.
Les progrès ont été lents pour ce qui est de terminer l'ensemble minimum de données dans le cadre de l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone. De nombreuses complexités entourent l'élaboration d'indicateurs et de mesures pouvant s'appliquer aux premières nations, aux Inuits et aux Métis; il en va de même pour l'accès à des données globales comparables et de grande qualité, et pour la protection des droits, à la fois individuels et collectifs, relatifs aux renseignements personnels. Mais, malgré toutes ces complexités, tous les intervenants travaillent avec diligence à la résolution de ces problèmes et font des progrès substantiels.
Enfin, je voudrais vous parler de l'administration de la santé dans les collectivités autochtones.
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Bonjour. Je m'appelle Onalee Randell, et je suis la directrice du Service de la santé et de l'environnement à l'ITK, soit l'Inuit Tapiriit Kanatami. L'ITK est l'organisme national qui représente les 55 000 Inuits vivant dans quatre régions et 53 collectivités du Canada.
On entend souvent parler de préoccupations qui touchent tout particulièrement les Inuits, et nous sommes donc très heureux de pouvoir présenter notre évaluation du Plan décennal.
Je voudrais, tout d'abord, vous parler des domaines où nous avons observé un certain nombre d'améliorations précises au cours des cinq dernières années. Pour moi, le Plan décennal y est pour beaucoup. L'un des éléments est justement le fait que les deux territoires et les deux provinces où habitent les Inuits, de même que le gouvernement fédéral, reconnaissent à présent la nécessité de travailler en étroite collaboration afin de régler certains problèmes juridictionnels et se sont engagés à le faire.
Il est essentiel que nous continuions à travailler ensemble afin de garantir que les Inuits, comme tous les autres Canadiens, aient accès aux soins dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin. Il faut également s'assurer que les solutions qu'on leur propose sont élaborées dans le Nord, avec la participation des membres de la collectivité.
En fait, les Inuits sont beaucoup moins susceptibles de recourir aux soins de santé que d'autres Canadiens. En 2001, 46 p. 100 des enfants inuits ont consulté un médecin. La moyenne canadienne est de 86 p. 100. Bon nombre des services de médecin et autres services médicaux sont assurés par des médecins et des dentistes qui sont transportés en avion aux collectivités pour soigner les malades, et les seuls qui sont soignés sont les cas urgents. Si le médecin n'est pas sur place, les gens sont envoyés ailleurs pour recevoir les soins nécessaires.
La question prioritaire sur laquelle je voudrais me concentrer aujourd'hui est celle des ressources humaines en santé, car c'est dans ce domaine, semble-t-il, qu'il sera possible d'avoir l'impact le plus important en un minimum de temps. Selon nous, en cherchant à élaborer une solution pertinente pour les Inuits en ce qui concerne les ressources humaines en santé, il faut que les gens commencent à faire preuve de créativité et s'attardent davantage aux déterminants sociaux de la santé.
Je voudrais maintenant vous présenter brièvement nos recommandations concernant l'élaboration d'une stratégie efficace sur les ressources humaines en santé.
Premièrement, les compétences culturelles et linguistiques constituent une priorité. Cela veut donc dire que les fournisseurs de soins dans les régions inuites doivent être en mesure de soigner les malades dans la langue de leur choix et que la culture et les valeurs inuites doivent leur être familières. Il est essentiel d'utiliser de pair les connaissances et valeurs inuites et occidentales pour la prestation des soins. D'ailleurs, ce genre de modèle a été employé avec succès dans différentes collectivités, entre autres, dans le cadre des programmes de sages femmes au Nunavut, si bien que les Inuites du Nunavut peuvent rester dans leur région pour accoucher.
S'agissant de l'infrastructure, il y a une lacune importante dans les collectivités inuites pour ce qui est de l'infrastructure. Dans certains cas, il est impossible de recruter des fournisseurs de soins et des professionnels de la santé tout simplement parce qu'il n'y a pas de locaux ou de bureaux où ils pourraient travailler.
En ce qui concerne les travailleurs en santé communautaire, le modèle que nous recommandons pour les collectivités inuites met l'accent, non seulement sur des professionnels de la santé comme les médecins, les infirmières et les physiothérapeutes, mais sur les travailleurs communautaires faisant la promotion du mieux-être, au niveau communautaire, et qui peuvent recevoir la formation requise grâce aux programmes dispensés dans leurs collectivités.
Selon nous, le réexamen de tous les éléments des systèmes d'éducation, en commençant par les programmes pour les enfants en bas âge, s'impose d'urgence. Le rapport rédigé par Thomas Berger sur le projet du Nunavut indiquait que 76 p. 100 des jeunes du Nunavut abandonnent leurs études secondaires et ne deviennent donc pas diplômés. Dans les collectivités inuites, les possibilités sont assez limitées pour ce qui est de poursuivre ces études. Par conséquent, l'une des priorités que nous avons établies consiste à faire en sorte que les jeunes puissent poursuivre leurs études plus près de chez eux, de façon à éviter qu'ils aient à s'éloigner de leur foyer et de l'aide qu'ils peuvent obtenir chez eux pour recevoir une bonne éducation.
S'agissant de l'appui fourni aux étudiants et des possibilités qui existent pour ceux et celles qui voudraient poursuivre leurs études, comme Paulette vous le mentionnait tout à l'heure, le profil démographique de la population inuite est bien différent de celui de la population canadienne en général. Nous avons justement constaté qu'il est important que les étudiants puissent bénéficier de soutien si nous souhaitons qu'ils réussissent leurs études, non seulement au niveau secondaire, mais par la suite, s'ils désirent poursuivre leurs études.
En résumé, nous sommes d'avis que, pour réussir la réforme du système de soins, il faut obligatoirement faire participer les membres de la collectivité — en d'autres termes, ceux qui utilisent les services de santé devraient participer à la conception, à la prestation et à l'entretien du système de santé communautaire, au lieu d'être de simples bénéficiaires du produit final.
De plus, dans la recherche de solutions, il faut absolument être prêt à examiner des modes de prestation des soins différents. Nous avons consacré beaucoup de temps à nos recherches sur les modèles qui existent dans d'autres pays, comme en Alaska, dont le système de prestation des soins dans des régions éloignées et en milieu rural a été couronné de succès. Il faut que les partenariats soient officialisés et reconnus par les autorités, si nous espérons pouvoir continuer à faire progresser le système de façon à répondre aux besoins des Inuits du Canada.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui.
Je suis chercheuse invitée à l'Institut des politiques sociales et de la santé de l'Université McGill, et je suis politicologue à l'Université McGill.
[Français]
Mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir invitée à vous adresser la parole sur la question des soins de santé, une question importante pour moi parce c'est là-dessus que j'ai consacré I'essentiel de ma recherche comme politologue, mais surtout importante à cause de la place qu'elle occupe dans l'ensemble de la vie politique canadienne et dans la vie de tous les Canadiennes et Canadiens.
Je veux soulever trois points sur lesquels je vous invite à revenir au cours de la période de questions: d'abord, mon impression générale sur cet accord de 10 ans et cette entente par rapport au débat public plus large sur la réforme de la santé; par la suite, les points positifs qui découlent de ce plan décennal; finalement, les problèmes qu'il faut régler.
Le 15 septembre 2004, j'étais à Ottawa avec plusieurs d'entre vous, où j'ai assisté à la conférence des premiers ministres qui a fini par aboutir, très tard dans la nuit, a un accord qui a tracé les balises du Plan décennal pour consolider les soins de santé. Ce qui m'a frappé, comme politologue et observatrice à cette conférence, était la méfiance qu'on observait entre les représentants des provinces et territoires vis-a-vis de leurs homologues fédéraux — et vice versa —, mais en même temps, la prise de conscience du poids politique de ce dossier par les premiers ministres. En d'autres termes, on avait l'impression que les chefs politiques avaient finalement compris que, malgré les contraintes et les difficultés du dossier en termes économiques, juridiques et logistiques, on était devant un enjeu dont la pertinence était primordiale pour tous les citoyens du pays.
[Traduction]
Si le Plan décennal de 2004 est aussi important, c'est parce qu'il a été adopté au moment même où l'on a commencé à constater un changement tout à fait remarquable en ce qui concerne les attitudes des Canadiens envers leur système de soins, attitudes qui étaient exceptionnellement positives, chez la majorité des Canadiens, à l'égard du système d'assurance santé et du système de soins en général au début des années 1990, mais qui devenaient à ce moment-là de plus en plus caractérisées par l'incertitude et l'insécurité au sujet de la viabilité du système.
S'agissait-il d'une véritable crise? Eh bien, il est certain que la forte limitation des dépenses publiques à l'époque avait exposé certaines faiblesses en ce qui concerne l'organisation et le financement des systèmes de soins. Mais, mes collègues et moi — entre autres, Stuart Soroka, qui a rédigé un rapport sur l'opinion publique pour le Conseil canadien de la santé — sommes d'avis qu'il s'agissait surtout d'une crise de confiance résultant de la désillusion grandissante du public à l'égard de leurs dirigeants politiques du point de vue de leur capacité et leur désir de s'attaquer aux difficultés qui semblaient compromettre gravement le système de soins de santé.
Ce sentiment n'a pas disparu, malgré les innombrables rapports préparés dans les provinces sur le système de soins et même celui de la Commission sur l'avenir des soins de santé au Canada, déposé en 2002. Ce qui est paradoxal, c'est que la plupart des Canadiens sont satisfaits des soins qu'ils reçoivent, mais s'inquiètent pour l'avenir. De même, ils sont préoccupés par un certain nombre de problèmes, à savoir des urgences surchargées, des délais d'attente pour voir un spécialiste, et les listes d'attente pour obtenir des services précis.
Voilà qui m'amène à mon deuxième point. En quoi le Plan décennal a-t-il permis de faire dissiper certaines de ces préoccupations? Ce qu'il y a de positif, c'est que cet accord a été signé, ce qui prouve, je suppose, qu'il y avait de la bonne volonté dans certains milieux ici à Ottawa. Mais, pour ceux qui observent l'évolution des politiques sur la santé, la bonne nouvelle, c'est que le Plan décennal devrait permettre d'améliorer les soins de santé grâce à une série de mesures concrètes assorties d'une garantie de financement grâce à la formule essentielle du financement pluriannuel.
Je ne suis pas de ceux qui estiment que c'est uniquement un problème d'argent, mais il ne fait aucun doute qu'un réinvestissement de crédits fédéraux dans le système de soins serait considéré comme une mesure positive, surtout pour les provinces qui essaient d'assainir les finances publiques.
Les mesures proposées dans ce Plan décennal visaient des enjeux majeurs. Comme d'autres témoins l'ont déjà signalé, il y était question de besoins très variés, comme les ressources humaines, les soins à domicile et la santé publique, des besoins des populations précises, et d'un engagement plus général envers la responsabilisation et la transparence.
L'insistance sur les délais d'attente visait à faire comprendre aux Canadiens qu'on avait compris la nature de leurs préoccupations et que des mesures seraient prises pour y répondre, et dans les années qui ont suivi, la majorité des provinces se sont justement engagées à réformer les soins primaires et à mieux gérer les délais d'attente dans certains secteurs; on doit conclure que ces progrès ont été facilités en partie par l'engagement du Plan décennal à ce chapitre-là.
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En troisième lieu et pour conclure, le plan présentait aussi quelques problèmes. Il faut admettre qu'on parle ici de domaines assez complexes et assez difficiles à réconcilier et à réformer. Mais le plan des premiers ministres avait l'atout de reconnaître au moins que ce sont des vases communicants dans le domaine de la santé, qu'on ne peut pas travailler sur un aspect sans être confronté aux réalités d'un autre. Du point de vue politique aussi, je crois que la reconnaissance de l'asymétrie dans les arrangements avec le Québec était aussi de mise. Pour la première fois depuis longtemps, on mettait le Québec dans le texte, plutôt qu'entre parenthèse ou en note de bas de page, comme le disent certains de mes collègues.
Mais ces mêmes atouts ont peut-être miné la portée et la réussite de ce plan. D'abord, l'accent politique mis sur les temps d'attente a semblé renforcer la perception que le temps d'attente équivalait à l'accès à la santé, une perception qui a persisté lors de la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Chaoulli. Or, il est clair que le temps d'attente pour un service est le symptôme du problème —organisationnel ou financier — et n'est pas nécessairement le problème en soi.
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Merci. Excusez mon retard.
Au nom de la Coalition canadienne de la santé, je désire remercier le comité de m'avoir invité à comparaître. Je dois dire, néanmoins, que je suis très déçu de constater que les témoins ont très peu de temps pour présenter leurs points de vue et que, évidemment, le nombre de Canadiens ayant la possibilité de participer à cet important exercice de responsabilisation est également limité.
La Coalition canadienne de la santé est un organisme de défense de l'intérêt public établi en 1979, lors de la conférence SOS Assurance maladie à laquelle ont assisté Tommy Douglas, Emmett Hallo et Monique Bégin. À une époque, les trois partis politiques fédéraux croyaient en notre système de soins. Depuis, une deuxième conférence SOS assurance-maladie s'est tenue à Regina, en mai dernier. Nous avons eu le plaisir d'entendre de nouveau Monique Bégin, ainsi que d'autres Canadiens de renom et experts internationaux.
Il est évident qu'il y a eu des progrès au sein du système de soins depuis l'accord 2004, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Et il faut que le gouvernement fédéral revienne à la table. Le gouvernement fédéral a un rôle important, voire même irremplaçable, à jouer pour ce qui est de garantir à tous les Canadiens un accès comparable à un continuum de soins appropriés et de première qualité.
Pour commencer, je voudrais poser une question. Comment se fait-il que l'écart continue à se creuser en ce qui concerne la responsabilisation du système de soins? Les crédits disponibles sont beaucoup plus importants — 41 milliards de dollars plus un mécanisme d'indexation de 6 p. 100 — mais les responsables répondent de moins en moins de l'utilisation de ces crédits. C'est un problème de taille. Le système de soins appartient aux Canadiens. Ce sont les Canadiens qui le paient. Les Canadiens en sont les actionnaires. L'intendance fédérale est nécessaire afin de garantir que les fonds publics sont utilisés à bon escient.
Il convient également de mentionner que la vérificatrice générale du Canada, dans plusieurs rapports différents, a fait savoir que le ministre de la Santé est incapable de garantir le Parlement que les provinces respectent la Loi canadienne sur la santé. Si vous n'êtes pas en mesure de faire respecter les conditions de cette dernière, il ne convient pas de transférer des crédits. Le Parlement devrait jouer son rôle consistant à forcer le ministre à rendre des comptes à ce sujet, pour que nous sachions si les provinces adhèrent ou non aux conditions de la Loi canadienne sur la santé.
Le rapport annuel sur la Loi canadienne sur la santé est une honte. C'est une série de pages blanches, et j'incite donc le comité à faire son devoir en obligeant le ministre à rendre des comptes et à cesser de laisser le Parlement dans l'ignorance totale en ce qui concerne l'utilisation des deniers publics, surtout compte tenu de l'expansion des projets de privatisation.
Je voudrais vous citer des extraits d'un document de Santé Canada, obtenu à la suite d'une demande d'accès à l'information, indiquant que, même si la LCS n'aborde pas directement la question de la prestation des soins par des fournisseurs privés, il pourrait y avoir de sérieuses conséquences qui influeraient sur le système de soins de santé en général, comme le fait de faire payer les services assurés et d'autoriser le resquillage. Il indique également que le gouvernement pourrait dire que rien ne permet de conclure que le recours aux fournisseurs privés est plus économique et efficace et permet d'assurer des soins de meilleure qualité, par rapport aux fournisseurs publics. Le mutisme du ministère de la Santé à cet égard est inexplicable. Le sous-ministre de la Santé comprend très bien tous ces enjeux, mais c'est le ministre qui en a l'ultime responsabilité.
Je voudrais maintenant passer rapidement à mon autre question, à savoir pourquoi le gouvernement fédéral ne fait absolument rien alors que notre système de soins de santé est compromis à l'heure actuelle dans la province de Québec, la province de la Colombie-Britannique, et bientôt, la province de l'Alberta.
Très rapidement, il existe deux visions contradictoires relativement à l'avenir du système de soins de santé publique. D'après Roy Romanow, la première — qui repose surtout sur un discours et très peu des faits réels, tout en essayant de se faire passer pour quelque chose de complètement nouveau — s'appuie sur la prémisse selon laquelle les soins de santé constituent un simple produit et, par conséquent, il faudrait que le système mise davantage sur des solutions qui font intervenir le marché. Voilà la vision préconisée par des personnes comme Claude Castonguay au Québec, Don Mazankowski en Alberta, Michael Kirby, Preston Manning et, à ma gauche, le Dr Brian Day. La destruction du système de soins est susceptible de rapporter gros à certaines personnes, et c'est la raison pour laquelle les propriétaires de cliniques privées assurant à but lucratif des services chirurgicaux et de diagnostic font la promotion de la privatisation.
Par contre, la clé de voûte de l'autre vision est notre narratif comme nation. S'appuyant sur des faits probants et des principes déontologiques, cette dernière conçoit les soins de santé comme un bien public. Conformément à cette vision, les gouvernements démocratiquement élus qui défendent la primauté du droit, par opposition aux bénéfices nets des grandes entreprises, sont appelés à définir les besoins de tous les citoyens, où qu'ils habitent. Tous les citoyens doivent pouvoir accéder au système, même s'ils n'habitent pas Vancouver, Toronto ou Montréal.
De faibles mécanismes de responsabilisation facilitent la privatisation, et ce n'est pas par hasard que les provinces qui opposent une certaine résistance à la responsabilisation — la province de Québec, la province de l'Alberta, et la province de la Colombie-Britannique — sont celles qui ont justement pris l'initiative de confier la prestation de services assurés à des intérêts commerciaux qui n'ont pas de comptes à rendre.
Quatrièmement, pourquoi bloque-t-on la mise en oeuvre de l'accord de 2004? Les Canadiens ont besoin d'un meilleur accès à une vaste gamme de services, y compris l'assurance-médicaments, les soins à domicile et les mesures de soutien à domicile. Nous devons continuer à édifier un système axé sur la qualité qui prend au sérieux la question de la prévention et la nécessité d'offrir des traitements appropriés.
Un citoyen raisonnable serait susceptible de conclure, étant donné ce que vous ont dit l'autre jour les représentants du Conseil canadien de la santé, que le nouveau gouvernement du Canada fait obstacle à la mise en oeuvre de l'accord de 2004 sur les soins de santé. Le démantèlement du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la responsabilisation en est la preuve la plus manifeste. Ce n'est pas un geste purement symbolique.
Un autre domaine où le désengagement du gouvernement fédéral est manifeste est celui de la mise en oeuvre de la Stratégie pharmaceutique nationale. En fait, nous reculons. Le gouvernement fédéral a annoncé un nouveau règlement qui empêchera l'accès à des soins médicaux abordables. C'est une violation de la Loi.
Pour conclure…
D'abord, merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. L'AMC est ravie de l'occasion qui lui est donnée d'exprimer ses vues devant le Comité permanent de la santé, et je vous remercie aussi de m'avoir assis à la gauche de Michael McBane.
Je voudrais commencer par vous citer un extrait de l'accord de 2004:
Les premiers ministres demeurent déterminés à produire des résultats, mais sont conscients que la réforme visant à adapter le système aux besoins sans cesse changeants de la population canadienne prendra du temps, un engagement à long terme et des ressources appropriées.
Force est de constater que, au cours des trois dernières années, trop peu des engagements énoncés dans l'accord ont été respectés.
Il y a 74 ans, en 1934 — 12 ans avant que Sir William Beveridge ne présente son projet pour la création d'un service de santé nationale en Grande-Bretagne — l'Association médicale canadienne a élaboré des lignes directrices pour un programme national de soins médicaux qui serait financé et administré par le gouvernement canadien. Le projet de création du NHS élaboré par Sir Beveridge a constitué un modèle partiel pour le système de soins canadien.
Le NHS a récemment été renouvelé, ce qui a permis une évolution positive. Les patients en ont beaucoup bénéficié, puisqu'il a été possible, en quatre ans seulement, d'éliminer les listes d'attente. Des soins de santé universels et un excellent accès au système peuvent coexister. Au Canada, nous nous raccrochons à un système qui s'appuie sur le modèle du vieux NHS. Or notre système doit devenir plus efficace et responsable. Dans mon exposé, je vais me concentrer sur les délais d'attente et l'accès, la pénurie de médecins, les soins axés sur les patients et le financement.
D'abord, j'insiste sur le fait que les progrès réalisés en ce qui concerne les délais d'attente ont été limités et ne sont pas uniformes d'un bout à l'autre du Canada. Des pénuries de fournisseurs et de capacité continuent à constituer des obstacles importants à l'accès. Des délais d'attente qui sont préjudiciables pour l'état de santé du malade ne sont pas nécessaires. Les délais d'attente font souffrir les malades et supposent également des coûts économiques très importants. Cette année, nous avons publié un rapport indiquant que le coût économique — en 2007 seulement — de délais qui font attendre les patients plus longtemps que ne le recommande le médecin était de 14,8 milliards de dollars. Ce montant faramineux ne concernait que quatre actes médicaux présentés comme des priorités dans le Plan décennal. Imaginez quel en serait le coût si l'on y incluait les milliers d'actes médicaux effectués par le personnel médical.
Un million de Canadiens continuent à souffrir du fait d'avoir à attendre les soins dont ils ont besoin en raison des lacunes du système, ce qui est tout à fait inacceptable. Pour nos patients et pour la santé économique du Canada, il faut absolument réussir à éliminer les délais d'attente. Cela suppose du leadership, un changement d'orientation révolutionnaire et des investissements durables.
Bien que les premiers ministres aient reconnu le besoin d'accroître l'offre de professionnels de la santé, trop peu de mesures ont été prises jusqu'à présent afin d'atteindre cet objectif. Le Canada a 26 000 médecins de moins que le nombre moyen dans les pays développés et se situe au 24e rang pour ce qui est du nombre de médecins par habitant. Le sondage rendu public aujourd'hui par l'Association médicale canadienne permet de constater que la pénurie de médecins au Canada est jugée constituer le deuxième enjeu le plus important au Canada, après l'économie, et 91 p. 100 des Canadiens estiment que la pénurie de médecins influencera la façon dont ils voteront aux prochaines élections. Les partis politiques qui ferment les yeux sur ce problème risquent de le payer cher aux urnes aux prochaines élections. Il faut absolument en accroître le nombre, et il faut également que nous soyons autosuffisants pour ce qui est de l'offre de professionnels de la santé.
Par ailleurs, dans le Plan décennal de 40 milliards de dollars pour consolider les soins de santé, on n'a pas tenu suffisamment compte de la nécessité d'améliorer l'efficacité, la productivité et la performance du système actuel. Il faut investir dans les technologies de l'information sur la santé; à l'heure actuelle, les hôpitaux y consacrent une somme correspondant à seulement un tiers de l'investissement moyen dans les pays membres de l'OCDE. Bon nombre de pays se sont dotés de systèmes qui assurent des soins universels, sans qu'il n'y ait des listes d'attente, et dont les coûts administratifs sont les mêmes ou inférieurs aux nôtres.
Il est possible d'éliminer les listes d'attente, et il faut absolument le faire. Notre système doit répondre efficacement aux besoins des malades, et non l'inverse. Nous devons repositionner les patients au centre de notre système de soins et faire en sorte que les crédits suivent le patient — autrement dit, il faut que le financement soit axé sur les patients.
L'actuel régime de financement global pour nos établissements de santé doit changer. Le financement global entrave l'accès au système. Au fur et à mesure que les patients seront valorisés par les établissements, plutôt que de représenter uniquement des coûts, la productivité et l'efficacité s'amélioreront et les listes d'attente seront progressivement éliminées. Le Canada demeure le dernier pays du monde industrialisé à financer les hôpitaux en s'appuyant exclusivement sur le mécanisme du financement global. En Angleterre, le financement axé sur les patients a aidé à supprimer les listes d'attente en moins de quatre ans.
Pourquoi continuons-nous de garder les patients sur des listes d'attente, alors que la recherche prouve qu'il coûte beaucoup moins cher de réduire les délais d'attente que de les garder? Notre système est enfermé dans un cycle vicieux caractérisé par le rationnement des services, ce qui conduit à un accès réduit au système, une main-d'oeuvre moins importante, des investissements limités dans la technologie, de longues listes d'attente qui influent de façon négative à l'économie et créent des pressions financières qui conduisent obligatoirement au rationnement, et ainsi la boucle est bouclée. Le financement axé sur les patients nous permettrait de briser ce cycle vicieux.
L'accord de 2004 signé par les premiers ministres devait déboucher sur des solutions qui profiteraient à toute une génération. Par contre, il ne faut pas que la mise en oeuvre des solutions prenne toute une génération.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, madame la présidente, et rebienvenue.
Je voudrais également remercier tous les témoins.
Docteur Day, vous avez dit que vous êtres content d'être assis à la gauche de M. McBane, mais certains d'entre nous, de ce côté-ci de la table du moins, avons l'impression que, par rapport aux conservateurs, vous êtes légèrement plus à droite. Je suppose que c'est une question de perception.
Docteur Day, vous avez dit qu'il existe actuellement une pénurie de 26 000 médecins, et j'aimerais donc m'attaquer directement à la question des ressources humaines par rapport à ce que prévoit le Plan. Je présume qu'il existe également une pénurie d'infirmières, de radiologues, etc. C'est bien ça?
Il y a combien de diplômés en médecine chaque année au Canada? Peut-être devrions-nous nous intéresser surtout aux choses essentielles.
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Pour moi, elle sera présente tant qu'une tension existera au niveau du rôle décisionnel dans le secteur de la santé des différents ordres de gouvernement. À mon avis, c'est l'une des questions qui n'a pas encore été réglée. On ne sait toujours pas qui devrait prendre les décisions qui permettraient de remédier aux difficultés mentionnées par le Dr Day et d'autres témoins. Il n'est pas sûr que le gouvernement fédéral puisse réellement agir sur le problème du nombre de diplômés des écoles de médecine, par exemple, étant donné que les écoles de médecine font partie du système d'enseignement postsecondaire, qui est une responsabilité provinciale.
Donc, les grandes questions politiques sur le pouvoir décisionnel des différents ordres de gouvernement n'ont pas encore été réglées. Quand on s'attaque à la question de savoir qui prend les décisions, on détermine d'office qui… Si c'est vous qui décidez, vous allez déterminer qui aura quoi, à quel moment, combien, dans quelle mesure les services doivent être assurés par des fournisseurs privés ou publics, et combien d'argent il faut investir. Mais la grande question est de savoir qui devrait prendre la décision, et en ce qui me concerne, cette tension fondamentale est toujours présente.
Loin de moi l'idée de sous-estimer le pas en avant réalisé grâce au plan de 2004, qui nous a effectivement permis de sortir de l'impasse qui paralysait le débat politique au sujet des soins de santé. Donc, bien que nous ayons progressé, nous n'avons pas encore réglé cette question fondamentale, à mon avis.
Vous vous sentez frustrée de ne pas avoir plus de temps, mais pour notre part, nous serons frustrés de ne pas pouvoir poser autant de questions qu'on le voudra.
Plusieurs témoins nous ont dit que le plan décennal n'était pas vraiment une réussite. Madame Ballermann, du Secrétariat des professionnelles et professionnels de la santé, vous dites que l'application du plan décennal n'est pas une réussite. Il n'a pas donné les résultats escomptés au chapitre des ressources humaines au sein des établissements de santé. Après avoir fait ce constat sur les ressources humaines et sur d'autres aspects, comme plusieurs autres l'ont fait, comment fait-on pour élaborer un plan à long terme, par exemple, pour obtenir plus d'étudiants en médecine ou dans les différentes technologies de la santé? C'est dans ce domaine qu'il y a un problème. Il y a des listes d'attente. On dit que ce n'est pas nécessairement une question d'argent, mais de ressources.
Quels conseils donneriez-vous à long terme au gouvernement, que ce soit le gouvernement fédéral ou à un autre palier car on ne sait pas qui a la responsabilité suprême, afin de fournir un guide d'orientation aux provinces?
Vous avez parfaitement raison: il faut augmenter de façon importante le nombre de places dans les établissements postsecondaires, pas uniquement pour les médecins et les infirmières, mais pour l'ensemble des fournisseurs de soins. Dans ma province natale de l'Alberta, par exemple, le gouvernement a déterminé à un moment donné qu'il y avait une pénurie d'infirmières, alors que le nombre de postes vacants dans d'autres secteurs où travaillent les professionnels de la santé — les personnes que nous représentons — dépassait celui pour le secteur infirmier. Or le gouvernement de l'Alberta a décidé de créer 200 places de plus dans les écoles de sciences infirmières des établissements postsecondaires, et seulement 40 pour toutes les autres professions du secteur de la santé. Il est donc essentiel que l'on tienne compte de tous les fournisseurs de soins, et cela suppose l'accès aux données de toutes les régions du pays. Dans certaines disciplines que nous représentons — comme il s'agit parfois d'un travail très spécialisé, il peut y avoir seulement 2 000 ou 3 000 praticiens — les données ne sont pas disponibles en raison du faible nombre de personnes qui pratiquent le métier. Mais, l'accès à ces données — ou la manque d'accès — est un facteur clé pour ce qui est de notre capacité d'assurer tous les services qui font partie du système de soins — les tests de diagnostic, les tests thérapeutiques, etc. Donc, il faut absolument accroître le nombre de places dans les établissements.
Quand il y aura plus de places, il faudra également s'assurer qu'elles sont bien utilisées, en ce sens qu'il faut choisir les étudiants de façon à ne pas en perdre, étant donné que le nombre de places est limité. Il existe un problème d'attrition dans certains programmes de formation, si bien que si vous avez 20 étudiants au départ et seulement 10 personnes obtiennent leur diplôme, vous aurez perdu la possibilité de former 10 personnes de plus. Donc, la sélection des étudiants, le nombre de places dans les établissements — tous ces éléments doivent être examinés en vue de trouver une solution.
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Merci, madame la présidente.
Je désire remercier tous nos témoins.
Vous devriez savoir que cette réunion marque la dernière fois que nous pourrons entendre les vues des citoyens au sujet du Plan décennal. Notre temps est limité.
Mike, vous avez dit quelque chose qui me semble tout à fait juste. Ce n'est pas nécessairement le comité qui l'a décidé — je dirais que c'est plutôt le gouvernement qui l'a voulu ainsi, étant donné que nous avons reçu une lettre dès le départ du ministre de la Santé, indiquant que, selon lui, il faudrait que l'étude du comité soit bien ciblée et limitée dans le temps. Il laissait entendre que, étant donné que très peu de progrès ont été réalisés jusqu'à présent, cela ne servirait à rien de faire davantage, même si presque la moitié de la période prévue est déjà écoulée.
J'aimerais que vous tous — et je vais évoquer trois domaines en particulier — nous fassiez part de vos recommandations, en prévision de la préparation de notre rapport. Nous avons atteint une étape critique. Nous parlons de l'état global de notre système de soins. Je voudrais donc vous parler de trois éléments.
D'abord s'agissant de la Loi canadienne sur la santé, Mike, vous avez été le seul à mentionner le manque de responsabilisation et le fait que le gouvernement actuel n'a pas fait respecter les normes établies dans la Loi, qui font partie intégrante de l'accord. Les gens semblent oublier cette réalité-là. Le texte-même de l'accord fait mention de l'engagement pris par tous les gouvernements vis-à-vis du système actuel, système qu'ils s'engagent à renouveler, et non pas à démanteler.
Nous n'avons pas réussi à faire en sorte que le ministre qui est responsable devant le comité prenne des mesures au sujet de la LCS, et nous n'avons pas non plus réussi à faire adopter une motion en ce sens; donc, que faut-il faire maintenant pour forcer le gouvernement actuel à exercer ses responsabilités en ce qui concerne l'exécution de la Loi canadienne sur la santé?
Voilà ma première question. Ensuite, je voudrais passer à la question des ressources humaines en santé et la santé autochtone.
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Pour vous répondre rapidement, d'après la Coalition canadienne de la santé, le gouvernement fédéral a le devoir, de par la Loi, de faire respecter cette loi, et si le gouvernement actuel n'y croit pas, peut-être devrait-il changer d'emploi.
Il y aura des élections un de ces jours, et si le gouvernement est d'avis que les soins de santé relèvent exclusivement des provinces, que les Canadiens ne veulent pas de normes nationales, que les Québécois ne veulent pas avoir accès au système de soins si jamais ils s'établissent en Colombie-Britannique, et inversement, il faudrait que la position qu'il a adoptée fasse l'objet d'un débat pendant la prochaine campagne électorale.
Selon moi, nous sommes dans une impasse. Il n'y a pas de véritable responsabilisation. Le comité a été mis sur la touche pour ce qui est d'examiner la norme de responsabilisation dont il est question dans le rapport annuel sur la Loi canadienne sur la santé, norme qui est totalement insuffisante, d'après la vérificatrice générale.
Je pense que la plupart des Canadiens veulent savoir à quoi sert leur argent, si bien qu'il convient, selon moi, de continuer à insister sur des normes de responsabilisation plus rigoureuses.
Le ministre a comparu devant le comité, et je trouve intéressant qu'il n'ait pas mentionné une seule fois les mots « Loi canadienne sur la santé », « assurance-santé », « soins de santé universels » ou « système national de soins de santé ». Donc, je m'interroge beaucoup sur son attitude et les véritables priorités du gouvernement. Mais vous avez raison: peut-être notre seul moyen d'intervention consiste-t-il à forcer le gouvernement à rendre des comptes en période électorale.
Je sais que d'autres voudraient intervenir, mais permettez-moi d'abord de poser une autre question, et vous pourrez répondre par la suite. Ma question concerne les ressources humaines en santé qui constituent, me semble-t-il — à en juger d'après ce que nous ont dit tous les témoins qui ont comparu devant le comité — le plus important problème du système de soins de santé à l'heure actuelle.
Lorsque la sous-ministre adjointe, Karen Dodds, a comparu devant le comité au début de cette étude, elle n'a pas dit un mot au sujet de la Stratégie sur les ressources humaines en santé. Lorsqu'on a posé la question au ministre, il s'est contenté de répondre en disant: « Vous savez, nous prenons quelques mesures à l'égard des diplômés étrangers, mais le fait est que cela relève de la responsabilité des provinces ».
J'invite donc Elisabeth, Marlene et Antonia — et, bien entendu, le Dr Day — à se prononcer sur ce que nous devrions dire en réponse à ce plan décennal qui va permettre d'orienter l'action future et de faire avancer ce dossier. La Stratégie sur les ressources humaines dans le secteur de la santé arrive à sa fin au printemps de cette année. Le gouvernement ne s'est aucunement engagé à établir une nouvelle stratégie. Qu'allons-nous faire?
Commençons par Elisabeth, suivie de Marlene.
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Merci, madame la présidente.
Mes questions s'adressent à M. Day. Je voudrais explorer avec vous trois domaines en particulier.
S'agissant de l'accord sur la santé, il est évident que l'objet d'audiences comme celle-ci consiste à améliorer les prochaines étapes. Je vous invite donc à vous prononcer sur trois éléments en particulier.
Le premier élément est la différence qui existe entre les milieux rural et urbain en ce qui concerne le niveau de services et la prestation des services de santé. En ce qui concerne la pénurie de médecins, par exemple, il est évident que cette pénurie est beaucoup plus grave en milieu rural qu'elle ne l'est en milieu urbain. La tendance veut que les hôpitaux des petites localités connaissent des problèmes plus graves, et ce à plusieurs niveaux différents.
La capacité est une autre question qui me préoccupe. Je ne suis pas convaincu que l'accord sur la santé accorde une attention suffisante aux problèmes de capacité des hôpitaux. Je pourrais citer l'exemple de mon propre hôpital, l'Hôpital Royal Victoria. On me dit que ce dernier utilise systématiquement 96 ou 98 p. 100 de sa capacité, mais il n'y a pas un manque de lits. Pouvons-nous assumer un rôle de chef de file dans ce domaine en élaborant une vision et un plan en bonne et due forme afin de nous assurer qu'il existe au Canada une infrastructure suffisante — pour éviter que la capacité de nos hôpitaux soit toujours utilisée au maximum?
Le troisième élément concerne quelque chose qui préoccupe tout le monde, me semble-t-il, et dont vous avez tous parlé, à savoir le recrutement et le maintien en poste des professionnels de la santé. Je suis moi-même membre d'un groupe de travail chargé du recrutement de médecins à Barrie, et je sais que de nombreuses autres localités ont leurs propres groupes de travail qui se concurrencent l'un l'autre pour recruter des professionnels de la santé. Pour le moment, nous pouvons nous contenter de faire du surplace, mais il est évident que cela ne peut constituer une solution à long terme.
Je sais que vous avez évoqué le fait que nous sommes passés de 1 500 à 2 700 diplômés en médecine par année. Quel nombre faut-il viser à long terme? J'ai bien compris qu'il y en aura bientôt 3 000, mais nombre faudrait-il pour satisfaire les besoins au Canada? Est-ce 4 000? Est-ce 5 000? Ce serait intéressant de savoir exactement le nombre qu'il faut au Canada.
Je vous ai également entendu parler des 1 500 médecins formés à l'étranger qu'il convient de rapatrier. Voilà une autre préoccupation. Y a-t-il des mesures qu'on peut prendre pour accélérer ce processus? On veut toujours éviter que quelqu'un soit obligé de livrer de la pizza ou d'être chauffeur de taxi, alors qu'il peut aider la population canadienne. En même temps, y aurait-il lieu de craindre que des personnes qui n'ont pas été admises à des écoles de médecine au Canada, mais ont réussi à obtenir un diplôme à l'étranger, n'ont pas des qualifications qui correspondent à nos normes?
Je sais très bien qu'on fait passer des examens d'équivalence d'études. Mais, y a-t-il quelque chose qu'on pourrait faire afin de nous assurer que ces examens se déroulent de la façon la plus efficace possible? Je crois savoir que le coût d'un examen d'équivalence d'études est de l'ordre de 1 000 $ ou de 2 000 $, et que bon nombre de nouveaux Canadiens ne peuvent pas se permettre de payer une telle somme.
Dans ma circonscription électorale de Barrie, nous avons créé un fonds de subvention afin de permettre à des médecins formés à l'étranger de payer leur examen d'équivalence, étant donné qu'ils n'ont pas les moyens de payer les livres. Quelles mesures pourrions-nous prendre au niveau national pour aider les médecins étrangers à être plus rapidement intégrés dans notre système?
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En ce qui concerne la différence entre les milieux rural et urbain, nous avons déjà une stratégie visant à remédier à ce problème. En Colombie-Britannique, par exemple, et même ailleurs, il a été démontré que les étudiants en médecine qui viennent du milieu rural sont plus susceptibles d'exercer la médecine en milieu rural. En fait, les données recueillies en Colombie-Britannique à ce sujet sont très positives. Les étudiants en médecine qui viennent des centres ruraux ont tendance à vouloir y retourner. Et, bien entendu, c'est au Canada rural que la crise de la main-d'oeuvre médicale est la plus grave.
S'agissant de capacité, dans mon exposé liminaire, j'ai parlé de la nécessité d'habiliter le patient, au lieu de se concentrer sur le système lui-même, contrairement à ce que certaines personnes ici présentes souhaitent faire. Il faut donner la priorité au patient, et non au système proprement dit, de sorte que tout s'articule autour du patient. L'un des moyens d'y parvenir consiste à rattacher le financement au patient, pour que l'établissement qui l'accueille attache une valeur à sa présence, au lieu de n'y voir qu'une source de dépenses.
Nous sommes le dernier pays membre de l'OCDE à assurer un financement global à nos hôpitaux. Quand vous dites qu'il n'y a pas de capacité… Le fait est que les hôpitaux ne sont pas incités à travailler efficacement, notamment pour ce qui est de la gestion du séjour à l'hôpital, de l'admission jusqu'au congé. En Grande-Bretagne, qui a le National Health Service qui assure des soins de santé universels, en trois ans et demi les listes d'attente ont énormément diminué et la capacité s'est accrue, car il y a à présent… Par exemple, si l'intervention chirurgicale que je dois effectuer prend une heure et demie, alors qu'il est déjà 15 h 30, on ne va pas me permettre d'opérer le patient, étant donné que je risque de dépasser leur limite prévue à l'horaire, et ce, parce que l'hôpital doit à ce moment-là utiliser trop de ses ressources financières pour soigner ce patient. Donc, le système est inefficace, du fait que le patient n'est pas positionné au centre.
Pour ce qui est du recrutement, 1 500 étudiants en médecine fréquentent des écoles étrangères, et bon nombre d'entre eux sont très intelligents. En fait, il y a plus de 200 Canadiens qui étudient en Australie, et plus de 300 en Irlande. À l'une des universités australiennes, sur les cinq étudiants ayant eu les meilleurs résultats en classe terminale, quatre étaient Canadiens. Donc, il ne s'agit pas d'étudiants moins doués.
Encore une fois, j'estime que nous avons un problème de recrutement et de maintien en poste. Cinquante pour cent des chirurgiens orthopédistes nouvellement formés — rappelons-nous que c'est en chirurgie orthopédique que les listes d'attente au Canada sont les plus longues — quittent le Canada moins de cinq ans après avoir obtenu leur diplôme, tout simplement parce que nous sommes dans l'impossibilité de leur donner du temps en bloc opératoire.
Donc, c'est le terme rationnement qui définit le mieux l'approche que nous avons adoptée en ce qui concerne notre système de soins. Nous sommes en train de rationner l'accès. C'est en rattachant le financement au patient lui-même que nous réussirons à rompre ce cycle vicieux.
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Dans notre mémoire, nous insistons sur la nécessité de faire de bons investissements dans les technologies qui sont employés dans le système de soins. Nous représentons plus de 134 000 infirmières autorisées au Canada, et si vous allez dans un établissement sanitaire, vous allez constater que nous accusons un sérieux retard, par rapport aux banques, au secteur de détail ou même aux compagnies qui livrent les pizzas, pour ce qui est de notre capacité à bien profiter des technologies de façon à faciliter notre travail.
Pour ce qui est de la pénurie de personnel, en 2016, il nous manquera environ 113 000 infirmières autorisées. C'est un chiffre à ce point important que les gens ne peuvent même pas imaginer ce que cela signifie. Quant à nous, nous avons bien insisté sur le fait qu'il faut travailler différemment, qu'il faut concevoir le travail à faire de façon différente, qu'il faut s'assurer de profiter de l'étendue de la pratique de toutes les professions qui font partie de l'équipe de soins et, enfin, qu'il faut travailler de manière coopérative en donnant la priorité au patient.
Mais tout cela suppose l'accès aux outils appropriés. Tout à l'heure, une question a été posée concernant le genre d'outils qui est nécessaire. Pour ma part, j'arrive de l'Assemblée de l'Organisation mondiale de la santé à Genève, et je peux vous dire qu'il y avait au maximum une dizaine de personnes dans la salle, alors que 194 pays étaient représentés, qui n'avaient pas des Palm Pilots, des Blackberry, ou des téléphones portables. Or, vous n'allez jamais trouver une infirmière qui s'en sert; dans notre système de soins, ce genre d'appareils n'est pas mis à la disposition du personnel infirmier.
Or ces outils faciliteraient le travail des gens, surtout que c'est une technologie facile à obtenir qui suppose un investissement assez minime. De cette façon, les infirmières seraient en mesure de profiter au maximum de leurs connaissances d'infirmières et de l'étendue de leur expertise.
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Oui, malheureusement, étant donné que le temps est limité.
Il existe d'excellents exemples, et je vais vous en citer un.
Autrefois, la Pan-Am Clinic de Winnipeg était un service privé qui effectuait différents actes médicaux, y compris les chirurgies orthopédiques, les arthroscopies de l'épaule, du genou, etc. Autrement dit, le gouvernement payait les services, mais une partie du financement assuré par le gouvernement était le système sous forme de bénéfices. Le gouvernement du Manitoba a donc décidé de l'intégrer de nouveau dans le système public.
À l'heure actuelle, on dépense moins pour chaque acte médical que lorsqu'il s'agissait d'une clinique privée à but lucratif, et le nombre de patients qui y sont traités est tout à fait étonnant. Toutes les économies qui sont réalisées sont réinvesties dans les actes médicaux, plutôt que d'aller dans les poches des investisseurs… Et, le Dr Wayne Hildahl, qui en est le directeur général et qui était autrefois le propriétaire de la clinique, a déclaré publiquement que, ce qui est différent maintenant, c'est que lui ne met plus les bénéfices dans sa poche. « Nous réinvestissons cet argent dans les services, ce qui nous permet d'augmenter le nombre d'actes médicaux effectués. » Et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.
Il y en a d'autres que je pourrais vous citer, que ce soit en Alberta ou dans les autres provinces.
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Merci, madame la présidente, et merci à chacun de nos témoins pour leur présence parmi nous ce matin.
Jusqu'ici la discussion m'a semblé fort intéressante. Mais, je voudrais en revenir maintenant au Plan décennal pour consolider les soins de santé et essayer d'obtenir une réponse, de la part des témoins qui souhaitent se prononcer sur la question, sur ce qu'il convient de faire dans les mois qui viennent.
Je pense que nous sommes tous conscients du fait qu'il existe un certain nombre de problèmes auxquels il faut absolument d'attaquer. Il y a, entre autres, celui des ressources humaines dans le secteur de la santé, celui des délais d'attente, et beaucoup d'autres encore, comme ceux qui concernent les compétences des différents ordres du gouvernement.
Je sais aussi, par le biais d'un autre groupe dont je suis membre… À différentes reprises, j'ai eu des discussions avec les responsables de l'AMC. J'ai eu des discussions avec des urgentologues. Et j'ai également eu des discussions avec des médecins de famille. De plus, je collabore au travail du groupe chargé de recruter des médecins dans notre municipalité, comme le fait mon collègue.
Mais, il y a tellement de problèmes qui ont été mentionnés que je ne sais plus ce qu'il convient de faire maintenant. Il y a des problèmes d'accréditation. Nous avons parlé de la situation des médecins étrangers et, pour en avoir discuté avec les représentants d'autres groupes médicaux à divers moments, je sais que diverses déclarations ont été faites à ce sujet-là. D'autres ont fait valoir que le système de soins dispose de crédits suffisants maintenant et qu'il s'agit simplement de les répartir différemment. D'autres ont dit que la capacité de nos hôpitaux est suffisante et qu'il leur faut changer leur mode de fonctionnement. Cela rejoint ce dont nous parlait le Dr Day, par rapport à la nécessité de donner la priorité au patient.
Mais, il y a tellement de problèmes à l'heure actuelle que j'ai l'impression que nous tournons en rond. Nous parlons d'un Plan décennal sur les soins de santé, mais deux provinces n'y participent pas. Dans quelle mesure cela pose-t-il problème?
Quelqu'un peut-il me donner une réponse simple sur les mesures qui s'imposent dès maintenant pour nous permettre de progresser et sur la façon de coordonner le règlement des différents problèmes juridictionnels? Faut-il commencer par cela?
La question s'adresse à tout le monde.
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Très bien; je vais commencer.
À mon avis, nous devons nous demander pourquoi, étant donné que notre système de soins est parmi les plus coûteux du monde, les résultats que nous obtenons sont insuffisants. Un sondage Pollara mené en décembre 2007 a permis de constater que 68 p. 100 des citoyens canadiens sont d'avis que notre système de soins a besoin d'être complètement restructuré ou repensé. Vous serez peut-être incrédule en apprenant que l'Organisation mondiale de la santé classe le Canada au 30e rang, que nous sommes 18e sur 20 d'après le classement de l'OCDE et que, d'après le plus récent sondage européen mené auprès des consommateurs, nous sommes 23e sur 29, comparativement aux autres pays européens, et au dernier rang, pour ce qui est du rapport qualité-prix de notre système.
Les Canadiens dépensent énormément d'argent pour obtenir des services insuffisants et, selon moi, à moins de réexaminer en profondeur le système — ce que nous ne faisons pas actuellement — et revoir la façon de financer ce système… La dépense la plus importante est celle engagée pour les soins hospitaliers, et cet argent n'est pas dépensé efficacement. Cette dépense correspond à 30 p. 100 du budget global. Si nous pouvions réaliser des économies importantes dans ce domaine, nous pourrions faire davantage du côté de la santé autochtone et des services en milieu rural.
L'autre élément — dont personne n'a vraiment parlé en détail — est la question des fournisseurs publics et privés. Il importe peu que, pour des raisons purement philosophiques, je penche en faveur du secteur privé; le fait est que le Canada n'a pas de réseaux d'hôpitaux privés, si bien que nous sommes bien obligés de chercher la solution dans notre réseau d'hôpitaux publics, et cette solution consiste à rehausser l'efficacité des hôpitaux publics.
L'étude que nous avons menée plus tôt cette année indiquait que, dans seulement quatre secteurs visés par l'accord, cela nous coûte 15 milliards de dollars pour garder les gens sur des listes d'attente. Statistique Canada vient d'afficher sur son site Web les résultats d'une enquête selon laquelle le coût économique des soins de santé mentale se monte à 51 milliards de dollars. Cet argent est tout simplement gaspillé. Nous gaspillons beaucoup d'argent au Canada, et il faut absolument cesser de le faire.
Vous avez soulevé des questions très importantes aujourd'hui. À mon avis, ce sera bien utile pour la préparation de notre rapport.
Une de ces questions — et Antonia, Michael et d'autres en ont également parlé — est celle du financement. Depuis très longtemps, chaque fois que nous parlions de la nécessité pour le gouvernement fédéral d'assumer un rôle plus important en matière de financement, on rejetait nos propositions d'office, sous prétexte que nous avions comme programme d'imposer et de dépenser, alors qu'en réalité, il fallait simplement de l'innovation et des réformes, mais pas nécessairement un apport de crédits. Mais, il me semble que les transferts aux provinces ne sont toujours pas suffisamment importants pour correspondre à une part de 25 p. 100 des coûts totaux. Tant que cela continuera d'être le cas, il sera assez difficile de faire avancer les réformes.
D'ailleurs, cela me semble d'autant plus évident chez les Autochtones, les membres des premières nations et les Inuits. Je sais que, en plus de l'accord principal, un accord distinct a été signé le 13 septembre 2004. Les signataires s'engageaient alors à augmenter considérablement les ressources fédérales accordées aux collectivités inuites et des premières nations. Jusqu'à présent, je n'ai pas réussi à déterminer où se trouve cet argent — à part la somme inscrite au dernier budget. La seule importante annonce — et même là, elle n'était pas si importante — qui a été faite dernièrement au sujet des soins de santé est celle concernant l'apport de 147 millions de dollars sur deux ans pour favoriser l'intégration entre les systèmes de santé.
Je voudrais donc savoir exactement ce qui se passe à l'heure actuelle et ce que nous devrions recommander, puisque nous parlons d'un des domaines les plus négligés où les coûts pour le système dans son ensemble sont les plus importants, que ce soit pour les problèmes de santé mentale, les suicides, les dépendances, etc.
Aimeriez-vous commencer?
Une bonne partie de l'argent promis en 2004 nous est attribuée progressivement, mais l'un des problèmes à cet égard est le fait que, au moment même où nous commençons à recevoir les crédits, nous approchons de la fin de la période de financement, puisque la dernière année est 2009-2010. Par exemple, s'agissant du Fonds de transition pour la santé des Autochtones, qui avait un budget de 200 000 $ — et je vais vous parler de la part des Inuits — le premier versement, qui correspondait à une portion importante du financement, a été effectué le 12 mars. Donc, nous avons moins de trois ans pour dépenser des fonds qui devaient être versés sur cinq ans. Il y a eu un impact positif, mais les gens commencent déjà à se demander comment ils vont l'utiliser dans les prochaines années.
En ce qui concerne les ressources consacrés à la santé mentale — 65 millions de dollars sur cinq ans pour la prévention du suicide chez les membres des premières nations et les Inuits — elles sont loin d'être suffisantes pour répondre aux besoins actuels dans le domaine de la prévention du suicide, le counseling et les soins de santé mentale, et les mesures de soutien en santé mentale.
Les problèmes juridictionnels entre les provinces et le gouvernement fédéral dont il a été question aujourd'hui tendent à être beaucoup plus graves dans les collectivités inuites. C'est pour cela que j'ai parlé dans mon exposé des avantages qui découlent de meilleures relations avec les autorités fédérales, mais il reste qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire.
Quelqu'un demandait tout à l'heure ce qu'on peut faire et quelles recommandations importantes nous pouvons faire. D'autres autour de la table ont déjà insisté sur l'importance critique que revêtent la promotion de la santé et la prévention de la maladie. Si 85 p. 100 des résidents d'une collectivité ont faim, se nourrissent mal ou n'ont pas une bonne alimentation, il leur est très difficile d'être en bonne santé. S'agissant tout particulièrement des populations inuites, d'après nos recherches, il s'agit du seul groupe au sein duquel l'espérance de vie diminue. L'espérance de vie au Canada augmente, mais les Inuits ont la même espérance de vie qu'avaient les Canadiens en 1940.
Il est urgent de reconnaître la gravité de cette situation. On peut difficile s'attendre à ce que les gens fassent partie des ressources humaines en santé s'ils n'ont pas une santé assez solide pour finir l'école ou apporter leur contribution à la collectivité.
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À ce sujet, je voudrais dire que je suis en faveur du recours aux services des sages-femmes, car j'ai été mis au monde par une sage-femme.
Par contre, il faut le faire dans un contexte où une panoplie de compétences est disponible. Lorsque j'étais jeune médecin à Manchester, en Angleterre, je faisais 45 accouchements à domicile avec l'aide de sages-femmes. Mais, il y avait toute une structure de soutien qui nous permettait d'assurer ce service. Il y avait ce qu'on appelait une équipe volante. Cette dernière était composée d'un chirurgien, capable de faire une césarienne, d'un anesthésiologue, d'infirmières, et dotée d'équipement de soutien, de façon à ce qu'elle puisse arriver au domicile de quelqu'un en deux ou trois minutes. Selon moi, le recours aux services des sages-femmes dans un milieu hospitalier sera utile, mais ce n'est pas la solution pour les problèmes actuels.
Deuxièmement, il ne faut pas oublier que bon nombre de jeunes médecins sont des femmes. En fait, la majorité des étudiants en médecine — jusqu'à 70 p. 100 dans certaines écoles de médecine — sont des femmes. Ma femme est médecin. C'est l'activité qu'elles préfèrent, elles aiment faire les accouchements et pouvoir s'occuper de la mère et de son bébé.
Donc, c'est un élément de la solution, et nous sommes tout à fait favorables à l'idée de collaborer avec les sages-femmes, mais ce n'est pas ainsi que nous allons régler les graves problèmes auxquels nous sommes confrontés actuellement dans le secteur de la santé.