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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues.
    Je déclare ouverte cette séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    La première question à l'ordre du jour est la poursuite de notre étude du dialogue Canada-Chine sur les droits de la personne et de la question plus générale des droits de la personne dans la République populaire de Chine. À cet égard, nous avons la chance d'avoir avec nous aujourd'hui deux témoins qui sont les représentants de Sa Sainteté le dalaï-lama. Je vais demander à M. Wangdi et à M. Gyari de bien vouloir prendre place à la table du comité.
    Nous avons le plaisir d'accueillir Tashi Wangdi, le représentant de Sa Sainteté le dalaï-lama pour les Amériques, et M. Lodi Gyari, envoyé spécial de Sa Sainteté le dalaï-lama, particulièrement dans le contexte des discussions avec la République populaire de Chine. Messieurs, vous êtes tous les deux les bienvenus.
    Monsieur Wangdi, je crois que vous allez parler en premier et que ce sera ensuite au tour de M. Gyari. Vous disposerez, tous les deux, d'une brève période pour présenter un exposé. Je vous invite à parler au comité de la situation des négociations Chine-Tibet, et peut-être aussi de la situation actuelle au Tibet. Quand vous aurez terminé tous les deux, les membres du comité vous poseront des questions.
    Allez-y, s'il vous plaît, monsieur Wangdi.
    Monsieur le président, membres du sous-comité, mesdames et messieurs, c'est effectivement un grand plaisir et un grand honneur pour mon collègue, M. Lodi Gyari et moi-même d'être invités à prendre brièvement la parole devant le sous-comité. Je vais commencer par présenter notre point de vue.
    Je crois qu'il est surtout important que vous entendiez, ce matin, M. Lodi Gyari, qui est l'envoyé spécial de Sa Sainteté le dalaï-lama, basé à Washington, mais qui est surtout le chef de la délégation qui négocie avec le gouvernement chinois. Il assume la tâche très difficile d'essayer de trouver un règlement négocié pacifiquement pour un problème très complexe et très difficile.
    Je vais simplement faire une brève déclaration préliminaire au sujet de la situation actuelle au Tibet et du problème des droits de la personne. Lorsque nous parlons de la question des droits de la personne, je pense que nous parlons des symptômes d'un problème beaucoup plus vaste. Je crois qu'il s'agit seulement des symptômes.
    Vous avez certainement suivi, récemment, un tragique incident qui s'est produit à la frontière entre le Tibet et le Népal, au début du mois dernier, lorsqu'on a tiré sur un groupe de réfugiés tibétains innocents et non armés qui cherchaient à quitter le pays, ce qui a causé des morts et des blessures graves. Mais ce n'est pas un incident isolé. Cela dure depuis plus de cinq décennies, mais malheureusement la communauté internationale n'en a pas eu vraiment connaissance. Ce qui est arrivé au début du mois dernier a retenu son attention parce que c'ela s'est passé en présence d'étrangers, les alpinistes qui ont été témoins de cet incident.
    Néanmoins, ce qui est intéressant, et qui illustre bien la situation au Tibet et les problèmes de notre peuple, c'est la réponse des autorités chinoises. Elles ont dit que les soldats avaient tiré en état de légitime défense. Qu'elles puissent faire une déclaration pareille alors que l'incident a eu pour témoins non pas une ou deux personnes, mais tout un groupe d'alpinistes étrangers, et je pense que c'est un Albanais qui a pu le filmer... Je suis certain que vous l'avez vu. Vous avez lu les articles dans les journaux. Et maintenant ce vidéo est affiché dans un site Web. Cela montre à quel point le gouvernement chinois a déformé les faits et comment il présente la situation à la communauté internationale.

  (1115)  

    Je vais dire simplement une chose pour montrer à quel point le problème est profond et combien il est difficile pour la communauté internationale d'en saisir toute la gravité. En 1987, il y a eu un incident, à Lhasa, la capitale du Tibet, suite à une manifestation pacifique de Tibétains. Elle a été réprimée de façon très brutale; de nombreuses personnes ont perdu la vie. Là encore, cet incident a retenu l'attention de la communauté internationale parce qu'il y avait des étrangers à Lhasa à ce moment-là. Deuxièmement, un Tibétain très brave qui travaillait au ministère chinois de l'Information a réussi à obtenir une copie du film officiel des événements qui avaient été filmés par l'équipe officielle. Ce n'était pas pour être diffusé publiquement. Cette copie est sortie clandestinement du Tibet quelques jours plus tard et a été montrée à l'étranger.
    Également à la même époque, le gouvernement chinois a essayé de déformer les faits en disant que c'était en réponse aux provocations des Tibétains. Un journaliste chinois qui couvrait officiellement les événements et qui a ensuite couvert les événements de la Place Tiananmen s'est rangé du côté des étudiants chinois. Il a raconté comment les choses s'étaient passés, et notamment le fait que lorsque les Tibétains ont manifesté pacifiquement, les autorités chinoises ont placé des fusils chargés à chaque coin de rue et ont installé des caméras. Elles voulaient que les Tibétains prennent les fusils chargés et s'en servent afin de justifier leur répression.
    La répression a eu lieu et cela, avant les événements de la Place Tiananmen, en 1989. Le Tibet a été placé sous la loi martiale en 1988.
    Ce n'est là qu'un aperçu très général de notre situation au Tibet. Et comme je l'ai dit, cela dure depuis plus de cinq décennies.
    Sa Sainteté le dalaï-lama et les dirigeants tibétains ont décidé de trouver une solution à ce problème. Je dirais qu'il s'agit d'un cercle vicieux. La répression engendre une résistance qui engendre davantage de répression ,et ainsi de suite. Plus de 1,2 million de Tibétains sont morts au cours des 50 dernières années. Ce qui s'est passé au début du mois dernier n'est que la pointe de l'iceberg. Le problème est beaucoup plus vaste.
    Nous devons sortir de ce cercle vicieux. La seule façon d'y parvenir c'est en négociant. Il y a aussi ce mouvement tibétain, ce mouvement non violent et pacifique, mais il ne retient malheureusement pas beaucoup l'attention de la communauté internationale. En même temps, je pense que depuis quelques années, les gouvernements et les parlements...
    Je mentionnerais également que nous sommes très reconnaissants au gouvernement canadien, au Parlement canadien, pour leur appui et surtout, je pense, pour la déclaration très énergique que le ministre des Affaires étrangères a faite au Parlement en réponse à une question. C'est une chose que nous apprécions énormément et dont nous sommes très reconnaissants. D'autre part, au cours des années, les membres du Parlement se sont intéressés à notre situation. Bien entendu, c'est également quelque chose d'important.
    On a parfois l'impression que la Chine ne se soucie pas de l'opinion de la communauté internationale. Je dirais que c'est le contraire. Elle s'en soucie.

  (1120)  

    Il y a quelques années — je crois que c était il y a plus de 15 ans, il y a eu un document officiel chinois interne. C'était une directive émise par Beijing aux autorités locales. Elle disait que les autorités devaient gérer la situation au Tibet avec beaucoup de prudence. On y disait que si une épingle tombait au Tibet, cela engendrerait des vibrations dans le monde entier. Les Chinois sont donc sensibles à cela.
    Bien entendu, le processus de négociation a commencé il y a une vingtaine d'années. Il a connu des hauts et des bas, mais il n'est jamais parvenu à sa conclusion logique. Les négociations ont été totalement interrompues pendant une dizaine d'années, après quoi, il y a environ cinq ou six ans, Sa Sainteté a voulu relancer le processus. Il a chargé deux de ses principaux conseillers de renouer les contacts et de reprendre le dialogue. Cette lourde responsabilité a été confiée à M. Lodi Gyari et à son collègue, M. Kelsang Gyaltsen. Ils ont réussi à rétablir le contact et il y a eu cinq séries de négociations.
    Si je vous racontais ce qui se passe actuellement au Tibet ou ce qui s'est passé, ce serait une histoire très triste et très tragique. Mais nous ne voulons pas nous enfermer dans le passé. Nous voulons aller de l'avant et trouver une solution. C'est ce que nous essayons de faire. Nous faisons un effort très sincère pour parvenir à un règlement négocié.
    Je pense qu'il serait plus utile pour le comité d'entendre aujourd'hui M. Lodi Gyari, la personne chargée de ce dialogue, de ce processus, de la responsabilité de faire progresser le dialogue et de la situation actuelle. Je pense que c'est important. Comme je l'ai dit, si nous pouvons résoudre le principal problème, les autres questions comme les violations des droits de la personne qui ne sont que les symptômes... Nous essayons maintenant de nous attaquer au principal problème. Je crois très important que le comité entende M. Lodi Gyari au sujet de cette importante question.
    Merci beaucoup.

  (1125)  

    Merci beaucoup, monsieur Wangdi.
    Monsieur Gyari, allez-y, s'il vous plaît.
    Monsieur le président et membre du comité, mon collègue et moi-même sommes très honorés d'avoir été invités à témoigner devant votre comité.
    Nous ne sommes certainement pas venus ici pour critiquer le gouvernement chinois ou lancer des accusations contre lui, car particulièrement en ce qui me concerne, Sa Sainteté m'a confié la responsabilité de dialoguer avec le gouvernement chinois.
    En même temps, nous croyons, comme nous l'avons fait très clairement savoir au gouvernement chinois, que tant que la question tibétaine ne sera pas résolue, tant que le gouvernement chinois ne commencera pas à respecter les droits fondamentaux du peuple tibétain, Sa Sainteté le dalaï-lama et nous tous avons la responsabilité morale et historique envers notre peuple de dire la vérité. C'est donc dans cet esprit que nous venons aujourd'hui prendre la parole devant cette auguste assemblée.
    Nous croyons aussi, comme mon collègue l'a très clairement indiqué, que la communauté internationale a un rôle important à jouer pour que nous puissions trouver une solution, les Chinois et nous. Plus particulièrement, le gouvernement et le Parlement du Canada ont un rôle important à jouer. Encore une fois, il ne s'agit pas de se contenter de prendre le parti de l'un et d'être inamical avec l'autre. C'est un rôle qui peut aider à la fois les Chinois et les Tibétains à trouver une solution dans leur intérêt mutuel.
    Cela fait cinq ans que je suis directement en contact avec le gouvernement chinois. Nous avons eu cinq séries de réunions. Je voulais seulement vous dire qu'en ce qui concerne ces réunions, nous en sommes assez satisfaits. Si je dis cela, c'est parce que j'ai eu l'honneur, ou la tâche difficile de faire partie d'une délégation que Sa Sainteté a envoyée en Chine dès 1982 et 1984.
    Par rapport à ce qui s'est passé à ce moment-là, je dois dire que les cinq dernières séries de réunions ont été beaucoup plus encourageantes. Je dis « encourageantes » parce que le gouvernement chinois a, selon moi, commencé à écouter notre point de vue, même si c'est de façon limitée. Cela risque d'étonner ceux d'entre vous qui vivent dans la liberté totale et vous pourriez vous demander: « Qu'est-ce qu'il veut dire? Ne l'écoutez pas. » Mais nous savons qu'à une certaine époque nous n'avions même pas la possibilité d'exprimer nos opinions.
    Par conséquent, il s'agit certainement pour nous d'un changement important. D'autre part, je dis que c'est encourageant parce que pour la première fois, les deux parties, soit les Chinois et nous, ont pu parler très honnêtement de leurs divergences de vues au cours des discussions. Je parle de « divergences de vues » car pour le moment, le seul succès dont je puisse vous faire part c'est que nous avons pu mettre plus ou moins le doigt sur nos divergences d'opinions. Malheureusement, nous n'avons pas encore commencé à explorer la question, particulièrement du côté chinois, de façon à pouvoir résoudre le problème. Mais je peux certainement dire que nous avons commencé, avec un certain succès je pense, au moins à mettre en lumière ce qui nous sépare.
    Je pense que la déclaration officielle du gouvernement chinois et les déclarations que j'ai faites après nos visites sont identiques. Nous disons que nous avons été capables d'établir ce qui nous sépare. Par conséquent, nous savons maintenant que l'écart est très important. Nous divergences de vues sont nombreuses et un grand nombre d'entre elles sont fondamentales.
    Cela dit, sous la direction de Sa Sainteté, les Tibétains restent déterminés à combler l'écart qui nous sépare, à minimiser nos divergences de vues et, finalement, à pouvoir trouver une solution.

  (1130)  

    D'une certaine façon, si les dirigeants chinois ont la volonté politique nécessaire, je ne pense pas que c'est aussi compliqué que cela semble l'être parfois. En ce qui concerne notre position et celle des Chinois, si vous l'examinez d'un point de vue purement politique, je crois que le principal écart a été comblé. Malheureusement, il l'a été non pas par le gouvernement chinois, mais par Sa Sainteté le dalaï-lama.
    Lorsque Sa Sainteté le dalaï-lama a pris la décision très difficile, mais très courageuse de chercher une solution, sans demander l'indépendance, mais dans le cadre de la République populaire de Chine, nous pensons avoir répondu aux principales préoccupations du gouvernement chinois.
    Comme vous vous en souviendrez peut-être, lorsque nous avons commencé à nouer des relations en 1979, le chef suprême, Deng Xiaoping, nous avait adressé deux messages bien clairs. Premièrement, ne parlez pas d'indépendance, car c'est non négociable. Deuxièmement, si vous acceptez de ne pas demander l'indépendance et si vous cherchez une solution à l'intérieur de la République populaire de Chine, tout peut être négocié. Du point de vue des Chinois, l'indépendance n'était pas acceptable. En ce qui nous concerne, nous étions prêts à discuter de n'importe quel autre sujet.
    Malheureusement, le gouvernement chinois a continué à nous chapitrer, en privé comme en public, sur le fait que nous ne pouvions pas parler d'indépendance du Tibet, ce que nous ne faisions pas. Il a toutefois continué d'accuser Sa Sainteté de cacher ses véritables intentions à cet égard. Comme je l'ai dit au cours d'une de mes visites, ce premier message nous est toujours répété, mais souvent, les Chinois omettent la deuxième partie du message à savoir que si nous ne parlons pas d'indépendance, tout peut être négocié. J'avoue que nous n'avons pas été autorisés à discuter de tout jusqu'à présent. Il n'est pas question qu'on réponde à nos espoirs ou même qu'on nous permette d'en discuter. Mais il y a eu un léger changement, car au moins les Chinois écoutent nos opinions.
    Nous en sommes donc à une étape critique. Nous savons maintenant établir quelles sont nos divergences et nous allons faire des efforts pour trouver un moyen de les surmonter. C'est là que la communauté internationale, et surtout un pays comme le Canada, qui a toujours eu des relations assez cordiales avec le gouvernement chinois... Depuis de nombreuses années, j'ai décidé volontairement de ne pas témoigner devant un grand nombre de comités, mais j'ai pensé que je devais me joindre à mon collègue. En raison des relations du Canada avec la Chine, vous pourrez mieux comprendre nos motifs. Il est important que nous puissions vous demander votre aide.
    Par exemple, le Canada a l'expérience unique d'avoir fait face à ce genre de situation. Vous nous aideriez beaucoup si vous étiez prêts à partager, avec Sa Sainteté, le dalaï-lama et le gouvernement chinois, votre expérience de ce genre de questions. Malheureusement, les Chinois sont actuellement en déni. Ils pensent que la meilleure façon de résoudre cette situation c'est de faire comme si elle n'existait pas et d'imposer leur propre façon de voir. Mais je pense que vous avez essayé de résoudre ce genre de situation différemment. Vous pourriez inviter Sa Sainteté lors de sa prochaine visite afin qu'il puisse mieux comprendre comment vous avez réglé certains problèmes, ainsi que les Chinois, de préférence ensemble, ce qui risque d'être un peu difficile pour le moment, ou séparément.
    Une des questions importantes pour nous est la préservation de notre identité tibétaine distincte dans laquelle la langue joue un grand rôle. Si vous prenez la Constitution chinoise et les lois chinoises, vous pourriez les trouver assez similaires aux vôtres, mais en réalité, les Tibétains n'ont aucune possibilité d'en faire valoir l'aspect bilingue. C'est également un problème auquel vous avez su faire face et vous pourriez donc peut-être inviter les Chinois à en faire autant, mais il ne suffit pas de le faire par écrit; il faut qu'ils l'appliquent vraiment.

  (1135)  

    Voilà le genre de choses pour lesquelles nous espérons que vous pourrez nous aider. En ce qui concerne plus précisément les négociations, de notre côté du moins, nous sommes prêts pour le prochain cycle, qui sera le sixième. J'ai déjà fait savoir, il y a quelque temps, à nos homologues chinois que nous étions prêts à revenir. En fait, mon collègue et moi-même revenons de Dharamsala où nous avons passé plusieurs jours à discuter intensivement entre nous et où nous avons examiné à fond les délibérations du dernier cycle de négociations au cours duquel, comme je l'ai mentionné, monsieur le président, les deux parties ont fait le tour de leurs divergences de vues. Nous en sommes revenus, du moins de notre côté, avec un certain nombre de décisions importantes pour essayer de répondre à certaines des préoccupations de la Chine. Nous espérons également que, lorsque nous retournerons là-bas, le gouvernement chinois aura, dans l'intervalle, examiné sérieusement notre point de vue et qu'il fera au moins un effort pour répondre à certaines des questions que nous avons soulevées.
    En résumé, ce que nous demandons a toujours été très transparent. Il s'agit d'une tâche très difficile et déplaisante, mais je peux dire qu'elle n'est pas si compliquée, car nous avons un chef qui a toujours été très franc et très direct. Par conséquent, nous sommes toujours allés négocier avec les Chinois en mettant cartes sur table. La façon dont nous négocions est tout à fait particulière aux Tibétains. Nous ne l'avons pas apprise dans un des manuels de négociation moderne.
    Nous avons dit que nous étions prêts à rester en Chine, mais qu'il fallait que tous les Tibétains qui résident actuellement en République populaire de Chine obtiennent le maximum d'autonomie dans les régions où ils sont les mieux placés pour préserver leur langue, leur culture et leur mode de vie. Ce sont des choses fondamentales pour tous les Tibétains.
    Pour le moment, lorsque le gouvernement chinois parle du Tibet, il parle seulement de la moitié du Tibet sur le plan géographique, mais aussi sur le plan démographique. Le reste de la population tibétaine se trouve maintenant dans diverses provinces chinoises, mais elles sont toutes désignées comme des régions tibétaines autonomes. En fait, les régions que nous voudrions réunir sont déjà désignées et si vous examinez la carte politique de la Chine, elles sont désignées comme des régions tibétaines autonomes. Ce que nous demandons n'est donc vraiment pas compliqué.
    Nous avons également fait très clairement valoir que Sa Sainteté n'a aucune ambition personnelle. Il a dit très clairement que dès qu'il pourra conclure une entente entre les Chinois et les Tibétains, il ne détiendra aucun poste politique. Je sais que nos amis chinois continuent d'induire les gens en erreur en disant, par exemple: « Vous savez que le dalaï-lama veut régner sur le quart de la Chine », ou « Vous savez que le dalaï-lama veut remplacer le système socialiste actuel au Tibet en imposant le gouvernement tibétain en exil ».
    Ces affirmations ne sont absolument pas fondées. Comme vous le savez, étant donné qu'un grand nombre d'entre vous ont rencontré personnellement Sa Sainteté, ce dernier a fait des déclarations officielles dans lesquelles il a dit très clairement qu'il ne recherchait aucun poste politique. En fait, non seulement il ne cherchera pas, mais il refusera catégoriquement tout poste politique une fois que la situation aura été résolue.

  (1140)  

    Il a également déclaré très clairement qu'une fois qu'un accord aura été conclu, il dissoudra volontairement le gouvernement tibétain en exil, car ce jour-là, le gouvernement aura atteint son objectif. Il a dit qu'il l'avait constitué non pas pour défier les Chinois, mais pour défendre les droits du peuple tibétain. Si le but est atteint, il démantèlera lui-même volontairement le gouvernement en exil. Il n'y aura alors plus qu'un gouvernement qui sera le gouvernement tibétain. Ce sera un gouvernement dans lequel les Tibétains auront leur mot à dire. Ce sera le meilleur...
    Comme je l'ai dit, voilà notre position. Je peux vous assurer que, de notre côté, nous allons poursuivre ces négociations énergiquement, en toute sincérité, car nous croyons en avoir la responsabilité morale envers le peuple tibétain. Mais nous croyons aussi que, finalement, c'est important pour la Chine.
    Pour conclure, j'aimerais que vous disiez aux Chinois qu'ils ne doivent pas rater cette occasion. C'est seulement quand Sa Sainteté le dalaï-lama est là pour diriger la lutte qu'ils ont la possibilité historique de pouvoir résoudre cette situation dans l'intérêt de tous.
    Si les Chinois croient avoir intérêt à ne pas régler cette situation, je peux vous assurer que ce sera une très grosse erreur. Si Sa Sainteté n'est pas là, il ne fait aucun doute dans notre esprit, pour le peuple tibétain, que la situation sera tragique. Je peux aussi vous dire que notre amertume et notre tristesse augmenteront au lieu de disparaître et qu'il n'y aura plus personne ayant l'autorité morale voulue pour empêcher le peuple tibétain de se tourner vers la violence.
    Aujourd'hui, nous sommes très fiers de pouvoir dire que malgré tant de souffrance, il n'y a pratiquement aucune violence sur le plateau du Tibet. Ce n'est pas en raison de la brutalité des autorités chinoises, mais en raison du profond respect que le peuple tibétain éprouve pour son leader. C'est grâce à ses conseils que, malgré toutes ces décennies de souffrance, nous sommes si fiers de notre tradition bouddhiste tibétaine qui nous permet de rester non violents.
    L'autre raison est qu'aucune personne intelligente n'aura recours à des actes stupides tant qu'elle aura de l'espoir. Tant que nous aurons Sa Sainteté le dalaï-lama, les Tibétains garderont espoir. Grâce à cet espoir, ils ne feront rien qui puisse causer du tort à eux-mêmes ou aux autres. Si cet espoir disparaît, il y a peut-être bien des gens qui pourront quand même faire face à la situation, mais pas tout le monde. Comme vous le savez, il suffit de quelques personnes pour créer des situations qui finissent par causer un problème énorme.
    Par conséquent, je voudrais simplement vous demander, encore une fois, de transmettre collectivement ou personnellement ce message aux Chinois, car aucun des dirigeants chinois n'a rencontré personnellement Sa Sainteté le. Un grand nombre d'entre vous ont rencontré le dalaï-lama. Vous connaissez Sa Sainteté beaucoup mieux que les dirigeants chinois de Pékin. Encore une fois, si vous le pouvez, faites-leur comprendre que dans l'intérêt de la Chine, ils devraient saisir cette occasion de tendre la main à Sa Sainteté le dalaï-lama, dans l'intérêt de tous.
    Merci beaucoup.

  (1145)  

    Merci, monsieur Gyari. Merci infiniment.

[Français]

    On va maintenant passer aux questions.
     Monsieur Silva.

[Traduction]

    Merci beaucoup pour votre exposé.
    J'aimerais quelques éclaircissements concernant vos négociations. Vous avez dit que vous allez bientôt entamer le sixième cycle. Je voudrais savoir si le plan de paix de Strasbourg que dalaï-lama a proposé en 1998 reste le plan de paix en cinq points dont il sera question au cours de vos discussions.
    Je me réjouis que vous ayez posé la question, car c'est également une question que nous posent nos homologues chinois.
    Le plan de paix en cinq points et surtout, le discours que Sa Sainteté le dalaï-lama a prononcé devant le Parlement européen sont certainement à la base de la voie médiane qu'il a choisie. Toutefois, si vous nous demandez si notre dialogue va se baser entièrement sur la proposition de Strasbourg, en ce qui nous concerne, la réponse est non. Cela reflète toutefois toute la philosophie de Sa Sainteté le dalaï-lama. Par exemple, je crois ses revendications sont celles de notre peuple.
    Nous avons clairement indiqué aux Chinois que les discussions ne doivent pas nécessairement porter sur ces deux documents. Néanmoins, le fait est que ces deux documents importants énoncent les principes fondamentaux de cette voie médiane.
    Étant donné que la Commission des droits de l'homme des Nations Unies est maintenant — un nouveau conseil a été constitué récemment — et les pays membres comme la Chine vont devoir présenter des rapports. Nous serons tous intéressés de voir quels seront les rapports produits sur la question du Tibet et si les déclarations de Sa Sainteté pourront également figurer dans certaines de ces rapports.
    Bien entendu, les Nations Unies sont un organisme très respectable. Au début des années 60, nous sommes allés chercher refuge auprès des Nations Unies et nous avons obtenu trois résolutions de cette auguste assemblée. Malheureusement, depuis une vingtaine d'année, les institutions importantes comme les Nations Unies ont été trop dominées par quelques pays. Par exemple, un bon nombre d'entre nous n'avons même pas la possibilité de mettre un pied dans certains des locaux de l'ONU.
    Mais votre question portait plus précisément sur la Commission des droits de l'homme. Mon collègue Tashi et moi-même avons passé... À une certaine époque, nous faisions un pèlerinage annuel à Genève dans l'espoir d'attirer l'attention sur nos difficultés. En toute franchise, nous n'avons pas entièrement renoncé, mais nous avons quand même un peu perdu espoir, car même s'il y a là beaucoup de gens très bien, cette institution est entièrement dominée par les membres permanents du Conseil de sécurité. En fin de compte, tout est décidé non pas par les nations souveraines, qui sont fières d'être membres des Nations Unies, mais seulement par cinq pays qui se sont déjà partagé le territoire à l'échelle mondiale.
    Par conséquent, j'avoue que pour le moment nous ne consacrons pas beaucoup d'énergie et de ressources à frapper à la porte des Nations Unies.
    Certains ont fait observer que ce qui se passe au Tibet est un véritable génocide culturel, que le gouvernement chinois a entrepris une campagne systématique pour détruire la culture, les traditions et la langue tibétaines. Compte tenu surtout de l'implantation massive de Chinois au Tibet, avez-vous des statistiques concernant le pourcentage de la population tibétaine? Que faites-vous — je ne sais pas si c'est secrètement — pour préserver la culture et les traditions du peuple tibétain?

  (1150)  

     Je suis sûr que mon collègue aura quelque chose à ajouter.
    Tout d'abord, ce n'est pas nous qui avons parlé de génocide au sujet du Tibet. Au début des années 60, la prestigieuse Commission internationale de juristes établie à Genève a mené une enquête très approfondie avec l'aide de nombreux juristes et un grand nombre de personnes asiatiques. Dans son rapport qui s'intitule je crois « La question du Tibet et l'État de droit » elle conclut qu'effectivement un génocide culturel a été commis au Tibet. Bien entendu, c'est sur des questions comme la langue et notre culture. Nous basons donc nos propos sur les conclusions de cette prestigieuse institution internationale.
    Une des choses qui menacent vraiment la survie de l'identité tibétaine est l'invasion démographique. Bien entendu, nos amis chinois le nieront. Au cours de nos discussions, ils nous présentent toujours des chiffres pour prouver que les Tibétains sont plus que majoritaires dans toutes les régions du Tibet, mais en réalité... Il suffit aujourd'hui de voir ce qui se passe dans notre ville sainte de Lhasa, qui est non seulement la capitale politique, mais le centre de la civilisation tibétaine. Le seul monument de Lhasa est le Palais Potala qui s'élève majestueusement et à part cela, il y a une sorte de petit ghetto tibétain qui se trouve autour de Jokhang. Si vous ne regardez pas vers le Palais Potala, vous ne vous rendez plus compte que vous êtes au Tibet. Vous pourriez être n'importe où en Chine.
    Je sais, pour avoir parlé à de nombreux occidentaux qui se rendent au Tibet, que des Tibétains abordent les occidentaux, les étrangers dans leur propre capitale, pour demander leur chemin, car pour se rendre à certains endroits, les indications sont données en chinois. C'est la principale chose qui nous inquiète. Si nous devenons minoritaires dans notre propre pays, comme c'est le cas, nous ne pourrons plus conserver nos particularités distinctives et voilà pourquoi nous attachons toujours beaucoup d'importance à cette question lorsque nous demandons que l'on freine l'invasion démographique du Tibet.
    Les Chinois ont les mécanismes voulus. Prenez Hong Kong. Même si personne, là-bas, ne conteste le fait que Hong Kong fait partie d'une Chine souveraine, tous les citoyens chinois ne sont pas libres d'aller à Hong Kong. Non. Il y a presque... C'est peut-être encore plus difficile. Il est beaucoup plus facile pour un grand nombre d'entre nous qui possèdons un passeport canadien, américain ou européen d'aller à Hong Kong que ce n'est le cas pour les citoyens de la Chine. C'est très difficile. Également, si le gouvernement chinois en a la volonté politique, s'il est prêt à le faire, il pourrait créer un mécanisme pour freiner l'afflux de non-Tibétains sur le plateau du Tibet.
    Je suis désolé, mais nous allons devoir nous arrêter là.
    Avant de passer au prochain tour de questions, je voudrais seulement informer les personnes qui attendent de témoigner au sujet de Cuba que nous commencerons cette partie de la réunion avec une quinzaine de minutes de retard, car nous avons commencé 15 minutes plus tard que prévu. Je demande aux membres du comité et à nos témoins d'essayer d'être brefs afin que tout le monde, ou du moins chaque parti, ait la possibilité de poser une question.

[Français]

     Madame St-Hilaire.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être parmi nous aujourd'hui. C'est un plaisir de vous entendre. C'est aussi très intéressant. J'ai toujours été confiante que vous arriveriez à vos fins. Si le Tibet a réussi à susciter autant d'appuis au niveau international, c'est fort probablement parce que votre mouvement est pacifique. Chez nous, au Québec, on veut faire les choses de manière démocratique et pacifique. Chez vous aussi, vous procédez de manière pacifique, et c'est fort probablement la raison pour laquelle vous attirez autant de sympathie, même si, selon ce que vous dites ce matin, vous êtes très loin de vos objectifs.
    M. Gyari, je pense, a parlé du rôle du Parlement canadien. Pourriez-vous préciser au sous-comité comment le Parlement pourrait concrètement vous aider dans votre cheminement?

  (1155)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Tout d'abord, je voudrais mentionner qu'ici au Canada, comme ailleurs, ce sont toujours les parlementaires qui ont été les premiers à comprendre notre situation. Les gouvernements ont suivi avec un peu d'hésitation et parfois même pas du tout. Nous voulions seulement vous faire part de notre gratitude.
    Nous croyons qu'il y a un certain nombre de façons concrètes dont le Parlement, et surtout votre comité, peuvent nous aider. Nous croyons que le Parlement dans son ensemble peut nous aider, à l'unanimité ou par consensus, en soutenant Sa Sainteté le dalaï lama et en reconnaissant qu'il a fait le maximum d'efforts pour trouver une solution. Je sais que vous ne l'avez pas fait par le passé, mais dans le contexte actuel... Je suis certain que chaque pays a une façon différente de faire. Je crois très important de le reconnaître, non pas parce qu'il doit être reconnu en tant que personne, mais parce que notre peuple en a besoin. C'est également important pour nos négociations.
    Nous voudrions aussi obtenir votre appui pour certaines de nos principales revendications, comme le droit à la plus grande autonomie régionale possible. Compte tenu de l'expérience du Canada, je pense que vous êtes bien placés pour dire que les Tibétains le méritent. C'est une société distincte qui devrait donc avoir le maximum d'autonomie interne.
    Il y a une autre chose concernant la question dont j'ai déjà parlé. Le gouvernement chinois dit qu'il est totalement inacceptable que le dalaï-lama souhaite regrouper tous les Tibétains dans une même région administrative étant donné que cette situation n'existait pas par le passé. Nous voudrions vous faire remarquer que c'est parfaitement légitime étant donné que nous formons un même peuple. Même la Constitution chinoise nous reconnaît comme une nation. Elle nous attribue la nationalité tibétaine. Bien entendu, nous sommes une nation qui vit sur le même plateau. Nous ne sommes pas éparpillés. Il n'y a pas une partie de notre peuple qui vit 500 milles à l'est ou nous ne sommes pas dans la même situation que celle qui régnait lorsque les Britanniques ont quitté le Pakistan après avoir créé le Pakistan-Est et le Pakistan-Ouest, ce qui n'a pas donné de bons résultats. Nous vivons tous sur le même plateau. Nous aimerions obtenir votre soutien à cet égard.
    Ensuite, comme je l'ai dit, il y a toute la question du bilinguisme. Le Parlement pourrait exprimer son soutien à cet égard et faire profiter les Chinois et les Tibétains de son expérience. Votre comité pourrait envisager une visite au Tibet. Nous savons que d'autres parlementaires européens, par exemple, qui se sont intéressés aux droits de la personne, ont fait des visites sur place pour enquêter sur la situation et qu'ils ont présenté un rapport à leurs collègues pour leur faire part de leurs conclusions. Ce ne serait pas une façon d'embarrasser les Chinois, mais simplement d'aider à trouver une solution en établissant un pont.

  (1200)  

[Français]

    Merci.
     Vous avez parlé de dialogue, mais je devine certaines choses dans vos propos. Il y a eu des discussions et des négociations, mais croyez-vous vraiment que ce soit la clé? Avez-vous espoir que ça l'est? Dans le cas contraire, est-ce qu'il n'y aurait pas une autre voie à prendre? Vous parlez d'une sixième rencontre, mais concrètement, est-ce que vous en sentez les résultats, chez vous?
    En ce qui a trait à l'aide que le Canada fournit au Tibet, je suppose qu'elle transite par la Chine. Est-ce que l'aide humanitaire canadienne se rend au Tibet?

[Traduction]

    En ce qui concerne le sixième cycle de négociations, je pense avoir dit qu'elles revêtent une importance cruciale, car au cours des cinq derniers cycles, nous avons réussi à établir sur quoi nos opinions divergent. En ce qui nous concerne, nous sommes déterminés à faire des efforts pour surmonter ces divergences afin de parvenir à une entente. Néanmoins, nous n'espérons pas pouvoir régler nos différends en l'espace d'un ou deux cycles de négociations. Le processus sera malheureusement assez lent. Si les deux parties l'abordent sérieusement, il est normal que cela prenne du temps.
    Sommes-nous optimistes? Je le suis. En fait, je dis toujours que le jour où j'aurais perdu tout espoir, j'aurais la responsabilité morale de démissionner, car par respect pour Sa Sainteté, mon chef, et pour pouvoir continuer à diriger un effort important, si je ne crois plus vraiment dans la voie médiane qu'il préconise et la possibilité de la voir aboutir...
    Cela dit, pourquoi suis-je optimiste? Certainement pas en raison du comportement ou de la position actuelle de mes homologues. Je garde espoir en raison de l'engagement sincère de mon chef, Sa Sainteté. Par conséquent, si vous entendez dire que je ne dirige plus cette mission, vous devrez en conclure que j'ai perdu confiance. Cela ne veut pas dire que le dialogue sera rompu, car Sa Sainteté est déterminée à le poursuivre. Le dalaï-lama désire résoudre ce conflit grâce au dialogue, car la non-violence s'exprime par le dialogue. Quelqu'un d'autre, qui aura peut-être plus d'espoir que moi, reprendra le flambeau.
    La dernière question est importante. Oui, nous savons que la majeure partie de l'argent des contribuables canadiens va vers la Chine et nous commençons à comprendre qu'une petite partie de cet argent semble redirigée vers le Tibet. Nous l'apprécions vivement, car notre situation n'est pas la même que celle des autres organisations internationales. Je ne voudrais pas citer de noms, mais vous savez qu'il y a certains mouvements internationaux pour la liberté dont les dirigeants politiques laissent délibérément la population souffrir et vivre dans des conditions lamentables pour l'inciter à continuer de résister et pour dire au monde entier : « Voyez à quoi nous sommes réduits ».
    Notre attitude a toujours été entièrement différente, car il ne faut pas jouer avec la vie des gens. Par conséquent, pendant que nous négocions, pendant que les Chinois ne nous laissent pas aller au Tibet pour faire quoi que ce soit — même pas pour que Sa Sainteté puisse y créer directement une petite école — nous avons toujours exhorté les organismes internationaux, les gouvernements et même les particuliers à dire tout ce qu'ils peuvent dire pour aider notre peuple, car la véritable marginalisation se produit à l'intérieur du Tibet. Toutes nos négociations visent à mettre un terme à cette marginalisation.
    Si nous disions de ne pas le faire pendant que nous négocions, nous serions hypocrites et nous trahirions notre peuple.
    Par conséquent, nous voulons inciter les gens à nous consulter, mais nous voulions le faire par votre entremise, celle du gouvernement canadien et de vos institutions fédérales. Les gens peuvent nous consulter dans le couloir, dans les cafés, peu importe. Mais si vous voulez vraiment aider les Tibétains, n'écoutez pas le gouvernement chinois de Pékin.
    Il est très important que vous nous consultiez. Nous espérons aussi qu'au moins une partie de cette aide commencera à être distribuée par l'entremise des ONG, car l'aide bilatérale ne doit pas seulement être dirigée vers la Chine. Dans de nombreux pays, une bonne partie de l'aide bilatérale ne rejoint pas vraiment ses destinataires et c'est malheureusement le cas dans une bonne partie du tiers monde. Ce n'est peut-être pas politiquement correct, mais nous aimerions qu'à l'avenir un financement important soit accordé par l'entremise des ONG, qui ont des comptes à rendre, celles dont les livres seront vérifiés et dont les activités peuvent susciter des questions de la part de gens comme vous et nous.

  (1205)  

    Telle est donc notre espoir et nous espérons également pouvoir échanger ces idées avec les membres du gouvernement.
    C'est un témoignage très utile.
    Nous allons maintenant passer à M. Sorenson.
    Je tiens certainement à vous remercier tous les deux de comparaître aujourd'hui devant notre comité. Lorsque nous invitons des gens à comparaître devant un comité, c'est généralement pour différentes raisons. Tout d'abord, c'est parce que le comité veut comprendre la situation. Il veut être informé sur un sujet donné. Il veut savoir ce qui se passe dans votre domaine de compétence et tirer la leçon de votre expérience. Néanmoins, c'est aussi dans le but d'être poussé à agir. Notre comité veut certainement comprendre la situation, mais aussi être poussé à agir. Ce sera sans doute une de mes questions. Quelles mesures voulez-vous que nous prenions? Vous avez déjà mentionné, en réponse à la question de Mme St-Hilaire, que l'engagement des parlementaires avait été assez positif. C'est surtout de là que viennent les initiatives; les gouvernements procèdent parfois un peu plus lentement ou peuvent être hésitants.
    Qu'attendez-vous précisément de notre comité? Le Canada a des liens assez historiques avec les chefs en exil et le pouvoir qu'ils représentent. Néanmoins, lorsqu'on pense à ce qui se passe au Tibet et avec les bouddhistes, il y a certains pays qui... J'ai peut-être tort de le supposer, mais je pense que l'Inde, par exemple, en raison de sa proximité, a été très active à l'égard de la situation au Tibet. J'aimerais donc plus de précisionz au sujet de ce que font ces pays par rapport à ce que nous faisons. Les États-Unis ont protesté très énergiquement auprès des Chinois au sujet des bouddhistes tibétains et des violations des droits de la personne. Certains pays européens...
    Nous avons fait certaines choses; nous avons fait du dalaï-lama un citoyen honoraire de notre pays. Cela a provoqué des discussions. Certains pensent que c'est positif, mais d'autres pensent le contraire. Il y a diverses opinions à ce sujet au Canada et peut-être même au Parlement. Mais que peut faire précisément le gouvernement canadien par rapport aux mesures que prennent les autres pays?
    J'ai une autre question. Vous dites que dans votre dialogue avec la Chine, vous ne voulez pas diriger un mouvement pour l'indépendance. Ce n'est pas ce que vous voulez faire. Vous voulez préserver votre culture, votre langue et ce genre de choses. Mais vous dites aussi que vous voudriez une autonomie locale, un genre de gouvernement local. À quoi ressemblerait ce gouvernement? S'agirait-il d'un gouvernement choisi par votre chef religieux? Suivrait-il certains principes de démocratie? Cette démocratie brillerait-elle comme un phare dans la nuit? À quoi cela ressemblerait-il?
    Cela fait beaucoup de questions.
    Oui, et j'en ai deux de plus.
    Vous plaisantez! Vous n'en avez pas deux de plus?
    Non, allez-y.
    Il nous reste seulement trois minutes et demie pour ce tour.
    Merci beaucoup.
    Encore une fois, nous voudrions en profiter pour exprimer notre gratitude envers l'Inde. Vous en avez parlé. Bien souvent, les gens ne le comprennent pas, mais si l'identité tibétaine est encore vivante aujourd'hui c'est parce que nous avons pu nous réfugier en Inde. Le peuple et le gouvernement indiens nous ont donné largement l'occasion non seulement de survivre, mais de permettre à la culture tibétaine de prospérer.
    Vous avez également mentionné les États-Unis. Le fait est qu'aujourd'hui le Congrès et l'administration des États-Unis ont manifesté énormément d'intérêt et pris des initiatives en faveur du Tibet. Nous l'apprécions énormément. Mais en même temps, nous espérons que d'autres pays feront la même chose, car les Chinois ont également des relations très particulières avec les États-Unis. Lorsque les États-Unis mettent constamment cette question sur le tapis — ce dont nous leur sommes très reconnaissants — cela donne aux Chinois l'occasion de comprendre que ce n'est pas à cause des souffrances du peuple tibétain, mais pour des raisons particulières.
    C'est pour ces raisons que nous avons toujours espéré qu'un pays comme le Canada, qui entretient des relations différentes... Bien entendu, vos relations avec la Chine sont tout à fait nouvelles par rapport aux nôtres qui datent de plusieurs siècles. Les vôtres n'ont commencé que dans les années 70. Mais même bien avant cela, vous aviez des relations diplomatiques et vous vous intéressiez aux relations avec la Chine.
    Ce que nous souhaiterions, c'est peut-être une plus grande coopération, par exemple avec l'Union européenne. Nous faisons de notre mieux pour amener l'Union européenne à nous porter davantage d'intérêt. Comme vous le savez, le Parlement européen est l'une des organisations qui nous soutiennent le plus. En tant que parlementaires vous pourriez peut-être nous aider vous-mêmes, mais aussi en collaboration avec d'autres parlementaires.
    Pour ce qui est du genre d'aide que nous souhaitons, non seulement nous demandons certains droits individuels comme le fait de pouvoir parler le tibétain, mais nous demandons aussi, et c'est garanti par la Constitution chinoise, notre gouvernement autonome tibétain. Ce gouvernement sera-t-il nommé par les chefs religieux? Absolument pas. En fait, nous avons déjà séparé l'Église et l'État. Sa Sainteté a, malgré une vive opposition de la part de certains de nos parlementaires tibétains... Nous avons un petit groupe très dynamique de parlementaires. En fait, ils ont voté à deux reprises contre Sa Sainteté, parce qu'ils estiment que l'État tibétain doit avoir des relations privilégiées avec le bouddhisme tibétain alors que Sa Sainteté s'y est absolument opposée. Les temps ont changé. Il est à la fois plus sain pour l'Église et plus sain pour l'État qu'il n'y ait pas de relation entre eux et les deux sont donc entièrement séparés.
    Ce que nous voulons c'est un gouvernement qui pourra gouverner et qui sera élu par les Tibétains. En fait, Sa Sainteté n'a aucune intention de désigner qui que ce soit. Il reviendra entièrement aux Tibétains de constituer démocratiquement le gouvernement de leur choix.

  (1210)  

    Je suis désolé, mais votre temps est largement expiré. Je vais donc donner la parole à M. Marston.
    Merci, monsieur le président.
    Lorsqu'on vous entend décrire la voie médiane du dalaï-lama alors que 1,2 million de personnes sont mortes, cela nous en dit long sur l'idéologie des gens de votre pays et surtout du dalaï-lama.
    Je dirais au président que nous ne devrions pas sous-estimer la demande ou la suggestion que nous avons entendue plus tôt au sujet d'une motion appuyant la position du dalaï-lama. Il y a certaines subtilités dont il faut tenir compte et c'est pourquoi j'apprécie de pouvoir entendre le message à cet égard.
    Nous avons discuté ici du fait que les Jeux olympiques auront lieu en Chine et que cela pourrait ouvrir certaines portes. Le moins qu'on puisse dire est que la Chine n'a pas des antécédents très louables sur le plan des droits de la personne. Si vous prenez la situation au Tibet, le Falun Gong et, dans notre cas, nous avons un Canadien, M. Celil, qui se trouve là-bas, tout cela nous inquiète beaucoup.
    Quand je pense à Hong Kong et à Taïwan qui entretiennent des relations fragiles avec ce gouvernement, c'est peut-être le mieux que vous puissiez vraiment espérer. C'est presque une question théorique.

  (1215)  

    Encore une fois, vous avez dit, je pense, que les Canadiens devaient rester fidèles à leurs principes. Absolument. La démocratie et la liberté étant certainement vos principes, le Canada doit les défendre. Nous croyons qu'effectivement la démocratie sera le principal instrument de changement en Chine. Mais les gens hésitent. Ils pensent qu'il n'est pas possible de parler de démocratie avec la Chine de crainte de nuire à leurs relations avec ce pays.
    Je pense que certains d'entre nous comprennent mieux la Chine qu'un grand nombre de soi-disant experts que j'ai rencontrés depuis des années que je travaille sur ce dossier. Ils vont faire un rapide voyage en Chine et, à leur retour, ils écrivent un livre qui en fait des experts des questions chinoises. Quant à nous, nous sommes forcés d'être des experts. Nous ne le sommes pas devenus par choix, mais parce que c'est pour nous une question de vie ou de mort.
    La Chine évolue et elle est prête à changer. Je crois qu'il y a actuellement en Chine des millions de gens qui voudraient que leur pays devienne plus libre et démocratique. Je ne serais pas étonné — et en fait je pense pouvoir dire avec certitude, que même parmi les dirigeants chinois, il y en a qui croient que pour devenir forte et prospère, une nation importante, la Chine doit aussi apporter des changements au niveau politique. Il ne suffit pas d'adopter les coutumes occidentales sur le plan économique, qu'elles soient bonnes ou mauvaises — certains pensent qu'elles sont très décadentes, d'autres que c'est merveilleux. Toutefois, ce que la Chine a copié jusqu'ici c'est le système économique. Elle s'est entièrement limitée à cela. Néanmoins, si vous poursuivez les pressions, je pense que la réaction sera surprenante, même de la part des dirigeants qui comprennent que, dans l'intérêt de la Chine, le succès économique ne peut pas survivre sans une libéralisation politique.
    Mais ce n'est pas à nous de prêcher. Je pense que c'est à un grand pays comme le vôtre de défendre ses principes et de ne pas vendre n'importe quoi. Le commerce est une chose merveilleuse, mais nous estimons qu'il y a certaines choses qui ne devraient pas être traitées comme des marchandises. Je crois que ce sont des principes à préserver.
    Très rapidement, lorsque vous avez soulevé la question des Nations Unies, votre dernière observation concernant le commerce est le résultat de l'ingérence des Nations Unies.
    Merci.
    Je pourrais peut-être poser moi aussi une question, avant de terminer.
    Notre Parlement et le gouvernement du Canada ont reçu des critiques, de la part de Canadiens et de la Chine, pour avoir fait le geste symbolique d'accorder la citoyenneté honoraire au dalaï-lama, comme on l'a mentionné. Certains ont fait valoir qu'il s'agissait d'une provocation qui allait à l'encontre des objectifs visés. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de ces critiques à l'égard de ces gestes de solidarité symboliques?
    Oui. Je ne suis pas surpris que vous ayez reçu de telles critiques. Tout d'abord, en tant que Tibétain, je peux vous dire que votre geste nous a envoyé un puissant message d'espoir. Chaque fois que vous faites un tel geste, vous contribuez à la stabilité et à la paix au Tibet. Vous nous donnez espoir. Vous dites au peuple tibétain : « N'ayez pas recours à d'autres méthodes. Poursuivez sur la même voie, car il y a des gens qui respectent toujours la non-violence. Il y a encore beaucoup de gens honnêtes dans le monde qui se soucient de ces questions de principe ».
    En fin de compte, je peux vous assurer que cela a aussi envoyé un message positif aux Chinois. Il est important qu'ils comprennent qu'ils doivent dialoguer avec la personne qui fait l'objet de tant d'admiration, de tant d'amour et de respect de la part de millions de gens. Cela vaut mieux que de leur dire que vous allez fermer les yeux et qu'ils peuvent faire ce qu'ils veulent dans des endroits comme le Tibet.
    Pour conclure, en tant que Tibétain, non pas à titre d'envoyé spécial de Sa Sainteté, mais en tant que Tibétain, je tiens à dire que nous éprouvons un profond sentiment de gratitude. J'ai parlé à quelques Tibétains qui ont fui le Tibet. C'est très important, car ceux d'entre nous qui vivent en liberté ont d'autres moyens de trouver de l'oxygène pour poursuivre leur lutte. Mais les Tibétains qui vivent jour et nuit sous le régime brutal des Chinois ont besoin d'être rassurés un peu. Ils ont besoin d'un message d'espoir. En accordant ce grand honneur à Sa Sainteté, vous avez envoyé aux millions de gens qui vivent sous le régime communiste chinois un message d'espoir. Je tenais vraiment à vous en remercier.

  (1220)  

    Merci. C'est encourageant. Merci à vous deux, monsieur Gyari et monsieur Wangdi.

[Français]

    Nous vous souhaitons un bon séjour au Canada et partout dans le monde.

[Traduction]

    Merci infiniment.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pendant deux minutes pour laisser à nos témoins qui parleront du sujet suivant, Cuba, le temps de s'installer. Je demande à tout le monde de prendre place le plus rapidement possible afin que nous ne perdions pas de temps.

  (1220)  


  (1225)  

    Je voudrais reprendre nos travaux, car nous sommes en retard à cause du comité qui occupait cette salle avant nous.
    Nous reprenons la séance pour passer à la deuxième question à l'ordre du jour de ce matin qui est notre examen de la situation des droits de la personne à Cuba.
    Pour vous citer le contexte, un grand nombre d'entre vous se souviennent sans doute qu'au cours de la législature précédente, le comité a entendu des témoignages et commencé à préparer un rapport sur la situation des droits de la personne à Cuba, mais surtout au sujet des 76 prisonniers politiques. Notre comité a décidé de reprendre les travaux là où il les avait laissé avant la dissolution du Parlement. Pour ce faire, nous avons invité des témoins pour nous mettre au courant de ce qui s'est passé depuis nos dernières audiences sur Cuba.
    Nous recevons Christina Warren, de la Fondation canadienne pour les Amériques. Nous accueillons aussi Brian Dijkema de la Christian Labour Association of Canada, ainsi que Ian De Waard, également de la CLAC.
    La parole est à vous en commençant par Mme Warren.
    C'est avec grand plaisir que je présenterai au comité un bref aperçu général de la situation des droits de la personne à Cuba, ainsi que quelques recommandations concernant la politique du Canada à l'égard de Cuba.
    Cuba est dirigée par un gouvernement non démocratique qui réprime pratiquement toutes les formes de dissidence politique. Le régime Castro qui est maintenant au pouvoir depuis 47 ans, ne manifeste aucun désir d'envisager le moindre mouvement en faveur d'une ouverture politique ou économique. La dégradation de l'état de santé de Fidel Castro et sa proclamation du 31 juillet où il a délégué ses pouvoirs à son frère Raoul Castro et six autres dirigeants en attendant sa guérison, nous rappellent que de profonds changements pourraient survenir à Cuba. Il y a actuellement des plans en cours à l'intérieur de l'île pour que la succession au régime de Fidel Castro se déroule sans heurts.
    Étant donné les événements récents, on peut se demander ce qu'il adviendra du prochain régime qui aura sans doute Raoul Castro à sa tête. Il est difficile de prédire combien de temps il pourra se maintenir au pouvoir après le décès de Fidel, mais comme les variables qui entreront en jeu à ce moment-là seront très complexes et très nombreuses, toute prédiction est forcément risquée.
    Les experts prédisent une certaine ouverture économique, mais il n'est pas non plus difficile d'imaginer que ce scénario s'accompagnera d'une poursuite des graves violations des droits civils et politiques si le régime révolutionnaire cherche à maintenir son monopole politique malgré l'accroissement de l'activisme de l'opposition cubaine déterminée à assurer une transition non violente vers la démocratie.
    Pour le moment, le gouvernement cubain continue de faire respecter son régime politique en recourant aux poursuites pénales, aux incarcérations à long terme et à court terme, au harcèlement, à la surveillance policière, à la supervision, à la détention à domicile, à l'interdiction de voyager et aux congédiements pour raisons politiques. Tout cela a pour résultat de priver systématiquement les Cubains du droit fondamental à la liberté d'expression, d'association, d'assemblée, du droit à la vie privée, de la liberté de mouvement et de l'application régulière de la loi. Les structures légales et institutionnelles sont à la source des violations des droits qui sont commises à Cuba et le Code pénal cubain sert de base à la répression de la dissidence. La presse écrite et électronique est sous le contrôle du Parti communiste.
    Dans un rapport de juillet 2005, la Commission cubaine des droits de l'homme et de la réconciliation nationale, un groupe local respecté de défense des droits de l'homme, a signalé l'existence de 306 détenus incarcérés pour des raisons politiques. Sur les 75 dissidents politiques, journalistes indépendants et défenseurs des droits de la personne qui ont fait l'objet d'un procès sommaire suite aux mesures de répression que le gouvernement a prises en avril 2003, plus de 60 sont toujours détenus et purgent une peine de durée moyenne de près de 20 ans.
    En plus de ces graves restrictions politiques, les Cubains doivent faire face à d'importantes restrictions économiques. Fidel Castro a lancé une campagne énergique pour annuler les timides réformes économiques qu'il s'était senti obligé d'apporter au milieu des années 90 après l'effondrement de l'Union soviétique, le partenaire et le maître de Cuba. Pour faire face à la crise, Castro avait ouvert la porte à l'investissement étranger et permis aux Cubains de créer des petites entreprises privées. Néanmoins, le secteur très limité de l'entreprise indépendante se rétrécit de plus en plus au fur et à mesure que le gouvernement Castro s'éloigne de l'économie de marché.
    Au milieu des années 90, il y avait 240 000 entrepreneurs autorisés à exploiter un restaurant ou un café à domicile, à travailler comme homme à tout faire ou comme esthéticienne. Leur chiffre est maintenant tombé à 140 000. Cet éloignement de l'économie de marché est facilité par une alliance économique très lucrative avec Hugo Chavez, le président du Venezuela, qui fournit du pétrole à bas prix en échange de l'expertise cubaine dans des domaines comme la santé et la sécurité, de même que par des prêts avantageux consentis par la Chine. Grâce à ces relations, au début de l'année, M. Castro a déclaré officiellement que la crise économique postsoviétique était terminée.
    Même si Castro a annoncé la fin de la crise économique à Cuba et si son gouvernement a continué à consacrer des ressources importantes au généreux régime d'avantages sociaux, diverses études récentes faites par des sociologues et des économistes cubains décrivent une société où la pauvreté est en augmentation, où il y a de plus en plus d'inégalité entre les classes sociales et les régions, où l'accès aux services publics et aux débouchés économiques est inéquitable et où la société est en train de se stratifier de nouveau en fonction de la race et du sexe.
    Les auteurs ont décrit les problèmes auxquels sont confrontés les services sociaux cubains, y compris la dégradation des programmes de soins de santé et d'éducation, la réduction des pensions et de leur valeur réelle, ainsi qu'une augmentation régulière du déficit de logements en raison du très faible taux de construction domiciliaire et de la destruction d'une partie des logements existants faute d'entretien.

  (1230)  

    Le taux de pauvreté à La Havane, défini comme le manque de revenu suffisant pour répondre aux besoins de base sur le plan de l'alimentation et des services essentiels, a été estimé à un pourcentage conservateur de 20 p. 100 de la population de la ville pour la période de 2001 à 2003.
    La croissance de la pauvreté et de l'inégalité à Cuba contredit le discours officiel du gouvernement concernant l'égalité et la solidarité sociale et contribue à mettre en doute le modèle cubain ainsi qu'à une démoralisation généralisée dans le pays. Ces facteurs, associés au décès imminent de Fidel Castro, ouvrent la porte à une nouvelle période de l'histoire cubaine.
    La Fondation canadienne pour les Amériques estime que le moment est venu pour le Canada de renouveler et de réviser sa politique à l'égard de Cuba de façon à empêcher activement et efficacement la consolidation d'un nouveau régime communiste à Cuba et de jeter les bases d'un scénario de changement fondé sur une démocratisation pacifique venant de l'intérieur, la prospérité économique, un développement social durable et la réconciliation entre les Cubains.
    Pour ce faire, le Canada devrait explorer les moyens de coopérer davantage avec d'autres membres clés de la communauté internationale, y compris les États-Unis, de façon à atteindre ces objectifs. Les pressions trop énergiques en faveur du changement risquent d'avoir l'effet contraire alors que des suggestions respectueuses, mais fermes pour une ouverture démocratique et le respect des droits de la personne, accompagnées d'une promesse d'aide économique généreuse et d'assistance technique reliée à une véritable ouverture politique une fois que Fidel Castro quittera la scène, donneront sans doute des résultats. Autrement dit, il faudrait appliquer à la fois la carotte et le bâton pour inciter Cuba à se diriger graduellement vers un changement politique et économique positif et un véritable dialogue.
    Pour vraiment exercer une influence, il faudra créer les conditions voulues pour que le changement politique soit considéré comme la possibilité d'améliorer les conditions d'existence de la majorité.
    Merci.

  (1235)  

    Merci beaucoup, madame Warren, pour ce témoignage très pertinent.
    Nous allons maintenant passer à la Christian Labour Association of Canada. Je ne sais pas lequel d'entre vous va prendre la parole, mais allez-y.
    Merci, monsieur le président, et merci aux membres du comité de nous avoir invités. C'est avec plaisir que nous sommes revenus vous voir. Comme le président l'a mentionné tout à l'heure, c'est la troisième fois que nous rencontrons le comité, ou son prédécesseur, et nous nous réjouissons de votre nouvelle invitation.
    La première fois, nous avons notamment parlé de nos inquiétudes à l'égard de neuf membres d'un syndicat cubain indépendant appelé le CUTC ou Consejo Unitario de Trabajadores Cubanos, qui regroupe des travailleurs cubains indépendants. Neuf d'entre eux étaient en prison.
    Nous allons vous parler du rôle que nous jouons à l'égard de la situation des droits de la personne à Cuba. Nous allons examiner brièvement les relations du Canada avec Cuba et, suite à nos deux réunions antérieures, nous allons vous faire quelques suggestions qui, nous l'espérons, seront suffisamment concrètes pour permettre au comité de recommander à la Chambre ou aux autorités en place de réexaminer et de modifier la politique du Canada à l'égard de Cuba.
    Pour commencer, la situation des droits de la personne à Cuba ne s'est pas améliorée depuis notre dernière réunion en novembre. La vague de répression qui a déferlé en mars et avril 2003, au cours de laquelle 75 Cubains ont été arrêtés pour des raisons comme leur appartenance à un syndicat ou leur association avec des journaux indépendants, se poursuit. Comme Christina a mentionné, 60 d'entre eux sont toujours en prison et d'autres personnes ont été arrêtées depuis.
    Comme nous l'avons mentionné, parmi les personnes arrêtées à l'époque il y avait des membres du CUTC. Non seulement ils ont été arrêtés et jugés lors de procès qui ont duré deux jours, sans l'aide d'un avocat indépendant et sans que des diplomates étrangers ou des journalistes soient autorisés à suivre les délibérations, mais ils sont incarcérés dans des prisons qui se trouvent souvent loin de leur famille et de leurs collègues, ce qui rend les visites et la communication difficiles. Les Nations Unies, Amnistie Internationale et un certain nombre d'autres groupes ont reconnu et déploré ces conditions d'incarcération et toutes ces difficultés. Nous disons ici que le cas du CUTC n'est qu'un des exemples de la situation déplorable des droits de la personne à Cuba.
    Cela ne se limite pas aux droits individuels. Les droits des travailleurs de Cuba, qui bien entendu nous préoccupent aussi beaucoup, ne sont pas reconnus. Les syndicats indépendants ne sont tout simplement pas autorisés. En fait, Amnistie Internationale a laissé entendre que toute organisation indépendante qui n'est pas parrainée par l'État est interdite. Cela nous préoccupe vivement. Les Cubains qui travaillent et qui ne sont pas d'accord avec le gouvernement sont souvent congédiés ou rétrogradés et incapables de trouver un autre emploi. À Cuba, on ne peut trouver un emploi que par l'entremise des agences d'emploi d'État et, comme le gouvernement canadien l'a mentionné dans son guide pour faire des affaires à Cuba, ces agences sont payées 500 $ par mois par l'entreprise qui a des activités à Cuba tandis que l'employé ne touche que 25 $, c'est-à-dire 5 p. 100.
    Le Canada applique depuis longtemps une politique d'engagement constructif. Cette politique vise à exporter à Cuba les valeurs canadiennes, y compris le respect des droits de la personne, en plus, bien sûr, des avantages mutuels qui découlent du commerce.
    Dans cette partie de mon exposé, je vais aborder très rapidement les relations du Canada avec Cuba et vous faire part de nos suggestions à cet égard.
    En 2005, nos échanges commerciaux avec Cuba atteignaient une valeur de 1 milliard de dollars. Cela nous place au deuxième rang des pays exportateurs et au sixième rang des pays importateurs pour ce qui est de Cuba. Comme Christina l'a également mentionné, nous nous classons derrière le Venezuela et des pays comme la Chine. Il était intéressant d'entendre ici ce matin le rapport sur la Chine. Le Canada est aussi l'un des deux principaux pays donateurs pour Cuba. L'autre pays est l'Espagne. Nos projets à Cuba portent sur la modernisation de l'État. Il s'agit de la modernisation de l'administration fiscale et des programmes d'infrastructure. Nous consacrons également de l'argent au développement participatif.
    Il vaut la peine de souligner ici que 8 millions de dollars sont consacrés à la modernisation de l'État. Cela touche l'infrastructure fiscale, l'infrastructure de l'information, etc., alors que la somme consacrée au développement participatif, qui est en principe dirigée vers les ONG de Cuba, est de moins de 1 million de dollars. Nous ne savons d'ailleurs pas exactement si ce financement continue depuis 2003. L'ACDI n'a pas de renseignements à ce sujet et nous ne pouvons pas en obtenir.

  (1240)  

    Les objectifs visés sont la sécurité alimentaire et le développement participatif au moyen de l'éducation populaire et de projets pilotes, grâce à une plus grande collaboration entre les ONG canadiennes et cubaines. Le problème, bien entendu, est que les ONG cubaines ne sont pas autorisées à exister comme l'ont dit Amnistie Internationale et d'autres groupes. Elles ne sont pas légalement autorisées à exister.
    Le fait que le Canada a poursuivi ses relations avec Cuba malgré les répressions de 2003 ont amené certaines personnes... Par exemple, à notre dernière réunion, l'honorable Ed Broadbent a qualifié la politique canadienne d'euphémisme — c'est ce qu'il a dit — en cachant le fait « qu'il y a une absence totale de droits civils et politiques à Cuba ».
    CLAC est convaincue de la validité de cette affirmation. Le fait est que, depuis 2003, depuis cette répression, le Canada a augmenté de 65 p. 100 ses échanges commerciaux avec Cuba. C'est ce qu'un représentant du gouvernement, M. Pettigrew, a déclaré publiquement, mais aucun des principaux journaux n'en a parlé.
    Ce que nous disons ici c'est que la politique du Canada à l'égard de Cuba est un euphémisme si l'on tient compte de la façon dont Cuba respecte les droits de la personne dans le contexte de la situation politique et institutionnelle de ce pays. Cela devient de plus en plus embarrassant. Nous espérons que le comité va commencer à travailler à l'élaboration d'une politique qui sera plus efficace à cet égard.
    Nous avons un certain nombre de suggestions à formuler. Une question qui a été soulevée à la suite de nos dernières réunions était celle de savoir si la Christian Labour Association of Canada allait ou non faire des suggestions politiques. Nous en formulons un certain nombre. Si vous le permettez, je voudrais les passer brièvement en revue, afin de donner au comité matière à réflexion et en espérant qu'il en tiendra compte dans son rapport.
    Tout d'abord, nous suggérons de souligner, dans une déclaration publique, qu'il y a toujours 60 prisonniers d'opinion dans les prisons cubaines. Nous voudrions que le gouvernement canadien ne se contente pas d'un petit communiqué ou d'une conversation avec Reuters. Nous voulons qu'il se serve régulièrement de la voie diplomatique ou d'autres voies pour inciter le gouvernement cubain à libérer ces personnes et à reconnaître les organisations indépendantes telles que les syndicats.
    Une des difficultés que pose la politique canadienne d'engagement constructif est qu'il n'y a pas de mesures permettant d'établir si notre politique est efficace ou non. Il n'existe aucun système d'évaluation qui nous permette de dire que notre engagement est réellement constructif. Comme je l'ai déjà dit, nous nous engageons sans savoir si ce que nous faisons atteint le but visé, en augmentant le respect pour les droits de la personne et en renforçant la société civile, le bon gouvernement et la justice à Cuba.
    Nous suggérons notamment que le comité travaille avec différents ministères à l'établissement d'une série de mesures objectives grâce auxquelles les Canadiens qui s'intéressent à Cuba pourront exiger des comptes du gouvernement et de notre politique à cet égard.
    En troisième lieu, nous suggérons d'établir dans quelle mesure nous sommes prêts à tolérer les violations des droits civils et politiques avant de modifier notre politique. Là encore, l'engagement constructif pose un problème, car nous n'avons aucune idée de la mesure dans laquelle nous pouvons tolérer les violations des droits de la personne à Cuba avant de commencer à modifier la politique canadienne. CLAC croit que 75 violations, dont le nombre continue d'augmenter, sont déjà beaucoup trop. Nous voudrions un point de référence plus bas et que le Canada prenne des mesures à cet égard.
    Nous voudrions aussi une réorientation de l'investissement à Cuba. L'investissement de l'ACDI est centré sur la modernisation de l'État et le développement social. Il sert surtout à financer l'éducation et les soins médicaux. Comme nous l'avons mentionné, les ONG cubaines ne reçoivent qu'une très faible partie de cet argent. En fait, je dirais que les ONG cubaines n'existent pas, si bien qu'elles ne reçoivent pas d'argent.

  (1245)  

    Nous espérons une réorientation totale des fonds d'aide et de développement. Pour le moment, notre argent finance des projets cubains qui servent à atténuer les critiques formulées, dans les communiqués des Nations Unies et ailleurs, au sujet des violations des droits de la personne commises contre les syndicalistes et d'autres gens. Nous investissons beaucoup dans le développement social, la santé, et l'éducation à Cuba, mais le gouvernement cubain en profite pour dire: « Les choses vont bien chez nous et nous avons fait des progrès à ces différents niveaux ». Pendant ce temps, on ne fait pas mention des droits des individus, des communautés et des organisations qui cherchent à favoriser le dialogue et le renouveau démocratique ou la démocratie à Cuba.
    Enfin, le Canada a une série de programmes d'échanges avec le gouvernement cubain, les autorités cubaines, les avocats, etc. Nous voudrions que le gouvernement canadien fasse venir au Canada des groupes dissidents non gouvernementaux, y compris le CUTC et d'autres personnes et groupes. Nous ne devrions pas avoir d'échanges avec un gouvernement qui refuse de reconnaître les droits de ses citoyens et qui viole régulièrement le droit d'exister des organisations.
    Et je m'arrêterai là, monsieur le président et membres du comité.
    Merci beaucoup et vous êtes exactement dans les temps.
    Je voudrais une précision avant que nous ne commencions les questions. Vous avez dit qu'il y avait 60 prisonniers politiques à Cuba. Voulez-vous dire que sur les 75, il y en a 60 qui sont toujours en prison?
    Oui, c'est exact.
    Il y a sans doute d'autres prisonniers politiques en plus de ces personnes.
    Oui, il y en a eu d'autres depuis 2005.
    Très bien.
    Monsieur Silva.
    Merci beaucoup pour votre exposé.
    Comme vous l'avez mentionné, la politique du Canada, qui est une politique d'engagement constructif, est censée inclure le respect des droits de la personne grâce à des engagements sur le plan de l'économie et du développement culturel. Cette orientation politique va parfois, comme vous l'avez dit, je crois, à l'encontre de nos objectifs en ce qui concerne l'argent que nous donnons par l'entremise de l'ACDI. Si les programmes de l'ACDI mettent l'accent sur deux priorités, à savoir la modernisation du gouvernement et le développement local, comme vous l'avez déclaré dans votre exposé, le gouvernement s'en sert parfois pour dire que les choses vont relativement bien.
    Comment pouvons-nous réorienter ces programmes? Comment nous assurer que les programmes et le travail de l'ACDI atteignent effectivement les objectifs concernant les droits de la personne et que cela devienne davantage une priorité?
    Cette question m'est-elle adressée?
    Elle pourrait s'adresser à vous, en effet.
    Le problème est que, pour le moment, il n'y a pas d'ONG indépendante à Cuba. Si nous voulons savoir quelle est l'efficacité de notre politique à cet égard, je crois que le Canada doit jouer un rôle prépondérant, comme il l'a fait avec la Chine. Il doit reconnaître les dissidents et le faire publiquement afin de les soutenir. Si le gouvernement cubain n'est pas prêt à tolérer notre soutien aux organisations indépendantes comme le CUTC, il faudra également réfléchir aux mesures à prendre à cet égard.
    Le problème vient de ce que le gouvernement canadien ne semble avoir aucune carte entre les mains pour le moment. Nous avons des relations avec Cuba sans pouvoir exercer une influence quant à l'utilisation qui est faite de cet argent. On nous dit qu'il finance des ONG, mais ces dernières ne sont pas reconnues officiellement à Cuba. Par conséquent, la solution que nous suggérons — et c'est bien entendu très difficile — est de commencer par reconnaître les organisations indépendantes comme le CUTC. C'est par là qu'il faudrait commencer.
    Vous dites, je suppose, que nos programmes n'ont pas atteint leur objectif, surtout sur le plan des droits de la personne. Il est également difficile d'établir quelle est la meilleure solution, car la stratégie des États-Unis, par exemple, qui est d'isoler Cuba, a nui au développement de la société civile et de la démocratie. Cette stratégie n'est pas efficace. Il semble que la nôtre ne le soit pas non plus. Quelle est la meilleure solution pour faire respecter les droits de la personne dans ce pays?

  (1250)  

    Je suis d'accord avec vous pour dire que rien ne marche. Voilà le problème.
    Il est toutefois clair qu'un changement historique est sur le point de se produire à Cuba. Est-ce que ce sera dans quelques mois, dans une année ou dans quelques années? Personne ne le sait. Nous entendons dire depuis longtemps que Fidel Castro est malade et vieillissant et qu'il quittera bientôt la scène politique, mais c'est en train de se produire réellement.
    Le Canada ne peut pas faire grand-chose pour le moment étant donné le contexte sur le terrain. Je suis d'accord pour dire que, pour une simple question de principe, il devrait affirmer ses principes démocratiques de façon plus énergique et expliquer respectueusement aux Cubains qu'il existe d'autres modèles, y compris le nôtre, qui ne sont pas le modèle américain, mais des systèmes capitalistes démocratiques qui sont également progressistes sur le plan social. C'est ce que les Cubains souhaitent vraiment. En tout cas, chez nous, c'est viable du point de vue économique.
    Nous devrions certainement nous affirmer, mais il faut bien se dire que nous ne pouvons pas espérer beaucoup de changement pour le moment tant que Fidel Castro restera au pouvoir.
    Nous devrions faire beaucoup de travail préparatoire pour planifier l'important changement qui va se produire et essayer d'orienter ce changement dans une direction positive. Une des principales recommandations que je ferais est d'essayer de mettre au point une stratégie concertée avec la communauté internationale. Il serait notamment souhaitable de pouvoir présenter une carotte dorée pour amener les réformateurs potentiels de Cuba à prendre les mesures que nous souhaiterions les voir prendre.
    Merci.
    Vous avez répondu à certaines des questions que je voulais poser, mais je pourrais peut-être parler du système judiciaire et de la façon dont il fonctionne. Comme vous l'avez dit, il y a environ 75 dissidents politiques qui ont été arrêtés depuis le printemps 2003. Comment sont-ils traduits en justice? Comment le système judiciaire fonctionne-t-il et comment pouvons-nous exercer une influence sur la magistrature? En fait, si nous avons des relations avec eux, ne devrions-nous pas essayer de voir si nous ne pouvons pas les aider? Si nous réformons leur fiscalité, pourquoi ne pas essayer de réformer également leur système judiciaire?
    Je suis très pessimiste quant au genre de réformes qui pourraient avoir lieu actuellement dans le système judiciaire. Je ne suis pas certaine que ce soit possible et je ne pense pas qu'il y en aurait beaucoup. Nous pourrions jouer un rôle plus efficace en aidant à faire connaître l'existence de ces dissidents pour légitimer leur action.
    Je ne sais pas si Brian a quelque chose à ajouter.
    Au cours de mes entretiens avec les autorités gouvernementales, j'ai cru comprendre qu'il y avait eu des échanges qui ont permis à des juges cubains de venir au Canada observer comment fonctionne notre système. On espère, bien sûr, que de retour à Cuba, cette expérience aura une influence sur le fonctionnement du système judiciaire. C'est un objectif honorable et louable, et j'espère qu'il sera atteint. Le problème, bien entendu, c'est que le cas des 75 personnes qui ont été arrêtées depuis ne semble pas témoigner du succès de ces échanges étant donné que les procès ont duré un jour ou deux et se sont déroulés en l'absence d'avocats et à l'insu du public.
    Ces échanges ont lieu et voilà pourquoi nous disons que si le Canada poursuit cette politique, il y a tout un éventail de mesures qu'il pourrait prendre et cela va de l'embargo à l'américaine ou même pire à l'engagement total avec Cuba sans aucune critique.
    Si nous n'avons aucun repère pour mesurer notre efficacité... Par exemple, si nous ne sommes pas prêts à suggérer au moins que les procès aient lieu en public ou à ce que les accusés soient défendus par des avocats reconnus, ou même à ce que des accusations soient portées contre eux, nous n'avons rien sur quoi baser notre décision de poursuivre ces échanges avec les juges et les avocats ou d'y mettre un terme.

  (1255)  

[Français]

    Je vais maintenant donner la parole à Mme Bourgeois, du Bloc québécois. Bienvenue chez nous, madame.
    Merci de me reconnaître, monsieur le président. Je l'apprécie énormément.
    Madame et messieurs, bonjour.
    Je trouve assez particulières les demandes que vous faites aujourd'hui concernant des déclarations publiques sur les 60 prisonniers qui sont actuellement incarcérés à Cuba.
     Avez-vous demandé au Canada ou aux États-Unis de libérer les cinq Cubains qui ont été condamnés à l'emprisonnement? Avez-vous fait des démarches concernant ces cinq Cubains qui sont incarcérés aux États-Unis sans raison évidente? Avez-vous fait de telles démarches?

[Traduction]

    Voulez-vous savoir si nous avons fait quelque chose au sujet des cinq Cubains prisonniers à Cuba?

[Français]

    Ma question concerne les cinq Cubains qui sont incarcérés aux États-Unis sous, pratiquement, aucun prétexte.

[Traduction]

    C'est une excellente question.
    Si vous le permettez, nous nous préoccupons du CUTC et des syndicalistes indépendants de Cuba. Les États-Unis ont peut-être commis des actes répréhensibles, je l'ignore car je n'ai pas enquêté à ce sujet. Quant à avoir si l'arrestation de ces cinq personnes légitime l'arrestation de 60, 75 autres ou plus, et la répression continue à Cuba, c'est une autre question. Même si ces cinq personnes ont été arrêtées sans motif et ont été détenues sans qu'aucune accusation ne soit portée contre elles aux États-Unis — et c'est une chose que j'ignore, madame, car je n'ai pas enquêter sur ce dossier et je n'ai aucune affiliation avec eux — je ne crois pas que ce soit une raison pour nous empêcher de critiquer Cuba pour avoir arrêté et emprisonné ces 60 personnes. Je crois que le gouvernement cubain se sert des arrestations qui ont été faites aux États-Unis pour détourner l'attention de ses violations des droits de la personne.
    Madame, si les États-Unis ont mal agi à cet égard, je m'attends à ce que les autres pays les critiquent. Si le Parlement veut former un comité ou un sous-comité pour étudier la question, je crois que c'est là qu'il faudrait l'examiner.

[Français]

    Je trouve assez particulière votre demande d'aujourd'hui. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a un embargo américain sur Cuba actuellement.
    Savez-vous que Cuba ne peut faire de commerce avec les États-Unis depuis une quarantaine d'années? Êtes-vous au courant de cette situation?
    Oui.
    Êtes-vous au courant que Cuba se protège actuellement, justement, contre toute intrusion américaine dans son territoire? Êtes-vous au courant de cela?

[Traduction]

    Voulez-vous dire que l'arrestation de...

[Français]

    Non.
    Je veux dire que je trouve particulière la démarche que vous faites auprès du comité aujourd'hui. Il faut tenir compte du fait que Cuba essaie de se défendre depuis 40 ans. Il ne peut faire de commerce avec d'autres nations. Seuls les pays communistes et le Canada ont accepté d'aider Cuba.
    Le Canada fait du commerce avec Cuba. Heureusement, il a envoyé des gens là-bas qui avaient de l'expertise et de l'expérience. C'est ce qui a aidé la population cubaine. Cuba a les meilleurs médecins au monde et un très bon système d'éducation. La seule chose qui manque, c'est de l'argent. Si les États-Unis levaient l'embargo, peut-être que cela les aiderait.
    Vous pourriez peut-être faire des pressions auprès des États-Unis pour qu'ils reconnaissent une certaine liberté à Cuba.

  (1300)  

[Traduction]

    Madame, je trouve cette affirmation très intéressante, car Cuba fait du commerce avec des pays autres que les pays communistes. Il commerce avec l'Espagne. Il commerce avec de nombreux pays d'Europe et d'autres pays d'Afrique.
    Je reconnais que l'embargo américain a causé beaucoup de difficultés au peuple cubain. Notre syndicat ne demande pas un embargo. Néanmoins, il s'agit de voir si l'embargo se traduirait par... Vos questions semblent sous-entendre que l'embargo est directement relié à l'arrestation de ces 60 personnes. Je trouve cela inconcevable. Désolé d'être aussi agressif, mais notre syndicat n'est pas d'accord avec l'embargo américain.
    Nous voulons la libération de ces 60 personnes, et surtout des neuf personnes qui cherchent à faire ce que les Canadiens font régulièrement, et c'est créer des organisations indépendantes qui défendent les droits du peuple cubain.
    Si le gouvernement cubain limite et viole les droits de sa population, s'il veut en attribuer la responsabilité aux Américains, ce n'est pas justifiable. Nous disons que ces neuf personnes doivent être libérées, que les 60 détenus doivent être libérés. Les prisonniers d'opinion qui ont été inscrits sur la liste des Nations Unies, de Amnistie Internationale, de Human Rights Watch, de Freedom House et de nombreuses autres organisations, y compris dirais-je des confédérations ouvrières, de la CISL, qui est une organisation plus socialiste, ont aussi critiqué Cuba à cet égard.
    Voilà ma réponse.

[Français]

    En terminant, monsieur, quand j'ai entendu madame dire tout à l'heure que la situation pourrait s'améliorer s'il y avait des changements, notamment...
    On sait que Fidel Castro n'est pas tellement bien et qu'il est âgé, mais à Cuba, il n'y a pas que des Fidel Castro, il y a aussi des gens qui sont très sensés, tout comme Fidel Castro. On n'a qu'à penser à Ricardo Alarcón, qui a une bonne tête sur les épaules. On n'a qu'à penser au gouvernement, aux députés qui représentent le peuple et qui défendent leur liberté. Ce sont des gens qui veulent que leur peuple avance. Il y a aussi leur dernière trouvaille, entre autres: parce que personne ne voulait les aider, ils ont quand même réussi à acheter des choses de certains pays. Ils veulent être aidés.
    Je comprends que des gens sont incarcérés, mais avant de venir ici nous parler de droits humains, il faudrait peut-être penser que si ce gouvernement avait reçu de l'aide depuis les 40 dernières années, il ne serait peut-être pas rendu, justement, à observer minutieusement tout ce qui se passe dans son pays, dans le but de se protéger.
    Merci, monsieur le président.
    Voulez-vous répondre?

[Traduction]

    Ce sera très bref.
    Je crois que nous devons nous pencher sur la situation actuelle et future et non pas sur le passé. L'embargo est en place. On peut le critiquer à bien des égards. J'aimerais qu'il soit levé. Mais que pouvons-nous y faire?
    Il serait utile que le Canada travaille avec la communauté internationale, y compris les États-Unis. Ces derniers seraient prêts à adoucir leur politique si Cuba prenait certaines mesures, par exemple en libérant les prisonniers politiques. Il n'est pas possible de tout obtenir en même temps, mais il pourrait au moins y avoir un mouvement progressif dans la bonne voie. Le Canada devrait s'y employer activement.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Obhrai.
    Merci beaucoup d'être venus.
    Une chose m'intrigue. Vous avez parlé d'une grosse carotte et nous avons parlé de la politique d'engagement du Canada qui fait maintenant l'objet de critiques. Personnellement, je considère qu'il s'agit de deux choses distinctes. Par exemple, en ce qui concerne l'incarcération de syndicalistes et de tous ces gens, je crois qu'effectivement nous devons protester et dire que c'est inacceptable. C'est une violation du droit à la liberté d'expression et des valeurs fondamentales que nous avons au Canada. En ce qui concerne la liberté d'expression, nous devons en parler aux Cubains et leur dire que nous protestons.
    Voyons maintenant le deuxième aspect de la question, c'est-à-dire la politique d'engagement et l'embargo des États-Unis qui a isolé Cuba et le fait que Fidel Castro est au pouvoir depuis 40 ans sans que personne n'ait pu rien faire pour l'en chasser. J'aimerais savoir une chose. Si nous suivons la voie que vous suggérez, combien d'ONG travaillent à Cuba? Si nous durcissons notre politique vis-à-vis de Cuba, les ONG ne seront sans doute plus autorisées à y aller. Les ONG sont le meilleur espoir que le peuple cubain ait d'améliorer ses conditions de vie dans le contexte du manque de liberté. Si nous... Je voudrais savoir ce que vous en pensez étant donné que vous êtes une ONG. Quel rôle jouez-vous dans la vie des Cubains?
    Oubliez l'aspect gouvernemental. Je viens de parler du gouvernement et de ce que nous voulons faire. Mais en tant que société civile, dans quelle mesure participez-vous à la vie quotidienne des Cubains? Qu'arrivera-t-il si vous devenez persona non grata à Cuba et si vous ne pouvez plus y aller. Il s'agirait de voir à quel point nous pouvons nous engager. De votre point de vue, et non pas du point de vue des prisonniers politiques, qu'avons-nous à y gagner? Êtes-vous prêts à adopter la ligne dure au point où le processus d'engagement échouera et où les ONG ne pourront plus entrer dans ce pays pour y apporter des changements?

  (1305)  

    Je peux seulement parler du point de vue d'un syndicat affilié au mouvement syndical international. La porte nous est déjà fermée. Nos collègues de cette organisation et des autres organisations européennes se sont fait refouler à leur arrivée. Nous ne pouvons pas entrer à Cuba et je suppose que c'est le cas des autres organisations comme la nôtre, qu'elles fassent partie du mouvement syndical ou d'un autre mouvement. Je ne sais pas si cela créerait le problème dont vous parlez. Je pense que ce problème existe déjà à bien des égards.
    Pour revenir sur ce que vous avez dit, il est important de reconnaître que le Canada a déjà d'excellentes relations avec Cuba, avec le peuple cubain et la nation cubaine. Nous avons fait là-bas des choses formidables et nous avons la possibilité de réaliser des grandes choses. Je crois que ces bonnes relations doivent nous servir de point de départ. Nous devrions gentiment demander à M. Castro et à ses partisans, comme le ferions pour d'autres organisations avec lesquelles nous avons des relations fraternelles, de rendre des comptes dans les domaines où il y a eu des violations flagrantes des droits, par exemple pour ces neuf personnes et les 60 autres qui sont toujours en prison. Sauf erreur, le Canada l'a fait en 1997, lorsque M. Chrétien a demandé publiquement des comptes à M. Castro, comme un bon ami doit le faire. C'est le genre de relations que nous avons avec Cuba.
    Il est important que le Canada entretienne ces relations. Nous ne demandons pas que le Canada abandonne Cuba. Nous pensons qu'un embargo à l'américaine serait une façon déplorable de mettre un terme à nos relations. Nos relations sont bonnes, nous continuons à faire du commerce avec Cuba et à y investir des fonds fédéraux. Nous pourrions en profiter pour dire, en tant que partenaire, que nous allons poursuivre nos relations, mais que nous devons mettre en place certains objectifs que Cuba doit atteindre pour continuer de recevoir l'argent et les échanges commerciaux que le Canada lui apporte depuis 30 ans.
    Je crois que M. Sorenson voulait partager son temps, monsieur Obhrai.
    Tout ce que je vous dis, c'est qu'il y a une limite à ce que nous pouvons accepter pour avoir les bonnes relations, les bons amis dont vous parlez. Nous ne voulons pas que notre amitié prenne une tournure négative et que nous perdions de vue notre objectif qui est d'aider la population cubaine.

  (1310)  

    Monsieur Sorenson, voulez-vous la parole afin de pouvoir profiter un peu de vos sept minutes?
    J'ai une brève question suite à ce que vous avez dit.
    Vous venez de mentionner que le Canada avait de bonnes relations avec Cuba, que nous avons fait du commerce avec ce pays, que nous avons développé des marchés et que vous voulez que cela continue. Néanmoins, madame Warren a dit que nous devons brandir une carotte dorée devant Cuba. Si les relations sont déjà bonnes, à quel point faut-il dorer cette carotte? Que devons-nous faire de plus?
    Je ne suis pas convaincu qu'on résoudra le problème en y consacrant davantage d'argent. Dans ce genre de pays où le gouvernement ne semble pas avoir beaucoup de considération pour la société civile, je ne suis pas certain que le Canada en obtienne vraiment pour son argent.
    Il est facile de venir nous dire de brandir une carotte dorée, mais de quoi parlez-vous? Parlez-vous de doubler l'aide que nous avons apportée?
    Je parle de mobiliser l'aide au niveau international, disons avec la Banque mondiale, la Banque de développement ou la Banque interaméricaine de développement et avec d'autres pays comme l'Espagne. Voyons comment nous pouvons mobiliser des appuis pour constituer un programme d'aide. Je ne parle pas seulement d'argent, car la carotte dorée peut être constituée en partie d'une assistance technique. Il s'agit surtout d'apporter la sécurité et de laisser entendre qu'il existe une meilleure façon d'aller de l'avant et que nous apporterons notre aide. Le Canada n'a pas nécessairement à payer tout cela lui-même. Il s'agit plutôt de collaborer avec les autres pour apporter cette contribution.
    Pour ce qui est des autres éléments de la carotte dorée, il y a tellement de questions à résoudre, comme celle des biens qui ont été confisqués aux États-Unis. Cela peut faire partie également de la carotte dorée pour essayer de résoudre ces problèmes. Il faudrait mettre en place un plan pour que les Cubains pensent avoir des possibilités d'avenir.
    La carotte est importante, mais il faut aussi se rendre compte qu'il y a 75 personnes ou plus en prison. Il s'agit de savoir si, en continuant d'investir à Cuba comme nous le faisons depuis de nombreuses années, nous allons atteindre notre objectif. Nous ne suggérons pas nécessairement de sortir le bâton, mais il faut se rendre compte que les deux éléments sont nécessaires et que si certaines choses comme les droits sont violés régulièrement, en tant que Canadiens et en tant d'organisations qui demandons à notre gouvernement de nous rendre compte de ses politiques, il faut que nous sachions quand nous allons commencer à protester et à prendre des mesures contre les violations répétées des droits.
    Qu'est-ce que notre argent achèterait? Qu'est-ce que notre argent achète maintenant? Il ne permet pas d'acheter le respect des organisations indépendantes ou des droits de la personne à Cuba.
    Nous allons arrêter ce tour maintenant.
    Monsieur Marston.
    Quoi qu'il en soit, je suis pour l'égalité des chances. Tout le monde a dépassé son temps.
    Étant un socialiste démocrate, je pourrais peut-être donner le ton. Tout d'abord, je suis d'accord avec un grand nombre des choses que vous avez dites. Je suis moi-même issu du mouvement syndical canadien.
    Le problème qui se pose aujourd'hui vient en partie, je crois, du fait que ces braves gens sont venus nous parler d'une question précise et que nous nous sommes mis à discuter de notre politique en général. Je pense que nous les avons placés dans une situation délicate.
    Juste une brève question. Combien d'entre vous sont allés à Cuba et ont visité le pays?
    J'aimerais beaucoup savoir si je pourrais entrer dans le pays. C'est parce que...

  (1315)  

    Je voudrais continuer, alors je vous demande simplement de répondre par oui ou par non.
    Je le sais, mais cela exige une réponse complète. Nos syndicats affiliés y envoient des gens, mais ils sont refoulés. J'ai critiqué le gouvernement, mais...
    Excusez-moi. Ma question a un but. Je ne veux pas me disputer avec vous, mais j'ai un but.
    Pourriez-vous répondre, s'il vous plaît, afin que je comprenne un peu mieux?
    Je ne suis pas allé à Cuba.
    Je ne suis pas allé à Cuba.
    J'y suis allée quatre fois dont une fois pendant plus d'un mois.
    Je ne cherche pas à dévaloriser votre position. Je voudrais dire une chose.
    Je suis allé à Cuba quatre fois, Je ne suis pas d'accord pour dire que ce pays fonctionne de façon totalitaire même si...
    Je veux parler des bonnes relations que le Canada entretient actuellement avec Cuba. Ma femme est infirmière. Chaque fois que nous allons là-bas, nous amenons des fournitures médicales et des fournitures scolaires. Une des choses qui a sans doute renforcé le régime castriste, c'est l'embargo américain. L'embargo américain a largement dépouillé les Cubains de leur avenir. En fait, je crois que vers la fin de son mandat, Bill Clinton s'apprêtait à lever l'embargo. Je ne sais pas exactement pourquoi il ne l'a pas fait.
    J'ai visité un hôpital à Cuba. J'y ai vu un certain nombre de choses positives. Le principal problème des Cubains est qu'ils manquent de tout, ce qui me ramène à votre carotte dorée. Je comprends votre réaction, car le Canada a tendance à investir de l'argent dans un certain nombre de pays. Cet argent est donné aux gouvernements, mais il ne rejoint jamais la population.
    Tout à l'heure, nous parlions d'un pays qui a tué 1,2 million de Tibétains et qui a des antécédents très lourds sur le plan des droits de la personne. Dites-nous où nous en sommes avec nos bons amis de Cuba. Je crois que le Canada compte un grand nombre de bons amis en qui nous avons investi dans ce pays.
    En réalité, la carotte dorée dont vous parlez est probablement un bon point de départ. Mais il s'agit de trouver un moyen de poursuivre le dialogue, de maintenir les liens d'amitié que nous avons depuis de nombreuses années et de continuer à exercer une surveillance sur les droits de la personne dont vous parlez. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que nous devons faire quelque chose pour y remédier.
    Je n'ai pas vraiment de questions à poser.
    C'était très sournois, monsieur Marston.
    Je pense que M. Silva désire poser une question de plus, après quoi nous pourrons conclure. Nous avons d'autres travaux à l'ordre du jour et il ne nous reste que 15 minutes.
    Je pourrais peut-être commencer par dire que j'ai été à Cuba. Je suis allé là-bas il y a trois ans et je ne suis pas certain de vouloir y retourner. Je suis assez d'accord pour dire que l'embargo pose un sérieux problème et je m'y suis toujours opposé. Je crois aussi que la communauté cubaine de Miami a sans doute fait plus de tort que de bien avec ses déclarations et ses agissements.
    Vous ne pouvez toutefois pas nier que c'est une dictature militaire. Il n'y a toujours pas de libertés civiles, par de liberté de la presse, la religion est toujours interdite, les homosexuels continuent d'être arrêtés et il y a d'incroyables violations des droits de la personne. Vous ne pouvez pas attribuer tout cela à l'embargo. Oui, il y a un embargo et c'est un embargo injuste. Mais les Cubains ont également obtenu des subventions massives en raison de leur alliance avec l'Union soviétique pendant la guerre froide. Ils ont entraîné leurs soldats et les ont envoyés à l'étranger, surtout en Afrique, où ils ont combattu dans différentes guerres comme mercenaires, si vous voulez les appeler ainsi.
    Les Cubains se sont maintenant alignés avec Chavez et ils ont ainsi obtenu la nouvelle source de financement dont ils avaient besoin. Mais ils reçoivent également de l'argent de pays comme l'Espagne qui ont beaucoup investi à Cuba. Vous ne pouvez donc pas dire que la pauvre Cuba est dans une situation économique terrible parce que les États-Unis ne veulent pas faire affaire avec elle. Les Cubains ont de nombreux autres alliés qui ont investi énormément d'argent dans leur pays.
    La réalité qui ne change pas est qu'il s'agit toujours d'une dictature. Et je ne connais aucune dictature dans le monde qui n'ait pas violé les droits de son peuple.
    Comment pouvons-nous excuser un gouvernement, un régime qui arrête les gens, qui les jette en prison parce qu'ils ont pris la parole ou parce qu'ils veulent s'organiser ou exercer les droits humains fondamentaux que leur reconnaissent toutes les conventions des Nations Unies dont nous sommes signataires? Nous disons croire dans ces principes et dans les résolutions que nous proposons aux Nations Unies, mais à Cuba, nous ne disons rien à cause de l'embargo. S'il vous plaît, un peu de sérieux!
    Je suis allé là-bas il y a trois ans. J'ai eu la chance, ou la malchance, d'être malade. Comme j'ai été malade pendant deux semaines, j'ai eu l'occasion de rencontrer beaucoup de gens, y compris des médecins. Ce que j'ai constaté dans tous les cas, c'est qu'ils avaient peur. Ils ne veulent pas parler en public, mais lorsqu'ils entrent dans votre chambre et que vous les rencontrez en privé, ils ont peur. Ils vous demandent si vous avez des nouvelles, des revues, parce qu'ils ne peuvent pas obtenir de revues à Cuba. C'est une société répressive et j'ai quitté le pays avec un goût très amer dans la bouche.
    Comme la plupart des Canadiens, je suis allé là-bas pour passer des vacances à la plage. Si vous passez votre temps à la plage et que vous voyez les centres de villégiature, vous pensez que tout est merveilleux. Mais lorsque vous allez rencontrer les gens qui veulent dialoguer avec vous, comme ils l'ont fait avec moi — ce qui m'a beaucoup étonné — vous vous rendez compte que la réalité est différente.
    Vous ne pouvez pas invoquer l'embargo pour excuser les violations des droits de la personne. Je trouve cela absolument révoltant.

  (1320)  

    Je suppose que c'est également une déclaration. Nous allons nous arrêter là. Je sais que nous aurons l'occasion de poursuivre cette discussion.

[Français]

    Madame Bourgeois, tous les députés sont toujours les bienvenus à notre comité.

[Traduction]

    Nous allons devoir nous arrêter là, car nous avons d'autres questions à régler.
    Je remercie infiniment nos témoins pour cette séance très intéressante.
    Nous allons maintenant passer aux travaux du comité. Nous n'avons pas besoin de nous réunir à huis clos, n'est-ce pas? Non. D'accord.

[Français]

    Madame St-Hilaire, je crois que vous avez une motion à proposer.
    Oui, monsieur le président. Ma motion fait suite à notre dernière rencontre, lorsque M. Charles Burton est venu nous faire une présentation. Je ne sais pas si on peut la mettre aux voix aujourd'hui.

[Traduction]

    Oui, ça va. Vous avez donné un avis de motion.

[Français]

    C'est correct.

[Traduction]

    Je vais lire la motion:

[Français]

Que le Sous-comité des droits internationaux de la personne demande copie de la version originale et préliminaire du rapport préparé par le professeur Charles Burton, en exécution de la lettre d'entente 12800 CB du ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, datée du 1er août 2005, et portant sur l' « Évaluation du dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne ».

[Traduction]

    Voulez-vous en débattre?
    Monsieur le président, lorsque nous avons examiné cette motion qui fait suite au témoignage du professeur Burton, il était entendu que nous voulions connaître la teneur du rapport dont il a parlé. Nous voulions comprendre les détails de son rapport.
    Le fait qu'il y a eu un rapport confidentiel et un rapport non confidentiel a posé des problèmes à certains d'entre nous, car nous avons sans doute l'impression qu'on nous cache une énorme quantité de renseignements dont le comité devrait avoir connaissance.
    D'après ce qu'on nous a dit, des renseignements ont été enlevés. Ce sont surtout les noms de gens qui ont fourni des renseignements en pensant qu'ils le faisaient confidentiellement. C'est la partie qui a été supprimée. Les gens ont fourni ces renseignements à cette condition.
    Pour ce qui est de respecter la Loi sur l'accès à l'information, je crois que le gouvernement a respecté le désir de ces personnes en veillant à ce que leur nom et certains détails soient enlevés du rapport.
    Seule une petite quantité d'information a été supprimée du rapport public et cette suppression ne modifie en rien la teneur du rapport ou les conclusions du professeur Burton.
    Par conséquent, cette motion est certainement recevable, mais lorsque vous demandez des renseignements confidentiels, vous faites une démarche lourde de conséquences. Vous pouvez compromettre tout le processus car ces gens ont dit: « Oui, nous pouvons divulguer certains renseignements, mais nous préférerions que notre nom ne soit pas mentionné ». S'ils acceptent que leur nom soit cité, c'est à la condition que le rapport reste confidentiel. Si nous demandons de lever cette confidentialité, les gens ne divulgueront plus de renseignements à l'avenir.
    Je n'appuierai donc pas cette motion. On nous a déjà dit que la quantité de renseignements supprimés est minime.

  (1325)  

    Permettez-moi de répondre. Le contexte n'est pas explicite dans la motion. Mme St-Hilaire accepterait peut-être un amendement amical.
    Si j'ai bien compris, nous avons parlé de recevoir ce document à huis clos, non pas de le rendre public, mais de l'examiner à huis clos pour tenir compte des questions que M. Sorenson a soulevées.
    Est-ce acceptable? Pouvons-nous examiner ce document à huis clos sans qu'il ne sorte d'ici?
    Tout dépend du niveau de confidentialité. Le comité n'y aura peut-être pas accès, selon le niveau...
    Nous pourrions donc en faire la demande, mais selon le niveau de confidentialité dont ce document fait l'objet, il se peut que nous n'y ayons pas accès pour des raisons de sécurité nationale.
    Je crois que ce rapport est déjà public et que seulement des petites parties...
    Je voudrais que Madame nous dise pourquoi elle voit des objections au rapport qui a été publié. Pourquoi veut-elle obtenir le rapport complet sachant que, comme l'a dit mon collègue, ce sont surtout les noms des gens qui ont été supprimés? Cela nous aidera peut-être à mieux comprendre l'objectif qu'elle vise.

[Français]

    Monsieur le président, je pense qu'il serait important de rectifier ce qui s'est passé lors de la dernière réunion du sous-comité.
    En fait, M. Burton est venu nous présenter un rapport qui n'était pas le rapport initial. Certaines personnes, peut-être assises à cette table, semblent l'avoir vu. Il ne s'agissait pas de la présentation de M. Burton. De plus, il était d'accord pour que les membres du sous-comité aient accès à son rapport initial. Il semble que le gouvernement en ait rayé certaines parties. Si c'est de nature confidentielle, on pourrait en discuter à huis clos.
    On veut étudier une question aussi importante que les droits de la personne en Chine, et M. Burton a fait des études importantes à ce sujet. Cependant, si on n'a pas accès à toutes les informations, je pense que cela commence à ressembler à un contrôle de la part de quelques personnes, ce qui m'embête. L'information n'est peut-être pas importante, mais le fait de ne pas l'avoir va nous fatiguer tout au long de la réunion. Alors, réglons cela tout de suite.
    Monsieur Burton n'y voyait aucun problème. En fait, monsieur Obhrai, avec tout le respect que je vous dois, ce rapport n'est pas public. Si vous l'avez entre les mains, donnez-en des copies à vos amis, parce que moi, je n'en ai pas.

[Traduction]

    Je vais mettre la question aux voix, car je crois que nous savons ce qu'en pensent les uns et les autres et nous sommes à court de temps.
    (La motion est adoptée.)
    Nous allons maintenant discuter...
    Je suis désolé, mais qu'avons-nous prévu pour la semaine prochaine?
    La semaine prochaine est la semaine d'ajournement. Une liste de témoins a été distribuée. La première liste est pour la réunion qui aura lieu dans deux semaines, et la deuxième, pour la réunion qui aura lieu dans trois semaines.
    Très bien. À la dernière réunion, nous avons parlé de poursuivre notre étude sur la Chine et nous avons une liste de témoins potentiels.
    Je ne vais pas vous lire tous les noms, mais si vous avez des groupes de témoins que vous souhaitez inviter pour cette étude, je vous demanderais de les soumettre à la greffière. La greffière, ou notre attaché de recherche, Marcus, pourrait faire circuler ces noms afin que vous puissiez dire si vous avez des objections. Je crois que nous pourrions donc travailler sur cette base au lieu d'avoir une longue discussion concernant les différents groupes.
    Bien entendu, les représentants du Falun Gong ont demandé à comparaître et je suppose...
    Ils figurent sur la liste.
    Ils vont certainement insister.
    Très bien, je vais lever la séance. Merci.