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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 040 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 avril 2007

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Français]

    Bonjour et bienvenue à tous et à toutes à cette réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Il s'agit de la séance 40.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons examiner la question des produits de contrefaçon.
    Aujourd'hui, nos témoins sont: M. Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada, Droit d'Internet et du commerce électronique, à l'Université d'Ottawa; M. Paul Hoffert, chef de la direction générale de Noank Media et chargé de cours à l'École de droit de Harvard; M. Bob Sotiriadis, avocat et associé chez Léger Robic Richard.

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue à tous les témoins. Je vous remercie d'être venus.
    Nous allons commencer par M. Geist, qui sera suivi de M. Hoffert, puis de M. Sotiriadis.
    Monsieur Geist, la parole est à vous.
    Je suis professeur de droit à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, où je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique. Je suis aussi chroniqueur affilié hebdomadaire dans le domaine du droit et de la technologie pour le Toronto Star et l’Ottawa Citizen. J’ai également fait partie du Groupe de travail canadien sur le pourriel mis sur pied par le ministre de l’Industrie en 2004. Je comparais aujourd’hui devant le Comité à titre personnel et les points de vue que je présente sont uniquement les miens.
    Permettez-moi de commencer par une évidence : la contrefaçon est une pratique que toute personne un tant soit peu crédible ne saurait appuyer. Au pire, la contrefaçon peut poser un danger pour la sécurité publique. Même présentée sous le jour le plus avantageux possible — lorsqu’elle peut sembler relativement inoffensive — la contrefaçon est une pratique qu’on ne peut pas tolérer.
    Bien entendu, vous n’avez pas besoin d’audiences du comité pour établir que la contrefaçon n’est pas une bonne chose. Il s'agit plutôt de voir si la contrefaçon est une question particulièrement problématique au Canada qui mérite une réponse législative forte. Pour moi, cela dépend de deux choses : la situation de la contrefaçon au Canada et l’état du droit canadien en matière de lutte contre la contrefaçon. J’allègue que la situation est loin d’être aussi évidente. En fait, une fois que l’on a mis de côté les accessoires accrocheurs pour plonger dans les détails, il devient évident, selon moi, qu’il y a beaucoup de choses que nous ignorons.
    Au lieu d’imiter Donald Rumsfeld et d’examiner les inconnues connues, permettez-moi d’examiner ce que nous savons. Je voudrais aborder trois questions en particulier.
    Tout d'abord, nous savons qu'il y a différentes définition de ce qu'est la « contrefaçon ». Nous savons que la contrefaçon est devenue un « fourre-tout » pour un large éventail de questions. Personne ne contestera le fait que la vente de fausses montres ou de faux vêtements implique des produits de contrefaçon, mais cette notion englobe maintenant beaucoup plus que cela. Le comité a entendu des témoignages selon lesquels des peluches qui ne portent pas une étiquette indiquant qu’ils sont faits uniquement de matériaux neufs sont des produits de contrefaçon. En fait, ces produits ne sont pas correctement étiquetés ou ne répondent pas aux normes de sécurité, mais je dirais que ce ne sont pas des contrefaçons. De même, les rallonges électriques qui ne satisfont pas aux normes de l’Association canadienne de normalisation posent un problème de sécurité, mais pas nécessairement un problème de contrefaçon, à moins qu’elles ne portent indûment le logo de la CSA.
    Deuxièmement, nous savons que les problèmes de contrefaçon mettant en jeu la sécurité publique sont extrêmement rares. Nous savons que, selon la GRC, il est extrêmement rare que des produits de contrefaçon causent des dommages physiques importants comme on peut le lire dans le dernier rapport sur la contrefaçon de la GRC, qui s'intitule Project Sham, que j'ai obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et que je me ferais un plaisir de communiquer au comité, si vous ne l'avez pas déjà. En fait, le cas soulevé récemment en Colombie-Britannique qui mettrait en cause de faux produits pharmaceutiques ayant supposément provoqué le décès d’une femme est la première affaire de cette nature jamais signalée au Canada. À titre de comparaison, des études ont permis d’établir que des milliers de Canadiens mouraient chaque année à cause de mauvaises interactions médicamenteuses. De plus, comme je l'ai dit, Project Sham reconnaît l’absence de cas documenté de décès ou de maladie causé par des produits pharmaceutiques de contrefaçon au Canada.
    Troisièmement, il est important de souligner que la contrefaçon ne se limite pas au crime organisé. Tandis que certains intervenants s'empressent d'affirmer que la contrefaçon est un problème qui concerne uniquement le crime organisé, l'étude de la GRC montre les choses sous un autre jour. Par exemple, selon cette étude, dans la région du Nord-Ouest « seuls quelques cas pourraient être considérés comme liés au crime organisé; pour la majeure partie, les crimes contre la PI dans cette région mettent en cause des personnes qui essaient de faire un peu d'argent ». Ceci ne justifie pas la contrefaçon mais laisse supposer que les affirmations selon lesquelles les revenus de contrefaçon vont directement dans les poches du crime organisé sont grandement exagérées.
    La quatrième chose que nous savons c'est que le droit canadien ne laisse pas les services de police impuissants. À écouter certains intervenants, on pourrait penser que le Canada est une société sans loi lorsqu’il est question de contrefaçon. Nous savons que ce n’est pas le cas. Premièrement, le Canada respecte les obligations internationales en matière de droit d’auteur. Deuxièmement, les affirmations selon lesquelles la police ne fait rien nuisent grandement au travail des agents chargés de l’application de la loi qui combattent activement le crime contre la PI dans l’ensemble du territoire canadien. En fait, la GRC fait remarquer que, entre 2001 et 2004, elle a effectué plus de 1 800 enquêtes et porté des accusations contre 2 200 particuliers et plus de 100 entreprises. Pas plus tard qu'hier, la GRC a déclaré au Comité de l'industrie qu'en 2005, elle a porté près de fois plus d'accusations que l'année précédente, soit 700, ce qui donne presque deux par jour. Il faut mentionner que les activités des services de police dans ce domaine soulèvent des questions quant aux ressources publiques. C'est une chose qui vous semble certainement déjà évidente étant donné que vous vous intéressez à la sécurité publique. Les activités de lutte contre la contrefaçon servent d'abord les intérêts privés. Elles sont peut-être justifiées dans certains cas, surtout pour des questions de santé et de sécurité, mais il ne fait aucun doute que ces activités utilisent des ressources qui pourraient autrement être affectées à d’autres priorités en matière de répression de la criminalité.

  (1115)  

    Cinquièmement, nous savons qu'il y a une absence de solutions juridiques évidentes. Les partisans d’une réforme soutiennent qu’il est nécessaire de s’attaquer au problème de la contrefaçon au Canada, mais nous savons qu’il n’existe pas de remède universel. En fait, l’expérience à l’étranger montre que la plupart des mesures de lutte contre la contrefaçon sont remarquablement inefficaces. La preuve se trouve dans les données.
    La contrefaçon est largement perçue comme un phénomène international en pleine croissance, même dans les pays qui ont pris des mesures plus sévères aux frontières ou qui imposent des sanctions pénales. En fait, il est plus facile de se procurer des produits de contrefaçon dans Manhattan qu’à Markham où se trouve le fameux centre commercial Pacific Mall. S’il y a une chose, c’est que nous savons que de nombreuses réformes législatives ne feront rien de plus que de donner l’illusion que l’on s’attaque au problème de la contrefaçon.
    Sixièmement, nous savons qu'il y a une absence de liens entre les traités Internet de l'OMPI et la contrefaçon. Contre toute attente, un lien a été établi entre la contrefaçon et le fait que le Canada n’a pas encore ratifié les traités Internet de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. On débat en long et en large des mérites de ces traités — de nombreux analystes, dont ceux qui ont contribué à l’élaboration des traités, ont des doutes — mais il ne fait aucun doute que les traités n’ont que peu de rapport avec le problème de la contrefaçon. En fait, aucun décideur ne devrait être amené à penser qu’il s’attaque à la contrefaçon en encourageant la ratification de ces traités.
    Septièmement, nous savons que la contrefaçon a probablement un impact économique restreint sur le Canada. Nous savons qu’il est très difficile d’obtenir des données sur l’impact économique de la contrefaçon. En fait, la GRC reconnaît qu’aucune étude exhaustive indépendante sur le sujet n’a été effectuée. Cela dit, nous savons certaines choses qui permettent de supposer que l’impact économique au Canada est peut-être très limité. Premièrement, la GRC reconnaît qu’au moins 90 p. 100 des produits de contrefaçon sont fabriqués à l’étranger, ce qui confirme le peu d’activités de fabrication de produits de contrefaçon au Canada.
    Deuxièmement, nous savons que les produits de contrefaçon ne sont pas des substituts parfaits des produits authentiques. Il est évident qu’une personne qui achète une fausse montre Rolex à dix dollars n’achèterait pas autrement le produit authentique à 5 000 $. C’est la même chose pour le faux sac Gucci à 20 $ qui se vend des centaines de dollars dans les magasins. Bien sûr, on peut s’inquiéter des taxes de vente au détail qui sont perdues, mais l’impact sur les ventes des marques prestigieuses est négligeable.
    Enfin, nous savons que les données sont souvent incohérentes. Non seulement les données sont-elles difficiles à obtenir, mais celles qui sont produites sont souvent tellement incohérentes qu’elles perdent toute crédibilité. Par exemple, plus tôt cette année, on a signalé que la moitié des films piratés sur DVD étaient enregistrés au Canada. Au cours des semaines qui ont suivi, des sources dans l’industrie ont commencé à changer ce pourcentage et laissaient entendre que, en fait, c’était 20 p. 100, 23 p. 100, 30 p. 100 ou 40 p. 100. Un éventail aussi large de possibilités permet de supposer que l’industrie ne connaît tout simplement pas le chiffre exact. En outre, un examen plus attentif des données réelles de l’industrie montre que tous ces chiffres sont grandement exagérés, le pourcentage réel étant d'environ 3 p. 100 des films de la Motion Picture Association of America.
    Où en sommes-nous maintenant? Je crois que, étant donné les incertitudes quant à l’impact et à la gravité de la contrefaçon, l’absence de données fiables, les définitions incohérentes et l’inefficacité des lois à l’étranger, il ne faudrait pas commencer par adopter par réflexe des lois qui ne fonctionneront probablement pas et qui ne seraient peut-être qu’une solution en quête d’un problème.
    Au lieu de cela, je crois que le comité peut jouer un rôle crucial en veillant à ce que le Canada exerce un leadership global en s’attaquant aux dommages associés à la contrefaçon. D’après ce que nous savons, il faut commencer non pas en élaborant de nouvelles lois, mais plutôt en effectuant des recherches indépendantes de qualité qui permettront aux législateurs, aux services de police, au milieu des affaires et au grand public de mieux comprendre ce qui pose problème et ce qui ne pose pas problème, de même que les mesures que notre pays peut prendre pour dépasser l’étape des simples paroles et s’attaquer plutôt aux véritables problèmes de sécurité publique.
    Merci.
    Merci pour cet exposé, monsieur Geist.
    Comme j'ai eu l'occasion, au gouvernement, de me pencher sur cette question, je dirais qu'une bonne partie de vos propos va totalement à l'encontre de tout ce que j'ai jamais su sur le sujet. Mais c'est la raison pour laquelle vous êtes ici. C'est pour que nous entendions les différents points de vue.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Hoffert. Voulez-vous faire une déclaration préliminaire?

  (1120)  

    Je suis un ex-président du Conseil des arts de l'Ontario et de l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision. Actuellement, j'enseigne à la Faculté de droit de Harvard et à l'Université York.
    Je voudrais parler ce matin des menaces et des dangers que représentent la contrefaçon et le piratage sous un angle peut-être différent de celui dont on vous a parlé jusqu'ici. Pour commencer, il serait peut-être utile de classer ces problèmes dans trois catégories. Je dirais que la première catégorie est la vente de biens physiques dans des magasins physiques, ce dont nous entendons beaucoup parler à propos des montres et des sacs Gucci ainsi que des peluches et de ce genre d'objets.
    La deuxième catégorie, dont le comité a également entendu parler au cours des témoignages, est la vente de biens physiques qui n'est plus limitée au territoire canadien par des frontières physiques. Il s'agit donc d'objets qui peuvent venir de l'étranger, qui sont achetés sur Internet — aussi bien des médicaments que des films, des CD ou les mêmes sacs à main — autrement dit, les mêmes marchandises que celles que vous pourriez acheter dans un magasin physique, mais en plus celles qui ne résisteraient pas à un examen physique dans un magasin où le consommateur peut regarder la marchandise de près et peut-être rechercher une étiquette attestant de son authenticité.
    La troisième catégorie, pour laquelle je demande l'indulgence du comité, car elle n'est peut-être pas au centre de votre examen, est la vente de biens protégés par la propriété intellectuelle, directement en ligne, sous la forme de fichiers électroniques, que ce soit des logiciels, de la musique ou des cours portant une marque de commerce comme celle de l'Université McGill ou d'un autre établissement.
    À mon avis, ces trois catégories de contrefaçon et de piratage ont trois conséquences importantes. Dans le premier cas, et bien souvent, les citoyens sont dupés et trompés. Un produit est substitué à celui qu'ils croyaient acheter. Ils n'obtiennent pas le produit pour lequel ils ont payé. Nous conviendrons tous, je pense, que ce n'est pas une bonne chose.
    La deuxième conséquence, dont on n'a pas encore parlé, et que je crois aussi néfaste, est que cela incite les citoyens à enfreindre la loi. Je vais prendre, dans ce cas, l'exemple que l'on vient de donner, celui d'une montre Gucci que vous achetez pour 10 $. Nous aurions sans doute du mal à croire qu'un consommateur qui achète une montre Gucci pour 10 $ s'imagine obtenir un produit authentique. Le consommateur sait parfaitement ce qu'il en est étant donné le prix qui est parfois ridiculement bas. Un autre exemple de ce genre est la suppression délibérée des protections qui ont été insérées dans le produit. Un consommateur va dans un magasin pour demander qu'on enlève la protection sur sa console de jeux vidéo, son téléphone cellulaire ou un article de ce genre. Nous favorisons une culture et une société qui se moque de la loi en général.
    La troisième conséquence, dont on a déjà parlé et sur laquelle je ne m'étendrai pas, même si je crois que c'est important, c'est que les entreprises et les personnes qui investissent dans la création d'entreprises et de biens protégés par la propriété intellectuelle perdent de l'argent. Ils ne peuvent pas maintenir la rentabilité de leur entreprise parce qu'on leur vole leur clientèle en lui offrant des prix injustement bas grâce à la contrefaçon.

  (1125)  

    J'estime que l'inaction du gouvernement a des conséquences assez graves. Cela a notamment pour effet de paralyser l'innovation, car si les membres de notre société ne sont pas récompensés pour l'investissement qu'ils font dans l'innovation en suivant les règles habituelles du commerce, ils sont moins incités à faire cet investissement.
    Deuxièmement — et je dirais que cela touche la santé et la sécurité non seulement des citoyens, mais de notre culture, de notre gouvernement ainsi que notre capacité d'obtenir un bon gouvernement et de vivre dans le genre de société que les Canadiens attendent — cela porte atteinte à la loi et à l'ordre, car nous commençons à trouver normal de faire une bonne affaire aux dépens d'autrui, à trouver normal que le gouvernement n'impose pas des règles pour le commerce, pour le divertissement, pour l'obtention de renseignements sûrs et fiables.
    À cet égard, sans vouloir abuser de la patience du comité, je reviens de Chine où j'ai mis sur pied une entreprise depuis environ neuf mois. J'ai eu l'occasion de constater de mes propres yeux, dans un autre pays, une situation que je crois en rapport avec les résultats qui pourraient être ceux de l'inaction du gouvernement au sujet de la contrefaçon et du piratage.
    Les membres du comité savent certainement, au moins pour l'avoir lu dans les journaux, que certains pays comme la Chine ne respectent pratiquement pas la propriété intellectuelle, les marques de commerce ou les autres régimes visant à prévenir la contrefaçon et le piratage. Je connais personnellement des entreprises — des entreprises chinoises et pas seulement des sociétés étrangères — qui sont incapables de survivre à cause des marchandises contrefaites et piratées que l'on trouve là-bas.
    En fait, le manque d'intérêt général du gouvernement pour la contrefaçon et le piratage a eu pour résultat qu'il y a maintenant différents niveaux de marchandise contrefaite. Les mots chinois qui les désignent sont « daoban » ou « zhaoban ». Les premières sont légales et les autres contrefaites.
    La qualité des marchandises contrefaites que le grand public juge acceptables est également classée par catégories. Vous pouvez acheter un DVD ou un film dans la rue pour environ 70 ¢ ou 80 ¢, mais la qualité du film sera médiocre, car quelqu'un sera allé à l'arrière d'une salle de cinéma avec une caméra vidéo pour filmer le film. Par contre, si vous payez plus, vous pourrez obtenir un film identique à l'original. Et les consommateurs sont prêts à payer plus pour les différentes catégories de contrefaçon. Ils vont payer plus pour obtenir un film qui a des sous-titres chinois et qui est de meilleure qualité.
    Des entreprises créent des marques de marchandises contrefaites dont la valeur repose sur la qualité de la contrefaçon des propriétés intellectuelles qu'elles volent.

  (1130)  

    Il y a lieu de se demander quelles sont les conséquences de cette situation.
    À mon avis, cette situation a de graves conséquences qui sont assez évidentes dans des pays comme la Chine. La principale, selon moi, est qu'il est absolument évident partout dans le monde, et surtout en Chine, que cela conduit à une économie basée sur l'imitation plutôt que l'innovation. On ne va pas en Chine pour concevoir quelque chose de nouveau, mais pour obtenir des copies à bas prix.
    Cela pose un problème pour les Chinois et c'est une des raisons pour lesquelles ils s'intéressent à cette question et essaient très fort, je crois, de commencer à y remédier. C'est une des raisons pour lesquelles le gouvernement veut s'attaquer au piratage et à la contrefaçon. Il se rend compte qu'il ne peut pas s'en désintéresser s'il veut que le pays puisse innover et se doter d'industries capables de prospérer dans le monde du commerce.
    Voilà qui met fin à ma déclaration préliminaire.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Monsieur Sotiriadis, voulez-vous la parole?
    Je suis avocat et associé de ce qu'on pourrait appeler une « boutique de propriété intellectuelle », ce qui veut dire que notre cabinet juridique s'occupe presque exclusivement du droit de propriété intellectuelle. C'est un cabinet établi de longue date. Nous travaillons pour les propriétaires de droits depuis 1892.
    Je ne suis pas ici pour représenter une association ou un groupe d'intérêt. Étant donné mon conditionnement, je suis prédisposé à aider les détenteurs de droits de propriété intellectuelle. En ce qui concerne les arguments de M. Geist, dont la plupart sont bien fondés et devraient entrer en ligne de compte, je crois que tout cela nous ramène à une question d'équité.
    Nous avons un système juridique. Nous avons des lois et il est logique d'avoir une infrastructure pour soutenir ces lois. S'il y a des limites de vitesse sur les routes, il faut financer des services de police pour s'assurer que les gens ne dépasseront pas ces limites.
    Pour ce qui est de l'équité, la contrefaçon n'est tout simplement pas équitable. La mafia n'est peut-être pas derrière la contrefaçon et il n'y a peut-être pas beaucoup de piles qui explosent chaque année. Le fait est qu'il y a des gens honnêtes qui paient le plein prix. Il y a des gens honnêtes qui essaient de créer de nouvelles choses, qui se donnent la peine de suivre tout un processus compliqué à leurs frais, qui paient des impôts, etc., tandis qu'il y a des gens qui ne le font pas.
    Voilà pour mon préambule.
    Quelles sont mes connaissances en la matière? Je ne représente pas les producteurs de films du Canada ou l'un de ces groupes. Notre cabinet a représenté des fabricants de produits de luxe, par exemple. Pour vous donner une idée des produits de contrefaçon que vous pouvez trouver, ce ne sont pas seulement des biens de luxe. Récemment, nous avons eu l'occasion de saisir des tracteurs contrefaits, croyez-le ou non, des gros tracteurs de deux tonnes. Une de nos jeunes avocates est allée dans un port de la région de Montréal, en tailleur et en hauts talons, pour saisir ces tracteurs qui se trouvaient dans des conteneurs.
    La nature des saisies devient de plus en plus compliquée et dangereuse. Nous sommes allés récemment dans un hôtel de Montréal. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler. C'est un cas classique. Je crois que c'était Ruby Foo's sur Décarie. Des gens vendaient des produits Louis Vuitton. M. Hoffert a mentionné différentes catégories de contrefaçons et d'acceptabilité. Les choses en sont arrivées au point où vous pouvez acheter ouvertement une contrefaçon Louis Vuitton de bonne qualité. Les gens se rendent dans une chambre d'hôtel. Le couloir est gardé par un videur avec des lunettes noires et bien entendu, quand nous nous sommes présentés, tout le monde a pris la fuite. C'était comme une descente de police contre les trafiquants de drogues.
    Cela ne se passe plus seulement dans les marchés aux puces.
    Au Canada, le manque d'équité et le manque de sérieux dont les témoins précédents ont parlé — M. Webster et ceux qui représentaient des groupes d'intérêt — n'a rien d'exagéré.
    J'exerce le droit dans le domaine de la propriété intellectuelle depuis plus de 20 ans. Je suis un ex-président de la Section de la propriété intellectuelle de l'Association du Barreau canadien. Lorsque j'assumais la présidence de cette section, nous allions chaque année rencontrer le ministère de la Justice et M. Becker, qui a d'ailleurs déjà témoigné. C'était à la fin des années 90. On apportait alors certaines modifications à la Loi sur le droit d'auteur. Certains d'entre vous s'en souviennent peut-être. On nous a toujours dit que la propriété intellectuelle n'était pas une priorité pour le moment et qu'il ne fallait pas compter sur le financement du gouvernement pour s'attaquer à la contrefaçon. On ne voulait pas que la GRC y consacre trop d'argent. On avait d'autres priorités.
    Ce n'est pas de la faute du ministère de la Justice et ce n'est pas à M. Becker et à ses collègues de décider de ce qu'il faut faire. Je crois que le gouvernement a pour rôle d'adopter des lois pour conférer ce genre de pouvoirs. Voilà la situation que j'ai constatée au Canada.
    Au cours des 10 prochaines minutes, je vais essayer de partager mon expérience avec vous. Si je peux vous être utile ensuite en répondant à vos questions, ce sera peut-être également une bonne chose.
    Je suis également très actif au sein de l'Association internationale du barreau, qui est une association mondiale d'avocats. Je suis actuellement le vice-président de la Section de la propriété intellectuelle. Chaque année, nous tenons des tables rondes sur la contrefaçon et les moyens de la combattre et je vous avoue qu'en tant qu'avocats canadiens, nous avons envie d'aller nous cacher. Nous sommes très embarrassés. Nous n'avons pas les simples recours et tout ce dont disposent un grand nombre d'autres pays.

  (1135)  

    Je ne suis pas d'accord pour dire que les États-Unis font mieux respecter la loi parce que leur gouvernement possède lui-même des droits de propriété intellectuelle. Je crois plutôt que, comme M. Hoffert l'a mentionné, ou bien vous êtes un chef de file et un pays à valeur ajoutée, ou bien vous êtes un pays en développement. Je crois que les Canadiens pensent faire partie de la première catégorie.
    C'est donc vrai. Il nous manque un grand nombre de mesures très simples et faciles à mettre en oeuvre qui, selon moi, n'ouvriraient pas la porte aux abus.
    Je reconnais que le système de saisie que nous avons en place permet certains abus. Dans certaines circonstances, nous avons le droit de demander, au Canada, une ordonnance Anton Piller qui permet une véritable opération de ratissage. Vous avez le droit d'entrer dans une entreprise sans préavis pour saisir des marchandises, des emballages et des dossiers comptables. Vous pouvez même obtenir une ordonnance de bâillon pour empêcher les commerçants de prévenir à leurs cousins, quelques portes plus loin, que votre prochaine visite sera chez eux. Il y a eu certains abus, mais il existe des moyens de les éviter.
    J'ai plaidé l'une des rares affaires criminelles touchant la contrefaçon. C'était à propos de boîtes de montres qui contenaient des marchandises du marché parallèle. Je n'enviais pas particulièrement les ressources à la disposition de mon collègue de la Couronne. J'étais désolé pour lui. C'était un avocat excellent et expérimenté qui aurait pu faire un bien meilleur travail s'il avait reçu quelques bons conseils d'un avocat spécialisé dans la propriété intellectuelle.
    Bien entendu, du côté de la défense, du secteur privé, nous avions tout l'argent voulu, des stagiaires en droit, des classeurs, tout ce dont nous avions besoin tandis que les procureurs de la Couronne avaient une cinquantaine de dossiers sur leur bureau. Cela les intéressait. Bien entendu, vous aviez le secteur privé qui les poussait, notamment Seiko, un grand fabricant de montres. Cela les ennuyait beaucoup.
    J'ai lu dans les témoignages que des gens se plaignaient du manque de formation des procureurs de la Couronne et du manque de ressources. Je peux vous dire que c'est vrai. Je l'ai moi-même constaté. Je ne dis pas qu'ils auraient gagné, mais cela les aurait certainement aidés et aurait permis d'équilibrer davantage la situation.
    Je suis également l'auteur d'articles sur les dispositions pénales de la Loi sur le droit d'auteur et de la Loi sur les marques de commerce concernant la propriété intellectuelle. Là encore, j'ai constaté que le fait d'avoir certaines dispositions dans le Code criminel, d'autres dans la Loi sur le droit d'auteur, d'autres encore dans la Loi sur les marques de commerce, sans parler de toute la confusion que reflétaient les récents témoignages concernant le piratage et la contrefaçon — quelqu'un va devoir faire comprendre aux législateurs, aux procureurs de la Couronne et aux autres ce dont nous parlons.
    Peu importe que vous appeliez cela de la contrefaçon ou autre chose. Nous avons une Loi sur le droit d'auteur qui dit que le détenteur des droits d'auteur est le seul à pouvoir faire certaines choses. Vous n'avez pas le droit de les faire si vous n'êtes pas le détenteur. Ce n'est pas compliqué. C'est pareil pour les marques de commerce.
    En ce qui concerne la contrefaçon évidente, l'année dernière, j'ai eu l'occasion d'exécuter une ordonnance Anton Piller dans les locaux d'un copieur de DVD qui avait obtenu la matrice de verre d'une entreprise américaine, qui avait copié des centaines de films, y compris — en fait, j'ai deux cas, mais l'un d'eux concernait un film X très célèbre des années 70, Behind the Green Door. L'homme en question était dans ses locaux en train de copier ouvertement ce film. Tous ces DVD portaient l'avis de droit d'auteur et l'avis de marque de commerce. Nous avons dû saisir le tout et fermer ses installations de copie. Nous avons retracé d'autres installations en Ontario.
    Nous avons eu un autre cas de ce genre en Californie. Je peux vous dire que nous avons retracé —
    L'ennui c'est que les Américains viennent nous dire que nous devons mettre un terme à ces activités au Canada. Les copies sont faites ici, mais elles sont vendues aux États-Unis. Je mentionnerais en passant qu'un DVD coûte environ 1 $ à copier. Nous avons trouvé la version contrefaite du film, à Toronto, dans un magasin vidéo, pour 65 $. Ce n'est pas juste. Normalement, ce DVD se vend aux États-Unis à un prix de gros de 10 $ à 15 $ US et je crois qu'il se vend au détail 20 $ à 25 $ US. Il coûtait une soixantaine de dollars à Toronto alors qu'il a été fabriqué à Montréal pour environ 80 ¢.
    Le problème est beaucoup plus répandu que nous ne le pensons. Ce n'était pas là une vaste opération du monde interlope ou du crime organisé. C'était simplement des gens qui pensaient que c'était acceptable.

  (1140)  

    Il revient très cher de les poursuivre et les dommages et intérêts que vous pouvez obtenir sont très faibles. C'est extrêmement décourageant et notre réputation en souffre.
    Le fait que les avocats canadiens soient embarrassés vis-à-vis de leurs collègues américains justifie-t-il de modifier entièrement la loi? Non, je le comprends. Ce n'est pas une raison suffisante. Mais la situation est-elle équitable? Je pense que c'est la question à se poser.
    Personnellement, je crois, et c'est seulement Bob Sotiriadis qui parle, que notre tolérance et notre laisser-faire vis-à-vis des contrefaçons courantes comme celles des marchandises de luxe, ont favorisé une situation où nous avons maintenant ces piles, ces jouets en pluche, etc.
    Pourrais-je vous demander de conclure, monsieur?
    Ma conclusion est qu'il est possible de prendre des mesures très simples, par exemple en mettant en place un système d'enregistrement aux douanes qui permettra aux propriétaires de droits de s'enregistrer et aux douaniers de communiquer des renseignements; en créant des recours plus simples; en adoptant peut-être une loi anticontrefaçon qui regroupera toutes les infractions pénales, et en permettant d'obtenir des ordonnances Anton Pillar dans des conditions très précises.
    J'en aurais plus à dire, mais je pourrai le faire lorsque vous me poserez des questions. Quelqu'un voudra peut-être me demander quelles sont mes suggestions.
    Très bien. Je suis certain que tout le monde a entendu et que quelqu'un en tiendra compte.
    Merci, monsieur Sotiriadis, pour ce témoignage.
    Nous allons maintenant passer au premier tour, qui sera de sept minutes chacun.
    Monsieur Wappel.
    Merci, messieurs, pour votre présence ici aujourd'hui.
    Je ne viens pas régulièrement à ce comité, mais je remarque que c'est notre troisième réunion sur ce sujet.
    En vous écoutant, je me dis que chaque fois que le comité entame ses délibérations, il devrait avoir sous les yeux les huit points que le professeur a mentionnés. Le président a dit combien cela s'écartait des témoignages précédents. Je pense toutefois que le professeur a fait des observations très intéressantes d'un point de vue que je qualifierais d'objectif, étant donné qu'il est professeur de droit et non pas quelqu'un qui a agi pour le compte de ses clients ou qui a produit une propriété intellectuelle dont il va tirer profit. Et il n'y a rien de mal à cela. J'ai trouvé très intéressant et j'ai été étonné d'entendre le témoignage du professeur.
    Permettez-moi de me faire l'avocat du diable. Je me demande s'il y a une différence entre une personne qui achète un fausse Rolex à 10 $, sachant parfaitement que c'est une fausse Rolex — Personne au monde ne s'attendrait à acheter une Rolex pour 10 $. C'est un aspect du problème.
    D'un autre côté, nous avons l'exemple que M. Sotiriadis nous a donné, celui d'un produit contrefait, je suppose, qui est vendu comme un produit authentique pour 65 $. Il s'agit certainement d'une fraude et il doit y avoir un article du Code criminel qui s'applique au vendeur qui ait passer un faux produit pour un produit authentique et qui dupe ainsi le consommateur, par opposition au consommateur qui sait parfaitement qu'il achète un produit qui n'est pas authentique.
    Je demande au professeur Geist et à M. Sotiriadis s'il y a une disposition dans le Code criminel qui couvre déjà ceux qui vendent des contrefaçons au prix de la marchandise authentique, disons. Commençons par cela.
    Professeur.

  (1145)  

    L'exemple que M. Sotiriadis a donné portait sur quelqu'un qui grave des DVD et qui les vend en réalisant un énorme bénéfice. Il me semble clair que, dans ce genre de cas, les dispositions pénales de la Loi sur le droit d'auteur s'appliqueraient, car elles visent quelqu'un qui fait une copie sans autorisation dans l'intention de la distribuer. Une personne qui réussit à faire des copies multiples pour 80 ¢ pièce et à les vendre un prix beaucoup plus élevé, sans avoir eu l'autorisation de faire ces copies, s'expose à de lourdes amendes et à une peine de prison.
    Nous avons donc déjà des dispositions dans la Loi sur le droit d'auteur pour sévir contre ce genre de comportement.
    C'est exact. Les dispositions sont là. Néanmoins, il est très difficile et compliqué de les faire appliquer devant les tribunaux.
    Généralement, le problème ne se situe pas là. Si vous avez la chance de trouver le DVD et ensuite la chance — Nous avons dû envoyer le DVD en Californie, trouver d'où provenait la matrice de verre initiale, puis le retracer jusqu'à Montréal, etc. C'est une chose.
    Ce qui pose un problème c'est l'importation. Pour le moment, l'importation d'un produit de contrefaçon n'est pas interdite comme telle. Notre Agence des douanes ne peut pas faire grand-chose. Je suggère de tarir la demande à ce niveau-là en mettant en place un système d'enregistrement, qui ne serait pas coûteux à appliquer. Si mes clients veulent bloquer l'entrée d'un produit, il faudrait qu'ils disposent d'un système d'enregistrement auprès des douanes. C'est tout.
    Je ne sais pas quoi dire de plus. Oui, c'est —
    Pourrais-je vous arrêter là, car je ne dispose que d'un certain temps?
    Si vous avez dû faire tout cela pour vos vérifications, comment pouvez-vous vous attendre à ce que les agents des douanes prennent une décision instantanément lorsqu'ils ont une marchandise sous les yeux si une entreprise privée doit déployer tellement d'efforts pour déterminer qu'il y a eu fraude? J'hésiterais à —
    Je ne sais pas.
    Exactement. J'hésiterais à imposer à un agent des douanes la responsabilité de prendre ce genre de décision instantanément.
    Cela se fait dans d'autres pays. Nous avons le choix entre un grand nombre de modèles. Le législateur a pour rôle d'essayer de trouver un système pour résoudre certains problèmes. Je ne m'attends pas à ce qu'une loi règle tous les problèmes dont on vous a parlé depuis deux semaines. Mais c'est un des plus faciles à résoudre. Cela a été fait dans d'autres pays avec un certain succès.
    Si nous avons une loi qui prévoit des sanctions importantes et si la Couronne n'intente pas de poursuites ou si les juges n'infligent pas de lourdes peines —? La loi est déjà là. C'est déjà ce qui se passe à bien des égards quand les peines maximales ne sont pas appliquées, quel que soit le crime, alors que la loi prévoit une peine maximale. Le juge ou le procureur de la Couronne ne réclame pas la peine maximale et c'est pourquoi les gens nous demandent de changer la loi. À quoi cela sert-il si les juges et les procureurs de la Couronne n'appliquent même pas la loi qui existe déjà?
    Pendant le temps qui me reste, je dirais toutefois que M. Hoffert a formulé un bon argument à propos de la perte générale de respect pour la primauté du droit. Il nous est difficile d'y remédier en tant que législateurs. Dans les années 90, lorsque la TPS a été envisagée, l'un des arguments contre était qu'elle allait créer une économie parallèle où les gens paieraient en espèces, ce qui coûterait des milliards de dollars au gouvernement fédéral. C'est ce qui s'était passé et, à ma connaissance, cela continue. Si vous payez en espèces, vous ne payez pas la TPS ou la taxe de vente provinciale et on ne vous la fait pas payer.
    Je constate que le respect de la loi diminue. Je ne sais pas trop ce que les législateurs peuvent y faire. C'est la même chose quand on demande aux gens d'inclure leurs pourboires et tous leurs gains en espèces dans leur déclaration d'impôt. Nous savons qu'ils ne le font pas.
    Alors, monsieur Hoffert, quelles suggestions avez-vous à nous faire pour raviver le respect de la loi?
    Je suis content que vous en parliez. Je pense que la question qui se pose pour l'autre moitié de votre exemple, la montre à 10 $, c'est qu'en n'intervenant pas, en acceptant implicitement ce genre de choses — je ne sais pas si c'est ce que votre question sous-entendait ou non, mais si l'on suppose que l'inaction peut conduire à cela, nous incitons les gens à se dire que s'il s'agit d'un crime qu'ils considèrent sans victime, où est le mal? Ils se disent qu'ils ne font rien de mal. Je fais une bonne affaire en achetant cet article qui coûte beaucoup d'argent. Je suis débrouillard et je suis un acheteur avisé.

  (1150)  

    Mais vous ne l'êtes pas. Vous obtenez une fausse montre. Vous ne faites pas une bonne affaire. Vous obtenez une montre de 10 $. Elle ressemble simplement à une montre de 10 000 $.
    Je ne me lancerai pas sur ce sujet. Il y a de nombreux livres qui disent que la montre de 10 $ se rapproche peut-être, à bien des égards, de la qualité de l'autre. La question n'est pas là.
    C'est parfois vrai.
    C'est parfois vrai, mais la question n'est pas là. Ces citoyens auront-ils davantage tendance, en avril de chaque année, à tricher dans leur déclaration d'impôt sur le revenu parce qu'ils pensent que c'est un crime sans victime? Je crois donc qu'il y a des questions plus importantes en jeu que de savoir simplement qui perd de l'argent et qui gagne de l'argent. La question n'est pas simplement de se dire qu'il vaut peut-être mieux permettre à un pauvre fabricant d'un pays du tiers monde de gagner un peu d'argent plutôt qu'à une riche entreprise qui fabrique des montres Gucci. Cela touche à la loi et l'ordre et à la capacité d'avoir une société civile. Telle est mon opinion.
    Merci beaucoup, monsieur Wappel.
    C'est à vous, monsieur Crête.

[Français]

    Merci de vos présentations. Vous savez sans doute qu'aujourd'hui, c'est la Journée mondiale de la propriété intellectuelle. Le sujet de notre séance est donc approprié.
    J'ai quatre courtes questions. Premièrement, y a-t-il eu un changement profond depuis la mondialisation? L'ouverture des marchés a-t-elle changé le marché de la contrefaçon?
    Deuxièmement, y a-t-il un pays modèle qui fait son travail mieux que les autres à cet égard et qui pourrait nous servir d'exemple?
    Troisièmement, quelles seraient les conséquences si on continuait à faire ce qu'on fait présentement? Pouvez-vous nous donner des détails?
    Le quatrième question s'adresse à M. Sotiriadis en particulier, mais les autres peuvent aussi répondre. Pouvez-vous résumer le plan d'action que vous souhaiteriez établir, si vous étiez le ministre, pour faire face à ce problème?
    Selon moi, il s'agit d'établir un système d'enregistrement. Les produits et les marques devraient être surveillés par les douaniers. De plus, il faudrait créer une infraction de possession de produits de contrefaçon à des fins de revente. On devrait aussi prévoir dans la loi des dommages plus importants lorsqu'il s'agit de cas de counterfeiting, et non de cas d'imitation de produits ou de contrefaçon traditionnelle.
    En outre, il faut imposer de plus grosses amendes aux récidivistes. Il y a quelqu'un à Montréal qui a fait l'objet d'une saisie et à qui on a imposé des ordonnances deux fois. Il faisait des livres de l'Université McGill. Il y a eu deux outrages au tribunal et, finalement, il a fait un peu de prison. Il n'avait pas particulièrement peur. Il a pignon sur rue en plein centre-ville de Montréal.
    Également, pour les cas de contrefaçon, il faut des moyens d'exécution sommaires, qui exigent le moins possible de procédure, quitte à mettre en place des systèmes de sauvegarde comme de gros cautionnements, des protections pour les défendeurs, des responsabilités pour l'avocat qui saisit, etc.
    Je peux répondre à une seule autre question. Le pays modèle est la France.
    Je ne suis pas un expert en matière de mondialisation. En ce qui a trait à ses conséquences, j'estime ne pas avoir la compétence nécessaire pour répondre à cette question.
    Y a-t-il des réponses complémentaires ou d'autres aspects que vous souhaitez soulever?

[Traduction]

    Vous avez soulevé un certain nombre de questions intéressantes.
    Les choses ont-elles changé en raison de la mondialisation? Je pense qu'elles ont probablement changé. La technologie et l'Internet ont certainement facilité la copie et la distribution. Il n'est sans doute pas étonnant que vous vous penchiez sur ces questions aujourd'hui au lieu d'avoir vu là un sérieux problème il y a quelques années. La technologie change les choses, sans aucun doute.
    La question de savoir s'il y a un pays pouvant servir de modèle est sans doute la plus difficile. Nous aimerions tous pouvoir prendre en exemple un pays qui obtient de très bons résultats à ce chapitre pour mettre en place le cadre législatif approprié. Je dirais qu'il n'existe pas de modèle de ce genre. Il y a un grand nombre de pays qui s'orientent dans un certain nombre de directions différentes, la plupart sans succès, étant donné qu'il s'agit là d'un problème mondial.
    Vous avez mentionné que nous célébrons aujourd'hui la Journée internationale de la propriété intellectuelle. Cette semaine, le gouvernement des États-Unis va probablement publier son rapport spécial 301 dans lequel il va certainement critiquer les mesures prises par le Canada dans le dossier du droit d'auteur. Mais il est important de mentionner que les États-Unis critiqueront également des dizaines d'autres pays.
    En fait, certaines des recommandations que les États-Unis ont formulées au sujet d'une loi anticaméra vidéo, par exemple, n'ont pas été adoptées dans la quasi-totalité des pays autres que les États-Unis. Seuls quelques pays l'ont fait et même aux États-Unis, cette loi a été un échec spectaculaire.
    Même pour ce qui est de la France… il est vrai que la France a un certain nombre de fabricants de produits de luxe très puissants et qu'elle a obtenu d'excellents résultats sur certains plans. Mais sur d'autres fronts, elle a pris des mesures qui sont peut-être intéressantes et qui pourraient aussi servir de modèle. Par exemple, il y a 15 jours, elle a établi la première agence chargée de se pencher sur la gestion des droits numériques, les verrous techniques qui empêchent de copier les CD et les DVD, en raison du manque d'interopérabilité, de ce que les consommateurs pourraient perdre et du risque d'utilisation abusif de ces technologies.
    Nous constatons que de nombreux pays adoptent toutes sortes d'approches différentes. Je dirais, comme je l'ai fait dans ma déclaration, qu'aucune ne s'adresse vraiment à la contrefaçon. Tout le monde est à la recherche de la bonne solution.
    Je crois que pour trouver la bonne solution, nous avons besoin d'un plus grand nombre d'études et d'analyses indépendantes sur ce qui se passe dans notre propre pays. En réalité, lorsque nous allons au-delà des beaux discours, nous ne savons pas grand-chose.

  (1155)  

    Je ne suis pas un expert, mais je pense que nous pourrions nous tourner vers des pays autres que les États-Unis ou la France qui sont les deux pôles opposés que nous citons souvent.
    Les pays scandinaves sont des pays qui, en général, respectent beacuoup la propriété intellectuelle. Ils devancent les autres pays et le Canada, ainsi que le G7 pour ce qui est du succès d'industries comme les téléphones cellulaires Nokia, etc. Un haut niveau d'innovation conduit à un grand succès commercial.

[Français]

    L'image des gros tracteurs — Il y a dans ma circonscription quelqu'un qui vend des tracteurs et qui est venu me voir il y a trois semaines pour me dire qu'il était impossible qu'on vende tel modèle à tel prix. C'est une réalité. On parle de produits de centaines de milliers de dollars. Dans le cas de ces produits, qui ne sont pas des produits de luxe mais des produits utiles en industrie, il y a en effet un effort à faire. Le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie commence une étude sur cette question. Il se penche en particulier sur l'aspect des pénalités légales, mais il aborde aussi cette question.
    Je vais revenir à ma question. Si on laisse la loi comme elle est à l'heure actuelle, s'en va-t-on vers la position de la Chine, que M. Hoffert a décrite plus tôt, ou si on va simplement demeurer au même rang dans la société? Cela s'élargit rapidement. Quand on tolère ces choses, on en vient à tolérer toutes sortes d'autres choses dans notre société. Pensez-vous qu'il y a un danger réel de ce côté, ou si c'est tout simplement une réalité avec laquelle il faut vivre?
    Je constate dans mes dossiers qu'on banalise de plus en plus ces choses. Logiquement, lorsqu'un comportement est banalisé — un peu comme M. Hoffert l'a dit —, le seuil de tolérance des activités illégales s'élève et cela peut s'accroître. Par ailleurs, avec les technologies numériques modernes, les moyens de faire de la contrefaçon sont plus diversifiés. Y en a-t-il davantage? Je ne le sais pas, mais c'est plus diversifié, plus calculé. Lorsque l'on importe des tracteurs contrefaits, il faut vraiment craindre la prison et les amendes.
    En ce qui a trait à la Chine, vous avez —
    Monsieur Crête, votre temps est malheureusement écoulé.

[Traduction]

    C'est maintenant à votre tour, monsieur Norlock.
    Merci beaucoup, messieurs, d'être venus ici ce matin, et particulièrement M. Geist, de nous avoir présenté sous un angle différent la question que nous étudions actuellement .
    Je vais poser aux trois témoins une question concernant un certain scénario et vous pourrez me dire en quoi vos opinions divergent.
    Le propriétaire d'une maison de production fait un film et doit donc engager beaucoup de gens, dépenser beaucoup d'argent, investir beaucoup de temps, etc., dans la production de ce film, par opposition à quelqu'un qui se contente de prendre le produit et de consacrer un peu de temps et d'argent à le copier.
    Pour revenir à votre situation personnelle — je m'adresse aux avocats — quelle est la différence entre une entreprise qui embauche des pharmaciens et des médecins et qui achète le meilleur équipement disponible pour fabriquer un produit qui fait beaucoup de bien aux gens et une personne qui investit un peu de temps et quelques efforts pour ouvrir une officine, une personne qui a une excellente connaissance ou une connaissance raisonnable du droit et qui va voir un bon faussaire qui lui fera un joli certificat disant qu'elle a fréquenté une université et obtenu un diplôme en droit, et qui ensuite ouvre boutique pour donner des conseils juridiques aux gens? Quelle est la différence entre ces deux personnes?
    Pourquoi un groupe de gens devrait-il être plus influent qu'un autre sous prétexte qu'il exerce une plus grande influence sur la loi? Lorsque les consommateurs voient un produit, ne devraient-ils pas pouvoir être raisonnablement certains qu'on y a consacré beaucoup de recherche et développement, beaucoup d'efforts et qu'il vaut la peine d'en payer le prix?
    Nous pourrions peut-être commencer par M. Geist.

  (1200)  

    Je dois reconnaître que je ne vois pas énormément de différence entre les deux et en fait, je ne pense pas que la loi les traite différemment non plus. Une personne qui exerce le droit illégalement en se servant d'un faux diplôme pourra faire l'objet d'accusations et la loi pourra la punir. Comme on l'a mentionné plus tôt, celui qui grave des copies de DVD s'expose également à des sanctions financières et à une peine de prison en vertu de la Loi sur le droit d'auteur s'il a l'intention de les distribuer.
    Je crois donc que la loi cherche déjà à remédier à ces deux situations. Comme je l'ai dit dans mon préambule, personne ne prétend que la contrefaçon est une bonne chose. Le deuxième exemple est avant tout un cas de fraude, mais dans la mesure où ce genre de choses se produisent dans notre société, tout le monde sera sans doute d'accord pour dire que des mesures s'imposent.
    Néanmoins, je ne sais pas si c'est vraiment la question que l'on cherche à résoudre lorsqu'on parle de « la question de la contrefaçon canadienne ». Tel que mentionné plus tôt, il s'agit de se demander si nous avons déjà des lois pour résoudre un grand nombre de ces problèmes. Je crois que la réponse est oui. Y-a-t-il des cas qui sont plus graves et plus problématiques que d'autres? Là encore, je crois que la réponse est oui.
    Je suis père d'un enfant de huit ans, d'un enfant de six ans et d'un enfant de trois ans et l'histoire des piles qui explosent et des autres risques pour la santé et la sécurité m'inquiète moi aussi. Par conséquent, lorsque j'entends la GRC dire, comme elle l'a fait hier devant le Comité de l'industrie, qu'elle dispose de ressources limitées et que, sans vouloir offenser les studios de Hollywood, elle va accorder la priorité à la santé et à la sécurité, je lui en suis reconnaissant. J'espère que nous allons examiner le problème sous cet angle, car il y a une différence entre un film prétendument piraté et une pile qui explose. Si nous consacrons des ressources et des efforts à certains de ces problèmes, il faut certainement que ce soit pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens.
    Merci.
    Vous pouvez répondre, l'un ou l'autre.
    Le professeur Geist et moi-même sommes d'accord sur les grands principes, mais lorsqu'il s'agit de les interpréter, nous n'arrivons pas toujours aux mêmes conclusions.
    Je reconnais que le gouvernement a la tâche difficile d'établir un juste équilibre entre la nécessité de protéger la sécurité des Canadiens et celle de permettre aux entreprises d'agir plus librement, d'une façon moins coûteuse à réglementer. Je suis toutefois convaincu que les deux exemples cités par le professeur Geist — celui de la pile qui explose et celui des consommateurs canadiens qui achètent des marchandises illégales — sont tous les deux des cas graves. À mon avis, il n'y en a pas un plus grave que l'autre.
    En fait, il est arrivé récemment que des piles d'ordinateur prennent feu. Dans ce cas particulier, des grands fabricants comme Dell et Apple avaient acheté leurs piles à des fabricants réputés comme Sony si bien que tous les consommateurs qui avaient acheté un ordinateur équipé d'une pile défectueuse ont reçu une nouvelle pile. Ils ont eu un recours. J'ajouterais que le fait de protéger une entreprise comme Sony, qui est une grande entreprise internationale de l'industrie du divertissement — Son cas devrait être traité de la même façon que celui de la petite pile contrefaite fabriquée par une petite entreprise anonyme. Cela fait partie du même problème.
    Ce problème a une dimension plus large. Il s'agit de voir si nous voulons vivre dans une société qui encourage les gens à économiser de l'argent aux dépens de l'équité. Si vous vous placez du point de vue de l'équité, je ne pense pas qu'il y ait une grosse différence entre la pile qui explose et la copie de films sur DVD.

  (1205)  

    Je suis d'accord avec ce dernier commentaire concernant l'équité. C'est toujours une question de ressources et de compromis lorsqu'il s'agit de légiférer pour résoudre un problème. Il y a des intérêts concurrents.
    Je demeure convaincu qu'une solution peu coûteuse consiste à faciliter les choses pour le secteur privé, à faciliter les recours civils. Si nous avions au moins des recours civils et peut-être une loi plus claire désignant certaines infractions ou en créant de nouvelles, nous n'aurions pas à demander au gouvernement de tout régler pour nous. Je crois que cela pourrait au moins nous aider à résoudre les questions de santé et de sécurité sinon la contrefaçon des produits de luxe et des films.
    Merci beaucoup, monsieur Norlock.
    Nous allons passer au deuxième tour où vous aurez cinq minutes chacun.
    Monsieur Chan.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis désolé de ne pas avoir pu entendre les exposés du professeur Hoffert et du professeur Geist à cause d'autres engagements.
    Je voudrais revenir sur ce dont mon collègue, M. Wappel, avait commencé à parler soit le manque de respect pour la loi et l'ordre. C'est un problème qui m'inquiète vraiment, en plus de l'aspect santé et sécurité qui est, bien sûr, important. Si l'on ne règle pas la question de l'équité pour que nos jeunes grandissent dans un environnement qui préserve les valeurs canadiennes d'honnêteté et d'équité, nous assisterons à une dégradation des comportements et nous finirons par perdre ce que nous avons.
    Si je place cela dans le contexte de la situation actuelle et des autres questions qui relèvent des affaires civiles, étant donné le coût de notre système juridique, nous n'obtenons pas toujours des décisions équitables dans le cadre de nos opérations courantes. Également, en ce qui concerne la criminalité juvénile, un grand nombre de crimes contre les biens restent impunis à cause d'un manque de ressources.
    Si vous prenez tout cela, le plus gros problème que nous ayons aujourd'hui, en plus des lacunes législatives, est le manque de ressources dans le domaine de la loi et de l'ordre. Je pense que le moment est venu d'y consacrer davantage de ressources étant donné que nous avons maintenant un excédent budgétaire. C'est un secteur que nous négligeons depuis longtemps, tant au niveau de la répression que de l'administration, de l'application de la loi et du système de justice pénale. Que répondez-vous à cela?
    Merci. C'est une observation intéressante. J'aurais plusieurs choses à dire, car c'est un thème qui est revenu dans les propos d'un certain nombre de personnes.
    Premièrement, l'idée voulant que ceux qui achètent des faux sacs à main Louis Vuitton vont tricher dans leurs déclarations d'impôt me semble très exagérée et ne reposer sur aucune preuve. En réalité, les personnes qui paient ce sac à main 10 $ savent qu'elles achètent un sac à main à 10 $. Nous pouvons discuter quant à savoir si c'est juste ou injuste, bon ou mauvais. Je ne pense pas que ce soit nécessairement une bonne chose. Néanmoins, si des membres de ma famille achètent le sac à 1 000 $, je ne suis pas convaincu que ce soit une bonne chose non plus.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Michael Geist: En réalité, ce ne sont pas des gens qui auront nécessairement tendance à commettre des actes criminels ou répréhensibles. Absolument rien ne permet de le croire.
    Je pense que certaines personnes ont moins de respect pour certains types de lois. Prenons la propriété intellectuelle, par exemple. Mais je dirais que c'est l'industrie qui est largement responsable de ce manque de respect, parce qu'elle n'a pas respecté les clients.
    La personne qui achète un DVD pendant ses vacances en Europe et qui le ramène au Canada s'aperçoit qu'elle ne peut pas le faire jouer parce qu'il est verrouillé. Le consommateur honnête qui achète un produit légitime s'aperçoit que l'industrie l'empêche de s'en servir. Le consommateur honnête qui achète une chanson dans l'un des services de musique en ligne et qui essaie ensuite de l'écouter sur son iPod s'aperçoit que cela ne marche pas parce qu'il n'y a pas d'interopérabilité. Le consommateur honnête qui veut prélever une partie d'un DVD pour faire une parodie s'aperçoit que le contenu est verrouillé. Par conséquent, même si notre législation contient des dispositions régissant une utilisation équitable pour permettre ce genre de choses, les consommateurs ne peuvent pas le faire.
    Si nous parlons du manque de respect, j'estime que ce ne doit pas être à sens unique. Dans un grand nombre de ces domaines, l'industrie manque de respect envers le client. Lorsque l'on dit que nos lois nous placent dans une situation embarrassante, je rencontre bien des gens qui trouvent très embarrassant que le Canada ne prévoit pas une exception pour la parodie qui leur permettrait de s'exprimer. Notre législation ne permet pas une utilisation équitable comme celle des États-Unis. Si nous voulons parler de ce que nos lois pourraient faire pour répondre à toutes les préoccupations des Canadiens, les sources d'embarrassement ne manquent pas.

  (1210)  

    Merci, monsieur Chan.
    Monsieur Ouellet, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais fonder mes propos sur ma propre expérience de vie et sur celle de mon père. Il était architecte, et je le suis également. Il y a 50 ou 60 ans, quand l'architecture contemporaine est apparue, des architectes se sont mis à copier les oeuvres d'autres architectes, qui se mettaient en colère et entamaient des poursuites qui ne menaient nulle part.
    Ça ne s'est pas arrêté là. Il y a eu ensuite les techniciens. Ils n'avaient pas une formation d'architecte, mais se sont mis à faire des plans d'architecture pour bien moins cher en copiant des architectes. Il y avait donc moins de TPS, et ainsi de suite. On n'a pas pu arrêter ça non plus. La seule chose qu'on est arrivé à faire a été de mieux renseigner les gens sur les services et le prix de ceux-ci. Pour la construction d'une maison, les frais d'un architecte se situaient autour de 15 000 $, alors que ceux d'un technicien totalisaient 2 000 $ ou 3 000 $. Ils n'offraient pas le même service, et il fallait que les gens le sachent. Les choses sont allées suffisamment loin pour que finalement, la province et l'Ordre des architectes acceptent que tout ça soit réglé clairement, de façon à ce qu'il y ait des services d'architectes et des services de techniciens. Maintenant, c'est légal. On est donc passé d'un système amoral — ce n'était pas acceptable de se copier — à un système moral. On accepte maintenant cette situation.
    Je pense que ce phénomène s'applique à bien d'autres domaines. Quelles ont été les répercussions chez les architectes? Ils ont dû travailler plus fort pour en arriver à un produit plus intéressant, se renouveler constamment, être plus à l'avant-garde, être plus rapides que les autres. Ce fut très positif.
    J'ai ensuite enseigné à l'université pendant plusieurs années. Qu'est-il arrivé à cette époque? Les étudiants commençaient à nous remettre des travaux plagiés. Par conséquent, les professeurs ont dû s'arranger pour en savoir plus, lire davantage, accumuler plus de connaissances de façon à ne pas se faire jouer par les étudiants. Ce fut très positif. C'était immoral mais positif.
    La même chose est arrivée dans le domaine du droit d'auteur. On plagie des livres, mais le gouvernement, par contre, les subventionne. On subventionne plus de livres. Les gouvernements, fédéral et provinciaux mais surtout fédéral, accordent une aide substantielle à l'édition, à la création de nouveaux livres. Même s'ils sont plagiés par la suite, les gens ont eu le temps de faire de l'argent. Il y a une façon, peut-être même une attitude, qui permet de voir tout ça sous un angle positif.
    On parle de la Chine, mais il ne faut pas oublier qu'à une certaine époque, le Japon fabriquait des produits de très mauvaise qualité. Or, ce n'est plus le cas. C'est une question de temps. On parle de tracteurs, et il me semble qu'un individu ayant payé un tracteur 100 000 $ de moins qu'un autre sait, à moins d'être carrément idiot, que la qualité ne sera pas la même. Nous voyons l'aspect immoral selon la morale qui avait cours au XIXe siècle. Vous êtes d'accord avec moi, n'est-ce pas? On n'envisage pas qu'une certaine évolution puisse être positive. Monsieur Geist, je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que la santé et la sécurité devraient demeurer l'élément essentiel.
    Par ailleurs, des tactiques de fraude sont utilisées, surtout par des moyens électroniques. On informe les gens qu'ils ont gagné le gros lot ou qu'ils ont obtenu un emploi extraordinaire, par exemple, et on leur demande de l'argent en échange. Ce genre de phénomène nous vient surtout des États-Unis. La police essaie de régler ce problème, mais a-t-elle tous les outils nécessaires? Je ne suis vraiment pas un inconditionnel de l'ordre public. Je trouve, au contraire, que tout ça amène une évolution. Des cas pareils, cependant, n'ont pas nécessairement un résultat positif. Des piles sont copiées, mais à la limite, elles seront un jour toutes au même prix, et les choses vont en rester là. S'il s'agit d'un type de pile qui comporte un danger, c'est une autre histoire, mais autrement, tout ça est positif. En revanche, le cas dont je vous parle est négatif. En effet, on soutire de l'argent à des gens un peu naïfs et mal informés. Que pouvons-nous faire à ce sujet?

  (1215)  

[Traduction]

    Je pense que ce sont là d'excellents arguments. Il y a des gens qui estiment que la contrefaçon force à innover lorsqu'on doit faire face à la fois à la concurrence légitime et illégitime.
    Je remarque également que l'idée que le Canada n'innove pas ou que nous ne pourrons pas innover à cause de la situation actuelle ne tient pas suffisamment compte de la créativité et de l'innovation formidables que nous voyons déjà. Pour chaque Nokia, nous avons des entreprises comme Research in Motion, un leader mondial dans l'application de la technologie. Nos musiciens canadiens sont parmi les meilleurs au monde. En fait, les musiciens canadiens ont réussi, ces dernières années, à mieux se faire connaître tant sur la scène internationale qu'au Canada.
    Je ne crois donc pas que le ciel va nous tomber sur la tête, même lorsque nous entendons parler de problèmes de santé et de sécurité bien réels qui suscitent, je crois, des craintes légitimes. Lorsque nous apprenons que la GRC porte deux fois plus d'accusations et accorde la priorité à ces questions, nous avons de bonnes raisons d'espérer que nos forces policières savent où sont les priorités et possèdent les pouvoirs dont elles ont besoin pour s'attaquer au problème.
    Merci beaucoup, monsieur Ouellet.
    Je ne sais pas si les autres témoins désirent répondre. Votre temps est à peu près terminé.
    Monsieur Brown, c'est à votre tour. La parole est à vous.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais remercier nos témoins pour leur présence ici.
    Un certain nombre de choses suscitent ma curiosité. Premièrement, je sais que nos témoins — du moins le professeur Geist s'est empressé de réagir au témoignage du groupe qui s'inquiétait de la contrefaçon.
    Que craignez-vous? Je crois que si vous examiniez les déclarations des autres témoins, vous auriez l'impression que les membres du comité s'opposaient vivement à la contrefaçon et voulaient que le gouvernement la réprime — Alors qu'en pensez-vous? De toute évidence, vous ne partagez pas cette opinion. Vous avez vite demandé à comparaître devant nous. Pour quelles raisons voulez-vous nous inciter à changer notre opinion? Quelles initiatives législatives redoutez-vous de la part du gouvernement?
    C'est une excellente question. Je suis toujours content quand les gens lisent mon blog.
    J'ai trouvé que les témoins avaient été très convaincants et que le comité semblait très convaincu. Si le gouvernement veut résoudre des problèmes de santé et de sécurité, comme je l'ai dit, il faudrait commencer par mieux comprendre où sont les lacunes dans la loi. Si nous reconnaissons que nous pourrions améliorer nos lois sur le plan de la santé et de la sécurité, je crois que c'est une excellente chose.
    Néanmoins, ce qui m'inquiète dans tout ce dossier — et cela me ramène au premier problème que j'ai souligné — c'est que l'on cherche à se servir de la lutte contre la contrefaçon pour couvrir toutes sortes d'autres problèmes.
    Je vous recommanderais d'examiner d'autres questions juridiques. Je vais vous donner un exemple. La ratification des traités Internet de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a suscité une très vive controverse dans les différents pays du monde. Même aux États-Unis, l'architecte de cette loi a maintenant reconnu que les mesures législatives avaient été inopérantes. J'estime qu'elles ont eu des conséquences négatives sur le respect de la vie privée, la recherche dans le domaine de la sécurité, et l'innovation en général. Cela a eu un impact négatif à bien des égards. Ces lois sont vieilles de 10 ans. Elles ne sont pas tournées vers l'avenir.
    Je crains que le gouvernement ne prenne des mesures d'une vaste portée contre la contrefaçon au lieu de s'attaquer seulement aux principaux problèmes comme la santé et la sécurité qui requièrent une intervention, et qu'il en profite pour s'aventurer dans d'autres domaines. L'effet de ces mesures serait ressenti beaucoup plus largement qu'au simple niveau du faux sac Gucci.

  (1220)  

    Nous entendons souvent dire que l'Agence des services frontaliers du Canada n'a pas vraiment le pouvoir de confisquer les produits contrefaits. Avez-vous des objections à ce que l'Agence obtienne davantage de pouvoirs pour confisquer ces marchandises?
    Je pense que si nous pouvions prendre les dispositions voulues pour nous assurer qu'elle confisque effectivement des produits contrefaits, ce serait peut-être utile. Néanmoins, comme cela a déjà été mentionné, c'est une lourde responsabilité à imposer aux agents des douanes.
    Je dirais que dans bien des cas, la contrefaçon commence à inclure des choses comme le marché gris. Ces derniers mois, la Cour suprême du Canada a entendu une cause portant sur une entreprise qui essayait de s'opposer à l'importation de chocolat — cela implique Toblerone — en faisant valoir que le dessin de la montagne violait le droit d'auteur. Le chocolat importé était un produit authentique.
    Je crains que si nous imposons ce fardeau aux agents des douanes, dans certains cas, ils puissent confisquer non seulement les produits que nous souhaitons voir confisquer, mais également des produits légitimes qui ne posent aucun danger pour la santé et la sécurité et qui sont vendus légalement dans notre pays.
    Très bien. Vous ne voyez pas d'objection à ce qu'il devienne illégal d'apporter une caméra vidéo dans un cinéma pour copier un film?
    Il est déjà illégal d'aller dans un —
    Il n'est pas illégal d'apporter une caméra vidéo dans le cinéma.
    Non. Vous enfreignez la Loi sur le droit d'auteur si vous faites une copie non autorisée de ce film. Un point c'est tout. Si vous avez l'intention de distribuer cette copie, comme il semble que cela se fasse, vous vous exposez à une peine de prison et des amendes.
    Je dirais que nous avons déjà des dispositions législatives pour résoudre ce problème. Je mentionnerais quand même deux choses. Premièrement, il y a eu une prolifération de ce genre de loi aux États-Unis, mais elles ont été inefficaces. En fait, le président de la National Association of Theatre Owners, des États-Unis, a mentionné que le problème, qui ne touchait au départ que New York et Los Angeles, s'est étendu à 15 États. Deuxièmement, si nous voulons criminaliser ce genre de choses, nous devons nous montrer très prudents. De nos jours, toute personne qui se promène avec un téléphone cellulaire se promène également avec une caméra vidéo. Nous devons veiller à ce que la loi vise seulement ce que la Loi sur le droit d'auteur cherche déjà à viser, c'est-à-dire les gens qui filment dans le but de distribuer le film et de tirer de l'argent de cette activité.
    Merci, monsieur Brown.
    Monsieur Geist, vous êtes revenu sur l'idée voulant qu'on imposerait un lourd fardeau aux agents des douanes en leur demandant de chercher et de saisir les marchandises contrefaites. C'est M. Wappel, je pense, qui a lancé cette idée. Je crois avoir entendu M. Sotiriadis répondre qu'il y avait, dans le monde, un bon nombre de pays qui le font efficacement et dont on pourrait suivre l'exemple. Quoi qu'il en soit, j'en resterai là.
    Nous allons revenir à M. Wappel.
    Je ne voudrais surtout pas influencer le témoin.
    Monsieur Sotiriadis, je vais vous lire un extrait d'un article du professeur Geist :
Le rapport de l'USTR et ses partisans reprochent au Canada de traîner les pieds au sujet du droit d'auteur, mais cela ne tient pas compte du fait que le Canada se conforme à ses obligations internationales et que le droit canadien correspond aux lois en vigueur dans la plupart des pays. Par exemple, pour les trois problèmes mis en lumière (la ratification des traités de l'OMPI, l'élargissement du droit d'auteur et l'enregistrement par caméra vidéo), trois seulement des 192 pays membres des Nations Unies, soit les États-Unis, Singapour et la République tchèque, ont terminé les trois réformes.
    Que pensez-vous de cette déclaration?
    Je vais répondre comme un bon avocat. Je pense que cette déclaration est exacte. Je ne crois pas que les États-Unis devraient nécessairement nous dicter nos décisions concernant notre propre législation. J'avoue que les États-Unis ne se sont pas conformés aux obligations que leur confèrent les traités dans des domaines comme le droit des brevets, par exemple. Ils compliquent les choses pour les gens des autres pays qui font une demande de brevet aux États-Unis.
    Je préférerais de beaucoup me servir du critère de l'équité. C'est neutre. Nous n'avons pas à argumenter quant à savoir s'il s'agit du crime organisé, si la perte se chiffre en millions de dollars ou s'il s'agit de piles. Cela nous évite d'argumenter quant à savoir si ce sont des produits électriques, des gens, des prétextes ou s'il faut que les piles soient sans danger. Si nous nous en tenons à une simple question d'équité et de respect de la loi et si nous prévoyons de meilleurs recours civils qui ne coûtent pas trop cher, nous éviterons en grande partie ces débats inutiles.
    Je comprends l'exaspération de M. Geist devant toutes ces statistiques étonnantes que vous obtenez. Elles sont très difficiles à suivre et sont souvent contradictoires.

  (1225)  

    Ce que vous dites est intéressant, car je vois qu'on propose deux approches différentes : l'une qui consiste à criminaliser davantage les choses, ce qui ferait bien sûr appel au Code criminel, qui relève du gouvernement fédéral, et l'autre, qui consiste, comme vous le dites, à faciliter les recours civils et qui mettrait en cause la Loi sur le droit d'auteur et sur les marques de commerce.
    Je serais curieux de savoir comment —
    Si vous le permettez, cela pourrait être aussi une nouvelle loi sur la contrefaçon.
    En principe, les personnes qui s'estiment lésées feraient appliquer la loi au civil, sans que les ressources du gouvernement fédéral ne soient mises à contribution, si ce n'est dans la mesure où l'affaire irait devant un juge de la Cour fédérale. Il faudrait donc avoir des juges de la Cour fédérale et l'infrastructure qui en découle, bien qu'il ne soit pas nécessaire d'avoir une coûteuse salle d'audience. L'affaire pourrait être jugée dans une simple pièce.
    Si j'ai bien compris, nous recommandez-vous donc d'aller plutôt vers une procédure civile simplifiée pour permettre aux personnes ou aux sociétés qui s'estiment lésées de régler l'affaire au civil, entre elles, devant la Cour fédérale?
    La situation idéale, selon moi, serait de renforcer les dispositions pénales… conformément aux nombreuses suggestions que vous avez reçues. Si les ressources sont limitées, si l'on craint sérieusement que l'on abuse du système pénal et si l'on pense qu'il vaudrait mieux utiliser les recours qui existent dans le Code criminel, etc., je suggère de permettre au moins aux détenteurs de droits d'avoir plus facilement accès à des recours civils. Voilà ce que j'en pense.
    J'aimerais beaucoup que nous ayons davantage de ressources du côté pénal et je crois que la solution douanière fait partie intégrante des recours civils.
    D'accord. Personnellement, après avoir entendu les témoignages — et je me réjouis d'être venu aujourd'hui, car c'est très intéressant — je pense que nous avons déjà des lois pour empêcher les agissements de ceux qui enfreignent le Code criminel. Dans 99 p. 100 des cas, les sanctions pénales sont déjà prévues. Elles ne sont tout simplement pas imposées par les tribunaux ou par les procureurs de la Couronne. Voilà ce que j'en pense. Désolé.
    Merci, monsieur le président.
    Soyez très brefs, s'il vous plaît, monsieur Geist. Il ne reste presque plus de temps.
    Ce sera très bref.
    Je peux certainement comprendre ceux qui voient la possibilité de résoudre ce problème au civil, mais je crois important de reconnaître la nécessité de faire preuve d'une certaine prudence à cet égard. Aux États-Unis, les dispositions qui prévoient des dommages-intérêts légaux peuvent entraîner des dommages-intérêts de 150 000 $ par infraction. Cela a d'énormes répercussions lorsque vous poursuivez des adolescents et des grands-mères accusés d'avoir échangé des fichiers, une infraction qui peut vous coûter des millions ou même des milliards de dollars. Cela a également d'importantes répercussions sur l'innovation potentielle, car lorsque les entreprises essaient d'aller un peu trop loin, leur avocat les avertit qu'elles s'exposent à payer de gros dommages-intérêts.
    Nous sommes l'un des seuls autres pays au monde qui ont également des dommages-intérêts légaux, de 20 000 $ par infraction, alors ne l'oublions pas. Si l'on augmente l'accès aux recours civils, cela risque aussi d'avoir des conséquences négatives.
    Merci beaucoup, monsieur Wappel.
    Je vais m'en tenir à mon rôle de président et continuer de m'abstenir de me joindre au débat.
    Monsieur Hawn.
    Merci, monsieur le président, et je remercie les témoins pour leur présence ici.
    J'ai malheureusement raté la dernière réunion où certaines de ces questions ont été abordées.
    Professeur Geist, vous parlez des droits des consommateurs par opposition aux droits du producteur, etc. Jusqu'où faudrait-il, selon vous, par souci d'équité envers le consommateur, lui permettre de copier une partie d'un DVD, non pas la totalité, mais une partie? Jusqu'où iriez-vous et qui prendrait cette décision?

  (1230)  

    La Cour suprême du Canada a déjà essayé de rendre une décision à ce sujet en faisant valoir que la législation actuelle sur le droit d'auteur permet l'utilisation équitable d'une oeuvre, ce qui devrait être interprété de façon vaste et libérale de façon à permettre même de copier des articles entiers, dans certaines circonstances.
    Les États-Unis ont une interprétation encore plus vaste de l'utilisation équitable qui permet parfois encore plus. Le problème que nous constatons est que la technologie — et parfois la loi qui la soutient — prive les gens de certains de ces droits fondamentaux.
    Par conséquent, même si nous sommes d'accord pour dire que la copie d'une chanson à des fins personnelles est déjà couverte par la redevance pour la copie privée et que c'est donc déjà indemnisé, si nous parlons des films, de quelqu'un qui, pour une parodie, à des fins éducatives ou toutes sortes d'autres fins, désire copier une partie d'un DVD — je pense que c'est assez clair — devrait pouvoir le faire. Je crois que la Cour suprême du Canada serait d'accord, mais je crains que la technologie ne nous enlève ces droits.
    Les traités de l'OMPI risquent de supprimer davantage ces droits à tel point qu'une personne qui désire les exercer pourrait se trouver accusée d'une infraction à la Loi sur le droit d'auteur. Les enseignants qui veulent copier une partie d'une oeuvre risque de commettre une infraction s'ils essaient d'éduquer leurs élèves de cette façon.
    Très bien, merci.
    On a laissé entendre que le régime douanier du Canada ne répond pas aux exigences fondamentales de l'Organisation mondiale des douanes.
    Pourriez-vous d'abord expliquer brièvement ce qu'est l'Organisation mondiale des douanes, qui en est membre et quels sont les pouvoirs que sa loi modèle confère aux douaniers? M. Sotiriadis pourrait peut-être répondre à cela.
    Je ne peux pas répondre à cette question.
    Quelqu'un sait-il qui constitue cette organisation? Non? Très bien.
    Nous avons parlé des pratiques exemplaires et des modèles des autres pays, que ce soit la France ou un autre.
    Professeur Geist — ou n'importe lequel d'entre vous — connaissez-vous des régimes douaniers qui sont en place chez les principaux partenaires commerciaux du Canada, dans les pays du G8 ou ailleurs? Quels autres régimes permettent aux douaniers de saisir des marchandises contrefaites de leur propre autorité?
    Je crois que certains de nos partenaires commerciaux ont des mesures plus rigoureuses à la frontière. Les États-Unis en font certainement partie. La question qui se pose alors est de savoir si ces mesures sont efficaces ou non. Comme je l'ai dit, il suffit de se promener dans Canal Street, à Manhattan, pour se rendre compte que cela ne suffit pas à empêcher les marchandises contrefaites d'entrer dans le pays.
    Dans votre article « Counterfeiting Can Kill » — je crois qu'il se trouvait dans votre blog, mais je suis désolé si j'ai violé vos droits d'auteur en le copiant — vous laissez entendre, à propos de la dernière réunion qui a eu lieu le 29 mars, que certains souhaitaient modifier la Loi sur les produits de la criminalité pour y inclure le droit d'auteur, mais que ce sont les industries du droit d'auteur qui ont voulu l'exclure au départ. Les industries du droit d'auteur ont-elles changé d'avis et, si c'est le cas, pourquoi?
    Oui, elles ont changé d'avis. Au départ, elles voulaient que le droit d'auteur soit exclu. Elles pensaient sans doute que les recours civils leur permettraient d'obtenir réparation au lieu que la Couronne le fasse en invoquant la Loi sur les produits de la criminalité. Elles ont maintenant laissé entendre devant les comités qu'elles voudraient que ce soit modifié.
    Très bien.
    Monsieur Sotiriadis, vous avez demandé que quelqu'un vous demande d'approfondir les idées dont vous n'avez pas pu parler.
    J'ai mentionné quelques initiatives qui pourraient être prises du côté des recours civils et du système d'enregistrement, et aussi de l'augmentation des ressources à la disposition des agents des douanes et de leur formation.
    En ce qui concerne la propriété intellectuelle au Canada, nous avons l'habitude de donner des séances d'information aux membres du Barreau. Tout avocat expérimenté se ferait un plaisir d'aider les procureurs de la Couronne à compléter leur éducation à cet égard. M. Lipkus l'a déjà mentionné dans son témoignage.
    Il y a actuellement deux ministères responsables de la politique à l'égard des droits d'auteur au Canada soit Patrimoine Canada et Industrie Canada. Cela pose-t-il un problème? Faudrait-il confier cette tâche à un seul ministère et, si c'est le cas, lequel, professeur Geist?
    C'est une question tendancieuse. En pratique, cela a probablement eu un effet positif au Canada. On a l'impression que Patrimoine Canada et Industrie Canada voient les choses sous un angle différent. Étant donné la complexité du droit d'auteur, le fait d'avoir deux ministères qui s'occupent de certaines de ces questions nous permet sans doute d'obtenir, dans bien des cas, un meilleur résultat que si ce mandat était confié à un seul d'entre eux.
    L'un de vous trois, monsieur Sotiriadis, a-t-il constaté des conflits ou cela a-t-il causé des conflits?

  (1235)  

    Je suis assez d'accord. Il y a la propriété industrielle et la propriété intellectuelle. Nous avions l'habitude de faire cette distinction, mais je crois que ces deux ministères l'ont plus ou moins abandonnée.
    J'ajouterais que le plus difficile, pour élaborer la politique qui convient, c'est de veiller à entendre toutes les parties prenantes. Certains groupes ont les moyens de s'assurer qu'ils seront entendus. Ils ont de l'argent, des lobbyistes, etc.
    Il y a des parties prenantes de tous les côtés, que ce soit du côté de l'industrie, du côté de certains collectifs de droits d'auteur ou encore du côté des associations de l'industrie qui représentent souvent des intérêts étrangers.
    Ces questions ont maintenant davantage de conséquences pour les Canadiens que ce n'était le cas par le passé. Je ne sais pas si nous avons les structures voulues pour qu'ils puissent faire entendre leur opinion — sauf peut-être à l'occasion dans votre boîte de courriel — mais généralement, ils n'arrivent pas à se faire entendre aussi bien. Si vous ne tenez pas compte de ces opinions et de ces considérations, il vous manque une pièce importante du casse-tête.
    Merci, monsieur Hawn. Malheureusement, votre temps est écoulé.
    S'il n'y a personne d'autre de ce côté, nous allons conclure —
    Désolé, monsieur Wappel.
    Désolé de revenir encore à la charge. Quelqu'un m'a remis ceci. C'est assez intéressant : « Les membres du Parlement européen appuient des sanctions pénales pour la contrefaçon ». C'est daté du mercredi 25 avril et c'est donc un sujet d'actualité. « Dans le but de lutter contre le piratage et la contrefaçon, le Parlement » — c'est-à-dire le Parlement européen — « a appuyé, le 25 avril 2007, des mesures punissant la contrefaçon d'une amende maximum de 300 000 € ou, dans les cas les plus graves, d'une peine de prison d'une durée maximale de quatre ans ».
    Je ne sais pas ce que l'on entend par « le Parlement appuie ». Cela veut-il dire qu'il a adopté une loi ou qu'un comité —? Si vous avez davantage de précisions au sujet de cet article, pourriez-vous nous les communiquer?
    C'est un exemple intéressant qui montre qu'avec le temps les opinions changent sur certaines de ces questions. Ces dispositions ont été proposées assez récemment et ont été adoptées assez rapidement par le Parlement européen.
    Au cours des deux à trois dernières semaines, des milliers d'Européens ont signé des pétitions demandant au Parlement européen de ne pas adopter cette disposition. Les résultats du vote d'hier étaient beaucoup plus serrés qu'on ne l'avait prévu au départ.
    D'après un certain nombre d'articles, cette initiative en est encore au stade du Parlement européen et doit être soumise ensuite au Conseil européen. Il semble qu'au Conseil, cette question va devenir beaucoup plus contestée, car les gens vont commencer à se rendre compte qu'il ne s'agit pas seulement de resserrer les sanctions et que c'est beaucoup plus complexe.
    Monsieur Sotiriadis, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Non, mais il ne faut pas oublier qu'en Europe il y a des recours très intéressants qui permettent aux détenteurs des droits d'aller d'une compétence à une autre, dans les cas de contrefaçon, ce que je ne peux pas vous expliquer en détail maintenant.
    Avec ce genre de recours, même si leur structure est plus complexe que la nôtre, les Européens ont réussi à mettre en place des mesures très efficaces que nous devrions envisager, en tenant compte du fait que ce sont des pays différents qui agissent tous de concert.
    Très bien.
    L'article ajoute que « les pertes économiques reliées à la contrefaçon sont estimées aux alentours de 500 milliards d'euros par année, ce qui représente le manque à gagner et la perte de recettes fiscales, sans oublier que certains produits de contrefaçon posent également un sérieux risque pour la santé ». Je ne sais pas, mais la perte estimative semble énorme.
    Je suppose que ces estimations comprennent ce dont nous parlions au départ. En supposant que quelqu'un qui achète une Rolex à 10 $ achèterait également une Rolex à 10 000 $, cette personne n'a pas acheté la Rolex à 10 000 $ parce qu'elle a acheté la Rolex à 10 $. Selon moi, c'est une fausse hypothèse, car le consommateur n'est pas le même dans les deux cas.
    Mais c'est ce que pense tout le monde. Vous devez voir les choses de cette façon. Burlington Coat Factory, aux États-Unis, un grand magasin à rabais réputé, vendait des faux Burberry d'excellente qualité. Une personne importait la marchandise d'usines italiennes qui avaient été autorisées à les fabriquer, mais qui ne l'étaient plus. Elle en a vendu pour environ 2 millions de dollars. Le prix était près de 20 p. 100 ou 30 p. 100 moins cher que dans un magasin qui vendait des articles neufs, mais les gens pensaient que c'était simplement parce que ce n'était pas le modèle de cette année. C'est la même chose pour les films, par exemple. Lorsque vous achetez cette marchandise au détail à un prix assez élevé, c'est là qu'il faudrait faire la comparaison.

  (1240)  

    C'est parce que les vendeurs essaient de convaincre les acheteurs qu'ils obtiennent le produit authentique, peut-être le modèle de l'année dernière, mais c'est de la fraude.
    Non. Souvent, même des magasins à rayons réputés vendent des produits de contrefaçon sans le savoir. C'est l'importateur qui s'est procuré des produits de bonne qualité, qui y a apposé les bonnes étiquettes qui nous fait perdre tout cet argent. D'après ce que je peux voir, on n'a pas pour politique de s'attaquer au détaillant. Le magasin n'est pas l'auteur de la contrefaçon. Il vend ce que nous appelons des violations, ou —
    C'est un acheteur innocent.
    Oui, et c'est à ce niveau-là que le manque à gagner augmente rapidement. Ils comptent peut-être 10 000 $ pour 10 $, mais leurs chiffres augmentent très vite.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Wappel.
    Nous allons conclure. Je mentionnerais que selon les estimations d'Interpol, les produits de contrefaçon représentent environ 5 p. 100 à 7 p. 100 du commerce mondial. J'étais récemment en Europe au Conseil de l'Europe où l'on consacre beaucoup de travail à cette question en essayant d'en faire une priorité plus importante. Selon les études, les produits de contrefaçon représentent maintenant 7 p. 100 à 10 p. 100 du commerce mondial.
    Je tiens néanmoins à remercier tous les témoins pour leur présence parmi nous. Bien entendu, comme l'indique le nom de notre comité, nous nous intéressons surtout à la sécurité publique et à la sécurité nationale. Je constate que le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie va commencer des travaux qui, d'après la liste des témoins, porteront sans doute davantage sur les questions de piratage qui ne concernent pas directement la santé et la sécurité publiques.
    Monsieur Geist, j'ai quelque chose à vous demander. Vous avez mentionné le rapport de la GRC intitulé, je crois, Project Sham. La GRC ne nous en a pas parlé, si je me souviens bien, et je pense que vous l'avez obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, n'est-ce pas? Si vous pouviez le mettre à la disposition du comité, nous vous en serions très reconnaissants. Cela nous permettrait de l'obtenir plus rapidement.
    Merci, encore une fois, mesdames et messieurs. Nous allons maintenant faire une pose d'environ deux minutes, après quoi nous nous réunirons à huis clos pour examiner le projet de loi C-279. Je ne pense pas que ce sera bien long.
    Merci beaucoup.
    [Les délibérations se poursuivent à huis clos.]