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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 017 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 23 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Puisqu'il est 15 h 30, la dix-septième réunion du Comité permanent de la défense nationale sur l'étude sur les Forces canadiennes en Afghanistan est ouverte.
    Aujourd'hui, nous accueillons, du MDN, le colonel Capstick, ancien commandant de l'Équipe consultative stratégique en Afghanistan.
    Monsieur, nous sommes très heureux que vous puissiez être avec nous aujourd'hui. Si vous avez une déclaration à faire, nous aimerions vous entendre, nous passerons ensuite à nos séries de questions.
    La parole est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Merci, membres du comité, de me donner l'occasion de vous parler cet après-midi.

[Traduction]

    Maintenant, vous savez pourquoi la plupart de mes remarques seront en anglais cet après-midi.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de participer à cette importante discussion sur le rôle des Forces canadiennes dans les efforts du Canada en Afghanistan. Je vais essayer, dans cette déclaration, de vous fournir des renseignements sur une contribution militaire unique canadienne à Kaboul, c'est-à-dire l'Équipe consultative stratégique. J'espère aussi vous donner un aperçu de l'objectif stratégique majeur de cette équipe, ce qui nous occupe le plus, c'est-à-dire le Pacte pour l'Afghanistan et la stratégie de développement nationale pour l'Afghanistan.
    Je concluerai par mon évaluation de certaines questions nationales importantes qui se posent au gouvernement afghan élu et qui doivent être réglées dans le cadre de l'effort international pour l'édification de l'État.
    En juin 2005, j'ai été chargé par le Chef d'état-major de la défense de former et de diriger une équipe consultative stratégique qui serait déployée à Kaboul afin de fournir au gouvernement de l'Afghanistan une aide à la planification stratégique. Ce concept se fondait sur l'expérience vécue par le général Hillier au poste de commandant de la Force internationale d'assistance à la sécurité. Au cours de cette mission, il avait affecté des planificateurs militaires auprès du ministre des Finances de l'époque, M. Ashraf Ghani, à la demande de celui-ci, pour aider à l'élaboration d'un plan stratégique pour la reconstruction de l'Afghanistan.
    L'idée étant que les officiers militaires apporteraient de la rigueur à un processus de planification stratégique militaire bien élaboré pour résoudre les problèmes civils et sociaux. L'équipe que je dirigeais compter 15 personnes. Il y avait sept planificateurs stratégiques employés dans deux sous-équipes, un civil du MDN, un analyste stratégique, un officier militaire spécialisé dans l'élaboration des communications stratégiques et des plans d'information et un spécialiste de l'ACDI en développement des capacités employé à contrat. J'avais aussi trois sous-officiers spécialistes du soutien et un petit groupe de commandement composé d'un chef d'état-major et de moi-même.
    À l'arrivée à Kaboul au mois d'août 2005, l'ambassadeur canadien de l'époque, Chris Alexander, ainsi que la responsable de l'ACDI chargé de l'aide, Nipa Banerjee, ont collaboré très étroitement avec moi afin de déterminer où nous serions le plus efficace. Très vite, les bureaux du groupe de travail de la stratégie de développement nationale de l'Afghanistan et de la Commission indépendante sur la réforme administrative et la fonction publique furent identifiés comme de bons lieux de travail. Dès le début septembre, nous nous rendions chaque jour dans ces bureaux pour travailler.
    Dans les deux cas, nous avons travaillé très étroitement avec nos homologues afghans afin de fournir les outils nécessaires à l'élaboration des plans dont ils avaient besoin pour développer leur pays. Le groupe de travail de la stratégie de développement nationale de l'Afghanistan est un bon exemple. Notre équipe a partagé ce bureau -- imaginez une salle à peu près deux fois plus grande que celle-ci -- avec de jeunes employés afghans chargés de mettre au point la stratégie.
    Le groupe recevait des idées et des programmes provenaient de différentes sources : dirigeants afghans, ministres, organismes internationaux et universitaires. Nous avons aidé les Afghans à incorporer ces idées et programmes dans un cadre stratégique qui établirait les priorités, coordonnerait les projets et affecterait les ressources. En gros, nous avons été les mécaniciens qui ont aidé les Afghans à assembler leur invention.
    Nous avons utilisé essentiellement la même méthode pour la Commission de la fonction publique, et après les avoir aidés à préparer une stratégie, nous avons redéployé une équipe au ministère du Relèvement et du Développement rural pour élaborer en plan d'action les objectifs de ce ministère.
    Après avoir pris connaissance de la stratégie de développement nationale de l'Afghanistan, nous nous sommes rendus compte que nous pourrions aider la Force internationale d'assistance à aligner ses activités sur la stratégie nationale. À cette fin, nous avons élaboré un concept permettant au commandant, le général Richards, de façonner un plan de campagne dans le sens de la stratégie de développement nationale de l'Afghanistan et aider à mener des actions tactiques au niveau des équipes provinciales de reconstruction de façon à ce qu'elles soient conformes aux priorités nationales et plus cohérentes à l'échelon national.
    Le général Richards et son personnel n'ont ménagé aucun effort dans cette entreprise. En fait, nous lui avons fournit le chapitre approprié sur la stratégie de développement nationale de l'Afghanistan pour son manuel de l'équipe provinciale de reconstruction, sa direction des équipes provinciales de reconstruction. Voilà ce qu'était l'équipe et ce que nous avons accompli.
    J'aimerais consacrer un peu de temps pour vous parlez de ce qu'à fait l'Afghanistan en très peu d'années et décrire brièvement le plan pour l'avenir.
    En dépit du ton pessimiste de beaucoup de commentaires, l'Afghanistan a fait des progrès remarquables au cours des quatre dernières années. Dans le cadre du processus de Bonn, qui était la feuille de route visant l'établissement d'un cadre politique fondamental nécessaire à une bonne gouvernance, les Afghans se sont mis d'accord sur une constitution. Ils ont eu des élections présidentielles très réussies en octobre 2004. Le 18 septembre 2005, ils ont tenu des élections parlementaires très bien organisées et qui ont enregistré un fort taux de participation.

  (1535)  

    J'ai eu l'honneur d'accompagner l'ambassadeur canadien et d'observer les bureaux de vote, j'ai ressenti quelque chose de sentiment remarquable, comme si j'assistais au déroulement de l'histoire.
    Ces réalisations ne doivent pas être sous-estimées. Les trente années de guerre n'ont pas seulement détruit les structures fondamentales de l'État et la majorité des infrastructures physiques, elles ont aussi beaucoup endommagé le tissu social du pays. Ce genre de dégâts est pratiquement impossible à voir, mais il est probablement plus important que le genre de dégâts qui peut être photographié et quantifié.
    Les mouvements massifs de populations ont anéanti beaucoup de méthodes traditionnelles de règlements au niveau social et de solution de conflits, les combats incessants ont plongé la population dans un état collectif de perturbation psychologique -- les gens sont vraiment fatigués des conflits et des combats. Le succès du processus de Bonn a prouvé l'engagement collectif du peuple de l'Afghanistan pour remplacer le pouvoir du fusil par un processus démocratique.
    En plus de cet impressionnant processus politique, les Afghans et la communauté internationale ont établi une sécurité fondamentale dans près des trois-quarts du pays. Des centaines de milliers -- je pense qu'il y en a des millions aujourd'hui -- d'enfants, y compris des filles, sont retournés à l'école. Des cliniques, des routes, des systèmes d'irrigation et d'innombrables autres projets de développement ont été terminés et un nombre encore plus grand ont commencé. La plupart de ces travaux se sont faits sans publicité ni attention des médias.
    Les dirigeants canadiens, les médias et nos citoyens se sont surtout intéressés, et cela se comprend, aux opérations de combat dans la province de Kandahar. C'est dans cette région que les Forces canadiennes ont connu les combats les plus violents depuis la guerre de Corée et cela attire évidemment l'attention des Canadiens. Cela dit, croire qu'il n'y a que des combats en Afghanistan est une erreur, c'est ignorer l'ensemble de la situation.
    À la fin du processus de Bonn, le gouvernement élu et la communauté internationale ont entrepris l'élaboration d'un plan global et robuste pour l'avenir. Ce plan est décrit dans deux documents importants qui ont été présentés à la Conférence de Londres sur l'Afghanistan en février 2006 : le Pacte pour l'Afghanistan et la stratégie de développement nationale de l'Afghanistan. Cette vision, c'est-à-dire le Pacte et le plan, la stratégie de développement nationale, déterminera l'avenir du pays. Le Pacte est un engagement politique mutuel entre la communauté internationale, y compris le Canada, et le gouvernement de l'Afghanistan. Il s'agit d'une déclaration claire du soutien international et de l'engagement réciproque du gouvernement à obtenir des résultats. La stratégie de développement nationale de l'Afghanistan est une stratégie visant à concrétiser cet engagement.
    Le 15 février 2006, le Conseil de sécurité des Nations Unies a approuvé le Pacte et a accueilli favorablement la stratégie de développement nationale de l'Afghanistan. Cette résolution est à la fois une déclaration unanime du soutien international pour le gouvernement élu de la République islamique d'Afghanistan et un engagement mutuel pour l'avenir du pays. Les deux documents abordent les problèmes de l'Afghanistan en utilisant un cadre stratégique qui inclut trois piliers ou cheminements critiques d'opération : la sécurité; la gouvernance, la primauté du droit et les droits de la personne; et le développement économique et social.
    À cette étape, j'aimerais soulever de deux points importants. Le premier, c'est que le Pacte et la stratégie de développement nationale de l'Afghanistan forment ensemble le plan pour l'Afghanistan. Il s'agit d'un plan mis en oeuvre par les Afghans et son exécution est contrôlée par le gouvernement afghan et la communauté internationale sous la direction de la mission d'aide des Nations Unies en Afghanistan. Deuxièmement, tous les secteurs de la contribution officielle du Canada à cette mission -- militaire, diplomatique et développement --collaborent dans les trois piliers en vue d'atteindre l'objectif commun. Le manque de temps m'empêche de vous décrire en détail la façon dont l'ensemble du gouvernement ou le concept des trois D fonctionne sur le terrain, mais l'équipe provinciale de reconstruction à Kandahar et l'Équipe consultative stratégique pour l'Afghanistan à Kaboul sont deux des exemples les plus évidents.
    Bien que des progrès remarquables aient été accomplis dans les trois piliers, et il reste encore beaucoup de travail à faire. L'Afghanistan enregistre le dernier ou presque le dernier de tous les indices du développement humain faits par les Nations Unies. L'extrême pauvreté, l'analphabétisme, les taux de mortalité infantile très élevés, la malnutrition chronique et le chômage général ne sont que quelques-uns des problèmes quotidiens des Afghans. La stratégie de développement nationale de l'Afghanistan aborde ces problèmes et les autres qui doivent être résolus pour voir l'émergence d'un État islamique stable, Prosper église en sécurité. Même si le plan est global et robuste, l'engagement international soutenu, les ressources, du temps et de la patience sont nécessaires pour réaliser ses objectifs ambitieux.

  (1540)  

    Je vais me servir maintenant du cadre stratégique du Pacte pour conclure par quelques remarques sur certaines des plus pressantes questions nationales devant être abordées à court terme.
    L'insurrection au sud est évidemment le plus gros problème au niveau de la sécurité. Elle a retardé le développement dans cette région et menace les progrès accomplis dans le reste du pays. Le gouvernement afghan et l'OTAN ont répondu par des initiatives telles que le Groupe d'action des politiques, un organisme mixte afghan-international qui dirige maintenant tous les aspects de la stratégie nationale au sud. D'autres initiatives, comme le concept afghan de développement régional, visent à établir des liens étroits entre la sécurité et le développement. C'est la seule formule qui stabilisera cette partie du pays.
    Le développement de la force de sécurité nationale afghane est aussi un problème important qui est crucial pour l'avenir. La réforme de l'armée nationale afghane enregistre de bons progrès, mais elle doit être accélérée. La réforme de la police nationale afghane a été plus problématique et cette institution n'a pas gagné la confiance de la population pour un certain nombre de raisons, y compris la corruption généralisée et un manque de professionnalisme au niveau du fonctionnement de la police. La communauté internationale a récemment amélioré ce programme, mais il reste encore beaucoup d'efforts à faire, et cela prendra du temps.
    Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, de grands progrès ont été accomplis au niveau de la gouvernance, de la primauté du droit et des droits de la personne. Cela dit, la corruption et le manque général d'un système judiciaire efficace posent d'énormes problèmes. Le gouvernement de l'Afghanistan a récemment pris d'importantes mesures de lutte contre la corruption et à aussi procéder à d'importantes arrestations en vue d'enrayer la corruption.
    Les changements récents apportés à la Cour suprême sont prometteurs quant à une réforme judiciaire, mais le manque d'une magistrature efficace aux niveaux inférieurs est grave. Les Afghans n'ont essentiellement pas confiance envers le système, en raison de choses comme les arrestations et les détentions arbitraires et l'incapacité à avoir recours aux tribunaux pour régler des problèmes sociaux fondamentaux. Encore une fois, ce n'est pas quelque chose qui peut être remédié du jour au lendemain et des efforts sont faits pour cela.
    Finalement, dans ce secteur, la réforme de la fonction publique et l'aide gouvernementale ont été très lentes et n'ont pas été très bien coordonnées. La réforme de l'administration publique exige un effort important comme celui fait pour l'armée.
    Dans le secteur du développement économique et social, un effort important pour établir une cohérence et répondre aux urgences est nécessaire. Plusieurs grands organismes officiels de développement étrangers n'utilisent pas le Fonds d'affectation spéciale pour la reconstruction de l'Afghanistan ni le ministère des finances pour transférer des fonds à des programmes et des projets. D'autres n'utilisent que les entrepreneurs de leur propre pays avec pour résultat des frais généraux et des coûts de la sécurité excessifs
    Finalement, des universitaires pourraient juger que le programme de développement dans son ensemble manque de ressources. Carl Robichaud de Century Foundation a calculé que l'aide accordée par habitant au début de l'intervention en Bosnie s'élevait à 649 dollars américains par personne, alors qu'en Afghanistan, dont la situation après le conflit est bien pire, le montant ne s'élève qu'à environ 57 dollars américains par habitant.
    Il est évident, que la coordination et l'alignement de l'effort de développement sur la stratégie de développement nationale de l'Afghanistan nécessitent un leadership international soutenu. Le projet d'édification de l'État afghan est complexe et compliqué et les problèmes sont graves. Mais les problèmes peuvent être résolus par l'effort international concerté qui a été annoncé à la Conférence de Londres. La patience, la fermeté et la persévérance sont essentielles si l'on veut que les Afghans voient les résultats des promesses faites au cours des quatre dernières années.
    Personnellement, après avoir passé un an à Kaboul, je suis optimiste quant à l'aboutissement, mais réaliste sur la difficulté des problèmes. Ne nous faisons pas d'illusions, il reste beaucoup à faire en Afghanistan et l'avenir du pays est loin d'être assuré.
    Finalement, encore une fois personnellement, je suis fier des efforts entrepris par le Canada, les forces canadiennes et chaque marin, soldat, aviateur et civil pour tenir les promesses que la communauté internationale et d'autres pays ont fait au peuple afghan. Je suis fier d'avoir servi avec des Canadiens exceptionnels et les éléments réguliers de l'armée, la marine et l'aviation et les civils avec lesquels j'ai eu l'honneur et le privilège de commander à Kaboul et qui font honneur à notre pays.
    Nous sommes tous allés là-bas en ayant foi en notre mission et nous en sommes revenus avec à l'esprit des images forte de gens déterminés à ce que leurs enfants aient une vie meilleure que la leur.

  (1545)  

    Je vous remercie de votre temps et de l'intérêt que vous portez à la mission et au travail remarquable qu'accomplissent chaque jour vos compatriotes en Afghanistan au nom de notre nation.
    Si le président le veut bien, je suis prêt à recevoir vos questions et vos commentaires.
    Bien. Merci beaucoup.
    Nous avons établi un ordre très structuré pour les questions. Nous allons faire un premier tour de table de sept minutes, puis un autre de cinq.
    Pour commencer, je cède la parole à M. Dosanjh, qui sera suivi de M. Bachand.
    Monsieur Dosanjh, allez-y.
    Merci, colonel, d'être venu aujourd'hui.
    J'aimerais avoir votre avis sur ce que je vais dire. Nous entendons beaucoup parler de la réalité à laquelle nous sommes confrontés sur le terrain, et nous savons qu'il y a des zones de combats intenses, entre autres à Panjwai. Vous nous avez confirmé aujourd'hui que la corruption était largement répandue au sein de la police afghane, et que cela ne faisait qu'aggraver la situation.
    En fait, le brigadier-général Howard a indiqué que l'ACDI n'engageait aucun fonds pour l'EPR et que c'était notre budget d'exploitation qui servait à financer ses opérations.
    J'ai ici un de vos commentaires qui, je crois, a été publié le 5 octobre dernier. Vous avez dit que « l'aide internationale qui est accordée à ce pays (comme le nombre de soldats qui est loin d'être suffisant) est souvent invisible, c'est pourquoi on l'appelle parfois l'aide fantôme ». Je suppose donc que vous êtes également d'avis que l'aide n'est pas aussi grande qu'elle le devrait ou qu'elle ne va pas là où elle le devrait.
    Il y a ensuite la question de la sécurité. Le ministre de l'ACDI ne connaissait même pas les projets d'aide dont nous sommes responsables, et la presse afghane n'a pas pu assister à une conférence de presse tenue à Kaboul. J'en déduis que nous nous trouvons dans une situation très difficile.
    De plus, le ministre MacKay a affirmé aujourd'hui que son gouvernement avait imposé de sévères restrictions aux travailleurs humanitaires canadiens en Afghanistan après que le diplomate Glyn Berry eut été tué.
    Beaucoup de documents indiquent que l'éradication de la culture du pavot à opium, particulièrement imposée par les États-Unis, crée des ennemis sur le terrain et prive des familles du minimum vital. On dit même que les hommes de ces familles seraient disposés à se battre aux côtés des talibans pour un peu d'argent. D'après certaines estimations, entre 80 et 90 p. 100 des hommes qui habitent dans des régions comme Kandahar ou Helmand qui n'ont plus de quoi manger à cause de la destruction de leurs cultures — et dont les enfants sont visiblement émaciés, d'après certains vidéos que j'ai vus — seraient prêts à joindre les rangs de l'insurrection.
    La raison pour laquelle je vous dis tout cela, c'est que je veux vraiment que vous nous exposiez ce que nous ne voyons pas. Vous êtes allé en Afghanistan; vous en savez donc beaucoup plus que nous qui ne faisons que lire sur le sujet. Nous voulons savoir ce qui se passe au-delà des histoires de victoires ou de défaites que nous entendons. Qu'arrive-t-il sur le terrain? Est-ce que nous gagnons la faveur de la population ou est-ce vrai qu'environ 80 p. 100 des habitants seraient prêts à se ranger du côté de l'ennemi? J'aimerais vraiment connaître toute la vérité sur les événements.

  (1550)  

    Je vais essayer. C'est une question très vaste. Je vais poursuivre là où vous vous êtes arrêté.
    Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, environ 75 p. 100 du pays est relativement stable et sûr — du moins assez pour que le développement se fasse. Bien entendu, il y a des incidents comme des kamikazes ici et là et quelques anciennes factions qui surgissent — j'allais dire des bois, mais la zone est déboisée en grande partie — des collines pour essayer de troubler la paix et de mener des activités criminelles. Au cours des quatre dernières années, beaucoup de choses ont contribué à la situation actuelle à Kandahar, et particulièrement à Helmand, ainsi qu'ailleurs dans le sud-est de l'Afghanistan.
    Il se passe des choses presque partout dans le pays. Il est très difficile de conduire dans les rues de Kaboul. La capitale comptait environ 350 000 habitants avant que les Soviétiques ne l'envahissent en 1979. Nous estimons qu'il y en a maintenant entre trois et demi et quatre millions. La bonne nouvelle, c'est que cela a favorisé le développement économique. Forcément, cette invasion a également créé du chômage et de la congestion et a bouleversé les structures sociales traditionnelles — mais on s'en occupe.
    Dans d'autres régions, particulièrement dans le nord et l'ouest du pays, la situation est très stable. Ne vous imaginez pas que « stable » en Afghanistan a le même sens qu'ici. Il y a beaucoup de criminels; ce n'est pas compliqué. Par contre, il y a un certain développement et de petites entreprises ont repris leurs affaires. Des millions d'enfants sont retournés à l'école, y compris des filles. C'est assez impressionnant à voir. La plupart des écoles de Kaboul, par exemple, offrent trois sessions durant l'année scolaire afin d'accueillir tous les enfants. C'est très positif et encourageant.
    Puis-je vous poser une petite question...
    Si vous me le permettez, monsieur, j'aimerais avant parler de la culture du pavot pour ne pas perdre le fil de mes pensées — je ne suis qu'un simple soldat après tout.
    Nous devons faire attention lorsque nous établissons des liens directs entre l'éradication de la culture du pavot et la faim. Premièrement, il y a beaucoup de mythes au sujet de la stratégie antidrogue pour l'Afghanistan. Je ne l'ai pas avec moi, mais il existe une stratégie globale qui n'est pas du tout axée sur l'éradication, mais plutôt sur la possibilité de développer d'autres moyens de subsistance.
    Mais c'est plus compliqué que cela. Pour créer d'autres moyens de subsistance, il faut des routes qui relient les zones de cultures aux marchés, et il faut un marché, interne et externe, etc. C'est un processus économique complexe.
    Que la culture du pavot soit éradiquée ou qu'on la continue, c'est l'agriculteur qui se trouve au bas de l'échelle de revenu qui est perdant. On peut comparer cela au régime de métayage, après la guerre civile américaine, sauf que maintenant, on protège les cultures armés de AK-47. Les cartels fournissent les semences, les engrais et tout le nécessaire pour cultiver le pavot. Une fois le pavot récolté, ils viennent le chercher et les cultivateurs n'ont à s'occuper de rien. Pourtant, ce sont eux qui sont endettés. Après la récolte, ils reçoivent un peu d'argent, juste assez pour subvenir aux besoins de leur famille jusqu'à la prochaine récolte. Ces gens sont pris au piège, et c'est très complexe. L'éradication doit donc se faire en dernier recours. Je m'arrêterai là pour cette question.
    Oui, colonel. Étant donné le peu de temps dont nous disposons, nous allons poursuivre sur un autre sujet, mais nous pourrons peut-être y revenir plus tard.
    Monsieur Bachand, vous avez sept minutes.

[Français]

    J'ai en main une étude que vous auriez faite, qui vient du Canadian Institute of International Affairs Occasionnal Papers. On y parle du colonel M.D. Capstick, et il y deux séries de lettres qui suivent votre nom. D'abord, il y a les lettres OMM. En anglais, voulez-vous me dire ce que cela signifie?

  (1555)  

[Traduction]

    C'est l'Ordre du mérite militaire, monsieur.

[Français]

    Et que veut dire CD?

[Traduction]

    Il s'agit de la Décoration des Forces canadiennes.

[Français]

    Cela donne beaucoup de poids à vos arguments, n'est-ce pas?
    Pas beaucoup.
    Dans votre étude, que j'ai lue avec beaucoup d'attention, vous parlez de trois piliers. Je vais procéder en commençant par de brèves questions. Vous n'avez pas besoin de développer. Je veux savoir si j'ai bien compris votre étude. De toute façon, pour une grande partie de votre présentation, vous avez dû vous inspirer de cette étude.
    Dans celle-ci, vous parlez de trois piliers, le premier étant la sécurité, c'est-à-dire la réforme de l'armée nationale afghane, la réforme de la police et le démantèlement des groupes armés. Selon vous, c'est le premier pilier de sécurité qui constitue le mandat des Forces canadiennes. Est-ce que je me trompe ou est-ce bien cela?

[Traduction]

    Ce que j'ai voulu dire, monsieur, c'est que dans le contexte de l'engagement du gouvernement canadien en Afghanistan, les Forces canadiennes jouent un rôle de premier plan. Nous sommes le principal responsable de la sécurité. Nous faisons le gros du travail à ce chapitre; y compris dans les zones dont vous avez parlé, en plus des opérations visant à maintenir la stabilité dans le pays.

[Français]

    D'accord.
    En ce qui concerne le deuxième pilier, vous semblez dire qu'il englobe la gouvernance, la primauté du droit et les droits humains. Cela comprend la réforme de la machine gouvernementale et de la justice et la lutte contre la corruption. Vous parlez également de l'économie du pavot et vous semblez dire que cela devrait relever du rôle du ministère des Affaires étrangères.
    Maintenez-vous cette position?

[Traduction]

    Tout à fait, monsieur.

[Français]

    Le troisième pilier concerne le développement économique et social. Vous semblez dire que c'est l'ACDI qui devrait avoir le contrôle de ce pilier.

[Traduction]

    Exactement.

[Français]

    D'accord. Je veux revenir à votre présentation. Vous avez parlé de la SATA, la Strategic Advisory Team en Afghanistan. Je vais vous lire un extrait de ce que vous avez dit dans votre....

[Traduction]

    Monsieur Bachand, nous n'avons plus la traduction. Je ne sais pas ce qui s'est passé.
    Pourriez-vous arrêter le chronomètre, s'il vous plaît?
    Bien sûr.
    Tout va bien maintenant.
    Il vous reste quatre minutes et quatre secondes.

[Français]

    Merci.
    Voici ce que vous dites. Je vais le lire en anglais. Nous parlions de la SATA :

[Traduction]

...[une initiative] qui consiste en une équipe de planificateurs stratégiques affectée à la présidence et qui a pour tâche d'aider à l'élaboration des plans nécessaires à la réalisation de la vision décrite plus haut.

[Français]

    C'est ce dont nous avons parlé il y a quelques minutes.

[Traduction]

En fait, elle fait appel à des aptitudes générales de planification militaire afin de régler des problèmes civils. L'ECS-A découle d'une entente bilatérale canado-afghane qui ne relève pas du commandement de la FIAS ou de la coalition dirigée par les États-Unis. En effet, le chef de l'équipe reçoit ses ordres du conseiller économique supérieur du président, qui agit ainsi en consultation avec l'ambassadeur du Canada et le responsable de l'aide, et ses fonctions opérationnelles sont uniquement axées sur les deux autres piliers.

[Français]

    J'ai beaucoup d'interrogations à cet égard. On dit toujours que la mission de nos forces prend beaucoup trop une tangente défensive. J'apprends maintenant que la SATA est formée de planificateurs militaires qui essaient de régler des problèmes civils. Cela me pose problème. J'ai trois questions à ce sujet. Vous pourriez peut-être les noter et me répondre ensuite d'un jet.
    Premièrement, que pensez-vous d'une planification militaire pour régler des problèmes civils?
    Deuxièmement, les arrangements bilatéraux entre le Canada et les États-Unis semblent indiquer qu'on va s'extraire du commandement, c'est-à-dire de la FIAS. Cela me pose problème. En effet, si la FIAS, qui a maintenant le contrôle total de l'Afghanistan, s'aligne sur quelque chose, la SATA pourrait dire qu'elle pas à se conformer à ce que va lui dire le commandant de l'OTAN.
    Troisièmement, pourquoi carrément cibler les deux autres piliers? Vous venez de me dire que le ministère des Affaires étrangères devrait agir dans le premier cas, et l'ACDI dans l'autre, alors que maintenant, on dit qu'on peut les remplacer par le fameux comité de la SATA, qui seconde le président Karzaï dans ses décisions.
    Voilà les trois questions que je voulais vous poser.

  (1600)  

[Traduction]

    D'accord, monsieur, je vais essayer d'y répondre. Je vais commencer par la première.
    Évidemment, je ne répondrai pas de manière objective. Cette équipe a été formée à partir d'une idée. Ce que je pense de l'affectation des planificateurs militaires? Un plan, c'est un plan. Nous avons un système de perfectionnement professionnel très rigoureux, de sorte qu'à partir du moment où vous êtes recruté, que ce soit dans l'Armée de terre, l'Aviation ou la Marine, vous apprenez à planifier. Notre principale fonction, c'est la planification.
    Pourquoi faire appel à des officiers militaires? Je vous dirais qu'une partie du problème réside dans le fait que — je ne sais pas s'il s'agit d'un problème, mais la réalité est que — la plupart des ministères ont juste assez de personnel pour combler leurs postes à l'administration centrale. Nous coûtons beaucoup moins cher que des consultants internationaux. Je vais vous paraître un peu cynique en vous disant qu'un consultant touche entre 1 000 et 2 000 $ américains nets par jour pour se promener dans Kaboul, sans rien apporter de très concret. Si vous étiez allés à Kaboul, vous les auriez vus.
    Nos militaires sont là pour travailler. Ils ont une capacité unique de s'adapter et de mettre en confiance la population afghane. Nous sommes le seul ministère qui peut affecter le nombre de personnes requis de façon continue et rotative. Si vous demandez à un autre ministère d'envoyer 15 personnes à Kaboul qui ne sont pas nécessairement formées ni qualifiées, je pense que ce ne sera pas beau à voir!
    Pour répondre à votre deuxième question, sachez que l'arrangement bilatéral a été conclu entre le Canada et l'Afghanistan. J'entretiens une relation de collaboration avec la FIAS et la coalition américaine. J'ai reçu comme instruction du général Hillier de fournir tout le soutien possible.
    Cela étant dit, le fait que nous étions une opération purement canado-afghane nous a ouvert des portes et nous a permis de créer rapidement un climat de confiance. Je pense que c'est attribuable à plusieurs facteurs, notamment au fait qu'à Kaboul, le Canada a une réputation enviable dans la communauté internationale et ce, en partie grâce aux Canadiens qui nous ont représentés là-bas: je fais référence à notre ambassadeur de l'époque, qui est maintenant représentant spécial adjoint du Secrétaire général de l'ONU à Kaboul, Chris Alexander; à Nipa Banerjee, de l'ACDI; ainsi qu'aux généraux Leslie et Hillier, à titre de commandant adjoint et commandant de la FIAS respectivement.
    Et je suis sur le point de prendre ma retraite, alors je ne dis pas cela de manière intéressée.
    En vérité, ces derniers ont ouvert des portes partout à Kaboul. Ils ont compris que je n'étais pas là pour exercer des pressions au nom de l'une ou l'autre de ces deux administrations centrales. Je tiens à préciser une chose. La FIAS n'est pas en charge de l'Afghanistan, pas plus que l'OTAN; le gouvernement démocratiquement élu de la République islamique d'Afghanistan est le seul responsable de ce pays.
    Nous allons devoir nous arrêter ici. Je suis désolé, mais nous manquons de temps.
    C'est maintenant au tour de Mme Black, suivie de M. Calkins. 
    Merci beaucoup pour votre exposé. Vous nous avez donné beaucoup d'informations. J'ai essayé de prendre des notes, mais je suis certaine que nous allons tout retrouver dans le compte rendu.
    Vous avez mentionné, et je vous cite, « l'extrême pauvreté, l'analphabétisme et les taux de mortalité infantile alarmants ». J'ai rencontré ce matin un groupe qui travaille sur le terrain en Afghanistan, dans la province de Kandahar. On m'a montré des photos d'enfants souffrant de malnutrition et de famine dans les camps situés au coeur de la ville de Kandahar. Je trouve cela très troublant, et je me dis que ça doit être extrêmement difficile pour les militaires canadiens de devoir faire face à cette réalité.
    Je me demande pourquoi l'aide ne se rend pas jusqu'à eux. Ils vivent pourtant à Kandahar. N'y a-t-il pas un moyen d'acheminer l'aide par l'intermédiaire d'un organisme comme la Croix-Rouge afin que les enfants qui souffrent de la faim puissent avoir de quoi manger?
    J'aimerais bien pouvoir répondre à votre question, mais je ne peux pas. Étant donné que mon équipe travaillait au niveau national et stratégique, nous n'étions pas sur le terrain à Kandahar. Je dirais que la sécurité...

  (1605)  

    Je vous crois, mais il doit tout même y avoir un moyen.
    Mais encore, vous devrez...
    D'accord.
    J'ai lu dans un rapport la semaine dernière qu'on embauchait des adolescents pour assurer la sécurité, et qu'on leur remettait un AK-47 après seulement dix jours de formation. D'après ce que j'ai pu comprendre à la lecture du rapport, ces derniers sont en quelque sorte chargés de protéger les hommes et les femmes des Forces canadiennes qui travaillent à la construction de cette route dans le sud de l'Afghanistan, à Kandahar.
    C'est très inquiétant. Quelles sont nos obligations internationales à l'égard des enfants soldats? J'ai deux fils qui travaillent dans la police. Ils ont reçu une formation de neuf mois. Je sais qu'on ne peut pas comparer le Canada à l'Afghanistan, toutefois, je trouve aberrant qu'on puisse remettre une arme automatique après dix jours de formation pour veiller à la sécurité.
    Je comprends ce que vous avez dit à propos de la police afghane, et je sais aussi que bien des choses restent à faire, mais est-ce une bonne solution que d'encourager cela?
    Les gens dont vous parlez font partie d'un service de police auxiliaire. Ils relèvent de la police nationale et ont pour but de renforcer la sécurité locale. Je ne devrais peut-être pas parler pour eux, mais je les connais.
    Aucun officier canadien ou sous-officier supérieur ne mettra la vie de ses troupes entre les mains de jeunes inexpérimentés armés de AK-47. Nous assurons notre propre sécurité; un point c'est tout. Nous espérons que cela augmentera le niveau de confiance.
    Pour ce qui est de la convention internationale, cela s'est produit après qu'on en a discuté, lorsque j'étais à Kaboul. Je ne saurais vous dire s'ils ont moins de 18 ans ou non. Par contre, je sais qu'ils font partie d'une organisation gouvernementale afghane et qu'ils relèvent de la police nationale; enfin, c'est à espérer.
    C'est un peu inquiétant, en effet.
    Il ne faut pas s'inquiéter car, en fait, c'est un service de police auxiliaire.
    Merci.
    Vous avez parlé du Pacte pour l'Afghanistan, auquel vous avez participé, je crois, tout comme à la Stratégie de développement national pour l'Afghanistan. Je me demande où nous en sommes dans ce processus. Je sais que vous pouvez parler davantage pour l'ensemble du pays, mais qu'en est-il de Kandahar? Qu'a-t-on fait jusqu'à présent, particulièrement au chapitre de la sécurité...?
    Le Pacte est l'entente politique entre la communauté internationale et les Afghans, telle que sanctionnée par l'ONU, et il est donc difficile de parler d'une province en particulier. Mais la Stratégie de développement national de l'Afghanistan est le plan global. Il y a des programmes, qui font partie de la stratégie, qui sont mis en oeuvre dans les provinces de Kandahar, Helmand, Oruzgan et d'autres, quand les conditions de sécurité le permettent.
    Il y a, par exemple, le Programme de solidarité nationale, qui fait partie de cette stratégie et qui est géré par le ministère du Relèvement et du Développement rural. Il permet notamment de constituer des conseils de développement communautaire dans les villages. Je pense qu'il y a des conseils dans 400 à 500 villages dans la province de Kandahar parce qu'il n'y a pas de conflits armés tous les jours sur tout le territoire de cette province ou de celle d'Helmand. Les provinces sont divisées en districts et il y en a une quarantaine dans la province de Kandahar. L'organisation politique est assez fragmentée.
    Donc, pour vous donner une réponse brève, oui, les choses progressent.
    Vous avez parlé de chiffres, et je vais les reprendre pour vérifier si j'ai bien compris. Vous avez dit que l'aide après conflit en Bosnie était de 649 $ US tout de suite...
    Par habitant.
    Et de seulement 57 $...?
    Oui. C'est à l'échelle internationale et ces chiffres viennent de la Century Foundation.
    Pourtant l'Afghanistan est le plus important bénéficiaire d'aide étrangère du Canada.
    C'est exact.
    Quels sont les pays qui ne font pas leur juste part pour la reconstruction?
    Je ne peux pas vous le dire.
    Non?
    Ce serait difficile pour nous de le savoir. Nous sommes les artisans de cette mission, d'accord?

  (1610)  

    Ces chiffres sont scandaleux.
    Nous n'avions aucun contrôle sur l'argent de qui que ce soit, ni même de renseignements là-dessus. Mais c'est ce qu'il y a, et... Nous allons faire faire des recherches.
    Je me demande si vous pourriez nous renseigner sur ce qui se passe le long de la frontière avec le Pakistan que les contre-insurgés traversent régulièrement. Qu'est-ce que le comité devrait faire à ce sujet ou que pensez-vous de la situation?
    La situation de la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan est très difficile. Sur le plan politique, je sais que plusieurs ministres du gouvernement du Canada sont intervenus auprès du gouvernement du Pakistan à ce sujet, comme l'ambassadeur du Canada l'a fait lui aussi. Il est clair que des gens traversent régulièrement la frontière, et c'est un problème.
    Sur le plan militaire, il y a une organisation tripartite à l'échelle nationale, au sein de laquelle les chefs militaires pakistanais, la FIAS et l'Armée nationale afghane se rencontrent pour discuter de ces enjeux — et il y a des discussions semblables à d'autres niveaux.
    En bout de ligne, vous devez comprendre que c'est un territoire pour le moins dangereux. La frontière entre les États-Unis et le Mexique n'est rien en comparaison, et je vais m'arrêter là-dessus. C'est un sujet délicat.
    Merci beaucoup, madame Black.
    C'est maintenant au tour de M. Calkins; nous redonnerons ensuite la parole à l'opposition.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, colonel, de votre témoignage d'aujourd'hui.
    J'aimerais comprendre exactement comment le plan stratégique et tout le reste fonctionnent.
    Pour moi, un plan stratégique vise à aller du point A au point B, sans trop expliquer en détail comment les choses vont se réaliser. Ces détails sont précisés dans les plans opérationnels qui en découlent. Cela dit, le plan stratégique est évalué de temps à autre pour qu'on vérifie si les objectifs sont atteints. Je me demande si vous pourriez nous décrire quelle était la situation quand les Forces canadiennes sont arrivées à Kaboul. Quel était le plan stratégique au départ, et dans quelle mesure les Forces canadiennes ont réussi à atteindre les objectifs énoncés dans ce plan, parce que tout plan doit avoir des objectifs?
    À quel moment comptions-nous obtenir la capacité, quand le moment est venu d'aller...? Quelle était la situation quand nous avons quitté Kaboul pour Kandahar, si on fait exception des EPR restées à Kaboul?
    Je veux d'abord préciser que l'Équipe provinciale de reconstruction canadienne se trouve à Kandahar.
    À Kaboul, nous avons des officiers d'état-major au quartier général de la Force internationale d'assistance à la sécurité et au quartier général de la coalition. Par ailleurs, pour aider l'Armée nationale afghane et contribuer à la réforme de la police nationale afghane, 15 Canadiens — surtout de jeunes officiers et sous-officiers — dirigés par un major, sont affectés au Centre d'entraînement national afghan. Ils préparent des unités de l'Armée afghane et donnent le dernier stage de formation avant le départ sur le terrain. Puis, il y a l'Équipe consultative stratégique en Afghanistan, que j'ai dirigée. Ce sont les effectifs qui restent à Kaboul, soit entre 65 et une centaine de personnes, selon les jours.
    Je ne peux pas vraiment décrire la stratégie ou le plan de campagne des Forces canadiennes. Les Forces canadiennes participent à la stratégie nationale du ministère des Affaires étrangères et du commerce international en Afghanistan. Nous avons donc un plan de campagne en Afghanistan, un plan opérationnel, qui est établi en fonction de la stratégie.
    En revanche, nous avons participé à l'élaboration du plan des Afghans pour leur pays. Nous les avons aidés à organiser tous les renseignements qu'ils recevaient — et croyez-moi, il y en avait beaucoup, beaucoup d'idées brillantes — pour en faire un cadre stratégique doté d'objectifs, de sous-objectifs etc. Il reste maintenant à obtenir les ressources pour les atteindre, parce qu'il faut bien sûr des ressources.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Oui.
    Pouvez-vous m'indiquer si les Forces canadiennes ont réussi à atteindre les objectifs fixés quand elles étaient dans la région de Kaboul?
    Les résultats sont éloquents. Les Forces canadiennes à Kaboul ont participé aux opérations de la Brigade multinationale de Kaboul — je parle des membres de l'unité de combat, dans le cadre de la FIAS, et par la suite de l'escadron de reconnaissance et de quelques ingénieurs. C'est rattaché à la Force internationale d'assistance à la sécurité.
    Par exemple, l'escadron de reconnaissance a joué un rôle important pendant les élections parlementaires qui ont lieu en septembre dernier, notamment en occupant des postes d'observation, en assurant la sécurité et en patrouillant les rues.

  (1615)  

    Pouvez-vous me rappeler pendant combien de temps les Forces canadiennes ont été les plus nombreuses à Kaboul?
    Je n'ai pas les dates, mais quelqu'un peut vous les fournir. Les élections de septembre ont été leur dernière opération et, à partir de l'automne jusqu'au début de l'année, les activités se sont concentrées sur le déplacement de Kandahar à Kaboul. L'opération a été assez compliquée.
    En déplaçant leurs opérations à Kandahar, où la situation est différente de celle de Kaboul, les Forces canadiennes doivent planifier un peu autrement en raison du terrain, de la résistance et d'autres particularités de la région, et je me demande comment les plans ont changé. Je n'ai pas besoin d'en connaître les détails, mais pouvez-vous me dire si les plans ont changé? Est-ce que les résultats obtenus sont aussi bons que dans la région de Kaboul?
    Je ne peux pas vous répondre parce que je n'y étais pas. Je n'aurais pas de faits à vous communiquer sur la situation à Kandahar, seulement mon opinion personnelle.
    Il est évident que les plans ont changé. Des soulèvement se sont organisés pendant que nous étions là-bas et les Forces canadiennes ont dû s'adapter pour réagir à la menace qui pesait. Pour avoir plus de détails sur la planification, il faudra attendre le retour au pays du commandement de la brigade.
    Je veux simplement revenir sur deux ou trois observations que j'ai trouvé bien intéressantes dans votre exposé. Vous avez dit que la population en Afghanistan semblait en avoir assez de la guerre et du chaos dans lequel elle vit. Nous essayons de remplacer le régime des armes par celui du droit et des relations diplomatiques. Vous avez dit qu'il y avait des millions de filles à l'école, de l'irrigation et le reste. Puis, vous avez signalé que la reconstruction progressait sans faire de bruit, alors que nous semblons en faire beaucoup chaque fois qu'un de nos soldats meure au combat.
    Qu'est-ce que les Forces canadiennes font ou devraient faire, selon vous, pour faire connaître l'autre côté de la médaille, tout le bon travail qui est accompli en Afghanistan? D'un point de vue stratégique, comment faire passer le message à la population canadienne?
    C'est difficile à dire. Tout ce que nous pouvons faire, c'est continuer de parler des réalisations et de les montrer. Mais c'est normal. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, ce sont les opérations de combat les plus intenses que nous ayons connues depuis la guerre de Corée. Je serais inquiet que les Canadiens ne soient pas inquiets, qu'ils ne soient pas interpellés. Si les Canadiens ne discutaient pas de la question et ne suivaient pas la situation, je serais vraiment préoccupé en tant que militaire. Il y a des limites à ce qu'on peut faire, mais les gens doivent discuter et chercher à savoir ce qui se passe, comme j'ai essayé de l'expliquer au cours du dernier mois.
    Merci.
    Nous allons commencer notre deuxième tour de table. Le temps qui vous est imparti est maintenant de cinq minutes, et je vous demanderais d'en tenir compte.
    Nous allons commencer par M. McGuire, puis ce sera au tour de M. Hiebert et de M. Bouchard.
    Il n'y a probablement pas beaucoup de similitudes entre la Bosnie et l'Afghanistan, mais vous avez travaillé dans les deux pays. Il semble que l'OTAN devra rester en Bosnie encore longtemps avant que les plaies ne soient assez guéries et que nos militaires puissent se retirer.
    Pour que le comité ait une idée de la durée du mandat du Canada, quand pouvons-nous envisager le retour de nos militaires ici? Nous nous sommes engagés à rester trois ans, et vous avez dit dans votre exposé qu'il faudrait encore beaucoup de temps avant de mettre en place en Afghanistan un appareil gouvernemental, un appareil judiciaire, des programmes sociaux et toute une organisation civile que les Afghans pourront gérer.
    Pendant combien de temps, d'après vous, devrons-nous rester en Afghanistan avant qu'il soit raisonnable de nous attendre à ce que nos sacrifices en aient valu la peine?

  (1620)  

    Je ne peux vraiment pas vous dire pendant combien de temps les Forces canadiennes seront là-bas ou quelle sera la durée du mandat du Canada. Ce que je peux vous dire, par ailleurs, c'est que, pour obtenir des résultats, la communauté internationale devra jouer un rôle pendant encore longtemps. Il est difficile de préciser ce que « longtemps » veut dire, mais je sais que des institutions gouvernementales, des institutions d'État de cette nature et même une armée ne s'organisent pas en un an, ni même deux, quatre ou dix.
    L'armée régulière canadienne existait depuis au moins 50 ans, j'imagine, avant que la Première Guerre mondiale n'éclate, et notre milice existait dans bien des cas depuis beaucoup plus longtemps. Il est inutile d'avoir un doctorat en histoire pour savoir que les moyens de mobilisation utilisés en 1914 ont été assez particuliers. Mes lectures m'ont appris exactement ce que nos mentors britanniques pensaient de nous jusqu'au dimanche de Pâques 1917, à la crête de Vimy.
    Il faut des décennies pour bâtir une armée et une force de police. Il faut compter beaucoup de temps pour mettre en place un système de gouvernement là où il n'y a jamais eu de régime démocratique fort. Il y a beaucoup à reconstruire dans ce pays depuis que les communistes du pays ont réalisé leur coup d'État et renversé le dernier gouvernement plutôt progressiste du pays, celui de Daoud, au milieu des années 1970.
    Pendant combien de temps le Canada restera-t-il là-bas? C'est une décision politique qui est prise par les chefs politiques de notre gouvernement démocratiquement élu, quel qu'il soit. Mais il faudra du temps pour rebâtir l'Afghanistan.
    Cela dit, il y a beaucoup de dirigeants afghans dynamiques, visionnaires et, sans vouloir paraître mièvre, inspirés. Des gens sont revenus chez eux vivre dans des conditions difficiles. Ils ont renoncé à la vie confortable qu'ils menaient comme professeurs, ingénieurs et gens d'affaires aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Europe pour accepter un certain inconfort matériel — parce que vivre à Kaboul n'est pas vivre à Orléans en Ontario — et, dans certains cas, courir des risques sur le plan personnel. Comme je les connais et que j'ai travaillé avec eux, je sais que le potentiel est là, et c'est pourquoi je suis plutôt optimiste quant à l'avenir.
    Comme il y a à peu près 30 millions d'habitants en Afghanistan, comme ici, on pourrait penser que la population locale ferait davantage pour confronter plus vigoureusement les talibans et leurs semblables si elle voulait vivre normalement, ou plus normalement. On ne voit pas de reportages sur ce que vous venez de nous dire, à savoir que les gens retournent en Afghanistan pour rebâtir leur pays.
    Pourquoi ne sont-ils pas plus déterminés? Ils le sont peut-être et nous ne le savons pas. Pourquoi le soutien local n'est-il pas plus important au sein de cette population de 30 millions d'habitants? Avec 36 autres pays, nous flambons beaucoup d'argent pour améliorer leur sort. Alors pourquoi ne se montrent-ils pas plus déterminés?
    Je pense qu'ils le sont, mais que vous ne le voyez pas parce que nous mettons l'accent ailleurs. À Kandahar, il faut d'abord commencer par assurer la sécurité des gens pour leur redonner confiance. La population a été victime des forces de l'histoire bien des fois au cours des 35 dernières années. Ceux qui vivent dans les provinces de Kandahar et d'Helmand et dans d'autres régions ne vont pas s'impliquer avant d'être assez certains que nous pouvons assurer leur sécurité. Dans le reste du pays, ils se mobilisent. Le jour des élections, le 18 septembre dernier, j'ai vu des gens faire la queue pendant deux heures sous un soleil de plomb pour voter. C'était assez impressionnant.

  (1625)  

    Merci, monsieur McGuire.
    C'est maintenant au tour de M. Hiebert, puis ce sera à M. Bouchard.
    Je me demande si vous pourriez nous indiquer où en est l'entraînement de l'Armée nationale afghane. Ma question a plusieurs volets, et vous voudrez peut-être prendre des notes.
    Plus précisément, quelles sont les capacités générales de l'armée? Quelles tâches précises les militaires accomplissent-ils actuellement? Quelle est leur contribution à la mission de l'OTAN dans le sud?
    Et pour faire suite à votre discussion avec M. McGuire, à quel moment pensez-vous que nous pourrons dire que l'armée afghane n'a plus besoin de nous pour ce qui est de l'entraînement? Nous comprenons que les militaires peuvent se débrouiller seuls, mais à quel moment pensez-vous qu'ils seront en mesure de le faire?
    L'Armée nationale afghane peut mener des opérations de combat, offensives et défensives, en petites unités, c'est-à-dire que des sections, des pelotons ou des compagnies regroupant à peu près 200 militaires peuvent prendre part à des combats. Ces unités peuvent, comme je viens de le dire, mener des opérations offensives et défensives.
    Ils participent à toutes les opérations avec la brigade dirigée par le général Fraser, dans les six provinces du sud, avec des militaires britanniques, néerlandais, quelques militaires américains, roumains, etc. L'ANA se joint à presque toutes ces opérations qui sont coordonnées avec le commandant de corps de l'Armée nationale afghane, qui se trouve dans la ville de Kandahar et est responsable de la région. Nous n'agissons donc pas sans eux. Les opérations sont coordonnées.
    Je suis beaucoup trop vieux pour avoir participé directement aux combats, mais ceux qui l'on fait vont vous dire que les soldats de l'Armée afghane se battent comme des lions. Ils circulent dans des camions Ford Ranger non blindés fournis par les Américains, ont des armes de l'époque du Pacte de Varsovie — des fusils d'assaut AK, des GPF et de l'équipement du genre — et ils attaquent toujours de front, toujours.
    Dans les armées des pays du Commonwealth, on enseigne la discipline de tir, c'est-à-dire comment limiter les tirs, conserver les munitions et bien cibler. Ce n'est plus ce qu'on enseigne aux militaires afghans, mais plutôt le rechargement en munitions. Ces militaires ne se dérobent pas.
    Combien de temps faudra-t-il? Des années, avant que les militaires soient prêts à fonctionner sans aucun moniteur. À un certain moment donné, ils n'auront peut-être pas besoin de l'aide d'autant de forces de manoeuvre de la communauté internationale, mais ils auront besoin d'entraîneurs, de mentors et de renfort dans l'avenir. Pendant combien de temps? Je ne peux pas vous répondre.
    Très bien.
    Ma deuxième question traite de la Police nationale afghane. Un témoin que nous avons entendu il n'y a pas si longtemps a suggéré que nous en fassions plus pour ce qui est de l'entraînement de la Police nationale afghane. Apparemment, seulement quelques membres de la GRC assurent cette formation à l'heure actuelle.
    À votre avis, l'engagement que nous avons pris est-il suffisant pour rendre la Police nationale afghane efficace et capable de remplir ses fonctions?
    Je vais essayer de vous exposer le contexte.
    Le programme de la Police nationale afghane est un programme international. C'est l'Allemagne qui le dirige. Il y a une quarantaine de policiers allemands dans la région de Kaboul qui s'occupent du programme, si vous voulez. Il a démarré lentement. Les États-Unis ont beaucoup investi dans la réforme de la Police nationale afghane et il y a un grand nombre de policiers étrangers et d'entrepreneurs de nombreux pays qui contribuent à la formation des policiers actuellement.
    Les agents de la GRC font partie de l'Équipe provinciale de reconstruction à Kandahar. Ils s'occupent de l'encadrement des policiers afin d'en faire des professionnels à Kandahar. Voilà pour le contexte.
    La contribution du Canada au quartier général se fait au sein du Commandement de la transition conjointe de la sécurité en Afghanistan. Ce commandement est dirigé par le brigadier général Gary O'Brien. Je crois qu'il est toujours là, avec un personnel important qui aide les Américains à réaliser leur partie du programme. Voilà où nous en sommes à propos de la réforme de la police.

  (1630)  

    Est-ce suffisant?
    Je ne sais pas si la contribution du Canada est suffisante. Je sais que la contribution internationale doit être accélérée et améliorée dans son ensemble.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur le colonel, d'être parmi nous cet après-midi.
    Vous avez indiqué que cela exigeait beaucoup, qu'il y avait encore de la corruption, que les Afghans n'avaient pas confiance en leurs tribunaux. Or, cela fait cinq ans que les Forces canadiennes sont en place, soit depuis 2001.
    Ma question est la suivante: reste-t-il plus à faire, selon vous, que ce que nous avons déjà fait depuis que nous sommes là?

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Il reste beaucoup à faire en Afghanistan dans tous les domaines. Il faudra beaucoup de temps avant que la communauté internationale puisse déclarer que sa mission est accomplie en Afghanistan.
    Comme je l'ai dit, les forces de l'histoire se sont abattues sur ce pays, surtout depuis 30 ans. La destruction matérielle est très importante, et je ne parle pas seulement de l'infrastructure, mais aussi des nombreuses terres agricoles qui ont été dévastées par la guerre. Sans compter que des régions entières ont été déboisées. Par dessus le marché, il y a eu sept années de sécheresse. La tâche de reconstruction est très compliquée.
    Il est clair que depuis quelques années le processus qui était sous l'autorité internationale est en voie de passer sous l'autorité afghane. Le Pacte, la Loya Jirga constitutionnelle et les deux élections qui se sont très bien déroulées constituent des étapes importantes. Nous en sommes maintenant au point où les Afghans et l'Afghanistan sont en train de prendre leur avenir en main.
    La situation n'était pas la même au Kosovo, qui était sous l'administration de l'ONU. On parle d'un État souverain, qui se débrouille avec l'aide internationale. Oui, il y a beaucoup à faire, dans n'importe quel domaine auquel vous pouvez pensez. Dans tous les secteurs dont les ministères du gouvernement du Canada s'occupent, il y aurait des problèmes en Afghanistan.

[Français]

    Vue de l'extérieur, la mission des Forces canadiennes semble avoir pris un virage plus militaire qu'humanitaire et pacifique.
    Que se passerait-il si le Canada ne menait plus aucun combat en Afghanistan?

[Traduction]

    Si on voulait mettre fin aux combats en Afghanistan, il faudrait quitter la province de Kandahar. Quelqu'un doit réprimer la contre-insurrection dans cette province. S'il n'y avait pas de forces militaires internationales aujourd'hui dans la provinces de Kandahar où les Canadiens se trouvent, dans la province d'Helmand où sont les Britanniques et dans la province d'Oruzgan où sont affectés les Néerlandais, à mon avis, il n'y aurait pas nécessairement un gouvernement taliban, mais ce serait toujours le chaos.
    L'insurrection n'est pas une initiative purement talibane, si vous voulez. C'est une opération complexe et élaborée à laquelle participent les anciens et les nouveaux talibans, des criminels, les cartels de la drogue et des dirigeants tribaux. Ils ont tous des intérêts différents, mais leurs objectifs se recoupent. Aucun d'entre eux ne veut que le gouvernement de l'Afghanistan puisse exercer sa souveraineté légitime dans la région.
    Pourquoi? Pour les talibans, la situation est claire. Ils veulent rétablir la théocratie renversée en 2001. Pour d'autres, les barons de la drogue et les criminels, c'est une question de profit. Il y a énormément d'argent en jeu. Pour les dirigeants tribaux, c'est surtout qu'ils ne veulent pas que leur pouvoir traditionnel soit perturbé. La plupart de ces groupes, surtout les criminels et les dirigeants tribaux, ne veulent aucun gouvernement dans la région, et c'est ce qui arriverait. Il n'y aurait pas de gouvernement et les gens seraient à la merci des puissants, comme ils l'ont été pendant la majeure partie de leur vie.

  (1635)  

[Français]

    Je peux poser une dernière question?

[Traduction]

    Il faut qu'elle soit brève.

[Français]

    D'accord, je serai bref.
    Les troupes canadiennes se battent-elles plus que les troupes des autres pays présentes en Afghanistan?

[Traduction]

    Je trouve votre remarque pertinente. Je crois que le ministre de la Défense, le ministre des Affaires étrangères et le premier ministre ont essayé de faire en sorte qu'il y ait plus de militaires dans cette région du monde.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de M. Hawn, et ensuite nous reviendrons à l'opposition officielle.
    Colonel, bienvenue.
    Vous avez dit que l'équipe provinciale de reconstruction est au fait des priorités nationales du gouvernement de l'Afghanistan. Avec quelle efficacité et quelle régularité le gouvernement de l'Afghanistan fait-t-il part de ces priorités?
    Ces priorités sont assez récentes. La conférence de Londres, et la présentation du Pacte pour l'Afghanistan et de la Stratégie intérimaire pour le développement national ont été le premier cadre de stratégie commune en vue du développement de l'Afghanistan. La conférence a eu lieu en février et, depuis, il y a eu beaucoup de pressions pour y donner suite. Le gouvernement consacre beaucoup de temps à coordonner ses ministères pour qu'ils suivent le plan.
    Pour ce qui est des communications, la question est intéressante. Le cabinet afghan suit le plan. La communauté internationale participe au Conseil de coordination et de surveillance conjoint, comme on l'appelle, qui est censé gérer le plan au fur et à mesure de sa réalisation.
    Le général Richards, de la FIAS, est chargé de faire travailler les équipes provinciales de reconstruction à la réalisation de ce plan, et il n'a ménagé aucun effort en ce sens.
    Nous avons parlé du montant d'argent dépensé par personne. Je ne sais pas si on mélange les pommes et les oranges, mais y a-t-il une différence entre ce qu'un dollar achète en Bosnie et ce qu'il achète aujourd'hui en Afghanistan?
    Oui, certainement. Y a-t-il assez d'argent en Afghanistan? Les universitaires qui font des études sur le développement vont en débattre pendant 50 ans. Pour un simple militaire comme moi, il ne semble pas que ce soit le cas.
    Je ne suis pas en désaccord avec vous.
    Vous avez parlé des trois piliers de la mission et il a été beaucoup question de l'équilibre ou de l'absence apparente d'équilibre de l'engagement du Canada dans cette mission. Le Canada fournit une importante force de combat dans cette partie du pays qui est mal en point. Mais nous faisons partie d'un groupe de 37 pays alliés. Est-il juste ou non de dire qu'il y a un équilibre entre les trois paliers de la mission de la coalition?
    Il serait juste de dire que la mission est assez équilibrée.
    La prudence est de mise à ce sujet. Nous avons tendance à mettre l'accent sur l'aspect militaire, la Force internationale d'aide à la sécurité. Or, c'est seulement une organisation parmi d'autres. Le processus de reconstruction de l'Afghanistan est dirigé par le gouvernement afghan. Le principal intervenant international est la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan, la MANUA. Sous son autorité, il y a toute une série d'organismes: la Banque mondiale, le FMI, et bien d'autres organismes de développement officiels. Je ne sais pas combien de pays contribuent à l'effort de développement, mais il y en a plus qui s'impliquent à ce niveau que sur le plan militaire.

  (1640)  

    Il y a donc un équilibre au sein de la mission.
    Concernant la culture du pavot, avez-vous le sentiment que le gouvernement afghan est déterminé à trouver une solution à ce problème? Que fait-il à ce sujet?
    Il y a une stratégie de lutte contre les stupéfiants en Afghanistan. C'est un plan d'ensemble, j'allais dire « holistique », mais c'est plus difficile à comprendre. Il a plusieurs aspects, comme la promotion d'autres moyens de subsistance, l'interdiction du trafic et de la transformation et l'éradication dans certains des cas graves. C'est un plan d'ensemble que le gouvernement s'est engagé à respecter.
    Pensez-vous que c'est réaliste?
    Il faudra beaucoup de temps. Tout est long là-bas et il faut faire preuve de patience.
    Nous avons parlé du rôle des planificateurs militaires dans le rétablissement des institutions civiles défaillantes. Il semble y avoir eu beaucoup de précédents à ce sujet étant donné que le Canada et d'autres pays sont intervenus militairement ailleurs, plus particulièrement dans les Balkans. Pouvez-vous nous parler de ces précédents et de leur lien avec la situation qui nous occupe maintenant?
    Je ne pense pas pouvoir le faire, parce que c'était une situation unique en son genre.
    Je ne suis au courant que des planificateurs que le général Hillier a prêtés à Ashraf Ghani quand il était ministre des Finances. Il n'y a aucun autre pays à Kaboul qui fait quelque chose de semblable dans le moment, même si la FIAS et la coalition ont des sections politiques et militaires qui négocient avec le gouvernement.
    Mais il n'y a personne d'autre qui, comme les fonctionnaires afghans, a travaillé de près avec le gouvernement afghan, dans ses bureaux. Il faut s'imaginer la salle. Quand je suis parti, il y avait 15 Afghans dans la pièce et trois ou quatre Canadiens. Mes hommes avaient les adresses électroniques des représentants du gouvernement de l'Afghanistan. Ils mangeaient leur lunch avec eux, sauf pendant le Ramadan. Ils se cachaient dans le camion pour fumer, par exemple. Nous sommes les seuls à avoir vécu cela.
    D'accord. Juste...
    Désolé, votre temps est écoulé.
    C'est au tour de Mme Bennett, puis nous reviendrons ensuite à Mme Gallant.
    Je pense que c'est dans la circonscription de l'honorable député McGuire qu'un certain nombre de familles de militaires se sont demandé avec inquiétude si des soldats auront à retourner en Afghanistan deux, trois et quatre fois parce que la mission a été prolongée jusqu'en 2009. J'ai vraiment senti qu'elles trouvaient que l'engagement du Canada était extraordinairement difficile parce que nous sommes responsables de la région de Kandahar.
    Dans votre document sur le concept des trois D, expliquez-vous s'il y a un moyen, sur le terrain, d'indiquer au gouvernement du Canada et à la population canadienne quelle serait la situation si la mission était rééquilibrée? Si la population du pays est aussi préoccupée que je le crois par la mission de combat, comment pourrions-nous modifier notre engagement à Kandahar et nous occuper peut-être d'une autre région du pays pour un certain temps? Comment décider de dépenser plus d'argent pour le développement ou la diplomatie et moins pour l'aspect militaire, parce que c'est ce que les Canadiens et les Canadiennes pensaient que nous allions faire là-bas, d'après moi — puisque de toute façon 200 ou 300 écoles ont été détruites pendant la mission.

  (1645)  

    J'hésiterais à établir un lien entre notre présence là-bas et la destruction des écoles, parce qu'on les détruisait avant. Nous n'étions pas à Kandahar avant les élections du 18 septembre, et entre 14 et 20 chefs religieux ont été assassinés dans la province de Kandahar et celle d'Helmand pour perturber le déroulement des élections. On incendiait les écoles alors, et le reste. Nous le savons parce que nous sommes là maintenant. C'est un aspect.
    Comment informer le gouvernement du Canada? Les décisions dont vous avez parlé sur le lieu et la nature de la mission sont prises par les dirigeants politiques. C'est à la base des relations entre civils et militaires dans une société démocratique.
    Le gouvernement est informé par la chaîne de commandement militaire. Pendant un an, j'ai eu un accès direct au chef d'état-major de la Défense, et au commandant du Commandement de la Force expéditionnaire du Canada. Je leur ai donné mon avis assez franchement. Le brigadier-général Fraser était en contact direct avec le général Gauthier, le commandant de la force expéditionnaire, et avec le général Hillier. Nous faisons des recommandations tout le temps. Ce qu'ils en font leur appartient.
    Mais dans votre intéressant document sur le cloisonnement et les problèmes qu'il entraîne pour les trois D, est-ce que ces problèmes sont examinés seulement ici, à Ottawa, ou peut-on le faire sur le terrain en Afghanistan?
    Le problème de cloisonnement a été examiné sur le terrain en Afghanistan avant de l'être à l'échelle nationale ou internationale. Les gens sur le terrain font ce qu'ils peuvent pour que tout fonctionne. Par exemple — et j'en ai glissé un mot dans mon exposé — après mon arrivée à Kaboul, j'étais toujours avec l'ambassadeur du Canada et le chef de l'aide internationale, le gestionnaire supérieur de l'ACDI en Afghanistan. Pendant toute l'année que j'ai passée là-bas — et c'est la même chose pour l'équipe qui a pris la relève — je rencontrais l'ambassadeur toutes les semaines pour faire le point sur la situation et je pouvais le rencontrer de façon extraordinaire chaque fois qu'il le fallait pour régler un problème. J'ai même pensé que le chef de l'aide internationale vivait chez nous pendant un moment.
    Pour ce qui est des ressources, quel mode de communication existe pour qu'on puisse consacrer plus d'argent au développement si vous, sur le terrain, décidiez que c'était important?
    Les renseignements à ce sujet sont acheminés par la chaîne de commandement du ministère à Ottawa.
    Mais il n'y a aucun organe décisionnel qui s'occupe des trois D?
    Non, mais l'ambassadeur du Canada est le chef de la mission canadienne, si vous voulez, en Afghanistan. Ce n'est peut-être pas son titre officiel, mais il est tout de même le chef de la mission. Notre ambassadeur est le principal représentant canadien dans le pays, et il rencontre régulièrement le général Fraser et d'autres, et toutes les semaines il tient une conférence téléphonique pour essayer que tout fonctionne.
    Je voulais simplement savoir...
    Soyez brève.
    Oui. Si la population canadienne nous faisait savoir assez clairement qu'elle veut que nos militaires poursuivent la mission ailleurs qu'à Kandahar, que devons-nous faire?
    Une décision de cette nature ne sera pas prise par les gens de la base ou sur le terrain, mais par les dirigeants politiques ici même, sur la Colline du Parlement. Nous suivons les ordres.
    Merci.
    Madame Gallant, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Pour faire suite à la question de Mme Bennett, pouvez-vous comparer avec le Soudan, auquel elle a fait allusion je pense, les relations que l'Afghanistan entretient avec la communauté internationale par l'entremise du Pacte, tel que cela s'appliquerait au cadre stratégique que vous avez aidé à établir dans ce pays?
    D'après ce que je comprends, le gouvernement du Soudan ne veut pas la présence d'une force internationale sur son territoire. En revanche, le gouvernement élu de l'Afghanistan, dont les trois appareils exécutif, législatif et judiciaire fonctionnent même si ce n'est pas à la perfection, veut que nous soyons sur place. C'est une mission conjointe de l'Afghanistan et de la communauté internationale. Le Pacte pour l'Afghanistan, y compris le pilier de la sécurité, qui prévoit la stabilisation du pays, fait partie du plan du gouvernement de l'Afghanistan. C'est un gouvernement souverain et un membre de l'ONU.

  (1650)  

    Merci.
    Au sujet de l'équipe provinciale de reconstruction, vous est-il possible de nous expliquer comment l'argent est versé? Il provient du Canada par l'entremise de l'ACDI, et comment est-il distribué ensuite et comment...
    Madame Gallant, je ne peux vraiment pas vous le dire parce que je n'ai pas travaillé là-bas. Mais il y a des employés de l'ACDI au sein de cette équipe, et j'imagine que l'équipe est commandée par un lieutenant-colonel canadien, parce que c'est notre façon de fonctionner dans l'armée. Elle est aussi composée du diplomate de haut rang qui a remplacé Glyn Berry et d'un agent principal de l'ACDI avec d'autres pour les aider. Ce sont les représentants de l'ACDI qui planifient, coordonnent et gèrent les projets de développement; ce n'est pas le commandant de l'équipe qui le fait. Son travail consiste à les aider en assurant leur sécurité et en leur fournissant l'aide technique dont ils ont besoin et un endroit pour vivre parce qu'on ne peut pas s'installer dans une maison de pension à Kandahar tant qu'il y a des insurgés.
    D'accord, et pour faire suite à une autre question, est-ce qu'un déploiement de huit mois plutôt que de six aiderait la mission à atteindre son objectif plus tôt?
    Je vais parler de ce que je connais.
    Comme mon équipe a été formée un peu à la dernière minute, tous ses membres n'ont pas pu être mobilisés pour une année complète. Certains ont pu rester un an, mais d'autres, six mois. On s'est bien rapidement rendu compte que nous devions rester un an. Je crois que tous les membres de l'équipe qui nous a remplacés sauf un sont là pour un an.
    En Afghanistan, dans nos rapports avec les Afghans, la confiance et les relations sont essentielles. Il faut gagner cette confiance et on ne peut pas briser le lien qui se crée tous les six mois. Chaque fois qu'un de mes officiers partait, je devais aller serrer beaucoup de mains et m'assurer que les gens ne pensaient pas que nous les abandonnions.
    Pour ce qui est des unités envoyées dans le sud, le commandant de la brigade, le général Fraser, par exemple, est sur place pour neuf mois comme certains de ses officiers au quartier général. Pour le reste, c'est une question de mise sur pied d'une force à laquelle d'autres, comme le général Hillier ou le général Leslie, sont beaucoup plus en mesure que moi de vous répondre.
    Merci.
    Il vous reste une minute.
    Ma question sera brève. En fait, elle fait suite à une question de M. McGuire qui a demandé pourquoi un pays de 25 millions d'habitants déterminés à changer les choses ne parviennent pas à les changer.
    Je viens de terminer le livre The Places In Between, d'un auteur écossais du nom de Rory Stewart qui a traversé l'Afghanistan à pied en 2002. Son livre est intéressant, mais ce que j'en ai retenu — et j'aimerais avoir votre avis là-dessus — c'est que les Afghans ne peuvent pas changer les choses parce que la culture varie d'un village à l'autre même si les villages sont très rapprochés. Est-il juste de dire qu'il n'y a pas une seule culture en Afghanistan mais des dizaines et des dizaines de cultures?
    C'est juste. Il n'est vraiment pas facile de circuler dans ce pays. C'est comme dans beaucoup d'autres sociétés tribales. C'est un pays très rural, où les conditions sont très austères. Il y a des gens qui n'ont jamais quitté leur village. Il y a des familles établies dans un village depuis des générations, et il y a peut-être une personne qui s'est rendue dans le village voisin. Ils n'ont jamais parcouru une distance comme celle entre Edmonton et St. Albert, par exemple. C'est une chose.
    Ce qui est plus important, cependant, c'est que la population a commencé à se prendre en main. Les gens ne se précipitent pas pour joindre les rangs des insurgés. C'est sciemment que je ne les appellerai pas des talibans, parce que ce serait accorder à certains criminels un titre qu'ils ne méritent pas.
    L'incident que je vais vous citer en exemple s'est produit, je pense, le 29 mai. Une émeute a éclaté à Kaboul quand un véhicule américain a été impliqué dans un accident. Elle s'est déroulée en deux étapes. Au début, il s'agissait clairement d'une réaction spontanée à un accident tragique. Ces choses arrivent dans beaucoup de parties du monde, quoique probablement pas au centre-ville d'Ottawa. L'émeute a repris dans l'après-midi, mais c'était alors clairement un soulèvement orchestré par certains groupes qui voulaient faire du graburge.
    Tout le monde craignait que le désordre reprenne. Le lendemain, rien ne s'est passé, mais pas seulement en raison de la présence de l'Armée nationale afghane dans les rues. Nous sommes allés rencontrer nos homologues afghans qui étaient en état de choc. L'émeute les avait rendus furieux. Ils ne pouvaient pas croire qu'une chose semblable se produise à Kaboul. Pour eux, si cela annonçait le retour de la violence, ils ne voulaient pas s'en mêler. Essentiellement, la population a pris les choses en main. Quand 5 000 personnes dans une ville de 3,5 millions d'habitants se soulèvent, je ne suis pas certain qu'il faille paniquer, mais cela se sentait.
    Et ce n'était pas seulement le sentiment des professionnels avec qui nous travaillions. Même le plombier borgne et manchot qui semblait avoir élu domicile chez nous parce que nous avions toujours quelque chose à faire réparer était dans le même état de choc que tout le monde. Il ne voulait tout simplement pas que cela continue. Les gens prennent les choses en main, et c'était très impressionnant le jour des élections l'an dernier.

  (1655)  

    Nous allons terminer notre deuxième tour de table par M. Dosanjh, avant de passer à un autre tour.
    Je vous remercie.
    Mon collègue, M. Hawn, a abordé avec vous la question du reste de la mission, un point qu'il avait déjà soulevé.
    C'est une façon intrigante de concevoir le reste de la mission. J'étais à la table du Cabinet quand la décision a été prise de faire de la mission de Kandahar une mission tridimensionnelle. D'après ce que j'avais compris, elle comportait presque à parts égales des travaux de reconstruction et des travaux humanitaires, des efforts diplomatiques et la défense.
    Vous avez mentionné l'intensité des combats qui se déroulent, et depuis quelques mois, nous livrons essentiellement une guerre. Voilà que nous en sommes réduits à voir le reste de la mission comme des opérations militaires, avec quelques travaux de reconstruction et des travaux humanitaires, mais en laissant à d'autres le soin de faire les travaux de reconstruction et les travaux humanitaires que nous devrions être en train de faire. C'est inacceptable. Ce n'est pas là la mission. Si c'est ce qui est prévu, c'est que la mission a été changée, ce que la plupart d'entre nous affirment depuis quelques mois.
    Je ne vous pose pas une question. Je tenais simplement à vous transmettre la réflexion, mais vous êtes libre d'y répondre ou de la commenter.
    Ma véritable question concerne l'éradication de la culture du pavot. Dans le numéro d'hier du Ottawa Citizen, il y avait une entrevue avec Norine MacDonald. Voici ce qu'elle dit dans l'entrevue. Je vous soumets ses propos, et vous pouvez les commenter.
    À la question de savoir si elle a été confrontée à de la violence, elle répond, et je cite :
Dans le sud de l'Afghanistan, la violence fait partie du quotidien . Il y a des bombardements toutes les nuits. On s'endort au son des bombes américaines qui pleuvent sur Panjwaii. Il y a constamment des combats sur cette route. Nous avons rencontré des personnes qui ont été embusquées par des talibans. Beaucoup d'Afghans sont obligés de quitter leur village pour se réfugier ailleurs, puis de se déplacer encore et à nouveau pour éviter les combats et les bombardements.
    Un peu plus loin, elle ajoute :
Avec la sécheresse, la destruction des cultures (de pavot), les bombardements et les combats dans les villages, ils sont actuellement désespérés.
    On lui pose ensuite la question : « Comment décririez-vous la sécurité dans le sud de l'Afghanistan? ».
C'est une zone de guerre. La situation s'est dramatiquement détériorée au cours de la dernière année. La destruction des cultures a certes fait le jeu des talibans. Quels qu'aient été les appuis locaux dont jouissait la communauté internationale dans le sud de l'Afghanistan, ils ont été lourdement hyopthéqués par ce plan de destruction. Les talibans y ont vu l'occasion de faire des gains sur le plan politique et l'ont saisie.
    Je ne suis pas sûr que ce soit vrai, mais d'après tout ce que j'ai entendu et tout ce que j'ai lu, Norine MacDonald du Senlis Council dit exactement le contraire de M. Karzai. Il a en effet déclaré à la Chambre des communes : « ...si nous ne détruisons pas le pavot, c'est le pavot qui nous détruira », quelque chose dans ce sens. C'est là tout à fait à l'opposé de la politique des Nations Unies d'éradication du pavot et aux recommandations du Senlis Council.
    Ce que j'aimerais savoir, c'est s'ils ont raison de dire que nous perdons des appuis à cause de la destruction du pavot? Ou avez-vous raison de dire « presque pas »?

  (1700)  

    Monsieur, je porte l'uniforme des Forces armées canadiennes, non pas l'insigne du Senlis Council.
    J'en suis conscient.
    Le Senlis Council a un programme. Il favorise énormément la commercialisation de la culture du pavot à des fins médicinales. En réalité, à moins que la sécurité soit absolue, toute culture licite de pavot se transformera vite en culture illicite. Nul ne devrait en douter. On a trop fait de cas de la destruction parce que, que je sache, on n'a pas vraiment détruit beaucoup de cultures là-bas. Les Forces armées canadiennes ne détruisent pas les cultures de pavot. Aucune force de l'OTAN ne le fait. Aux termes de la nouvelle stratégie afghane de lutte contre les stupéfiants, la destruction du pavot n'est qu'une partie de la stratégie et elle en représente presque le dernier recours. Il existe toutes sortes d'autres stratégies dont je vous ai parlé tout à l'heure: des activités économiques de remplacement, l'interdiction de la substance sur les routes, l'interdiction des laboratoires et ainsi de suite.
    En fin de compte, pour parler en termes très simples, si l'on examine le sud de l'Afghanistan sur une période de quatre ans environ après la fin de 2001 et le début de 2002, les forces internationales étaient très peu présentes et encore moins les forces de sécurité afghanes. Ce qui est arrivé, c'est que les troupes de plus de 8 000 soldats de l'OTAN sous le commandement du brigadier général Fraser se trouvent là où ces gars avaient auparavant libre cours, dans une région où la sécurité n'existait pas, et ils ne sont pas heureux.
    En dernière analyse, ce n'est pas nous qui avons lancé le mouvement de soulèvement là-bas; ce sont les insurgés qui l'ont fait. Tant qu'il n'y aura pas suffisamment de sécurité dans la région, il n'y aura pas moyen d'y faire du développement. On peut donc en parler tant qu'on veut, mais il faut avoir au départ un minimum de sécurité. C'est un principe de l'anti-insurrection que les professionnels militaires connaissent depuis plus de 50 ans. C'est ce que le feld-maréchal Templar a fait en Malaisie. Il a importé les troupes voulues pour instaurer la sécurité. C'est une possibilité dont nous ne disposons pas. Il faut que nous apportions de la sécurité aux gens, et c'est là un effort conjoint des Afghans et de la communauté internationale actuellement. Voilà ce qui se passe dans la province de Kandahar.
    Vous pouvez me croire sur parole: en tant que contribuable et être humain, je préférerais que 90 p. 100 de l'effort canadien soient consacrés au développement plutôt qu'à mener des opérations militaires. Par contre, cela ne se produira tout simplement pas tant que la sécurité ne sera pas établie dans le Sud.
    Je vous remercie.
    Voilà qui met fin au deuxième tour de table. Voici l'ordre que nous suivrons au troisième tour: nous entendrons d'abord l'opposition officielle, puis le parti ministériel, puis le Bloc, puis le parti ministériel, suivi de l'opposition officielle, du parti ministériel, de l'opposition officielle encore et, enfin, des néo-démocrates.
    Monsieur McGuire, serez-vous le premier à prendre la parole pour l'opposition officielle? Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Capstick, un auteur dont le nom m'échappe a publié un livre dans lequel il affirme que la situation en Afghanistan est pire actuellement que si nous étions demeurés chez nous. Je sais que vous êtes convaincu du contraire et moi-même, je n'y crois pas. Qu'est-ce que cela dit de pays comme le nôtre et l'OTAN? Que font-ils pour empêcher le génocide dans un pays où des traitements cruels sont infligés à de larges groupes de la population, quand soit nous ignorons ce que nous faisons avant d'arriver là-bas, soit que nous ne semblons pas être efficaces quand nous y sommes? Je crois qu'il faut aller là-bas, qu'il s'agisse du Zimbabwe ou d'ailleurs, quand des centaines de milliers de personnes sont massacrées par leurs propres gouvernants. Toutefois, on voit aussi des livres comme celui-là qui affirment qu'il serait préférable de rester chez nous.
    Je pourrais probablement répondre à la question moi-même, mais je vais vous laisser le faire.

  (1705)  

    Je crois que vous avez peut-être répondu vous-même à la question, monsieur. C'est une question épineuse qui nous entraîne en réalité dans le domaine de la stratégie politique. Elle est plus d'ordre théorique que pratique, et ce genre de décision est pris par des personnes bien plus haut placées que moi. Ce qui ne signifie pas toutefois que je n'ai pas d'opinion.
    Il faut disposer d'un plan d'ensemble quand on se rend dans ces pays. Voilà qui est plus facile à dire qu'à faire, parce que l'histoire n'est ni propre, ni nette; elle est floue. Des événements qui échappent au contrôle des dirigeants politiques ou du secrétaire général des Nations Unies surviennent, tout simplement. Il faut donc avoir un plan d'ensemble.
    À mon avis, le concept canadien de l'approche pangouvernementale — bref, l'approche tridimensionnelle — représente plus en réalité que les trois dimensions. Si l'on inclut la GRC, Corrections Canada et ainsi de suite, ce genre d'idée est nécessaire. Peut-on, au niveau international, mobiliser toutes ces forces vers l'atteinte d'un même objectif? Je ne peux vous donner la réponse, mais c'est ce qu'il faut.
    Je vous remercie.
    Monsieur Hawn.
    Merci, monsieur le président.
    Dans la foulée de ce qu'a dit mon collègue, M. Dosanjh, quand nous parlions des forces de la coalition, je vous dirais, colonel, que ce sont ces forces qui nous ont gagné la Première et la Deuxième Guerres mondiales, ainsi que la troisième, c'est-à-dire la guerre froide. Ces guerres ont été gagnées grâce à un concept qui n'a rien de nouveau, soit que les forces des différents pays ont contribué des éléments particuliers de la solution globale à une série globale d'objectifs, qui ont été atteints dans les trois exemples que j'ai mentionnés.
    Est-ce militaire ou stratégique...? Je suppose qu'à un plus haut niveau, une bonne approche consiste à s'appuyer sur ses points forts et avoir la souplesse voulue pour faire passer les troupes d'un rôle à l'autre selon les exigences des objectifs stratégiques globaux.
    Je ne suis pas sûr du genre de questions auquel vous souhaitez que je réponde.
    Je parle du fait que les militaires canadiens doivent exceller dans ce qu'ils font actuellement et, selon moi, nous sommes mieux placés pour fournir la meilleure composante militaire de la solution stratégique globale. Est-il sensé que nous fassions cela, étant donné que nous préférerions tous faire du développement? C'est incontestable.
    Je vais parler de ce que je connais, et je m'abstiendrai de commenter la raison ou la manière.
    Pour la première fois depuis plus de 30 ans d'états de service, je suis demeuré sur place et j'ai observé les officiers américains et britanniques en train de saliver à la vue de tout l'équipement qu'ont contribué les Forces armées canadiennes au conflit en Afghanistan.
    Le regroupement tactique à Kandahar est l'organisme militaire le plus capable en Afghanistan. Il offre plus de puissance de feu, une mobilité beaucoup plus grande et, fait encore plus notable — je ne souhaite pas insulter nos alliés—, des chefs et des soldats mieux formés que tous les autres sur le terrain. Pour la première fois de ma carrière, je peux l'affirmer.
    Je commandais des troupes en Bosnie en 1997 quand un général britannique s'est levé pour dire que l'armée canadienne avait perdu le droit de se qualifier de véritable armée. Je puis vous assurer qu'aucun membre du troisième bataillon du régiment de parachutistes de l'Armée britannique, c'est-à-dire le premier régiment de Britanniques envoyé dans la province de Helmand, souscrirait aujourd'hui aux propos du général maintenant à la retraite sir Hew Pike.
    Nous avons donc le matériel et nous avons les troupes. Les Canadiens devraient être fiers de la manière dont leurs troupes se sont montrées à la hauteur, parce que c'est la première fois depuis que je suis dans l'armée, et leur adaptation sur le terrain est assez étonnante à voir.
    Je vous remercie.
    Un témoin précédent qui avait passé pas mal de temps en Afghanistan, pas seulement avec les militaires, mais également avec des civils afghans, a laissé entendre que, comparativement à ce que les Russes ont fait et à la situation qui régnait à ce moment-là, la situation actuelle, bien qu'elle soit terrible, est en réalité une sinécure. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

  (1710)  

    J'aimerais commenter le contexte. On fait beaucoup de ces analogies avec le passé. Ainsi, on parle des invasions britanniques de la fin du XIXe siècle, de l'invasion soviétique de 1979. Il y a une grande différence entre ces invasions et la situation actuelle, en ce sens que nous agissons sous les auspices de l'OTAN, mandatés par les Nations Unies et en coopération avec le gouvernement de l'Afghanistan. Ce n'est pas une force d'invasion, pas plus qu'une force d'occupation. Comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, ces opérations se déroulent sous la direction des Afghans.
    Le groupe d'action politique de Kaboul, qui siège très régulièrement — je crois que le président en occupe le fauteuil une fois par mois environ — et qui décide de la stratégie dans le Sud est dirigé par des Afghans. Ce pays a une population de 30 millions de personnes environ, et les talibans ne représentent qu'une infime minorité — à condition qu'on puisse les qualifier de talibans. Donc, l'analogie n'y est pas. Ce n'est pas l'invasion soviétique de 1979.
    Les Afghans sont-ils conscients de la différence?
    C'est difficile à dire. Certains le sont peut-être, d'autres pas.
    Certains villages sont isolés — Rory Stewart en parle dans son livre. Il y a des gens là-bas qui ne sont jamais sortis de leur village. Par ailleurs, les étrangers ne s'y rendent presque jamais. Dans ces régions, un étranger demeure un étranger.
    Donc, certains d'entre eux ne font pas la différence. Par contre, ceux qui dirigent, ceux qui font partie du gouvernement, les personnes éduquées de Kaboul, les milliers qui sont revenus au pays, comprennent la différence et la reconnaissent.
    Monsieur Bouchard.

[Français]

    Quelle est la relation entre les troupes américaines et les troupes de l'OTAN? Selon vous, quels changements devrait-il y avoir pour potentiellement améliorer les relations entre ces deux groupes?

[Traduction]

    Depuis la semaine dernière ou la semaine précédente, la quatrième phase de la transition de l'OTAN s'est produite. Donc, actuellement, le commandant de l'OTAN, général Richards, commande toutes les troupes. Il a sous lui cinq commandements régionaux: les commandements régionaux du Nord, de l'Ouest, du Sud, de l'Est et de Kaboul. Toutes ces forces de manoeuvre relèvent du commandement de l'OTAN, si c'est ce que vous me demandez. Nous avons réalisé ce que nous appelons l'unité de commandement militaire en Afghanistan.
    Il reste tout de même des forces spéciales de divers pays sous commandement national, mais elles sont si loin de ma réalité que je ne puis commenter à leur sujet. J'ignore comment elles fonctionnent.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Au besoin, nous céderons à nouveau la parole au parti ministériel.
    Je pourrais poser une autre question.
    Nous avons parlé de la prestation de l'aide et de l'organisme qui s'en occupe — où va l'argent de l'ACDI, qui exécute le programme et qui est le mieux équipé pour le faire. Étant donné qu'il est parfois difficile d'assurer la prestation de l'aide, quelle est la meilleure solution? Je sais qu'il est difficile de répondre par des chiffres. Mais pour ce qui est de l'organisme de prestation de l'aide, que ce soit l'ACDI ou les Forces canadiennes, de quel genre de combinaison parlons-nous?
    L'ACDI est responsable de livrer l'aide au développement à la population, comme il se doit. C'est ainsi que cela fonctionne. L'ACDI passe le plus possible par le gouvernement de l'Afghanistan. Il existe un fonds appelé le Fonds d'affectation spéciale pour la reconstruction de l'Afghanistan et c'est ainsi que l'argent de l'ACDI est injecté dans le système. Je ne m'attends pas que l'ACDI sache comment faire un plan de feux, et je n'irai pas lui dire comment faire du développement.
    Les militaires ne font pas du développement comme tel. Les projets de développement d'une équipe provinciale de reconstruction sont les projets de l'ACDI. Nous fournissons de l'aide supplémentaire sur le plan de la sécurité et de l'aide technique. Je crois que les cinq derniers décès sont survenus pendant qu'on construisait une route. En réalité, actuellement, étant donné l'état de la sécurité à Kandahar, la seule façon de construire une route est de faire appel aux ingénieurs militaires. À la fin des hostilités, vous ne trouverez pas d'entrepreneur général local qui acceptera de s'y rendre pour commencer à construire une route. Ce sont donc les militaires qui doivent le faire. S'il s'agit d'un projet de développement, il est coordonné par l'ACDI au départ. Celle-ci a peut-être acheté le gravier. J'ignore comment tout cela fonctionne au niveau tactique. C'est là ma réponse en bref.

  (1715)  

    Je vous remercie.
    C'est à nouveau le tour de l'opposition officielle. Monsieur Temelkovski.
    J'ai quelques questions à vous poser.
    Colonel, on a attiré mon attention sur la solde des soldats d'autres pays qui est très différente de la nôtre. Le coût d'envoyer un Canadien, un Américain, un soldat de l'Occident, par opposition à un soldat de pays moins développés, est beaucoup plus élevé. On a estimé que trois soldats de pays moins développés pouvaient être envoyés pour le coût d'un soldat de l'Occident. Pouvez-vous jeter un peu de lumière sur la situation?
    Je ne suis pas sûr de savoir comment vous répondre. Nous sommes une force armée professionnelle ayant une formation poussée. En fait, beaucoup d'efforts ont été déployés vers la fin des années 90, si vous vous souvenez de toutes les questions de qualité de vie et de tout le reste, pour porter à un niveau raisonnable nos allocations, nos avantages et ainsi de suite.
    Je ne proposerais pas de remplacer le soldat canadien par trois soldats d'un pays moins développé, mais c'est là une opinion très personnelle. Par ailleurs, il y a également d'autres considérations, à savoir la nature des véritables opérations en cours et leur capacité de les exécuter. J'ignore la réponse.
    Voyez-vous une différence? J'aimerais savoir s'il en est question?
    Je ne crois pas que cela cadre très bien avec le contexte de l'OTAN. Il s'agit peut-être d'une opération de maintien menée aux termes du chapitre 6 des Nations Unies, l'opération habituelle, comme celle dont je faisais partie à Chypre en tant que membre de la 58e unité canadienne qui a été envoyée là-bas. J'en ai entendu parler dans ce contexte, mais pas dans un contexte relié à l'OTAN.
    Qui plus est, il faut que les pays se portent volontaires pour mener ce genre d'opérations; ce n'est pas comme si vous pouviez les embaucher.
    Ma deuxième question, c'est que des enfants là-bas, en Afghanistan, naissent depuis plus de 30 ans dans une situation de guerre, une véritable catastrophe. Que vous sachiez, fait-on quelque chose pour les aider à conserver un mode de vie plus ou moins normal?
    Oui, on fait beaucoup. On insiste beaucoup sur l'éducation dans le processus de développement international. À un moment donné, j'aurais pu vous dire combien il y avait d'orphelinats, mais il y en a des milliers un peu partout au pays.
    Comme toute société d'après-guerre, il y a des suites au conflit. Là-bas, trois générations n'ont probablement pas fait d'études et actuellement, le ministère de l'Éducation s'efforce énormément de rétablir l'éducation primaire, en particulier, et une alphabétisation de base.
    Selon vous, est-ce actuellement une société d'après-guerre là-bas?
    Je dirais que nous sommes dans une situation d'après-guerre dans les trois quarts du pays alors que le quart qui reste est toujours plongé dans un conflit.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie beaucoup.
    Quelqu'un d'autre, du parti ministériel, a-t-il une question à poser? Non? Parfait.
    Parmi les membres de l'opposition officielle?
    Madame Black, pour cinq minutes.
    Vous avez affirmé être très fier du travail effectué par les hommes et les femmes du Canada en Afghanistan. Je crois que les Canadiens sont fiers des hommes et des femmes qui font partie des Forces armées canadiennes.
    Pour ma part, assurément, j'aimerais avoir l'assurance que nous ne les exposons pas à des risques indus ou ne les plaçons pas dans une situation impossible. C'est là le point de départ de nombreuses questions que je pose. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas fiers des réalisations des hommes et des femmes membres des forces armées canadiennes, mais plus du point de vue d'une mère et d'une députée canadienne, que j'estime important de poser ce genre de questions.
    Après avoir écouté tout ce que vous avez dit, colonel Capstick, il me semble qu'une description plus exacte du travail que vous faisiez au sein de l'unité que vous commandiez à Kaboul était de renforcer les capacités de la population et les structures civiles en Afghanistan. Manifestement, vous avez trouvé l'expérience extrêmement enrichissante et vous avez constaté de réels progrès là-bas. Ce travail n'est pas en cours encore là où il y a de l'insurrection, mais le but ou l'espoir est de toute évidence d'instaurer une sécurité qui permettra d'y arriver. Je crois qu'on pourrait en débattre.
    Toutefois, j'aimerais vous demander ce qui se passe depuis les attaques du 11 septembre dans le sud de l'Afghanistan. J'ai déjà posé cette question et je n'ai jamais eu vraiment de réponse précise — vous n'êtes peut-être pas celui qui peut y répondre, mais je vous la pose tout de même. L'opération « Liberté immuable » est en cours. Les Américains sont en Afghanistan depuis le 11 septembre et sont allés dans le sud de l'Afghanistan depuis lors faire de la contre-insurrection d'une manière ou d'une autre pendant ces cinq années. Alors, dites-moi, pourquoi la situation empire-t-elle?
    Les Canadiens ne sont là que depuis peu de temps, et je me demande s'il est réaliste de s'attendre à un succès. Si les Américains avec toute la puissance militaire et toutes les ressources dont ils disposent sont passés par là, pourquoi la situation a-t-elle continué d'empirer?

  (1720)  

    Je vais vous répondre en tant que professionnel militaire aux états de service plutôt longs. Je vais commencer par répondre partiellement à la dernière partie de la question.
    Je ne crois pas que nous serions là si nous n'estimions pas pouvoir vaincre les forces d'insurrection ou les contrôler. Comme je l'ai déjà affirmé, on n'obtiendra jamais là-bas le niveau de sécurité qui règne à Ottawa. C'est irréaliste pour cette région du monde. Nous avons là-bas des troupes bien dirigées et bien formées. Nous avons un plan. Le gouvernement de l'Afghanistan a un plan, mais il faut du temps pour le mettre en oeuvre. Si l'on se fie à l'histoire militaire, il faut du temps pour mener une opération anti-insurrectionnelle. La situation d'urgence en Malaisie — on continuait de parler de situation d'urgence — a débuté en 1948, je crois, et a pris fin au milieu des années 60. Elle a mené à la création de l'État de Malaisie. À l'époque, c'était un monde très différent. Il faut du temps et de la patience pour lutter contre l'insurrection.
    Qu'est-ce qui a changé? Je suppose qu'on pourrait dire que c'est le nombre de troupes déployées. Malheureusement, dans ce genre d'opération, il n'y a pas de drapeau blanc. Il n'y a pas moyen de se rendre. Il n'y a pas de grande cérémonie de signature dans un wagon. On parle ici de groupes qui ne sont pas vraiment sous un contrôle militaire hiérarchisé comme nous le connaissons. Quand vous analysez vraiment la situation — et c'était probablement plus tard que 2002, après les opérations menées à Tora Bora et dans ces endroits —, il y avait probablement moins de 500 soldats américains sur le terrain, dans les rues, dans le sud et dans le sud-est de l'Afghanistan.
    Les troupes ont débarqué là-bas — et j'ai parlé de notre équipement et des forces déjà — et elles manoeuvraient sur le terrain dans des HUMVEES blindées armés de mitrailleuses et de lance-grenades de 40 millimètres. Dans le cadre du plan de transition de l'OTAN, tout à coup, ces troupes dans les principales provinces, dans les six provinces sous le commandement du brigadier-général Fraser, sont au nombre de 8 000 environ. Nous nous sommes retrouvés essentiellement à occuper un vide sur le plan de la sécurité. Les insurgés agissaient comme bon leur semblait là-bas. Personne ne leur donnait la chasse. Ils ne rencontraient pas de troupes américaines quotidiennement.

  (1725)  

    Y avait-il 18 000 Américains?
    Ils étaient déployés partout, mais il y avait une petite force dans le Sud. Ils étaient davantage concentrés dans les provinces du sud-est, dans des régions comme Paktia et Jalalabad.
    En dépit de toutes nos forces, les frais généraux sont élevés. Le ratio dent-queue n'est pas celui de la Seconde Guerre mondiale, c'est sûr. Il y a beaucoup de frais de queue, et il faut beaucoup dépenser pour maintenir des troupes dans ce genre de conditions.
    Vous avez dit il y a quelques minutes que toutes les forces relèvent maintenant du commandement de l'ISAF.
    C'est juste.
    Donc, toutes les troupes américaines également?
    Cela inclut les Forces américaines. Certaines troupes ont été maintenues sous le commandement national, mais ce sont des forces de combat qui...
    On nous a dit qu'il y avait encore un nombre important de troupes américaines qui fonctionnaient en parallèle dans le cadre de l'opération « Liberté immuable ».
    C'était vrai juste qu'à ce que la quatrième étape prenne fin, ce qui s'est produit la semaine dernière, je crois. Notre État-major interarmées stratégique, qui prend les décisions stratégiques, pourrait vous en dire plus.
    Toutes ces troupes relèveraient donc de...?
    Oui, il subsiste des forces spéciales qui demeurent sous divers commandements nationaux, et il y a des soldats américains sous commandement national américain. Les Américains se concentrent maintenant sur la sécurité, sur la réforme de l'armée nationale afghane et de la force policière. Voilà sur quoi ils se concentrent.
    Voilà qui met fin au troisième tour de table, et j'aurais une brève question à vous poser, monsieur, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    Tout à l'heure, vous avez dit que l'insurrection dans le Sud compromettait la sécurité dans le reste du pays. Ici, étant donné les communications instantanées, les BlackBerry et toutes les autres nuisances que nous devons traîner avec nous, nous semblons être au courant de tout. Qu'en est-il de la circulation de l'information de là-bas? Si quelque chose se produit dans le Sud, nous l'apprenons plutôt rapidement. La nouvelle se répand-t-elle là-bas aussi rapidement? Est-ce possible? Existe-t-il des moyens de communication permettant de le faire? Les événements sont-ils rapportés dans les bulletins d'actualité quotidiens? Comment cela fonctionne-t-il?
    Il est étonnant de voir à quelle vitesse la nouvelle se répand et comment cela fonctionne là-bas. En fait, il existe désormais là-bas un système très perfectionné de téléphonie cellulaire à l'échelle du pays, et je crois qu'un troisième fournisseur de téléphonie cellulaire s'apprête à lancer son entreprise en Afghanistan. C'est plutôt super de voir quelqu'un à Kandahar vêtu comme il l'aurait été au quatorzième siècle en train de parler sur son portable. On en voit constamment. Il y a aussi le téléphone arabe. La nouvelle se répand et elle se répand vite. Les gens voyagent.
    Prenez l'exemple de la bulle de Kaboul. Le jour où ce malheureux accident s'est produit, c'est-à-dire le 29 mai, il y avait tellement de communications en cours que le système de téléphonie cellulaire était engorgé à l'heure du déjeuner. Les hommes de l'endroit qui travaillaient avec nous nous ont montré comment faire. On ne pouvait envoyer de messages vocaux, mais on pouvait envoyer des messages textes. Donc, effectivement, il se fait beaucoup de bouche à oreille.
    Oui, il y a moyen de le faire.
    Je vous remercie beaucoup. Nous vous savons gré de votre expertise. Ce fut agréable de vous accueillir — quelqu'un qui était là-bas—, et le comité vous est reconnaissant de vos réponses franches. Elles l'aideront à rédiger son rapport.
    Le comité s'ajourne jusqu'à sa réunion habituelle du mercredi.