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Je déclare la séance ouverte. Nous avons quelque chose à régler juste avant...
Monsieur Regan, vous serez particulièrement intéressé par ma première annonce. J'ai parlé aux membres du Parti libéral et du Parti conservateur de la possibilité d'inviter nos honorés représentants à la réunion de Bali à venir ici. Tout le monde souhaite les voir. Je propose que nous demandions à notre greffier d'envoyer une lettre d'invitation. Je suggère que cela se fasse juste après la dernière réunion prévue — je crois que c'est le 11 — et qu'on leur demande de comparaître à la réunion suivante. Je pense que tout le monde sera d'accord. Nous allons attendre de recevoir des réponses et de voir s'il faut faire quoi que ce soit de plus, mais je pense que cela satisfera certainement aux demandes que j'ai reçues.
J'ai rencontré nos invités, et je leur souhaite la bienvenue à cette séance d'étude du . Nous procéderons dans l'ordre suivant: M. Rutherford, M. Stone, M. Weaver, puis M. Sauchyn. Ils se sont entendus pour faire leur présentation dans cet ordre.
Je compte traiter de la motion de M. Scarpaleggia à 17 h 15. Nous aurions donc 15 minutes, et ensuite, vous le savez sûrement, nous devrons aller voter quand la sonnerie nous y appellera, à 17 h 30.
C'est donc ainsi que se déroulera notre réunion.
Je demanderais à nos invités d'être aussi brefs que possible. J'ai bien une petite boîte grise que la plupart d'entre vous connaissez déjà, alors je saurai combien de temps vous prendrez. Quoi qu'il en soit, je vous demande de vous en tenir à cinq, sept ou huit minutes, environ, pour qu'il nous reste un maximum de temps pour poser nos questions.
Nous commençons donc avec M. Rutherford.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous souhaite bon après-midi et je vous remercie d'avoir invité à comparaître la Société canadienne de météorologie et d'océanographie, que je représente aujourd'hui.
La SCMO est un regroupement national de personnes et d'organisations qui se consacrent à l'avancement des sciences de l'atmosphère et des océans et des disciplines environnementales connexes. Nous sommes la principale organisation non gouvernementale qui représente les intérêts des météorologues, climatologues, océanographes, limnologues, et de tout un éventail de scientifiques du pays. Nous avons plus de 800 membres qui travaillent dans des centres de recherche, universités, entreprises privées et instituts publics. Bon nombre des scientifiques qui assument des fonctions de leadership dans le processus d'examen du GIEC sont membres du SCMO.
La Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère, qui est associée à la SCMO, distribuera 110 millions de dollars d'ici à 2010, sous forme de subventions de recherche, aux chercheurs universitaires dans les domaines des sciences de l'atmosphère et du climat. Le financement de cette fondation vient à échéance en 2010. Il est certain que nous souhaitons qu'il continue.
Beaucoup d'entre vous le savez déjà, d'après nos interventions antérieures devant ce comité, la SCMO appuie le processus et les conclusions du GIEC. Nous incitons vivement tous les segments de la société canadienne à suivre les recommandations formulées à la lumière des connaissances scientifiques acquises par ce processus.
Ce projet de loi semble être un pas dans la bonne direction. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, que le Canada a ratifiée, demande aux pays d'agir pour éviter ce qui est appelé une perturbation anthropogène dangereuse du système climatique, sans vraiment définir de quoi il s'agit. C'est pourquoi une grande part des travaux du GIEC visait à déterminer la part du rôle des humains dans la perturbation du système climatique et ses conséquences sur les climats locaux, ainsi que les répercussions de ces changements sur les écosystèmes locaux, qu'ils soient naturels ou aménagés. Ceci a raffiné notre entendement des conséquences probables d'un changement climatique provoqué par l'homme et nous a aidés à comprendre lesquelles devraient être jugées dangereuses.
Le GIEC a aussi raffiné les estimations de la probabilité de divers résultats, ce qui nous a permis de mieux comprendre le risque, qui est défini comme la probabilité multipliée par le résultat. Nous pensons que l'analyse des risques devrait être le fondement de toute politique comportant un risque.
En 2005, le Royaume-Uni a accueilli une conférence internationale à Exeter sur l'évitement des changements climatiques dangereux. Les documents présentés à cette conférence nous ont rapprochés d'une définition des perturbations dangereuses, en termes de qu'est-ce qui est dangereux pour qui et dans quelle mesure. Au bout du compte, nous avons maintenant une longue liste de résultats, tant mondiaux que locaux, découlant de divers degrés de réchauffement, qui démontrent clairement que même les changements climatiques que nous observons déjà peuvent être qualifiés de dangereux pour au moins certaines personnes, quelque part, sur le globe.
Certains de ces résultats physiques, comme une interruption de la circulation thermohaline dans le Nord de l'Atlantique ou l'effondrement des glaciers de l'Antarctique ou du Groenland, pourraient très bien avoir des seuils ou des points charnières, tandis que d'autres pourraient tout simplement devenir de plus en plus graves avec le temps qui passe. C'est donc que la détermination de ce qui est dangereux dépend vraiment de ce à quoi on s'intéresse, de qui on est et d'où on est.
La conférence d'Exeter tout autant que le quatrième rapport récent du GIEC a fourni des preuves convaincantes qu'il faudrait éviter une hausse de la température mondiale de plus d'environ 2 degrés Celsius comparativement aux valeurs de l'ère préindustrielle pour éviter ce que nous appelons la perturbation anthropogène dangereuse. La science fournit un moyen de faire le lien entre cette valeur et une fourchette de valeurs de concentration de CO2 ou, l'équivalent, de faire le lien entre une valeur cible de concentration de CO2 et une fourchette de valeurs de changements de la température, avec des probabilités pour les valeurs se situant dans cette fourchette. Enfin, la science fournit un moyen d'établir un lien entre la valeur cible de concentration avec les cibles d'émissions qui doivent être atteintes.
Au bout du compte, on s'entend raisonnablement bien sur le fait que pour ne pas dépasser cette limite de deux degrés Celsius, selon une probabilité d'au moins 50 p. 100, il ne faudra pas laisser la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère dépasser environ 450 parties par million, sauf peut-être pour une période très temporaire — mais il faudrait qu'elle soit temporaire. Pour nous en assurer, il faut réduire les émissions mondiales — et les estimations vont de 40 à 95 p. 100 — comparativement au niveau où elles étaient en 1990. On sait qu'il faudra d'importantes réductions, mais il reste encore pas mal d'incertitude.
Les pays qu'on dit de l'annexe un — c'est-à-dire les pays développés — d'après le GIEC, devraient réduire leurs émissions d'environ 80 p. 100 d'ici à 2050, et même plus encore par la suite.
Il est aussi clair que plus tôt les émissions seront réduites à court terme, plus il sera facile d'atteindre les cibles. De fait, le prix d'un report, disons, de 10 ou 15 ans sera l'échec, parce qu'on ne pourra tout simplement plus atteindre la cible. L'atteindre ne sera pas facile. Il va falloir instaurer un bon nombre de mesures différentes. Il n'en n'existe pas qu'une seule pour résoudre le problème. Il faudra déployer plusieurs technologies, nouvelles et existantes.
Il y en aura pour dire que comme la contribution du Canada aux émissions mondiales n'est actuellement que d'environ 2 p. 100, quoi que nous fassions, cela ne fera pas grande différence. Pourquoi devrions-nous nous sentir tellement obligés de résoudre un problème qui est créé, surtout, par les autres? Et pourtant quand on calcule les émissions par habitant, le Canada a le pire rendement du monde, et il s'aggrave avec chaque hausse de dépense énergétique pour extraire le bitume des sables de l'Alberta et le transformer en pétrole brut synthétique.
Mais ce n'est pas que notre rendement actuel qui est mauvais. En termes de contribution cumulative par habitant au fardeau actuel depuis le début de la révolution industrielle jusqu'à maintenant, le Canada se situe juste derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, et est bien en avance sur la Russie, le Japon et la Chine. Alors nous sommes déjà l'un des plus grands contributeurs au problème actuel, et si nous maintenons cette trajectoire, nous serons bientôt les pire pays du monde en termes de contribution cumulative par habitant. Nous ne sommes pas en position de dire que c'est à d'autres de résoudre le problème. Nous devons faire notre part.
Merci beaucoup.
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Je vous remercie de me donner cette occasion de comparaître une fois de plus devant vous et de vous faire part de certaines données scientifiques qui soulignent l'urgence de plus en plus grande de faire face à la menace des changements climatiques. Mes propos s'inspirent largement du quatrième rapport d'évaluation du GIEC qui vient d'être terminé. Les observations seront centrées sur le long terme, mais aussi sur l'avenir immédiat.
En général, la prise de décisions au sujet du niveau approprié et de la voie à suivre en ce qui concerne les réductions des émissions de gaz à effet de serre est de nature itérative et, comme Ian l'a dit, c'est un processus de gestion des risques. Un objectif explicite à long terme est considéré comme absolument essentiel. Sans un tel objectif, aucun de nous — ni les particuliers, ni les entreprises ni aucun autre niveau de gouvernement — n'aura de direction claire pour formuler les politiques et décider de l'action. Un tel objectif doit être assez rigoureux pour simuler l'ambition nécessaire.
Il faut aussi fixer des objectifs à court et à moyen terme à partir desquels il sera encore possible d'atteindre le but souhaitable à long terme. Une fois atteint chacun des objectifs à court terme, des décisions pourront être prises sur la suite de la démarche à la lumière des connaissances acquises, dans un climat de moins grande incertitude.
Maintenant, idéalement, le choix d'un objectif à long terme s'appuie sur de solides données scientifiques et un processus décisionnel politique judicieux. La science peut éclairer le processus, mais au bout du compte, tout dépend ce à quoi nous attachons de la valeur, et le meilleur moyen de déterminer cela est par un processus politique.
Pour illustrer mes propos, je vous propose d'examiner un tableau du Résumé à l'intention des décideurs qu'a fait le groupe II du GIEC, que je vous ai fait distribuer. Je vous suis reconnaissant de votre indulgence, pour m'avoir permis de le distribuer en anglais seulement. Je m'en excuse; il existe aussi dans la page Web du GIEC, et j'en donnerai les coordonnées au greffier.
Le tableau résume ce que nous savons de certains des impacts prévus des changements climatiques sur plusieurs secteurs clés — l'eau, les écosystèmes, les aliments, les côtes, la santé — découlant de la hausse des températures dans le monde. Si vous regardez de gauche à droite, les impacts sont ressentis avec la hausse des températures. Si on s'intéresse à la biodiversité, par exemple, on peut voir qu'une hausse de température de plus d'un degré Celsius pourrait entraîner la disparition d'environ 30 p. 100 des espèces.
Bien des gens qui ont regardé ce genre de diagrammes et d'autres sont parvenus à la conclusion, fondée, je le répète, sur des jugements de valeur, que nous devrions prévenir une hausse de plus de deux degrés Celsius par rapport au niveau de 1990. C'est l'objectif que s'est fixé l'Union européenne, et qui a fait l'objet de longs débats à Bali récemment.
Pour comprendre ce qu'il faudrait faire pour parvenir à cet objectif, nous devons réexaminer ce qu'on appelle les scénarios de stabilisation qu'a formulés le groupe II du GIEC. On estime que si nous arrivons à stabiliser les concentrations de tous les gaz à effet de serre dans l'atmosphère à l'équivalent de 445 à 490 parties par million de CO2, nous pourrions limiter les augmentations moyennes des températures mondiales entre deux et 2,4 degrés Celsius. C'est supérieur au niveau antérieur à la révolution industrielle.
Un tel niveau de stabilisation — c'est-à-dire, grosso modo, comme je l'ai dit, 450 parties par million d'équivalent-CO2 — entend des concentrations de dioxyde de carbone de l'ordre de 350 à 400 parties par million, ce qui peut être comparable au niveau actuel de 380 parties par million.
Alors il est clair que nous ne pourrons pas atteindre cet objectif sans un certain dépassement qu'il faudra ensuite neutraliser. Pour atteindre ce but de deux degrés Celcius, on estime que les émissions mondiales de gaz à effet de serre devront atteindre leur maximum avant 2015, et être d'au moins 50 p. 100 inférieures au niveau actuel d'ici à 2050, soit le milieu du siècle.
Maintenant, ce sont des chiffres globaux, et la concrétisation de ces scénarios de faibles émissions exige un effort mondial généralisé d'atténuation.
Le quatrième rapport d'évaluation du GIEC renferme, à un chapitre, des estimations de ce que cela signifierait pour les pays industrialisés. Des pays comme le Canada devraient réaliser d'ici à 2020 des réductions de leurs émissions de l'ordre de 20 à 40 p. 100 en dessous des niveaux de 1990, et en 2050, de 60 à 95 p. 100 sous ces niveaux, un élément qu'aborde le projet de loi à l'étude.
Les émissions dans les pays en développement, d'un autre côté, devraient elles aussi diminuer. Il faudrait que d'ici à 2020, elles tombent sous les niveaux prévus si le statu quo est maintenu, et être nettement inférieures d'ici à 2050. Les scénarios visant ce genre de cibles de réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre nécessiteront, pour être réalisés, de plus grands progrès au titre de l'intensité énergétique et de l'intensité des émissions de carbone, de l'ordre de deux à trois fois les valeurs historiques.
Permettez-moi d'aller à l'autre extrême du spectre et de parler de ce qu'il faut faire maintenant. C'est très simple, à mon avis, nous n'avons plus beaucoup de temps. Ce que nous allons faire d'ici une dizaine d'années environ sera déterminant dans la lutte contre la menace à long terme des changements climatiques. Par exemple, les effets bloquants des choix technologiques, pour l'infrastructure et la conception de produit qu'ont fait les pays industrialisés dans la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale, quand l'énergie était bon marché, sont eux-mêmes responsables des augmentations actuelles des émissions de gaz à effet de serre.
En retardant les décisions, on ne fera que sérieusement limiter nos chances de réaliser de faibles niveaux d'émissions dans le futur, et augmenter les probabilités d'impacts de plus en plus graves des changements climatiques. On a estimé qu'avec chaque décennie de report des mesures d'atténuation, nous aurons de 0,2 à 0,3 degrés de réchauffement sur une période de 100 à 400 ans.
Nous avons déjà en banque, maintenant, une hausse de 0,6 degrés de réchauffement à cause de nos activités antérieures, alors toute décision de reporter à plus tard les réductions des émissions serait susceptible d'être plus coûteuse et plus risquée.
Pour terminer, monsieur le président et membres du comité, permettez-moi de citer un extrait traduit librement d'une allocution du président du GIEC, lors des réunions de cette année à Davos, en Suisse:
Les pays qui restent indifférents au consensus de plus en plus répandu dans le monde sur la nécessité d'effectuer des « coupures profondes » dans les émissions de gaz à effet de serre perdront beaucoup de leur pouvoir et de leur influence politique.
Merci.
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C'est très bien, alors.
Je vous remercie de m'avoir invité à fournir un témoignage. J'aimerais d'abord situer un peu le contexte d'une déclaration qui a été présentée par des scientifiques à Bali lors de la réunion tenue du 3 au 14 décembre 2007. C'est une déclaration des scientifiques sur le climat, lors de la conférence de Bali de 2007. Je vous en lis une traduction libre.
Le rapport de 2007 du GIEC, qui est l'oeuvre de quelque centaines de scientifiques du climat, a conclu sans équivoque que notre climat se réchauffe rapidement, et que nous avons maintenant la certitude au moins à 90 p. 100 que c'est principalement la conséquence des activités humaines. La concentration de dioxyde de carbone dans notre atmosphère dépasse maintenant de loin le niveau naturel des quelque 650 000 dernières années, et elle augmente très rapidement à cause de l'activité humaine. Si cette tendance n'est pas bientôt réprimée, de nombreux millions de personnes pourraient être exposées à des phénomènes météorologiques extrêmes comme les vagues de chaleur, les sécheresses, les inondations et les tempêtes, nos côtes et nos villes seront menacées par la hausse du niveau de la mer, et bien des écosystèmes, des espèces de plantes et d'animaux seront en danger de disparition.
La prochaine ronde de négociations ciblées en vue d'un nouveau traité mondial sur le changement climatique — dans le cadre du processus de la CCNUCC de 1992 — doit commencer en décembre 2007 et s'achever en 2009. L'objectif premier de ce nouveau régime doit être de limiter le réchauffement global à un maximum de 2 degrés de plus que les températures antérieures à l'aire industrielle, une limite qu'ont déjà officiellement adoptée les pays de l'Union européenne et plusieurs autres pays.
D'après les données scientifiques actuelles, il faudra pour cela, d'ici l'année 2050, réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 50 p. 100 en dessous des niveaux de 1990. À long terme, les concentrations de gaz à effet de serre doivent être stabilisées à un niveau bien inférieur à 450 parties par million, mesuré en concentration d'équivalent-CO2. Pour ne pas dépasser les 2 degrés de réchauffement, les émissions mondiales devront avoir atteint leur maximum puis amorcé un retrait d'ici 10 à 15 ans, alors il n'y a pas de temps à perdre.
En tant que scientifiques, nous incitons vivement les négociateurs à s'entendre pour faire de ces cibles une exigence minimale en vue de conclure un accord mondial sur le climat qui soit équitable et efficace.
Dans toutes mes années d'expérience de la climatologie, depuis les années 1980, je n'ai jamais assisté à un tel rassemblement spontané des scientifiques du monde entier. Cette déclaration a été proposée par plusieurs scientifiques de l'Université de New South Wales de l'Australie, et a été signée par 200 à 250 des climatologues les plus reconnus du monde. Il n'est motivé par aucune pression politique, par aucun groupe d'intérêt spécial. Il est motivé par le voeu de la communauté scientifique d'alimenter le processus en oeuvre à Bali — un processus qui semble ne pas tenir compte de ce que la communauté scientifique dit aux leaders du monde, y compris à ceux du Canada.
Je m'adresse à vous en ma qualité d'auteur principal de la deuxième, la troisième et la quatrième évaluations qu'a faites le GIEC et qui datent de 1995, 2001 et, plus récemment, de 2007. Je suis aussi l'éditeur en chef du Journal of Climate, le principal journal qui publie les résultats des recherches scientifiques les plus récentes sur tous les aspects de la climatologie.
Quand on parle du projet de loi , la principale question que vous poserez, c'est à savoir si le chiffre juste c'est 80 p. 100, ou 70 p. 100. Je ne donnerais pas de chiffres précis. Ce que je peux dire, c'est que toute stabilisation des émissions de gaz à effet de serre, à n'importe quel niveau que ce soit, exige une réduction à zéro des émissions mondiales. Il n'y a pas d'autre solution. Pour stabiliser le niveau des émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à une concentration favorable à l'existence humaine sur la planète, il nous faut atteindre le seuil d'émissions zéro. La raison à cela, c'est que l'unique mécanisme naturel pour la réduction des concentrations de dioxyde de carbone à plus long terme est par la météorisation des rochers, qui prend des centaines de milliers d'années, et la dissolution des carbonates dans les sédiments de l'océan, ce qui prend des dizaines de milliers d'années.
Les choses comme la biomasse terrestre est en train de se saturer au cours de ce siècle-ci et ne peut plus absorber de dioxyde de carbone. L'océan, en se réchauffant, commence aussi à perdre son efficacité à absorber le dioxyde de carbone.
Alors pour stabiliser le tout, il faut que les émissions mondiales retombent à zéro. C'est une tache énorme, et qui exigera du leadership. J'espère, en tant que Canadien, que le Canada pourra montrer ce leadership.
Si on veut regarder cela sous un autre angle, on s'est beaucoup concentrés sur les émissions, sur la stabilisation à un certain niveau des émissions de gaz à effet de serre. Peu importe au système climatique que les émissions datent d'aujourd'hui ou d'hier, ce qui importe, ce sont les émissions cumulatives de dioxyde de carbone depuis l'époque préindustrielle. Nous avons émis quelque 458 milliards de tonnes de carbone dans l'atmosphère depuis cette époque, et il se trouve que si on ne veut pas dépasser le seuil de deux degrés de réchauffement, selon une probabilité de 66 p. 100, nous ne pouvons plus émettre que 484 milliards de tonnes, et ceci d'ici à la fin des temps. Nous émettons plus de 10 milliards de tonnes par année, alors vous pouvez voir l'ampleur du défi.
Je m'arrêterai ici en insistant vivement pour que vous preniez ce projet de loi au sérieux et que vous fassiez en sorte de mettre en oeuvre des politiques au Canada qui seront un exemple de leadership à l'échelle internationale.
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En fait, il faisait moins 37 degrés Celsius ce matin quand j'ai appelé un taxi, et moins 52 Celsius avec le refroidissement éolien. J'apprécie la douceur de la température à Ottawa, alors je tiens à vous remercier de m'offrir cette occasion de revenir à Ottawa, dont je profiterai pour assister à d'autres réunions encore.
Je représente une organisation appelée Collectif des prairies pour la recherche en adaptation, qui a été créée pour informer les décideurs des provinces des Prairies des conséquences du changement climatique.
Les invités qui m'ont précédé ont fourni de solides arguments scientifiques en faveur de la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre. Je vais parler des autres facteurs qui sous-tendent le ; c'est-à-dire les énoncés, dans le préambule, faisant état de preuves scientifiques des impacts des niveaux accrus de gaz à effet de serre et de menaces qui pèsent sur la bonne tenue de l'économie, la santé publique, les ressources naturelles et l'environnement du Canada.
Le groupe de travail II du GIEC fournit un grand nombre de faits et de chiffres à l'appui de ces conclusions scientifiques dans son quatrième rapport d'évaluation. Ce rapport du GIEC définit cependant l'ampleur et la gravité du problème mondial. Pour une perspective canadienne, Ressources naturelles Canada a dirigé, ces deux à trois dernières années, une vaste évaluation scientifique nationale des impacts du changement climatique et de l'adaptation. D'ici quelques semaines, le gouvernement du Canada diffusera cet important rapport scientifique qui fait une synthèse et l'interprétation de plus de 3 000 études qu'ont menées plus de 110 auteurs.
En ma qualité d'auteur principal de ce rapport, et avec la permission du secrétariat de Ressources naturelles Canada, je peux annoncer aujourd'hui que ce document dit clairement que d'importants impacts sont ressentis dans toutes les régions du Canada et que le nombre et l'ampleur de ces impacts ne feront que croître.
En plus des mesures qu'il faut adopter d'urgence pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et ralentir les changements climatiques, l'évaluation nationale insiste sur l'importance fondamentale de l'adaptation.
Permettez-moi de vous donner deux exemples de conséquences des changements climatiques dans les provinces des Prairies sur deux ressources naturelles fondamentales du Canada: les arbres et l'eau.
Avec le réchauffement récent et inévitable, la forêt boréale du Canada subira des changements radicaux en conséquence des perturbations toujours plus fortes et de la tension hydrique. De fait, le réchauffement climatique a déjà commencé à changer la forêt boréale, ce qui se répercute déjà sur les collectivités et les économies qui en sont tributaires.
Les institutions du Canada ont probablement les moyens suffisants pour gérer une forêt qui a subi un changement modéré; cependant, sans d'importantes coupures des émissions de gaz à effet de serre, d'après les études scientifiques, la forêt boréale méridionale ne sera plus; elle disparaîtra entièrement, de même que les économies qui dépendent d'elle.
La plus grande préoccupation, cependant, pour les Canadiens de l'Ouest, c'est la menace que fait peser le réchauffement climatique sur l'approvisionnement en eau. À la suite du réchauffement récent, les réserves ont commencé à diminuer en été, car le ruissellement généré par la fonte de la neige se produit plus tôt dans l'année, et les étés deviennent plus longs et plus chauds.
Je le répète, certains changements sont gérables. De fait, dans certaines régions de l'Ouest, là où il y a encore des sources d'eau fiables, les fermiers ont commencé à tirer profit des étés plus longs et plus chauds. Cependant, l'augmentation des gaz à effet de serre accentuera le réchauffement dans la région et les répercussions sur les ressources hydriques, ce qui présentera très rapidement d'énormes défis pour la sauvegarde des économies et des collectivités de l'Ouest.
Avec l'augmentation récente et projetée de la population et de l'activité industrielle, particulièrement en Alberta, la demande d'eau dépassera bientôt l'offre des sources traditionnelles d'eau, comme le ruissellement dû à la fonte des neiges des montagnes de l'Est des Rocheuses en Alberta.
Le point critique est très proche. Le changement climatique est en train de réduire l'écart entre l'offre et la demande d'eau. De fait, dans certains bassins hydrologiques du Sud de l'Alberta, les réserves d'eau sont maintenant entièrement attribuées.
Le plus grand danger naturel, et le plus coûteux, au Canada, c'est la sécheresse dans les Prairies. Sur les cinq catastrophes climatiques de l'histoire du Canada, quatre ont été des sécheresses dans les Prairies. L'autre, c'est la tempête de verglas de 1998. Le scénario le plus menaçant pour la population, particulièrement dans les Prairies, est une sécheresse prolongée, et tandis que le climat se réchauffe, ce scénario devient de plus en plus probable.
Certains dirigeants du gouvernement et de l'industrie estiment, ou ont déclaré que l'adoption de mesures vigoureuses pour réduire les émissions de gaz à effet de serre aura un effet dévastateur sur les économies. De fait, nous avons entendu le premier ministre Stelmach dire il y a à peine deux jours que la réduction des émissions en Alberta serait la fin de l'exploitation des sables bitumineux. J'aimerais, ne serait-ce qu'une fois, en voir les preuves scientifiques. J'aimerais voir cet argument étayé par des preuves. Elles me semblent manquer.
De fait, des estimations ont été faites, dans le cadre d'études approfondies, du coût de la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Des études crédibles estiment que le coût de la stabilisation des gaz à effet de serre est de l'ordre de un demi à un et demi pour cent du PIB mondial par année. Je peux vous donner le titre de l'une de ces études, A Cost Curve for Greenhouse Gas Reduction, une étude mondiale sur l'importance et les coûts des mesures qu'il faudrait prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, qu'a faite un groupe d'experts-conseils de la Norvège qui comptent parmi leur clientèle 70 p. 100 des compagnies les plus admirées de la revue Fortune.
Même si une réduction importante des émissions comporteront des coûts économiques, sociaux et peut-être même politiques, les mesures que propose le projet de loi sont déterminantes pour prévenir des changements climatiques potentiellement dévastateurs. Le rythme du changement climatique et ses conséquences vont presque certainement accélérer au cours des prochaines décennies. Nous avons besoin de toute urgence de leadership fédéral et de politiques pour que le public, les institutions et les collectivités puissent s'adapter aux impacts du changement climatique parce que, déjà, des effets de plus en plus graves sont inévitables dans un avenir immédiat.
Il faut une stratégie globale relativement au changement climatique pour prévenir les conséquences néfastes qu'il peut avoir et corriger l'influence de l'activité humaine sur le climat du Canada, faire face aux impacts, aux risques et aux possibilités, et apporter les ajustements nécessaires aux politiques publiques, à la gestion des ressources, aux méthodes d'ingénierie et à la conception des infrastructures.
Il faudra formuler des politiques publiques pour permettre l'adaptation, contrer l'adaptation maladroite et bâtir la capacité d'adaptation. Déjà, les provinces dressent et publient des plans relatifs aux changements climatiques et annoncent des cibles. Hier à Vancouver, à ce que j'ai lu aujourd'hui, les premiers ministres des provinces de l'Ouest ont signé une entente visant l'adoption de mesures collectives pour composer avec les effets des changements climatiques sur l'eau et les forêts du Canada.
Aussi, certains gouvernements locaux, l'industrie et des collectivités prennent résolument des mesures. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle capital de coordination et d'habilitation. Sans une action et des politiques nationales décisives, on risque que les politiciens fédéraux prennent beaucoup de retard sur les autres. Les responsables des politiques fédérales risquent de manquer à leur devoir à notre égard à tous les niveaux, soit au niveau régional, national et sur la tribune mondiale, et entre-temps, les gouvernements provinciaux agissent.
C'est au nom de nombreux scientifiques que j'affirme, en guise de conclusion, que le Canada peut et doit prendre dès maintenant des mesures pour contrer les changements climatiques. Je vous remercie.
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Il me semble que c'est un peu comme de dire j'ai ma part du gâteau et vous n'aurez pas droit à la vôtre.
J'ai déjà proposé de regarder cette question sous l'angle de la contribution au problème par habitant. Vu sous cet angle, il est clair que les pays développés sont les méchants, et les pays sous-développés, qui reconnaissent très clairement que les pays développés sont les méchants, disent « Vous avez fait tout cela, nous voulons en faire autant. Nous allons le faire de façon plus intelligente que vous, mais il est évident que les émissions vont augmenter, parce que c'est encore une phase énergivore du développement économique ».
Il nous faut trouver un moyen de laisser de côté le postulat voulant qu'il est nécessaire consommer des quantités phénoménales d'énergie pour accomplir quoi que ce soit. Même dans le rapport de la Table ronde sur l'environnement et l'économie, il est clair qu'il y a bien des moyens de réduire à la fois notre consommation d'énergie et les émissions que nous produisons pour créer cette énergie.
Il n'y a pas de mystère dans tout cela. Il existe des technologies bien connues, et il y en a d'autres que nous n'avons pas encore imaginées, qui nous aideront à atteindre notre but. Mais il nous faut soit décider de nous rendre là, soit adopter des mesures qui nous forceront à nous y rendre, comme celles que recommande la Table ronde nationale — des choses comme la taxe sur le carbone, qui feront simplement que la production de combustibles fossiles énergivores sera bien trop coûteuse. Les gens vont naturellement trouver des méthodes plus économiques, et ainsi, les émissions attribuables à la consommation de combustibles fossiles diminuera.
Je pense qu'une façon équitable de regarder la situation, c'est de se dire que chaque habitant de la planète doit être traité équitablement. Je ne pense pas qu'il soit juste qu'un citoyen du Canada, de l'Europe ou des États-Unis jouisse d'un mode de vie énergivore qui émet des tonnes et des tonnes de carbone par année, tandis qu'un habitant de l'Afrique n'y est pas autorisé — ou de la Chine, de l'Inde, du Brésil ou de tout autre pays en développement. Pour être équitables, il faudrait que nous essayons tous d'atteindre un faible niveau relativement uniforme d'émission de carbone par unité de bonheur, ou de PIB, ou de quoi que soit d'autre.
J'aimerais aborder la question sous un angle légèrement différent. Il y a, comme le disait Ian, ce qu'on pourrait considérer comme des questions morales, le fait qu'une forte proportion de la hausse de température, de nos jours, est attribuable à nos émissions du passé, et que nos émissions par habitant sont simplement plus élevées que celles de presque n'importe où ailleurs.
Pour répondre à la question de pourquoi nous devrions le faire, c'est que nous le pouvons. Je pense que nous avons de merveilleuses occasions au Canada de nous attaquer à cet irritant, d'essayer d'apporter notre contribution à la réduction des émissions, et de créer le genre d'économie et d'industrie qui nous permettront de voir le futur.
Ce qui m'inquiète, c'est que si je regarde, par exemple, le Danemark, ce sont maintenant les leaders mondiaux de l'énergie éolienne. Leur gouvernement les a amenés jusque là, et ils ont maintenant un avantage concurrentiel. De même, l'Allemagne est maintenant le leader mondial de l'énergie solaire. Le Royaume-Uni est en train de devenir le leader mondial des instruments financiers. Ce qui m'inquiète, c'est que si nous n'agissons pas rapidement, nous allons être laissés derrière. Nous nous retrouverons du mauvais côté de l'histoire, et ce n'est pas notre place.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci d'être venus au comité nous présenter un constat réaliste et non pas alarmiste, comme l'a dit M. Weaver.
Si nous devons avoir un regret par rapport à la conférence de Bali, c'est probablement de ne pas avoir pu inscrire sur la feuille de route la limite d'augmentation de deux degrés. À partir du moment où cette limite de deux degrés figure en bas de page, il est difficile d'établir un consensus national et international pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Au cours de votre présentation, monsieur Sauchyn, vous nous avez dit que le projet de loi C-377 était déterminant pour empêcher que les changements climatiques n'atteignent un niveau qui pourrait s'avérer dévastateur. M. Stone nous a parlé de l'importance de réduire, d'ici 2020, les émissions de gaz à effet de serre dans une fourchette entre 20 et 40 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990. C'est ce que certains pays ont proposé à Bali. Toutefois, la fourchette se situe entre 20 et 40 p. 100, et le projet de loi parle d'une réduction de 25 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre.
Au fond, l'objectif de réduction de 25 p. 100 des émissions d'ici 2020, par rapport à 1990, n'est pas un objectif conservateur. Certains États, notamment l'Allemagne, dont vous avez parlé, proposent une réduction de 40 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre; l'Europe propose une réduction de 30 p. 100, si les pays industrialisés se joignent à cet effort.
L'objectif de 25 p. 100 nous permet-il d'éviter ce que M. Sauchyn qualifie de situation potentiellement dévastatrice? Ne devrions-nous pas modifier le projet de loi et prévoir des objectifs plus ambitieux?
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Monsieur Bigras, permettez-moi de répondre en anglais.
[Traduction]
Je tentais, dans ma déclaration préliminaire, d'affirmer, entre autres, que, quels que soient les niveaux auxquels on choisit de stabiliser les GES, les moyens choisis et la contribution fixée, on se base pour le faire non seulement sur les connaissances scientifiques, mais aussi sur un processus politique. Il y a des décisions politiques à prendre, politiques parce qu'elles dépendent de valeurs, ce à quoi vous accordez une valeur et, parmi ces valeurs, ce que vous ne souhaitez pas voir disparaître à cause des changements climatiques.
Lorsqu'il est question d'ambition, nos valeurs sont aussi en jeu. Quel niveau d'ambition le Canada souhaite-t-il afficher sur la scène internationale? C'est le résultat du prestige qui nous est accordé sur la place internationale, mais également, comme je l'ai dit tout à l'heure, de ce que nous souhaitons réaliser en tant qu'économie. Donc, bien qu'on puisse, sur la base d'arguments scientifiques, affirmer, comme je crois que les quatre d'entre nous l'ont dit, qu'il est nécessaire de réduire d'au moins la moitié, à l'échelle mondiale, les émissions d'ici 2050, il faut se demander quelle partie de cette moitié le Canada va contribuer. Or, cette décision ne dépend pas uniquement des connaissances scientifiques, mais également, en partie, de la volonté politique.
Pour ma part, je crois qu'il faut fixer un niveau qui libérera les forces innovatrices des Canadiens et qui représentera un véritable défi. Il faut être ambitieux. Donc, dans ce débat, on pourrait affirmer que plus l'ambition est forte, mieux ce sera.
Monsieur Weaver et monsieur Stone, mes félicitations! Je crois parler au nom de toutes les personnes ici présentes et certes des Canadiens si je dis à quel point nous sommes fiers et l'étions quand on vous a remis le prix.
J'aimerais d'abord vous interroger au sujet des connaissances scientifiques et des prévisions relatives aux changements climatiques, parce que ce que nous essayons vraiment de faire au moyen du projet de loi à l'étude et ce que propose notre parti, c'est de fixer des objectifs. Comme vous l'avez mentionné, monsieur Stone, nous devons nous doter d'objectifs à long terme, mais il faut également savoir ce que nous allons faire à court terme, si je peux l'exprimer ainsi. Il faut planifier à long terme pour pouvoir prendre des mesures à court terme. C'est ce que certains d'entre nous font, quand ils sont au meilleur de leur forme.
Donc, j'aimerais commencer par parler des prévisions de changements climatiques. Si l'on se fie à la différence d'atmosphère entre l'hémisphère Nord et l'hémisphère Sud, une grande partie du débat actuel a dérapé. On affirme maintenant, comme il a déjà été mentionné, que les populations du Nord ne sont responsables que de 2 p. 100 des émissions et que, bien que notre production d'émissions par habitant soit peu reluisante, nous habitons dans un climat nordique. J'aimerais simplement, sur le plan scientifique, savoir ce qui est prévu comme changements climatiques. À quelle latitude prévoit-on les plus grands changements, si vous préférez? Les changements vont-ils survenir surtout aux latitudes Nord ou aux latitudes Sud?
Monsieur Stone, je vais peut-être vous poser la question en premier et, si les autres souhaitent intervenir, qu'ils le fassent, parce que je crois que cela va nous donner une idée du phénomène global. Donc, quelle partie du monde va être le plus affectée et quels changements peut-on prévoir dans le Nord par rapport au Sud?
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M. Stone a parlé des températures et de la façon dont les températures amplifient le réchauffement aux latitudes élevées de l'Arctique. Un autre élément clé est, bien sûr, l'eau. On connaît plutôt bien ce qui se produira en termes de changements prévus dans le niveau des précipitations.
Au Canada, cela signifie en réalité une plus grande probabilité globale de précipitations, mais également, en parallèle, une probabilité plus forte de sécheresse. Donc, la pluie tombe en quantités probablement de plus en plus importantes, durant l'hiver, et il y a une probabilité accrue de sécheresse.
Parallèlement, nous savons que nos voisins américains, dans le Sud des États-Unis, vont recevoir moins de pluie globalement et probablement connaître plus de sécheresses.
Voilà qui nous met dans une situation fâcheuse en termes de disponibilité d'eau en Amérique du Nord, le Canada en obtenant plus tout au long de l'année et les régions subtropicales, y compris le Sud des États-Unis, moins. Actuellement, c'est un réel problème, bien sûr, parce qu'ils sont en train d'épuiser la nappe aquifère de la région des grandes plaines à un rythme 40 fois plus élevé que son taux de renouvellement.
Par conséquent, il y aura durant ce siècle-ci, en Amérique du Nord, des crises de l'eau.
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Avec votre permission, j'aimerais répondre à cette question, mais auparavant, j'aimerais répondre à la question précédente. Je tiens tout simplement à souligner un point.
La façon dont les changements climatiques affectent les autres régions du monde nous touche. Les changements climatiques exacerberont les différences entre les pays riches et les pays pauvres, entre les pays en développement et les pays industrialisés. J'estime que le Canada a un intérêt direct à faire en sorte que les plus faibles, les plus vulnérables, sont protégés le plus possible.
J'ai le privilège de travailler parfois avec des membres du Centre de recherches pour le développement international à un projet visant à rehausser la capacité d'adaptation en Afrique. Je crois qu'il est dans l'intérêt du Canada de le faire.
Pour ce qui est maintenant de votre question sur les technologies, je ne les connais pas à fond, et je suppose que vous parliez essentiellement de technologies canadiennes. Toutefois, permettez-moi de mentionner simplement qu'une d'entre elles concerne l'utilisation faite de la biosphère, de ce que vous qualifieriez de biocombustibles.
Je ne pense pas forcément aux biocombustibles liquides, qui ont reçu beaucoup d'attention de la part des médias, mais simplement aux déchets solides de l'agriculture et de la foresterie dont nous pouvons nous servir pour chauffer les maisons et pour produire de l'électricité. Cette technologie est très prometteuse. Une partie de la recherche s'est faite sous la direction d'un organisme appelé BIOCAP Canada, dont les fonds n'ont malheureusement pas été renouvelés.
Je pourrais également mentionner, je suppose, la technologie de la construction. Nous avons une capacité immense de construire des bureaux et des maisons économes sur le plan de l'énergie et tout le reste. Je crois que c'est un autre domaine dans lequel nous pouvons exporter.
Je suis sûr que j'en ai oublié un grand nombre. Il faudra m'excuser, car ce n'est pas vraiment mon domaine de compétence.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier les témoins d'être ici aujourd'hui. Nous avons eu des entretiens à de nombreuses reprises, et je suis ravi de revoir chacun d'entre vous.
Pour pouvoir aller de l'avant, vous devez regarder où vous en êtes et jeter un coup d'oeil sur votre passé, tout en restant concentrés sur l'avenir et l'objectif visé. Nous avons largement dépassé le stade du débat scientifique sur le changement climatique. Partout, on s'entend pour dire que nous avons un problème, un gros problème.
Le gouvernement actuel a été formé il y a deux ans, et je ne vais pas m'étendre sur le passé, mais nous nous sommes retrouvés dans une direction que nous ne voulions pas emprunter. Alors nous avons établi des cibles au Canada qui sont parmi les plus sévères au monde. Chaque pays se trouve dans une situation, à un point de départ qui lui est propre. Lorsque vous avez un gouvernement qui tient sérieusement à faire quelque chose... Au Canada, le gouvernement actuel s'est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre: des réductions absolues de 20 p. 100 d'ici 2020 et de 60 à 70 p. 100 d'ici 2050.
Ce dont nous parlons aujourd'hui, ce sont les données scientifiques à l'appui du projet de loi . Ce dernier, vous le savez sans doute, est un projet de loi d'après 2012, d'après le Protocole de Kyoto. Au cours des deux prochaines années, il y aura des négociations visant à définir ce que sera cet accord d'après 2012.
Le parrain du projet de loi C-377 est le chef du NPD, , qui était ici il y a une semaine pour nous faire part de sa vision sur le sujet. J'aimerais vous en parler dans une minute, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez du projet de loi C-377 à titre de scientifiques.
J'aimerais aussi savoir ce que vous pensez de l'adaptation. Vous avez été nombreux à dire dans vos exposés que nous subissons déjà les retombées du changement climatique et que nous continuerons à les subir, et qu'elles vont augmenter; ce phénomène va se produire. Ce que nous devons faire en tant que citoyens du monde, c'est réduire ensemble les émissions de gaz à effet de serre. Nous devons faire cela. Nous sommes d'accord sur ce point, mais au Canada, que devons-nous faire pour nous préparer à l'adaptation?
Nous revenons tous d'un congé, et j'ai eu de nombreux entretiens avec des gens de ma circonscription. Une des remarques que j'ai entendues m'est restée en tête. Cela ressemblait à un commentaire de Rex Murphy que j'ai lu avant le congé de Noël. Cet électeur me parlait de l'importance de ce dossier et était d'accord avec le message que le Canada passait à toutes ces conférences internationales et ces séances de remue-méninges, à savoir que tout le monde doit participer aux efforts. Ce ne sont pas 30 p. 100 des gens qui doivent essayer de régler le problème; chacun doit faire sa part. Le Canada se trouve dans une situation particulière, comme tous les pays, et chacun doit faire sa part.
Monsieur Rutherford, j'ai entendu vos commentaires, et je me suis posé les mêmes questions. Quelqu'un en Inde devrait-il pouvoir avoir de l'électricité? Absolument. Vous avez dit « J'ai eu ma part du gâteau et vous ne pouvez pas avoir la vôtre ». Bien sûr, c'est une question morale, et les gens en Inde, en Chine ou en Afrique doivent être en mesure d'améliorer leur sort et leur qualité de vie, tout en protégeant l'environnement. Cet électeur m'a dit « Mark, pour moi, c'est comme un grand seau d'eau percé de centaines de trous et l'eau fuit de partout. Vous, le gouvernement, vous bouchez un de ces trous. C'est fort louable, c'est bien, il faut le faire, mais chacun doit colmater une brèche pour que nous puissions conserver le seau d'eau et sauver notre planète. »
J'ai trouvé cette analogie intéressante. Elle m'a rappelé ce que Rex Murray a dit. Voici en substance ses propos:
On ne peut avancer aucun argument sérieux pour que le Canada prenne des engagements fermes si on exempte les grands pollueurs du monde comme la Chine et l'Inde. Ce serait comme colmater une fuite sans se soucier de l'inondation.
C'est une analogie très semblable.
Lorsque M. Layton est venu parler du projet de loi C-377 — j'en viens maintenant au projet de loi — il a présenté son exposé. Les cibles, les objectifs qu'il a fixés dans le projet de loi C-377 seraient une réduction de 80 p. 100 d'ici 2050. On a posé certains jalons en cours de route: une réduction de 25 p. 100 en 2020 et des cibles intérimaires à des intervalles de cinq ans.
Il a dit également que ces cibles sont fondées sur le rapport de l'Institut Pembina et de la Fondation David Suzuki intitulé Réduire radicalement les émissions de gaz à effet de serre. Il a dit aussi « Je sais que Matthew Bramley sera votre prochain témoin ... et il vous décrira ses recherches et ce rapport. »
Lorsque j'ai eu l'occasion de...
Premièrement, le projet de loi C-377 n'est pas bien différent de ce que vous avez dit au début de votre intervention: le gouvernement du Canada s'est engagé à réduire les émissions de 20 p. 100 d'ici 2020 et entre 60 et 70 p. 100 d'ici 2050.
Le gouvernement du Canada en a-t-il établi les coûts? Je ne le crois pas, parce que je n'ai pas vu ces chiffres non plus.
À mon avis, l'esprit du projet de loi C-377 est conforme à l'orientation que prend l'Union européenne, en ce sens qu'on établit une cible fondée sur des données scientifiques, pour ce qui est du seuil de deux degrés Celsius. Je crois que c'est ce qui est important, et c'est ce qui manque dans le contexte canadien: établir des cibles qui concordent avec celles d'autres régions.
Pour ce qui est de votre commentaire sur l'Inde et la Chine, il s'agit, à mon avis, d'un argument très valable et — je l'ai dit tout à l'heure — il existe déjà un cadre qui tient compte de cet aspect. Pareil cadre existait lorsque le Protocole de Montréal a été signé. En fait, le ministre Baird a souligné à Bali que nous devrions avoir un accord très semblable au Protocole de Montréal, pour lequel les pays développés ont fait preuve de leadership.
Il y a ce qu'on appelle « Contraction et Convergence », un cadre qui vise un monde sans émission, et c'est dans ce cadre que vous convergez et réduisez pour en arriver à zéro émission per capita. On reconnaîtrait le fait, par exemple, que depuis l'époque pré-industrielle, les émissions cumulatives de gaz à effet de serre dans l'atmosphère sont les mêmes au Canada qu'en Inde. Il est donc très difficile pour nous de dire à l'Inde, dont la population est 34 fois plus nombreuse qu'au Canada, qu'elle est à l'origine du problème, alors que nos émissions cumulatives, avec notre 2 p. 100, sont les mêmes qu'en Inde. Pour l'atmosphère, ce sont les émissions cumulatives qui comptent, non pas les émissions produites annuellement.
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Merci beaucoup. Je serai très bref.
J'ai comparu devant votre comité, sous une forme ou l'autre, quatre fois au cours des 12 derniers mois. J'ai été très encouragé par les propos tenus par le gouvernement actuel, monsieur Warawa, sur son intention de s'attaquer à ce problème. Mais je veux voir la loi, je veux voir le règlement, je veux voir les plafonds imposés aux industries — je veux voir toutes ces choses. Les mots ne sont pas suffisants. Nous devons passer à l'étape suivante. Personnellement, je vous encouragerais, vous et vos collègues, à faire cela.
Je crois que le projet de loi C-377 est utile. Selon mon interprétation, il vise à fixer des objectifs à moyen et à long terme. Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, je crois que c'est absolument essentiel pour que nous ayons tous, y compris l'industrie, une vision à long terme, et ce projet de loi nous met au défi en établissant un niveau d'émissions.
Évidemment, nous devons établir le coût des plans proposés, peu importe par quel parti, et peu importe de quel pays nous parlons. Ce n'est qu'une question de bonne politique publique. Je vais devoir présumer que les plans présentés au Parlement, au gouvernement du Canada et aux Canadiens sont correctement chiffrés. Je suis d'accord avec vous.
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C'est ce que je ferai. Merci, monsieur le président.
J'ai posé ma question d'un point de vue scientifique, parce que j'ai entendu ces messieurs auparavant, comme vous le savez, et je me demandais si, dans le cadre de leur expertise, ils pouvaient nous indiquer quels sont les exemples que l'on trouve sur la scène internationale qui fonctionnent et ceux qui ne fonctionnent pas. Alors d'un point de vue scientifique, c'était tout à fait approprié, malgré la confusion de l'autre côté.
J'ai entendu beaucoup de témoignages à propos du projet de loi au comité de l'environnement auparavant, et ceux de trois des quatre témoins ici aujourd'hui. Il est juste de dire que beaucoup de gens veulent des résultats, la réduction des émissions coûte que coûte, et qu'ils sont prêts à faire cela à n'importe quel prix — et nous avons entendu M. Weaver un peu plus tôt. Je crois qu'il est juste de dire qu'un grand nombre de personnes ont adopté cette position, tandis que d'autres veulent examiner le prix et sont prêtes à réduire dans les limites de ce qui est raisonnable.
Serait-il juste de dire que le gouvernement actuel a en fait adopté une position passablement modérée, un juste milieu, en établissant les cibles les plus ambitieuses au monde, selon moi, des cibles obligatoires, y compris la stratégie écoAUTO et ainsi de suite? Serait-il juste de dire que le gouvernement actuel a adopté une approche intermédiaire par rapport aux deux extrêmes que j'ai présentés comme hypothèses?
Monsieur Stone.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma question va nous ramener un peu en arrière, mais en ne perdant pas l'avenir de vue. Je signale à nos invités que les revendications de l'industrie ne datent pas d'hier. Voilà en effet treize longues années que les gens de l'industrie se plaignent de ne recevoir aucune orientation dans tout ce secteur. On voulait savoir vers où l'on se dirigeait, mais aucune orientation n'était fournie, ce qui fait qu'aucune mesure concrète n'a été prise pendant cette longue période.
Et voici que tout récemment, à Bali, en vertu de l'article 71, l'industrie était avisée qu'elle serait réglementée et qu'elle devrait rendre compte de ses émissions de gaz à effet de serre. Les cibles pour les émissions finales devraient être connues d'ici la prochaine année, ce qui constitue un important pas en avant, tout au moins par rapport à ce qui a été fait dans le passé.
Plus précisément, si on considère les balises établies dans le Protocole de Kyoto, dans quatre ans d'ici, en vertu de ce protocole, nous devrions en être à environ 6 p. 100 sous les niveaux de 1990. Je vous invite à réfléchir un instant à la question. Nous aurions sans doute maintenant une discussion totalement différente si nous nous étions mis à la tâche il y a plusieurs années déjà, si nous étions passés à l'action, mais ce n'est pas ce qui s'est produit.
Pourriez-vous nous donner une idée de ce que serait la situation comparativement à ce qu'elle est actuellement, tant pour ce qui est de l'évolution de la conjoncture économique, des signaux envoyés à l'industrie que des impacts sur l'économie? Dans quelle mesure la situation aurait-elle été différente, comparativement à la tâche très difficile qui nous attend actuellement?
Des mesures concrètes sont prises en vue de l'établissement de cibles fermes. L'industrie est mise en garde pour la première fois. On lui offre l'orientation stratégique qu'elle n'a jamais eue auparavant.
Qui veut répondre d'abord?
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Oui, je vais répondre avec plaisir.
D'abord et avant tout, je ne nie pas qu'il y a eu un manque de leadership dans tout ce dossier pendant des années. Cela ne fait aucun doute. Je crois que nous en sommes toujours au stade des discussions. J'espère vraiment que nous verrons bientôt quelque chose de concret.
Vous avez indiqué que les chefs de file de l'industrie étaient à la recherche d'une orientation. En fait, le 1er octobre dernier, le Conseil canadien des chefs d'entreprise a rendu publique une déclaration réclamant des mesures vigoureuses pour s'attaquer au problème du changement climatique. Le Conseil demandait notamment l'instauration d'une taxe environnementale, ce qui est bien sûr un euphémisme pour parler d'une taxe sur le carbone. En outre, à Bali, 100 des plus grandes entreprises mondiales ont exhorté les gouvernements à passer à l'action. Je crois que le monde des affaires souhaite que les règles du jeu soient établies.
J'ose espérer que nous pourrons oublier le passé pour nous tourner vers l'avenir. Il est bien certain que rien de bon n'a été fait dans le passé. Je ne crois pas que vous arriverez à trouver quelqu'un qui vous affirmera que nous allons atteindre les cibles de Kyoto. Ce n'est pas le cas.
Par ailleurs, je ne me réjouirais pas non plus du fait que les entreprises seront tenues de rendre des comptes, car en sa qualité de partie à la CCNUCC, le Canada doit faire rapport de ses émissions de toute manière. Dans une certaine mesure, l'industrie fait déjà état de ses émissions dans le contexte de l'obligation pour notre pays de le faire en vertu de la CCNUCC.
Encore là, j'ose espérer que nous irons plus loin que les simples discussions sur ce qui a pu se passer auparavant — parce que de toute évidence, il ne s'est rien produit — pour aller de l'avant et faire vraiment quelque chose. L'occasion est belle pour n'importe quel gouvernement qui le souhaite de faire montre de véritable leadership tant au Canada qu'à l'échelle internationale. Peu importe qu'il s'agisse des conservateurs, du NPD, des libéraux, du Bloc québécois ou du Parti vert, pour autant que quelqu'un fasse le nécessaire.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
À première vue, je dirais qu'il s'agit d'une proposition très intéressante. En ma qualité de député représentant Fort McMurray et 25 p. 100 du Nord de l'Alberta, j'aimerais beaucoup que vous veniez tous dans ma région. En fait, voilà bien cinq ou six fois que j'invite les membres du comité.
Malheureusement, il vous sera bien sûr impossible de trouver une chambre d'hôtel; il faudra que vous fassiez du camping dans ma cour. Il est donc peut-être préférable d'y renoncer. C'est un peu frisquet — moins 42, ce matin.
Je m'appuie sur mes 40 années passées à Fort McMurray pour vous dire que nous avons besoin d'un point de vue plus équilibré. J'ai commencé à m'intéresser à la question de l'eau du lac Athabaska il y a déjà deux ans, alors que personne d'autre ne se préoccupait de ce problème.
J'aimerais souligner quelques points qui ne devraient pas manquer d'intéresser tous les membres du comité. Sur la rive est du lac Athabaska, le plus grand de l'Alberta — même si seulement le tiers de ses eaux sont dans la province — on trouve une mine d'uranium qui existe depuis les années 1940 ou 1950 et qui, selon moi, libère de l'uranium depuis des décennies et des décennies. Je me suis rendu sur place à trois ou quatre reprises.
En outre, des sables bitumineux s'infiltrent dans les eaux de la rivière Athabaska depuis des milliers, voire des dizaines ou des centaines de milliers d'années. Comme vous êtes nombreux à le savoir, ils se situent à la surface et sur les bords même de la rivière et vous pouvez les voir s'y infiltrer en été, lorsque le mercure dépasse les 30 degrés.
Voilà donc des facteurs à prendre en considération.