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CIIT Rapport du Comité

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LA PÉNINSULE ARABIQUE

A. Introduction

1. Survol de la région

La péninsule arabique est une région presque entièrement désertique située au Moyen‑Orient et bordée à l’ouest par la mer Rouge, à l’est par le golfe Persique et le golfe d’Oman, au nord par la Jordanie et l’Iraq, et au sud par le golfe d’Aden et la mer d’Arabie. On considère que sept pays forment la péninsule arabique : l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Yémen, Oman, le Qatar, le Koweït et Bahreïn.

La péninsule arabique est une région revêtant une grande importance religieuse, culturelle et géopolitique. Elle est non seulement le point central du monde islamique — les deux villes saintes, la Mecque et Médine, sont toutes deux situées dans ce qui est devenu le Royaume d’Arabie saoudite —, mais encore elle constitue un important acteur économique, compte tenu de ses abondantes réserves pétrolières. En effet, quelque 22 % de la production mondiale de pétrole vient de la péninsule arabique, qui possède les plus importantes réserves mondiales connues de pétrole brut classique.

Largement découverte dans les années 1930, cette abondance énergétique s’est traduite par une remarquable transformation économique dans un laps de temps relativement court dans la plupart des pays de la région. L’Arabie saoudite, par exemple, est passée du chameau à la Cadillac en une seule génération. La production économique totale de la région, corrigée en fonction du pouvoir d’achat, s’est élevée à quelque 631 milliards de dollars US en 2006, ce qui équivaut au produit intérieur brut (PIB) de la Turquie, la 14e économie en importance dans le monde (en incluant l’UE, mais non chacun de ses membres).

Aujourd’hui, la péninsule arabique compte environ 61,5 millions d’habitants, soit à peu près autant qu’en Italie ou au Royaume-Uni (R.‑U.). Toutefois, contrairement à celle du R.‑U. et de l’Italie, la population de la péninsule arabique croît rapidement. Par le jeu d’un taux de natalité élevé et de l’arrivée d’un nombre croissant de travailleurs étrangers, la population augmente rapidement et se compose d’une importante proportion de jeunes. À l’exception de Bahreïn, où la croissance démographique est plus faible qu’ailleurs dans la région, la population est en forte augmentation, comme en font foi un taux de croissance annuel de 2,1 % en Arabie saoudite, et celui de 4 %, aux EAU. En comparaison, la croissance démographique au Canada s’établit à quelque 0,86 % par année, ce qui signifie que même en Arabie saoudite, la population augmente plus de deux fois plus vite que chez nous.

Non seulement la péninsule arabique connaît-elle une croissance démographique rapide, mais encore elle est au beau milieu d’une période d’essor économique qui, dit‑on, est sans précédent dans son histoire. Les prix élevés du pétrole de ces dernières années ont fortement dopé la croissance et la prospérité économiques dans ces pays, d’autant que les redevances pétrolières et les revenus connexes constituent la part du lion de leurs recettes budgétaires.

Leurs coffres étant pleins à ras bord, les gouvernements ont les moyens de s’attaquer à une série de problèmes touchant leur économie. Si les pressions exercées par la croissance démographique et l’intégration économique régionale (dont il sera question plus bas) comptent parmi les plus importants de ces problèmes, il reste que le principal d’entre eux est la place excessive qu’occupe le pétrole dans l’économie de toute la région. L’activité économique dans la péninsule arabique est très cyclique, fluctuant en fonction des variations du prix du pétrole. Dans nombre de ces pays, par conséquent, la manne des redevances est investie ailleurs que l’extraction et le transport du pétrole afin de diversifier l’économie et d’atténuer la dépendance envers le pétrole. Ainsi, dans toute la région, des centaines de milliards de dollars sont maintenant investis dans des secteurs comme l’infrastructure, le tourisme, le commerce et les services commerciaux.

2. Surmonter les défis et la perception négative de la région

Les membres du Comité qui sont allés dans la péninsule arabique ont été frappés par l’abondance des occasions d’affaires que présente la région. Compte tenu des centaines de milliards de dollars d’investissements prévus et proposés dans la région au cours des prochaines années, si les entreprises canadiennes devaient profiter ne serait‑ce que d’une petite fraction de ces investissements, voire des échanges de services ou de matériel connexes, les retombées sur l’économie canadienne seraient considérables.

Cependant, pour que cela se produise, les Canadiens doivent surmonter leurs craintes de faire des affaires dans ces pays. Il va sans dire que la péninsule arabique souffre d’un problème d’image dans une bonne partie du monde occidental. En fait, nombre d’entreprises canadiennes hésitent à envisager des occasions d’investissement et de commerce là-bas parce que la région est considérée comme dangereuse et qu’on y associe d’emblée instabilité politique, absence de libertés religieuses, violations des droits de la personne, restrictions sociales et économiques imposées aux femmes et extrémisme islamique.

Dans bien des cas, l’idée que les Canadiens se font de la péninsule arabique est inexacte, notamment en ce qui concerne la violence, l’extrémisme religieux et l’instabilité politique. Cette perception n’est pas fondée sur la situation dans la péninsule arabique en tant que telle; elle est plutôt largement attribuable à la proximité de pays vraiment instables comme l’Iran, l’Iraq et la Syrie.

Dans la péninsule arabique, il n’y a en réalité que très peu d’instabilité politique ou de violence. Les régimes gouvernementaux sont solides, les frontières sont sûres, les relations entre pays de la péninsule sont excellentes et les conflits internes sont rares. Ce n’est qu’au Yémen qu’il y a une résistance active au gouvernement national, et même cette résistance est isolée dans les montagnes du Nord et n’inquiète pas pour le moment la plupart des Yéménites.

Il est, à notre point de vue, bien malheureux que la péninsule arabique soit associée à l’instabilité politique. Le conflit en Iraq et les relations entre l’Iran et l’Occident qui se dégradent jettent une ombre sur le monde arabe tout entier, et influent sur la façon dont nombre d’Occidentaux perçoivent des pays stables comme le Qatar, le Koweït ou les EAU. Dans la plupart des cas, la seule menace d’instabilité pesant sur la péninsule arabique réside dans les contrecoups éventuels d’événements externes comme le passage à un nationalisme plus belliqueux en Iran.

On ne peut nier l’existence dans la péninsule arabique de l’extrémisme religieux et d’un courant anti‑occidental. L’Arabie saoudite, par exemple, souffre d’être désignée comme le pays d’origine des terroristes responsables des attaques du 11 septembre 2001 contre les États‑Unis.

Cependant, les actes d’une poignée d’individus ne sont pas représentatifs de l’état d’esprit qui règne en Arabie saoudite ni dans le reste de la région. On trouve des cellules terroristes et des extrémistes islamistes partout dans le monde, y compris en Europe et en Amérique du Nord. Ces individus ne sont pas plus le reflet des pays où ils vivent que de la vaste majorité des fidèles qu’ils prétendent représenter.

En fait, les gouvernements de la péninsule arabique ont montré leur volonté de coopérer avec le monde occidental et de forger avec lui des liens économiques plus étroits. La péninsule connaît l’une des meilleures périodes de croissance économique de son histoire. Il ne serait certes pas dans l’intérêt de pays de la région de soutenir des groupes et des activités terroristes anti-occidentaux.

Si les préoccupations des Canadiens quant au risque d’instabilité politique dans la péninsule arabique sont largement exagérées, on ne peut en dire autant de leur perception des différences en matière de pratiques culturelles et d’observation religieuse. Les principes de l’islam dominent la vie de tous les jours dans la plus grande partie de la péninsule arabique. Cela s’applique particulièrement à l’Arabie saoudite, le pays le plus traditionaliste de la région sur le plan religieux. Les membres du Comité ont pu constater que, pour quiconque a grandi dans une société pluraliste occidentale, les différences culturelles — les restrictions quant à l’observation religieuse, aux activités pouvant être exercées par les femmes et à leur tenue vestimentaire, à l’accès aux activités sociales, etc. — sont aussi marquées que les occasions d’affaires sont nombreuses.

Les membres du Comité ont entendu dire à maintes reprises que les gens d’affaires canadiens ne doivent jamais sous-estimer le prix que peuvent représenter ces différences culturelles. La culture arabe et le milieu des affaires sont amicaux et accueillants, mais restrictifs selon les critères canadiens. En fait, nous avons rencontré nombre de gens d’affaires étrangers exerçant leur activité en Arabie saoudite ou ailleurs dans la région qui conservent une résidence à Dubaï, de loin la ville la plus libérale de la péninsule arabique, où ils logent leur famille et retournent le week-end.

D’ailleurs, les EAU, Dubaï notamment, s’emploient activement à modifier l’image de la péninsule arabique au Canada et dans le reste du monde occidental. Les EAU sont en train de se forger une réputation internationale comme centre d’affaires et plaque tournante ainsi que comme destination de vacances — un nombre croissant d’importants événements sportifs internationaux ont lieu dans le pays; une multitude de centres commerciaux et de complexes de divertissement y sont construits; enfin, pas moins d’une demi‑douzaine de musées de classe mondiale (y compris un musée créé en partenariat avec le Louvre) sont en construction à Abu Dhabi. Ainsi, la façon dont on perçoit les EAU change, ce qui va forcément faire évoluer l’image de la région dans son ensemble au Canada.

B. Le Conseil de coopération du Golfe

Six des sept pays de la péninsule arabique sont membres du Conseil de coopération des États arabes du Golfe, que l’on appelle aussi Conseil de coopération du Golfe (CCG). Seul le Yémen, de loin le pays le plus pauvre de la région, ne fait pas partie du CCG, bien qu’il participe à certaines de ses activités.

Le CCG est un organisme d’intégration régional, qui ressemble un peu à l’Union européenne. Créé en 1981, il a pour objectifs principaux :

[] réaliser la coordination, l'intégration et l'inter‑connexion entre les États membres dans tous les domaines afin d'atteindre l'unité; approfondir et renforcer les relations, les rapports et la coopération qui existent dans divers domaines entre les peuples concernés; formuler des règles harmonisées dans divers secteurs (affaires économiques et financières, agriculture, industrie, commerce, douanes, communications, éducation, culture, santé, affaires sociales, information, tourisme et matières législatives et administratives); stimuler les progrès scientifiques et technologiques dans divers domaines; créer des centres de recherche scientifique et formuler des projets communs; encourager la coopération avec le secteur privé[2].

Peu de temps après l’établissement du CCG, le territoire régi par le Conseil est devenu une zone de libre‑échange. Durant les 20 années suivantes, toutefois, seuls des progrès modestes ont été réalisés sur le plan de l’intégration économique. Cela a changé en 2003 lorsque les six pays ont convenu de former une union douanière : les pays membres du CCG ont supprimé les droits de douane sur tous les échanges entre eux; ils ont institué un tarif extérieur commun (TEC); enfin, ils ont autorisé le libre déplacement des capitaux au sein du groupe. L’élaboration de plans d’intégration économique devrait se poursuivre dans les années à venir. Nous avons appris que le CCG travaille actuellement à l’instauration d’un marché commun; on s’attend à ce que d’ici la fin de 2007 toutes les personnes et tous les biens des pays membres du CCG jouissent du traitement national au sein du groupe. En outre, des plans ont été arrêtés pour créer une monnaie commune d’ici 2010, bien que nous ayons appris que le Koweït et Oman ont, pour des raisons politiques, choisi de ne pas adhérer pour le moment à ce projet de monnaie commune.

En plus des mécanismes d’intégration officiels, les pays membres du CCG travaillent sur l’amélioration plus directe des liens régionaux, au moyen de projets d’infrastructure communs et d’autres projets de développement. Par exemple, le CCG étudie la possibilité de construire des lignes ferroviaires reliant les six pays.

1. Commerce extérieur et politique d’investissement du CCG

Le CCG est un marché relativement ouvert. Il s’emploie activement à attirer des investissements directs étrangers (IDE) et à maintenir un tarif externe commun modéré. Pour la plus grande partie des produits, les droits de douane ne s’élèvent qu’à 5 %, mais comme la région ne possède pas d’assise manufacturière importante, les biens servant d’intrants à la production peuvent être importés en franchise.

Aux termes de l’union douanière du CCG, les pays membres ont droit à un certain nombre d’exceptions aux droits de douane de 5 %, chacun d’entre eux pouvant prélever des droits plus élevés ou plus bas, selon leurs priorités de politique intérieure. Bien que les exceptions soient différentes d’un pays à l’autre, des droits de douane plus élevés s’appliquent généralement aux produits interdits ou désapprouvés par l’islam, comme le porc, l’alcool et le tabac. Parfois, des droits de douane supplémentaires sont prélevés sur les marchandises qui concurrencent des produits agricoles locaux. À l’inverse, certains pays membres du CCG, dont les sols sont plutôt ingrats, offrent l’accès en franchise à des denrées alimentaires de base.

 Le CCG considère comme hautement prioritaire la conclusion d’accords de libre‑échange avec des pays tiers. Il est d’ailleurs au beau milieu d’une ambitieuse série de négociations avec plusieurs pays et groupements régionaux, y compris la Chine, l’Inde, l’UE, le Japon, l’Australie, le Marché commun du cône sud (Mercosur), la Jordanie, la Turquie, la Nouvelle-Zélande, Singapour et, plus récemment, la Corée du Sud. Cependant, le CCG a décidément obtenu des résultats mitigés dans ce domaine. Il a certes conclu un accord de libre-échange (ALE) avec la Syrie en 2005 et il est sur le point d’en conclure un avec la Nouvelle-Zélande. Toutefois, les négociations avec l’UE, qui devraient se conclure en 2007, ont été entreprises il y a plus de 20 ans et n’ont pas encore abouti.

L’un des écueils plus terre‑à‑terre à la conclusion des négociations d’ALE du CCG, est le fait que les pays membres du groupe n’ont pas tous les mêmes intérêts. Ce facteur n’a pas seulement retardé la conclusion des négociations de libre‑échange, il a aussi poussé deux pays, Bahreïn et Oman, à sortir du cadre du CCG pour négocier des ALE bilatéraux avec les États‑Unis.

Ces accords ne sont pas sans causer beaucoup de tension au sein du CCG. L’Arabie saoudite soutient que ces ALE bilatéraux violent les dispositions de l’union douanière du CCG du fait que Bahreïn et Oman ne les ont pas négociés par le truchement du CCG. Elle a souligné que les produits américains peuvent être importés en franchise lorsqu’ils passent par Bahreïn, mais qu’ils sont frappés de droits de douane de 5 % s’ils sont importés directement, ou par le truchement des EAU, par exemple. Cela compromet le principe même de tarif externe commun que la région a tenté d’établir. D’aucuns se demandent pourquoi les États-Unis cherchaient, de manière implicite, à diviser les pays membres du CCG.

Cependant, le CCG s’emploie à réaffirmer sa position voulant que les États du Golfe doivent négocier collectivement des accords de libéralisation des échanges. Bahreïn a récemment songé à conclure un accord de libre-échange avec la Thaïlande, mais ces pourparlers ont été rompus, les autres membres du CCG ayant fait valoir que toutes négociations de libre-échange doivent être entreprises par les États membres du CCG agissant de concert.

2. Les relations du Canada avec le CCG en matière de commerce et d’investissement

Les relations économiques entre le Canada et le CCG sont certes limitées à l’heure actuelle, mais elles croissent rapidement. Selon Statistique Canada, si le commerce de marchandises a stagné durant la plus grande partie des années 1990, les exportations et les importations se sont en revanche fortement accélérées au début de la présente décennie. S’élevant à 1 milliard de dollars en 1999, le commerce import-export bilatéral a atteint un niveau sans précédent de 3,6 milliards de dollars en 2006; il a ainsi plus que triplé en sept ans seulement. Ce chiffre de 3,6 milliards de dollars se divise à peu près également entre les exportations et les importations. Les exportations canadiennes vers la région en 2006 se sont établies à 1,6 milliard de dollars, et les importations, à 2 milliards de dollars.

Ainsi, considéré comme une seule entité économique, le CCG se serait classé au 15rang dans le monde comme destination des exportations canadiennes en 2006 (au 10e si l’UE était considérée comme une seule entité). Toutefois, des 14 pays où les exportations canadiennes ont été plus élevées, seule l’Inde a dépassé le CCG sur le plan de la hausse des exportations canadiennes depuis cinq ans. La croissance desexportations de marchandises canadiennes au CCG dépasse l’augmentation des exportations vers des marchés en progression rapide comme la Chine, le Mexique et le Brésil.

De même, le CCG aurait été la 20e source d’importations du Canada en importance en 2006. Comme avec les exportations, le taux de croissance des importations du CCG est nettement plus élevé que celui des importations en provenance de la plupart des autres pays. De toutes les principales sources d’importations du Canada, seuls la Chine, l’Algérie et le Pérou ont connu une hausse plus rapide que les États arabes depuis 2001.

Non seulement le commerce de marchandises du Canada avec le CCG augmente-t-il rapidement, mais encore il est largement reconnu que la valeur réelle des échanges de marchandises entre le Canada et le CCG est sous‑évaluée de façon marquée. En règle générale, la qualité des données relatives aux exportations dans le monde souffre de problèmes de mesure en raison du transbordement des marchandises. Le transbordement se produit lorsque des biens ou des services sont expédiés à leur destination finale en passant par un point intermédiaire. Les données relatives aux exportations sont recueillies selon la destination connue des produits et non selon leur destination finale prévue. Par conséquent, le chiffre des exportations vers des pays de transit est souvent surévalué par rapport aux véritables destinataires.

Le transbordement constitue une question importante quand il s’agit de mesurer exactement le commerce du Canada avec le CCG. Bien que les tendances générales du commerce Canada-CCG soient considérées comme fiables, sa valeur pécuniaire précise ne l’est pas. Par exemple, les membres du Comité se sont fait dire que les voitures Crown Victoria fabriquées au Canada sont très populaires en Arabie saoudite, mais qu’il n’existe aucune donnée officielle témoignant de la vente d’une seule Crown Victoria dans ce pays parce que ces voitures sont toutes transbordées aux États-Unis avant d’être acheminées en Arabie saoudite[3]. On estime que la valeur de ces voitures ajouterait à elle seule 1 milliard de dollars au bilan officiel des exportations canadiennes dans la région.

L’Arabie saoudite et les EAU représentent la plus grande partie des échanges commerciaux du Canada avec le CCG. Au chapitre des exportations, les EAU sont le principal partenaire commercial du Canada au sein du groupe, comptant pour tout juste un peu moins de la moitié des exportations canadiennes de marchandises au CCG en 2006. Ensemble, les exportations aux EAU et à l’Arabie saoudite ont constitué près de 83 % des exportations canadiennes au CCG cette année-là. Quant aux importations, c’est l’Arabie saoudite qui domine, avec 84 % des importations de marchandises de la région en 2006.

Le Canada exporte un large éventail de produits au CCG, les biens manufacturés composant le gros des exportations de marchandises. L’équipement et l’outillage (y compris les biens électroniques et électriques), les véhicules et pièces automobiles, les véhicules et pièces aérospatiales ainsi que les instruments spécialisés ont formé environ la moitié des exportations totales en 2006. Venaient ensuite les produits agricoles et alimentaires, qui représentaient près de 20 % des exportations totales cette année‑là. Les produits forestiers (bois d’œuvre, pâte et papiers) comptaient pour quelque 9 % des exportations, tout comme les produits minéraux, le fer et l’or en tête.

Par ailleurs, les importations canadiennes provenant du CCG se composent presque exclusivement de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés. Le pétrole brut représente 78 % des importations canadiennes et les produits raffinés, 16 %. Le Canada n’a importé que deux autres produits dont la valeur était supérieure à 10 millions de dollars en 2006, soit du mélange 1:1 d'oxyde de diéthyle et d'éthanol et de l’aluminium brut.

Si on exclut les données relatives au commerce de marchandises, nous ne disposons que de peu de renseignements sur les relations économiques du Canada avec le CCG. Le Canada fait bien des investissements dans la région, mais le nombre d’investisseurs est si petit que les données sur l’investissement direct à l’étranger (IDE) du Canada ne sont pas rendues publiques afin de protéger la confidentialité des entreprises. Pareille situation ne se produit que lorsque les investisseurs sont si peu nombreux que la publication des données pourrait révéler la valeur des investissements de chacune des entreprises.

Nous disposons, toutefois, de données sur la valeur de l’investissement direct des pays membres du CCG au Canada. Cet IDE totalisait quelque 92 millions de dollars en 2005, chiffre qui n’a presque pas changé depuis cinq ans. Cependant, le Comité a appris que les plus récentes données sur l’IDE au Canada ne comprennent pas encore un certain nombre d’importants investissements récents. La société Dubai Ports World investit dans des ports canadiens à Vancouver et peut‑être ailleurs au Canada, alors que des sociétés canadiennes du secteur de l’énergie, soit Centurion Energy et North Rock Resources, ont été depuis peu acquises par des sociétés des EAU. Ces acquisitions ajouteront des milliards de dollars à la valeur de l’IDE des États arabes au Canada.

3. Possibilités de resserrement des liens économiques avec le CCG

L’augmentation considérable du commerce Canada-CCG ces dernières années, ainsi que les investissements du CCG au Canada, témoignent incontestablement du fait que la région présente un énorme potentiel inexploité pour le Canada et les entreprises canadiennes. Le CCG constitue un grand et riche marché. Les gouvernements de la région sont stables, le climat d’investissement est favorable, les restrictions aux investissements étrangers sont limitées et la région fait bon accueil aux échanges commerciaux et aux investissements étrangers.

S’ajoute à l’attrait du marché le fait que, comme il est dit plus haut, le CCG connaît un essor économique sans précédent cout élevé du pétrole est à l’origine d’énormes excédents budgétaires et de dépenses publiques considérables dans toute la région. À titre d’exemple, les membres du Comité ont appris qu’en Arabie saoudite l’excédent budgétaire s’est élevé à quelque 55 milliards de dollars en 2006, ce qui ne comprend pas les milliards de dollars d’investissements réalisés cette année‑là dans l’infrastructure. Aux EAU, les possibilités d’investissement et de commerce sont plus diversifiées et, sans doute, plus grandes encore.

Même à l’extérieur des pays que nous avons visités, il y a d’énormes possibilités économiques, notamment sur le plan des investissements. La croissance démographique et économique soutenue dope fortement les besoins en infrastructures (hôpitaux, écoles, routes et autres services municipaux) dans toute la région. En outre, des pays comme Bahreïn, le Qatar et le Koweït réalisent également d’importants investissements dans les entreprises afin de devenir des centres commerciaux et financiers mondiaux.

De façon générale, les possibilités s’offrant aux entreprises canadiennes dans le CCG concernent surtout l’investissement direct et l’établissement d’une présence commerciale dans la région. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de possibilités d’accroissement du commerce, notamment dans des secteurs comme l’agriculture et les biens manufacturés. Le CCG est certes un grand et riche marché, mais son assise manufacturière et sa capacité de production agricole sont limitées. En conséquence, il se sert de ses revenus pétroliers pour importer des denrées et des produits manufacturés d’ailleurs dans le monde.

Ces caractéristiques font du CCG un excellent partenaire commercial pour le Canada. Les produits manufacturés et agroalimentaires constituent une part considérable des exportations canadiennes. Il existe des possibilités évidentes de commerce bilatéral de biens et services dans les domaines liés au gaz et au pétrole. De plus, les membres du Comité ont appris que la région a un faible pour les produits fabriqués aux États-Unis, mais qu’elle hésite parfois à commercer directement avec les États-Unis. Comme il fait partie de l’espace économique nord-américain, le Canada est considéré comme un endroit où on peut trouver les mêmes produits sans devoir assumer le coût politique engendré par l’achat direct aux États-Unis.

4. L’Arabie saoudite

a) Économie

Le Royaume d’Arabie saoudite est le pays dominant de la péninsule arabique. Il n’est pas que le plus populeux et le plus vaste, il est aussi la principale force économique de la péninsule. À elle seule, l’Arabie saoudite représente 55 % du PIB de la région. Elle possède les plus grandes réserves de pétrole classique du monde et elle est le siège du plus important marché boursier du monde arabe. Le Comité a été informé par le conseiller spécial du ministre du Commerce et de l’Industrie d’Arabie saoudite que, d’ici deux ans, le PIB de l’Arabie saoudite sera égal à celui de tous les autres pays arabes réunis. Compte tenu également de son importance religieuse, l’Arabie saoudite est sans doute le pays le plus influent, non seulement de la péninsule arabique, mais encore de l’ensemble du monde arabe.

Sur le plan politique, l’Arabie saoudite est un pays autoritaire, mais stable. Il n’y a pas d’élections démocratiques; tous les ministres sont membres de la famille régnante, la dynastie des Al Saoud. Le roi d’Arabie saoudite n’est toutefois pas un monarque absolu. Il doit d’abord composer avec les contraintes de la formation de consensus auprès d’un grand nombre de princes de haut rang. Ensuite, les autorités religieuses ont la haute main sur d’importants secteurs de la vie en Arabie saoudite, y compris l’éducation et les questions culturelles et sociales.

En tant que premier producteur et exportateur mondial de pétrole, l’Arabie saoudite a énormément profité de la poussée des cours du pétrole de ces dernières années. Les revenus tirés de la production pétrolière représentent pas moins de 90 % des recettes du gouvernement du pays et la cherté du pétrole a été à l’origine d’une véritable manne pour l’Arabie saoudite. Les membres du Comité ont appris de l’économiste en chef de la Saudi British Bank que l’Arabie saoudite a touché des recettes pétrolières de 194 milliards de dollars US en 2006, soit plus que le PIB total des EAU de cette année‑là. En fait, on nous a dit que l’Arabie saoudite s’apprêtait même à accroître encore sa capacité de production. À l’heure actuelle, le pays peut produire jusqu’à 10,5 millions de barils de pétrole par jour (bpj). La capacité de production prévue passera à 12,5 millions de bpj d’ici 2009, puis à 15 millions de bpj d’ici 2015.

Même si le pétrole domine l’économie saoudienne, le pays prend des mesures pour atténuer l’importance excessive du pétrole dans l’économie. En effet, le gouvernement saoudien se sert des excédents engendrés par les recettes pétrolières pour entreprendre une série d’investissements visant à diversifier l’économie. Parmi ces derniers, on compte des investissements en éducation, dans la transformation des produits pétroliers (pétrochimie et plastiques), dans l’infrastructure des transports et dans les industries du savoir. Durant nos diverses réunions, nous avons entendu des évaluations différentes de la valeur totale projetée de ces investissements. Dans tous les cas, toutefois, les chiffres étaient astronomiques. Un témoin a parlé de 690 milliards de dollars. Un autre a dit qu’il s’agissait plutôt de 1 billion de dollars au cours des dix années à venir.

Enfin, la Saudi General Investment Authority (SAGIA) projette de désigner six « cités économiques » dans tout le pays pour créer des pôles de compétitivité dans certains des secteurs prioritaires mentionnés ci‑dessus. Les membres du Comité ont rencontré le sous-directeur du secteur des investissements de la SAGIA, qui a déclaré que ces cités comprendraient des quartiers d’affaires, des lotissements et des centres commerciaux, sans compter des investissements dans la technologie et l’infrastructure. Les niveaux d’investissement visés pour ce projet s’établissent à des centaines de milliards de dollars et ne sont pas compris dans les chiffres cités plus haut.

En vue, notamment, d’attirer des investisseurs étrangers pour qu’ils contribuent à l’établissement et à l’exploitation de ces installations et de ces projets, l’Arabie saoudite a pris un certain nombre de mesures pour rendre le pays plus accueillant pour les commerçants et investisseurs étrangers. Le pays a récemment adhéré à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et mis à jour sa loi de 2001 sur les investissements étrangers. Les investisseurs étrangers en Arabie saoudite profitent ainsi maintenant du traitement national, du traitement de la nation la plus favorisée (NPF), d’impôts sur le revenu des sociétés moins élevés et de la capacité de reporter indéfiniment leurs pertes aux fins de l’impôt. Ce dernier avantage est particulièrement intéressant pour des secteurs comme les télécommunications, les assurances et le secteur financier, qui pourraient avoir besoin de temps pour s’établir sur le marché.

L’Arabie saoudite jouit certes d’une poussée économique alimentée par le pétrole, mais il reste qu’elle est confrontée à un certain nombre de sérieuses difficultés économiques. Elle doit, notamment, faire progresser son PIB au même rythme que croît sa population. Même si sa croissance économique a été forte, le PIB par habitant du pays n’atteint guère que la moitié de ce qu’il était dans les années 1970 et 1980; l’énorme croissance démographique a dépassé les gains économiques.

Non seulement la croissance démographique a entraîné à la baisse le revenu par habitant, mais encore l’économie du pays n’est pas parvenue à créer suffisamment d’emplois pour le grand nombre de jeunes Saoudiens arrivant sur le marché. Les membres du Comité ont appris que quelque 300 000 Saoudiens entrent sur le marché du travail tous les ans, mais que nombre d’entre eux n’ont pas la formation ni l’instruction nécessaires pour travailler. De plus, nous avons appris que beaucoup de jeunes Saoudiens ont grandi avec l’idée qu’à l’instar de leurs parents, ils n’auraient pas à travailler pour vivre. Même aujourd’hui, un nombre appréciable d’emplois en Arabie saoudite, notamment dans le secteur privé, sont occupés par des étrangers. Le Comité a appris que, des 25 millions d’habitants que compte l’Arabie saoudite, 7 millions sont des travailleurs étrangers.

Pour s’attaquer à cette question, le gouvernement a mis en œuvre une politique de « saoudisation », qui vise à accroître le nombre d’emplois détenus par des Saoudiens. L’objectif à long terme est que 75 % de tous les emplois soient occupés par des Saoudiens. Toutefois, certaines personnes que nous avons rencontrées en Arabie saoudite se sont montrées sceptiques à cet égard, disant que cette politique manquait de rigueur et qu’il faudra attendre pour voir à quel point elle portera fruit.

b) Les relations du Canada avec l’Arabie saoudite

Si les liens économiques entre le Canada et l’Arabie saoudite sont de plus en plus nombreux, nous avons appris que, dans l’ensemble, les relations entre les deux pays ne sont pas très stables. Cela, nous a‑t‑on dit, s’explique de deux façons : d’abord, il n’y a pas de contacts politiques entre les deux pays; ensuite, on croit, en Arabie saoudite, que les attentats du 11 septembre aux États-Unis ont causé un mouvement de ressac public à l’encontre de l’Arabie saoudite; il y a, de plus, l’affaire William Sampson ainsi qu’une préoccupation générale à propos de la condition féminine et des préoccupations relatives aux libertés sociales et religieuses et aux droits de la personne.

Le Comité n’est évidemment pas en mesure de faire des observations sur les questions sociales et religieuses, mais il s’inquiète du manque de contacts politiques entre les deux pays. À notre avis, cette situation mène à l’incompréhension, perpétue la méfiance et nuit à l’établissement de liens économiques plus étroits. Un témoin a fait valoir que, dans ses relations avec l’Arabie saoudite, le Canada ne devrait pas porter de jugements sur la culture de ce pays et qu’il devrait plutôt se préoccuper que de ses propres intérêts. Plus particulièrement, ce témoin a souligné que les intérêts du Canada en Arabie saoudite étaient de deux ordres : rechercher les bénéfices économiques mutuels et promouvoir la paix et la stabilité au Moyen‑Orient.

En ce qui concerne les contacts politiques, nous avons été surpris d’apprendre que notre voyage en Arabie saoudite était la première visite d’un groupe de parlementaires canadiens dans ce pays depuis quatre ans. Avant cela, le plus récent voyage remonte à 2003, lorsque le Comité permanent des affaires étrangères de la Chambre des communes s’est rendu dans ce pays dans le cadre d’une étude sur l’islam. À l’exception de funérailles d’État tenues en 2005, la dernière fois qu’un ministre canadien a foulé le sol d’Arabie saoudite était il y a sept ans.

Le nombre de visites de délégations saoudiennes au Canada est tout autant préoccupant. Nous avons appris que le roi d’Arabie saoudite avait tenté de visiter le Canada à deux reprises récemment, soit à l’été 2005 et, plus près de nous, à la fin de 2006. Chaque fois, ces voyages ont été annulés du côté canadien. Cela a fait croire en Arabie saoudite que le Canada ne souhaitait pas renforcer les liens entre nos deux pays, ce qui, comme nous l’avons appris, a porté préjudice aux relations économiques entre les deux pays.

Néanmoins, les membres du Comité ont constaté certains signes plus encourageants en matière de relations entre le Canada et l’Arabie saoudite. Pendant que le Comité était en Arabie saoudite, une délégation d’éminents gens d’affaires saoudiens s’apprêtait à faire un voyage d’affaires au Canada, la première visite du genre en cinq ans. En outre, le ministre des Affaires étrangères du Canada, l’honorable Peter McKay à l’époque, avait alors invité son homologue d’Arabie saoudite à venir au Canada. Bien que ce voyage ait été reporté en raison d’un conflit d’horaire, nous avons appris que cette invitation du gouvernement canadien avait été bien accueillie.

L’Arabie saoudite a accru sa participation aux affaires régionales et internationales depuis quelques années, offrant ainsi une autre tribune pour le rétablissement des relations canado‑saoudiennes. Motivée surtout par le ton plus belliqueux de l’Iran et la possibilité qu’il se dote de l’arme nucléaire, l’Arabie saoudite cherche à exercer une influence stabilisatrice dans la région. Elle a résolu de jouer un rôle plus actif dans le processus de paix au Moyen‑Orient et s’est engagée à accroître son aide au développement au Yémen afin de stabiliser davantage ses frontières.

c) Perspectives économiques en Arabie saoudite

Puisque son économie est en plein essor, que sa société connaît l’opulence et que des centaines de milliards de dollars d’investissements y sont prévus ou en cours de réalisation, l’Arabie saoudite offre des perspectives économiques considérables aux entreprises canadiennes. Ainsi, le pays, comme la région en général, cherche à attirer des investissements directs étrangers et de l’expertise venant de partout dans le monde. Les projets d’investissement présentent d’énormes possibilités pour les entreprises canadiennes soucieuses de décrocher des contrats de construction, d’approvisionnement et de conception et de s’établir dans la région comme fournisseurs de services.

Même si l’Arabie saoudite est largement perçue comme un pays prospère possédant de riches réserves pétrolières, les possibilités économiques dans ce pays sont généralement méconnues. On nous a dit que cela était attribuable en partie au fait que les Saoudiens ne sont guère portés à l’autopromotion et en partie au fait que le Canada n’est pas vraiment présent dans la région.

Un des secteurs présentant le plus de possibilités en Arabie saoudite est l’infrastructure, notamment celle des transports. En effet, les membres du Comité ont appris que l’Arabie saoudite consacrera entre 100 et 200 milliards de dollars d’ici dix ans à des projets d’infrastructure. Cela comprend la construction de routes et d’un réseau de chemins de fer, l’agrandissement de la capacité des transports aériens et des projets concernant les services municipaux comme le dessalement de l’eau de mer.

Un autre domaine qui présente d’énormes possibilités en Arabie saoudite concerne les services d’éducation. Le système d’éducation saoudien est largement concentré sur les études religieuses qui, nous a‑t‑on dit, représentent sept cours sur dix à tous les niveaux. Compte tenu en plus de la croissance démographique rapide, on remarque une très forte demande de nouvelles écoles et d’établissements de formation spécialisée. Durant notre rencontre avec le conseiller spécial du ministre du Commerce et de l’Industrie, nous avons appris que l’Arabie saoudite a entrepris la construction de nouvelles écoles au rythme d’une par jour pendant vingt ans. Elle construira 18 nouvelles universités et accordera des licences à 82 universités privées au cours des trois années à venir. On estime que 150 milliards de dollars seront dépensés d’ici dix ans en éducation seulement.

Toutefois, les membres du Comité ont entendu dire que le Canada était absent de ce dossier. Pendant que des pays comme l’Australie sont en train d’établir une forte présence dans le secteur des services d’éducation, les membres du Conseil de la Choura ont informé le Comité que l’Arabie saoudite n’a pas discuté du dossier de l’éducation avec le Canada depuis cinq ans.

Quatre autres secteurs de services ont été fréquemment désignés comme étant des domaines présentant de solides possibilités d’investissement aux entreprises canadiennes : le secteur financier, les assurances, les télécommunications et les services médicaux. Les membres du Comité ont appris que le secteur des assurances, notamment, est une industrie en croissance rapide. S’élevant actuellement à quelque 137 millions de dollars, la valeur du secteur des assurances devrait passer à plus de 2 milliards de dollars d’ici deux ans seulement. En outre, le risque de l’établissement d’une entreprise dans ces secteurs a diminué de façon appréciable. Comme il est dit plus haut, les modifications apportées récemment aux lois sur l’investissement en Arabie saoudite permettront à toute société canadienne de reporter ses pertes subies dans les premières années de l’établissement de sa présence dans le pays.

Si le projet est mis en œuvre, la proposition de la SAGIA de créer six « cités économiques » afin d’établir des pôles de compétitivité offrira aussi de nombreuses possibilités aux entreprises canadiennes. Ce projet vise à faire de l’Arabie saoudite un chef de file mondial dans trois secteurs : l’énergie, les transports et l’industrie du savoir. La SAGIA a fixé des objectifs d’investissement de 500 milliards de dollars pour cette initiative. Et cet argent s’ajoute à tous les autres investissements prévus ou en cours de réalisation. Même une fraction de ce total pourrait créer d’énormes possibilités pour les entreprises canadiennes dans ces secteurs.

5. Les Émirats arabes unis

a) Économie

Les EAU sont, de loin, le pays le plus riche du CCG et l’un des plus riches du monde. Le PIB des EAU ne constitue certes qu’une fraction de celui de l’Arabie saoudite, mais leur PIB par habitant est très largement supérieur à celui de celle‑ci et dépasse de façon appréciable celui des autres pays de la région. En 2006, le PIB par habitant des EAU a atteint 49 700 $ US, contre 43 800 $ US aux États‑Unis et 35 700 $ US au Canada.

Les EAU sont un pays relativement jeune. Ils ont été créés au début des années 1970 par l’union de sept Émirats dont le plus grand est, et de loin, Abu Dhabi. Depuis lors, le pays a profité d’un bon leadership et de la stabilité politique, se transformant en un des pays les plus riches du monde.

Une bonne partie de la richesse des EAU provient des efforts des travailleurs étrangers. Bien que les EAU comptent 4 millions d’habitants, seulement une petite fraction d’entre eux sont des Émiriens. Les étrangers représentent plus de 80 % de la population. Les EAU contiennent donc une remarquable diversité. De plus, compte tenu de la nécessité pour le pays de recourir à des travailleurs et à des investisseurs étrangers, qui ne peuvent pas devenir citoyens émiriens, les EAU sont beaucoup plus tolérants envers la culture et les valeurs occidentales que la plupart des autres pays membres du CCG.

Non seulement les EAU sont riches, mais encore leur économie croît à un rythme effréné. En 2006 seulement, l’augmentation du PIB a atteint 13 %. Qui plus est, contrairement à l’Arabie saoudite, les EAU ne sont pas complètement tributaires de la production pétrolière et des prix élevés du pétrole comme moteurs de leur économie. Si le pétrole reste indéniablement un facteur important pour l’économie des EAU — le pays compte parmi les principaux producteurs et exportateurs de pétrole —, les activités non pétrolières représentent 70 % de la production économique nationale.

La plus grande partie de l’activité économique aux EAU est concentrée dans les deux plus grands des sept émirats, Abu Dhabi et Dubaï. Abu Dhabi est de loin le plus grand des deux, représentant 85 % du PIB total des EAU. Il est aussi celui qui fournit le plus de pétrole.

Pour sa part, Dubaï a très peu de pétrole, mais s’est acquis une notoriété internationale en se hissant parmi les villes du monde les plus dynamiques et qui croissent le plus rapidement. Son économie est axée sur le secteur des services, qui représente 75 % de l’économie de l’émirat. En fait, Dubaï s’emploie à devenir un centre de foires et d’expositions commerciales. L’émirat est déjà considéré comme une porte d’entrée dans la région et ambitionne de devenir un centre de services en matière commerciale et financière, de commerce de détail, de tourisme, de logistique et de transports pour des clients du monde entier.

Les membres du Comité qui ont visité les EAU peuvent en témoigner : il est difficile d’exagérer le niveau d’activité économique, d’investissement et de mises en chantier dans le pays, et ce, à Dubaï en particulier. Des douzaines de grands projets de construction et d’investissement sont en cours de réalisation dans cet émirat et ils sont d’une telle envergure que n’importe lequel d’entre eux ferait les manchettes nationales au Canada. On se plaît d’ailleurs à dire à Dubaï que le quart des grues du monde entier s’y trouvent actuellement; c’est tout dire. Nous avons également appris que le PIB de Dubaï croît plus vite que celui de la Chine, de l’Inde et de l’Irlande.

b) Les relations du Canada avec les EAU

Le Canada entretient avec les EAU des relations saines et productives. Sur le plan économique, les relations s’élargissent rapidement. Les exportations canadiennes aux EAU progressent de manière exponentielle (30 % en moyenne par année depuis 2001); et, comme il est dit plus haut, les sociétés des EAU font d’importants investissements dans les secteurs du gaz et du pétrole et des transports maritimes au Canada.

La réaction du Canada aux investissements proposés par Dubai Ports World (DP World) dans les ports nord‑américains a de plus engendré un certain nombre de transactions commerciales dans les EAU. Si les propositions d’investissement de DP World dans les ports américains ont fait l’objet d’une forte résistance aux États‑Unis, celles de DP World dans les ports canadiens ont, en revanche, été bien accueillies, comme en fait foi le fait que les investissements de DP World ont déjà plus que doublé la capacité du terminal Centerm de Vancouver.

Par ailleurs, le Canada est très présent aux EAU. Quelque 12 000 Canadiens y vivent et 115 entreprises canadiennes y exercent leur activité, soit vingt de plus qu’il y a un an. Le Canada est officiellement représenté par une ambassade à Abu Dhabi et un consulat à Dubaï. Le Canada a aussi un important bureau de traitement des visas, qui ne cesse de croître, à Abu Dhabi, qui dessert non seulement les EAU, mais encore tous les autres pays de la péninsule arabique, exception faite de l’Arabie saoudite. Enfin, le Canada y maintient aussi une présence militaire, car les EAU servent de base logistique à ses opérations en Afghanistan.

c) Perspectives économiques aux EAU

Les EAU constituent une mine de possibilités pour les entreprises canadiennes. Comme il est dit plus haut, l’économie de Dubaï croît plus vite que celle de la Chine, de l’Inde et de l’Irlande. Qui plus est, les EAU sont libres des grandes difficultés que doivent parfois surmonter les entreprises dans des pays en développement comme la Chine : le climat des affaires aux EAU est stable; il y a peu de corruption; les violations de la propriété intellectuelle ne constituent pas un problème; et il n’y a pas d’exigences relatives aux coentreprises exploitées avec des sociétés locales. Du point de vue canadien, la preuve la plus convaincante de la stabilité dont jouissent les EAU et des possibilités qu’ils recèlent, c’est sans doute le fait que le Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario y fait des investissements. Or les gestionnaires des régimes de retraite n’ont pas l’habitude de faire des investissements risqués.

Les occasions d’affaires aux EAU, et à Dubaï en particulier, sont pratiquement illimitées. Lors de leurs déplacements là‑bas, les membres du Comité ont eu l’occasion non seulement d’observer de première main la croissance, mais encore de parler à des entrepreneurs canadiens exerçant leur activité dans la région. Par exemple, un représentant d’une société d’ingénieurs canadienne nous a dit qu’il refusait régulièrement des contrats parce que son entreprise ne disposait ni du temps ni de la capacité pour accepter toutes les offres qui lui étaient faites. Il y avait une telle abondance de contrats qu’il a offert de fournir un bureau et garanti du travail à toute entreprise canadienne voulant s’établir à Dubaï. Il a ajouté qu’après un mois l’entreprise aurait gagné facilement assez d’argent pour payer elle‑même le loyer de son bureau.

Bien que les coûts d’établissement d’une entreprise dans la région soient élevés, notamment pour les petites sociétés, les EAU offrent un autre service susceptible d’aider les entreprises canadiennes à naviguer dans ces eaux inconnues : des chambres de commerce locales. Aux EAU, la structure et le rôle des chambres de commerce diffèrent de ceux des chambres de commerce canadiennes. Les chambres de commerce des EAU jouent un rôle actif d’organisme quasi gouvernemental. Elles ont pour fonctions de promouvoir leur ville et d’agir comme porte‑parole du secteur privé auprès du gouvernement. Elles fournissent de l’information et des services et font office de centres de réseautage et de points d’entrée dans l’économie locale. Toutes les entreprises sont tenues d’être membres de leur chambre de commerce locale. Les chambres obtiennent une aide financière de la part du gouvernement, et des représentants de ce dernier siègent à leur conseil d’administration.

Les membres du Comité ont eu l’occasion de rencontrer des représentants de la Chambre de commerce d’Abu Dhabi comme de celle de Dubaï. Durant ces rencontres, nous avons appris un autre important rôle que jouent ces organismes : ils accueillent les étrangers qui veulent s’établir aux EAU. Une société canadienne voulant faire des affaires à Abu Dhabi, par exemple, devrait communiquer avec la chambre de commerce locale, qui la dirigerait alors vers des partenaires ou clients appropriés. Comme toutes les entreprises sont tenues d’être membres de la chambre de commerce locale, ces organismes sont donc en mesure de jouer un rôle utile d’aiguilleur auprès d’éventuels investisseurs étrangers.

Étant donné que les EAU, Dubaï en particulier, s’emploient à devenir un centre de services, la plus grande partie des occasions d’affaires s’offrant aux entreprises canadiennes dans ce pays sont axées moins sur le commerce et davantage sur les investissements directs et l’établissement d’une présence physique. D’ailleurs, certains des projets de développement en cours ou projetés aux EAU sont vraiment d’une portée et d’une envergure stupéfiantes. Il serait certes impossible de dresser une liste exhaustive des principales occasions d’investissement, mais plusieurs secteurs ont été mentionnés à maintes reprises durant nos rencontres avec des dirigeants du gouvernement et du milieu des affaires.

Le secteur qui vient immédiatement à l’esprit est l’infrastructure. Les possibilités liées à la construction, à l’ingénierie et à la conception sont pratiquement illimitées, qu’il s’agisse de l’infrastructure des transports (routes, chemins de fer, ports et transports aériens), de la conception et de la construction immobilières, des services municipaux comme le traitement de l’eau et le dessalement. En outre, nous avons entendu dire qu’une foule de possibilités s’offrent aux Canadiens dans des domaines comme l’éducation et la formation, la santé ainsi que la fabrication et la transformation.

6. Resserrement des liens avec le CCG : recommandations

Nous croyons fermement que l’amélioration des liens économiques avec le CCG est dans l’intérêt économique du Canada. La région est prospère, les pays sont stables, la corruption y est limitée et les occasions d’affaires sont innombrables.

Comme il est mentionné plus haut, la plupart de ces occasions concernent des investissements directs dans de grands projets et d’ambitieuses initiatives de développement. Cependant, il importe de répéter que la structure économique du CCG fait de lui un partenaire commercial idéal pour le Canada. Les pays membres du CCG ne disposent pas d’une assise manufacturière solide et n’ont pratiquement pas d’industrie agricole. Le Canada, par contre, est un grand producteur et exportateur agricole qui est à la recherche de marchés pour renforcer son assise manufacturière. De plus, comme ils possèdent ensemble les plus grandes réserves pétrolières mondiales, le Canada et le CCG ont tout intérêt à saisir les occasions qui se présenteront et à coopérer plus étroitement.

Le renforcement des relations politiques et économiques avec le CCG ne requiert pas une refonte de la politique étrangère du Canada ni un redéploiement important des ressources gouvernementales. Nous estimons qu’en ne prenant que quelques simples mesures le gouvernement du Canada peut faire progresser considérablement les relations économiques entre le Canada et le CCG. La politique gouvernementale doit donc atteindre trois objectifs précis : signaler que les relations Canada-CCG sont importantes pour le gouvernement du Canada, faire prendre conscience aux Canadiens des possibilités que recèle ce marché et supprimer les obstacles que doivent surmonter ceux qui veulent faire des affaires dans la région. Les recommandations énoncées ci-dessous constituent un premier pas vers la réalisation de ces objectifs.

a) Envisager la conclusion d’accords de libre‑échange et de coopération économique en bonne et due forme

La manière la plus efficace d’atteindre ces trois objectifs serait sans doute pour le gouvernement du Canada de négocier avec le CCG un accord de coopération économique en bonne et due forme. Le terme « accord de coopération économique » est assez vague; il peut signifier bien des choses, du simple engagement gouvernemental à établir des liens économiques plus étroits jusqu’à un véritable accord de libre-échange. À notre avis, un accord de libre-échange (ALE) constituerait l’option la plus globale et la plus souhaitable, en définitive. Toutefois, certaines mesures préliminaires peuvent être prises pour consolider les relations en prévision de la négociation d’un accord.

Selon le secrétaire général adjoint du CCG, l’établissement de liens plus étroits entre le Canada et le CCG peut commencer par le simple envoi d’une lettre par le ministre des Affaires étrangères, Maxime Bernier, au secrétaire général du CCG faisant état de l’intérêt du Canada à nouer des relations économiques plus fortes. L’étape suivante serait la négociation d’un accord‑cadre économique. Pareil accord décrirait les secteurs où le Canada et le CCG pourraient s’engager d’avantage et jeter les bases d’éventuelles négociations d’un accord de libre-échange. De l’avis du secrétaire général adjoint, la négociation d’un accord-cadre économique serait assez simple et ne nécessiterait sans doute que quelques jours.

Le Comité convient que l’élaboration d’un accord-cadre économique constitue un important premier pas vers l’amélioration des relations économiques du Canada avec le CCG. En plus de mettre le Canada et le CCG sur la voie du resserrement de leurs relations économiques, la conclusion de pareil accord pourrait se faire sans que des pressions indues ne doivent être exercées sur les ressources de négociation du Canada, qui sont mobilisées ailleurs dans le monde. De plus, un tel accord enverrait un message non équivoque au milieu des affaires des deux pays : des liens plus étroits entre le Canada et le CCG sont importants et bénéfiques.

Quant à la possibilité de la conclusion d’un accord de libre‑échange entre le Canada et le CCG, nous estimons que l’expérience acquise avec un accord-cadre économique nous aidera à déterminer si un ALE avec le CCG serait bénéfique. L’économie du CCG est déjà relativement ouverte, des droits de douane de 5 % ou moins étant prélevés sur la plupart des produits. Cependant, si un accord-cadre économique mène à l’instauration de relations économiques telles que l’étape logique suivante serait un ALE, le Canada pourrait alors réévaluer cette option plus tard.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada demande officiellement au Conseil de coopération du Golfe d’amorcer des négociations sur un accord-cadre économique entre les deux parties.

b) Autres accords officiels

Les accords de coopération économique et les ALE ne sont pas les seuls moyens par lesquels le gouvernement du Canada peut améliorer les relations du pays avec le CCG. Parmi d’autres formules, on compte les accords sur la protection des investissements étrangers (APIE), les accords de service aérien ainsi que les accords en matière de science et de technologie, pour n’en nommer que quelques-unes.

Pendant son séjour en Arabie saoudite et aux EAU, le Comité a régulièrement entendu le message voulant que, de toutes les formules énoncées ci-dessus, un accord de service aérien élargi serait celle dont profiteraient le plus les relations économiques entre le Canada et le CCG. En effet, nous avons appris que le manque de service aérien peut être un sérieux obstacle au resserrement des liens économiques, en rendant plus coûteux et compliqués les déplacements entre les deux pays.

Le Canada a conclu des accords de service aérien avec l’Arabie saoudite et les EAU, et un autre, en mai 2007, avec le Koweït. En dépit de ces accords, toutefois, un seul transporteur aérien assure actuellement une liaison aérienne directe entre le Canada et le CCG. Il s’agit d’Etihad Airways, qui offre trois vols par semaine entre Toronto et Abu Dhabi. Le Comité a été heureux d’apprendre que des progrès sont réalisés dans les transports aériens entre le Canada et le CCG; en effet, à compter d’octobre 2007, le transporteur Emirates Airlines aussi offrira trois vols par semaine entre Dubaï et Toronto.

À notre avis, il est clairement dans l’intérêt supérieur du Canada d’établir un service aérien plus fréquent avec le CCG. Non seulement le Canada profiterait d’un accès amélioré à une région prospère, qui s’emploie à devenir une plaque tournante du transport aérien dans le monde, mais encore cela l’aiderait à surmonter un des principaux obstacles à des relations Canada-CCG plus fortes — la distance.

On a répété à maintes reprises aux membres du Comité que les relations personnelles sont essentielles à quiconque veut faire des affaires dans le CCG. On nous a souvent dit aussi que les Canadiens ne prennent pas le temps de cultiver des relations. Le succès en affaires dans le CCG ne peut être obtenu par téléphone ou par courrier électronique; il requiert de fréquents voyages dans la région. Toute mesure que peut prendre le gouvernement du Canada pour supprimer les obstacles aux voyages serait bienvenue.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada travaille à l’élargissement et à l’approfondissement de son ensemble d’accords de service aérien avec les pays membres du CCG.

c) Accroître la fréquence des voyages dans la région et en provenance de celle‑ci

Un des messages le plus souvent entendus par les membres du Comité en visite en Arabie saoudite et aux EAU était que, sur le plan politique, le Canada a été largement absent de la région. Comme il est dit plus haut, un certain nombre de gens que nous avons rencontrés en Arabie saoudite ont gentiment critiqué le manque d’engagement du Canada, non seulement dans ce pays, mais aussi au Moyen‑Orient en général. On croit aussi en Arabie saoudite que les Canadiens prennent le temps de s’arrêter à Dubaï, mais qu’ils ne vont pas dans le pays le plus grand et le plus puissant de la région sur le plan économique.

Nous estimons, cependant, que cette perception est plus le reflet de la rivalité entre l’Arabie saoudite et les EAU que d’une réelle préférence que le gouvernement canadien pourrait avoir pour un pays ou un autre. Lors de notre passage aux EAU, nous avons également entendu des critiques voulant que des parlementaires et ministres canadiens passent régulièrement par Dubaï pour se rendre ailleurs dans le monde, mais qu’ils ne prennent même pas le temps de rester un jour ou deux pour visiter le pays, que ce soit à titre officiel ou à titre personnel.

Ces observations n’étaient pas nouvelles pour le Comité, notre voyage au Moyen‑Orient ayant été largement motivé par des témoignages semblables entendus à Ottawa. Plusieurs témoins entendus depuis un an ont fait valoir que le manque d’activité du gouvernement canadien en matière de relations internationales nuit à nos perspectives d’affaires à l’étranger.

Comme nous le disons dans notre récent rapport, Vers une meilleure politique commerciale, dans de nombreux pays, le commerce et l’investissement sont tributaires des relations internationales, qui ne se limitent pas aux contacts entre les entreprises; mais englobent les contacts entre gouvernements. À cet égard, on lit dans le rapport :

Lorsque le premier ministre, des comités parlementaires ou même des députés pris individuellement se rendent dans d’autres pays, ils montrent que le Canada tient vraiment à multiplier ses liens politiques, sociaux et économiques dans le monde.

Le voyage du Comité au CCG témoigne éloquemment de l’importance de ces visites et des avantages qui peuvent en être tirés. Les membres du Comité ont été chaudement et courtoisement accueillis durant tout le voyage. En plus d’obtenir des renseignements au sujet des possibilités et des défis dans la région, nous avons rencontré des hauts fonctionnaires et des hauts dirigeants du monde des affaires, et nos déplacements ont fait l’objet de maints reportages dans les quotidiens tant de langue anglaise que de langue arabe. Comparativement au voyage du Comité, qui à tous égards a été un franc succès, une visite de ministres, voire du premier ministre, aurait sans doute un effet bien plus grand encore.

Le Comité est bien conscient de la possibilité que le vif intérêt suscité par notre voyage dans les pays du CCG soit partiellement attribuable au caractère tout à fait inédit de la présence de parlementaires canadiens. À notre avis, cela en dit très long sur la nécessité pour le Canada d’améliorer sa fiche dans le domaine des voyages à l’étranger. Comme il est dit dans Vers une meilleure politique commerciale, nous ne sommes pas insensibles aux préoccupations politiques des gouvernements minoritaires ni à l’empressement de certains médias à accuser des membres du gouvernement de gaspiller les fonds publics. Parallèlement, toutefois, il a été clairement établi que les voyages de représentants gouvernementaux de haut niveau comptent pour beaucoup dans la création de liens économiques plus solides avec des régions comme celle du CCG. Les relations politiques donnent le ton aux relations internationales, y compris les liens économiques.

En fait, d’autres pays industrialisés entretiennent des relations beaucoup plus poussées avec les pays membres du CCG, et ils en retirent des avantages économiques. Ainsi, l’Australie, par exemple, s’est servie des déplacements gouvernementaux pour maximiser son potentiel économique dans la région. Ses représentants profitent de ce que plusieurs pays membres du CCG sont des plaques tournantes et prennent le temps de les visiter lorsqu’elle y transite. La France est un autre exemple de pays qui a pris le temps de cultiver ses relations avec le CCG. Les membres du Comité ont appris que Jacques Chirac avait passé quatre journées complètes durant sa visite présidentielle en Arabie saoudite, ce qui est vraiment beaucoup pour un chef d’État. Il lançait ainsi un important message aux entreprises françaises, qui ont afflué dans ce pays peu de temps après.

À notre avis, l’augmentation de la fréquence des visites officielles dans la région contribuerait à resserrer les liens économiques sans que cela ne soit ni très difficile ni très coûteux à réaliser. Compte tenu que des pays membres du CCG comme les EAU et l’Arabie saoudite sont de plus en plus utilisés comme plaques tournantes du trafic aérien dans le monde, nombre de ministres ou de hauts fonctionnaires y passent régulièrement pour se rendre à des rencontres internationales et en revenir. Le coût d’une nuit supplémentaire pour faire une visite officielle dans un ou deux pays de la région serait négligeable. Le Canada y gagnerait à coup sûr et à peu de frais.

Recommandation 3

Que, lorsqu’ils passeront par l’aéroport de Dubaï ou celui d’un autre pays membre du CCG, les ministres et les hauts fonctionnaires fassent l’effort de prolonger leur séjour d’un jour ou deux pour faire une visite officielle dans des pays de la région.

L’amélioration des relations intergouvernementales avec les pays membres du CCG nécessite plus toutefois que l’augmentation du nombre de visites dans la région. En effet, il est tout aussi important d’inviter au Canada des délégations de gens d’affaires et de représentants gouvernementaux. À cette fin, nous estimons que le Canada devrait, à titre prioritaire, fixer de nouvelles dates pour une visite au Canada du ministre des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, le prince Saud, et adresser une lettre au roi d’Arabie saoudite l’invitant officiellement à venir au Canada. Le gouvernement du Canada devrait déployer des efforts semblables pour inviter des dirigeants d’autres pays membres du CCG à venir au Canada eux aussi.

d) Accroître la présence étrangère du Canada dans la région

Les relations entre pays, qu’elles soient économiques ou politiques, sont fondées sur la communication. L’une des manières les plus efficaces d’établir et de renforcer ces liens de communication, qu’ils soient économiques ou politiques, consiste à passer par la représentation diplomatique officielle.

À cet égard, le Canada est désavantagé dans la région, comparativement aux autres pays du G8, car il y est moins bien représenté. En fait, nous avons appris que le Canada est le seul pays du G8 à ne pas avoir de représentation diplomatique officielle dans tous les pays membres du CCG.

Le Canada est physiquement présent dans trois pays de la région : l’Arabie saoudite, les EAU et le Koweït. En plus de ses responsabilités locales, l’ambassade canadienne en Arabie saoudite dessert Bahreïn, Oman et le Yémen; celle du Koweït dessert aussi le Qatar. Les EAU sont le seul pays de la région où le Canada a deux bureaux, une ambassade à Abu Dhabi et un consulat à Dubaï. L’ambassade à Dubaï loge aussi un grand centre de traitement des visas, qui sert toute la région, à l’exception de l’Arabie saoudite.

Le manque de ressources diplomatiques nuit aux relations du Canada avec les pays du CCG. Les membres du Comité ont appris que le gouvernement du Qatar ne reconnaît pas les titres de l’ambassadeur canadien chargé du Qatar parce qu’il n’y a pas d’ambassade canadienne dans ce pays. D’autres pays se sont plaints aussi de l’absence d’ambassade ou de consulat du Canada sur leur territoire. Au Yémen, par exemple, le défaut d’une présence officielle constitue une importante source de friction avec ce pays. Cette question sera traitée plus à fond ci‑dessous.

Recommandation 4

Le gouvernement du Canada devrait accroître ses ressources diplomatiques dans le CCG. La décision d’ouvrir une ambassade ou un consulat ainsi que l’affectation de ressources à ces derniers devraient être fondées sur les possibilités économiques dans le pays en cause, sur son importance politique et sur la promotion du respect des droits de la personne.

e) Visas

Depuis cinq ans, le Comité et son prédécesseur, le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements, se sont rendus dans plus d’une vingtaine de pays dans le cadre d’un large éventail d’études. Dans presque tous les cas, il était inévitable que soit soulevée la question des visas canadiens. Le voyage du Comité au Moyen‑Orient n’a pas fait exception.

Une source de friction avec l’Arabie saoudite et les EAU est le fait qu’avant 2001 le Canada n’exigeait pas de visa pour les visiteurs venant de ces deux pays. Depuis lors, non seulement un visa est exigé, mais encore, selon certaines personnes que nous avons rencontrées dans la région, trop de restrictions limitent les déplacements de ceux qui obtiennent un visa.

Plus précisément, les membres du Conseil de la Choura d’Arabie saoudite estiment que la durée des visas canadiens délivrés aux voyageurs est trop courte par rapport à celle des visas d’autres pays. On nous a dit que si le Canada offre des visas de trois et six mois, les États-Unis délivrent des visas de deux ans, et le R.‑U., des visas d’un minimum de six mois à un maximum de cinq ans.

Nous avons appris que l’Arabie saoudite préférerait, idéalement, le rétablissement de la situation d’avant 2001, où aucun visa n’était exigé. Cependant, compte tenu du climat actuel de sécurité accrue, même les membres du Conseil de la Choura ont reconnu que cet objectif était irréaliste. Ils ont proposé que, à tout le moins, le Canada calque la durée de ses visas sur celle des États‑Unis, voire, mieux encore, sur celle du R.‑U.

Aux EAU, la question qui retient l’attention est le fait que les Émirats exercent des pressions politiques pour obtenir la réciprocité en matière de visa. Les EAU n’exigent pas de visa de la part des voyageurs canadiens et ils estiment que le Canada devrait accorder le même privilège à leurs ressortissants. Cette question mise à part, cependant, les EAU étaient le seul pays à ne pas présenter de plaintes relativement au processus de visa en tant que tel. Le bureau des visas d’Abu Dhabi est grand et ne cesse de s’agrandir pour répondre à la demande, et parvient à fournir des services remarquablement efficaces. Les EAU sont un des très rares pays que le Comité a visités ces dernières années où il n’y a pas eu de plaintes à propos du processus de demande et de délivrance de visas.

Le Comité ne croit pas que le Canada devrait maintenant éliminer ses exigences en matière de visas pour les pays membres du CCG. Toutefois, le fait que le Canada ne délivre que des visas d’une durée relativement courte impose un coût administratif tant à nos agents des visas qu’aux dirigeants d’entreprise et aux gouvernements des pays du CCG. Nous ne proposons pas un assouplissement des normes d’examen, mais une analyse coûts-avantages d’un allongement de la durée des visas, à la lumière, notamment, du fait que tant les États-Unis que le R.‑U. offrent des visas de plus longue durée.

À notre avis, il n’y a pas de raison d’accorder aux gens d’affaires ou aux étudiants qui viennent au Canada des visas d’une durée différente de ceux que délivrent les autres pays occidentaux industrialisés. Ainsi, nous croyons que le gouvernement du Canada devrait réexaminer sa politique de détermination de la durée des visas en vue de l’harmoniser davantage avec celle appliquée par des pays comme les États‑Unis et le R.‑U.

Recommandation 5

Que le gouvernement du Canada examine les avantages et les inconvénients de l’harmonisation de la durée des visas qu’il délivre aux voyageurs provenant de pays membres du CCG avec celle des visas délivrés par les États-Unis. Si cela ne comporte pas de risque important , le Canada devrait offrir des visas de plus longue durée aux requérants agréés, notamment à ceux qui viennent souvent au Canada.

f) Faire de la promotion des services d’éducation une priorité

Nous sommes d’avis qu’il incombe principalement aux entreprises canadiennes de faire de la prospection dans le monde et de saisir les occasions s’offrant à elles. Le rôle des pouvoirs publics consiste à susciter un climat politique et économique propice aux entreprises. Il ne consiste pas à déterminer quelles entreprises ou industries canadiennes réussiront ou échoueront. Cependant, selon l’expérience que nous avons acquise dans nos voyages dans la région, nous estimons qu’un secteur d’activité en particulier devrait être ciblé pour une intervention politique : les services d’éducation.

S’il est un élément qui est revenu souvent dans nos rencontres avec les pays membres du CCG, c’est l’existence d’énormes possibilités dans la région au chapitre de la prestation de services d’éducation, qu’il s’agisse d’attirer des étudiants étrangers au Canada ou d’établir des centres d’éducation et de formation là‑bas. Il y a un besoin particulier d’écoles de formation spécialisée. Comme il est dit plus haut, l’Arabie saoudite, à elle seule, concédera 82 licences à des universités privées d’ici trois ans. Or, ce pays ne dispose pas de l’infrastructure, des fournitures, du personnel ni des programmes voulus pour répondre à lui seul à cette demande.

Le secteur canadien de l’éducation est présent dans la région, mais, comparé à des pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Malaisie, cette présence est limitée. Nous avons entendu dire que, de façon générale, les grandes universités canadiennes sous‑estiment l’importance d’offrir des services à l’étranger. En revanche, les écoles privées, les collèges communautaires et les écoles techniques sont beaucoup plus actifs. Parmi les établissements canadiens actifs dans la région, on compte le Southern Alberta Institute of Technology (SAIT) et son pendant du nord, le Northern Alberta Institute of Technology (NAIT), la Canadian International School (pour l’instruction primaire et secondaire fondée sur le programme albertain) et le College of the North Atlantic.

On a rappelé au Comité que les services d’éducation présentent d’importants avantages à long terme pour les relations internationales du Canada. Nous avons appris que nombre d’éminents Saoudiens ont fait leurs études aux États‑Unis dans les années 1970 et 1980. Ces derniers, qui ont forgé des liens indissolubles avec les États‑Unis, occupent maintenant des postes d’autorité et d’influence chez eux. La valeur de ces liens ne saurait être sous-estimée.

En dépit des perspectives en éducation, il est évident que le secteur n’est pas prioritaire pour le Canada. À son ambassade à Abu Dhabi, le Canada possède un centre de ressources en éducation où les étudiants intéressés peuvent se renseigner à propos des institutions postsecondaires canadiennes. Cependant, nous avons appris que, en matière d’orientations, les délégués commerciaux du Canada ne centrent pas leurs activités sur la promotion des services d’éducation, ceux‑ci n’étant pas un des cinq secteurs prioritaires du Canada.

À notre avis, non seulement le secteur de l’éducation offre dans l’immédiat des débouchés considérables à nos fournisseurs de services, mais encore il est dans l’intérêt stratégique à long terme du Canada. Les étudiants qui acquièrent une instruction liée au Canada conservent ce lien toute leur vie. Le fait de cultiver ces liens ne peut être que bénéfique pour les relations politiques et économiques internationales du Canada dans l’avenir.

Pour cette raison, le Comité croit que le gouvernement fédéral devrait promouvoir davantage les services d’éducation à l’étranger. Pour commencer, nous estimons que le Canada devrait créer des postes de délégués commerciaux qui seraient chargés uniquement du dossier de l’éducation dans des marchés clés. Ces délégués contribueraient à promouvoir les institutions d’enseignement canadiennes, aideraient de nouveaux fournisseurs de services à percer le marché et, ce qui est sans doute le plus important, assureraient un soutien sur le terrain aux institutions déjà établies dans ces marchés.

Recommandation 6

Que, pour des marchés clés comme les EAU et l’Arabie saoudite, le gouvernement du Canada crée des postes de délégués commerciaux à plein temps chargés de promouvoir et de soutenir les fournisseurs de services d’éducation canadiens.

g) Établir un centre de commerce permanent dans la région

Une autre proposition d’amélioration des relations économiques du Canada avec le CCG a été faite par le Conseil national fédéral (CNF) des EAU, l’équivalent de notre Comité du commerce international. Les membres du CNF ont fait valoir que les visites politiques et les délégations commerciales sont importantes, mais que leur souvenir s’estompe avec le temps. Il serait, à leur avis, bien plus utile pour le Canada, d’établir une présence commerciale permanente dans la région. En effet, un centre de commerce pourrait servir de vitrine à l’expertise et aux produits canadiens aux EAU, et dans l’ensemble de la région, au moyen d’expositions temporaires ou permanentes.

Le Comité a entendu des propositions semblables dans le passé. En tant que membres du Sous-comité des affaires étrangères et du commerce international, nous avons présenté, en juin 2005, un rapport intitulé Les composantes d’une stratégie canadienne à l’égard des marchés émergents. Dans ce rapport, nous avions recommandé que le gouvernement du Canada établisse un « centre de l’innovation » au pays, où les sociétés canadiennes pourraient faire connaître leurs nouveaux produits et technologies.

Nous croyons que l’établissement d’un centre de commerce aux EAU, où seraient présentés les technologies et les produits canadiens, serait une mesure utile non seulement au renforcement de la présence canadienne dans la région, mais encore à la promotion du commerce et de l’investissement, tout en contribuant à créer une image de marque canadienne. Nous recommandons donc :

Recommandation 7

Que le gouvernement du Canada songe à établir un centre de commerce permanent aux EAU. Cet établissement mettrait en valeur l’expertise et les produits canadiens dans la région et en ferait la promotion.

C. Yémen

1. Économie

La République du Yémen est unique dans la péninsule arabique. En effet, si la région jouit globalement d’une extraordinaire richesse, le Yémen, lui, est l’un des pays les plus pauvres du monde. En fait, sur le plan du développement économique, le Yémen s’apparente davantage à ses voisins de la Corne de l’Afrique qu’aux États de la péninsule arabique. Qu’on en juge : le PIB par habitant du Yémen s’est chiffré à environ 1 000 $ US en 2006, soit une minuscule fraction des chiffres que l’on observe dans les pays arabes voisins, mais un PIB du même ordre de grandeur que ceux qu’enregistrent par exemple l’Éthiopie, l’Érythrée et Djibouti, de l’autre côté de la mer Rouge.

Le Yémen est tellement plus pauvre que les autres États de la péninsule arabique qu’il est le seul pays de la région qui n’est pas membre du CCG. Il participe certes à certaines mesures du CCG et bénéficie de l’appui de ses voisins, mais il se trouve à un stade de développement économique si différent de celui des autres qu’il n’est pas encore en mesure de devenir un membre à part entière de l’organisation.

Plusieurs écueils de taille gênent le développement économique du Yémen. Des conflits religieux et des disparités régionales alimentent une rébellion ouverte dans le nord du pays. Les ressources manquent pour établir une réelle présence gouvernementale sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, le pays n’existe que depuis 1990, année de l’unification du Yémen du Nord et du Yémen du Sud, et la guerre civile a suscité des ressentiments parfois tenaces. Enfin, on nous a dit que, le Yémen étant proche de l’Afrique de l’Est, il attire un grand nombre de réfugiés somaliens; comme le Yémen n’a pas les ressources voulues pour patrouiller ses côtes, il a du mal à contrôler l’accès à son territoire.

En plus de difficultés politiques et sociales, le Yémen est sur le point de se trouver à court de ressources naturelles. Les membres du Comité ont entendu dire que, dans certaines parties du pays, notamment autour de Sanaa, les niveaux d’eau pourraient tomber à un niveau critique dès 2010. En outre, bien que le Yémen ne dispose que de modestes gisements de sources d’énergie, il doit néanmoins ses maigres richesses à la production pétrolière. Or, aucune nouvelle découverte importante n’a été faite ces dernières années, et les réserves de pétrole s’amenuisent rapidement.

En fait, l’une des rares caractéristiques que le Yémen partage avec certains de ses voisins arabes est le degré de dépendance de l’économie vis-à-vis de la production de pétrole. Au Yémen comme en Arabie saoudite, le pétrole compte pour 90 % des rentrées de l’État. Les réserves énergétiques étant en voie d’épuisement, beaucoup, au Yémen, placent de grands espoirs dans un projet de construction d’usine pétrochimique envisagé par une société française.

Craignant que le Yémen ne devienne un élément déstabilisateur dans la région, de nombreux pays ont accru leur assistance au pays. Les membres du Comité ont appris que le Royaume-Uni avait quadruplé son aide au développement au Yémen ces dernières années et que l’Arabie saoudite lui avait emboîté le pas pour tenter de sécuriser sa frontière avec le Yémen. L’Allemagne et le Danemark figurent au nombre des autres grands donateurs.

En dépit de la progression de l’aide publique au développement (APD), les porte-parole yéménites nous ont rappelé à maintes reprises que le Yémen reçoit relativement peu d’aide étrangère en fonction des autres pays du tiers monde. Le sous-ministre des Affaires économiques nous a dit que, bien qu’il figure parmi les pays les plus pauvres du monde, le Yémen reçoit de 13 à 15 $ US d’APD par habitant, alors que les autres pays en développement les moins avancés bénéficient en moyenne de 33 à 35 $ US par habitant.

2. Les relations du Canada avec le Yémen

Les relations commerciales du Canada avec le Yémen sont bien plus considérables que ne le réalisent la plupart des Canadiens. Trois sociétés pétrolières canadiennes sont actives au Yémen dont la plus importante, Nexen Inc., occupe une place de premier plan dans l’économie locale. Elle y exploite notamment un important pipeline pour son propre pétrole et pour le compte d’autres producteurs de pétrole du pays, de même qu’un terminal d’exportation pour le compte du gouvernement du Yémen et de cinq autres exploitants. Au fil des ans, Nexen a investi au Yémen 3,3 milliards de dollars en immobilisations et 1,1 milliard de dollars en dépenses d’exploitation.

Cependant, abstraction faite de Nexen, les relations du Canada avec le Yémen sont limitées. Le Canada n’a pas de présence diplomatique officielle dans le pays et ses relations commerciales avec celui-ci sont modestes. Les exportations totales de marchandises du Canada vers le Yémen étaient évaluées à 27,6 millions de dollars en 2006 et étaient composées en bonne part de pièces et de matériel liés à la production et au transport du pétrole, plus des aéronefs et des produits agricoles comme des légumineuses à grain et du blé. En revanche, les importations du Canada en provenance du Yémen ont totalisé seulement 229 000 $ en 2006, et étaient composées pour presque moitié de graines de café non torréfiées.

En dépit de rapports limités, le Canada jouit d’une excellente réputation au Yémen. Cela tient une fois encore au travail de Nexen, qui non seulement agit comme vecteur d’investissement et de croissance économique, mais est actif dans la collectivité, ce dont nous reparlerons plus loin.

3. Occasions d’affaires

Bien que le Yémen soit essentiellement un pays du tiers monde entouré de riches voisins, le Comité a constaté qu’il présente néanmoins de très nombreuses occasions d’affaires pour les entreprises canadiennes. Il va sans dire que, comme la conjoncture économique, celles-ci diffèrent grandement de celles que l’on observe en Arabie saoudite ou dans les EAU, et qu’elles exigent en conséquence un état d’esprit et une démarche très différents.

a) Le climat d’affaires

Au vu de la longue liste des problèmes du Yémen, on pourrait penser que les entreprises feraient bien d’éviter carrément le pays, mais on nous a dit que les entreprises étrangères actives au Yémen se débrouillaient généralement bien. Des représentants de Nexen nous ont fait remarquer que, comme dans bien d’autres pays pauvres, le cadre juridique du Yémen est sous-développé, mais ils affirment que leurs relations et négociations avec le gouvernement sont toujours transparentes et justes, et que le pays n’a jamais adopté de lois déraisonnables.

En outre, à l’instar des autres pays de la région, le Yémen s’efforce d’améliorer le climat d’affaires : il s’est donné un ambitieux programme de réformes et, d’après le sous-ministre des Affaires économiques, les progrès sont significatifs, notamment au chapitre de la réforme de la réglementation et de l’appareil judiciaire, de la lutte contre la corruption et de l’amélioration de la transparence dans l’attribution des marchés publics.

Les membres du Comité ont eu l’occasion de rencontrer le président de l’Administration générale des investissements (AGI) du Yémen, qui a décrit l’audacieux programme de cet organisme. L’AGI a adopté le concept du guichet unique pour tous les investissements étrangers et cherche à simplifier le plus possible le processus d’investissement. L’AGI est ainsi l’unique point de contact des investisseurs étrangers potentiels. C’est elle qui s’occupe des enregistrements et des permis. Elle fournit des renseignements sur les marchés locaux; elle se charge de tous les contacts avec l’administration publique pour le compte des investisseurs et règle les problèmes. Bref, l’AGI aide les entreprises étrangères durant toutes les étapes du processus d’investissement.

Les autorités yéménites savent bien que le climat des affaires n’est pas idéal et ont donc adopté des lois sur l’investissement contenant des incitatifs propres à atténuer quelque peu certains des risques que présentent les investissements dans le pays. Le Yémen n’impose par exemple aucune restriction sur la propriété étrangère et les sorties de capitaux, sauf dans les secteurs de l’énergie, des mines et de la banque. Il offre par ailleurs jusqu’à 16 ans d’exonérations fiscales sur les bénéfices des entreprises.

D’après le président de l’AGI, ces incitatifs sont nécessaires pour attirer des investissements. Il a précisé que les entreprises étaient tout à fait prêtes à payer de l’impôt dans un environnement stable, à la condition qu’il n’y ait pas de coûts cachés ailleurs. Il a indiqué que le Yémen continuera d’offrir des incitatifs financiers tant que le climat d’investissement ne se sera pas suffisamment amélioré.

b) Débouchés

Le pays est pauvre, mais il présente néanmoins des perspectives économiques considérables pour les entreprises canadiennes. La grande priorité, en matière d’investissement, ce sont les infrastructures, car tous les autres secteurs d’investissement prioritaires — énergie, mines, pêches et tourisme — ont besoin d’infrastructures solides, notamment de réseaux routiers et de transport d’électricité, lesquels sont actuellement insuffisants. D’autres types d’ouvrages peuvent présenter des perspectives intéressantes du point de vue de l’investissement : usines de désalinisation de l’eau de mer, barrages et établissements scolaires ou sanitaires.

L’éducation vient au second rang des priorités en matière d’investissement. Comme de nombreux pays membres du CCG, le Yémen a une population très jeune : on estime à 60 % la proportion de la population âgée de moins de 28 ans. Ainsi, l’offre de main-d’œuvre est intéressante pour les investisseurs potentiels, mais les travailleurs ne possèdent pas souvent les compétences techniques voulues.

Pour le Yémen, l’éducation et la formation aussi, comme les infrastructures, sont essentielles à l’actualisation des retombées économiques potentielles des investissements dans d’autres secteurs. On pense par exemple au tourisme, une autre priorité du pays en matière d’investissement; le pays présente un potentiel considérable pour la construction de luxueux centres de villégiature dans les régions côtières et sur les îles du golfe d’Aden, mais faute de travailleurs locaux formés dans le secteur du tourisme et de l’accueil, une bonne partie des emplois créés grâce aux investissements étrangers dans le secteur du tourisme iront à des travailleurs étrangers, ce qui réduira les retombées locales des investissements.

Abstraction faite des infrastructures, de l’éducation et du tourisme, ce sont les ressources naturelles qui présentent les meilleures perspectives économiques. Il reste encore fort à faire au chapitre de l’exploration pétrolière et gazière, et l’exploration minérale est très peu développée. On pense que le Yémen présente des perspectives intéressantes sur le plan de l’extraction minière (or, zinc, fer et calcaire).

Il existe des possibilités inexploitées dans le domaine de la production alimentaire. La péninsule arabique compte peu d’endroits propices à une production agricole à une grande échelle. Or, l’altitude et les températures tempérées de certaines régions du Yémen rendent le pays plus propice que ses voisins à une agriculture extensive. Par ailleurs, les régions côtières présentent un certain potentiel de pêche et d’aquaculture. Le Yémen espère devenir une source régionale de produits alimentaires pour les autres pays de la péninsule arabique qui importent la plupart de leurs produits alimentaires d’outre-mer.

Pour ce faire, le Yémen a besoin d’investissements qui l’aideront à développer son agriculture et son aquaculture. Les entreprises canadiennes possédant une grande expertise dans ces domaines, elles sont bien placées pour investir dans ces secteurs.

4. Resserrement des liens avec le Yémen : recommandations

Le Comité estime qu’on aurait de bonnes raisons de resserrer nos liens avec le Yémen. En effet, bien que ce pays figure parmi les moins développés du monde et qu’il présente en conséquence des risques considérables, on y observe d’intéressantes perspectives d’échanges commerciaux et d’investissement dans plusieurs secteurs dans lesquels le Canada possède une expertise reconnue (infrastructures; éducation; mines et énergie; agriculture; pêches; tourisme).

Nous avons une raison encore plus impérieuse de multiplier nos activités au Yémen, à savoir de promouvoir la paix et la stabilité au Moyen-Orient. Le Yémen est de loin le pays le plus pauvre de la péninsule d’Arabie et l’on craint que des éléments marginaux dans ce pays aient un effet déstabilisateur sur l’ensemble de la région.

Le Canada jouit d’une excellente réputation au Yémen, grâce à la présence commerciale et sociale de Nexen et d’autres entreprises canadiennes. Nous pensons que, avec le bénéfice de leur connaissance du pays, le Canada est particulièrement bien placé pour jouer un rôle de premier plan dans le développement économique et la réduction de la pauvreté au Yémen et pour contribuer ainsi indirectement à la stabilité de la région.

Il en est même pour penser que le Canada a l’obligation de contribuer au développement économique du Yémen parce qu’il tire d’énormes avantages des activités de ses sociétés pétrolières dans ce pays (bénéfices, recettes fiscales et emplois pour des Canadiens). Vu la richesse du Canada et la grande pauvreté du Yémen, certains ont fait valoir au Comité que le Canada doit donner davantage au Yémen, surtout quand on pense à tout ce qu’il en tire.

Le resserrement des liens avec le Yémen et la promotion du développement économique de ce pays exigent des mécanismes tout à fait différents de ceux qui doivent servir à établir des relations plus étroites avec les pays du CCG. Il serait, par exemple, tout à fait prématuré de négocier des ententes économiques comme un traité de libre-échange ou un accord de coopération économique. Il serait plus utile d’adopter des mesures propres à encourager l’investissement canadien au Yémen et des politiques en matière d’aide et de développement, et de tenter de resserrer les relations de gouvernement à gouvernement.

a) Présence diplomatique

Comme mentionné précedemment, le Canada n’a pas de représentation diplomatique au Yémen, omission qui paraît grandement déranger le gouvernement yéménite. En effet, à chacune de nos rencontres avec des hauts fonctionnaires et dirigeants du gouvernement, on nous a rappelé que le Canada n’avait pas d’ambassade, ni même de consulat dans le pays. D’ailleurs, le président du Yémen lui-même a rencontré les membres du Comité et leur a fait part de sa profonde insatisfaction devant cet état de choses, faisant remarquer qu’il suffirait d’une fraction des impôts que paie Nexen pour financer le coût d’une ambassade au Yémen.

À notre avis, le Canada devrait envisager d’avoir une présence officielle au Yémen. Il y a déjà pas mal d’entreprises canadiennes actives au Yémen, et celles du secteur du pétrole et du gaz en particulier réclament elles aussi une présence diplomatique du Canada dans le pays. Nous sommes donc heureux d’apprendre que le Canada envisage déjà d’améliorer sa présence diplomatique dans le pays. Nous souscrivons tout à fait à ce projet et nous recommandons :

Recommandation 8 

Que le gouvernement du Canada se donne une présence diplomatique officielle au Yémen. Une étude réalisée par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international permettrait de déterminer ce qui, de l’ambassade ou du consulat, convient le mieux.

b) Entente de protection des investissements étrangers

Nous sommes convaincus que le Yémen offre des perspectives intéressantes sur le plan des investissements, mais il va sans dire que le climat qui y règne en la matière ne présente pas les mêmes garanties de stabilité que l’UE, par exemple. En général, pour atténuer les risques que comportent les investissements dans des pays en développement, les gouvernements concluent des ententes exécutoires de promotion et de protection de l’investissement étranger dans lesquelles sont énoncés les droits et obligations des parties, ce qui a pour effet de rendre les investissements dans un marché étranger moins aléatoires.

C’est là une solution qui mérite d’être envisagée dans le cas du Yémen. Comme on l’a vu, les entreprises canadiennes n’ont pas eu à pâtir de volte-face du gouvernement yéménite qui n’a encore jamais modifié les dispositions ou modalités d’ententes existantes. Le Yémen tente d’améliorer le climat des investissements au moyen de réformes gouvernementales et d’une actualisation de sa législation sur les investissements. Dans ce contexte, un accord de promotion et de protection del’investissement étranger peut clarifier les droits et obligations des investisseurs et atténuer dans une certaine mesure les risques que présente le fait d’investir dans un pays en développement.

Compte tenu des possibilités d’investissement au Yémen, et du rôle potentiel de l’investissement étranger dans le développement économique, nous pensons que le gouvernement du Canada devrait consulter les entreprises canadiennes concernées pour chercher à savoir si la conclusion d’un accord de promotion et de protection de l’investissement étranger avec le Yémen serait utile.

Recommandation 9 

Que le gouvernement du Canada consulte les entreprises et les organisations de la société civile canadiennes, notamment celles qui sont actives au Yémen, pour déterminer s’il y aurait des avantages à conclure avec ce pays un accord de promotion et de protection de l’investissement étranger.

c) Le commerce et l’investissement comme instruments de développement économique

Le Comité considère que le Yémen est un excellent exemple du rôle avantageux que peuvent jouer les échanges et l’investissement dans le développement économique, surtout quand ils sont combinés à une intervention sur l’aspect communautaire. Nous pensons en particulier au rôle que joue Nexen, tant dans l’économie yéménite que dans la collectivité locale.

Les membres du Comité ont en effet été frappés par le degré de participation de Nexen à la vie de la collectivité locale. L’entreprise fait don de 600 000 $ par an à des groupes locaux, une somme qui représente plusieurs fois la valeur du Fonds Canada-Yémen du gouvernement du Canada. Elle construit par ailleurs des écoles et des cliniques ouvertes à tous les Yéménites (et pas seulement à ses salariés) et fait venir des médecins de l’étranger pour qu’ils viennent établir des centres d’oncologie dans le pays.

Nexen travaille aussi à bâtir la capacité productive de la main-d’œuvre yéménite. Grâce à un programme de formation, elle augmente le nombre et la proportion des emplois spécialisés occupés par des travailleurs locaux. En 1993, les Yéménites occupaient la moitié environ des emplois dans l’entreprise; en 2007, la proportion sera portée à 83 %. Nexen administre aussi un programme de bourses d’études qui permet d’envoyer dix étudiants par an faire un baccalauréat à l’Université de Calgary. Nexen n’embauche pas ces étudiants à leur retour pour que leurs compétences puissent servir ailleurs dans l’économie.

Les comités n’ont pas l’habitude, dans leurs rapports, de s’attarder sur les réalisations d’une société en particulier et de lui offrir de ce fait une publicité gratuite. Si nous avons décidé de mettre en relief les réalisations de Nexen, c’est pour montrer que, bien exploités, les échanges commerciaux et les investissements peuvent devenir des instruments de développement économique efficaces.

Dans le secteur des ressources, il ne manque malheureusement pas d’exemples d’entreprises actives dans des pays pauvres qui se contentent d’extraire énergie ou minéraux dans des installations fermées pour exporter ensuite le produit et les bénéfices qui y sont associés. Le seul avantage que tirent les populations locales de cette activité, c’est une poignée d’emplois et des recettes fiscales pour l’administration locale.

Les réalisations de Nexen au Yémen montrent que, en particulier dans les pays en développement, le commerce et l’investissement peuvent être avantageux à la fois pour l’entreprise et pour le pays hôte. Les décisions d’une entreprise en matière de commerce et d’investissement sont essentiellement fondées sur des considérations financières : il faut qu’elles rapportent. Il reste cependant qu’une entreprise qui fait par ailleurs un effort pour s’investir dans la collectivité, soit en donnant de la formation ou en embauchant des travailleurs locaux ou en contribuant au financement d’activités de développement économique, se gagne beaucoup d’estime et de considération dans la population locale, ce qui n’est pas sans avantages : elle peut ainsi compter sur de bonnes relations avec les administrations locales et sur une main-d’œuvre fiable, loyale et productive.

À notre avis, l’activité de Nexen au Yémen est un modèle montrant non seulement comment une entreprise peut s’implanter dans des pays en développement, mais en quoi le commerce et l’investissement peuvent servir à stimuler le développement économique et à lutter contre la pauvreté. Convaincus de l’utilité de ménager une place plus importante à ce type de commerce et d’investissement dans la politique de développement du Canada, nous recommandons :

Recommandation 10 

Que, compte tenu des avantages que présente, pour les pays en développement, le fait pour les entreprises étrangères de combiner commerce et investissement, d’une part, et responsabilités sociales et participation à la vie de la collectivité, d’autre part, le gouvernement du Canada accorde une place plus importante au commerce et à l’investissement dans sa politique de développement international.

d) Aide publique au développement

Durant notre visite au Yémen, on nous a fait valoir à plusieurs reprises que le pays bénéficiait d’une portion congrue seulement de l’aide au développement que les pays riches distribuent dans le monde. Certains attribuent cet état de choses au fait qu’on a tendance à oublier que le Yémen est un pays très pauvre tant ses voisins du CCG sont riches et tant les besoins d’assistance des pays pauvres d’Afrique, proches, sont grands.

Plusieurs personnes ont suggéré au Comité que les pays riches assimilent le Yémen à un pays d’Afrique pour la distribution de l’aide publique au développement. Cette idée nous paraît intéressante. En effet, si le Yémen fait manifestement partie du monde arabe, du point de vue économique, il est bien plus proche de l’Érythrée ou de l’Éthiopie que de l’Arabie saoudite, ou même de pays comme la Jordanie ou la Syrie. En conséquence, nous recommandons :

Recommandation 11 

Que, pour la distribution de l’aide à l’étranger, le gouvernement du Canada englobe le Yémen avec les pays d’Afrique orientale tout en veillant à ce que l’aide au développement offerte à d’autres pays de la région ne s’en trouve pas réduite.



[2]              Tiré du site officiel du CCG : http://www.gcc-sg.org/Foundations.html [traduction].

[3]              Les voitures fabriquées au Canada restent un produit populaire dans la région. À plusieurs occasions, des gens que nous avons rencontré en Arabie saoudite ont dit craindre que Ford du Canada Limitée ne songe à mettre fin à la fabrication du modèle Crown Victoria. Ils nous ont demandé de faire du lobbying auprès de la société pour que cela ne se produise pas.