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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 31 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
    Nous poursuivons notre examen des documents budgétaires et des trois programmes inscrits à notre ordre du jour. Des témoins d’Aide juridique Ontario ont été convoqués. Au cours de la dernière partie de la séance d’aujourd’hui, il sera question du tribunal de traitement de la toxicomanie.
    M. George Biggar, vice-président, Politique, planification et relations externes, et M. René Guitard comparaissent devant le comité.
    Bienvenue devant le comité, messieurs. Je vous remercie de comparaître devant nous. Vous pouvez maintenant nous présenter votre exposé et nous vous poserons ensuite certaines questions.
    Je vous cède la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président et honorables membres.
    Au nom d’Aide juridique Ontario, je désire vous informer que nous fournissons chaque année des services juridiques à plus d’un million d’Ontariens à faible revenu au moyen de nos trois programmes — le programme des avocats de service, les services des cliniques juridiques et le système des certificats d’aide juridique — lorsque la sécurité, le foyer, la famille, le revenu ou la liberté de ces clients sont menacés.
    Le programme des avocats de service est le plus important par le nombre de personnes à qui nous fournissons des services. Nous établissons chaque jour l’horaire d’avocats devant la plupart des tribunaux provinciaux, où ils fournissent des services de triage à des parties non représentées par un avocat qui comparaissent devant le tribunal ce jour-là. Les avocats de service en matière pénale aident à présenter un plaidoyer de culpabilité, à prendre la parole avant l’imposition de la peine, à mener des enquêtes sur le cautionnement et à établir la date d’un procès et d’ajournements. Devant les tribunaux de la famille, les avocats de service aident lors de comparutions anticipées, à préparer les documents dont le contenu est simple, en matière d’ordonnances sur consentement et ils représentent leur client lors de la présentation de requêtes simples. En 2005-2006, le programme des avocats de service a aidé 760 000 Ontariens.
    Le programme des cliniques juridiques communautaires fournit essentiellement des services en matière de droit des pauvres, notamment de l’aide en matière de logement et de sécurité du revenu. Ces cliniques prennent également des initiatives en matière d’éducation juridique du public, de développement communautaire et de travail relatif à la réforme du droit. Dans quelques instants, mon collègue M. Guitard traitera en détail du système des cliniques juridiques.
    Le volet du programme d’aide juridique de l’Ontario qui reçoit le plus d’attention est le système des certificats, grâce auquel des services sont fournis chaque année à environ 110 000 Ontariens, en partenariat avec des avocats de pratique privée. Aide juridique Ontario fournit à ces clients un certificat qu’ils peuvent présenter à l’avocat de pratique privée de leur choix. Par la suite, AJO rembourse à cet avocat le montant des honoraires fixé dans le tarif.
    Des certificats sont délivrés en matière pénale lorsqu’il est probable qu’une peine d’emprisonnement sera imposée à l’accusé; en matière de droit de la famille lorsque la garde d’un enfant, le droit de visite et la pension alimentaire sont en jeu, principalement dans le cas de femmes, parmi lesquelles nombreuses sont les victimes de violence familiale; également lorsque les pères et les mères ont des problèmes liés à la protection de leur enfant dans leurs rapports avec la Société d’aide à l’enfance. Des certificats sont délivrés au sujet d’affaires relatives à des réfugiés et de certaines autres affaires en matière d’immigration. Occasionnellement, nous délivrons des certificats pour des audiences devant la Commission nationale des libérations conditionnelles, la Commission ontarienne d’examen, qui s’occupe des problèmes de santé mentale en vertu du Code criminel, et la Commission du consentement et de la capacité.
    J’aimerais traiter de nos critères d’admissibilité financière. Aide juridique Ontario ne fournit vraiment des services qu’aux plus pauvres parmi les pauvres. Les critères financiers n’ont pas été assouplis depuis de nombreuses années. De fait, le taux d’admissibilité a été dramatiquement réduit de 22 p. 100 en 1995, ce qui a coïncidé avec les réductions des paiements d’aide sociale par le gouvernement de l’Ontario. Depuis ce temps, les taux n’ont pas augmenté. Il en résulte que le coût de la vie a augmenté, mais que de plus en plus de personnes à faible revenu sont inadmissibles à l’aide juridique.
    Les critères ontariens d’admissibilité financière sont appliqués quel que soit le montant du loyer, les coûts de transport et les autres frais de subsistance de l’auteur de la demande, car AJO a établi des limites maximales permises pour ces coûts. Chaque dollar de revenu qui dépasse les montants permis est considéré comme de l’argent que les demandeurs peuvent utiliser pour payer les honoraires d’un avocat. Ces allocations sont maintenant déraisonnablement petites et correspondent rarement aux frais de subsistance du demandeur.
    La plupart des clients d’AJO reçoivent une forme d’aide sociale. Dans une large mesure, les travailleurs à faible revenu ne sont pas admissibles à l’aide juridique en Ontario. Par exemple, une famille de quatre personnes dont le revenu est de 29 000 $ par année ne serait probablement pas admissible à l’aide juridique en Ontario. Pour un particulier, le seuil d’inadmissibilité est d’environ 18 000 $.
    Notre situation financière actuelle est difficile et elle se détériore régulièrement. Au cours des dernières années, AJO a reçu un financement pour des projets précis, mais depuis 1999, notre niveau de financement de base n’a pas été augmenté.

  (1535)  

    Depuis cette date, nous avons absorbé les coûts de l’inflation et les coûts salariaux qui s’élèvent à 44 millions de dollars et les demandes de services sont en hausse dans le programme de certificats et celui des avocats de service. Nous avons épuisé toutes nos réserves et nous avons maintenant un déficit structurel qui se situe entre 10 et 15 millions de dollars par année. Ce déficit continuera à augmenter, si nous ne recevons pas un financement de base additionnel. Nous devrons très bientôt faire des choix difficiles.
    Tout indique que la demande de services d’aide juridique augmentera et nous avons de bonnes raisons pour le croire. Tous les régimes d’aide juridique du pays subissent les pressions causées par les facteurs démographiques, l’augmentation et le vieillissement de la population, les tendances dans la société et le nombre croissant d’accusations au pénal.
    Les lois et les politiques du gouvernement fédéral ont des effets majeurs sur les demandes d’aide juridique. À cause des modifications régulières des lois et des politiques du gouvernement fédéral, un plus grand nombre d’accusations sont déposées, ce qui entraîne une demande accrue de certificats d’aide juridique. Un accusé sur neuf présente une demande de certificat d’aide juridique. Les mégaprocès récents de membres présumés de gangs exercent d’énormes pressions sur notre système de certificats. Lors de ces mégaprocès, la défense de chaque accusé peut coûter 90 000 $, en comparaison d’un coût moyen de 1 500 $ pour un accusé ordinaire qui présente une demande d’aide juridique.
    Les dispositions législatives récemment adoptées qui éliminent les peines avec sursis dans le cas de certains crimes ont trait aux infractions qui représentent 80 p. 100 des services fournis au pénal par les avocats qui ont accepté un certificat. Un effet possible de ces modifications des dispositions législatives est qu’un plus grand nombre d’accusés qui risquent de se voir imposer une peine plus sévère présenteront un plaidoyer de non-culpabilité; de cette façon, leur procès durera plus longtemps et l’Aide juridique sera obligée de dépenser plus d’argent pour les défendre.
    Les récentes modifications des peines minimales imposées à ceux qui ont commis une infraction mettant en jeu des armes à feu entraîneront probablement la condamnation d’un plus grand nombre de personnes à une peine d’emprisonnement, ce qui causera l’augmentation des demandes d’aide juridique par des détenus.
    Ces modifications du droit pénal et la demande connexe de certificats en matière pénale signifient que de moins en moins de ressources sont disponibles pour s’occuper d’autres domaines du droit, en particulier du droit de la famille. La plupart des clients en matière de droit de la famille sont des femmes, parmi lesquelles nombreuses sont les mères chef de famille.
    AJO estime qu’au cours des trois prochaines années, le coût des nouvelles initiatives fédérales pour le régime d’aide juridique sera d’environ 7,5 millions de dollars.
    Une grande partie des services juridiques qu’AJO fournit sont dans les domaines du droit qui relèvent du gouvernement fédéral. Le droit pénal est évidemment de compétence fédérale, mais vous ne savez peut-être pas qu’à l’article 91 de la Loi constitutionnelle, la compétence en matière de mariage et de divorce est attribuée au gouvernement fédéral. Le droit du divorce est donc de compétence fédérale, cela augmente beaucoup le coût des services requis par les personnes mariées engagées dans un procès en matière de droit de la famille et cela modifie la nature des services dont ils ont besoin. Les initiatives récentes qui ont eu une incidence majeure sur les coûts de l’aide juridique en ce domaine comprennent les Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, obligatoires, et plus récemment les Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour époux. Quarante-quatre pour cent de tout le travail accompli par les cliniques juridiques a trait aux domaines de compétence fédérale ou d’intérêt fédéral, comme l’assurance emploi, le Régime de pensions du Canada, le logement et près de 70 p. 100 des demandes d’asile présentées à l’échelle nationale sont traitées en Ontario.
    En terminant, je désire vous dire qu’à l’Aide juridique, nous croyons que les Canadiens veulent que le système de justice soit équitable. Nous sommes d’avis que les Canadiens appuient la Charte des droits et libertés et cela a entraîné l’adoption d’une politique judiciaire selon laquelle personne ne doit être reconnu coupable sans être représenté par un avocat. Nous croyons que nous devons tous considérer le système de justice comme un ensemble intégré, que si nous augmentons les ressources affectées aux services de police et des poursuites, nous devons également nous assurer que la défense des accusés est adéquatement financée pour que le système assume ses responsabilités constitutionnelles.
    Merci.

  (1540)  

    Merci, monsieur Biggar.
    Monsieur Guitard, veuillez prendre la parole.

[Français]

    Bonjour. Je suis le directeur de la Clinique juridique francophone de l'Est d'Ottawa. C'est la cinquième clinique juridique ouverte à Ottawa.
    Les besoins de la clientèle en matière juridique ne sont pas tous satisfaits par les services en place. À Ottawa, nous tentons par tous les moyens de ne pas abandonner les clients à eux-mêmes en coordonnant nos services autant que possible. Il existe une très bonne collaboration entre le Bureau d'aide juridique et les cinq cliniques juridiques communautaires en ce sens.
    Les cliniques collaborent aussi entre elles. Elles s'épaulent lorsqu'une clinique est débordée et elles dirigent la clientèle vers une clinique qui s'occupe de tel aspect du droit en particulier. L'exemple qui me vient à l'esprit est celui de la clinique de l'Université d'Ottawa, qui peut offrir des services à la Cour des petites créances par l'entremise des étudiants en droit qui sont supervisés par un membre du Barreau. Cependant, l'exemple que je viens de donner ne s'applique pas nécessairement à toutes les autres régions de l'Ontario.
    De plus, même si elles s'efforcent de répondre aux besoins des clients quotidiennement, les cliniques sont souvent débordées. À notre clinique, qui n'est ouverte que depuis septembre 2003, nous avons, depuis un an, un nombre de cas comparable à celui des autres cliniques qui existent depuis longtemps à Ottawa.
    Pour la prestation des services, les cliniques juridiques s'occupent chacune d'une région géographique en particulier. Donc, il existe une clinique au centre d'Ottawa, une au sud, une à l'ouest et une à l'est. Notre clinique est située à l'est et elle a pour mandat spécial d'aider les francophones, un groupe particulièrement touché par la pauvreté. Nous recevons régulièrement des demandes d'autres cliniques pour aider les francophones d'un peu partout à Ottawa, parce qu'elles sont débordées.
    Puisque nous sommes souvent le premier port d'entrée pour les gens qui ne connaissent pas les rouages de la justice, nous avons constaté qu'il existait une grande demande pour des services en droit de la famille, services qui ne sont pas couverts par les cliniques juridiques, et seulement en partie par le Bureau d'aide juridique.
    Il y a souvent des gens qui ont de la difficulté à se trouver un avocat ou une avocate, même s'ils sont admissibles financièrement, parce que leur domaine n'est couvert ni par le Bureau d'aide juridique ni par les cliniques juridiques. Il y a donc un vide juridique dans certains domaines. Il y a enfin tous ceux qui sont juste au-dessus des critères d'admissibilité et qui éprouvent beaucoup de difficulté à payer des avocats pour leur venir en aide.
    J'ai travaillé près de 20 ans dans les cliniques juridiques et, à mon humble avis, celles-ci sont des bureaux juridiques qui fournissent des services de nature essentielle aux plus défavorisés de nos communautés, cela à un prix moins élevé que s'ils entraient dans un système où on doit payer des avocats en pratique privée.
    Je me permets de vous dire que les cliniques juridiques sont présentement à risque, puisque le nombre de demandes augmente, tandis que les budgets d'aide juridique de l'Ontario sont déficitaires.
    Les cliniques juridiques offrent de la représentation juridique surtout dans le domaine du droit au logement et du maintien du revenu. C'est un domaine qui englobe beaucoup de sous-domaines comme l'aide sociale, les prestations d'invalidité, l'assurance-emploi, les accidents de travail, le Régime de pensions du Canada et, pour certaines cliniques dont la nôtre, l'immigration et l'aide aux victimes d'actes criminels.
    Les cliniques ont aussi un mandat relatif au développement communautaire qui inclut la prévention de problèmes juridiques par l'éducation juridique communautaire et la réforme du droit dans nos domaines de pratique reliés à la pauvreté.
    Monsieur le président, honorables membres du comité, je vous remercie.

  (1545)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Guitard.
    Je demande aux membres du comité de ne poser des questions que pendant cinq minutes.
    Vous avez la parole, monsieur Bagnell.
    Êtes-vous parvenu à un accord pour cette année au sujet de votre prochaine tranche de financement? Recevez-vous une augmentation dans cette tranche? Vous avez énuméré tous les motifs pour lesquels les coûts augmentent et vous n’avez pas reçu d’augmentation depuis des années. Cette dernière tranche a-t-elle été approuvée? Avez-vous fini de la négocier et comprend-elle une augmentation?
    Cette question est-elle adressée à moi-même ou à M. Guitard?
    À vous deux.
    Le financement pour M. Guitard est inclus dans l’enveloppe budgétaire globale d’Aide juridique Ontario. Je crois que la clinique de M. Guitard est au début de ses négociations sur son financement de l’an prochain.
    C'est exact.
    La plus grande partie du financement d’Aide juridique Ontario est incluse dans le budget de la province. Il comprend un transfert majeur du gouvernement fédéral suivant un accord de contribution.
    Une entente de financement d’une durée de trois ans a été conclue; elle a expiré le 31 mars 2006 et sa durée a été prolongée suivant les mêmes conditions pour cette année, sans augmentation ni réduction dans le montant du financement fédéral. Les programmes à frais partagés par le gouvernement fédéral sont l’aide juridique en matière pénale pour adultes, l’aide juridique en matière pénale pour jeunes contrevenants et les services fournis aux réfugiés par les avocats qui acceptent un certificat.
    Ce gouvernement a élaboré un grand nombre de projets de loi dont le but est de maintenir les détenus en prison plus longtemps; le financement de vos activités en matière pénale aura donc pour effet qu’un plus grand nombre de personnes seront admissibles, si elles réussissent — un nombre beaucoup plus élevé de personnes seront admissibles à un financement, car c’est là un des critères que vous avez mentionnés au début de votre exposé, s’ils risquent d’être emprisonnés — quels efforts le gouvernement a-t-il accomplis pour négocier des contributions plus élevées afin que vous puissiez satisfaire à cette demande accrue?
    Des négociations intergouvernementales ont lieu régulièrement. Je suis moi-même représentant du régime d’aide juridique et pas du gouvernement ontarien; nous ne participons donc pas toujours aux discussions; nous aidons le gouvernement provincial et soutenons les négociations sur l’accord à frais partagés. Mais je sais que la question du financement de l’aide juridique a fait l’objet d’une discussion approfondie, lors de la réunion d’octobre des ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux responsables de la justice à Terre-Neuve.
    J’ai lu le communiqué de presse avec intérêt et j’ai constaté que tous les ministres provinciaux et territoriaux responsables de la justice étaient unanimement en faveur de l’augmentation du financement fédéral. Mais j’ai remarqué que dans le communiqué de presse, le ministre fédéral de la Justice avait gardé le silence.
    Ou « assourdissant »?
    Je n’ai qu’une seule autre question à poser. Vous avez dit que la plupart des clients en matière de droit de la famille sont des femmes. C’est précisément le problème dans le cas de mes électeurs. Certains hommes sont venus me voir parce qu’ils ont de la difficulté dans des affaires relatives à la garde d’enfants et ils m’ont dit qu’ils ne sont pas traités équitablement devant la loi, parce que les femmes ont accès à tout ce financement que les hommes ne peuvent recevoir.
    C’est essentiellement une question de critères d’admissibilité financière. Il est improbable que parmi ces hommes, nombreux soient ceux qui ont présenté une demande d’aide juridique; s’ils ont un emploi, ils ne sont pas admissibles financièrement même si nous offrons des services sans distinction de sexe en matière de droit de la famille; si les hommes sont financièrement admissibles et qu’ils ont les mêmes problèmes qu’une femme, nous leur fournirons les services.
    Recevez-vous un financement suffisant pour assurer que toutes les personnes à faible revenu ont un accès égal devant la loi à celui des personnes à revenu élevé?

  (1550)  

    Absolument pas; loin de là.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Au fond, les membres du comité essaient de comprendre la part que le fédéral devrait assumer quant à la couverture des services juridiques et la meilleure entente qui devrait être reconduite.
    En ce qui a trait au budget de l'Ontario, dans le cadre d'un accord prévoyant que le gouvernement fédéral doit assumer 50 p. 100 des coûts, combien recevriez-vous et qu'est-ce que cela voudrait dire pour les services que vous offrez? Donc, si on parle de certificats, à partir de quel montant une personne peut-elle se qualifier pour recevoir un service de l'aide juridique? Combien reçoit un avocat qui accepte un certificat, ce que l'on appelle au Québec un mandat?

[Traduction]

    Le budget total d’Aide juridique Ontario est d’environ 300 millions de dollars par année. De cette somme, environ 230 millions de dollars sont versés par le gouvernement provincial et cela comprend le transfert fédéral d’environ 50 millions de dollars. Aide juridique reçoit également des contributions de ses clients et les intérêts des fonds en fiducie mixtes d’avocats; cela représente la plus grande partie du solde de notre revenu.
    Si chaque gouvernement devait fournir un financement égal, la contribution fédérale serait probablement augmentée d’environ 100 millions de dollars, si le budget demeurait le même.

[Français]

    D'accord.
    Mais quand quelqu'un accepte un certificat d'aide juridique, qu'est-ce que cela veut dire en termes de tarification? Combien reçoit-il? Combien l'avocat reçoit-il? Qu'est-ce que cela représente comme prestation de service?

[Traduction]

    Depuis 1987, il n’y a eu qu’une très modeste augmentation du tarif d’Aide juridique Ontario. Il a été augmenté de 5 p. 100 en 2002 et de nouveau en 2003. Actuellement, le taux le plus bas est d’environ 72 $ l’heure; le taux moyen, qui dépend de l’expérience et de l’ancienneté, est d’environ 84 $ l’heure; le taux le plus élevé est de 92 $ l’heure. Par comparaison, le taux le plus bas des avocats de pratique privée est probablement de 200 $...
    Une voix: Et il monte bien au-delà de cette somme.
    M. George Biggar: Le barreau dit que les taux de l’aide juridique ont essentiellement trait à du travail de bienfaisance.

[Français]

    Évidemment, il y a la satisfaction de travailler à l'atteinte de buts communautaires. C'est inestimable. Mais je comprends très bien la réalité que vous nous décrivez.
    Vous semblez dire qu'une difficulté se pose sur le plan pénal. Dites-vous qu'un citoyen de l'Ontario peut être représenté dans une cause pénale seulement s'il encourt une peine d'emprisonnement? Vous avez évoqué le chiffre de 90 000 $ par personne en lien avec une affaire pénale. Démêlez-moi donc cela. Quels sont les critères d'admission pour le pénal et quelle est la difficulté propre à ce type de représentation?
    Vous avez raison. J'ai connu des avocats qui travaillaient à 200 $ ou 250 $ l'heure. Je ne veux pas les nommer, mais je pourrais les regarder.

[Traduction]

    Il est certes vrai que nous recevons beaucoup d’avantages des avocats qui font du travail d’aide juridique, en partie parce qu’ils désirent fournir des services à la collectivité et je désire le reconnaître.
    Au cours des cinq dernières années, la gamme de questions au sujet desquelles un certificat en matière pénale est délivré a été réduite de façon très importante pour essayer de tenir compte de l’augmentation de la demande et des coûts. Alors qu’auparavant, un certificat était délivré lorsque l’accusé risquait d’être emprisonné ou de perdre son emploi, pour que nos activités respectent nos limites de financement et éviter un dépassement budgétaire, nous avons dû réduire l’admissibilité aux affaires dans lesquelles l’accusé risque d’être emprisonné.
    Une des questions qui exercent beaucoup de pression sur l’aide juridique est la nouvelle tendance des autorités du système de justice à poursuivre des gangs de nombreux délinquants. Le procès de nombreux accusés coûte beaucoup plus cher; il s’agit essentiellement de poursuites liées à des gangs; elles coûtent énormément plus cher que les affaires ordinaires relatives à un particulier.
    Le coût moyen du procès d’un accusé dont un avocat a accepté le certificat se situe entre 1 500 $ et 1 600 $. Certains des procès les plus coûteux de gangs coûtent maintenant jusqu’à 90 000 $ à Aide juridique Ontario et cela exerce des pressions démesurées.
    Dans une large mesure, c’est la conséquence des modifications du Code criminel par le gouvernement fédéral où il y a maintenant des peines et des articles particuliers relativement à l’appartenance à un gang.

  (1555)  

    Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Bonjour, monsieur Biggar et monsieur Guitard.
    Premièrement, je vous remercie de nous avoir éclairés sur la Loi sur les services d'aide juridique de l'Ontario. Au nom des avocats de la province de Québec — je le suis au privé —, je peux vous dire tout de suite, en partant, que l'aide juridique est plus payante en Ontario qu'au Québec.
    Deuxièmement, vous parlez principalement de l'Ontario, parce c'est le but de votre présence ici. Je crois comprendre que vous voulez renouveler un type d'entente selon laquelle il y a deux partenaires, à 50-50, comme ce que l'on a connu au Québec pendant un bout de temps. Les règles de l'Ontario se sont appliquées à la province de Québec également. Vous savez qu'on est à peu près dans le même bateau à cet égard.
    Vous avez parlé des trois grandes classes dans lesquelles vous placez les personnes à faible revenu. Je parle de celles qui sont admissibles au certificat, que nous appelons chez nous le mandat. Vous savez comme moi que l'aide juridique relève des provinces en vertu du paragraphe 92(14) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Cela relève strictement des provinces, et il existe des ententes fédérales-provinciales.
    Supposons que, parmi vos clients, il y a un francophone pauvre de l'Ontario — cela arrive, comme il y a des anglophones pauvres au Québec — qui a un problème collectif, qui a reçu une contravention en anglais, par exemple. Il est pauvre et il a besoin de défendre ses droits. Allez-vous l'admettre?
    Au Québec, on accepte les cas d'immigration, d'assurance-emploi, de logement social. On accepte les cas relevant de toutes les lois fédérales. Y a-t-il des lois fédérales ou des critères qui font qu'un pauvre ne peut avoir accès à ce service pour faire reconnaître ses droits de francophone qui a reçu de la municipalité d'Ottawa une contravention rédigée uniquement en anglais?
    Les cliniques juridiques sont le parent pauvre, parce qu'il y a vraiment une différence entre les bureaux d'aide juridique et nous. À Ottawa même, il y aurait une clinique pour s'occuper de contester la contravention. Cela pourrait être la clinique de l'Université d'Ottawa.
    Maintenant, les gens qui desservent les clients à cette clinique sont des étudiants en droit qui sont supervisés. Ils n'ont donc pas beaucoup d'expérience quant aux conséquences que cela pourrait avoir. Par contre, on me dit qu'ils ont très bonne réputation à la Cour provinciale, et c'est tant mieux. Il y aurait donc cet accès.
    En tant que clinique juridique, on ne fait pas de droit criminel. On ne touche même pas aux infractions mineures, parce que cela n'est pas inclus dans notre mandat. Nous avons le mandat de nous occuper de cas relatifs à la pauvreté, au maintien du revenu, au logement et à d'autres choses.
    Je parle d'Ottawa, mais c'est possible que ces personnes n'aient pas de représentation dans d'autres coins de la province.
    Serait-ce parce qu'elles ne rencontrent pas les critères, ou est-ce parce que l'aide juridique de l'Ontario exclut les droits linguistiques?
    Non, pas les droits linguistiques. Mais dans le domaine criminel, quand il n'y a pas de risque d'incarcération, il est possible qu'il n'y ait pas de certificat d'aide juridique.
    Comme au Québec. Mais je parle des droits linguistiques.
    Les droits linguistiques...
    Un pauvre qui a des droits linguistiques à faire valoir peut-il avoir recours à l'aide juridique pour se faire représenter en Ontario?
    Exclusivement pour ses droits linguistiques?
    M. Daniel Petit: Oui.
    Me René Guitard: Je crois qu'il aurait de la difficulté.
    D'accord.
    Je n'ai pas d'autres questions.

  (1600)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Petit.
    Pouvez-vous m’indiquer clairement si vous avez des cliniques d’aide juridique et des bureaux d’aide juridique?
    Oui. En certains endroits, ils se trouvent ensemble dans le même immeuble ou dans des bureaux voisins, mais dans le passé, il s’agissait de deux systèmes distincts et nous cherchons progressivement à les rapprocher pour fournir de meilleurs services à nos clients.
    Ceci est un examen des documents budgétaires. Nous sommes ici pour ce motif et le comité a convenu d’étudier le programme d’aide juridique comme exemple. Si le comité étudiait en profondeur la prestation des services d’aide juridique et les questions connexes, que trouverions-nous? Conclurions-nous qu’il y a beaucoup de pratiques non efficientes dans le système? Trouverions-nous que la surfacturation est possible? Que trouverions-nous?
    Dans les services d’aide juridique, je ne crois pas que vous trouveriez de nombreuses pratiques non efficientes dans les programmes de certificats et d’avocats de service. Et il n’y aurait certainement pas beaucoup de surfacturation.
    Nous contrôlons constamment et très soigneusement les sommes versées aux avocats en général et à des avocats en particulier. Un de nos employés à temps plein est un enquêteur et nous disposons de nombreux mécanismes qui déclenchent automatiquement une enquête sur les relevés de compte d’un avocat. Par exemple, nous avons récemment mis en place une méthode informatique de pointe pour payer les relevés de compte et les avocats peuvent présenter leurs relevés de compte électroniquement, mais ce système comporte de nombreux freins et de nombreux contrepoids pour assurer que seulement ce qu’il convient de payer est effectivement payé.
    De plus, le système choisit au hasard environ 5 p. 100 des comptes, qui font l’objet d’une vérification détaillée. Si des questions se posent au terme de cette vérification détaillée, notre enquêteur à temps plein s’assure qu’il n’y a pas de pratiques répréhensibles. Chaque année, nous découvrons que certaines personnes ont été un peu actives ou plus actives et nous prenons des mesures pour recouvrer des fonds. Les avocats qui travaillent pour l’Aide juridique ont généralement tendance à accomplir beaucoup de travail pour nous et nous avons eu beaucoup de succès en appliquant nos programmes de recouvrement des coûts. Nous contrôlons constamment le coût de chaque affaire, le coût par certificat, les sommes versées aux avocats et nous avons confiance que ce volet de nos activités est bien contrôlé.
    Sur le plan administratif, Aide juridique Ontario a un ratio favorable de frais d’administration d’environ 10 p. 100, qui se compare avantageusement à d’autres programmes similaires au pays et à d’autres programmes d’aide juridique au pays.
    Le gouvernement provincial exerce sa surveillance très diligemment et à l’interne, nous examinons constamment nos dépenses pour déterminer si nous pouvons réduire nos budgets, ce que nous avons dû faire. De fait, c’est uniquement de cette façon que nous avons pu maintenir nos niveaux de service, malgré que depuis 1999, notre financement de base n’ait pas été augmenté.
    Merci, monsieur Biggar.
    Mme Barnes est la suivante.
    Merci beaucoup.
    Je suis sûre que si nous avions le temps d’étudier l’aide juridique en profondeur, nous ne choisirions pas cet aspect. Nous choisirions plutôt d’étudier ce qui arrive aux personnes non représentées par un avocat et le fait que l’accès à la justice est refusé, spécialement en matière civile et en droit de la famille.
    Dans les documents budgétaires, vous n’avez pas mentionné les contributions gouvernementales à l’aide juridique en matière de sécurité publique et de lutte contre le terrorisme. Avez-vous pris ce genre de mesures en Ontario?
    Nous en prenons maintenant. Je crois qu’il y a eu une affaire il y a plusieurs années et récemment, il y a eu l’arrestation très largement publicisée de nombreux jeunes gens. Les tribunaux de Brampton ont été saisis de cette affaire.
    Une somme spéciale a-t-elle été réservée à cette fin?
    Oui. On nous a informés que le gouvernement fédéral a réservé une somme spéciale pour les affaires de ce type.
    Bien.
    Vous avez mentionné une somme prévue de 7,5 millions de dollars en rapport avec certaines factures. Pouvez-vous me dire de quelles factures il s’agissait précisément? Comment êtes-vous parvenu à cette somme de 7,5 millions de dollars pour l’aide juridique en Ontario? Vous deviez avoir des hypothèses.

  (1605)  

    Oui. Nous avons accompli beaucoup de travail à ce sujet. Nous avons un service d’analyse des activités. Nous avons tenu compte du nombre d’affaires de types particuliers — celles dans lesquelles une arme à feu a été utilisée, par exemple. À l’aide de nos enregistrements informatiques, nous déterminons des secteurs particuliers dans lesquels des avocats ont accepté un certificat et nous travaillons de très près avec nos homologues provinciaux pour nous mettre d’accord sur une estimation du pourcentage d’affaires dans lesquelles il pourrait y avoir une incidence et la nature des effets probables.
    Vous avez dit 7,5 millions de dollars par année.
    Non, c’est au cours d’une période de trois ans.
    Bien. C’est au cours d’une période de trois ans. Seulement pour l’Ontario?
    Seulement pour l’Ontario.
    Vous devez connaître vos collègues des autres provinces. Dans tout le pays, y a-t-il un régime d’aide juridique dont la gestion est équilibrée?
    Non. Nous faisons tous face à de nombreux défis.
    Il n’y a pas eu d’augmentation depuis 1999.
    Des représentants d’Aide juridique Ontario sont venus me voir au cours de l’été et je crois que les besoins sont immenses. Pouvez-vous formuler des commentaires sur les coûts et les répercussions sur l’efficacité du système judiciaire, lorsque des accusés non représentés par un avocat comparaissent devant le tribunal?
    Je peux vous répondre en me basant sur ma propre expérience, car j’ai été avocat plaidant pendant 13 ans avant de travailler pour Aide juridique Ontario. Les éléments de preuve sont anecdotiques, mais tous conviennent que les accusés non représentés devant les tribunaux rendent ceux-ci moins efficaces. Cela oblige le juge à remplir une fonction additionnelle en essayant de s’assurer que la partie comprend ce qui se passe dans la salle d’audience. Les juges estiment souvent qu’ils doivent intervenir dans les conflits pour s’assurer que le processus est équitable. Cela rend certainement les instances plus longues.
    Y a-t-il un suivi des personnes à qui l’aide juridique est refusée? Savons-nous si ces personnes présentent plus souvent un plaidoyer de culpabilité ou subissent-elles leur procès sans être représentées?
    Nous savons que le gouvernement fédéral a mené des recherches sur ce sujet. Le ministère de la Justice a conduit des recherches sur ce qui arrive aux parties non représentées dans le système et on a découvert que dans une très large mesure, elles présentent un plaidoyer de culpabilité.
    En matière civile, nous avons réalisé un modeste projet à Aide juridique Ontario à Toronto sur les demandeurs en droit de la famille à qui on a refusé l’aide juridique. Nous avons découvert qu’ils abandonnent tout simplement leur demande et n’engagent pas de poursuite.
    Y a-t-il une différence dans les statistiques relatives aux Autochtones? Y a-t-il eu une répartition à leur sujet?
    Je ne me souviens pas d’avoir vu des statistiques distinctes sur les clients autochtones.
    Bien.
    Encore une fois, quel est le pourcentage de la contribution versée par le gouvernement fédéral à l’Ontario actuellement?
    Il est d’environ 16 p. 100 du budget total. Le montant total versé par le gouvernement fédéral à Aide juridique Ontario est d’environ 50 ou 51 millions de dollars par année.
    Je sais que le pourcentage varie selon la province. Savez-vous dans quelle mesure il varie? Pouvez-vous nous donner d’autres…?
    Il varie beaucoup en fonction de… Je crois que le pourcentage le plus élevé est au Nouveau-Brunswick où il est peut-être de 60 p. 100, mais dans toutes les autres provinces, il est dramatiquement plus bas.
    Qu’en est-il des territoires où le gouvernement fédéral a...
    Le gouvernement fédéral paie le coût total dans les territoires.
    Merci, madame Barnes.
    M. Norlock est le suivant.
    Pour le bénéfice d’un Canadien qui veut se renseigner sur ces instances afin de connaître plus précisément la situation au Canada des personnes représentées et non représentées par un avocat de l’aide juridique, pouvez-vous décrire l’évolution de l’aide juridique au Canada et en particulier en Ontario?
    Sur le plan de la participation, je sais qu’il y a eu des progrès depuis 1970 et je suis fier que de plus en plus de personnes soient représentées par un avocat parmi celles qui ont moins les moyens d’assurer leur représentation.
    Je me demande si vous pouvez nous fournir une vue d’ensemble pour que ceux qui consulteront le compte rendu de ces audiences puissent connaître les progrès que nous avons accomplis depuis la période qui a précédé l’instauration de l’aide juridique.

  (1610)  

    Aide juridique Ontario est l’un des premiers régimes d’aide juridique d’envergure au Canada. Ce régime a été constitué par une loi adoptée en 1967; les autres provinces ont adopté des régimes similaires dans les dix années qui ont suivi. Je regrette de ne pouvoir vous dire avec précision avec quel empressement les autres provinces ont emboîté le pas. Je crois que le Québec, en particulier, a été l’une des premières provinces à entrer dans la ronde avec l’établissement d’un régime complet de prestation de services.
    Au début, les régimes ont évolué assez lentement. Par exemple, à l’origine, en Ontario, on offrait peu d’aide pour les dossiers en droit de la famille. À la suite de l’adoption de la loi fédérale sur le divorce en 1968, le droit de la famille est devenu, si j’ose dire, un secteur très florissant. L’éclatement des familles a créé, chez les personnes touchées, une demande et un besoin d’aide véritables auxquels Aide juridique Ontario a répondu par l’élargissement graduel de ses services.
    Notre régime d’aide juridique a toujours été aux prises avec des problèmes de financement. Il a toujours lutté pour répondre aux besoins cruciaux exprimés par ceux réclamant l’aide d’un avocat de service à la cour ou cherchant à obtenir de l’aide auprès de nos bureaux. De façon générale, Aide juridique Ontario a pu répondre à une bonne part des besoins.
    Au début des années 1990, nous avons fait face à une crise en matière de certificats d’aide juridique et d’avocats de service. À ce moment-là, une dure récession sévissait dans l’ensemble du Canada et, avec deux fois plus de chômeurs, entre autres conséquences, le nombre de demandeurs d’aide a réellement doublé. Nous avons atteint un sommet en 1993-1994, exercice où Aide juridique Ontario a délivré environ 236 000 certificats. Cette situation a déclenché une crise de financement, suivie d’une crise politique et d’un changement dans la gestion d’Aide juridique Ontario.
    Au même moment, le système des cliniques se constituait très lentement. Si je me rappelle bien — mon ami René devra me le confirmer — la première clinique était un projet conjoint du barreau et de la Osgoode Hall Law School de l’Université York. Elle était située à Parkdale, un quartier pauvre du centre-ville de Toronto. Elle a été établie en 1972.
    Par la suite, trois ou quatre autres cliniques ont été établies, et deux commissions royales d’enquête se sont penchées sur le régime des cliniques, la première dirigée par le juge Sam Grange et la seconde, par le juge John Osler. Soit dit en passant, Ian Scott a agi comme conseiller juridique de la commission Osler, et certains d’entre vous savez peut-être qu’il est décédé il y a deux semaines.
    Les recommandations de ces commissions ont entraîné l’établissement, en Ontario, d’un important régime de cliniques chargées d’offrir des services que n’avaient jamais fournis les avocats de pratique privée à qui que ce soit, en quelque sorte — des services touchant l’admissibilité à l’aide sociale, au logement social, aux prestations de régimes de retraite et à l’assurance-chômage, tels qu’ils étaient à cette époque.
    Le régime des cliniques s’est graduellement développé, le plus souvent grâce à des organismes sociaux qui s’unissaient pour en réclamer une dans leur localité. En 1999, le régime comptait environ 60 cliniques, mais 14 comtés de l’Ontario en étaient encore dépourvus d’où, en 1999-2000, un effort d’expansion pour que soient établies des cliniques permettant la prestation de services dans toute la province.
    Merci.
    Puis-je poser une question complémentaire?
    Rapidement, monsieur Norlock.
    Mon expérience en ce domaine remonte aux années 1970, soit juste après la mise en place de l’aide juridique. Je me souviens d’une époque où les tribunaux renvoyaient des accusés et leur accordaient deux ou trois semaines, parfois six, pour obtenir de l’aide juridique. Le régime a évolué depuis, les tribunaux sont pourvus d’un avocat de service. Si je ne m’abuse, la plupart des juges refusent d’entendre un plaidoyer de culpabilité et renvoient parfois une affaire jusqu’à ce que l’accusé se soit adressé à l’aide juridique ou à l’avocat de service.
    Comme moi, croyez-vous que, grâce aux tribunaux, il est beaucoup plus aisé qu’avant de se faire représenter par un avocat? En fait, on s’est graduellement assuré que quiconque comparaît devant un juge puisse se faire conseiller par l’avocat de service sur la façon de plaider sa cause ou sur la prochaine étape à suivre.

  (1615)  

    C’est exact, et le programme des avocats de service a été considérablement renforcé ces dernières années en Ontario. Nous y avons affecté des ressources et nous avons vraiment exigé de lui qu’il s’occupe de davantage de personnes auxquelles nous ne pouvons délivrer de certificats, car nous avons restreint l’étendue des services pour lesquels nous délivrons des certificats.
    Le problème, c’est que l’avocat de service ne peut agir comme représentant. Comme l’admissibilité financière à l’aide juridique entraîne désormais l’inadmissibilité à un certificat, tout ce que nous pouvons faire pour une personne confrontée à de graves accusations et risquant de perdre son emploi, par exemple, c’est de lui offrir des conseils sur un plaidoyer de culpabilité. Cependant, si cette personne est innocente, nous ne pouvons lui venir en aide, et c’est là une importante lacune dans les services que nous offrons en Ontario.
    Merci, monsieur Norlock.
    Monsieur Brown.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux savoir si vous avez des statistiques sur les personnes ayant eu recours plusieurs fois à l’aide juridique. En avez-vous?
    Non, je n’ai aucune statistique à ce sujet. Il y a sûrement des personnes qui y ont eu recours plusieurs fois. De façon générale, les récidivistes risquent beaucoup plus d’être passibles d’emprisonnement. Par conséquent, ils risquent beaucoup plus d’obtenir de l’aide juridique et, selon bon nombre de spécialistes, d’en avoir besoin.
    Vous avez dit que l’aide juridique, en raison des tarifs inférieurs applicables, équivaut à faire la charité. Je me demande donc combien peut gagner par année un avocat réclamant le tarif maximal et facturant le nombre maximal d’heures à l’aide juridique. Quel est le plafond maximal? Est-il inférieur au seuil de la pauvreté?
    Non, mais un plafond s’applique au nombre d’heures qu’un avocat peut facturer à Aide juridique Ontario. C’est 2 700 ou 2 750 heures, je crois. Au tarif maximal, cela représente à peine plus de 200 000 $. Il y a peut-être une douzaine d’avocats qui y parviennent, qui atteignent ce plafond en Ontario. Retenez cependant qu’il s’agit d’un montant brut, car les avocats doivent assumer tous les frais d’exploitation de leur cabinet et soustraire de ce montant le salaire de leur secrétaire, les honoraires de leur comptable et le salaire de leurs employés de soutien.
    Sont-ils autorisés à accepter d’autres clients, des clients qui paient de leur poche?
    Oui.
    Quel tarif devrait être accordé, selon vous, aux avocats pour que le service offert ne soit pas un geste de bienfaisance?
    Permettez-moi de rectifier votre question — ou peut-être ma réponse manquait-elle de clarté — mais je disais en fait que certains avocats considèrent leur travail pour l’aide juridique comme de la charité. De nombreux avocats comptent passablement sur le programme de l’aide juridique. Aide juridique Ontario ne sait pas et ne peut savoir quel est le revenu net moyen des avocats de l’aide juridique, mais on nous dit à l’occasion que de nombreux avocats se consacrant uniquement aux clients de l’aide juridique empochent 40 000 à 60 000 $ par année.
    Selon vous, quel est le pourcentage approximatif d’avocats dont la seule source de revenu est l’aide juridique par opposition à ceux qui tirent leur revenu à la fois de l’aide juridique et de clients payant de leur poche? Est-il supérieur?
    J’en doute. L’Ontario compte 30 000 avocats, dont 22 000 actifs qui, pour la plupart, ne vont jamais à la cour, mais je ne connais pas le chiffre exact. Notre rôle à Aide juridique Ontario consiste à financer les avocats à la cour, évidemment. Nous n’avons donc affaire qu’à un faible pourcentage des avocats actifs.
    D’après mon expérience et ce qu’on m’a relaté à l’occasion, je dirais qu’une grande partie des dossiers traités par les avocats en droit criminel sont des dossiers d’aide juridique, sauf quelques exceptions notables. Mais il est plus probable que les avocats en droit de la famille, par exemple, aient une clientèle mixte se composant à la fois de clients de l’aide juridique et de clients qui paient de leur poche.

  (1620)  

    Comment se compare l’Ontario par rapport à l’étranger en matière de financement des défenseurs publics?
    Je connais mieux le régime d’aide juridique britannique. Si le régime ontarien est assez imposant et bien financé par rapport à celui d’autres provinces canadiennes, il n’arrive pas à la cheville du régime britannique. Le régime britannique est le précurseur de tous les régimes. Nous le considérons tous avec admiration.
    Merci.
    Merci, monsieur Brown.
    Monsieur Murphy.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis membre en exercice du Barreau du Nouveau-Brunswick et du Barreau du Haut-Canada et j’y suis inscrit depuis plus de 20 ans. À part quelques dossiers au début de ma carrière, je ne suis pas un avocat de l’aide juridique. J’ai l’impression que malgré les rumeurs d’amélioration en Ontario — et je sais que votre régime est très intéressant — l’étendue générale des services de l’aide juridique s’est amenuisée au fil des ans, comme c’est certainement le cas dans ma province, au Nouveau-Brunswick, où j’exerce principalement ma profession.
    De plus, au cours de cette période, il y a eu un accroissement de la demande ou une reconnaissance de la demande de la part du barreau. J’estime que les barreaux ont été à la hauteur pour ce qui est de leur apport et du fait qu’ils ont insisté sur la nécessité de représenter les clients, et ainsi de suite. Voilà mon point de vue général, et j’aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.
    Cependant, on n’a pas abordé ma grande question, et c’est pourquoi je l’aborde ici. Ma question touche l’aide juridique en matière civile pour l’exécution des pensions alimentaires pour enfants, et non la garde d’enfants, car je crois qu’une étude nationale pourrait démontrer que les dossiers urgents de garde peuvent être couverts d’une manière ou d’une autre. Dans les dossiers d’arrérages de pensions alimentaires pour enfants impliquant principalement des hommes, les mécanismes d’exécution provinciaux — disons-le franchement — ne sont pas toujours des meilleurs. Tous les intervenants du milieu juridique le pensent, peu importe leur domaine de pratique et leurs allégeances politiques. De plus en plus de femmes divorcées ou séparées sont incapables de s’offrir un bon avocat pour récupérer les sommes qui leur sont dues pour leur famille, pour leurs enfants. Qu’avons-nous fait pour régler ce problème et que pouvons-nous améliorer pour venir en aide à ces concitoyennes?
    Je ne peux parler qu’au nom de l’Ontario. Vous venez certainement de cerner un problème jugé important en Ontario. Depuis environ 15 ans, l’Ontario est dotée d’un organisme provincial s’appelant maintenant le Bureau des obligations familiales. C’est un bureau du ministère des Services sociaux et communautaires, je crois, et son rôle consiste à faire appliquer les ordonnances de garde et de pensions alimentaires pour enfants. Cependant, le volume de travail est intimidant et le taux d’observation des payeurs laisse encore beaucoup à désirer, selon la presse. Cependant, ce n’est pas un secteur où l’aide juridique est très active en Ontario.
    Pour ce qui concerne l’aide juridique civile, toutefois, dans le meilleur des mondes, est-ce un secteur où vous vous voyez jouer un plus grand rôle? Je ne sais pas si, comme moi, vous sentez qu’il s’agit d’un problème de plus en plus répandu.
    En raison de l’existence de cet autre organisme provincial en Ontario, il ne peut s’agir d’un problème prioritaire pour Aide juridique Ontario.
    Cet organisme est-il entièrement financé par la province?
    Oui.
    Est-ce qu’un tollé s’est élevé contre le manque de ressources de cet organisme?
    Oui.
    Merci.
    Merci, monsieur Murphy.
    Monsieur Lee.
    Merci, monsieur le président.
    J’ai été heureux d’entendre que le programme d’avocats de service en Ontario semble se porter assez bien. Je ne sais pas quelle part de votre budget est consacrée au programme d’avocats de service, mais oserais-je supposer que les avocats de service sont rémunérés à l’acte?
    Environ 12 p. 100 du budget est consacré au programme des avocats de service globalement. En Ontario, environ 2 000 avocats offrent ce service moyennant une allocation journalière. Ce programme est soutenu par environ 100 à 110 avocats de service à temps plein, pour la plupart des avocats de service salariés assurant la supervision qui coordonnent le volet du service offert par les avocats rémunérés selon une allocation journalière.

  (1625)  

    Sont-ils rémunérés par le programme d’aide juridique?
    Oui.
    Ah bon!
    Comme je cherchais à savoir l’origine des programmes d’aide juridique, je me suis évidemment tourné vers la charte, qui prévoit que les personnes mises en détention ou arrêtées ont droit de recourir à l’assistance d’un avocat. À part cette disposition, aucun droit absolu ne semble s’appliquer, bien que les tribunaux aient déjà indiqué que les accusés et les personnes dans d’autres situations peuvent avoir besoin d’un avocat. En fait, certains juges l’exigent dans certains cas et imposent vraisemblablement ce fardeau au régime provincial d’aide juridique.
    Je ne sais pas comment y réagissent les avocats de la poursuite, mais si l’on présume que cela arrive de temps à autre, je me demande bien quelles règles s’appliquent dans les dossiers impliquant des réfugiés dont vous avez fait mention. Si je comprends bien, ces personnes ne sont pas résidentes de l’Ontario ou d’une autre province. Peuvent-elles recourir à l’avocat de service ou sont-elles admissibles à un certificat d’aide juridique?
    Elles peuvent obtenir un certificat. Le modèle reposant sur les avocats de service n’est pas adapté aux dossiers impliquant des réfugiés. Comme ce modèle ne fonctionne pas, il faut avoir recours au modèle reposant sur les certificats ou à des avocats salariés, et nous avons les deux en Ontario. Nous disposons de quelques avocats salariés, mais le plus souvent nous traitons ces dossiers au moyen du programme de certificats. Je crois que cette manière de procéder est conforme à une décision rendue par la Cour suprême du Canada il y a 20 ans. Conformément à l’arrêt Singh, dès leur arrivée au Canada, les demandeurs du statut de réfugié deviennent résidents de la province où ils se trouvent et ont droit aux services juridiques, je crois.
    À défaut d’être résidents, ils sont certainement ici, ils sont certainement présents.
    Du point de vue de l’ordre des priorités, il m’apparaît étrange qu’un demandeur du statut de réfugié se trouvant au Canada depuis quelques jours passe devant un père de quatre enfants qui, parce qu’il gagne 29 000 $ par année, n’est pas admissible à un certificat. Soumettez-vous les réfugiés aux mêmes critères financiers que les autres demandeurs de certificat?
    Tout à fait.
    Évidemment, ils n’ont probablement aucune preuve de revenu, n’est-ce pas?
    C’est exact, et certains n’ont pas le droit d’occuper un emploi.
    Très juste!
    En général, ils arrivent sans le sou, et ces audiences sont très lourdes de conséquences pour eux.
    Le débat sur les priorités de l’aide juridique est actuel, et les gens bien intentionnés et intelligents peuvent désapprouver ces priorités. Depuis les dix dernières années, le pourcentage du programme ontarien consacré aux dossiers familiaux, criminels et de réfugiés est assez constant.
    Pourriez-vous nous redire ces pourcentages si vous les avez?
    Je crois que nous dépensons environ 175 millions de dollars pour les certificats, dont environ 90 millions pour des dossiers criminels. Pour les dossiers familiaux, nous dépensons environ 50 millions de dollars. Pour les dossiers de réfugiés, c’est environ 13 ou 14 millions de dollars que nous dépensons. Et il en reste un peu pour certains dossiers d’aide juridique en matière civile, et en particulier pour des affaires de la Commission du consentement et de la capacité touchant des personnes souffrant de problèmes liés à leur état de santé mental.
    Jusqu’au début des années 1990, une bonne partie du contentieux des affaires civiles était financée par Aide juridique Ontario, mais on a presque cessé d’en assurer le financement au cours de la décennie suivante. Au plus fort, 25 millions de dollars par année étaient consacrés au contentieux des affaires civiles, mais ce financement annuel a été réduit et n’atteint plus qu’un ou deux millions de dollars.
    Merci, monsieur Lee.
    Merci, monsieur le président.
    J’ai une petite question à poser avant que nous mettions un terme à notre séance.
    Est-ce que l’aide juridique est dotée d’une directive de soutien des Canadiens accusés à l’étranger?

  (1630)  

    Non. Nous n’offrons aucun service d’aide juridique aux Canadiens accusés à l’étranger, un point c’est tout. Aide juridique Ontario n’offre ses services qu’aux résidents de l’Ontario, et je crois que tous les autres régimes d’aide juridique font de même.
    Merci beaucoup.
    Nous allons faire une pause d’environ une minute.

  (1630)  


  (1635)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Examinons maintenant plus à fond la question des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Deux témoins comparaîtront : M. Richard Coleman, coordonnateur, Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto, et M. Kevin Wilson, avocat principal, Service fédéral des poursuites.
    Monsieur Wilson, je crois que vous allez d’abord nous présenter un aperçu.
    Oui. Merci, monsieur le président. Je remercie les membres du comité de nous permettre d’être ici cet après-midi pour discuter du fonctionnement des tribunaux de traitement de la toxicomanie au Canada. Mon collègue, M. Coleman, et moi-même vous présenterons le point de vue du Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto, mais il y a d’importantes ressemblances entre notre tribunal et les autres tribunaux du Canada.
    Le Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto est un programme intensif de traitement de la toxicomanie supervisé par le tribunal et conçu pour corriger les comportements criminels non violents motivés par la toxicomanie. Il s’agit d’un partenariat unissant le système de justice pénale, le système de désintoxication et la collectivité. M. Coleman parlera davantage des volets concernant la désintoxication et la collectivité, et je me limiterai au volet touchant le système de justice pénale.
    L’objectif que poursuivent les tribunaux de traitement de la toxicomanie en matière pénale est la réduction des crimes par la réduction des récidives aux fins d’une sécurité publique accrue. Il consiste à identifier dans notre tribunal les personnes accusées d’actes criminels et dont la conduite criminelle est motivée par leur dépendance à la cocaïne, à la méthamphétamine ou aux opiacés, y compris à l’héroïne, et de traiter directement la toxicomanie à l’origine de cette conduite.
    La participation au tribunal est volontaire, et les critères d’admissibilité sont très rigoureux. Sont déclarés non admissibles au tribunal les demandeurs ayant été impliqués dans des affaires de violence, de trafic commercial de drogues ou d’introduction par effraction dans une résidence, ayant amené un mineur à se faire complice de leur crime ou ayant commis une infraction en matière de drogues dans une école, un parc ou un autre endroit généralement fréquenté par des jeunes. En général, les demandeurs risquent une longue peine d’emprisonnement s’ils sont déclarés coupables et condamnés dans le système judiciaire normal, mais, s’ils réussissent le programme, ils font généralement l’objet d’une condamnation avec sursis et d’une période de probation.
    Le participant typique au Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto est ce que nous appelons un toxicomane trafiquant, soit qu’il vend de petites quantités de drogue pour assurer à peine sa subsistance et sa toxicomanie ou qu’il entretient sa toxicomanie par le vol à l’étalage ou de petits vols par introduction par effraction dans des entreprises ou des véhicules.
    Je crois que, le 18 octobre, on a laissé le comité sous l’impression que tous les accusés de trafic de drogues étaient non admissibles au Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto. C’est faux, en fait. Les personnes se livrant au trafic à des fins lucratives n’y sont certainement pas admissibles, mais, en fait, plusieurs toxicomanes trafiquants aux fins de leur subsistance participent à notre programme.
    Pour être admis au programme, les participants doivent plaider coupables. C’est un programme postérieur au plaidoyer. Avant leur plaidoyer, les participants obtiennent l’avis d’un avocat de pratique privée ou de service. Ils sont astreints à des conditions de cautionnement rigoureuses, dont l’obligation de résider à un endroit précis, de se soumettre à un couvre-feu de 19 heures à 7 heures en tout temps, de subir des analyses d’urine aléatoires et d’être tout à fait honnêtes. Les participants qui mentent à propos de leur toxicomanie durant le programme risquent l’annulation de leur mise en liberté sous caution ou l’expulsion du programme. L’honnêteté est un élément clé des tribunaux de traitement de la toxicomanie.
    Dès son admission au programme, le participant doit se présenter au tribunal tous les mardis et jeudis et se soumettre à au moins trois séances de désintoxication par semaine. À mesure qu’il progresse, on assouplit les règles de comparution devant le tribunal et, s’il est sur la bonne voie, on peut également assouplir les règles de couvre-feu.
    Conformément à la procédure, chaque séance du tribunal est précédée d’une réunion à huis clos des membres du tribunal pour débattre de l’espèce avant que le participant ne comparaisse pour donner lui-même le compte rendu du progrès qu’il a accompli, dont avouer toute consommation de drogue ou d’alcool depuis sa dernière comparution. Tout manquement grave de la part du participant aux conditions de cautionnement émises par le tribunal de traitement de la toxicomanie, dont mentir au sujet de sa toxicomanie, omettre de comparaître sans en être justifié, par exemple, par un certificat médical ou un autre motif valable ou ne pas se présenter à une analyse d’urine aléatoire sans motif valable, entraîne souvent la révocation temporaire de sa mise en liberté sous caution. Les manquements moins graves aux conditions de cautionnement, dont l’omission de se présenter à une séance de désintoxication, entraînent souvent l’imposition d’un certain nombre d’heures de travail communautaire. Un participant qui omet de se présenter à une séance de désintoxication de deux heures est généralement condamné à quatre heures de travail communautaire.
    Le programme dure environ au moins neuf mois et, en général, plus d’un an. Pour réussir le programme, tout participant doit satisfaire à des critères officiels de graduation.
    Le participant doit avoir cessé depuis au moins quatre mois de consommer la drogue en cause — cocaïne, opiacé ou méthamphétamine —, avoir un logement sûr, occuper un emploi régulier ou poursuivre des études à temps plein ou, à défaut de pouvoir satisfaire ces critères pour un motif valable comme un handicap, participer régulièrement à une activité bénévole, à tout le moins.
    La participation au programme prend fin à l’audience de détermination de la peine du participant où une période de probation est imposée. Celle-ci est assortie de conditions notamment que le participant se présente le premier mardi de chaque mois pour rendre compte de son rétablissement. On fait donc toujours suivre l’étape de désintoxication proprement dite du programme par un soutien supplémentaire au lieu de se borner à donner leur congé aux participants.
    M. Coleman peut présenter plus en détail les volets concernant la désintoxication et la collectivité.

  (1640)  

    Merci, monsieur Wilson.
    Monsieur Coleman.
    Je ne veux pas abuser de votre temps. Je crois que M. Wilson vous a brossé un tableau assez clair du programme.
    J’aimerais ajouter que les participants typiques aux programmes de tribunaux de traitement de la toxicomanie sont des personnes très marginalisées. Elles coûtent également très cher à la société. Elles sont de très grandes consommatrices de ressources collectives. Elles sont souvent emprisonnées puis relâchées. Elles sont sans abri. Au moment de leur admission au programme, environ 85 p. 100 de nos participants sont sans abri.
    Il s’agit de personnes qui commettent des crimes. Pour les amener devant les tribunaux et les y poursuivre, il faut engager des frais policiers. Elles ressortent toujours de prison et trouvent généralement abri dans un refuge jusqu’à ce qu’elles commettent un autre crime et que se répète tout ce cycle.
    Ces personnes ne travaillent plus depuis de nombreuses années. Elles tirent généralement leur revenu de l’aide sociale ou d’activités criminelles. Elles peuvent commettre un grand nombre de crimes, même mineurs. Par exemple, une personne s’adonnant au crack à raison de 500 $ par semaine peut entretenir cette dépendance en volant environ 5 000 $ de marchandises à l’étalage, car elle obtient une commission d’environ 10 p. 100 de ceux qui les achètent.
    Nous avons également affaire à des personnes qui n’ont pas de médecin de famille et dont la plupart se font soigner dans les urgences. J’estime qu’il s’agit de citoyens très onéreux.
    Le régime de tribunaux de traitement de la toxicomanie est soutenu non seulement par le système pénal et le système de désintoxication, mais encore par la collectivité. À Toronto, notre comité consultatif compte environ 50 partenaires de la collectivité et encore davantage de fournisseurs de services directs à nos clients.
    Nous utilisons le tribunal pour entamer le processus de coordination des services offerts à ces personnes. Nous aiguillons ces personnes vers les centres de santé communautaire, ce qui nous permet de réduire d’emblée leurs frais de santé. Nous les mettons en contact avec des collèges communautaires pour qu’elles retournent aux études.
    En bout de ligne, le programme a pour objectif de faire participer ces personnes à la collectivité, de mettre un terme aux comportements criminels associés au maintien de leur toxicomanie et de leur faire réintégrer le marché du travail. En fin de compte, la désintoxication d’un participant au tribunal de traitement de la toxicomanie fait de lui un contribuable qui remet une partie des coûts engagés par le programme.
    Je présenterai d’autres détails dans mes réponses à vos questions.
    Merci, monsieur Coleman.
    Madame Barnes.
    Merci beaucoup.
    Dernièrement, le comité, au sujet du projet de loi C-9, qui portait sur l’emprisonnement avec sursis, a réduit le champ d’application... Je voudrais savoir ce qui se serait passé dans un tribunal de traitement de la toxicomanie si l’emprisonnement avec sursis n’avait pas été une option ouverte à certains de ces individus qui, disons, prennent de la méthamphétamine en cristaux, ou de l’ecstasy, ou du crack.
    En fait, il n’y a pas de lien entre le régime d’emprisonnement avec sursis et les tribunaux de traitement de la toxicomanie.
    Généralement, les personnes inscrites à un programme de tribunal de traitement de la toxicomanie s’exposent plutôt à une incarcération. Il s’agit souvent de personnes qui ont de très nombreux antécédents pour des infractions similaires comme le trafic. Ce sont des personnes qui, normalement, ne sont pas libérées sous caution parce qu’elles ont accumulé un grand nombre de condamnations pour des actes comme non-comparution en justice ou non-respect d’une ordonnance de probation ou des conditions d’une mise en liberté sous caution. Ce sont des gens qui n’ont pas vraiment de chances d’obtenir un sursis de toute façon. Sans compter que l’emprisonnement avec sursis n’est pas une des peines pouvant être prononcées par un tribunal de traitement de la toxicomanie.

  (1645)  

    Mais c’est le cas pour les tribunaux de type Gladue.
    Oui, ces tribunaux-là recourent beaucoup à cette peine.
    C’est peut-être ce que j’aurais dû dire, parce qu’on utilise cette peine pour les toxicomanes, et c’est ce que font les tribunaux de type Gladue.
    Effectivement. Dans un tribunal de traitement de la toxicomanie, il y a presque toujours une condamnation avec sursis suivie d’une période de probation.
    Parlons du trafic de la drogue. Le trafic de la drogue serait admissible, comme les infractions du crime organisé.
    Les infractions du crime organisé ne sont pas admissibles.
    Alors je suppose que j’aurais dû dire l’inverse.
    Nous n’avons pas besoin de nous rendre là. Dans notre tribunal, comme dans la plupart des tribunaux, le ministère public fait une première enquête. Nous avons un processus de sélection en six étapes. À la première étape, le ministère public examine la demande, la description de l’infraction, le casier judiciaire et les recommandations de la police. Entre un trafiquant toxicomane, qui ne fait le trafic de la drogue que pour répondre aux besoins créés par sa propre dépendance, et un trafiquant commercial, la nuance est souvent très subtile.
    Par exemple, je vais considérer la quantité de drogue et le rôle que la personne a joué dans la transaction. Généralement, la personne qui passe cette première étape de sélection a abordé un policier en civil dans la rue en le prenant pour un client potentiel, mais il a ensuite dû aller voir quelqu’un d’autre pour obtenir la drogue avant de la vendre. C’est une sorte de « préposé au comptoir », si l’on veut, par opposition au « magasinier », qui garde le stock de drogue.
    Parlons du taux de réussite. Votre tribunal existe depuis un certain temps maintenant, alors comment mesurez-vous votre succès?
    Si on parle du taux de réhabilitation des toxicomanes — mais c’est une chose qu’il faut éviter, on peut dire que le rapport d’évaluation des cinq premières années du Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto fait état d’un taux qui dépasse légèrement les 15 p. 100. Les gens du milieu me disent que c’est un taux égal, voire légèrement supérieur, à celui qu’on observe dans les programmes volontaires de désintoxication pour les cocaïnomanes. Mais compte tenu du fait — comme l’a souligné M. Coleman — qu’il s’agit dans notre cas d’une population beaucoup plus marginalisée et impliquée dans le milieu criminel que ce qu’on trouve dans un programme ordinaire, je pense qu’on peut dire que nos résultats sont très encourageants.
    Qu’en est-il des personnes accusées d’un crime violent, d’une infraction commise avec une arme à feu ou de conduite avec facultés affaiblies?
    Ces cas ne sont pas admissibles.
    Jamais?
    Jamais.
    C’est une bonne chose.
    Et pour un vol qualifié ou une invasion de domicile?
    Ces cas sont exclus. S’il y a eu accusation pour vol qualifié mais qu’il s’agit plus exactement d’un vol avec un peu de « brasse-camarades », on pourrait admettre le contrevenant s’il s’avère que son comportement de violence n’a pas été vraiment grave. Mon collègue du ministère Public provincial, qui s’occupe de la sélection de la plupart des cas liés à une infraction au Code criminel, se doit d’être très prudent sur ce point, et il l’est effectivement.
    Mais il y a vol qualifié et vol qualifié. Les moins graves pourraient ne pas exclure l’individu de votre programme, alors que les plus graves en fermeraient évidemment la porte.
    Un individu accusé d’invasion de domicile, par exemple, ne serait certainement pas admissible. Même une entrée par effraction dans une résidence déserte ne serait pas admissible. Seules les entrées par effraction dans un véhicule ou dans un commerce peuvent donner le droit de participer au programme.
    Et les récidivistes sont admissibles.
    Oui, mais si ce n’est pas la première fois qu’une personne vient au tribunal, elle est déjà un peu moins admissible. Nous avons adopté une politique en consultation avec l’avocat de service, la magistrature, les responsables de la désintoxication et d’autres intervenants. Une personne qui a déjà réussi le programme n’est pas admissible une seconde fois. Une fois qu’elle a réussi sa désintoxication, elle n’a pas le droit de revenir. Quant aux personnes qui décrochent en cours de route, elles doivent attendre deux ans après leur départ volontaire ou forcé. Après ce délai, on considère qu’elles pourraient être davantage prêtes et on leur donne une seconde chance.

  (1650)  

    Merci.
    Merci, madame Barnes.
    Monsieur Ménard.

[Français]

    Merci beaucoup. Je m'adresse à M. Coleman.
    Vous savez qu'on vous accueille aujourd'hui parce qu'on étudie les prévisions budgétaires que le gouvernement propose. Si j'ai bien lu les documents, toutes les dépenses prévues en paiements de transfert pour les tribunaux de traitement de la toxicomanie subiront une coupe de 638 310 $.
    À mon avis, vous offrez un service intéressant en termes de solutions de rechange.
    Quand j'étais membre du comité qui a étudié toute la question de l'usage des drogues à des fins non thérapeutiques, vous vous étiez présenté devant nous. Je pense que vous étiez venu, mais pas M. Wilson. En ce qui me concerne, votre bilan est positif, il n'y a pas de doute là-dessus, d'autant plus que vous fonctionnez dans des conditions très balisées.
    J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de la réalité budgétaire. Combien le type d'interventions que vous pratiquez permet-il d'épargner, en termes de coûts? Quel sera l'impact, selon vous, de cette réduction de budget, en autant que vous vous soyez penché sur cette question? J'imagine que vous l'avez fait, puisque le budget sera amputé de 638 000 $, ce qui est considérable.

[Traduction]

    Il est très difficile de mesurer les économies rendues possibles par le recours à un tribunal de traitement de la toxicomanie, car avant de venir à nous, notre clientèle utilise déjà beaucoup des services que nous allons leur offrir, mais elle va les chercher ailleurs et d’une façon plutôt désorganisée.
    La beauté d’un tribunal de traitement de la toxicomanie, c’est le fait que le participant revienne plusieurs fois devant le juge. C’est le fait que l’on puisse entreprendre une gestion de dossier et se servir du tribunal pour mieux répartir les services auxquels la personne recourt déjà au sein d’une communauté. Pensons à quelqu’un qui utilise les services de quatre ou cinq organismes différents qui ne font pas partie du réseau du Tribunal de traitement de la toxicomanie. Une fois que cette personne est inscrite au programme du Tribunal, elle reviendra régulièrement devant le juge, elle assistera régulièrement à des séances de traitement, et elle rencontrera régulièrement son intervenant, de telle sorte que l’on sait exactement où elle va, et on peut alors mieux coordonner les services qui lui sont offerts.
    Comme je viens de le dire, certains des coûts sont très difficiles à mesurer. À Toronto, nous avons suivi un homme — je ne parle pas du Tribunal de traitement de la toxicomanie, je parle d’un refuge que je dirigeais avant — pendant un an pour constater qu’il avait coûté à l’État 350 000 $ en visites de salles d’urgence sur cette période. Si cette personne s’était fait soigner dans une clinique communautaire au lieu d’aller à l’urgence, on aurait fait des économies considérables. Mais encore une fois, c’est très difficile à mesurer car les responsables du réseau de la santé sont obligés de respecter la Loi sur la protection des renseignements personnels quand on leur demande des informations.
    J’aimerais ajouter qu’il est très difficile de quantifier les coûts et les économies. Je crois avoir vu une étude américaine selon laquelle pour chaque dollar consacré à un tribunal de traitement de la toxicomanie, on économie 7 $. Les chercheurs avaient pris en compte, par exemple, toutes les entrées par effraction que la personne n’avait pas commises et qu’elle aurait commises durant le reste de sa vie si elle n’était pas venue à bout de sa dépendance grâce au programme.
    Je crois que Mme Merriam, qui a témoigné devant le comité le 18 octobre, a remis au comité le résumé du rapport d’évaluation du Tribunal de Toronto. On y trouvera certainement des chiffres, mais les auteurs du rapport ont délibérément évité de se lancer dans une étude coûts-avantages, car la quantification des phénomènes en jeu est trop complexe.

[Français]

    Ai-je le temps de poser une autre question? Merci.
    Comment se fait la sélection des gens qui seront admissibles à comparaître devant un tribunal de traitement de la toxicomanie? Vous avez dit que l'on menait ce qu'on appellerait, en termes juridiques, une enquête préliminaire. Il y a donc un premier screening qui est fait pour évaluer la motivation des gens. Comment décide-t-on lesquels vont profiter de ces services?

  (1655)  

[Traduction]

    Comme j’ai dit, il y a un processus de sélection en six étapes. Une partie de ce processus vise à exclure les personnes qui ont commis des actes violents, fait du trafic commercial ou utilisé des jeunes. Il y a aussi une étape qui consiste à étudier en profondeur l’histoire personnelle du prévenu pour essayer de s’assurer le plus possible qu’il a vraiment besoin d’une cure de désintoxication. Il y a une autre étape pendant laquelle le juge du tribunal discutera carrément avec le demandeur en audience pour essayer de jauger sa motivation réelle. Donc, il y a plusieurs moyens par lesquels nous essayons de voir...

[Français]

    Ai-je encore du temps?

[Traduction]

    Non. Merci, monsieur Ménard.
    Monsieur Petit.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Mes questions s'adresseront à M. Wilson ou à M. Coleman.
    Si j'ai bien compris, les tribunaux dont vous vous occupez sont établis principalement en Ontario. C'est du moins ce que j'ai compris de votre exposé.
    Si j'ai bien compris aussi, il n'y en aurait pas au Québec. Est-ce vrai? Y a-t-il des tribunaux de type Gladue au Québec?

[Traduction]

    Si vous permettez... Il y a de l’intérêt pour cette formule au Québec. J’en parle avec la juge Céline Pelletier depuis plusieurs années maintenant. La juge Pelletier aimerait mettre sur pied un tribunal de traitement de la toxicomanie à Montréal. Cependant, les autorités gouvernementales de la province montrent peu d’empressement jusqu’ici. Si j’ai bien compris, son juge en chef l’a autorisée à mettre sur pied un comité qui fera une étude préliminaire. Le Tribunal de Toronto lui a assuré son entière coopération en cas de besoin.

[Français]

    Tout à l'heure, vous avez dit qu'il y avait six étapes à franchir en vue de déterminer qui est admissible au programme. Comme on n'a pas de tribunaux de type Gladue au Québec, on est obligé de diriger les gens vers les tribunaux criminels ordinaires.
    Je vais vous donner un exemple qui a retenu l'attention des médias, au Québec. Un attaché de cabinet a dépensé 37 000 $ en cocaïne. Cet individu n'a pas commis d'agression sexuelle contre des jeunes; il avait un bon métier car il était attaché de cabinet. Il a quand même dépensé 37 000 $ en cocaïne et il a utilisé de faux documents pour soutirer de l'argent au gouvernement afin de satisfaire son besoin.
    Cette personne serait-elle admissible à votre programme?

[Traduction]

    Il faudrait que j’en sache plus sur ce cas particulier.
    Je dirais que, dans un cas comme celui que vous venez de nous décrire, la personne tirerait indéniablement profit d’un programme de tribunal de traitement de la toxicomanie. Nous avons constaté que l’encadrement par le tribunal constituait un élément très important qui accroît les chances de succès de ce programme par rapport à un traitement ordinaire, surtout quand la personne s’est livrée à des activités criminelles.
    Il ne faut pas oublier, non plus, que les gens viennent au Tribunal de traitement de la toxicomanie parce qu’ils ont déjà des démêlés avec la justice. Alors ce n’est pas suffisant de dire que cet attaché de cabinet avait un problème de drogue et utilisait les deniers publics, etc. Mais si cette personne est accusée au criminel pour un acte qu’elle a commis à cause de sa dépendance et si elle comparaît ensuite en cour pénale, alors il faudrait examiner la nature des accusations, les caractéristiques de la dépendance, les autres facteurs qui pourraient justifier l’admission de la personne au programme ou son exclusion, et prendre une décision à la lumière de ces éléments.

[Français]

    Me reste-t-il encore du temps?

[Traduction]

    Encore une.

[Français]

    En fait, j'essaie d'attirer votre attention sur une cause qui a intéressé les médias. Il s'agissait de l'attaché de cabinet du chef du Parti québécois, M. Boisclair. Son attaché de cabinet a été accusé et a plaidé coupable d'avoir consommé de la cocaïne et d'avoir fraudé le gouvernement pour un montant de 37 000 $.
    J'aimerais savoir s'il faut avoir été condamné une première fois pour avoir accès à un tribunal comme le vôtre, en Ontario. Ces tribunaux pourraient d'ailleurs être établis, éventuellement, au Québec.

  (1700)  

[Traduction]

    Il ne s’agit pas de savoir s’il y a eu condamnation; il s’agit de savoir s’il y a inculpation.
    À notre tribunal, la plupart des participants ont un long casier judiciaire, mais certains n’en ont pas du tout. L’admissibilité au programme ne dépend pas du fait qu’il y a eu condamnations antérieures ou non.
    Merci, monsieur Petit.
    Monsieur Bagnell.
    Merci.
    Vous avez dit qu’un grand nombre de vos clients étaient sans domicile et indigents lorsqu’ils vous arrivent. Si vous leur imposez le couvre-feu à 19 heures, où vont-ils s’ils n’ont pas de domicile?
    Avant qu’on les libère sous caution, j’ai deux intervenants au tribunal, qu’on appelle les agents de liaison, qui participent au processus d’évaluation. Si un de ces intervenants, après avoir rencontré le participant, se rend compte qu’il y a un problème au sujet du domicile — la personne pourrait en avoir un, mais il pourrait être jugé inapproprié parce qu’il serait habité par des toxicomanes —, c’est là que nous nous en remettons au réseau communautaire qui fait partie intégrante de tout système de tribunal de traitement de la toxicomanie.
    Nos prestataires de services communautaires offrent non seulement des services de santé, mais aussi des services d’hébergement et toutes sortes de services auxiliaires. Donc, nous attribuons une adresse au participant. Cela fait partie de ses conditions. Dans un acte de mise en liberté sous caution, on indique qu’il doit résider à telle adresse, qu’il est soumis à un couvre-feu de telle heure à telle heure, et que cela sera modifié avec le temps.
    Si on prend une personne qui est à la limite de l’admissibilité et qui n’est pas admise à votre programme, d’après votre expérience, quel genre de traitement aura cette personne dans le vrai monde? Ce traitement sera-t-il aussi bon, et la personne aura-t-elle le même nombre d’heures de traitement que celle qui est admise à votre programme?
    À la base, notre programme est le même que celui dont peuvent bénéficier les personnes qui ne sont pas inscrites au Programme judiciaire de traitement de la toxicomanie. Cependant, un des avantages particuliers du Tribunal de traitement de la toxicomanie, c’est que les gens ont un accès immédiat au traitement. Quand ils sortent du tribunal, ils vont à l’adresse que nous leur avons attribuée et ils commencent leur cure le lendemain. On parle généralement d’un délai de 24 heures.
    Donc, vous me dites qu’un détenu ne pourrait pas commencer aussi vite, mais qu’il aurait le même traitement.
    Non, un détenu pourrait commencer plus vite.
    Une personne qui ne participe pas au programme de tribunal de traitement de la toxicomanie?
    Une personne qui vient d’arriver, qui ne fait l’objet d’aucune accusation et qui veut faire une cure suivrait la procédure normale. Cela peut supposer un délai d’environ six à huit semaines en Ontario.
    Je parle d’un délinquant violent, de quelqu’un qui n’est pas admissible au programme d’un tribunal de traitement de la toxicomanie mais qui a le même problème de dépendance. Est-ce que cet individu aura un traitement comparable et aussi rapide en prison que si elle passe par le tribunal de traitement de la toxicomanie?
    Je ne sais pas vraiment comment ça se passe dans les prisons. C’est sûr que cette personne serait admissible à un traitement une fois qu’elle aura purgé sa peine, et je sais qu’il y des traitements en prison. Cependant, vous m’excuserez, mais je ne connais pas vraiment les conditions de ce traitement ni les délais en cause.
    Avez-vous eu affaire à des cas de syndrome d’intoxication fœtale à l’alcool? Si oui, comment traitez-vous ces cas?
    À Toronto, nous n’avons pas vu beaucoup de cas de troubles d’intoxication fœtale à l’alcool. Notre personnel a reçu une formation pour ces cas et surveille effectivement les signes de ce genre de problème. Il est certain que si nous avions des clients atteints de ce genre de trouble, nous chercherions à adapter leur traitement, ainsi que les comparutions en cour, car dans ces cas, il pourrait y avoir des problèmes cognitifs et comportementaux à prendre en considération.
    Donc, nous sommes au courant de ce problème, mais nous ne le rencontrons pas fréquemment dans notre milieu. C’est le cas cependant pour d’autres tribunaux de traitement de la toxicomanie.
    Monsieur Wilson, qu’en est-il des autres régions de la province? Est-ce qu’on parle surtout des premières nations?
    Nous n’avons pas beaucoup d’Autochtones à notre tribunal. Il y en a eu quelques-uns, mais notre palais de justice, qui se trouve à l’ancien hôtel de ville de Toronto, abrite aussi le tribunal de type Gladue, qui se spécialise dans cette clientèle. D’après mon expérience, c’est là que les accusés autochtones comparaissent, plutôt qu’à notre tribunal.

  (1705)  

    Pour revenir à ma question au sujet d’un détenu qui recevrait un traitement, si le but du programme est d’améliorer la sécurité de la société en réduisant les risques de récidive, ma première question est de savoir si on atteint effectivement ce but. Les récidives sont-elles moins fréquentes? Deuxièmement, si vous éliminez toutes les personnes violentes, ou qui ont commis des vols qualifiés, vous éliminez les personnes dont le comportement récidiviste risque d’être le plus dommageable. On les prive d’un traitement qui pourrait améliorer la sécurité de notre société.
    On ne les prive pas d’un traitement: on leur interdit cette voie de traitement en particulier. Toute personne refusée à notre tribunal peut toujours obtenir un traitement ailleurs. Cependant, je crains de ne pas pouvoir vous éclairer quant à la nature des traitements qui sont offerts dans les réseaux carcéraux provinciaux ou fédéraux.
    Pour ce qui est des taux de récidive, le comité sera peut-être intéressé de savoir que la Division de la recherche et de la statistique du ministère de la Justice a publié récemment une étude portant justement sur cette question en rapport avec les tribunaux de traitement de la toxicomanie. C’était une méta-analyse de rapports publiés aux États-Unis et au Canada, et la conclusion en est que les tribunaux de traitement de la toxicomanie réduisent effectivement le taux de récidive.
    Merci, monsieur Bagnell.
    Monsieur Lemay.

[Français]

    Bonjour. J'ai plusieurs années d'expérience dans le domaine du droit criminel. Le travail que vous faites est exceptionnel. J'ai eu des clients, alors que je plaidais au Québec, qui étaient d'Ottawa et de Toronto, qui avaient commis des délits au Québec et qu'on pouvait diriger chez vous. Je considère qu'il s'agit d'un programme extraordinaire.
    Je veux simplement comprendre certains aspects du programme. Si un individu accepte de suivre une thérapie chez vous, il échappe alors à la prison. Est-ce que je vous comprends bien? Comment cela fonctionne-t-il? Il comparaît en cour et s'en va directement suivre un traitement de thérapie. Il y a donc un engagement de sa part à ne pas consommer. Comment fait-on pour déterminer si la personne consomme? Y a-t-il des tests de dépistage? Est-elle soumise à un contrôle périodique, par exemple toutes les semaines? Cet aspect de votre intervention m'échappe; je n'ai pas encore compris.

[Traduction]

    Une fois que la personne est admise au programme, le traitement est fourni dans la collectivité. La personne réintègre la société en vertu d’un acte de cautionnement spécial, mais c’est nous qui lui attribuons son domicile au départ.
    En plus de recevoir un traitement immédiat, ces personnes retournent au tribunal deux fois par semaine. Chaque personne se voit attribuer une couleur pour les tests d’urine aléatoires. Elle doit composer un numéro 1-800 chaque jour — elle peut ainsi appeler d’un téléphone public même si elle n’a pas d’argent — et si c’est sa couleur qui a été choisie ce jour-là, elle doit aller au centre pour fournir un échantillon d’urine. Ces tests nous permettent de savoir s’il y a consommation. Ils sont assez fréquents. En moyenne un par semaine, mais il y en a généralement deux.
    Et lorsque la personne se présente devant le juge, deux fois par semaine, le juge leur demande : « Comment se passe votre cure? Avez-vous consommé aujourd’hui, ou avez-vous consommé depuis votre dernière comparution? » Si elle répond par la négative et qu’on se rend compte qu’elle a menti, le tribunal applique une sanction. Mais si elle avouent avoir consommé, nous travaillons avec elle pour réduire sa consommation, jusqu’au point où la personne pourra s’abstenir complètement et s’adonner aux autres activités du programme, comme retourner à l’école, trouver un emploi ou se donner un domicile stable.

[Français]

    Est-ce que cet individu a droit à un avocat? C'est quand même un système particulier.
    Monsieur le président, je ferai une parenthèse. Je crois qu'il serait intéressant de voir, sur le terrain, comment fonctionne ce programme. J'aimerais voir comment cela fonctionne parce qu'on n'a pas ce système au Québec. Je crois que c'est un très bon système.
    Voici ce que je veux savoir. Est-ce qu'un avocat continue d'accompagner l'individu, ou si une fois son travail terminé — il a défendu son client et ce dernier a comparu devant le tribunal de traitement de la toxicomanie —, ça s'arrête là? Est-ce que son mandat comme avocat est maintenu jusqu'à la fin du traitement?

  (1710)  

[Traduction]

    Un avocat de l’aide juridique est en service au Tribunal de traitement de la toxicomanie les mardis et les jeudis. Cet avocat participe aux séances préparatoires aux audiences à huis clos pour représenter les intérêts des participants dans une optique judiciaire antagoniste. C’est un processus antagoniste modifié auquel on a recours sur les points contentieux. Si je réclame la révocation d’un acte de cautionnement, l’avocat proposera qu’on explore une autre avenue. Mais, tout en travaillant en équipe, nous continuons de jouer chacun notre rôle, de telle sorte que la personne a toujours quelqu’un pour la défendre au tribunal.
    Si un participant veut avoir son propre avocat, cela ne pose pas de problème. Dans ce cas, parfois, l’avocat en question est présent au moment où le prévenu plaide coupable au début du programme. Si un conflit surgit, si la personne risque d’être expulsée, son avocat peut assister aux délibérations. Sinon, il y a l’avocat de service pour la représenter.
    Monsieur Coleman.
    Je parle en tant que personne externe au milieu judiciaire — j’ai une formation de psychologue —, mais je dirais que ces tribunaux sont beaucoup moins axés sur une optique antagoniste que les tribunaux traditionnels. Je vous encourage à aller vous en rendre compte vous-même. Il y en a un ici à Ottawa, et si vous voulez venir nous rendre visite à Toronto, nous vous recevrons avec plaisir.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Wilson, la question du taux de récidive a été soulevée au début de votre présentation. Comment mesurez-vous le taux de récidive? Comment le définissez-vous?
    C’est assez difficile à quantifier. Puisque je représente ici le système judiciaire, je dirais que la récidive consiste à être condamné une deuxième fois pour un acte criminel. Je crois que la présomption d’innocence nous oblige à utiliser cette définition. Toutefois, dans le rapport publié récemment par le Service de la recherche et de la statistique de Justice Canada, qui rend compte d’études effectuées aux États-Unis et au Canada ainsi que de deux études faites en Australie, on définit la récidive non pas comme le fait d’avoir été condamné une deuxième fois, mais simplement comme le fait d’avoir été accusé une deuxième fois. Je ne suis pas à l’aise avec cette définition, à cause de la présomption d’innocence. Mais je ne crois pas que les auteurs de l’étude aient toujours utilisé exactement la même définition. Je ne suis pas un expert en recherche. Je crois que la meilleure chose que je puisse faire, c’est d’inviter le comité à lire le rapport en question.
    Oui, ce serait une bonne chose de voir ce rapport.
    J’en ai un exemplaire ici. Je peux vous le remettre avec plaisir si vous voulez. Je pourrai le donner au greffier après notre entretien. Je suis sûr que je pourrai obtenir un autre exemplaire.
    J’aimerais en savoir plus au sujet de l’ouverture de tribunaux de traitement de la toxicomanie dans quatre nouvelles villes. Il y a donc maintenant six villes où l’on trouve un tribunal de traitement de la toxicomanie. Ce rapport a-t-il joué un rôle déterminant dans la décision de mettre sur pied de nouveaux tribunaux de ce genre?
    Quel rapport?
    Celui dont vous parlez aujourd’hui. Pourquoi a-t-on décidé d’ouvrir des tribunaux de traitement de la toxicomanie dans quatre autres villes?
    Les fonds affectés à l’ouverture de ces quatre nouveaux tribunaux ont été annoncés, je crois, en 2004. Il y a eu un long processus de demande qui a abouti à la décision de financer les nouveaux tribunaux dans les quatre villes en question: Edmonton, Regina, Winnipeg et Ottawa. Quant aux raisons qui ont motivé cette décision gouvernementale, je crains ne pas être en mesure de répondre.

  (1715)  

    Monsieur Lee.
    Il y environ trois ou quatre ans, plusieurs membres du Comité spécial sur la consommation non médicale des drogues ou médicaments et moi avons eu l’occasion de visiter le tribunal de Toronto. Nous avons tous été très impressionnés par la façon dont fonctionne le tribunal. Ce n’est pas du tout un tribunal pénal typique. Nous avons remarqué qu’il y avait une infrastructure assez élaborée au sein du tribunal — c’est à caractère public, c’est financé par les contribuables et certains bénévoles y participent. C’est une infrastructure professionnelle, qui coûte beaucoup d’argent, mais qui semble en valoir la peine.
    Je dirais que les tribunaux de traitement de la toxicomanie ont pour objectif d’obtenir pour les délinquants de meilleurs résultats que ceux qu’ils obtiendraient dans un tribunal traditionnel, et ils y arrivent. Dans le système traditionnel, les délinquants sont traités, classés, emprisonnés pour une période de huit mois, puis renvoyés dans la rue pour aller voler la voiture d’une autre personne. Êtes­vous d’avis que l’on obtient immanquablement de meilleurs résultats dans le cadre du programme géré par le tribunal de traitement de la toxicomanie?
    Je suis tout à fait d’accord, et je peux me fonder sur ma propre expérience dans le domaine des traitements et des services sociaux. Je me souviens de votre visite au tribunal.
    Selon moi, un participant à un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie au Canada est probablement l’une des personnes les plus étroitement supervisées au pays, peut­être même plus qu’une personne placée sous garde. Les participants doivent se présenter devant le tribunal régulièrement, ils doivent fournir un échantillon d’urine de façon aléatoire, ils suivent un traitement et sont suivis régulièrement. Cette façon de faire est beaucoup plus efficace que le fait d’emprisonner une personne puis de la remettre en liberté avec peu ou pas de supervision à la fin de sa peine. Cette solution est assurément préférable aux tribunaux traditionnels. Ces derniers ne font qu’ordonner à une personne de se faire soigner, et il est très difficile par la suite d’assurer un suivi. Nous avons un système bien coordonné qui a l’appui de la collectivité. Il s’agit d’une approche holistique, c’est-à-dire que nous abordons tous les aspects de la vie d’une personne — nous n’abordons pas seulement le traitement sans tenir compte du comportement criminel, il n’est pas seulement question d’éducation et d’emploi — nous abordons véritablement tous les aspects. Nos participants, nos « diplômés », sont probablement les meilleurs porte­parole de ce programme. Nous voyons tous les jours des gens dont la vie s’est améliorée de façon incommensurable à la suite de leur participation au programme.
    Les fonds alloués par le fédéral pour cette initiative ne s’élèvent qu’à 2,3 millions de dollars. Je suppose que les provinces contribuent largement elles aussi. Ces 2,3 millions ne couvrent pas une bien grande partie des coûts d’exploitation, surtout si l’on tient compte du fait qu’il y a six tribunaux de traitement de la toxicomanie au pays. Alors, je vous le demande, de quelle façon êtes­vous visés à Toronto par cette estimation — 2,3 millions de dollars? De ce montant, est­ce que vous recevez environ 800 000 $? Est-ce que vous êtes au courant?
    En fait, je connaissais le montant exact mais je ne m’en souviens plus. Au fond, c’est simple, il y a un montant maximal que chaque tribunal peut recevoir, et c’est ce que nous recevons. Mais c’est plutôt comparable à ce qu’un tribunal d’une ville de taille semblable recevrait.
    Mais les provinces doivent sûrement affecter elles aussi des ressources à ces tribunaux, et ce sont des montants importants, j’imagine?
    Les provinces ne versent pas de contributions budgétaires réelles, mais plutôt des contributions indirectes.
    Vous voulez parler de la salle d’audience.
    Je veux parler de la salle d’audience, du juge, du personnel du tribunal, du poursuivant du ministère du Procureur général.
    Cela inclut également le travailleur social…
    Les frais de soins de santé.
    La probation.
    Comme je l’ai mentionné, les participants au programme ont accès à des services existants, bien que ce soit d’une façon assez peu coordonnée. Une personne a droit de recevoir son traitement en Ontario, et comme l’Ontario paie pour ce traitement, nous avons recours à ce même traitement. C’est juste que nous fonctionnons de façon plus efficace, en utilisant un réseau de refuges et des fournisseurs de logements supervisés, et nous réintégrons les participants dans un programme collégial communautaire. Ce sont tous là des coûts qui sont couverts d’une façon ou d’une autre dans le cadre du processus, mais ce sont également des services auxquels les personnes auraient droit sans notre appui et notre supervision.

  (1720)  

    Certainement, et je n’ai rien à redire à cela. C’est une façon très rentable de procéder. J’estime simplement que le gouvernement fédéral fait plutôt une bonne affaire avec son argent, réparti entre six tribunaux de traitement de la toxicomanie —2,3 millions de dollars ne représente pas une bien grande contribution pour ce qui pourrait probablement être un système judiciaire très innovateur et efficace.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Lee.
    Monsieur Petit, allez­y, je vous prie.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Ma question sera courte.
    Vous avez mentionné plus tôt que la personne devait se présenter, à différentes étapes du traitement, pour poursuivre le programme que vous nous avez décrit.
    Lorsque la personne échoue, c'est-à-dire qu'elle n'arrive pas à remplir les conditions auxquelles elle s'est soumise à votre endroit, la renvoyez-vous devant un autre tribunal? Vous avez quand même un tribunal pénal en Ontario, comme au Québec. La renvoyez-vous devant ce tribunal?
    À ce moment-là, allez-vous dire au juge que cette personne a fait une erreur en optant pour votre programme dans le but d'alléger sa peine, ou l'oubliez-vous tout simplement?

[Traduction]

    La personne n’a jamais véritablement quitté le tribunal pénal. Le tribunal de traitement de la toxicomanie n’est pas le tribunal Gladue; ce dernier est un tribunal autochtone distinct, tandis que le tribunal de traitement de la toxicomanie demeure un tribunal pénal. Il est encore présidé par un juge au pénal. Nous avons une période d’évaluation de 30 jours lorsqu’une personne plaide coupable et accepte de participer au programme. Au cours des 30 premiers jours, les participants nous jaugent, et vice versa. Au cours des 30 premiers jours, s’ils décident que le programme ne leur convient pas, ils peuvent faire annuler leur plaidoyer de culpabilité et retourner dans le processus pénal habituel — ils doivent recommencer à zéro, subir un procès, et décider de la façon dont ils veulent fonctionner.
    Une fois que la période de 30 jours est terminée, on leur demande de choisir: voulez­vous continuer de participer au programme ou en ressortir? S’ils décident de poursuivre le programme, alors ils n’ont plus le droit de faire annuler leur plaidoyer de culpabilité. Par la suite, s’ils ne terminent pas de façon satisfaisante toutes les étapes du programme, ou s’ils ne répondent pas de façon satisfaisante à toutes les conditions de graduation, ils comparaîtront devant le même juge du tribunal de traitement de la toxicomanie qui a entendu leur plaidoyer au départ, et celui­ci procédera à la détermination de la peine. Ils n’obtiendront pas une peine plus sévère parce qu’ils ont fait l’essai de notre programme et y ont échoué. Le juge pourrait même se montrer plus clément vis­à­vis de ceux qui ont au moins essayé.
    Mais lorsque les délinquants se présentent au tribunal, moi, à titre de procureur de la Couronne, je dis ceci: « Voici la peine que je chercherai à obtenir si ces personnes ne participent pas au programme, ou ne le terminent pas », et je m’assurerai que ma position à l’égard de la peine est entendue. À moins qu’il y ait un changement dramatique quelconque, c’est la position que prendra la Couronne si les participants n’arrivent pas à terminer le programme et qu’ils doivent faire l’objet d’une détermination de la peine. Le juge peut toujours décider de leur accorder une peine moins sévère en reconnaissance du fait qu’ils ont au moins essayé l’option du tribunal de traitement de la toxicomanie. Chose certaine, ils ne seront pas traités plus sévèrement parce qu’ils n’ont pas réussi le programme.

[Français]

    Il y a beaucoup de personnes qui s'adressent à vous qui ont des problèmes de drogue. En Ontario et au Québec, on a renvoyé dans leur milieu de nombreuses personnes qui vivaient dans des hôpitaux psychiatriques. Beaucoup sont maintenant à la rue. N'est-ce pas le rôle des médecins de s'occuper de ces gens-là plutôt que celui des tribunaux?
    Les tribunaux sont faits pour les criminels qui ont encore leur raison. Dans bien des cas, vos clients — je les appelle vos clients — sont des gens qui sont vraiment malades au point de vue psychiatrique, qui consomment de la drogue, et on les dirige vers vos tribunaux ou votre programme. Normalement, ils devraient se retrouver dans des hôpitaux psychiatriques et non pas devant les tribunaux.

  (1725)  

[Traduction]

    À Toronto, nous avons la chance d’avoir un tribunal de la santé mentale. Si les personnes souffrent d’une déficience psychiatrique profonde qui les empêche de comparaître devant un tribunal de traitement de la toxicomanie, on procède alors à un renvoi au tribunal de la santé mentale à Toronto. Ceci étant dit, nous sommes tout de même prêts à travailler avec les personnes qui ont des troubles psychiatriques, au besoin. Nous avons accès à un programme sur les troubles concomitants: il s’agit d’un programme de traitement destiné aux personnes qui ont à la fois une dépendance et un trouble psychiatrique sous­jacent. Alors, les personnes ayant des troubles psychiatriques et une dépendance, et qui commettent des crimes, peuvent bénéficier d’un traitement adapté à leurs besoins, tout en participant au programme du tribunal de traitement de la toxicomanie.
    Merci, monsieur Petit.
    Madame Barnes.
    Merci beaucoup.
    J’ai vu une émission télévisée à propos du tribunal de Vancouver, et je sais que celui­ci bénéficie d’un appui incroyable. J’aimerais vous donner l’occasion — à l’un de vous, ou à vous deux — de parler du niveau d’appui communautaire que doivent forcément recevoir ces tribunaux pour réussir. J’apprécierais que vous fournissiez des détails précis, si vous le pouvez.
    Pour ce qui est de Toronto, nous avons la chance d’avoir un très vaste éventail de services communautaires qui appuient le programme: des services de réduction des méfaits en passant par une fiche d’information que nos diplômés ont préparée et qui sont insérée dans les trousses sécuritaires de distribution de pipes pour le crack et d’aiguilles, afin d’accroître la sensibilisation au programme. Nous avons des fournisseurs de logements, nous avons des écoles, mais la collectivité contribue également à la gouvernance du programme. Nous avons un comité consultatif communautaire et de nombreux autres sous­comités qui examinent les besoins précis de nos participants, et la collectivité y prend part. Ils participent donc directement à l’évolution du programme. C’est un partenariat unique, puisque nous avons des partenaires pour la gouvernance du programme, ainsi que pour la prestation des services. Pour que le programme soit une réussite, il faut absolument obtenir un vaste appui de la part de la collectivité. À Toronto, nous avons été chanceux d’obtenir cet appui.
    Ce programme a débuté comme un partenariat tripartite — traitement, justice, et collectivité. Nous avons tous participé aux consultations qui ont mené à la création du programme. Huit ans plus tard, la collectivité participe tout aussi activement que lorsque nous avons commencé notre processus de consultation initial.
    Monsieur Wilson, voulez­vous ajouter quelque chose?
    Non, M. Coleman a très bien abordé tous les aspects.
    Y a-t-il des groupes démographiques que vous voyez plus souvent que d’autres? Est­ce que les personnes âgées, les jeunes, et les personnes de tous âges profitent de ce programme?
    J’établirais l’âge moyen autour de 37 ou 38 ans, bien que nous ayons eu des participants en fin d’adolescence, au début de la vingtaine, vers la fin de la soixantaine, et jusqu’à 70 ans. À l’heure actuelle, nous avons plus d’hommes que de femmes qui participent au programme à Toronto, mais c’est une dynamique qui change constamment. Nous avons également eu six femmes toxicomanes qui ont participé au programme et qui ont donné naissance à des bébés sans dépendance, pendant qu’elles participaient au programme. Les deux dernières allaient tellement bien, qu’elles ont pu ramener leur enfant à la maison.
    J’ai remarqué dans le cadre de ce programme — et j’aurais aimé avoir l’avantage qu’un de mes collègues vienne visiter… il m’a semblé qu’il y avait une relation très étroite entre les participants au programme et les intervenants dans la salle d’audience. Le juge semblait connaître ces personnes et les encourager à continuer leurs progrès. Ça m’a paru complètement inhabituel par rapport aux tribunaux dans lesquels j’ai l’habitude d’aller. Lorsque j’ai travaillé au tribunal de traitement de la toxicomanie dans ma ville il y a plusieurs années, les choses ne se passaient certainement pas comme ça. Les participants entraient et sortaient rapidement du tribunal, et on connaissait à peine leur nom. Ceci est un milieu complètement différent, et peut­être que M. Wilson pourrait parler de l’atmosphère qui y règne et des mécanismes de soutien, et de la connaissance des participants. De plus, j’ai remarqué que lorsqu’il y avait une erreur ou une rechute de la part d’un participant, on traitait la situation avec beaucoup plus d’empathie, et de toute évidence, cette méthode fonctionnait pour certaines personnes.
    Je crois que vous avez touché quelques points très importants au sujet du tribunal. Le premier est la continuité du personnel. Nous avons un juge principal pour le tribunal de traitement de la toxicomanie, le juge Bentley, et quelques juges remplaçants. Je suis le poursuivant principal fédéral pour le tribunal de traitement de la toxicomanie. Nous avons un poursuivant principal pour la province. Nous avons quelques poursuivants remplaçants. Les deux agents de liaison dont Richard parlait plus tôt viennent du Centre de toxicomanie et de santé mentale et sont au tribunal en permanence.
    Alors, lorsque nous avons des rencontres à hui clos avant les audiences, tout le monde connaît les participants. Tout le monde sait qui a de la difficulté et qui fait beaucoup de progrès. Et c’est la même chose lorsque nous sommes devant le tribunal. Nous connaissons toutes les personnes présentes par leur nom.
    Si nous avions un roulement important des intervenants — les juges, les poursuivants, ou les fournisseurs de traitement — nous perdrions un peu de cette dynamique. Nous avons donc une approche très axée sur l’esprit d’équipe. Le procureur de la Couronne et la défense jouent toujours des rôles adversatifs, et le juge détient encore le pouvoir décisionnel, mais les procédures ne sont pas aussi agressives et accusatoires que dans un tribunal pénal traditionnel. Nous avons une approche beaucoup plus conjointe, où l’objectif commun est de s’assurer que la personne réussisse son programme de traitement de la toxicomanie.

  (1730)  

    Merci, madame Barnes.
    Je tiens à remercier les témoins. Monsieur Coleman et monsieur Wilson, merci de nous avoir présenté vos exposés. Ils ont assurément éclairé le comité en ce qui concerne les tribunaux de traitement de la toxicomanie.
    La séance est levée.