SECU Rapport du Comité
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CHAPITRE
SEPT :
CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES
TÉLÉCOMMUNICATIONS ET COMMISSAIRE DU CST
CONTEXTE
Créé après la Deuxième Guerre mondiale et passé sous la gouverne du ministère de la Défense nationale en 1975, le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) a été reconnu pour la première fois dans un texte de loi à l’article 102 de la Loi antiterroriste, qui ajoutait une partie V.I. (articles 273.61 à 273.7) à la Loi sur la défense nationale. Ces dispositions définissent le mandat du CST, soit la protection des renseignements électroniques (provenant de l’étranger) et des infrastructures d’information (article 273.64).
Le chef du CST s’occupe de la gestion du Centre, sous la direction du ministre de la Défense nationale (par. 273.62(2)). Le ministre peut lui donner par écrit des instructions concernant l’exercice de ses fonctions (par. 273.62(3)). Puisque ces instructions ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires, elles n’ont pas à être publiées dans la Gazette du Canada ni ailleurs.
Puisque le CST est un organisme de protection des renseignements électroniques provenant de l’étranger, la loi, jusqu’à l’adoption de la Loi antiterroriste en 2001, lui interdisait d’intercepter, de conserver et d’analyser des communications électroniques étrangères émanant du Canada ou destinées au Canada. Le ministère de la Justice était d’avis à l’époque qu’une telle activité devait être autorisée par un juge aux termes des dispositions du Code criminel concernant la surveillance électronique. Or, l’article 273.65 de la Loi sur la défense nationale permet maintenant l’interception, la garde et l’analyse de ce genre de communications sur autorisation du ministre, laquelle est valide pour un an et renouvelable pour des périodes d’un an à la fois. Le commissaire du CST fait enquête sur les activités menées sous le régime d’une telle autorisation. Le ministre de la Défense nationale peut donner des instructions pour que les Forces canadiennes aident le Centre dans l’exercice de ces activités.
Il y a aussi un article (273.63) qui prévoyait la nomination d’un commissaire du CST, dont le poste constitue le prolongement en quelque sorte d’un posté créé par décret en 1996, en vertu de la Loi sur les enquêtes. Le commissaire a pour mandat de procéder à des examens concernant les activités du Centre pour en contrôler la légalité, de faire enquête à la suite de plaintes et d’informer le ministre de la Défense nationale de toute activité qui n’est pas conforme à la Loi. Le commissaire du CST a tous les pouvoirs d’enquête conférés à un commissaire en vertu de la Partie II de la Loi sur les enquêtes, et il soumet chaque année un rapport annuel au ministre de la Défense nationale, qui le dépose devant chacune des Chambres du Parlement. Le commissaire peut aussi exercer d’autres tâches en vertu d’autres lois ou sur autorisation du gouverneur en conseil.
SUJETS DE PRÉOCCUPATION
Examen de l’interception de communications privées
Comme nous l’avons déjà mentionné au début du présent chapitre, l’article 273.65 de la Loi sur la défense nationale prévoit que le ministre de la Défense nationale peut autoriser l’interception de communications privées au Canada si le but visé est seulement d’obtenir de l’information étrangère lorsque la personne ou l’entité visée se trouve à l’étranger. L’interception autorisée de communications privées au Canada est liée à la collecte de renseignements étrangers à l’extérieur du pays.
Plus précisément, le paragraphe 273.65(2) de la Loi prévoit que le ministre ne peut autoriser l’interception de communications privées que s’il est convaincu que l’interception vise des entités étrangères situées à l’extérieur du Canada, les renseignements recherchés ne peuvent raisonnablement être obtenus d’une autre manière, l’importance des renseignements étrangers que l’on cherche à obtenir par interception justifie le procédé et qu’il existe des mesures satisfaisantes pour protéger la vie privée des Canadiens et pour faire en sorte que les communications privées ne seront utilisées ou conservées que si elles sont essentielles aux affaires internationales, à la défense ou à la sécurité nationales. Des dispositions analogues relatives aux activités visant les systèmes ou les réseaux informatiques se trouvent aux paragraphes 273.65(3) et (4) de la Loi.
Aux termes de l’article 273.66 de la Loi, le CST ne peut mener d’activités qui relèvent de son mandat que dans la mesure où elles sont compatibles avec les instructions ministérielles et dans les cas où une autorisation est nécessaire en application de l’article 273.65. Enfin, le paragraphe 273.65(8) énonce que le commissaire du CST est tenu de faire enquête sur les activités exercées sous le régime d’une autorisation ministérielle pour en contrôler la conformité, et qu’il doit rendre compte de ses enquêtes au ministre.
La Commissaire à la protection de la vie privée a fait des observations sur la question et a fait comprendre que le mandat relatif à l’examen portant sur l’autorisation de l’interception des communications privées doit être élargi, étant trop restrictif. Elle a en particulier recommandé de modifier le paragraphe 273.65(8) de la Loi sur la défense nationale de sorte que le commissaire du CST soit non seulement tenu de vérifier que l’interception de conversations privées a été autorisée par directive ministérielle, mais aussi que les activités et les autorisations elles-mêmes sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le Sous-comité est d’accord avec cette recommandation. Lorsqu’il a été promulgué, l’article 273.65 de la Loi sur la défense nationale modifiait considérablement le mandat du SCT en matière de services de renseignements étranger. Avant l’adoption de la Loi anti-terroriste, le CST devait obtenir l’autorisation d’un juge en vertu du Code criminel pour pouvoir intercepter des communications privées au Canada, même à des fins de renseignement étranger. Cette modification visait à clarifier cet aspect des activités du CST et à lui donner un fondement législatif approprié. Il convient également de noter que l’article 273.69 de la Loi sur la défense nationale énonce que les dispositions du Code criminel, qui traitent de l’autorisation donnée par un juge d’intercepter des communications privées, ne s’appliquent pas au CST dans ce contexte.
Les mesures stipulées à l’article 273.65 concernant l’autorisation donnée par un ministre d’intercepter des communications privées ne sont pas aussi complètes que celles prévues dans un contexte similaire par le Code criminel. Par conséquent, les fonctions du commissaire du CST sont essentielles pour ce qui est de garantir que de telles autorisations ministérielles ne sont données qu’en cas de nécessité et que ces autorisations et les activités visées sont compatibles avec la règle de droit et les droits et libertés des Canadiens. Le commissaire devrait donc être tenu d’assumer, à la lumière des droits et libertés des Canadiens, les fonctions d’examen confiées à son bureau à l’égard de l’interception de communications privées effectuée en vertu d’une autorisation ministérielle.
RECOMMANDATION 44
Le Sous-comité recommande que soit modifié le paragraphe 273.65(8) de la Loi sur la défense nationale de manière que le commissaire responsable du Centre de la sécurité des télécommunications soit tenu d’examiner les activités d’interception de communications privées découlant d’une autorisation ministérielle, sous l’angle du respect des exigences de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, de même que de l’autorisation elle-même (ce qui a déjà été exigé).
Limitation des activités du CST
Il faudrait également apporter la modification accessoire suivante à l’article 273.66 de la Loi sur la défense nationale, de telle manière que les principes établis ci-dessus s’appliquent à l’exercice par le CST du mandat qui lui confère le Parlement. Bien que, à strictement parler, l’interprétation de la Loi n’exige pas une telle modification, le Sous-comité estime que cette orientation du Parlement devrait être explicite, de sorte que les Canadiens sachent bien que les activités de cette agence gouvernementale font l’objet des mêmes restrictions que celles des autres institutions publiques.
RECOMMANDATION 45
Le Sous-comité recommande que soit modifié l’article 273.66 de la Loi sur la défense nationale de manière que le Centre de la sécurité des télécommunications ne puisse entreprendre que les activités qui sont compatibles avec la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur la protection des renseignements personnels, de même qu’avec les restrictions à l’exercice de son mandat déjà établies dans cet article.
Questions soulevées dans le dernier rapport annuel
Dans son dernier rapport annuel (pour l’année 2005-2006), l’ancien commissaire du CST, Antonio Lamer, souligne que les dispositions législatives comportent des ambiguïtés et des incertitudes, surtout pour ce qui a trait aux dispositions concernant l’autorisation par le ministre de l’interception de communications privées. Il ajoute que son bureau et les avocats du ministère de la Justice ne s’entendent pas sur l’interprétation à donner de certaines dispositions, ce qui influence le type d’assurance que son bureau peut fournir au Parlement et aux Canadiens.
Sans faire de recommandation particulière à cet égard, le Sous-comité presse les avocats du gouvernement et le nouveau commissaire de régler la question aussi rapidement que possible si cela n’est pas déjà fait. De même, il estime que le gouvernement devrait, dans sa réponse à ce rapport, fournir dans la mesure du possible des précisions sur les sujets de désaccord et sur leur mode de résolution, le cas échéant. Autrement, le nouveau commissaire devra fournir ces détails dans son prochain rapport annuel.
AUTRES MODIFICATIONS RECOMMANDÉES
Nomination d’un commissaire
Le paragraphe 273.63(1) de la Loi sur la défense nationale prévoit que le gouverneur en conseil peut nommer un juge surnuméraire ou un juge à la retraite d’une juridiction supérieure qu’il charge de remplir les fonctions de commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications. Toutefois, ce paragraphe commence par « Le gouverneur en conseil peut », ce qui laisse supposer que le gouverneur peut, en plus de nommer un commissaire, décider de combler le poste de commissaire par un juge ou par quelqu’un d’autre. Le Sous-comité comprend la disposition comme signifiant que si le gouverneur en conseil choisit de nommer un commissaire, celui-ci ou celle-ci doit être un juge à la retraite ou surnuméraire d’une juridiction supérieure. Il faudrait modifier le paragraphe 273.63(1) pour qu’il soit plus clair.
RECOMMANDATION 46
Le Sous-comité
recommande que le libellé « Le gouverneur en conseil peut nommer, à titre
inamovible pour une période maximale de cinq ans, un juge à la retraite surnuméraire
d’une juridiction supérieure qu’il charge de remplir les fonctions de
commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications » soit
remplacé par le libellé suivant : « Le gouverneur en conseil peut
nommer, à titre inamovible pour une période maximale de cinq ans, un
commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications, qui sera un juge
surnuméraire ou
un juge à la retraite d’une juridiction supérieure », au
paragraphe 273.63(1) de la Loi sur la défense nationale.
Aucune activité ne doit viser des Canadiens
Il est indiqué à l’alinéa 273.64(2)a) de la Loi sur la défense nationale que certaines activités du CST, surtout la collecte de renseignements étrangers, « ne peut viser des Canadiens ou toute personne au Canada ». Cette disposition visait à empêcher que des activités visent des Canadiens partout au monde, bien que l’on puisse également interpréter le libellé de cette disposition comme ne désignant que les Canadiens au Canada. Pour plus de sûreté, il faudrait préciser après Canadiens « partout au monde ».
RECOMMANDATION 47
Le Sous-comité recommande que l’expression « partout au monde » soit ajoutée après « Canadiens » à l’alinéa 273.64(2) a) de la Loi sur la défense nationale.