Passer au contenu
Début du contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 6 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous poursuivons aujourd'hui l'étude des conséquences de l'abolition de la Commission du droit du Canada. Nous allons entendre le ministre de la Justice, Vic Toews, ainsi que le sous-ministre et sous-procureur général, M. John Sims. Bienvenus au comité.
    Le comité tient également à vous dire qu'il apprécie que vous ayez accepté de rester un peu plus longtemps ici, monsieur le ministre, pour parler de la Loi sur les juges — je sais que les membres du comité voulaient vous poser quelques questions supplémentaires — pendant 15 minutes. Merci encore une fois d'avoir accepté de prolonger votre comparution.
    Je vous donne maintenant la parole.
    Merci, monsieur le président. Je suis heureux de comparaître devant les membres du comité de la justice et comme vous le souhaitez, je vais axer mes commentaires sur la Commission du droit du Canada. Si vous me posez ensuite quelques questions au sujet du traitement des juges, je vous répondrai si je suis en mesure de le faire. Si je ne le suis pas, je prendrai note de vos questions et vous transmettrai plus tard les réponses à vos questions lorsque je posséderai les renseignements que vous souhaitez obtenir.
    Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, M. John Sims, le sous-ministre de la Justice et sous-procureur du Canada, m'accompagne aujourd'hui.
    Monsieur le président, lorsque j'ai comparu devant le comité en mai dernier, j'ai déclaré que le ministère de la Justice touchait de façon très concrète la vie des citoyens canadiens. Le gouvernement dépense au sein du portefeuille de la Justice plus de 1,4 milliard de dollars par année, ce qui reflète très bien l'importance de sa mission. Cela comprend le ministère de la Justice du Canada, le Service administratif des tribunaux judiciaires, la Cour suprême du Canada et divers tribunaux administratifs et commissions.
    L'amélioration du système judiciaire est une des cinq grandes priorités du gouvernement. Nous nous sommes clairement engagés à renforcer la sécurité des villes et des collectivités canadiennes. Parallèlement, le gouvernement a également promis de dépenser les impôts des Canadiens de façon responsable.
    Monsieur le président, dans son budget de 2006, le nouveau gouvernement du Canada a promis d'examiner les programmes en cours pour veiller à ce que chaque dollar d'impôt que nous dépensons permette d'obtenir des résultats, d'optimiser les ressources et réponde aux besoins des Canadiens. Le 25 septembre 2006, nous avons rempli cette promesse en annonçant que nous avions trouvé quatre façons de faire des économies pour les Canadiens. Premièrement, en supprimant les programmes qui nous ne permettaient pas d'optimiser les ressources; deuxièmement, en annulant les programmes non essentiels; troisièmement, en réaffectant les fonds inutilisés et enfin, en visant l'efficacité financière.
    Le gouvernement a donc supprimé le financement destiné à la Commission du droit du Canada, pour remplir sa promesse. Nous allons ainsi faire économiser à la population canadienne près de 4,2 millions de dollars sur deux ans. Cet argent ira directement au remboursement de la dette.
    La Commission du droit du Canada était un organisme fédéral indépendant chargé de la réforme du droit qui conseillait le Parlement sur les façons d'améliorer et de moderniser les lois canadiennes. Cependant, lorsque nous avons examiné les diverses agences du gouvernement, il est apparu que la Commission des droits du Canada n'exerçait aucune activité vraiment unique, ou que d'autres institutions n'étaient pas en mesure d'exercer.
    Depuis qu'elle existe, la Commission du droit du Canada a remis au Parlement un certain nombre de rapports, qui ont généralement été préparés à l'initiative de la Commission des droits du Canada, et portaient sur des sujets qu'elle avait choisis. Il y en a eu un sur la justice participative, un sur les sûretés fédérales, un autre sur la sécurité des transactions, un quatrième sur la réforme électorale, un autre sur les relations entre adultes et le rapport le plus récent qui a été déposé en juillet de cette année, portait sur les services de police au Canada. La Commission a également publié un rapport sur les sévisses contre les enfants placés en établissements à la demande du gouvernement. En dix ans — et c'est là un aspect qu'il convient de souligner — soit depuis la création de la Commission du droit du Canada, au cours des neuf années pendant lesquelles un gouvernement libéral a été au pouvoir, le rapport sur les sévisses contre les enfants placés en établissement est le seul rapport qu'ait demandé le gouvernement. Nous sommes donc forcés de constater que c'est le seul rapport qui ait jamais été demandé par le gouvernement. Ces rapports constituent toujours des sources publiques que nous pourrons toujours utiliser si l'occasion se présente.
    La Commission du droit du Canada a été structurée de façon à pouvoir utiliser l'expertise des personnes qui travaillent dans leurs domaines de spécialisation. C'est une très petite organisation qui retenait, principalement à contrat, les services d'experts de l'extérieur. Il existe à l'heure actuelle, au Canada, des organismes de recherche indépendants qui examinent, à tous les niveaux, les façons d'améliorer les lois du Canada, à peu près comme le faisait la Commission du droit. Citons les commissions provinciales de réforme du droit, les institutions d'enseignement s'occupant d'élaboration de politiques — par exemple, l'Université d'Ottawa dirige le projet On the Identity Trail, qui associe l'université, le gouvernement, certains acteurs de l'industrie qui s'intéressent aux questions reliées à l'identité et au respect de la vie privée — ainsi que les organismes indépendants non gouvernementaux qui s'intéressent à la réforme du droit, comme l'Association canadienne d'études fiscales ou les organismes sectoriels comme l'Association des banquiers canadiens, les groupes de travail auxquels participent les ministres de la justice fédéral, provinciaux et territoriaux, et enfin, le secteur privé et les services de recherche des ministères fédéraux et provinciaux.

  (1535)  

    Ces groupes effectuent un travail extrêmement utile en collaboration avec des associations internationales. La plupart de ces organismes interviennent chaque fois qu'une loi est examinée ou mise à jour.
    C'est parmi ce même groupe d'experts que la Commission du droit du Canada choisissait ses collaborateurs. Ces mêmes experts continuent d'effectuer des recherches en matière de politiques dans leurs domaines de spécialisation et l'abolition de la commission n'a donc aucunement réduit leur capacité de faire de la recherche.
    De plus, je suis convaincu que, si j'avais besoin d'un appui supplémentaire ou de conseils indépendants au-delà de ce que ces organisations apportent déjà dans le cadre des initiatives de réforme du droit, mon propre ministère serait en mesure de mettre sur pied des partenariats avec des personnes choisies en fonction de la tâche à accomplir ou de procéder à des consultations dans ce domaine. Par exemple, mon ministère a récemment procédé à de larges consultations avec le Canadian Forum on Civil Justice, GPI Atlantic, un organisme indépendant d'enseignement et de recherche sans but lucratif, le Dalhousie Health Law Institute et le Département de criminologie de Saint Mary's.
    Comme vous le savez tous, le ministère de la Justice a la capacité de faire effectuer par contrat la recherche juridique dont il a besoin. Il existe de nombreux spécialistes de différents secteurs avec qui nous entretenons d'excellentes relations et auxquels nous pouvons nous associer pour examiner les questions de réforme ou procéder à des enquêtes indépendantes dans des domaines juridiques. Il n'est pas nécessaire de financer pendant des dizaines d'années un organisme permanent pour le cas où ce genre de besoin apparaîtrait. Je répète encore une fois qu'en dix ans, le gouvernement n'a demandé qu'une seule fois à cette institution de lui fournir une opinion.
    Monsieur le président, je dois vous dire que je suis favorable à la recherche juridique et à la réforme du droit. Je suis également favorable à l'approche adoptée par le gouvernement pour faire des économies, à savoir supprimer les programmes et les services qui peuvent être offerts par d'autres parties. De plus, je suis également favorable à l'idée de consulter la population, un autre service que fournissait la Commission du droit.
    La consultation peut prendre des formes très différentes et intervenir à différentes étapes du processus de réforme du droit. Les mécanismes de consultation varient aussi énormément en fonction du sujet à l'étude. Par exemple, le gouvernement a récemment travaillé en étroite collaboration avec les associations de policier pour trouver des façons de mieux protéger les Canadiens, grâce à une réforme législative. Notre approche est axée sur la tâche à accomplir. Grâce à cette approche, nous avons pu aborder rapidement et efficacement les priorités que s'était fixé le gouvernement qui a été élu par les Canadiens l'année dernière. Il est donc clair que nous allons continuer à améliorer nos connaissances sur les questions qui touchent le système de justice et les réformes possibles, en ayant recours à d'autres mécanismes, tout en veillant à ce que les contribuables canadiens en aient pour leur agent.
    Le gouvernement n'estime pas nécessaire de financer un organisme qui exécutait principalement sa mission en retenant les services d'autres organismes qu'il chargeait d'effectuer pour lui de la recherche. C'est là un point important qu'il convient de ne pas oublier. La Commission du droit n'avait pas les moyens de faire de la recherche avec ses ressources mais demandait à d'autres experts d'effectuer, par contrat, ce travail pour son compte. Le ministère de la Justice va continuer à renforcer et à préserver les relations directes qu'il entretient avec les personnes et les organismes qui travaillent dans le domaine de l'élaboration de politiques et il n'a pas besoin d'un intermédiaire comme la Commission du droit du Canada pour le faire.
    Pour terminer, monsieur le président, je tiens à répéter que notre gouvernement répond aux souhaits des Canadiens et que le ministère de la Justice a participé activement à cette tâche. Nous introduisons des changements dans le système de justice dans le but de rendre plus sûres les rues et les collectivités canadiennes et nous continuons de participer aux efforts déployés pour veiller à ce que les impôts des Canadiens soient dépensés de façon responsable.
    Monsieur le président, je serais heureux de répondre à vos questions et à celles des membres du Comité. J'ai hâte d'entendre vos commentaires.
    Merci.

  (1540)  

    Merci, monsieur le ministre.
    C'est le premier tour. Allez-y, M. Murphy.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre. Merci d'être venus et de nous avoir livré votre testimony.
    Il est important, en tant que Canadiens, de bien comprendre où se situe ce nouveau gouvernement et je vais jouer cartes sur table pour ce qui est de la politicisation de la Commission du droit. Il semble que la Commission du droit apparaisse et disparaisse selon qu'un gouvernement libéral ou conservateur est au pouvoir. La Commission de réforme du droit était une création libérale à laquelle les Conservateurs de Mulroney ont mis fin, et la Commission du droit était une créature de Chrétien que les Conservateurs ont abolie.
    Je vais laisser de côté cet aspect manifestement partisan et vous poser trois questions fondamentales.
    Voici la première : Pensez-vous que notre capacité d'être un chef de file, sur le plan international, dans le domaine de la justice est compromise par le fait que, parmi les démocraties occidentales, nous serions maintenant la seule, à l'exception peut-être des États-Unis, à ne pas avoir un organisme indépendant chargé de conseiller le gouvernement?
    La deuxième question est centrale. Le travail qu'effectue et qu'a effectué la Commission du droit sera-t-il fait par d'autres? Vous faites remarquer, de façon très juste, que la Commission retenait les services de spécialistes du droit, dont la plupart enseignent dans nos facultés de droit. Je pourrais formuler la question de la façon suivante : avez-vous consulté les doyens des facultés de droit canadiennes pour savoir si nous avons besoin d'un organisme de recherche indépendant qui s'occupe de nombreux domaines juridiques? Je peux vous en citer six sur lesquels la Commission travaillait : la mondialisation, les peuples indigènes, les services de police, etc. Vous en avez mentionné quelques-uns dans vos commentaires. Sommes-nous vraiment sûr que les facultés de droit, qui semblent les seules institutions capables de le faire, aient les moyens d'effectuer cette recherche si elles ne reçoivent aucun financement de la Commission du droit?
    Pour les fins de la discussion, je vous dirais que l'ABC ne peut figurer sur la liste des personnes qui pourraient effectuer cette recherche, parce que je suis sûr que vous avez vu la lettre dans laquelle cette association se déclare surprise d'entendre que l'Association du barreau canadien, l'ABC, pourrait remplir ce rôle. Je conteste votre affirmation selon laquelle le ministère de la Justice qui, bien souvent, adopte des lois qui sont ensuite critiquées par les chercheurs indépendants qui travaillent dans divers secteurs... Je doute fort que le ministère de la Justice soit en mesure d'effectuer ce genre de recherche indépendante, car c'est bien de cela qu'il s'agit, de recherche indépendante.
    Permettez-moi d'écarter également votre argument massue à savoir qu'en dix ans, le gouvernement n'a demandé qu'une seule étude à la Commission. C'est pourtant là le coeur de la question, n'est-ce pas? La Commission avait pour rôle de fournir des conseils indépendants sur des sujets importants choisis par les meilleurs spécialistes des différents domaines et pas nécessairement des conseils que demanderait le procureur général ou que je demanderais à titre de membre de l'opposition qui siège au Comité de la justice. Les peuples autochtones, un sujet sur lequel mon ami M. Bagnell va revenir, illustrent fort bien cet aspect. Qui va demander que l'on effectue ce genre de recherche? Je suis pas mal sûr que ce ne sera pas l'Association canadienne des études fiscales, ni l'Association des banquiers canadiens. Je vous pose cette question entamer une discussion.
    En bref, votre décision d'abolir la Commission du droit risque-t-elle de compromettre notre position sur le plan international? Y a-t-il d'autres institutions qui pourront effectuer le travail qu'elle faisait, lorsqu'on sait que les universités n'ont pas d'argent pour faire de la recherche juridique et enfin, qui effectuerait cette recherche? Pour ce qui est de l'ABC et du gouvernement, l'ABC n'est pas une solution et le gouvernement ne peut pas vraiment faire lui-même de la recherche sur ses propres lois.
    Merci. Je pense que ce sont toutes d'excellentes questions.
    Pour ce qui est de l'aspect politique que vous avez mentionné, je dirais qu'il est important. Il reflète une différence d'opinions au sujet de la façon d'obtenir des études indépendantes. Il m'est très souvent arrivé, en qualité de procureur général, de demander qu'on effectue une étude indépendante, qu'on obtienne une opinion juridique indépendante, lorsqu'on pourrait penser que le ministère de la Justice est en situation de conflit d'intérêts. Et cela se fait automatiquement.
    Pour ce qui est de savoir si ce travail sera fait par d'autres, j'ai enseigné dans une université à temps partiel pendant huit ans et je l'ai fait, sinon bénévolement, du moins à peu près bénévolement. Les professeurs qui y enseignent — et je crois que cela vaut pour l'ensemble du pays — doivent consacrer un tiers de leur temps à l'enseignement, un tiers de leur temps aux questions communautaires et un tiers de leur temps à faire de la recherche dans leur domaine. Ce sont les contribuables canadiens qui les paient pour effectuer ce travail. Je serais très surpris que cette compression de 4,2 millions de dollars empêche ces professeurs d'effectuer le travail qu'ils sont tenus d'accomplir, que ce soit en vertu des conditions de leur contrats d'enseignement ou de celles de leur statut de professeur permanent. Ils le font régulièrement.
    Vous avez mentionné le cas où nous aurions besoin d'une opinion précise. Si nous voulons obtenir une opinion précise, il y a des personnes indépendantes qui peuvent vous la fournir. Je suis d'ailleurs très surpris d'entendre que l'ABC n'est pas en mesure de fournir des opinions indépendantes. Cette association a régulièrement fourni des opinions indépendantes pendant toutes les années où j'ai participé au travail de ce comité. Je n'ai pas toujours approuvé ses opinions, mais je peux dire qu'il s'agissait d'une opinion indépendante qui critiquait les projets de loi du gouvernement. L'ABC joue là un rôle extrêmement important. C'est pourquoi je suis très étonné d'entendre l'ABC déclarer qu'elle n'effectue pas ce genre de recherche, lorsque je pense à toutes les études que l'ABC a publiées. Il faudrait demander à l'ABC pourquoi elle ne tient pas compte de toute la recherche juridique indépendante qu'elle a effectuée, non seulement pour la Chambre des communes, mais d'une façon plus générale, pour la communauté juridique. Ce commentaire de l'ABC me paraît très surprenant. Je ne connais pas exactement le contexte dans lequel cette déclaration a été faite; il est donc possible que l'ABC n'ait pas voulu dire cela.
    Je considère que la Commission du droit du Canada n'est qu'un mécanisme administratif qui retient les services de spécialistes pour effectuer de la recherche. Eh bien, je peux vous dire qu'à l'intérieur du ministère de la Justice, il existe des personnes qui sont tout à fait en mesure d'embaucher ces spécialistes. Cela ne veut pas dire que ce sont des avocats du ministère de la Justice qui effectueront le travail. Nous allons continuer, c'est du moins ce que je prévois, à retenir les services de personnes de l'extérieur pour faire ce travail.

  (1545)  

    Merci, M. Murphy.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Bon après-midi, monsieur le ministre.
    Un philosophe du nom de Valéry disait qu'on reconnaît la grandeur d'un gouvernement au sort qu'il réserve à ses minorités et à la valorisation de la connaissance. Vous comprenez que votre gouvernement ne passera pas à l'histoire avec ce dossier.
    Sauf le respect que je vous dois, il n'y a pas de mots pour qualifier combien les politiques de votre gouvernement à l'endroit des minorités — particulièrement des minorités francophones hors Québec — m'inspirent du dégoût, de la répulsion et des haut-le-coeur. Je ne peux pas imaginer qu'un gouvernement abolisse le seul et unique programme qui permettait aux communautés de s'adresser aux tribunaux et j'espère, quand vous irez à l'extérieur pour rencontrer les porte-parole des communautés francophones, qu'ils vous diront combien votre gouvernement a été mesquin et a manqué de vision. Souhaitons que vous payiez très chèrement la suppression de cette capacité de défendre les communautés francophones.
    Cela étant dit, je veux parler de la réforme de la commission que vous abolissez. Je trouve votre logique assez particulière. Y a-t-il, dans la fonction publique fédérale, des gens qui peuvent produire des rapports? On n'en doute pas. C'est certainement un point de vue qu'on peut recevoir. La particularité de la commission tient d'abord à sa totale indépendance. Quand il s'agit d'orientation et qu'on implique des fonctionnaires — que ce soit des sous-ministres ou n'importe quelle direction d'un ministère —, cela perd un peu de son indépendance. Vous convenez de cela.
    Par ailleurs, ce qui m'étonne dans votre argumentaire, c'est que l'UNESCO nous rappelait qu'à tous les cinq ans, la connaissance et les événements qui se produisent dans le monde doublent. Elle rappelait également combien il est important pour les parlementaires de prendre des décisions dans un environnement où on a accès à des données probantes et concluantes.
    Qu'avez-vous tant à reprocher à la commission? Comment pouvez-vous, cet après-midi, nous faire la démonstration qu'il y avait véritablement doublement? J'ai été très content de lire ce que la commission a écrit sur les conjoints de même sexe, sur les Autochtones, et sur la réforme du mode de scrutin et de la vie électorale. L'ensemble des avis qu'elle a produits nous apparaissaient s'inscrire généralement dans les débats d'actualité pour lesquels on s'attend à ce que les parlementaires aient de l'information.
    Devons-nous comprendre que pour vous, en tant que parlementaire, la question de l'acuité de la connaissance et la disponibilité de l'information de la part d'un organisme indépendant n'est pas important?
    Je termine en vous disant que plusieurs organismes consultatifs donnent des conseils au gouvernement. Abolirez-vous un jour le Conseil national du bien-être social ou le Conseil des aînés, qui donne également de l'information, des orientations et qui publie des avis? La Commission du droit du Canada n'avait pas pour seul mandat de répondre au gouvernement; elle pouvait prendre des initiatives sur des débats d'actualité.
    Cela m'apparaît être un geste à courte vue posé par un gouvernement qui ne valorise pas beaucoup la connaissance. Il me semble que c'est manquer singulièrement d'envergure, de hauteur de vue et de générosité que de penser qu'on peut donner des mandats dans la fonction publique. Je vous avoue que j'ai beaucoup de mal à vous suivre.
    En ce qui a trait aux francophones hors Québec, je ne pardonnerai jamais le geste mesquin que votre gouvernement a posé. Maintenant, vous ne vous rachetez certainement pas. Ce n'est pas la même chose. Évidemment, c'est beaucoup moins grave d'abolir la commission que les francophones hors Québec.
    C'est comme si vous aviez une espèce d'aversion pour tout ce qui est connaissance ou ce qui est susceptible de s'écarter de ce que vous pensez. Compte tenu du fait que la haute fonction publique a analysé votre programme électoral en disant que c'était de la bouillie pour les chats et qu'il ne contenait à peu près rien de bon, vous devriez peut-être laisser un espace à la réflexion. Cela fait aussi partie de la grandeur d'un ministre que d'être capable de se confronter à des points de vue qui ne sont pas directement issus de l'appareil.
    Ce geste ne fait pas honneur à votre gouvernement. Il ne montre pas de grandeur dans la façon dont vous dirigez les choses et dans la gouvernance de l'État.

  (1550)  

[Traduction]

    Pour ce qui est du Programme de contestation judiciaire, il est évident que je ne peux pas vous en parler puisque la question a été soumise aux tribunaux. Mais l'idée, par exemple, qu'il faut créer un organisme pour obtenir, par contrat, une opinion indépendante reflète tout simplement une philosophie que vous partagez peut-être avec les Libéraux — à savoir que l'accumulation de strates bureaucratiques est une bonne chose. Nous ne sommes pas nécessairement d'accord sur ce point particulier.
    Par exemple, j'ai participé à des études indépendantes à titre d'avocat du gouvernement, et de ministre provincial. Je connais fort bien, par exemple, le travail qu'a effectué le juge Chartier au Manitoba sur les droits linguistiques des francophones dans cette province. C'est notre gouvernement qui avait demandé à un juge de faire cette étude. Ce rapport s'intitulait Avant toute chose, le bon sens. Mais...

[Français]

    Pourquoi abandonnez-vous les francophones hors Québec? Croyez-vous qu'ils vont avoir accès à la justice? Combien cela a-t-il coûté à l'Île-du-Prince-Édouard? Pensez-vous qu'un organisme au pays soit en mesure de payer 500 000 $? Comment peut-on être aussi mesquin envers les francophones hors Québec? Que vous ont-ils fait? Pourquoi ne pas reconnaître qu'ils ont besoin de vous?

[Traduction]

    Il s'agit là de deux sujets différents. Nous parlions, d'après ce que j'avais compris, de la Commission du droit du Canada. Si vous voulez mélanger ces questions, faites-le, mais je suis ici pour parler de la Commission du droit du Canada.
    Comme je l'ai mentionné, le juge a rendu, dans le cas dont je viens de parler, un service remarquable aux francophones de ma province — dont la plupart, parmi ceux qui vivent dans les régions rurales, résident dans ma circonscription. Je connais fort bien la question des droits linguistiques des francophones. J'ai travaillé avec eux lorsque le gouvernement libéral a décidé de fermer des postes de la GRC dans ma circonscription, qui était ma circonscription lorsque j'étais le ministre provincial de la Justice. Nous avons parlé de la question des services en français, et je connais donc très bien cette question et son importance. Ma circonscription rurale est celle où réside le groupe de francophones le plus important de l'ouest du Canada, de sorte que lorsque vous...

[Français]

    Vous êtes difficile à suivre.

[Traduction]

    Je vais poser une question.

[Français]

    Si vous voulez parler des francophones, permettez-moi de vous poser une question. Si vous êtes le député ayant le groupe le plus important en fait de minorités, comment pouvez-vous penser qu'il n'a pas besoin de l'aide de l'État pour s'adresser aux tribunaux? Savez-vous combien ont coûté les renvois pour l'autonomie des conseils scolaires?

[Traduction]

    Je vais conclure cette discussion de cette façon. Vous pensez tout simplement que ce mécanisme est meilleur que l'autre. Nous ne sommes pas d'accord là-dessus. Recherchons-nous le même objectif — le renforcement des droits linguistiques dans notre pays, y compris ceux des anglophones au Québec? J'espère que nous partageons cet objectif.
    Merci, M. Ménard.

[Français]

    Incroyable!

[Traduction]

    M. Comartin est le suivant.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre, et merci aussi à M. Sims, d'être venus.
    Monsieur le ministre, je suis certain que je n'arriverai pas à vous convaincre du contraire, mais avez-vous la moindre idée de l'importance qu'a l'abolition de ce programme sur l'indépendance? C'est en fait ce qui est en jeu ici.
    Permettez-moi de vous présenter un scénario et c'est ce que pensent la plupart des avocats canadiens au sujet du rôle qu'a joué votre gouvernement à l'égard de la commission. Ils estiment que la commission s'est acquittée de son mandat, pour ce qui est de sa stature tant sur le plan national qu'international, en agissant, comme vous le dites, comme un intermédiaire qui fait effectuer des études dans des domaines très divers, comme vient de le dire M. Ménard. La commission s'est bien acquittée de sa mission, si on la compare à ce que font les autres pays, et peut-être même mieux que ne l'ont fait d'autres commissions du droit. Les avocats constatent aujourd'hui que le gouvernement veut choisir les personnes à qui sera confiée la recherche indépendante dont il a besoin. Cette recherche sera maintenant biaisée par le fait que le gouvernement s'est débarrassé de la commission, va lui-même choisir les spécialistes, notamment en fonction de leur idéologie ou de leurs opinions politiques, au lieu de confier à une commission indépendante le soin de choisir à la fois le sujet des études à effectuer et les personnes à qui elles seront confiées.
    Résultat final, la plupart des avocats à qui j'ai parlé m'ont dit que ce genre de recherche n'aurait aucune crédibilité. Lorsqu'une étude est demandée par un gouvernement — par le vôtre en particulier — elle est toujours biaisée par des partis pris idéologiques et politiques.
    Êtes-vous sensible à cette réaction, du moins dans la communauté juridique, tant parmi les enseignants que les praticiens?

  (1555)  

    Il me paraît intéressant de constater que nous parlons d'un budget de 4,2 millions de dollars et qu'il y a également des professeurs de droit dans les universités qui sont complètement indépendants. Ils ont la permanence; ils ont le droit de faire des commentaires et d'effectuer de la recherche, comme les y oblige leur contrat et leur statut de professeur permanent. Les barreaux fournissent également des avis indépendants. Ils le font régulièrement. L'idée que le gouvernement pourrait obtenir une opinion juridique dénuée de toute crédibilité et essaierait ensuite de se fonder sur une telle opinion pour défendre son point de vue est absurde tant sur le plan juridique que politique.
    J'ai travaillé dans un ministère de la Justice provincial et avec des collègues de tout le Canada, et je dois dire que j'ai constaté que les avocats des ministères de la Justice jouissaient d'une très grande indépendance. C'est la première chose à dire. Personne ne peut dire aux avocats d'un ministère de la Justice qu'ils doivent fournir une opinion plutôt qu'une autre.
    Monsieur le ministre, vous n'allez pas laisser entendre que les avocats des ministères ont le temps de le faire. Je ne mets pas en doute leur indépendance; je la tiens pour acquise. Mais ils n'ont pas le temps de faire ce genre de recherche. Ce n'est pas ce que vous dites, n'est-ce pas?
    Eh bien, nous sommes en train de dire maintenant que nous avons un organisme indépendant — et vous le confirmez — le ministère de la Justice, qui peut en fait superviser ces recherches et si vous soutenez que les avocats du ministère n'ont pas le temps de le faire, je suis prêt à en débattre avec vous. Le ministère de la Justice est régulièrement appelé à fournir d'excellentes opinions indépendantes dans plusieurs domaines du droit et c'est ce qu'il a toujours fait. J'ai toujours fourni des conseils indépendants à mes ministres, qu'ils soient du parti Nouveau Démocrate ou Conservateur au Manitoba, et c'est une tradition chez les avocats du ministère de la Justice.
    Nous allons également, par exemple, renforcer cette indépendance en créant le poste de directeur des poursuites publiques. Je ne pense pas du tout que le titulaire d'un tel poste ne serait pas indépendant et qu'il ne serait pas en mesure de fournir des preuves, mais j'estime qu'il serait tout à fait capable de choisir les personnes appropriées pour assurer cette indépendance.
    L'exemple le plus frappant que je peux vous donner est celui de l'audience qui concernait le juge Rothstein. Le ministère de la Justice a recruté des conseillers indépendants qui étaient chargés de fournir au juge Rothstein tous les conseils qu'il souhaitait. Personne n'a laissé entendre que les avocats éminents qui ont été choisis n'étaient pas indépendants parce qu'ils avaient été embauchés par le ministère de la Justice pour aider un candidat à un poste de juge de la Cour suprême, qui était auparavant juge de la Cour d'appel fédérale. Les barreaux ne seraient pas d'accord avec vous, et très franchement, l'affirmation que vous faites n'est absolument pas fondée.
    Très brièvement, M. Comartin, une dernière question.
    Je ne pensais pas convaincre qui que soit, monsieur le président, je vais donc en rester là.
    Merci. M. Comartin.
    M. Moore.
    Merci, monsieur le président et merci, monsieur le ministre, d'être venu ici aujourd'hui. Nous apprécions votre présence.
    J'ai entendu les membres de l'opposition parler de la nécessité d'avoir des avis et une recherche indépendante, et je pense que nous reconnaissons tous qu'il est nécessaire — et vous l'avez mentionné — d'obtenir des avis d'avocats de l'extérieur. Mais vous avez cité un chiffre qui m'a paru très inquiétant: à savoir qu'au cours des dix dernières années, le gouvernement — le nôtre et le gouvernement précédent — n'avait demandé qu'une seule fois l'avis de la Commission du droit. Il semblerait donc que même le gouvernement libéral précédent ne demandait pas à la Commission du droit de lui fournir des avis indépendants, ce qui semble être une piètre façon d'optimiser les ressources.
    Je me demande si vous pouvez nous dire si le contribuable en a eu pour son argent, étant donné que la Commission du droit n'a été appelée qu'une seule fois à fournir des renseignements, dans un rapport, et deuxièmement, comment le ministère peut-il obtenir des avis juridiques indépendants, en s'adressant à des avocats de l'extérieur du ministère pour obtenir une opinion sur des questions qu'examine le gouvernement.

  (1600)  

    Je voulais simplement vérifier que je n'avais pas manqué quelque chose dans les commentaires que j'ai faits. Je voulais simplement vérifier cela avec le sous-ministre. Il voudra peut-être faire quelques observations supplémentaires.
    Là encore, je pense que le fait est établi — cet organisme indépendant a été invité une seule fois pendant les dix années de son existence à fournir une opinion au gouvernement du Canada. Dans tous les autres cas, la Commission du droit a agi comme elle l'entendait.
    Qui a influencé ses choix? Ce n'était pas le gouvernement, ce n'était pas nécessairement les priorités des gouvernements libéraux. Je suis certain que les ministres de la justice précédents se sont adressés au ministère de la Justice dans 99,9 p. 100 des cas pour obtenir des avis juridiques indépendants. C'est à ce ministère qu'ils ont demandé ces avis indépendants. Ce sont les avocats de ce ministère qui leur ont suggéré des idées pour réformer le droit. Je dois vous dire très franchement, que je suis tout à fait convaincu que le ministère de la Justice peut, dans la plupart des cas au moins, fournir une analyse juridique indépendante, et je suis donc tout à fait à l'aise de confier ce genre de travail à des avocats du ministère.
    Il y a d'autres situations, et j'ai mentionné le processus de nomination du juge Rothstein, dans lesquelles nous avons estimé qu'il serait préférable de demander à un éminent avocat de l'extérieur de fournir des conseils non seulement au juge Rothstein, comme je l'ai mentionné, mais également au comité. Je me souviens avoir présidé cette séance. Je pense qu'elle s'est tenue dans cette salle même. Les experts nous ont parlé des contraintes et des conventions constitutionnelles associées à ce genre de processus. Nous ne nous sommes pas adressés à la Commission du droit du Canada pour retenir les services de ces experts, même si nous savions que, si le processus n'était pas crédible, l'institution de la Cour suprême du Canada risquait d'être discréditée par le recours à un tel processus.
    Est-il possible d'obtenir régulièrement de bonnes opinions juridiques indépendantes, qu'elles soient préparées par des avocats des ministères de la Justice, ou par ceux qui sont embauchés par le ministère de la Justice, ou par des organisations — y compris les commissions provinciales de réforme du droit — par des universités ou par des professeurs d'université? Ces personnes ne sont aucunement tenues de souscrire aux positions adoptées par le gouvernement. Elles sont la possibilité de commenter les mesures législatives, et elles le font souvent.
    Chaque fois que notre gouvernement a présenté un projet de loi, ou... j'étais membre de l'opposition dans le gouvernement précédent, et j'ai remarqué que chaque fois qu'un projet de loi du gouvernement était présenté au comité de la justice, il y avait toujours beaucoup de gens intéressés à témoigner devant le comité pour le commenter. Vous avez mentionné l'Association du barreau canadien. Je sais qu'elle a un directeur de la législation et de la réforme du droit. Elle a un directeur de la réforme du droit. D'autres organismes ont comparu devant le comité à propos des mesures législatives du gouvernement et ont parlé de tous les aspects de ces mesures — la constitutionnalité du projet de loi, l'effet qu'il aurait sur la société, et ce genre de choses.
    Je pense que les Canadiens pourraient fort bien se demander pourquoi cela n'a pas été fait plutôt. Pourquoi dépenser des fonds publics — vous avez mentionné qu'il fallait être économe avec l'argent des contribuables — alors qu'il existe tant d'autres organismes complètement dépendants qui sont prêts à effectuer ce genre de travail? Le gouvernement précédent n'a demandé qu'une seule fois à la Commission de faire de la recherche. Il a demandé une seule fois à la Commission du droit d'effectuer une étude.

  (1605)  

    Cela me paraît une excellente remarque, étant donné que le gouvernement précédent n'a pas officiellement répondu aux six rapports qu'a préparés la Commission du droit; il n'y a pas donné suite. Je me demande bien à quoi tout cela a servi. Le gouvernement n'avait pas demandé ces rapports, mais il n'y a pas non plus donné suite.
    Je dis seulement qu'il doit y avoir une meilleure façon d'en avoir pour son argent, et d'obtenir d'excellentes opinions juridiques indépendantes, qu'elles viennent des universités ou des barreaux. Les chefs de police ont mis sur pied, par exemple, un comité législatif qui analyse les projets de loi; c'est un organisme tout à fait indépendant du gouvernement, et qui est disposé à fournir ces renseignements si on lui en fait la demande.
    Je ne peux qu'être d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il y a de meilleures façons d'utiliser l'argent des contribuables canadiens que de financer cet organisme particulier.
    Merci, M. Moore.
    M. Bagnell.
    Merci, monsieur le ministre et monsieur le sous-ministre, d'être venus.
    Je veux commencer par dire, pour que cela figure au compte rendu, comme je l'ai déjà fait et pour être sûr que les gens sachent bien, que je pense que cette suppression est tout à fait répréhensible et qu'elle confirme la tendance qu'a le gouvernement de s'en prendre de différentes façons aux citoyens les plus vulnérables.
    Dans ce cas particulier, nous avons entendu des témoins qui ont mentionné les groupes qui avaient bénéficié de ces rapports, les Autochtones, ceux qui vivent très loin d'Ottawa, et qui n'ont guère la possibilité d'étudier ce qui se passe dans ma circonscription — le Conseil des Tlingits de Teslin, le peuple de Carcross/Tagish, qui sont des Tlingits, un peuple du Nord, des travailleurs à faible revenu, comme nous l'avons entendu dire au cours des témoignages précédents. Ce genre de compression n'est donc aucunement justifiée.
    Le ministre et le secrétaire parlementaire prennent l'exemple de l'Association du Barreau canadien. L'Association du Barreau canadien a déclaré, le 2 novembre : « Une commission du droit indépendante est en mesure d'effectuer une recherche innovatrice et d'adopter une approche pluridisciplinaire à la réforme du droit, en demandant à des spécialistes du droit, des sciences sociales et des sciences humaines d'étudier ces questions d'un point de vue très général. » Nous avons été vraiment surpris d'entendre certains ministres affirmer que l'ABC pouvait remplir ce rôle et de constater que le secrétaire parlementaire répète la même chose aujourd'hui.
    Bien sûr, comme le ministre l'a mentionné, cette association coordonne toutes sortes de groupes qui présentent des rapports, et je ne pense pas que le ministre ait répondu à la question de M. Murphy qui demandait si cette abolition allait compromettre notre position sur le plan international. Je peux vous dire que deux personnes ont déclaré à Irwin Cotler, un expert international, pendant qu'il voyageait à l'étranger peu après que ces décisions aient été prises, que la communauté internationale avait été profondément troublée par cette annonce.
    Je pense que le fait que le ministre et le secrétaire parlementaire aient parlé de toutes les bonnes idées qui ont été fournies au gouvernement et aux députés et de la recherche qui a servi à de nombreux citoyens, tous les rapports préparés au cours de ces dix années, et qu'ils aient mentionné que le gouvernement n'en avait demandé qu'un, je crois que c'est là la raison qui justifie le mieux la position du comité. La Commission du droit a donc dû innover. Elle a pour rôle d'améliorer le gouvernement et elle a présenté toutes ces idées, des idées d'actualité et proposé des façons d'agir, ce qui est la raison d'être d'un organisme de ce genre.
    Ma première question appelle une réponse très brève. Nous revenons d'une période de questions au cours de laquelle le gouvernement a été vivement critiqué pour ne pas avoir respecté la promesse qu'il avait faite, pendant les élections, de conserver les fiducies de revenu. Pendant la campagne électorale, avez-vous dit aux électeurs que vous alliez supprimer la Commission du droit?
    Est-ce que je l'ai fait personnellement? Voulez-vous que je vous parle des conversations que j'ai eues avec des députés libéraux au sujet de cette fiducie de revenu particulière? Est-ce bien là ce que vous voulez que je fasse?
    Non, la Commission du droit. Je vous demande si vous avez déclaré au cours de la dernière campagne électorale que vous alliez supprimer la Commission du droit.
    Vous ne voulez donc pas que je vous parle de ce que des députés libéraux, notamment des membres très influents de votre parti, m'ont dit au sujet de la question des fiducies de revenu lorsque je parlais...
    Je vous demande si vous avez dit que vous alliez abolir la Commission du droit. Vous ne voulez pas répondre à cette question, n'est-ce pas?
    Non, votre question ne porte pas sur ce sujet.
    Avez-vous dit à qui que ce soit que vous alliez abolir la Commission du droit? C'est une question simple.
    Très bien. Vous ne posez pas une question au sujet des fiducies de revenu et de ce que des députés libéraux influents m'ont déclaré au sujet...

  (1610)  

    Non, je vous pose une question au sujet de la Commission du droit. Pourquoi refusez-vous de répondre?
    J'essayais simplement de dire, monsieur le président, qu'il ne parlait pas des fiducies de revenu.
    C'était une question simple. Je constate que cette question vous gêne.
    Très bien, vous ne voulez donc pas savoir ce que des députés libéraux importants ont pu me dire au sujet de la question des fiducies de revenu.
    C'est une assez piètre réponse.
    Eh bien, laissons cette question de côté.
    Pour ce qui est de la Commission du droit du Canada, non, je ne pense pas en avoir parlé au cours de la campagne. Ce n'est pas un sujet très prioritaire dans ma circonscription, ou sinon quelqu'un m'en aurait parlé.
    Monsieur Sims, avez-vous déjà fourni à ce gouvernement, ou à d'autres personnes, une opinion disant que la Commission du droit n'était pas un organisme productif, utile, ou rentable?
    J'ai fourni des avis à ce gouvernement sur de nombreux sujets, ainsi qu'au ministre, mais je ne pense pas qu'il serait approprié que je divulgue au comité la nature des conseils que j'ai donnés de façon confidentielle au ministre.
    Monsieur le ministre, y a-t-il quelqu'un dans votre ministère qui vous a fourni un avis disant que la Commission des droits était inefficace, inutile ou ne fournissait pas d'opinions utiles?
    Est-ce que j'ai fourni ce genre d'opinion?
    Avez-vous obtenu une opinion de ce genre d'un fonctionnaire du ministère de la Justice?
    J'essaie de me souvenir de la teneur exacte de l'opinion. Nous avons examiné un certain nombre d'options et c'est l'option que le gouvernement a finalement retenue.
    Quelqu'un a-t-il émis l'opinion que la commission n'était pas utile ou était inefficace?
    La question essentielle qui nous était soumise était de trouver les moyens de faire des économies et de fournir les mêmes services en utilisant d'autres mécanismes ou d'autres moyens.
    Je note par exemple que le député a parlé de l'excellent travail que faisait la Commission du droit. Je me demande si le député se souvient de la suite qu'a donné à ces rapports le gouvernement du Canada à l'époque où les Libéraux étaient au pouvoir?
    C'est...
    Y a-t-il eu une suite?
    Votre minute est terminée, M. Bagnell. Je sais que vous n'avez pas obtenu de réponse à la question que vous avez posée au ministre. Je crois que vous n'aurez pas de réponse pour le moment.
    M. Lemay.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur le ministre.

[Traduction]

    Bonjour.

[Français]

    Vous devez sentir qu'autour de la table, du moins de notre côté, nous ne sommes pas d'accord sur l'abolition de la Commission du droit du Canada.

[Traduction]

    Ce ne serait pas la première fois que nous ne sommes pas d'accord, n'est-ce pas?

[Français]

    Non, c'est évident. J'ai été avocat pendant plusieurs années et je trouve que la Commission du droit du Canada a fait un travail essentiel dans toutes les nouvelles façons de voir, de décrire et de faire du droit à l'avenir. Prenons, par exemple, le droit de l'informatique. L'arrivée de l'informatique parmi nous a créé un nouveau droit. La Commission du droit du Canada a travaillé aux dossiers touchant les cyberpédophiles.
    La première question que j'ai à vous poser, monsieur le ministre, est très précise. Quand le projet de loi abolissant la Commission canadienne du droit — parce qu'il faut une loi — va-t-il être déposé au Parlement à des fins de discussion?

[Traduction]

    Comme vous le savez, le gouvernement s'est fixé un certain nombre de priorités. Vous avez vu les projets de loi que j'ai présentés; il y en aura d'autres. Nous n'envisageons pas de présenter un projet de loi visant à abolir la Commission du droit du Canada.

[Français]

    Il doit y avoir quelque chose que je ne saisis pas. En lui coupant les vivres, vous la faites mourir de sa belle mort et vous n'osez pas déposer un projet de loi. Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Non, il n'est pas obligatoire de présenter un projet de loi, c'est une loi habilitante. Pourquoi vouloir présenter un tel projet de loi à la Chambre? Ce n'est pas nécessaire. C'est une loi habilitante. Elle n'a pas d'effet obligatoire. Elle n'exige pas que l'on fasse quoi que ce soit.

[Français]

    Vous pouvez vérifier auprès de vos 295 experts, mais selon moi, il faut abolir la commission. Cette commission va-t-elle rester dans les airs avec rien du tout? Comme c'est une loi qui l'a créée, il faut une loi pour l'abolir. Admettons que vous déposiez une loi...

  (1615)  

[Traduction]

    Non, cela est tout à fait erroné. Ce n'est pas parce que le Parlement adopte une loi et qu'un organisme exerce ses activités en vertu de cette loi qu'il faut abroger cette loi lorsque l'organisme cesse d'exercer ses activités. Votre prémisse est tout à fait erronée.

[Français]

    Vous dites que ma prémisse est erronée, mais une loi a créé la Commission du droit du Canada. Cette loi existe. La commission a été créée par une loi. Êtes-vous d'accord avec moi?

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    Pour mettre fin à cette commission, il faut adopter une loi qui l'abolisse. Non? Elle va rester dans les airs. Vous qui vous targuez de faire le ménage. Ne pouvez-vous pas proposer une loi pour l'abolir complètement, afin qu'on n'ait pas à y revenir?

[Traduction]

    Je ne pense pas qu'il soit obligatoire d'abroger cette loi, si c'est ce que vous demandez. Cela n'est pas nécessaire. Le Parlement peut financer la Commission du droit. La commission peut faire certaines choses. Il n'y a rien d'obligatoire que nous ne faisons pas.

[Français]

    Si ce comité, à la majorité, vous demandait de réinstaurer les fonds nécessaires pour le fonctionnement de la Commission du droit du Canada, quelle serait votre réaction?

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr que vous ayez le pouvoir de le faire. Ne s'agit-il pas d'une mesure financière?

[Français]

    C'est ce que je veux comprendre. Nous pourrions vous recommander et vous demander de revoir la décision de couper les vivres à la Commission du droit du Canada ou de passer une loi pour l'abolir.

[Traduction]

    Oui, vous pourriez le recommander.
    M. Thompson.
    Merci, monsieur le ministre, d'être ici aujourd'hui.
    Je vais partager mon temps de parole, s'il m'en reste, avec M. Brown.
    Je n'ai qu'une question à poser au ministre. Je vais remonter un peu dans le temps.
    Cela fait 52 ans que je paie des impôts. Pendant ces 52 ans, je me suis souvent demandé pourquoi mes impôts étaient versés à une cause que je n'appuyais pas. Cela fait maintenant 13 ans que je suis membre de ce comité et j'ai vu de nombreux groupes venir témoigner. L'Association du Barreau canadien, l'Aide aux victimes d'actes criminels, REAL Women of Canada, la Fédération des contribuables canadiens, les Mères contre l'alcool au volant (MADD Canada), la National Citizens Coalition sont tous des groupes qui ont comparu devant le comité. Je n'en ai cité que quelques-uns et il y en a sans doute beaucoup d'autres qui ne sont pas financés par le gouvernement. Ils se financent eux-mêmes. Ils forment une société, demandent des frais d'adhésion à leurs membres, luttent pour une cause dans laquelle ils croient et je dis que c'est très bien. J'appuie en fait financièrement deux ou trois de ces organismes parce qu'ils défendent une cause. J'estime qu'en tant que contribuable, je veux que mes impôts servent à financer des causes que j'appuie. Ceux qui soutiennent d'autres causes peuvent faire la même chose avec leurs organisations.
    J'aimerais demander au ministre s'il y a quelque chose qui empêcherait les personnes qui sont en faveur du maintien de la commission de former une société. Il y a sept personnes ici qui seraient sans doute d'excellents membres de cette commission. Ils pourraient verser un peu d'argent, aider cette société à démarrer et faire leur travail comme elles l'ont toujours faites antérieurement; nous les convoquerons devant le comité à titre de groupe de personnes qui représente des citoyens qui souhaitent fournir des conseils sur des questions dont ils s'occupent.
    Non, il n'y a rien qui ne les empêche et il n'y a rien qui empêche un gouvernement de donner suite aux rapports qu'a publiés la Commission du droit. Je sais que M. Bagnell a été très élogieux à l'égard du rapport sur les Autochtones. Je ne crois pas que le gouvernement ait répondu aux recommandations d'un rapport qu'il considère comme étant très important. Je me demande si le comité pourrait examiner ce qu'a fait exactement le gouvernement à l'époque où M. Bagnelle en faisait partie. Il est très facile de dire maintenant que c'était un rapport fondamental, très important, alors qu'il n'a rien fait à ce sujet. Qui a en fait trahi les Autochtones? Qui a en réalité trahi les Autochtones, s'il était vraiment convaincu de l'importance de ce rapport et qu'il n'a rien fait? Cela me dérange un peu.
    Votre remarque est très juste. Un groupe de professeurs d'université pourrait fort bien nous faire savoir qu'ils aimeraient présenter une étude portant sur un sujet particulier, qu'il s'agisse des droits des Autochtones, de valeurs mobilières ou de protection des renseignements personnels. Ils sont déjà financés par les contribuables d'une façon ou d'une autre. Ils sont tout à fait indépendants. Si vous avez déjà participé à des négociations collectives avec des professeurs d'université, vous savez qu'ils sont vraiment indépendants et que c'est un aspect fondamental pour toutes nos universités. Laisser entendre que notre système juridique va s'effondrer parce que le gouvernement cesse de financer un organisme et que cela l'empêchera d'obtenir des conseils juridiques indépendants... Le gouvernement du Canada a accès aux mêmes opinions juridiques indépendantes que la Commission du droit du Canada.

  (1620)  

    Vous êtes en train de dire, monsieur le ministre, que le ministère de la Justice réagit aux recommandations formulées par les organismes que je viens de mentionner aussi rapidement qu'il le ferait à celles d'organismes financés par le gouvernement.
    D'après mon expérience, le gouvernement, y compris le gouvernement libéral précédent, a davantage suivi les recommandations d'autres organismes que celles de la Commission du droit du Canada. On pourrait presque voir dans le fait que le gouvernement n'a donné suite à aucun des rapports publiés par la Commission du droit du mépris envers les travaux de cette commission. Je sais que l'ancien gouvernement a pourtant tenu compte des recommandations d'autres organisations et c'est ce que fait également notre gouvernement. Par exemple, si vous prenez le projet de loi que nous avons présenté, il montre que nous avons consulté des groupes de victimes qui sont indépendants du gouvernement, l'Association canadienne des policiers, l'Association canadienne des chefs de police — divers groupes. Nous tenons toujours compte de ce qu'ils nous disent. Nous n'avons pas toujours suivi leurs recommandations pour élaborer les politiques mises en oeuvre par les projets de loi proposés, mais nous en avons tenu compte beaucoup plus largement que l'a fait le gouvernement précédent à l'égard de la Commission du droit du Canada.
    Merci, M. Thompson.
    M. McKay.
    Votre principal argument, monsieur le ministre, est fondé sur l'indépendance de la Commission du droit. Je soutiens cependant que vous vous trouvez dans une grave situation de conflit d'intérêts. Vous êtes à la fois le ministre de la Justice et le procureur général. En tant que procureur général, vous participez à un grand nombre de litiges, tant en qualité de demandeur que de défendeur, et en tant que ministre de la Justice, vous avez d'autres responsabilités administratives. Il ne serait certainement pas acceptable que le procureur général ou le ministre de la Justice nuise à l'action de son propre ministère en diffusant une étude, par exemple, sur les droits des Autochtones et des choses de ce genre, alors qu'en fait, vous êtes littéralement partie dans des centaines, sinon des milliers de litiges avec les groupes autochtones.
    Je ne comprends pas que vous puissiez penser que vous êtes en mesure d'obtenir des avis de même qualité auprès des avocats de votre propre ministère. Je ne vois pas comment vous pouvez présenter cet argument, si l'on tient compte du fait que l'Association du Barreau canadien mentionne, dans la lettre préparée par M. MacCarthy, qu'elle est quelque peu surprise d'entendre que l'ABC pourrait remplir ce rôle et compte tenu du fait que les professeurs de droit ne font pas habituellement ce genre d'étude. Lorsque nous étions au gouvernement, la Commission du droit a publié des rapports dont certains, je dois le dire franchement, ne nous ont pas beaucoup plus. Vous et moi serions probablement d'accord pour dire que le rapport intitulé Au-delà de la conjugalité n'a pas apporté grand-chose de particulièrement utile à ce débat, même si M. Ménard ne serait sans doute pas d'accord avec nous, mais c'est là une toute autre question. Je pense que votre décision a pour effet d'écarter du dialogue auquel se livrent, si vous me permettez de m'exprimer ainsi, la communauté judiciaire et la communauté législative, une source de rapports qui est vraiment stimulante et qui va bien au-delà des avis juridiques indépendants que vous pouvez obtenir d'autres sources.
    J'aimerais avoir vos commentaires sur cette question.
    Tout ce que je peux dire, pour revenir à l'Association du Barreau canadien, est que cette association a déclaré qu'elle ne pouvait pas effectuer tout ce travail. Bien évidemment, personne n'a jamais soutenu que l'Association du Barreau pouvait effectuer tout ce travail, ce qui n'empêche qu'elle possède un service de recherche juridique. Cette association doit bien avoir des membres capables de faire de la recherche juridique dans ce service. Les chefs de police ont mis sur pied un comité législatif et de recherche juridique qui effectue ce genre de travail. Ce comité va-t-il effectuer tout ce travail? Non. Des milliers de professeurs qui enseignent au Canada font tous de la recherche sur des sujets qui ne leur ont pas été suggérés par le gouvernement.

  (1625)  

    L'aspect essentiel n'est-il pas que la Commission du droit pose des questions théoriques comme qu'est-ce qu'un crime et dit que nous devrions revoir notre notion de crime? Votre propre ministère ne va pas se poser cette question, et s'il le fait, c'est qu'il ne fait pas ce qu'il doit faire.
    Mais, M. McKay, qu'est-ce qui empêche un professeur de droit de poser cette question et de publier une étude à ce sujet?
    Il n'y a sans doute rien qui empêche un professeur de faire ce genre de choses. Un professeur de droit qui travaille de façon isolée n'est pas un organisme en mesure de prendre des décisions fondamentales et de diffuser ce genre d'étude. Je soutiens que même à l'époque où nous étions au gouvernement, le ministère de la Justice n'a pas effectué ce genre d'étude et de réflexion, en particulier de réflexion sur les directions possibles dans lesquelles le droit pourrait évoluer. Je soutiens que nous perdons en fait quelque chose de très important en ne permettant pas à cette commission de poursuivre ses travaux.
    Je peux vous dire que nous effectuons à l'heure actuelle de la recherche en fonction de nos besoins. Le choix des sujets n'est pas libre, mais nous ne demandons pas aux chercheurs, par exemple, de travailler sur une question déjà réglée. Nous leur posons en fait des questions précises pour leur demander leur opinion et ils nous fournissent régulièrement leurs opinions sur ces questions.
    La Commission du droit fournit...
    Merci, monsieur McKay.
    M. Brown.
    Merci, M. Hanger.
    Je veux remercier le ministre. Si je ne me trompe pas, c'est la quatrième ou la cinquième fois que vous venez devant notre comité. Vous avez été très généreux avec votre temps et nous apprécions la franchise dont vous avez fait preuve aujourd'hui.
    Ma question porte sur l'aspect qu'a abordé M. Thompson de façon si éloquente il y a un instant, à savoir que nous n'avons pas vraiment besoin d'utiliser l'argent des contribuables pour élaborer de bonnes politiques dans le domaine du droit. Prenez le cas de MADD, cette organisation a-t-elle besoin de l'argent des contribuables pour présenter des idées? Est-ce que Joe Wamback du NewMarket en a eu besoin, lorsque nous avons parlé des jeunes contrevenants? Certainement pas.
    La question que je vais vous poser, monsieur le ministre, est la suivante: Pourriez-vous nous donner un exemple d'un groupe qui n'a pas eu besoin de l'argent des contribuables pour présenter des propositions ou des idées de politique que vous et votre ministère avez trouvé utiles?
    Mon collègue du Bloc, M. Ménard, a effectivement fait remarquer que l'Association canadienne des policiers nous avait fourni d'excellents conseils, et c'est une organisation qui est évidemment indépendante du gouvernement, mais il y a en fait toutes sortes de personnes qui nous fournissent des opinions. Par exemple, lorsque le gouvernement précédent a tenu une enquête il y a quelques années au sujet de l'APEC, sur les émeutes qui avaient eu lieu — le mot « émeute » est peut-être un peu trop fort — d'après mes souvenirs, c'est le juge Hughes qui a préparé un excellent rapport sur toute la situation — sur le rôle de maintien de l'ordre de la police, sur le contrôle exercé par le gouvernement sur les services de police. Son travail a été vraiment très utile. Je constate que les gouvernements ont très souvent mis en oeuvre les propositions contenues dans ce genre de rapports. Avec le rapport O'Connor sur Arar, le juge O'Connor a fait de l'excellent travail — 23 recommandations que notre gouvernement a acceptées, et dont certaines proposent des modifications législatives.
    Je suis très étonné de voir les Libéraux se poser en ardents défenseurs de la Commission du droit du Canada, alors qu'ils n'ont jamais donné suite à ses rapports, n'ont jamais adopté les mesures proposées par elle, et qu'ils viennent aujourd'hui dire devant le comité qu'il est terrible de supprimer le financement de cette organisation, compte tenu des excellents rapports qu'elle a préparés — rapports qu'ils n'ont jamais mis en application.
    Les Canadiens nous disent en fait qu'ils veulent que les députés dépensent leurs impôts de façon plus efficace, et c'est exactement ce que nous faisons.

  (1630)  

    Monsieur le ministre, au sujet de ces économies, est-il réaliste de penser que nous pourrons mieux protéger les Canadiens, grâce aux économies que nous aurons réalisées en évitant le gaspillage? Vous et votre ministère ont-ils lancé de nouvelles initiatives visant à mieux protéger les Canadiens? Vous pourriez peut-être en particulier, nous parler des sommes affectées à la GRC, comme exemple d'un domaine qui a reçu des fonds nouveaux, parce qu'il est important de parler également de l'argent qui a été dépensé pour protéger les Canadiens.
    Dans ce cas particulier, les sommes économisées ont toutes été affectées au remboursement de la dette, d'après ce que je sais — toutes les compressions dont nous venons de parler. Mais je peux aussi vous dire que nous avons affecté des centaines de millions de nouveaux dollars à des programmes qui vont profiter de façon très directe et très concrète à tous les Canadiens. Par exemple, mon ami M. Bagnell parle du rapport sur les Autochtones qui n'a débouché sur rien. En fait, je préfère accorder davantage de fonds aux logements destinés aux Autochtones qui vivent hors réserve, ainsi qu'aux logements construits sur les réserves, par exemple. Ce sont là des choses concrètes que souhaitent, je crois, obtenir les Autochtones, plutôt que d'avoir un rapport qui ne fait que croupir dans un coin pendant je ne sais combien d'années.
    Nous faisons donc les choses différemment. Les Libéraux sont prêts à dépenser de l'argent pour obtenir des rapports dont ils ne se servent pas et qui ne débouchent sur rien; nous voulons utiliser cet argent et le dépenser sur des programmes concrets qui améliorent la vie d'une collectivité, qu'elle soit autochtone ou non autochtone.
    Merci, M. Brown.
    Merci, monsieur le ministre.

[Français]

    Je fais un rappel au Règlement, monsieur le président.

[Traduction]

    M. Ménard.

[Français]

    Pourriez-vous vérifier si le ministre, en sa qualité de ministre de la Justice et de député de Saint-Boniface, consentirait à revenir pour discuter des droits des francophones hors Québec et du Programme de contestation judiciaire? Le ministre accepterait-il de revenir sous peu pour discuter de ces questions importantes, puisque sa collègue du ministère du Patrimoine canadien s'est lâchement défilée? Je pense que vous avez une responsabilité, monsieur le ministre.

[Traduction]

    Comme le député le sait, monsieur le président, je ne peux pas faire cela, même si...
    Vous pouvez le faire, j'ai vérifié avec mon leader. Il n'y a pas de règle. C'est une convention.
    Non, je ne peux pas parler...
    M. Ménard, nous parlerons, au cours de la réunion du comité de direction, des questions qui pourront être abordées avec le ministre.
    Aujourd'hui, le ministre a accepté de rester un quart d'heure de plus. Je sais que nous voulions lui poser une série de questions au sujet de la modification de la Loi sur les juges. Je pense que M. Lemay aimerait commencer à poser ces questions, tout comme M. Murphy.
    Monsieur Lemay, je vous en prie.

[Français]

    Excusez-moi, monsieur le président, je croyais que c'était d'abord le tour de M. Cotler, et le mien ensuite. Comme M. Cotler n'est pas là, je pense que c'est le tour M. Murphy.

[Traduction]

    M. Cotler ne peut être là aujourd'hui, et c'est donc à vous deux d'intervenir, comme si vous en aviez fait la demande.
    Vous avez la parole, M. Lemay.
    Je suis disposé à ce que l'on ajoute un autre quart d'heure à une autre séance du comité pour que M. Lemay ait davantage de temps pour poser des questions. Je ne voudrais pas l'en priver. Je comprends cela.
    M. Lemay.

[Français]

    Monsieur le président, je peux poser mes questions. Il n'y a aucun problème. Je sais que M. Murphy devait poser celles de M. Cotler, alors je...

[Traduction]

    Si c'est le cas, cela ne me fait rien.
    M. Murphy, voulez-vous commencer en posant une question?
    Parfait. Merci, monsieur le président.
    Monsieur le ministre, je dois vous dire que le projet de loi C-17 a suscité de nombreux commentaires, dont certains ont été présentés devant une instance politique — l'autre chambre. Je veux, tout comme M. Cotler et tous les Canadiens, vous donner la possibilité de déclarer ici aujourd'hui que vous avez le plus grand respect pour la magistrature, le moins que l'on puisse attendre de l'auxiliaire de justice que vous êtes.
    J'aimerais vous l'entendre dire, parce que les questions qui vous ont été posées portent sur cet aspect. La presse et l'autre chambre se sont fait l'écho de commentaires concernant les juges libéraux. Les projets de loi C-9 et C-10 réduisent, comme vous le savez fort bien, le pouvoir discrétionnaire des juges dans certaines circonstances, ce qui pourrait être considéré comme un manque de respect pour le pouvoir judiciaire des juges. En fait, on pourrait dire que le processus qui a été suivi pour la confirmation de la nomination du juge Rothstein a fait des juges un exemple public. Il est vrai que dans ce cas l'expérience a été très positive, mais on pourrait penser qu'elle consiste à faire comparaître les juges en public pour que leur nomination soit approuvée publiquement par des politiciens élus.
    Nous avons maintenant le projet de loi C-17, et voilà la préoccupation qu'il soulève. Certaines dispositions du projet de loi C-17, qui soulèvent maintenant moins de réaction de la part de la population, posent des questions qui vont finalement être réglées. Il demeure dans le projet de loi C-17, il y a des aspects qui concernent... disons « la règle de 80 », ou la capacité des juges d'occuper un poste de juge surnuméraire dans certaines provinces. Les juges en chef n'exercent pas un contrôle aussi strict sur les juges surnuméraires que sur les autres juges. Ce projet de loi, s'il est adopté, augmentera le nombre des juges surnuméraires; c'est ce qu'on m'a dit.
    J'aimerais que vous répondiez tout d'abord à la question portant sur le respect que vous éprouvez pour les juges. Je veux que vous me disiez, si je peux me permettre de vous le demander, ce que vous allez faire pour que ces juges surnuméraires effectuent leur travail. Allez-vous nommer d'autres juges pour combler les postes vacants? Vous ou votre ministère avez-vous réfléchi au moyen d'amener les juges en chef à utiliser les juges surnuméraires pour faire fonctionner le système? Vous savez fort bien que le nombre des affaires confiées aux tribunaux va encore augmenter. Nous aurons besoin de tous nos juges.
    Pour résumer, il s'agit d'une question en deux parties, éprouvez-vous du respect pour les juges et allez-vous consacrer à ce domaine suffisamment de ressources pour que la justice soit rendue?

  (1635)  

    Voilà qui me paraît être une question très bizarre. Elle s'explique, je crois, parce que l'on a mélangé les diverses responsabilités qui incombent à la magistrature d'un côté et au Parlement de l'autre. C'est le Parlement qui est chargé de fixer les politiques sociales. Ce n'est pas le rôle des juges. Lorsque le Parlement adopte une mesure législative, il faut savoir que toute mesure législative introduit certaines définitions et, habituellement, autorise ou restreint certaines activités. Si vous voulez dire que chaque fois que le Parlement adopte une mesure législative, c'est une marque de mépris pour les juges, alors là je ne suis pas d'accord avec vous.
    Nous sommes passés de la common law, qui contenait les règles que les juges interprétaient habituellement, et nous avons adopté des lois pour modifier cette common law. Est-ce que cela reflétait un manque de respect pour la magistrature? Non, cela reflétait plutôt le fait que les gouvernements et le Parlement voulaient que soit mise en oeuvre une certaine politique sociale.
    Chaque fois que nous présentons un projet de loi, nous proposons une mesure législative qui reflète une certaine politique sociale. Cela ne veut aucunement dire que nous manquons de respect envers la magistrature. Même si une mesure a pour effet de limiter le pouvoir discrétionnaire des juges, elle découle de la fonction législative et des responsabilités qui incombent aux législateurs qui siègent au Parlement.
    Je dirais que vous n'avez pas répondu à la question de savoir si, étant donné que vous avez le plus grand respect pour la magistrature, vous veillerez, en qualité de procureur général, et en collaboration avec les divers comités qui siègent au Canada, à ce que les juges fédéraux, si nous pouvons les appeler ainsi — ou les juges du Banc de la Reine ou du niveau approprié — soient suffisamment nombreux pour entendre les affaires soumises aux tribunaux, parce qu'il y a une grande pénurie de juges.
    Cela m'amène à la deuxième question, dans laquelle vous laissez entendre que je pourrais faire travailler les juges surnuméraires plus qu'ils ne le font à l'heure actuelle. Ce n'est pas ma responsabilité; c'est la responsabilité du juge en chef.
    Il y a eu en Ontario un rapport récent qui a fait les manchettes du Globe and Mail et qui contenait les commentaires de divers juges, membres du Barreau et autres au sujet de l'administration du système juridique et de l'appareil judiciaire. Je n'ai aucunement participé à la préparation de ce rapport. Il me paraît d'ailleurs très sain que la magistrature et le barreau examinent la façon dont chacune de ces institutions fonctionnent dans le but d'améliorer la situation.
    Je note, par exemple, que tout récemment, le procureur général de la Colombie-Britannique a parlé de certaines questions touchant les horaires de travail des juges. Cette personne, qui est un ancien juge de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, doit, d'après moi, connaître très bien de l'intérieur la façon dont fonctionnent les tribunaux. Il a exprimé une opinion; cette opinion a été présentée. Ce n'était certainement pas à moi de le faire. Je n'ai pas l'expertise qu'il affirmait posséder et qui me permettrait de faire un tel commentaire.
    Très rapidement, M. Murphy.
    La question de l'arriéré demeure. Vous étiez à St. John's, Terre-Neuve, devant l'ABC et vous avez déclaré que nous n'alliez pas modifier profondément la façon dont les juges sont nommés, malgré certaines déclarations politiques faites au cours de la campagne. Allez-vous faire quelque chose pour combler les nombreux postes vacants? Voilà comment je pourrais le dire.

  (1640)  

    Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il y avait 23 postes vacants. Je ne sais pas quels sont les chiffres.
    Il y en a environ 60, je crois.
    Non, je ne pense pas qu'il y ait 60 postes de juges qui soient vacants. Il faudrait que je vérifie cela.
    Je me suis engagé à combler ces postes le plus rapidement possible, et c'est ce que nous avons fait. Il y a eu deux importantes séries de nominations, je pense que les deux concernaient plus de dix juges à chaque fois, et ensuite quelques nominations de juges en plus petit nombre — je pense à trois gropupes de nominations. Je peux vous dire que nous allons nommer d'autres juges. Mais c'est ma première priorité.
    Nous examinons également toutes sortes de questions qui touchent le système de justice, et je suis sûr que les juges en chef essaient de trouver le moyen d'améliorer l'efficacité des tribunaux. Je suis tout à fait convaincu que les juges en chef sont en mesure d'examiner cette question et d'utiliser de façon efficace et appropriée les ressources qui leur sont fournies par les Canadiens.
    Merci, M. Murphy.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    Merci, monsieur le ministre.
    Effectivement, parlant pour le Québec, c'est presque urgent que des nominations soient faites dans les plus brefs délais. Il y a des pénuries. Actuellement, il y a un manque évident de juges au Québec. Il y a des surnuméraires, et d'autres postes vont devenir vacants. J'ai toutefois l'impression que là n'est pas le débat, monsieur le ministre.
    J'ai lu le rapport de la Commission d'examen de la rémunération des juges soumis au ministre de la Justice le 31 mai 2004 et j'ai lu le projet de loi C-17. Est-ce que le projet de loi C-17 est la réponse au rapport? Si vous n'aimez pas les rapports de la Commission d'examen de la rémunération des juges, allez-vous également l'abolir ou lui couper les vivres?

[Traduction]

    M. Lemay, vous savez que la commission dont vous parlez reflète une obligation constitutionnelle mais cela ne veut pas dire que cette commission prend nécessairement des décisions parfaites. La Cour suprême du Canada a très clairement déclaré, non pas tant dans l'affaire du renvoi de l'Île-du-Prince-Édouard que dans l'arrêt Bodner, que c'est le Parlement qui est en dernier ressort responsable de l'établissement des salaires des juges, et les mesures que le gouvernement a prises sont conformes aux principes constitutionnels.
    Pour ce qui est des juges, le gouvernement a nommé, sur ma recommandation, 28 juges jusqu'ici. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, il y avait 23 postes vacants, si je ne me trompe.

[Français]

    D'accord. Je sais qu'en vertu de la Constitution — c'est inscrit dans un article dont le numéro m'échappe —, vous êtes tenu de créer une commission. Pouvez-vous diriger, c'est-à-dire indiquer à la commission que vous mettrez en place quel genre de travail elle devra faire et comment vous voyez le travail concernant la rémunération des juges, au lieu de faire un projet de loi aussi volumineux?

[Traduction]

    Non, je ne pense pas qu'il existe un article de la Constitution qui porte sur ce point, que ce soit dans les lois constitutionnelles de 1867 ou de 1982. L'article 100 énonce que le Parlement est chargé de fixer la rémunération des juges.
    C'est dans l'affaire du renvoi de l'Î.-P.-É. que la Cour suprême du Canada a déclaré que l'idée d'une telle commission découlait d'un principe constitutionnel mais pas d'une disposition législative particulière, comme ce serait le cas, par exemple, avec la Commission du droit du Canada.

[Français]

    Ce qui se passe, à l'heure actuelle, c'est que lorsque les juges ne sont pas satisfaits de la décision, ils vont en cour, c'est le cas de le dire. On a eu cette situation avec l'Association des juges de la cour provinciale du Nouveau-Brunswick, l'Association des juges de l'Ontario, et ainsi de suite. On est comme dans un cercle vicieux qui dure depuis 2004. Comment fait-on pour mettre fin à ce cercle qui fait en sorte que si on n'est pas content de la décision, on s'en va à la cour, la cour rend une décision, le gouvernement n'est pas content et on va à la cour?

  (1645)  

[Traduction]

    Vous devez avoir des renseignements que je ne possède pas lorsque vous dites que l'Association des juges a saisi les tribunaux de cette question. Je n'en ai pas entendu parler, mais si vous avez des sources d'information privilégiées parmi les juges ou ailleurs, je serais très heureux que vous m'en fassiez part. J'essaie de suivre cette question.
    La commission formule certaines recommandations. Le gouvernement du Canada est tenu d'y répondre en appliquant certains principes, c'est ce que nous avons fait. En fait, nous sommes arrivés au pouvoir le 23 janvier et je crois que les membres du Cabinet ont été assermentés le 6 février. Nous avons pris une mesure très rapidement, avant la fin de l'été.
    Le rapport a été publié en 2004 et le Parlement ne l'avait pas examiné avant les élections du 23 janvier. Je ne vois donc pas comment vous pouvez dire que mon gouvernement n'a pas agi de façon appropriée.

[Français]

    Non, monsieur le ministre. Je veux seulement...

[Traduction]

    M. Lemay, mais très rapidement.

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je veux juste vous dire, monsieur le ministre, que je n'accuse pas, je fais attention. Je n'ai pas accusé votre gouvernement de ne pas répondre. Ce que je veux vous demander, c'est comment fait-on pour arrêter ce cercle qui fait que l'on se retrouve trop souvent devant les tribunaux pour régler la question du salaire des juges? C'est seulement ça, ma question.

[Traduction]

    Ce mécanisme a été mis sur pied conformément à un principe constitutionnel reconnu par la Cour suprême du Canada. Notre gouvernement est décidé à mettre en oeuvre les décisions de la Commission de façon appropriée, ce qui peut vouloir dire réviser les recommandations conformément aux principes établis par la Cour suprême du Canada dans l'affaire du renvoi de l'Île-du-Prince-Édouard, et précisés par la suite dans l'arrêt Bodner.
    Merci, M. Lemay.
    Le comité tient à vous remercier, monsieur le ministre et M. Sims, de votre présence ici.
    Le comité va faire une pause d'une minute pour que les autres témoins prennent place à la table.
    La dernière fois, on m'a accusé de partir trop rapidement. Je ne voudrais pas que l'on pense que je quitte la salle trop rapidement. Devrais-je dire quelque chose ou puis-je me contenter de remercier le président ainsi que les membres du comité?
    Des voix: Bravo, bravo!
    Non, monsieur le ministre, merci de nous avoir consacré votre temps.
    Je reviendrai.
    La séance est levée pour une minute.

  (1645)  


  (1655)  

    Reprenons.
    J'invite les membres du comité à prendre place. Nous poursuivons notre étude des conséquences de l'abolition de la Commission du droit du Canada et du Programme de contestation judiciaire pour l'évolution des droits des minorités.
    Comparaissent devant le comité, l'Association du Barreau canadien et le Programme de contestation judiciaire du Canada, ainsi que le Centre for Cultural Renewal.
    Je vous remercie de comparaître devant notre comité. Vous avez entendu les commentaires du ministre. C'est une bonne chose que vous vous soyez trouvé dans la salle à ce moment-là. Je suis sûr que vous allez réagir aux propos du ministre.
    Nous allons commencer par l'Association du Barreau canadien. Je vous demande d'être bref dans vos commentaires, parce que je sais que les membres du comité aimeraient vous poser un certain nombre de questions; le mieux serait qu'un des témoins présentent les commentaires de chacun des groupes, ce qui nous permettrait de gagner du temps.
    Qui souhaite parler au nom de l'Association du Barreau canadien?
    Merci, monsieur le président. Je vais commencer et ma collègue, Mme Buckley interviendra ensuite...
    Très rapidement alors, Mme Buckley, lorsque vous prendrez la parole.
    Merci.
    Monsieur le président, messieurs les membres du comité, l'Association du Barreau canadien est heureuse d'avoir la possibilité de parler aujourd'hui au comité de deux programmes qui touchent de très près notre mission, à savoir le Programme de contestation judiciaire et la Commission du droit.
    L'Association du Barreau canadien est une organisation nationale qui regroupe des juristes et comprend plus de 36 000 membres au Canada. Notre mission consiste notamment à améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est dans ce contexte que nous vous avons écrit et le comité est en possession de la lettre que nous lui avons envoyée au sujet des deux programmes qui vont faire l'objet de nos commentaires aujourd'hui.
    Mme Buckley représente l'Association du Barreau canadien dans un certain nombre d'affaires qui sont devant les tribunaux en ce moment et je vais lui demander de parler de la nature de ces deux programmes.
    Monsieur le président et messieurs les membres du comité, l'Association du Barreau canadien est venue aujourd'hui pour souligner l'immense et unique contribution que le Programme de contestation judiciaire et la Commission du droit du Canada ont apporté à la bonne gouvernance et au processus démocratique du Canada. Je vais prendre quelques minutes du temps qui m'a été attribué pour développer ce thème.
    Le Programme de contestation judiciaire a pour mission d'assurer l'accès à la justice dans deux domaines particuliers des droits constitutionnels, les droits linguistiques et les droits à l'égalité. Les tribunaux ont tiré une ligne très nette entre le principe constitutionnel d'accès à la justice et aux tribunaux et le principe de légalité. Comme nous le savons tous, le principe de légalité veut dire que le droit régit les rapports entre les citoyens, que nous avons des droits et des obligations et il veut dire également que le gouvernement est lui-même lié par la loi, et plus particulièrement, que le gouvernement est lié par la loi suprême du pays, la Constitution. En l'absence d'accès aux tribunaux, ces droits ne veulent rien dire et le Programme de contestation judiciaire joue un rôle essentiel dans l'accès aux tribunaux et la mise en oeuvre des droits constitutionnels.
    Les tribunaux canadiens ont depuis longtemps reconnu que, pour reprendre les termes de la Cour suprême du Canada, il serait « presque pervers » de demander au gouvernement d'appliquer les lois et aussi de les contester, et c'est pourquoi notre système judiciaire a reconnu la nécessité d'un contentieux d'intérêt public capable de combler ce vide, de remplir ce rôle, d'assumer cette obligation gouvernementale que le gouvernement lui-même ne peut exécuter. Le Programme de contestation judiciaire a grandement facilité le contentieux d'intérêt public dans les domaines relevant de sa mission.
    Dans une démocratie constitutionnelle comme le Canada, le contentieux d'intérêt public renforce les valeurs démocratiques et la citoyenneté, et apporte une importante contribution au dialogue démocratique sur les droits et leurs limites. Il est préjudiciable à l'ensemble de la société que les droits constitutionnels soient bafoués.
    Pour être utiles, les droits doivent pouvoir être exercés et pourtant sans l'assistance du Programme de contestation judiciaire, de nombreux particuliers et groupes ne pourraient avoir accès aux tribunaux. Les sommes accordées par le Programme de contestation judiciaire ne représentent qu'une fraction du coût réel d'une cause constitutionnelle type. Les particuliers et les groupes financent également ces affaires, les avocats acceptent de réduire leurs honoraires et bien souvent, font leur travail de façon bénévole. Le Programme de contestation judiciaire n'accorde qu'un montant qui ne représente qu'une fraction des frais de l'affaire mais ces montants sont essentiels et sans eux ces droits importants demeureraient le plus souvent de simples garanties théoriques. Sans le financement qu'accorde le Programme de contestation judiciaire, la plupart de ces litiges ne seraient jamais portés devant les tribunaux et les violations constitutionnelles se poursuivraient.
    Le Programme de contestation judiciaire a obtenu des résultats spectaculaires, en particulier dans le domaine des droits linguistiques. Depuis presque 30 ans maintenant, ce programme finance des litiges dans ce domaine. Il a ainsi suscité une jurisprudence riche et dynamique qui a donné un sens aux droits des communautés francophones à l'extérieur du Québec ainsi qu'à la communauté anglophone du Québec. Il s'est fait beaucoup de choses et d'excellentes choses dans ce domaine, mais il en reste encore beaucoup à faire. Nous en sommes encore au tout début. Il faut savoir que les droits de la personne évoluent progressivement et qu'il s'agit là d'un processus permanent et continu.
    Le Programme de contestation judiciaire a également fait de l'excellent travail dans le financement des causes types touchant les droits à l'égalité. Bien sûr, cela n'a touché qu'une période beaucoup plus courte et il y a, par conséquent, beaucoup plus à faire dans ce secteur.
    Je vais maintenant parler de la Commission du droit du Canada. La Commission du droit du Canada a également joué un rôle essentiel pour améliorer l'administration de la justice et renforcer le principe de légalité au Canada par le biais de sa mission qui consiste à renouveler le droit pour qu'il soit toujours pertinent, adapté, efficace, accessible à tous et juste.
    Cela fait longtemps que l'ABC est favorable à une Commission du droit fédérale. En fait, nous appuyons officiellement une telle institution depuis 1966. Un gouvernement moderne a besoin d'une telle institution. Il est quelque peu paradoxal que le gouvernement canadien ait aboli la Commission du droit alors qu'il propose au même moment de mettre sur pied des institutions semblables à des pays comme le Bangladesh où la situation économique est beaucoup plus grave qu'au Canada.
    La Commission du droit du Canada a apporté sa contribution au dialogue démocratique. Son travail est axé sur la participation. Elle a établi des partenariats avec les institutions, comme les facultés de droit, les forums de politiques publiques, l'ABC et de nombreuses autres organisations. Elle favorise un dialogue ouvert et éclairé ainsi que la participation des citoyens à toutes ses activités. Elle est indépendante des partis mais joue un rôle essentiel dans l'élaboration des politiques et des mesures législatives par le gouvernement.

  (1700)  

    Il y a un aspect qui est très important et qui n'est pas ressorti très clairement des discussions précédentes que j'ai entendues; c'est le fait que la Commission du droit du Canada établit son programme de recherche en procédant à des consultations et met sur pied des projets à partir de cette consultation publique; elle est ainsi en mesure de définir quels sont les sujets d'actualité qui ne sont pas systématiquement abordés par d'autres institutions. Par définition, elle joue un rôle unique puisqu'elle s'occupe uniquement des sujets qui ne peuvent pas être étudiés de façon appropriée par d'autres institutions. Il ne faudrait pas non plus oublier qu'un représentant du ministère de la Justice siège au conseil consultatif de la Commission du droit du Canada, de sorte que ce ministère a son mot à dire sur les sujets qui sont étudiés par la Commission du droit.
    La Commission du droit a adopté une approche très novatrice et pluridisciplinaire à sa recherche. Un ministère très occupé ne peut fonctionner de cette façon sur une base quotidienne.
    J'aimerais mentionner en particulier le projet sur les traditions juridiques autochtones, qui en est en fait à ses débuts — ou du moins la première étape de la recherche est terminée — mais la Commission du droit avait prévu de poursuivre les consultations et de compléter ce travail qui vient d'être stoppé abruptement, ce qui est tout à fait regrettable. C'est un projet qui aurait permis de développer et de préciser les traditions juridiques autochtones au Canada et d'étudier la situation très difficile dans laquelle se trouvent ces collectivités et il aurait aidé à renforcer les relations entre Autochtones et non-Autochtones au Canada.
    Il est important de comprendre que, même si ce projet ne débouche pas sur des changements législatifs précis, il aura influencé la façon dont fonctionne le pays et que la réforme du droit ne se limite pas à faire adopter un projet de loi ou à formuler des commentaires sur un tel projet; le droit influence la culture ainsi que les institutions qui ne participent pas directement à ce processus.
    Nous savons que le ministre de la Justice et d'autres membres du gouvernement ont déclaré que l'ABC pouvait se charger du travail qu'effectuait la Commission du droit. Cela est tout à fait faux. L'ABC n'a pas les moyens d'effectuer ce travail. L'ABC participe aux processus de réforme du droit et fournit le point de vue des professions juridiques sur le droit, l'administration, le principe de légalité mais nous ne sommes pas un institut de recherche. Il est tout à fait irréaliste de penser que nous pourrions combler le vide que laisse la suppression de la Commission du droit du Canada. Notre organisation a une mission tout à fait différente. Nous n'avons pas de fonds à consacrer à une telle tâche et c'est grâce aux efforts bénévoles des membres de l'ABC des avocats qui s'occupent à plein temps d'une pratique privée, que nous pouvons mener à bien cet important travail de réforme du droit. Vous ne pouvez pas nous en demander davantage. Il y a une grande différence entre préparer des commentaires sur un projet de loi et effectuer un travail de fond à long terme visant à réformer le droit.
    À notre avis, le ministère de la Justice s'occupe bien sûr aussi de réforme du droit, mais il n'a pas la capacité d'effectuer le genre de travail que fait la Commission du droit du Canada. En fait, je travaillais à temps plein pour l'Association du Barreau canadien en 1992, au moment où la Commission de réforme du droit a été abolie et pendant les cinq ans qui ont précédé la création de la nouvelle commission du droit. Nous travaillions très étroitement avec le ministère de la Justice pour essayer de combler ce vide, mais nous nous sommes tous aperçus que nos deux institutions, même en travaillant ensemble, ne pouvaient y parvenir.
    La Commission du droit du Canada joue un rôle unique que ne peut remplir aucune autre organisation, qu'elle soit financée grâce à des fonds publics ou privés. En particulier, il n'existe pas d'organisation indépendante accessible, permanente et qui ait l'envergure nécessaire pour effectuer le travail de la Commission du droit.
    Pour terminer, l'ABC aimerait faire remarquer que l'abolition du Programme de contestation judiciaire et celle de la Commission du droit vont compromettre la qualité de la gouvernance au Canada. Tous les Canadiens vont souffrir de l'étroitesse de vue d'un gouvernement qui a décidé de supprimer abruptement ces deux institutions, mais ce sont les membres des groupes défavorisés et des groupes minoritaires qui en ressentiront les conséquences les plus graves. L'abolition de ces deux programmes va aggraver la marginalisation et la précarité de la position de la communauté francophone à l'extérieur du Québec, de la communauté anglophone au Québec, des Autochtones, des femmes, des personnes handicapées, des minorités raciales et des autres groupes vulnérables que protège la Constitution.
    L'ABC vous invite à faire tout ce que vous pouvez à titre individuel et comme comité responsable de la justice et des droits de la personne pour redresser le terrible tort qui a été fait.
    Merci.

  (1705)  

    M. Norman, est-ce vous qui allez présenter les commentaires du Programme de contestation judiciaire du Canada?
    Je m'appelle Ken Norman. Je suis le trésorier du Programme de contestation judiciaire. Je siège au conseil d'administration du programme à titre de représentant du Conseil des doyens et doyennes des facultés de droit du Canada. Je suis accompagné par notre directeur exécutif, Noël Badiou.
    Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je vais d'abord vous parler, en me basant sur le mémoire qui vous a été distribué, de l'objet du Programme de contestation judiciaire. Cet objet est l'accès à la justice et la raison d'être de ce fonds est que l'accès à la justice suppose des ressources. C'est pour d'importantes raisons d'ordre civil qu'un certain nombre de programmes de financement du gouvernement ont la même raison d'être, pour ce qui est des litiges. Le Programme de contestation judiciaire n'est qu'un — ou n'était qu'un — de ces programmes.
    Il y a un an, une délégation canadienne s'est présentée devant le Comité des droits de l'homme des Nations Unies dans le cadre de l'examen du cinquième rapport du Canada sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. S'en tenant uniquement aux contestations constitutionnelles et en laissant de côté les programmes de financement de litiges comme le programme de financement des causes types d'Affaires indiennes et du Nord Canada, ou le Aboriginal Rights Court Challenges Program des Territoires du Nord-Ouest, la délégation canadienne a expliqué les diverses situations dans lesquelles des questions constitutionnelles peuvent être soulevées au cours de litiges financés par le gouvernement.
    Elle a proposé des exemples comme l'aide juridique pénale, les causes civiles mettant en causes des intervenants gouvernementaux ou quasi gouvernementaux et des personnes engagées dans les litiges avec des intervenants gouvernementaux en matière de droits et d'accès à la justice. Le rapport du Canada contient la remarque suivante : « Le ministère du Patrimoine canadien finance également le Programme de contestation judiciaire (PCJ), qui accorde de l'aide financière pour des causes judiciaires d'importance nationale visant à clarifier le droit des communautés de langues officielles et les droits à légalité des groupes historiquement défavorisés. » Dans cette perspective, que peut bien signifier, je vous le demande, le commentaire qu'a fait John Baird, président du Conseil du Trésor, pour justifier la coupure du financement du Programme de contestation judiciaire le 25 septembre 2006 : « Je ne vois pas pourquoi le gouvernement subventionnerait des avocats pour contester les propres lois du gouvernement devant les tribunaux. »?
    Je voudrais vous demander d'annuler cette décision qui vise exclusivement le Programme de contestation judiciaire. Au nom de l'accès à la justice, nous invitons le comité à demander le rétablissement du programme.
    Je vais dire maintenant quelques mots de notre histoire et de nos réalisations.
    Le programme a été créé en 1978, à la suite d'importantes causes linguistiques portées devant les tribunaux par des particuliers, qui y avaient investi des sommes importantes. Compte tenu du caractère fondamental des droits en question, on s'est rendu compte qu'il fallait créer un programme pour aider les membres des groupes de langues officielles en situation minoritaire à saisir les tribunaux pour obtenir la clarification de leurs droits linguistiques constitutionnels. Il était entendu qu'il fallait instaurer un mécanisme permettant à ces groupes de faire reconnaître leurs droits. Faute de quoi, les membres de ces groupes ne pourraient guère, ou ne pourraient pas, faire reconnaître et respecter leurs droits.
    Ensuite, en 1982, lorsque la charte est entrée en vigueur, le mandat du programme a été élargi pour englober les droits linguistiques garantis par la charte. Par la suite, en 1985, avec l'entrée en vigueur des dispositions en matière d'égalité, le mandat du programme a de nouveau été élargi.
    Pour résumer, le programme était censé donner accès à la justice aux personnes traditionnellement défavorisées, à celles qui sont le plus susceptibles d'être marginalisées et empêchées de participer pleinement à la société canadienne, aux groupes de langues officielles en situation minoritaire, qui, eux aussi, essaient de revendiquer leur place dans la société canadienne. Sans ce mécanisme d'accès à la justice, les groupes et les personnes tenus à l'écart du pouvoir n'auront plus la possibilité de revendiquer l'égalité et la reconnaissance de leurs droits. On ne peut donc accorder aucune valeur à l'argument selon lequel le Programme de contestation judiciaire aurait failli à sa tâche lorsqu'il a refusé de financer les groupes partisans du statu quo qui intervenaient pour appuyer la position du gouvernement.

  (1710)  

    Je vais maintenant passer à la question de la valeur et de l'efficacité du programme, puisqu'elle a été soulevée. Lorsqu'il a décidé d'éliminer le Programme de contestation judiciaire, le gouvernement a déclaré que le programme n'était pas rentable. Nous aimerions beaucoup savoir sur quoi il fonde cette affirmation. Les responsables du programme n'ont jamais été informés que celui-ci faisait l'objet d'un examen. Personne n'a jamais contacté le personnel, ni les membres du conseil d'administration, ni ne leur a demandé de renseignements sur le programme. Quelle a donc été la nature de cet examen? Quels en ont été les résultats? Lorsqu'il a annoncé la coupure du programme, le gouvernement n'a pas associé sa décision aux conclusions d'un examen.
    Le programme a fait l'objet de deux examens publics et officiels, l'un en 1997 et l'autre en 2003. Je vais mentionner certains aspects de l'évaluation de 2003, la plus récente.
    Selon l'évaluation, le programme est administré de façon efficace. On peut également lire dans le rapport : « Les conclusions de l'évaluation montrent également que de nombreuses dimensions des dispositions constitutionnelles visées par le Programme doivent encore être clarifiées. Les données montrent que le processus de clarification est permanent et, selon toute vraisemblance, se poursuivra indéfiniment. »
    J'aimerais également inviter les membres du comité à prendre en considération certains autres aspects. Notre programme est modeste mais a une portée nationale. Il est entièrement administré par un petit groupe de huit personnes qui travaillent dans les mêmes locaux situés à Winnipeg au Manitoba. Le budget administratif est relativement réduit, si l'on tient compte de l'importance des enjeux et de l'envergure nationale du programme.
    Selon les conditions imposées par le programme en matière d'administration des fonds, les coûts réels des litiges ne sont pas entièrement couverts. Le financement limité qui est accordé permet aux demandeurs d'obtenir la participation d'avocats très aguerris et très compétents qui acceptent de faire une partie du travail à un taux horaire beaucoup plus faible que le taux habituel et une autre partie, gratuitement.
    Pour ce qui est de l'impact du programme, notre mémoire mentionne un certain nombre de causes importantes. Il y en a une en particulier que je voudrais mentionner dans le peu de temps dont je dispose; c'est une affaire de l'Île-du-Prince-Édouard, une affaire qui touche les droits linguistiques de la minorité, dans laquelle la Cour suprême du Canada fait un lien entre le volet financement des causes linguistiques et le volet financement des causes en matière d'égalité, ce lien étant le principe de l'égalité réelle. Je cite un passage de l'arrêt Arsenault-Cameron : « L'article 23 reposer sur la prémisse que l'égalité réelle exige que les minorités de langues officielles soient traitées différemment, si nécessaire, suivant leur situation et leurs besoins particuliers, afin de leur assurer un niveau d'éducation équivalent à celui de la majorité de langues officielles. » L'idée d'adaptation est aussi au coeur de l'idée d'égalité reconnue à l'article 15.
    Pour ce qui est des affaires concernant l'article 15, contrairement à la perception de certaines personnes, les contestations fondées sur les droits à l'égalité n'ont pas toujours débouché sur des victoires du système juridique. Le financement offert par le programme permet aux défenseurs des droits à l'égalité de porter leurs causes devant les tribunaux dans l'espoir qu'avec le temps, les principes juridiques qu'ils font valoir seront reconnus par les tribunaux. De plus, les questions portées à l'attention des tribunaux peuvent contribuer à accentuer la visibilité de certains enjeux susceptibles de stimuler un débat public et de mener à une réforme législative visant à renforcer les droits de la personne. Le programme fournit aux plus démunis de la société — les groupes défavorisés — un moyen de poursuivre le dialogue, ce qu'ils ne pourraient pas faire autrement.
    Permettez-moi de passer à une dernière remarque, qui est que le Programme de contestation judiciaire a été reconnu et apprécié non seulement par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies dans le cadre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel j'ai fait référence au début de mon exposé, mais également par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies. En outre, l'ancienne commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Mary Robinson, a exprimé son admiration pour le magnifique travail réalisé dans le cadre du Programme de contestation judiciaire et rappelé le caractère unique de ce programme en déclarant que ce type de programme devrait être adopté par d'autres pays.

  (1715)  

    Enfin, la charte existe depuis une génération. Les droits constitutionnels continuent toutefois d'évoluer. Il suffit de tourner le regard vers les États-Unis pour constater que les tribunaux continuent d'être saisis de questions constitutionnelles 200 ans après l'adoption du Bill of Rights. Comment douter que l'on ait encore besoin du programme, qui fournit aux Canadiens défavorisés les moyens d'avoir accès à la justice.
    Merci.
    Merci, M. Norman.
    Nous allons maintenant entendre le Centre for Cultural Renewal. M. Benson, vous avez la parole.
    Je vous remercie de m'avoir invité ici. Je représente le Centre for Cultural Renewal, qui existe depuis maintenant près de 15 ans. C'est un groupe de réflexion indépendant auquel sont associés des personnes de formations très diverses et dont le personnel est peu nombreux. Nous faisons beaucoup de recherche dans le domaine du pluralisme, pour essayer de définir les principes susceptibles de favoriser l'intégration de tous les Canadiens.
    Les commentaires que je vais vous livrer aujourd'hui portent principalement sur l'évolution constitutionnelle et l'aide financière apportée aux plaideurs. Ma recommandation finale au sujet des changements à apporter s'applique aussi bien à la Commission du droit qu'étudie le comité permanent, et dont je n'ai pas parlé dans mes commentaires. Vous recevrez tous un exemplaire de mon mémoire, mais à cause des contraintes de temps, je vais me contenter d'aborder un certain nombre de points essentiels.
    Le contentieux constitutionnel est d'utilité publique. La Constitution n'appartient à personne et aucun groupe d'intérêt ne peut contrôler la façon dont la Constitution va changer et évoluer à mesure qu'elle est interprétée par les tribunaux. Dans une société ouverte, l'auto-évaluation et l'autocritique sont de bonnes choses. À cet égard, le fait d'avoir un régime qui permet de vérifier la constitutionnalité des lois est jusqu'à un certain point une excellente chose. De la même façon, le fait d'offrir un soutien financier à ceux qui n'ont pas les moyens d'intenter des poursuites peut également, si cela est fait de manière équitable et appropriée et sous certaines réserves importantes, être une excellente chose.
    Je ne suis pas venu ici pour louanger le Programme de contestation judiciaire tel qu'il était, ni pour l'enterrer; je demande simplement votre attention pour que nous puissions analyser ensemble certains principes qui pourraient stimuler l'aide aux litiges constitutionnels. Il me semble qu'il conviendrait de modifier profondément le programme tel qu'il existe actuellement.
    Le Programme de contestation judiciaire a bénéficié de conseillers extrêmement compétents et de stratèges brillants. Son dossier parle de lui-même. Nous avons peut-être maintenant l'occasion de réfléchir au genre de programme qui conviendrait le mieux au pays pour l'avenir. Les programmes apparaissent et disparaissent. Ceux que l'on considère comme morts et enterrés peuvent parfois prendre assez rapidement les airs d'un phoenix.
    L'incidence de l'annulation du programme suscite des réflexions qui, à mon avis, vont au-delà de la marque qu'a laissée l'ancien programme. Les personnes qui souhaitent le maintien du programme forment l'un des groupes de pression les plus puissants qui existe au Canada aujourd'hui; j'aimerais donc proposer un certain nombre de principes qui, à mon avis, devraient susciter notre intérêt et être pris en compte si l'on souhaite modifier, développer, rénover un programme d'aide financière au contentieux constitutionnel, ce qui est la principale recommandation que je vais vous présenter aujourd'hui.
    Pourquoi devrions-nous nous intéresser à l'aide gouvernementale accordée au contentieux constitutionnel et nous soucier de la manière dont cette aide est organisée et les demandes examinées? On affirme souvent, au Canada, que les rapports entre le judiciaire et le législatif relèvent du dialogue. Si cela est vrai, on peut également affirmer, par extension, que les débats judiciaires font eux-mêmes partie de ce dialogue. On peut dire que chaque cause suscite un dialogue et un débat au sujet de la nature de la Constitution et que les diverses causes entretiennent aussi un dialogue.
    La société elle-même et le droit qui la régit sont en mode de dialogue. Ce dialogue évolue, en partie en raison des débats et des discussions et des prises de conscience qui sont le lot de notre vie en société. Ainsi, dans les affaires qui portent sur un thème donné, il y a, comme le savent fort bien les stratégistes, des choses nouvelles et un bon stratège choisit avec soin les causes qui lui permettront d'obtenir les résultats souhaités à long terme.
    Étant donné que les issues de ces causes touchent tout le monde, il est indispensable de faciliter le plus possible l'accès des citoyens aux tribunaux. L'interprétation qu'a subie la charte au cours d'une période de plus de 20 ans a donné des résultats utiles. L'interprétation est une réalité permanente et notre Constitution est, comme on l'a souvent dit, un arbre vivant. Il est bon de rappeler que les arbres ne poussent pas habituellement seuls. Ce ne sont pas les seules choses qui vivent et deuxièmement, ils dépendent du sol qui les nourrit. L'espace dans lequel vit l'arbre reflète aussi une étape de l'évolution constitutionnelle et est aussi une réalité vivante; si l'on fragilise le sol, on fragilise aussi l'arbre. Les documents constitutionnels demeurent lettre morte si la réalité vécue de la société ne leur donne pas un sens au quotidien.

  (1720)  

    Le Canada n'est pas la Charte des droits et la Charte des droits n'est pas le Canada. Il faut le dire parce qu'il y a des gens, en fait ils sont assez nombreux, qui semblent penser que l'évolution du Canada doit être fondée sur la Charte, ce qui revient à dire sur la magistrature, ou sur le dialogue entre le législateur et les tribunaux. Il ne faut pas oublier que d'autres dialogues importants sont en cours, comme je l'ai dit il y a un instant, et l'un d'entre eux est le dialogue qu'entretiennent les causes entre elles, et le débat sur les principes que reflète chaque mesure législative.
    Je vais maintenant passer aux aspects essentiels de mon mémoire.
    Si nous supposons que les tribunaux sont non seulement nécessaires mais également suffisants au maintien de la Constitution, nous présumons trop de l'importance du rôle du droit. C'est là le point central de mes remarques d'aujourd'hui. Pour qu'un programme d'aide au contentieux constitutionnel soit juste, il doit être accessible à tous — non seulement à ceux qui contestent les lois, mais aussi à ceux qui les défendent ou qui s'opposent à un genre particulier de contestation. Par exemple, il peut arriver qu'il n'y ait pas de règle dans un domaine dans lequel un plaideur souhaiterait en avoir, comme c'était le cas pour les affaires de mariage entre personnes de même sexe, qui reposaient sur un fondement particulièrement étroit, la contestation de la définition de la common law.
    Si le contentieux constitutionnel touche tous les citoyens, alors ceux qui pourraient avoir besoin d'une aide financière pour intenter des poursuites ne peuvent pas toujours être clairement qualifiés de contestataires et un programme visant à favoriser l'interprétation constitutionnelle devrait donc le faire de façon neutre et ne pas aider uniquement les personnes qui ne représentent qu'un côté des arguments. Les questions constitutionnelles ne sont pas uniquement celles qui sont nouvelles et stimulantes mais elles doivent comprendre aussi les réponses qu'ont déjà apportées le Parlement et les assemblées législatives, tant fédérales que provinciales.
    Comme le philosophe canadien Charles Taylor l'a remarqué, les solutions judiciaires se font habituellement aux dépens d'une des deux parties: il faut gagner ou perdre. En particulier, les jugements concernant les droits sont de plus en plus conçus comme des absolus. La tendance à confier aux tribunaux le soin de régler les différends, processus qui est polarisé par l'opposition de groupes d'intérêts rivaux, abolit pratiquement toute possibilité de compromis. Lorsque le contentieux est utilisé de cette façon, il serait normal de se demander quel est le genre d'égalité que nous recherchons, sachant que nous encourageons les plaideurs à agir de cette façon. Que pensons-nous du dialogue interne auquel devraient se livrer les citoyens sur les questions d'actualité? S'adresser aux tribunaux selon le modèle qui accorde le tout au gagnant et qui inquiète Charles Taylor tend bien souvent à accorder la victoire à un seul côté d'un débat qui en comprend deux, ce qui n'est pas la façon d'en arriver à une société civile qui fonctionne de façon harmonieuse.
    Je développe dans mon mémoire ce thème de façon plus approfondie que je ne peux le faire en ce moment, mais j'aimerais poser la question suivante. La voici: Comment pouvons-nous nous acquitter le mieux possible de la tâche qui consiste à situer la charte dans les traditions linguistiques, philosophiques, historiques et religieuses appropriées, comme nous le demande la Cour suprême du Canada, si nous ne faisons pas appel à l'apport des gens et des groupes qui sont les mieux en mesure de nous dire en quoi consistent ces traditions? Dans l'une de mes recommandations, je suggère que le contentieux n'est pas la meilleure façon de procéder au genre de réflexion qui convient à ce genre de décision judiciaire, et qu'il faudrait trouver une autre approche.
    Les droits constitutionnels sont importants et les tribunaux doivent avoir pour rôle de les défendre, en particulier lorsque l'État agit contre des individus ou des groupes, mais pour les tribunaux, il s'agit là d'un rôle qui est nécessaire mais pas suffisant. Au cours de la première période de la mise en oeuvre du Programme de contestation judiciaire et de l'interprétation de la Charte des droits et libertés, nous avons assisté à l'élaboration d'une jurisprudence, en particulier en matière de droits linguistiques et de droits à l'égalité; je soutiens qu'au cours de la période suivante, il faudra dépasser le cadre contentieux de l'analyse constitutionnelle. Il faudra abandonner le sectarisme nouveau des débats, principalement politique, qui opposent les groupes d'intérêt. Nous y parviendrons en adoptant des mesures de fond qui obligeront les groupes qui s'opposent sur des points fondamentaux à se rencontrer, parce qu'en fin de compte, les citoyens qu'animent des points de vue radicalement opposés doivent néanmoins vivre dans le même pays.
    Je vais donc vous présenter mes recommandations.
    Premièrement, l'aide devrait viser à faire ressortir le plus possible le bien-fondé des arguments des personnes qui contestent les lois et de celles qui les défendent, étant donné que celles qui attaquent les lois ne sont pas les seules à pouvoir invoquer des arguments constitutionnels.
    Deuxièmement, tous les groupes de citoyens doivent avoir confiance dans l'équité d'un programme d'aide au contentieux constitutionnel, en particulier dans l'équité en matière de représentativité. Dans la mesure du possible, il serait normal de faire appel à des gens qui proviennent de groupes différents et nous savons, grâce à l'histoire du contentieux constitutionnel dans ce pays qui se déroule depuis des années, quels sont ces groupes. Ces personnes devraient faire partie des conseils consultatifs, ou prendre les décisions dans un projet comme le Programme de contestation judiciaire; il ne faudrait pas confier cette tâche à un groupe restreint de professeurs de droit ou d'activistes, quelles qu'en puissent être les qualités.

  (1725)  

    Troisièmement, une fois que les tribunaux ont attribué le statut d'intervenant à des groupes dans une contestation constitutionnelle, l'aide financière appropriée devrait être accordée à toutes les parties en cause, sous réserve peut-être d'une évaluation des ressources. Cela découle de ma première proposition, selon laquelle l'évolution constitutionnelle ne doit pas avoir pour seul but la nouveauté. Ce sont finalement les juges qui décident quels sont les groupes particuliers qui ont un intérêt et un statut de représentant valide dans le contentieux constitutionnel. L'aide financière devrait donc être accessible aux groupes sans but lucratif, aux oeuvres de charité et aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes.
    Quatrièmement, il faut préciser le rôle du contentieux, de la participation, de l'éducation et de la défense des intérêts par rapport au statut d'organisme de charité. Le Programme de contestation judiciaire a lui-même présenté une poursuite devant la Cour suprême du Canada, poursuite dans laquelle il n'a pas obtenu gain de cause, pour le compte d'un groupe de défense des femmes de la côte ouest. Je connais de nombreux autres groupes pour lesquels l'enregistrement, l'absence d'enregistrement ou la radiation de l'enregistrement en qualité d'organismes de charité, revêt une importance cruciale. Il faudrait se pencher sur cet aspect.
    Cinquièmement, et je crois que c'est la recommandation la plus importante, j'estime qu'au lieu d'orienter les fonds gouvernementaux, que ce soit au palier fédéral ou provincial, vers les contestations judiciaires lancées par un petit nombre de personnes, il faudrait envisager de mettre sur pied un forum constitutionnel canadien auquel participeraient tous les intéressés, ce qui profiterait à tous les Canadiens. Des groupes comme ceux qui sont ici aujourd'hui — par exemple, l'ABC — les représentants des facultés de droit, les organisations religieuses, les organisations syndicales, les groupes de défense des droits des Autochtones, les groupes de défense des femmes, les associations de défense des droits linguistiques, ainsi que les représentants des groupes d'activistes dans le domaine de l'orientation sexuelle participeraient à un tel forum constitutionnel.
    Seul un forum constitutionnel de ce genre, auquel participeraient les groupes directement intéressés par ces questions, pourrait favoriser le genre d'études et d'analyses fondées sur les principes dont le Canada a besoin. J'explique dans mon mémoire comment nous avons lourdement échoué au sujet du mariage entre personnes de même sexe, comment nous aurions pu faire beaucoup mieux, mais le recours aux tribunaux et le renvoi au sujet du mariage ont restreint ce qui, je l'espère, sera une analyse féconde du rôle de l'État à l'égard du mariage entre personnes de même sexe.
    Il y a beaucoup de choses dans mon mémoire. J'ai légèrement dépassé mon temps de parole et je demande à mes collègues de m'en excuser; mais c'étaient mes commentaires.
    Merci.

  (1730)  

    Merci, M. Benson.
    M. Bagnell, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Le ministre, lorsqu'il était là il y a quelques minutes, a beaucoup parlé de ce rapport sur les Autochtones, et il a demandé pourquoi les Libéraux ne lui avaient pas donné suite. Il était plutôt gênant qu'il ait montré aussi clairement qu'il ne savait pas grand-chose. Le rapport n'est même pas encore publié. C'est un simple document de travail, et il n'a pas été présenté au Parlement.
    Lorsqu'on décide de supprimer des choses comme ces deux programmes utiles, il faut se baser sur des données, sur une évaluation ou sur les recommandations du ministère. Certains disent que le gouvernement le fait uniquement pour des raisons idéologiques. Je vais poursuivre sur ce sujet.
    Melina Buckley, vous avez fait un exposé formidable. Je ne pense pas que l'on puisse en dire davantage ou que l'on puisse vouloir encore supprimer le programme après votre intervention. Mais le ministre a déclaré que le gouvernement supprimait les programmes qui ne nous en donnaient pas suffisamment pour notre argent. J'ai demandé au ministère et au ministre s'ils avaient obtenu des données auprès du ministère et vous avez sans doute vu la réponse: le ministère ne lui a fourni aucune donnée ni aucune opinion indiquant que le public n'en avait pas pour son argent avec ce programme.
    Qui lui a dit, à votre avis, que ce programme était inefficace ou non rentable? Il ne semble pas que ce soit l'Association du Barreau.
    Bien entendu, je ne suis pas en mesure de parler du processus de décision qui a abouti à ces suppressions. Je peux par contre dire que l'Association du Barreau canadien n'a pas été consultée et qu'en fait, au cours de notre assemblée annuelle, juste avant l'annonce de la suppression du Programme de contestation judiciaire, nous avions réaffirmé notre appui au Programme de contestation judiciaire, à la vitalité de cette institution pour ce qui est de l'accès à la justice, et en fait nous étions prêts à appuyer un élargissement du programme. Depuis 1989, l'Association du Barreau canadien a toujours fait savoir officiellement qu'il fallait financer les litiges mettant en cause les lois et les politiques provinciales, tout comme les lois et politiques fédérales, dans le domaine des droits à l'égalité.
    Je ne sais donc pas comment cette décision a été prise, mais je peux vous dire que nous n'avons pas été consultés à ce sujet.
    Comme M. Norman l'a déjà mentionné, le Programme de contestation judiciaire a récemment fait l'objet d'un examen. L'accord de financement prévoit qu'au moment de son renouvellement tous les cinq ans, il faut procéder à un examen qui est confié à un organisme indépendant. Je pense que cet examen a pris environ six mois. Beaucoup de gens ont été consultés — des critiques du programme, des conseillers indépendants et d'autres — et les deux fois que le Programme de contestation judiciaire a fait l'objet d'un examen, les auteurs de l'examen n'avaient que des éloges à faire à son sujet.
    Il est donc difficile de savoir sur quoi repose cette décision. À ma connaissance, il n'y a pas non plus eu d'examen du travail qu'effectuait la Commission du droit. Je peux vous dire que l'Association du Barreau canadien aurait été très heureuse de participer à un tel processus.
    C'est vraiment étonnant. Sur quelles données le gouvernement s'est-il basé pour prendre sa décision? Le ministère a fait savoir qu'il ne fallait pas supprimer le programme.
    Vous venez de dire que l'évaluation était extrêmement positive. Les félicitations dont fait l'objet ce programme devraient justifier son maintien. Il est donc très étonnant que l'on se propose de le supprimer.
    Laissons de côté cet aspect, la deuxième observation qu'a faite le ministre était que la Commission ne faisait rien, qu'il y avait toutes sortes de groupes qui faisaient de la recherche. S'il y avait effectivement de nombreux groupes capables d'effectuer la recherche, pourquoi y a-t-il eu autant de projets?
    Je tiens pour acquis que vous n'êtes pas d'accord avec le ministre lorsqu'il a dit que la population n'en avait pas pour son argent avec cette commission. Pourquoi faisait-elle ce travail utile s'il y avait tous ces autres groupes qui auraient pu le faire? Était-elle vraiment nécessaire?
    Absolument. Je pense qu'il est très clair que ce programme répondait à un besoin.
    Nous avons déjà essayé une fois au cours des années 1990 à travailler sans la Commission de réforme du droit, comme je l'ai mentionné. On s'était posé les mêmes questions au sujet de l'optimisation des ressources et l'on disait que le ministère de la Justice et l'ABC étaient mieux placés, en matière de recherche, qu'une agence indépendante qui choisit elle-même ses sujets de recherche. Cette expérience a été un échec. La Commission du droit a été remise sur pied et renforcée, dans un cadre plus dynamique. Sous sa nouvelle forme, la Commission du droit a obtenu beaucoup de réussite dans la mise sur pied de processus de consultation très efficaces dont tous — le gouvernement et l'ABC notamment — pourraient s'inspirer.
    Cette commission a réussi à mieux faire comprendre le droit aux citoyens ordinaires et elle a contribué à en influencer l'évolution.

  (1735)  

    M. Norman, un des ministres a déclaré que nous n'avions pas besoin du Programme de contestation judiciaire puisque le gouvernement n'adoptait jamais de lois inconstitutionnelles? Bien sûr, ce gouvernement ne le fait peut-être pas, mais il doit tout de même appliquer toutes les lois qui ont été adoptées antérieurement.
    Je vous pose la question, est-ce bien vrai? Est-ce que la Constitution n'a jamais été contestée? Le Programme de contestation judiciaire est-il inutile parce que le gouvernement n'adopte que des lois constitutionnelles? La Constitution a-t-elle déjà été contestée et est-ce que le Programme de contestation judiciaire a déjà participé à une telle contestation?
    Merci d'avoir posé cette question.
    La meilleure image d'une constitution est celle d'un arbre vivant. Dans mes commentaires, j'ai parlé du Bill of Rights américain — qui avait 200 ans et continuait d'être appliqué. D'après moi, il est très clair qu'au sud de la frontière, les tribunaux sont très souvent appelés à préciser la portée des droits constitutionnels.
    Les constitutions doivent refléter les sociétés qu'elles encadrent. Les tribunaux sont un acteur essentiel. J'admets sans aucune réserve que le pouvoir législatif est également un acteur essentiel, mais si la Constitution n'est pas la loi suprême, alors le projet démocratique ne pourra qu'échouer en tant que projet démocratique et constitutionnel. Cela veut dire qu'il est absolument nécessaire d'avoir une instance suprême comme celle que nous avons ici, qui est en fin de compte responsable de préciser ce que veut dire telle disposition de la Constitution à ce moment-ci dans une affaire donnée.
    Pour nous, si l'on pense aux réalisations du Programme de contestation judiciaire, il faut savoir que seuls ceux qui ont beaucoup d'argent peuvent porter une affaire jusque devant la Cour suprême du Canada. Je pense qu'il serait honteux de permettre uniquement à ceux qui ont de l'argent d'avoir accès à la Cour suprême du Canada pour régler des questions constitutionnelles aussi fondamentales que les droits à l'égalité ou les droits des minorités de langue officielle.
    Merci, M. Norman.
    M. Ménard.

[Français]

    Comme vous le savez, c'est un moment assez difficile et assez triste pour les droits de la personne, parce qu'on est en présence d'un gouvernement plutôt sans coeur et pas tellement préoccupé par ces questions. C'est un gouvernement qui a résolument choisi de camper à droite et, comme tous les gouvernements de droite, il ne croit pas à l'égalité des chances. C'est la différence entre l'existence d'un programme de contestation judiciaire et son inexistence. Je dis que nous ne céderons pas. Le ministre a beau représenter les francophones dans sa circonscription, mais il n'a pas voulu répondre à mes questions aujourd'hui. On va déposer des motions.
    Vous connaissez l'adage démocratique, à savoir que les gouvernements sont parfois aveugles, mais ne sont jamais sourds. Il faut augmenter le volume du bruit. Dans toutes les régions du Canada, je souhaite une caravane de personnalités — j'en parlerai à mon caucus — qui parcourra les communautés francophones pour faire valoir combien ce gouvernement est dangereux pour ceux qui croient à l'égalité des chances pour les francophones.
    Je n'ai jamais compris que le Programme de contestation judiciaire comme était un programme qui finançait à 100 p. cent les autorisations d'aller devant les tribunaux. C'est évident. Vous avez des accords de contribution et vous recevez 2,8 millions de dollars par année? J'ai lu dans vos accords de contribution que vous devez réserver 1,8 million de dollars pour les contestations; le reste est pour couvrir d'autres frais. Vous n'avez pas un gros budget, c'est évident. Le principe est le suivant: ce qu'on accepte parce qu'on est des démocrates, ce n'est pas la contestation des lois, c'est de faire définir ce que sont les lois. Il s'agit de faire définir l'ampleur d'un droit. Ce n'est pas parce qu'un droit est circonscrit de façon x en 1996 qu'il ne sera pas appelé à un autre rayonnement et une autre définition en 2001, 2002 et 2003.
    Je ne parle pas de l'article 15, mais prenons seulement l'idée de toute la question de la gestion du conseil scolaire, qu'on appelle nos commissions scolaires au Québec. Comment pourrait-on penser que, sans le Programme de contestation judiciaire, il y aurait eu des avancées importantes comme celles que nous avons connues il y a quelques années? Donc, faites-le valoir à ce gouvernement, et je souhaite que les ministériels se mettent en mode écoute et qu'on ait un minimum de sensibilité pour qu'ils puissent encore réaliser qu'il en va de la vitalité de vos communautés. Je sais que ce n'est pas de la survie dont on parle, mais c'est de la vitalité de vos communautés.
    Encore une fois, il y a un prix à payer pour avoir un gouvernement de droite. Quand ça va bien, quand on a les moyens de s'adresser aux tribunaux, quand dans la vie on n'a pas de revers de fortune, on n'a pas besoin de l'État. Quand on est majoritaire et qu'on habite en Alberta, en Saskatchewan ou au Manitoba, qu'on est anglo-saxon et qu'on parle la langue de la majorité, on n'a pas besoin des tribunaux. Le programme n'existe pas pour ça.
    Je m'excuse au nom du gouvernement d'en avoir un comme celui-là. Plaise à Dieu et aux électeurs que la prochaine fois, ce gouvernement soit congédié comme il le mérite. Toutefois, faites-nous valoir combien sont importants pour la gestion des conseils scolaires les droits que vous défendez et le Programme de contestation judiciaire.

  (1740)  

[Traduction]

    Je serais très heureux de le faire, très brièvement.
    Je pense que la question des conseils scolaires est un excellent exemple que ceux qui pensent qu'il est souhaitable de faire se rencontrer des groupes différents doivent examiner. Je me demande bien, lorsqu'elle fait face à une collectivité anglophone récalcitrante en Saskatchewan — c'est là d'où je viens, pour prendre un exemple qui ne blessera personne — je me demande bien à qui la communauté de langues officielles minoritaire et francophone de Gravelbourg peut-elle s'adresser, si ce n'est aux tribunaux, pour savoir si leurs enfants ont le droit de s'instruire dans leur propre langue?
    Il faut que nous ayons les moyens de financer au moins en partie les parents et les groupes qui appuient ces parents, pour qu'ils puissent faire entendre leurs voix devant les tribunaux et que ces derniers interviennent dans des situations où, comme vous le savez monsieur, et comme je suis sûr que les autres membres du comité le savent, font face à des gouvernements qui se retranchent de protections apparemment insurmontables. Je parle ici principalement des gouvernements municipaux mais aussi des gouvernements provinciaux. On ne peut parler de dialogue dans ces cas-là. On se fait dire « Je suis désolé, mais allez-vous-en. »
    Sans les tribunaux, que peut-on faire? On s'en va.
    Merci, M. Ménard.
    M. Comartin.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous d'être venus.
    Le président du Conseil du Trésor a pris la parole à la Chambre des communes à plusieurs reprises — d'après mes souvenirs, il l'a fait au moins plusieurs fois — et M. Norman, en plus d'avoir fait une remarque au sujet de la rémunération des avocats, et il a porté une accusation, attaquant aussi la réputation de tous les avocats qui ne sont pas membres du Parti libéral, en disant que c'était un fonds qui permettait de confier à des avocats libéraux le soin de conduire les litiges financés par le Programme de contestation judiciaire.
    M. Norman et Mme Buckley, pensez-vous qu'on ait déjà fait une étude des affiliations politiques des avocats qui ont agi dans ces affaires?
    Premièrement, nous ne finançons pas les avocats. Je pense qu'il faut le préciser clairement. Nous finançons des demandeurs individuels et collectifs. Ce sont eux qui retiennent les services d'avocats. Ces avocats, comme je l'ai mentionné, comme l'a fait également Mme Buckley, réduisent le montant de leurs honoraires. C'est ainsi que cela fonctionne. Comment est accordé ce financement? C'est un comité d'experts qui sont eux-mêmes nommés par des conseils consultatifs auprès du programme, qui sont indépendants des gens comme moi qui font partie du conseil d'administration, qui accorde ces fonds.
    Il s'agit donc de financer des demandeurs individuels ou des demandeurs collectifs dans des causes types d'importance nationale qui permettent de préciser la notion d'égalité réelle tant dans les affaires où l'on invoque l'article 15 que dans celles où il s'agit de minorités de langues officielles.
    L'outil utilisé pour le faire est bien sûr l'avocat, et cet argent se retrouve donc entre les mains des avocats. Mais il ne s'agit pas de financer les avocats et les comités ne savent pas toujours qui est l'avocat chargé de la cause au sujet de laquelle ils doivent prendre une décision. Ils financent des demandeurs individuels et des demandeurs collectifs.
    J'aimerais ajouter un bref commentaire à ceci, les fonds sont utilisés seulement en partie pour payer des honoraires judiciaires. Dans ce genre d'affaires constitutionnelles, les débours sont souvent très élevés à cause des rapports d'experts qui coûtent très chers. Vous seriez vraiment surpris du coût que représente la photocopie et des choses courantes comme le déplacement pour se rendre au tribunal et faire en sorte que vos experts et vos témoins s'y rendent aussi. S'il y en a qui pensent que les avocats s'enrichissent grâce au Programme de contestation judiciaire, ils se trompent complètement.
    Ma deuxième question est la suivante. J'ai trouvé que le ministre avait vraiment montré aujourd'hui qu'il connaissait très mal la façon dont les études en question avaient été utilisées. Je pense en particulier à l'étude qu'a faite la Commission du droit sur la réforme électorale au Canada il y a quelques années et de tout le travail qu'a effectué le comité, cette Chambre, pendant la dernière législature, pour qui ce rapport a joué un rôle essentiel.
    Je me demande si l'un d'entre vous, Mme Buckley ou Mme Thomson, connaît d'autres études de ce genre qui ont été utilisées par des comités parlementaires ou par des commissions.

  (1745)  

    Je n'ai pas en tête d'autres études mais je peux certainement vous dire que ces rapports ont alimenté de façon générale les débats portant sur d'autres mesures de réforme du droit.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, M. Comartin.
    M. Blaney.

[Français]

    Bonjour. Je vais m'exprimer en français. Je vous remercie de votre présence et je vous félicite de votre plaidoyer pour l'organisme que vous représentez. J'ai quelques brèves questions.
    Premièrement, quel est le pourcentage de la contribution financière que vous faites par rapport au coût total d'une cause? Pourriez-vous m'éclairer à ce sujet.
    Deuxièmement, vous n'êtes pas nécessairement en mesure d'accepter toutes les propositions. Quel est le pourcentage des demandes que vous traitez?
    Quel est l'impact de la présence de votre organisme sur les causes? Est-ce que cela est vraiment utile? Est-ce que les causes pourraient être débattues sans le soutien de votre organisme?

[Traduction]

    Merci d'avoir posé cette question. Le pourcentage varie d'une affaire à l'autre selon la complexité de l'affaire, mais le financement est une subvention; c'est un appui financier partiel et il faut trouver d'autres façons de faire avancer l'affaire, ce qui suppose parfois que l'avocat travaille de façon bénévole.
    Pour ce qui est des données, dans le domaine...
    Avez-vous un rapport approximatif?
    Si vous demandiez aux avocats qui s'occupent de ce genre d'affaires, ils vous diraient que cela représente 50 à 60 p. 100 du coût.
    Autant que cela? Très bien.
    Cela dépend. Il arrive que, dans les affaires complexes, on ne réussisse même pas à couvrir les débours, parce qu'en première instance, le programme a un plafond de 60 000 $. J'ai entendu parler récemment d'une affaire où les débours s'étaient élevés à 125 000 $. Cela représente uniquement les frais obligatoires, liés au déroulement de l'instance, ce qui ne comprend pas les honoraires des avocats. Comme M. Norman l'a dit, cela dépend du genre d'affaire.
    Quel est le nombre d'affaires que vous prenez en charge?
    Merci de cette question. Je le mentionne à mon mémoire à la page 5, qui vous sera distribué lorsqu'il aura été traduit.
    Je vais vous donner quelques chiffres concernant le budget total de l'année précédente et du nouveau total d'affaires. Cinq cent vingt-cinq mille dollars ont été attribués à des causes de droits linguistiques et 1,5 million de dollars à des causes portant sur les droits à l'égalité cette année. Ces sommes ont été accordées en moyenne à 123 demandes pour les droits à l'égalité et à 35 demandes en moyenne pour les droits linguistiques, vous pouvez donc faire le calcul. Un rapide calcul indique que par affaire, le montant attribué est très modeste.
    Refusez-vous certaines demandes?

[Français]

    J'imagine que vous refusez aussi des demandes.

[Traduction]

    Oui, cela figure dans notre rapport annuel et nous publions...
    Très bien, je le regarderai peut-être.
    Je vous invite à le faire. Il se trouve sur notre site Web. Notre mémoire vous donne notre adresse Web. Nous avons des tableaux, des diagrammes circulaires qui montrent la répartition province par province, domaine par domaine.
    Très bien. Je regarderai cela.

[Français]

    Mon autre question s'adresse à M. Benson.
    Monsieur Benson, j'aimerais savoir ceci. Pensez-vous que la Commission du droit du Canada remplissait bien son mandat pour la société canadienne et pour le gouvernement? J'aimerais connaître votre opinion sur la Commission du droit du Canada. Vous avez abordé brièvement cette question dans votre présentation. Peut-être pourriez-vous revenir là-dessus. Quant à la façon dont elle remplissait son mandat, voyez-vous des améliorations à apporter. Comment ce mandat peut-il être rempli?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit plutôt, mes commentaires concernaient principalement le Programme de contestation judiciaire.
    Pour ce qui est de la Commission du droit, il y a un de leurs rapports que je connais très bien, c'est celui qui portait sur les rapports personnels étroits, qui examinait la question du mariage. J'ai trouvé que ce rapport avait été préparé de façon très rigoureuse selon un certain cadre idéologique. Je veux dire par là que j'estime qu'il a laissé de côté beaucoup de choses à cause de l'idéologie dont il s'inspirait.
    Je ne sais pas si l'on retrouve ce genre de partialité dans tous ses travaux, je ne suis pas en mesure de le dire. Je n'ai pas étudié cette commission. Pour cette étude particulière, j'ai estimé qu'elle sous-évaluait des aspects très importants, comme le rôle de l'État en matière de mariage, qui est une question essentielle qui n'a jamais vraiment été abordée correctement au Canada. Le fait que la Commission du droit n'ait pas analysé cet aspect me semble très significatif.
    Donc non, pour ce rapport particulier, j'ai pensé qu'il n'était pas très bon.

  (1750)  

    D'accord, merci.
    Merci, M. Blaney.
    Voilà qui termine notre séance. Je remercie tous les témoins d'être venus aujourd'hui et de nous avoir présenté des exposés. Nous les apprécions beaucoup. Cet examen va bien sûr déboucher, je crois, sur un rapport qui sera transmis au ministre.
    Merci d'être venus.
    La séance est levée.