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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 25 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1020)  

[Français]

    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité commence son étude sur l'employabilité au Canada. Ce matin, nous recevons des représentants de l'Association canadienne de la construction et de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

[Traduction]

    Je crois que nous sommes censés entendre également les représentants du Conseil interprofessionnel du Québec, mais ils ne sont pas encore arrivés.

[Français]

    Si vous devez recourir à la traduction simultanée, vous pourrez entendre la version anglaise au canal 1 et la version française au canal 2. Chaque groupe disposera de sept minutes pour faire son exposé, à la suite de quoi il y aura une période de questions et de réponses.
    Monsieur Argento, vous avez la parole. Vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Alfonso Argento. Je suis le président de l'Association canadienne de la construction. Je suis également entrepreneur. Je suis président et directeur général d'une compagnie appelée Seven Brothers Construction qui est établie ici au Québec et à Montréal. C'est une entreprise familiale.
    Je suis accompagné ce matin de Jeff Morrison, qui est directeur des relations gouvernementales et des affaires publiques de l'ACC.
    Au nom de l'Association canadienne de la construction, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd'hui. C'est avec plaisir que nous vous présentons notre point de vue dans le cadre de la consultation sur l'employabilité au Canada. Il est certain que cette question intéresse vivement l'ACC et ses membres.
    L'ACC est bien placée pour en parler à titre de voix nationale de la construction non résidentielle au Canada. Les activités de l'ACC bénéficient à plus de 20 000 entreprises dans les secteurs de la construction industrielle, commerciale et institutionnelle au Canada.

[Français]

    L'industrie canadienne de la construction fait face à des pénuries sans précédent de main-d'oeuvre, ces pénuries étant attribuables principalement au vieillissement de la population active et à la croissance économique exceptionnelle que connaît notre pays depuis quelques années déjà. De fait, une récente étude réalisée par le Conseil sectoriel de la construction révèle que l'industrie canadienne de la construction devra recruter au moins 190 000 nouveaux travailleurs de métier au cours des huit prochaines années.
    En réponse à cette demande croissante de travailleurs, nous reconnaissons qu'il n'y a pas d'initiative unique qui puisse régler tous ces problèmes de pénurie de main-d'oeuvre, que ce soit l'apprentissage, l'immigration, la mobilité des travailleurs ou la promotion des carrières auprès de la main-d'oeuvre non traditionnelle de la construction. Il faudra plutôt adopter une approche soutenue, multifonctionnelle et multidimensionnelle pour essayer de découvrir tous les aspects de cette problématique. Cette approche exige le soutien du gouvernement à plusieurs échelons ainsi que celui des intervenants de l'industrie elle-même.
     Le thème principal étudié par ce comité est l'employabilité au Canada. Dans le mémoire que nous avons présenté au comité, nous avons souligné les points suivants, qui, selon nous, exigent la prise de mesures supplémentaires.
    Il faut, premièrement, accroître le bassin de travailleurs canadiens, deuxièmement, cerner les défis et les occasions associées à l'immigration des travailleurs étrangers sur une base permanente ainsi que sur une base temporaire et, troisièmement, promouvoir la mobilité des travailleurs à travers le Canada.
    J'aimerais prendre le temps qu'il me reste pour faire quelques commentaires sur quelques-uns des points que nous avons soulevés dans notre mémoire.

[Traduction]

    Au sujet des normes nationales pour l'apprentissage au Canada, il n'y a aucun doute que pour fonctionner de façon harmonieuse, le secteur de la construction a besoin d'une main-d'oeuvre très qualifiée et d'une grande mobilité professionnelle et géographique. C'est pourquoi nous demandons aux gouvernements fédéral et provinciaux de travailler ensemble pour élaborer et mettre en oeuvre des normes nationales sur l'apprentissage au Canada.
    Dans le cadre du système actuel qui existe au Canada pour l'apprentissage, dix gouvernements provinciaux et trois gouvernements territoriaux établissent les normes de formation pour l'apprentissage dans leur territoire respectif. Cela se fait souvent sans ternir compte de la situation dans les autres provinces. En conséquence de cette approche disparate pour l'apprentissage, on constate des différences dans le nom des métiers, les programmes de formation et les sous-secteurs d'un métier donné où les stages sont obligatoires ou facultatifs. Les critères différent d'une province à l'autre, d'un territoire à l'autre. Nous n'avons pas un système uniforme.
    L'ACC croît que la mobilité sera facilitée par l'élaboration et l'adoption de normes communes d'apprentissage pour travailleurs qualifiés canadiens. En fait, nous avons peut-être déjà une telle norme; il s'agit du programme du Sceau Rouge. L'ACC est un fervent partisan du programme du Sceau Rouge; cependant, il est appliqué seulement dans un nombre limité de métiers. À l'heure actuelle, 45 seulement parmi les quelque 300 métiers désignés par le Sceau Rouge sont englobés dans le programme du Sceau Rouge. Nous croyons que le programme du Sceau Rouge doit être étendu pour s'appliquer au plus vaste éventail possible de métiers pour lesquels il faut une formation poussée ou des stages d'apprentissage.
    Au sujet du soutien des apprentis, nous félicitons le gouvernement fédéral qui a récemment démontré son soutien à l'apprentissage en annonçant dans le budget fédéral de mai 2006 un programme d'encouragement au stage d'apprentissage. Bien que ces initiatives soient un bon point de départ pour encourager les stages dans les corps de métiers, il faut en faire davantage.
    Par exemple, l'application du crédit d'impôt est limité aux métiers visés par le Sceau Rouge. Nous sommes d'avis que ces initiatives découlant du budget fédéral doivent être accessibles à tous les métiers, étant donné qu'il devrait être clair que tous les métiers de la construction correspondent aux critères énoncés dans le budget, à savoir qu'il doit s'agir de métiers économiquement stratégiques.
    Nous croyons que la caractéristique des stages d'apprentissage qui permet de gagner sa vie tout en apprenant devrait être étendue à la partie purement scolaire de la formation aussi bien qu'à la partie formation en cours d'emploi. Nous demandons donc au gouvernement fédéral de modifier les dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi qui font obstacle à ce que les apprentis puissent gagner un revenu pendant qu'ils suivent les cours faisant partie de leur programme d'apprentissage.
    Au sujet des défis et possibilités qu'offre l'immigration, à la fois permanentes et temporaires...

  (1025)  

[Français]

    La politique et le processus sous-jacents à l'immigration du Canada sont structurés de manière à s'assurer que la population canadienne ait accès en premier lieu aux possibilités d'emploi offertes au Canada et à empêcher que l'embauche de travailleurs étrangers ait un impact négatif sur les possibilités de travail des Canadiens. L'Association canadienne de la construction appuie vigoureusement cette politique; toutefois, étant donné les niveaux de croissance jamais atteints auparavant dans l'industrie, combinés aux difficultés de recruter des travailleurs canadiens en nombre suffisant, l'Association canadienne de la construction croit que l'immigration temporaire et permanente pourrait contribuer de façon significative à la disponibilité des travailleurs de la construction au Canada.
    En juillet dernier, l'ACC a publié une série de recommandations sur la façon dont le gouvernement pourrait réformer le système d'immigration afin de répondre aux besoins en matière de ressources humaines de l'industrie de la construction. Parmi les recommandations que nous avons proposées, l'ACC a demandé ce qui suit.
    Premièrement, réviser le système de points utilisé pour évaluer les travailleurs qualifiés, afin de mettre davantage l'accent sur les critères liés à l'expérience et à l'emploi réservé. Deuxièmement, dans le cadre du programme des travailleurs temporaires, élargir la liste des métiers admissibles afin d'y inclure le plus grand nombre possible de métiers de la construction. Troisièmement, élargir le programme des travailleurs agricoles saisonniers afin que ce programme s'adresse également à l'industrie de la construction. Quatrièmement, mettre au point un processus autre que la déportation pour les travailleurs sans papiers, afin de leur permettre de rester au Canada en ayant recours à des moyens légaux à partir d'ici; autrement dit, sans avoir à les retourner chez eux et qu'ils reviennent ici ensuite, avec toutes les frustrations que cela comporte. De plus, ce sont des travailleurs dont nous avons besoin ici et maintenant.
    Grâce à ces changements, l'ACC croit que notre système d'immigration peut devenir un outil beaucoup plus utile pour satisfaire les besoins du marché du travail de notre secteur.

[Traduction]

    Vient ensuite la promotion de la mobilité de la main-d'oeuvre au Canada. L'emploi au Canada dans le secteur du bâtiment est, de par sa nature même, caractérisé par une grande mobilité. Les projets de construction sont toujours des chantiers temporaires et il n'est pas rare que les travailleurs de la construction doivent faire la navette entre de nombreux chantiers. Pour l'essentiel, la mobilité est limitée au déplacement à l'intérieur d'une région ou d'une province, par exemple la région de Montréal ou la province de Québec. Parfois, cependant, surtout en période de croissance économique, ou même pendant les récessions, les travailleurs doivent être mobiles sur le plan interprovincial. Le grand essor économique que l'on connaît actuellement en Alberta et en Colombie-Britannique en est un bon exemple et l'on voit un afflux massif de gens qui partent de l'Est pour aller travailler dans l'Ouest.
    Nous avons trouvé encourageante l'annonce du 7 septembre 2006 du Comité fédéral-provincial-territorial des ministres responsables du commerce intérieur pour ce qui est d'atteindre l'objectif de la mobilité sans restriction pour les travailleurs canadiens d'ici le 1er avril 2009. Nous croyons que c'est un objectif louable et que cela permettra aux décideurs provinciaux et fédéraux en matière de marché du travail de s'attacher à renforcer la mobilité de la main-d'oeuvre de notre pays. En dépit de l'existence du Programme du sceau rouge, d'autres obstacles peuvent limiter la mobilité interprovinciale.
    Déménager temporairement pour aller chercher du travail ailleurs entraîne un coût considérable. Il y a le coût du voyage et du logement, et aussi les frais généraux qu'entraîne une recherche d'emploi dans une nouvelle ville. Il y a aussi le coût d'un deuxième domicile, car la plupart des travailleurs ne veulent pas bouleverser leur situation familiale pour aller chercher du travail temporaire ailleurs. Nous croyons que ces coûts pourraient être réduits si l'on aidait les travailleurs en chômage à déménager pour occuper un emploi ailleurs. Cela peut se faire en réintroduisant l'élément recherche d'emploi du programme fédéral de la mobilité des travailleurs qui était en place au milieu des années 1970. Dans le cadre de ce programme, les travailleurs pouvaient obtenir une subvention pour recherche d'emploi applicable aux frais de déplacement et de logement engagés dans le cadre d'une recherche d'emploi dans une autre région du pays.
    Je vais conclure, monsieur le président. L'Association canadienne de la construction est heureuse d'avoir eu l'occasion de participer à vos délibérations sur l'employabilité au Canada. D'après les rapports que nous recevons, il est clair que le Canada sera confronté au cours des prochaines années à une grave pénurie de main-d'oeuvre. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de leader pour s'assurer que le Canada soit en mesure de maintenir sa compétitivité mondiale en veillant à ce que nous ayons une main-d'oeuvre suffisamment qualifiée pour relever les défis démographique auquel le pays sera confronté dans un avenir rapproché et pour assurer la croissance économique qui est prévue au cours de la prochaine décennie.
    Merci beaucoup.

  (1030)  

    Merci, monsieur Argento.
    Nous entendrons maintenant M. Lavoie.

[Français]

    Vous avez sept minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Si vous n'avez pas d'objection, monsieur Allison, je vais faire mon exposé en français, car c'est ma langue maternelle, mais je me ferai un plaisir de répondre ensuite aux questions en français ou en anglais, selon le cas.

[Français]

    Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante est une organisation qui représente des PME à la grandeur du pays. Vous avez devant vous une présentation de quelques diapositives sur lesquelles je vais revenir brièvement, de manière à laisser plus de place à la discussion par la suite.
    Certains de mes collègues ont déjà comparu devant le comité à Terre-Neuve et à Moncton. Plusieurs membres de la fédération sont présents puisque la question de la pénurie de main-d'oeuvre est une des priorités constantes des dirigeants de PME, tant au Canada qu'au Québec.
    Au cours des dernières années, on a constaté que la pénurie de main-d'oeuvre était intimement liée à plusieurs problématiques, que ce soit le fardeau fiscal, administratif et réglementaire ou l'assurance-emploi. Les dirigeants de PME nous parlent de la pénurie de main-oeuvre chaque année, car c'est une priorité constante pour eux. Et leur inquiétude à cet égard va grandissant depuis quelques années.
    Dans les diapositives que je vous ai remises, on constate que l'inquiétude des dirigeants de PME n'est pas nécessairement liée au taux de chômage. On serait porté à croire que la pénurie de main-d'oeuvre est inversement proportionnelle au problème de chômage, mais ce n'est pas nécessairement le cas.
    L'Alberta connaît actuellement des pénuries de main-d'oeuvre importantes. Nos dirigeants de PME disent constater que la main-d'oeuvre qualifiée, plus particulièrement parmi les jeunes, se dirige vers l'Ouest, ce qui est dommageable pour eux. M. Argento a d'ailleurs posé plus tôt une question qui portait sur la mobilité de la main-d'oeuvre.
    Le fait d'être en période de chômage moins élevé n'empêche pas nécessairement le problème de la pénurie de main-d'oeuvre de s'aggraver.
    La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante est une organisation qui procède à des sondages auprès de ses membres. On leur a posé des questions sur leurs plans d'embauche pour les 12 prochains mois: seulement 26 p. 100 d'entre eux prévoient embaucher plus de main-d'oeuvre à temps complet au cours des 26 prochains mois, et seuls 13 p. 100 comptent augmenter leur main-d'oeuvre à temps partiel.
    Ces faibles pourcentages sont étroitement liés à la difficulté d'embaucher de la main-d'oeuvre. Nos membres combleront quand même leurs besoins de main-d'oeuvre, mais en utilisant diverses stratégies: ils embaucheront du personnel sous-qualifié ou du personnel temporaire ou encore ils laisseront passer des occasions d'affaires. De façon générale, ces stratégies ne sont pas nécessairement viables à long terme, car elles ne font que combler un besoin à court terme.
    Le temps consacré à la formation de nouveaux employés représente souvent un nombre d'heures assez considérable pour les employeurs de toutes les régions du Canada. Ces employés ne sont pas nécessairement qualifiés et ont besoin d'être formés pour être amenés à niveau.
    Toutefois, la tendance à former de nouveaux employés est moins élevée au Québec qu'ailleurs au Canada, ce qui est quelque peu inquiétant. Le Québec consacre 104 heures à la formation informelle et 22 heures à la formation formelle des nouveaux employés, et le reste du Canada, 113 et 23 heures respectivement.

  (1035)  

    Il convient d'examiner davantage la question de la formation, car c'est une des solutions à la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Lorsqu'on demande à nos membres ce que peuvent faire les gouvernements pour atténuer les pénuries de main-d'oeuvre, on constate que la formation de la main-d'oeuvre, particulièrement au Québec, interpelle les dirigeants de PME.
    Avec l'adoption de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre, la loi 90, le Québec exempte les dirigeants d'entreprises dont la masse salariale est d'un million de dollars et moins des obligations de la loi.
    La FCEI a dénoncé très souvent — et j'y reviendrai — le fardeau que cette loi représentait pour les dirigeants de PME. Pourtant, la FCEI n'est pas contre la formation de la main-d'oeuvre dans les PME. Comme nous sommes membres de la Commission des partenaires du marché du travail et que nous avons une vision sur cette question, on aura l'occasion d'en discuter davantage.
    Le Québec a plusieurs champs de compétence: l'emploi, la formation, l'immigration, etc. Nous allons publier prochainement une vaste enquête sur la pénurie de main-d'oeuvre. Depuis quelques années, la fédération fait une veille sur la question de la pénurie de main-d'oeuvre. Le rapport de cette veille, qui traitera également de la question de l'immigration, sera publié au cours des prochaines semaines.
    Les gouvernements fédéral et provincial doivent coordonner leurs efforts en vue de créer des approches à géométrie variable, que ce soit sur la formation, l'assurance-emploi, l'immigration, les pensions, etc., et de trouver des solutions.
    Nous pensons également qu'il est important d'éduquer les entreprises, de les amener au même niveau. Il faut comprendre la réalité des dirigeants de PME. Une PME n'est pas une multinationale. Un chef d'entreprise porte plusieurs chapeaux: directeur des finances, directeur des ressources humaines, directeur de la production. De plus, il fait le café le matin pour ses employés.
    Vous devez tenir compte de la réalité de la direction d'une PME lorsque vous élaborez des politiques publiques. Je pourrais m'étendre énormément sur cette question, mais on aura certainement l'occasion d'en discuter au cours des prochaines minutes.
    Je vous remercie.

  (1040)  

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Lavoie.
    Nous passons maintenant à notre témoin, qui vient juste d'arriver, M. Gariépy.

[Français]

    Monsieur Gariépy, vous avez la parole pour sept minutes.
    Mesdames et messieurs, parlementaires canadiens, bonjour. Je vous souhaite la bienvenue au Québec et à Montréal, une région où les réalités prennent quelquefois une forme différente, ce dont il faut tenir compte. Je viens vous parler aujourd'hui d'une de ces réalités sous l'angle particulier des professions réglementées.
    Vous avez reçu notre mémoire directement, puisque je connais la règle qui veut qu'on ne transmette pas de documents qui ne sont pas traduits dans l'autre langue officielle. Les employés du Parlement canadien appliquent cette règle de façon rigoureuse. Quand cela réduit l'accès à l'information, ça m'embête un peu. Je vous ai donc fait parvenir directement notre mémoire. Grâce aux bons services des traducteurs, vous recevrez la version anglaise, comme cela a été le cas, d'ailleurs, lorsque nous avons comparu en avril 2005 devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration. Vous pourrez également consulter le mémoire que le conseil a présenté à l'époque.
    Les deux mémoires se ressemblent beaucoup parce que, quant à nous, les deux mandats se recoupent. Cela nous fait nous demander si les parlementaires se parlent. Deux comités permanents abordent à peu près le même sujet: la reconnaissance des acquis des personnes immigrantes. Cela me fait penser que le gouvernement fédéral a quelques difficultés, car deux ou trois ministères se mêlent de la même chose, que ce soit Citoyenneté et Immigration Canada ou Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Il y a peut-être lieu de se poser des questions sur la façon de faire du gouvernement, car nous devons choisir le bon interlocuteur. Je vois beaucoup de sourires, ce qui m'indique que vous me comprenez.
    Malgré le large mandat que s'est donné le comité, nous entendons ne traiter que de la question de la reconnaissance des acquis et de la mobilité de la main-d'oeuvre, puisque le Conseil interprofessionnel du Québec regroupe les 45 organismes de réglementation professionnelle au Québec. Nous ne représentons pas des gens d'affaires et nous ne représentons pas d'autres groupes qui s'intéressent aux autres problèmes que vous voulez aborder. Nous ne représentons que des organismes de réglementation professionnelle. C'est déjà beaucoup. Si on suit l'actualité, on peut constater que c'est souvent l'exemple que l'on met en exergue pour lancer quelques roches et faire étalage de bons sentiments dans ce dossier.
    Aujourd'hui, je souhaite vous faire part de quelques éléments de réalité hors des perceptions et des préjugés. Les faits nous empêchent de penser ce que l'on veut, et il est important de les connaître. Cela est encore plus important pour des parlementaires. Si vous faites cette tournée d'un bout à l'autre du Canada — qui doit vous coûter une jolie somme —, c'est parce que vous voulez connaître des éléments de réalité. Vous voulez vous faire une idée de cette réalité. Eh bien, livrons certains de ces éléments.
    Qu'est-ce que la réglementation professionnelle? Je sais que les réalités sont différentes dans d'autres juridictions, mais au Québec, qui a son Code des professions, la réglementation professionnelle s'appuie, depuis une trentaine d'années, sur la notion de protection du public, car il y a des risques associés à certaines activités. Il est important d'encadrer les professionnels dès le début de leur pratique, pour s'assurer de leur compétence au début et tout au long de leur vie professionnelle. C'est une compétence provinciale, non seulement par tradition, mais aussi parce que la plupart du temps, il s'agit de services de proximité. Les Pères de la Confédération ont bien perçu la réalité, 100 et 200 ans d'avance. Ils ont compris que c'était une bonne chose que ce soit l'assemblée législative la plus près des gens qui encadre les professions pour des services de proximité.
    Pour nous, la compétence professionnelle est à la base de la qualité de l'acte professionnel et de la gestion des risques associés à la pratique professionnelle. Sous cet angle, nous assurons pour la population québécoise les 45 ordres professionnels, que ce soit le Collège des médecins, que ce soit les ingénieurs, les technologues professionnels, pour qui a travaillé mon bon ami André Lavoie il y a quelques années, peu importe le domaine où il y a un ordre professionnel. C'est cet angle, ce cadre législatif qui est appliqué au Québec. Nous assurons à l'ensemble de la population québécoise une qualité de service sur tout le territoire du Québec. Pour nous, l'employabilité signifie la compétence dans un contexte de risque et de préjudice.

  (1045)  

     Qu'en est-il de la mobilité? Un permis professionnel est un outil de mobilité, mais comme la législation professionnelle est faite pour le territoire où on s'attend que la majorité des professionnels pratiquent, bien entendu, les spécificités, les critères et les normes sont québécoises.
    Je m'inquiète peu de la façon dont sont encadrés le système de santé et les médecins en Colombie-Britannique. J'y vais peut-être une fois tous les cinq ans. Pour moi, le service de proximité se trouve au Québec, et ce sont les législateurs québécois que je vais interpeller pour refléter mes souhaits de citoyen en ce qui a trait à l'implantation de normes d'encadrement des médecins pour mes proches, ma famille, mes amis et mes collègues de travail. Par conséquent, la réglementation professionnelle est une réalité qui est encore surtout locale et régionale. Il y a de la mobilité, il y a des services interjuridictionnels, et à ce sujet, il doit y avoir certains mécanismes.
    Les ordres professionnels québécois ont participé pleinement à la conclusion de l'Accord sur le commerce intérieur. Plus des deux tiers d'entre eux ont conclu des ententes avec leurs vis-à-vis, lorsqu'il en existe, parce qu'il y a des réalités institutionnelles qui varient d'une province à l'autre. Ils ont signé des ententes de reconnaissance mutuelle pour faciliter la chose.
    Le Québec a même été un précurseur, en levant certaines restrictions traditionnelles associées aux réglementations professionnelles, notamment sur la citoyenneté. Les ordres professionnels sont tenus d'adopter des règles d'équivalence de formation pour reconnaître la réalité du marché du travail et de l'expérience acquise sur le marché du travail.
    Depuis plusieurs années, nous avons mené, avec beaucoup d'intervenants au Québec, une refonte, une révolution peut-on dire, à l'égard de la reconnaissance des acquis des personnes immigrantes. J'ai d'ailleurs une petite nouvelle que je dévoile en exclusivité pour vous: nous venons tout juste de recevoir le prix de l'Association canadienne pour la reconnaissance des acquis, pour les actions que le Conseil interprofessionnel du Québec — autrement dit, l'ensemble des ordre professionnels du Québec — a menées depuis 2001 en faveur de la reconnaissance des acquis des personnes immigrantes. Le Québec est maintenant le chef de file au Canada des organismes de réglementation professionnelle en ce qui a trait aux actions posées en faveur de la reconnaissance des personnes immigrantes.
    Qu'en est-il du législateur fédéral et du gouvernement fédéral? Le défi économique, qui est une des conséquences du défi démographique, doit constituer une préoccupation constante de tout législateur, tout gouvernement. Lorsqu'il s'agit de passer à l'action, il faut être efficace, il faut agir là où sont les gens qui peuvent livrer la marchandise et là où se trouvent la problématique et la réalité.
    Au Canada, il existe cinq régions économiques dont les systèmes et les structures de main-d'oeuvre varient. Bien entendu, il y a des échanges entre les régions, mais les réalités fondamentales, les réalités géographiques, les réalités économiques, les structures de l'économie et les structures de l'industrie sont régionales, au Canada. Il y a toujours eu et il y a toujours cinq régions économiques, et chacune a sa propre réalité quant au marché du travail.
    Je comprends que le gouvernement fédéral se préoccupe de l'ensemble du développement, de la performance du Canada sur la scène internationale et de sa compétitivité, et qu'il veut agir. Mais attention, lorsqu'il s'agit de compétences constitutionnelles du Québec ou des autres provinces, lorsqu'il s'agit d'être efficace, il est difficile de croire qu'il est souhaitable de gérer les choses à partir d'Ottawa. Nous avons espéré, compte tenu de ce que le Parti conservateur avait déclaré au cours de la campagne électorale lorsqu'il parlait de respecter les champs de compétence des provinces, travailler avec elles. Malheureusement, l'arrivée et l'annonce d'une agence pour la reconnaissance des acquis qui va se superposer à ce qui se fait déjà dans plusieurs provinces et surtout au Québec, où la mobilisation est bien ancrée et livre des résultats, nous embête beaucoup. Cela nous inquiète. Je trouve qu'il s'agit de gaspillage de ressources et d'un chevauchement inutile.
    Nous vous disons que les choses vont bien au Québec. Nous avons encore du chemin à faire, mais nous allons dans la bonne direction. Le gouvernement du Québec est bien arrimé à ces partenaires que sont les ordres professionnels et les groupes de soutien aux personnes immigrantes. Il y a eu des rapports, des documents qui sont très clairs, très concrets, et nous en sommes à l'étape de l'action. Si le gouvernement fédéral crée une autre structure, un autre lieu de discussion ou d'intervention, il y aura chevauchement, inefficacité et, pire, on va faire durer des problèmes. Ce n'est à l'avantage ni des personnes immigrantes, ni du Québec, ni du Canada. Travaillons avec les gens qui ont déjà des solutions, qui sont déjà sur le terrain.

  (1050)  

    Si le gouvernement fédéral veut allouer des sommes d'argent — nous souhaitons tous que les choses se fassent —, qu'il transfère ces sommes au Québec. Les choses sont déjà bien organisées et les résultats sont déjà très encourageants. Allons donc de l'avant.

[Traduction]

    Monsieur D'Amours, vous avez sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais commencer en combinant les deux groupes, l'Association canadienne de la construction et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Vous me direz tous les deux si je me dirige dans la bonne direction. Trente et un pourcent — ce qui est presque 33 p. 100 — des membres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante au Québec sont des entreprises qui oeuvrent dans des secteurs saisonniers, pas seulement à Montréal, mais aussi en région. On parle notamment de l'industrie de la restauration, de l'hébergement ou même de l'industrie de l'agriculture et de l'industrie de la construction, etc.
    Je suis convaincu que vous avez des défis, autant l'un que l'autre, au niveau de la rétention de la main-d'oeuvre dans ces différentes industries. À cause de la spécificité du travail, les saisons nuisent aux industries. On ne peut récolter des patates et du brocoli ou exercer certains métiers de la construction 12 mois par année. C'est possible pour certains métiers, mais pas pour d'autres.
    Est-il difficile, pour chacune de vos organisations, de maintenir une main-d'oeuvre pour la saison suivante? Pour certaines industries, l'échéancier peut sembler court, mais 10 mois sur 12, c'est peut-être moins évident. De façon générale, les membres que vous représentez vivent-ils cette problématique de la spécificité saisonnière?
    Notre industrie est, dans une certaine mesure, affectée par la température, mais, dans une très grande proportion, nous travaillons 12 mois par année. Avec le réchauffement du climat, cette situation s'améliore à chaque année.
    Un travailleur de la construction, en principe, est un travailleur de la construction. On voit rarement des travailleurs de cette industrie oeuvrer dans la restauration, à moins qu'ils aient eu un accident de travail, qu'ils soient devenus incapables de faire le même travail et qu'ils aient dû se recycler.
    En principe, je ne pense pas que l'aspect saisonnier représente un défi pour l'industrie.
    Voilà une industrie qui profite du réchauffement de la planète.
    En fait, l'une des plus grandes difficultés pour ce type de dirigeant d'entreprise, c'est d'être assujetti à une réglementation qui n'est pas nécessairement adaptée aux conditions spécifiques de travail au sein de son entreprise. Par exemple, il y a au Québec un régime d'assurance parentale indépendant de celui des autres provinces, depuis à peu près un an.
    Prenons le cas d'un dirigeant d'entreprise où on cultive des petits fruits ou des légumes qui emploie des travailleurs de pays étrangers, comme des Mexicains ou autres, de façon saisonnière. Il doit, en raison des programmes sociaux en place, payer comme pour tous les autres employés permanents de son entreprise, des cotisations à l'assurance-emploi afin d'accorder exactement le même traitement aux travailleurs étrangers. Donc, ces derniers et les travailleurs permanents de l'entreprise sont traités sur un pied d'égalité. Cela mérite peut-être réflexion.
    On commence à entrevoir, chez les législateurs, une tendance à adopter des mesures qui tiennent compte de la taille et de la spécificité des entreprises. Trop longtemps, au sein du gouvernement québécois — même si le gouvernement fédéral n'est pas sans reproches non plus —, on a travaillé en fonction d'ensembles de grande taille. On ne s'est pas adapté à la réalité des petits dirigeants, que ce soit ceux dont l'entreprise est saisonnière ou d'autres.
    Peu à peu, le facteur de la taille de l'entreprise est pris en considération et on commence à avoir des politiques, des législations qui tiennent compte de cette réalité. Je vous encourage, dans l'élaboration de politiques, que ce soit au plan fédéral ou provincial — je ne vais pas entrer dans un débat sur les champs de compétence —, à tenir compte de la réalité de ces gens.
    Je terminerai en vous disant qu'en moyenne, les Québécois travaillent entre 32 et 33 heures par semaine. Il y a eu un long débat récemment sur ce sujet, mais je ne m'arrêterai pas à cette question ce matin. Les dirigeants de PME travaille 40 heures par semaine dans environ 40 p. 100 des cas et plus, mais ils travaillent 60 heures et plus dans plus de 30 p. 100 des cas, et ce, uniquement, à la production de biens et services. Ce n'est pas afin de se conformer à la réglementation ou à la législation. Donc, je crois que vous devriez tenir compte de cela dans l'élaboration de politiques, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou autre.

  (1055)  

    Je reviens à la question de l'agriculture et de l'industrie primaire, des services d'hébergement, de restauration touristique.
    Je suis du nord du Nouveau-Brunswick. Les préoccupations se rejoignent, que ce soit dans ma région ou dans certaines régions du Québec, ce sont des communautés semblables, souvent rurales.
    Faut-il dire à quelqu'un qui travaille huit mois par année qu'on va tout faire pour lui permettre de se recycler, qu'on va l'envoyer ailleurs pratiquer un autre métier, qu'il doit aller dans une autre région du pays afin de pouvoir travailler toute l'année? Est-ce que cela cause un problème aux entreprises que vous représentez lorsque l'année suivante ou la saison suivante, ce travailleur n'est plus disponible? Est-ce qu'il vous faut former quelqu'un à nouveau, trouver de nouveaux employés? Est-ce que cela accentue aussi le problème dont vous avez parlé, soit l'obligation pour l'employeur de verser des cotisations à l'assurance-emploi pour tous ses employés, quel que soit leur statut?
    Évidemment, dans le cas d'un roulement régulier de main-d'oeuvre, il n'est pas nécessairement facile pour un dirigeant de former un nouvel employé, puisqu'il y a des coûts liés à l'embauche. En fait, le coût d'embauche est probablement plus élevé que le coût de rétention de la main-d'oeuvre.
    On sait qu'il il y a un boom économique dans l'Ouest, actuellement.
    Prenez l'exemple de nos jeunes, dans les régions du Québec. Il est évident que pour une personne la moindrement qualifiée, qui sait qu'en Alberta elle peut gagner 25 $ ou 30 $ l'heure assez facilement, avec en mains un diplôme d'études collégiales spécialisées, ça pourrait être tentant de déménager. Est-ce que je pourrais associer nécessairement son départ aux conditions offertes au sein de l'entreprise saisonnière? Je ne saurais vous le dire.

  (1100)  

[Traduction]

    Merci beaucoup. Le temps est écoulé.
    Nous allons passer à M. Lessard, qui a sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je tiens d'abord à vous remercier de partager votre expertise et de nous faire part de votre opinion concernant la façon dont les choses devraient être orientées sur le plan politique.
    Je m'adresserai d'abord à Monsieur Argento.
    Je me réjouis de vous entendre parler avec autant de spontanéité et de fraîcheur de ces étrangers dont le permis de séjour n'est plus valide et qu'on renvoie chez eux alors qu'ils doivent revenir ici par la suite. C'est absurde, j'en conviens. Vous dites qu'il faudrait arrêter ce « taponnage ». Il est rare qu'une personne assumant des responsabilités comme les vôtres dise les choses aussi clairement. Je partage votre avis. C'est non seulement une situation ennuyeuse, mais c'est aussi une insulte à l'intelligence.
    Comme les autres intervenants, vous avez abordé la question de la mobilité. Vous dites que dans l'industrie de la construction, entre autres dans le cadre du Programme du sceau rouge interprovincial, on va pouvoir dispenser une formation d'adaptation plus générale, de façon à permettre une certaine mobilité. Vous dites qu'on pourrait couvrir les 300 métiers ou professions.
     M. Gariépy, entre autres, a souligné que la réglementation s'appliquait surtout par région économique. Le fait que la mobilité ait désormais une base régionale et économique n'est-il pas une forme de contrainte, en termes de travail?
    Vous avez raison, monsieur Lessard.
    On parle ici de programmes qui permettent la mobilité d'une province à l'autre. Il faut donc, c'est évident, se coordonner avec les provinces. En effet, dans bien des cas, il s'agit d'activités qui sont de leur compétence.
    Le Canada est un énorme pays dont l'économie est diversifiée. À l'heure actuelle, la situation est un peu particulière, étant donné que nous vivons un boom économique. L'économie se porte mieux dans certaines régions que d'autres, mais il reste que dans l'ensemble, elle se porte bien.
    Dans les provinces où l'économie a tendance à être moins vigoureuse, les gens sont contents de pouvoir se déplacer vers des régions où il y a de l'emploi. Nous croyons qu'il faut améliorer la mobilité de manière à ce que les régions du Canada ayant besoin de main-d'oeuvre puissent bénéficier de la disponibilité de celle-ci. En fin de compte, nous sommes d'avis qu'il ne faut pas se priver de cette possibilité. Il faut se coordonner avec les autorités locales. Je suis d'accord avec M. Gariépy lorsqu'il dit que la compétence de chaque province doit être respectée.
    Si vous le permettez, je vais compléter ces propos.
    Sans vouloir le moindrement offenser mon collègue André Gariépy, je dirai que tout n'est pas parfait dans les systèmes de réglementation provinciaux. On a pu le constater lors du conflit qui a opposé le Québec et l'Ontario dans le domaine de la construction. On a mis plusieurs années à le résoudre. Je ne parle pas uniquement des lois portant sur les professions. Au Québec, l'industrie de la construction a des caractéristiques distinctes, entre autres une loi spécifique qui porte sur les relations de travail dans l'industrie de la construction. Or, celle-ci donne lieu à des problèmes.
    Au début de septembre, il y a eu un forum sur l'industrie de la construction québécoise au Mont Saint-Sauveur. On y a évoqué toute la question de la mobilité de la main-d'oeuvre. Au Québec, au niveau interne, c'est un grave problème. La fédération représente aussi des entrepreneurs en construction. Il est difficile pour eux de déplacer des gens, même en région.
    Si des gens viennent d'autres provinces offrir leur expertise à des entrepreneurs québécois mais que ça ne cadre pas avec l'entente existante, par exemple celle entre le Québec et l'Ontario — et c'est particulièrement évident dans la région de l'Outaouais, qui est adjacente à l'Ontario —, il y a un problème. On ne peut donc qu'encourager les efforts qui sont déployés pour favoriser la mobilité, entre autres ceux du Conseil interprofessionnel.
    J'aborderai plus tard la reconnaissance des compétences des travailleurs, qu'ils soient ou non étrangers.

  (1105)  

    Selon un dicton — et je ne sais pas s'il est canadien ou québécois —, quand le bâtiment va, tout va. C'est donc dire que le secteur de la construction, résidentielle et industrielle, génère une force économique considérable. On a pu le constater au cours des dernières années. Or, on fait travailler des gens dans des conditions parfois aléatoires. On se rend compte qu'on a besoin d'effectifs, et on cherche les endroits où il y a des concentrations de main-d'oeuvre.
    Vous disiez plus tôt que la main-d'oeuvre étant vieillissante, il fallait agir autrement. Est-ce qu'on vit un dilemme, dans le domaine de la construction, du fait que la main-d'oeuvre d'un certain âge, bien qu'apte au travail, ne peut plus fournir les mêmes efforts au travail? On sait en effet que la construction est exigeante sur le plan physique. Est-ce qu'on va demander à ces gens de se déplacer à l'intérieur d'une province ou même à l'intérieur d'une même région économique alors qu'ils sont établis dans une communauté où se trouvent leur famille, leurs amis et leurs avoirs?
     Dans ces circonstances, comment peut-on bénéficier de ce levier économique et humain extraordinaire? Vous avez sûrement réfléchi à cette question.
    Vous mettez vraiment le doigt sur le bobo, et je pense ici à toute la question des apprentis et des compagnons. À l'époque où je représentais de jeunes travailleurs professionnels, il m'est arrivé tant et plus de voir des jeunes ayant un diplôme d'études collégiales dans un domaine technique spécialisé ne pas arriver à se faire une place au sein de l'industrie parce qu'ils étaient harcelés par la Commission de la construction du Québec.
    À l'heure actuelle, on a un problème qui est probablement davantage lié à l'entreprise qu'autre chose. Je comprends que les travailleurs âgés puissent se sentir menacés, mais ce n'est pas une raison pour empêcher ces jeunes de se déplacer d'une région à l'autre. Ce sont des travailleurs formés et compétents issus d'un système d'éducation québécois qui suscite l'envie un peu partout dans le monde. Certains d'entre eux seraient prêts à faire le sacrifice de se déplacer.
    Il ne faut pas oublier que c'est une industrie saisonnière. Quand on choisit de travailler dans l'industrie de la construction, c'est un peu comme choisir de devenir militaire. Une certaine mobilité est inhérente à l'emploi. Encore faut-il, cependant, qu'on permette à ces gens de se déplacer. Rien n'empêche qu'on le fasse en respectant les travailleurs plus âgés. Comme vous le disiez si justement, ces travailleurs plus âgés vieillissent. Ne pas avoir recours à ces jeunes pour préparer la relève équivaut à se tirer dans le pied. Notre industrie est de compétence provinciale, mais il ne faut pas oublier que c'est aussi le cas des autres provinces.

[Traduction]

    Je vous demanderais d'être bref, monsieur Argento.
    D'accord.

[Français]

    J'aimerais simplement ajouter qu'il faut appliquer plus d'une solution pour régler le problème de la main-d'oeuvre. C'est un métier dur. Par conséquent, quand les travailleurs atteignent l'âge de 55 ou 60 ans, on ne peut pas leur demander de continuer à travailler de 40 à 50 heures par semaine. Bien sûr, on veut avoir recours à eux le plus longtemps possible, dans la mesure de leur capacité. Il suffit parfois qu'ils travaillent deux ou trois jours par semaine plutôt que quatre ou cinq jours. Il faut regarder la forêt, donc l'ensemble du problème. Il n'y a pas qu'une seule chose à faire, mais plusieurs.
    On a parlé de favoriser l'apprentissage. Il ne faut pas seulement former ces gens: il faut aussi s'assurer qu'ils obtiennent un travail après avoir été formés. Dans le cadre du dernier budget, on accordait des crédits d'impôt, autant aux employés qu'aux employeurs, pour aider ces gens à s'intégrer au marché du travail. C'est difficile d'entrer dans le milieu de la construction, mais une fois entré, on y reste. Il faut insister sur ce fait.
    L'avenir, c'est essentiellement les jeunes. Il faut recruter des groupes qui n'ont pas tendance à opter pour la construction, par exemple les femmes et les Autochtones et, bien sûr, les immigrants. Il faut aussi mettre l'accent sur la mobilité. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas penser qu'un de ces facteurs a lui seul va régler le problème. Il faut utiliser tous les moyens possibles. Le défi est de taille.
    Merci.

  (1110)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Lessard.
    Nous passons maintenant à Mme Savoie.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vous remercie de vos présentations. Vous avez abordé des questions qui m'intéressent particulièrement. Elles touchent la Colombie-Britannique, où je vis. Bien sûr, ça chauffe du côté de la construction. Les problèmes que vous avez évoqués, nous les vivons également.
     Vous avez parlé des crédits compris dans le dernier budget. Il s'agit d'un bon départ, j'en conviens. Cependant, comme vous l'avez dit, ce n'est pas une stratégie qui répond aux problèmes de mobilité, de compétence, et ainsi de suite.
    Vous avez fait allusion au Programme du sceau rouge interprovincial. Vous avez dit, je crois, que 45 métiers étaient reconnus, alors qu'il en existe plus de 300. Y en a-t-il vraiment 312 ou s'agit-il plutôt d'une subdivision des 45 métiers?
    En ce qui concerne cette subdivision, l'expérience que nous avons vécue en Colombie-Britannique n'a pas été très utile pour nombre d'apprentis.
    Madame Savoie, je ne veux pas que vous et les autres membres du comité souffriez. Puisque mon français est terrible, je vais répondre en anglais.
    On peut s'exprimer dans l'une ou l'autre des deux langues.

[Traduction]

    Le ministère des Ressources humaines identifie 200 métiers dans ce que l'on appelle le tableau Ellis, qui énumère les métiers pouvant faire l'objet de stages d'apprentissage au Canada. Comme vous le signalez à juste titre, seulement 45 de ces 200 métiers sont identifiés dans le cadre du Programme du sceau rouge.
    Mais est-ce que certains de ces 200 métiers font partie des 45, ou bien s'agit-il de métiers différents? Il est certain que j'en connais quelques-uns dans le domaine technique, mais je suis simplement curieuse de savoir si l'un ou l'autre de ces 200 représente une sous-catégorie de l'un de ces 45 métiers.
    Certains, oui; d'autres, non. C'est la réponse la plus simple. Par exemple, il y a un métier appelé travail du coffrage, qui n'est pas un métier visé par le Sceau rouge.
    Les travailleurs du coffrage construisent le coffrage qui sert à couler les fondations d'un immeuble. Cela ne fait pas partie du programme du Sceau rouge, mais c'est l'un des 200 métiers. Il n'y a pas d'autre catégorie, si vous voulez. Ce n'est pas une sous-catégorie d'un autre métier, tandis qu'il y a certains métiers qui pourraient potentiellement être considérés comme des sous-catégories d'un grand métier.
    Par exemple, il y a le métier d'électricien, qui est visé par le Sceau rouge; pourtant, l'un des métiers qui ne fait pas partie du Sceau rouge, identifié comme l'un des 200 métiers, est celui d'électricien technique. Maintenant, quelle est la différence exacte entre ces deux métiers?b Je ne pourrais pas vous le dire. Donc, la réponse la plus facile à votre question, c'est oui et non.
    Je songeais au fait qu'en Colombie-Britannique, on a sous-divisé certains corps de métier dans le domaine de la construction. Il y a par exemple le poseur de portes; la formation se limite à cela, ce qui a causé des problèmes. On perd de vue l'objectif ultime de devenir un constructeur polyvalent; si c'est le poste qu'on lui offre, le type devient poseur de portes et il ne fait rien d'autre. Il n'a pas d'autre avenir. Cela me préoccupait et vous avez tiré la question au clair.

  (1115)  

    Franchement, c'est exactement cette situation que vous avez décrite et c'est pourquoi nous demandons une norme nationale quelconque pour ces divers corps de métier. La situation que vous avez décrite en Colombie-Britannique n'est peut-être pas la même ici au Québec, et elle est peut-être différente en Ontario, parce que les métiers sont définis de manière différente.

[Français]

     Je vous remercie et j'apprécie la précision. Je pense en effet que dans le cas de nombreux métiers, ça permettrait une plus grande mobilité.
    Monsieur Lavoie, vous avez parlé de développement et de formation, et j'ai trouvé intéressant que vous ne soyez pas particulièrement favorable à cette loi, alors qu'au cours des dernières semaines, les intervenants ont été nombreux à nous la présenter comme une solution.
    Je n'ai pas très bien compris pourquoi vous n'y étiez pas favorable. Vous avez mentionné le nombre d'heures de formation officieuse et officielle et vous avez comparé la situation du Québec à celle de la Colombie-Britannique. Il n'y a pas beaucoup de différence.
    Je dois clarifier mon propos, madame Savoie. J'ai dit que, lorsque la loi a été mise en place au Québec, l'incitatif était d'ordre financier, c'est-à-dire qu'on voulait augmenter l'investissement en formation. La façon de s'y prendre a été de créer un Fonds national de formation de la main-d'oeuvre. L'employeur qui n'avait pas réussi à démontrer de manière comptable qu'il avait investi 1 p. 100 de sa masse salariale dans la formation de la main-d'oeuvre devait automatiquement envoyer un chèque correspondant au ministère du Revenu, lequel le transmettait au Fonds national de formation de la main-d'oeuvre. Nous avons toujours dit que ce n'était pas la bonne approche à adopter.
    Entendons-nous bien: la FCEI est en faveur du développement de la formation de la main-d'oeuvre. D'ailleurs, tout récemment, une commission parlementaire s'est penchée sur le rapport quinquennal portant sur la loi. Nous ne demandons certainement pas l'abolition de la loi. C'est tout le contraire: à la suite de la levée du plafond de la masse salariale d'un million de dollars et plus, nous avons accepté l'invitation du ministre de l'Emploi de l'époque à siéger à la Commission des partenaires du marché du travail afin de rendre plus fonctionnelle la loi 90, soit la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre.
    Nous avons contribué à l'élaboration du Cadre général de développement et de reconnaissance des compétences en milieu de travail, qui est une approche beaucoup plus appropriée pour les dirigeants de PME, qui tient davantage compte de leur réalité. Nous voulons plus de mécanismes et de souplesse, car il y a beaucoup de formation informelle.
    Comme je l'ai dit tantôt, un dirigeant de PME dirige de 5 à 10 employés. Il était compliqué pour lui de se demander, au bout du compte, si la formation très informelle qu'il avait donnée à Joe cette semaine correspondait aux critères de la loi 90 et s'il pouvait l'inscrire comme dépense de formation. On disait que l'approche comptable n'était pas une bonne approche.
    Il faut regrouper la formation dans certaines régions. Il est difficile pour une entreprise isolée dans une région donnée de travailler à la mise en place d'une mutuelle de formation et d'inciter des employeurs à y participer. On a actuellement un programme de formation qui découle du cadre de développement des compétences avec des comités sectoriels. On met en place des normes professionnelles. On doit amener les entreprises à mettre à niveau les compétences de leurs employés. C'est beaucoup plus prometteur et porteur.
    C'est en ce sens qu'on était contre la loi telle qu'elle était. On se dirige vers une modification de la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre, qui fait l'unanimité chez les employeurs, les syndicats et les groupes communautaires qui siègent à la Commission des partenaires du marché du travail. Il s'agit là d'un pas en avant.
    Je veux être bien clair: nous ne sommes pas contre le développement de la formation de la main-d'oeuvre.
    Je vous remercie pour cette précision.

[Traduction]

    Le temps est écoulé. Vous devrez revenir à la charge au tour suivant.
    Monsieur Brown, vous avez sept minutes.

  (1120)  

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à M. André Lavoie. Je suis heureux de la présence de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Avant d'être élu député, j'étais membre de votre organisation. Je suis avocat et j'ai une petite entreprise.
    Votre organisation a toujours sondé l'opinion de ses membres. Dans votre présentation, vous avez dit avoir demandé à vos membres ce que pouvaient faire les gouvernements pour atténuer les pénuries de main-d'oeuvre. Soixante pour cent d'entre eux ont placé la réduction du fardeau fiscal au deuxième rang. Pourquoi? Faisaient-ils référence aux taxes, à l'impôt, à l'employabilité? C'est ma première question.
    Voici ma deuxième question: de quelle façon le gouvernement pourrait-il s'y prendre pour réduire l'impôt des entreprises indépendantes?

[Traduction]

    Je suis content de constater que vous avez été un fier membre de la FCEI.
    Effectivement, réduire le fardeau fiscal, c'est toujours l'une des premières priorités de nos membres et je dirais qu'il y a de nombreuses manières de s'y prendre. On peut intervenir au niveau des charge salariales ou des crédits d'impôt ou de l'AE. Il y a diverses manières de s'assurer que les propriétaires de petites entreprises aient davantage d'argent disponible. Dans le dernier budget, on a annoncé de très bonnes nouvelles du point de vue fiscal, par exemple le seuil de 400 000 $ pour les petites entreprises.
    D'une manière, ce que nous disons, c'est que vous devez donner un petit coup de pouce aux propriétaires de petites entreprises du point de vue fiscal pour les aider à réinvestir dans leur entreprise. C'est le contraire de ce qui se passe dans les grandes entreprises; je ne veux pas m'en prendre aux grandes entreprises, mais bien sûr, leurs dirigeants ont des comptes à rendre aux actionnaires. Normalement, les grandes entreprises ont pour but de faire de l'argent, évidemment, afin de remettre des dividendes à leurs actionnaires.
    C'est très différents dans le secteur de l'entreprise indépendante. Quand on donne un allégement fiscal à un propriétaire de petite entreprise, qu'est-ce qu'il va faire de l'argent ainsi dégagé? Il ne va pas nécessairement l'empocher. Il va le réinvestir dans son entreprise. Il va créer davantage d'emplois. Il va créer des possibilités de formation. Il va créer davantage de possibilités d'investissement dans la technologie afin d'améliorer le rendement de son entreprise. Voilà essentiellement ce que nous disons.
    Quant à votre deuxième question, je suppose qu'elle porte sur une manière différente de répartir l'impôt. Comme je l'ai dit, le dernier budget comportait de très bonnes nouvelles que nous avons trouvées encourageantes. Je vais vous en donner un exemple. La taxe sur le capital est contre toute logique. On taxe le profit avant même que l'entreprise ait fait un seul sou de bénéfice. C'est absurde. Tout le monde dit que c'est illogique. Je pense que les gouvernements doivent s'attaquer à cette mauvaise fiscalité qui est fondamentalement un boulet pour les entreprises.
    Je voudrais ajouter mon grain de sel à ces deux points de vue. Je dirais que le régime fiscal du Canada a besoin en fin de compte d'une refonte complète. C'est un régime fiscal qui pénalise les gens au lieu de les motiver. C'est mauvais sur les deux fronts. Comme André l'a dit, si un employeur paie moins d'impôt, il réinvestit davantage dans son entreprise. Pour un employé, surtout dans le secteur du bâtiment, quand un travailleur a fait ses 40 heures et gagné son 1 000 dollars dans la semaine, ou quoi que ce soit, si l'employeur lui demande de travailler quelques heures supplémentaires, l'employé est probablement disposé à le faire, mais ensuite il se ravise en disant: « Si je travaille trois, quatre, cinq ou dix heures de plus cette semaine, je vais payer deux fois plus d'impôt, alors je vais rester à la maison. Il fait trop froid dehors pour travailler à trois dollars l'heure. »
    Le régime fiscal est tout à fait désuet. Il faut l'actualiser et le rendre conforme au XXIe siècle; il faut encourager les gens à travailler et éviter que le régime fiscal soit perçu comme une pénalité. C'est une question que je voulais porter à votre attention.

  (1125)  

    Je vous remercie d'avoir expliqué de cette manière la motivation de travailler, parce que quand j'ai dit au début que cet allégement du fardeau fiscal pouvait être une manière de remédier aux pénuries de main-d'oeuvre, pour me faire l'avocat du diable, c'est-à-dire qu'en augmentant les impôts et en provoquant la faillite d'entreprises, on se trouve à libérer de la main-d'oeuvre qualifiée, mais il est certain que ce n'est absolument pas ce que vous voulez. Mais sur le plan commercial, quand on réduit les impôts, on stimule la création d'emploi; on crée davantage de besoins dans la population active.
    Ne craignez-vous pas qu'en réduisant les impôts, on se trouve en fait à créer une demande accrue de main-d'oeuvre qualifiée?
    Absolument pas. Je pense que le résultat sera exactement le contraire. On va donner un peu de répit aux propriétaires d'entreprises qui pourront réinvestir cet argent dans ce qui compte: la création d'emplois.
    Et la formation?
    La formation en fait partie aussi et c'est ce que j'ai toujours dit.
    Si vous voulez encourager les propriétaires d'entreprises à former un plus grand nombre de gens, n'allez pas alourdir la bureaucratie, créez plutôt les conditions voulues ou les structures, les structures élémentaires, ce qui aidera les entrepreneurs à tirer profit de ces structures.
    Je vais vous donner un exemple. Le programme fédéral visant les nouveaux arrivants sur le marché du travail était une excellente idée. Essentiellement, on donnait aux gens des crédits pour la création de nouveaux emplois ou pour avoir embauché de nouveaux travailleurs qui sont entrés sur le marché du travail.
    Je pense que vous devez encourager les propriétaires de petites entreprises. Cela peut prendre la forme de déductions fiscales, etc., mais ces derniers doivent avoir plus d'argent disponible pour pouvoir le réinvestir et devenir plus productifs.
    Ce qu'il faut, c'est que ça devienne plus payant pour les employeurs d'embaucher de plus en plus d'apprentis. Comme je l'ai dit, le dernier budget fédéral comportait l'octroi de subventions aux employés et aussi aux propriétaires qui emploient des apprentis, mais c'est limité à certains employés visés par le programme du sceau rouge. Nous disons qu'il faut étendre ce programme à tous les apprentis. Enrichissons notre main-d'oeuvre. Allons chercher les jeunes et incitons-les à se joindre à notre belle industrie.
    Je peux autoriser une dernière intervention, mais elle doit être très brève.
    Un dernier point: si vous accordez des crédits d'impôt quelconques aux petites entreprises, assurez-vous que ce soit les petites entreprises qui en tirent profit et non pas nécessairement les grandes entreprises, parce que si vous ajoutez trop de conditions et de restrictions, au bout du compte, les gens se découragent de présenter des demandes et vous perdez tous les avantages recherchés.
    Monsieur Gariépy, avant de passer au deuxième tour, je sais que personne ne vous a posé de questions sur les titres de compétence. Je sais qu'il s'agit d'un énorme problème. Il a été soulevé partout où nous sommes allés. Peut-être qu'au deuxième tour, certaines de ces questions seront posées.
    Je voulais simplement obtenir un éclaircissement. Je comprends que nous parlons de double emploi et je pense qu'en tant que parlementaires, nous constatons la chose de façon constante. Essayer d'atténuer ce problème est l'un des défis auxquels fait face le gouvernement.
    Parlez-nous un peu des titres de compétence étrangers au Québec. Ce que nous avons entendu dans les autres provinces, c'est que les gens arrivent ici en fonction des points qu'ils ont récoltés et des recommandations qu'ils présentent, puis on les écarte parce qu'ils ne réussissent pas les examens d'équivalence des titres de compétence étrangers. Ces examens sont très difficiles. Nous sommes conscients qu'ils varient d'une province à l'autre, mais parlez-nous un peu du succès que connaît le Québec à cet égard. J'en déduis d'après ce que vous nous avez dit de votre expérience de la situation que le Québec montre la voie. Le gouvernement fédéral pourrait peut-être s'inspirer de l'expérience du Québec. Compte tenu de votre expérience, pourriez-vous aborder certaines des difficultés à cet égard?
    Certaines des difficultés sont attribuables au fait que l'immigration crée un certain décalage parce que la personne qui immigre a été formée par un établissement d'enseignement dans son pays d'origine, et ces établissements assurent une formation propre à leur pays.
    Il existe des différences culturelles dans la façon dont les choses sont organisées. Les services de santé sont différents. Le protocole et la technologie utilisés dans certains pays sont différents. La façon d'interagir avec le client est différente. Lorsque vous travaillez dans le système de soins de santé, la façon d'aborder la douleur est un aspect culturel, et la formation que vous recevez n'est parfois pas adaptée à la réalité du Québec, du Canada, de l'Amérique du Nord.
    Il existe donc un certain décalage et ce n'est pas ce que l'on recherche; on recherche des aspects qui peuvent être reconnus. S'il s'agit de connaissances, tout le monde reçoit une formation et acquiert des connaissances d'une manière qui est raisonnablement équivalente. Lorsqu'il s'agit de science, c'est de la science. Mais lorsque vous traitez d'un aspect de l'application de la science, de la façon d'agir avec les clients ou avec d'autres professionnels, l'éthique, la façon dont les choses sont organisées, alors... Et il y a aussi l'aspect linguistique. Cela est même important en Ontario parce qu'il y a des situations où des immigrants qui arrivent ne connaissent pas suffisamment l'anglais pour pouvoir exercer leur métier. La communication dans le cadre de relations professionnelles avec un client est fondamentale pour connaître les besoins, puis exprimer quels sont les services offerts, puis obtenir le consentement et ensuite agir. Si vous n'arrivez même pas à comprendre la question posée dans un examen, comment pouvez-vous prouver que vous possédez les compétences voulues et comment pouvez-vous ensuite exercer votre profession? Ce sont tous des éléments dont il faut tenir compte.
    Il s'agit pour ainsi dire d'un décalage mutuel. Nous en sommes en partie responsables parce que nous sommes ici depuis quelques centaines d'années, nous avons établi des normes, des façons d'intervenir, des façons d'exercer notre profession — en fonction du niveau de technologie que nous pouvons nous permettre. Parfois nous n'avons pas l'argent voulu, mais nous pensons avoir l'argent pour avoir un bon système de soins de santé. Mais pour quelqu'un qui arrive de l'étranger, selon le pays d'origine, il y aura des décalages.
    Si l'on vient de l'Ontario, c'est un décalage mineur. Si l'on vient des États-Unis, alors là le décalage est plus important. Et lorsque l'on arrive de certains pays d'Afrique... Mais même en Afrique, lorsque vous arrivez d'un pays du Commonwealth, vous pouvez comprendre le système d'enseignement parce qu'ils ont conservé d'une certaine façon le système d'éducation britannique. Même dans les anciennes colonies françaises, on a conservé certains éléments du système d'éducation français. Si vous pouvez comprendre le système d'éducation français, vous pouvez vous adapter.
    Donc chaque fois, c'est une difficulté, et selon la vague d'immigration que l'on reçoit — de l'Asie du sud est, des pays du bloc de l'Est, ou de l'Afrique du Nord, de nouvelles difficultés surgissent. Et les difficultés consistent à obtenir de l'information pour l'immigrant et obtenir de l'information à propos de l'immigrant et de son pays d'origine pour établir les équivalences nécessaires.
    Il faut ensuite avoir des outils efficaces. Efficace signifie abordable mais aussi fiable, parce que nous délivrons un permis d'agir dans certaines circonstances qui présentent souvent des risques. Dans les institutions au Québec et dans d'autres provinces, on considère que lorsqu'on délivre un permis, on a confiance dans le permis délivré, et c'est pourquoi il faut s'assurer que le titulaire du permis sera en mesure de gérer le risque d'une manière raisonnable.
    Ce type d'information, ces types d'outils... Lorsque l'on réclame la reconnaissance des titres de compétence, bien des gens demandent d'évaluer la personne au lieu des documents qu'elle présente. Oui, très bien, mais comment? Il faut qu'il s'agisse d'une méthode fiable. Bien des gens qui voudraient que nous examinions la personne et disposions des outils nécessaires pour évaluer leur expérience de travail n'ont aucune idée des outils qui existent. Nous avons fait l'inventaire des outils qui existent. Ils ne sont pas très nombreux et c'est la raison pour laquelle le gouvernement du Québec a réservé des fonds pour développer des outils efficaces.

  (1130)  

    Il ne faudrait pas que la reconnaissance des titres de compétences prenne deux ans. Ce processus devrait être plus court et offrir une formation en vue de combler les lacunes.
    Cela n'est pas conforme avec les déclarations faites par le gouvernement. On dit que l'on veut ouvrir les portes aux immigrants, mais parallèlement, le système d'éducation n'offre pas la formation d'appoint. Alors l'immigrant dit qu'on lui a indiqué qu'il a besoin de cette formation, et il le reconnaît; il sait qu'il n'a pas reçu la formation voulue dans son pays, mais où peut-il recevoir cette formation? Le système d'éducation ici considère qu'il n'a pas cette formation, donc il doit tout refaire. C'est déraisonnable.
    C'est la raison pour laquelle, dans le rapport de novembre 2005 du groupe de travail auquel j'ai été nommé par le gouvernement du Québec, on aborde tous ces aspects. Laissons de côté les grands discours, les grands sentiments à propos de l'immigration ou quoi que ce soit; nous avons nettement dépassé ce stade. Nous sommes en train d'examiner les petits problèmes qui rendent le processus pénible pour tout le monde.

  (1135)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Lavoie.
    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter qu'il est pour moi extrêmement important que l'ensemble des ministères — qu'il s'agisse du ministère de l'Emploi, de l'Immigration, de l'Éducation ou autres — travaillent en collaboration lorsqu'un immigrant présente une demande de l'étranger. D'accord, le Québec choisit ses propres immigrants, et nous le savons, mais lorsque nous choisissons nos immigrants, nous devons nous assurer que nous n'admettons pas ici des détenteurs de doctorat si ce dont nous avons besoin ce sont des techniciens ou autres. Nous devons être en mesure de déterminer avec exactitude ce dont le marché a besoin.
    Une fois cela fait, nous devons nous assurer, dans les ambassades canadiennes, dans les bureaux du Québec ou d'autres bureaux gouvernementaux à l'étranger, de préciser la chose aux immigrants qui veulent venir au Canada. Il est extrêmement important d'établir ce lien à l'avance, avant que ces personnes arrivent ici. Nous sommes bien au courant du coût de la migration et nous sommes bien au courant du coût que représentent des décisions malencontreuses en matière d'immigration pour la société par la suite, parce qu'essentiellement, l'État devra assumer la responsabilité de ces personnes à un certain moment, et cela devient très coûteux, que ce soit sur le plan de la santé ou sur d'autres plans.
    Merci beaucoup.
    Nous passons au deuxième tour.
    Monsieur D'Amours, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais maintenant m'adresser à M. Gariépy et m'attarder à la question des professionnels, soit au Québec ou dans d'autres régions. Selon vous, quels sont les défis, ou plutôt, quels sont les obstacles à surmonter pour réussir à convaincre les professionnels à se diriger en région?
    Il est question de pénurie de la main-d'oeuvre, mais on peut parler également de pénurie de professionnels dans bien des régions, pour ne pas dire toutes les régions de ce beau et grand pays. Lorsqu'on examine la situation au Québec, on constate qu'il n'y a pas de différence. Je suis tout près de la frontière québécoise. Ce sont donc les médias francophones du Québec que nous écoutons. J'ai la chance de voir ce qui se passe dans le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie, à Montréal, à Québec.
    Qu'est-ce qui fait qu'il est si difficile de convaincre les professionnels de travailler en région? Ce n'est certainement pas uniquement l'attrait de la grande ville, parce qu'être pris dans la circulation pendant une heure et demie le matin et le soir n'est certainement pas un attrait. Il doit donc y avoir quelque chose que nous n'avons pas bien compris et que vous pourriez peut-être nous expliquer un peu.
    Mon père a immigré, pour ainsi dire. Il a quitté la région de Québec pour aller s'établir à Montréal, il y a plusieurs années. Dans ma famille, je fais donc partie de la première génération des gens nés à Montréal. Vous abordez quelque chose d'assez nébuleux, car il faut comprendre qu'il s'agit d'êtres humains.
    Chaque être humain a un idéal esthétique dans la vie. Son idéal esthétique est créé à partir de ce qu'il voit et de ce qu'il entend. La télévision, notamment, montre des idéaux esthétiques dans des téléromans, des comédies, etc. Tout est très urbain, et les gens ont le goût de vivre l'urbanité. Être dans la circulation, pour certains, est très bien, parce qu'ils sont avant tout derrière un volant et qu'ils aiment conduire une automobile.
    Pour certains, l'idéal esthétique est de vivre près du fleuve, dans le Bas-Saint-Laurent. Cela a été mon idéal esthétique, il y a quelque temps. J'avais envoyé, quelques années avant d'être embauché par le conseil, mon curriculum vitae pour postuler un poste assez intéressant à Rimouski. Ma conjointe et moi pensions que se serait bien pour élever des enfants. Comme vous voyez, ce sont des choix personnels.
    M. Lessard parlait de personnes plus âgées qui ont un groupe d'appartenance, leur famille. Ils ne vont pas s'exiler comme on le faisait à l'époque de la Baie James ou de la Manicouagan, ou comme le faisaient les bûcherons, qui partaient trois mois dans les bois pour ensuite revenir. À moins que l'on soit dans un régime à la Ceaucescu et que l'on oblige les gens à se déplacer, chaque individu, en toute liberté, fait des choix dans sa vie, et la résultante de ces choix crée les dynamiques sociologiques, géographiques et, par conséquent, économiques.
    J'ai peu de choses à vous dire sur la façon d'y arriver. On a souvent une attitude coercitive, entre autres envers les médecins. On dit aux jeunes médecins que s'ils veulent vivre la belle vie en Mercedes à Montréal, ils devront d'abord conduire une auto américaine plus modeste en région et revenir quelques années plus tard. Une telle façon d'agir est décriée, et contraindre des gens de cette façon est risqué, si on pense aux chartes des droits et libertés du Québec et du Canada. On peut les inciter et leur donner beaucoup de sous; encore là, ça ne fonctionne pas. C'est la dynamique humaine.

  (1140)  

    Je comprends votre point de vue, mais je vais vous donner un exemple qui contredit ce que vous dites. Prenons l'exemple des employés du gouvernement fédéral. Si vous occupez un poste, votre salaire sera identique d'une région à l'autre. J'ai travaillé à la Banque de développement du Canada, avant d'être député. J'aurais été payé au même salaire à Edmundston, au Nouveau-Brunswick, qu'à Vancouver ou à Toronto. Or, je vivais beaucoup mieux où j'étais. Mon salaire était le même que celui de mon collègue, mais le coût de la vie était nettement inférieur chez nous, et je n'avais pas à me taper la circulation tous les matins.
    Lorsqu'on tient compte de tous ces éléments, quelque chose fait en sorte que... Un professionnel est un professionnel: un radiologiste est un radiologiste, un ingénieur est un ingénieur. Quelquefois, il peut y avoir une différence au niveau salarial, mais je me pose toujours la même question, et je la pose aux étudiants qui se disent qu'ils aimeraient mieux travailler dans la région où ils étudient présentement. Quel est le coût de la vie? L'avez-vous évalué? Avez-vous pris le temps de comprendre et d'être conscients du rapport entre le salaire et le coût de la vie? En bout de ligne, le gain en vaut-elle la peine? Peut-être êtes-vous négatifs? Il s'agit peut-être d'une perception. Avoir un gros salaire peut sembler beau, mais si le coût de la vie est trois ou quatre fois plus élevé qu'ailleurs, cela en vaut-il la peine?
    Comparons la situation actuelle de Fort McMurry à celle de ma région, Madawaska-Restigouche. Une maison qui coûte de 80 000 $ à 100 000 $ chez nous coûte là-bas 350 000 $. C'est bien beau gagner 25 $ l'heure, mais qu'en est-il une fois que les impôts ont été payés? Comme certains l'ont dit, les impôts augmentent. Quand tout est payé, que te reste-t-il de plus dans les poches?
    Cela me rappelle le film La Grande séduction. Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais il décrit bien ce genre de situation.
    Il faut parler également de la situation dans certaines régions ressources. On constate présentement un phénomène dans le cadre de la crise dans le domaine de la foresterie au Québec. Il y a des régions ressources où, très souvent, au fil des ans, on a compté sur de grandes entreprises pour exploiter une ressource dans les environs, et des villes se sont construites de cette manière.
    Ce sont de véritables drames humains qui se vivent actuellement dans certaines de ces régions. Encore hier, Norsk Hydro annonçait la fermeture de son usine dans la région de Bécancour. Il se vit là de véritables drames humains. Évidemment, mon collègue avait raison de dire que le battage médiatique ne fait rien pour rendre les régions plus attrayantes.
    On a cependant d'autres exemples plus réjouissants: la région de Drummondville, la région de Trois-Rivières, la Gaspésie, qui est actuellement en train de prendre un virage avec le projet de parcs d' éoliennes. On peut créer des projets dans les régions.
    Il y a aussi toute la question de la relève des dirigeants de PME. Nos PME vont prendre un virage au cours des prochaines années, dans 10 à 15 ans. Nos dirigeants de PME vieillissent également. Voilà l'occasion pour des jeunes de les remplacer dans ces entreprises situées en région. Je crois que si on bâtit des projets autour d'une économie orientée peut-être vers de plus petites entreprises, on offre aux régions la capacité de se reprendre en mains, c'est tout à fait logique. Je crois qu'on doit justement considérer les exemples positifs qui s'offrent à nous et en faire la promotion, plutôt que de s'attarder seulement aux grandes entreprises qui mettent la clé sous le tapis.

  (1145)  

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Lavoie.
    Nous allons passer à Mme Bonsant, qui a cinq minutes.

[Français]

    Monsieur Lavoie, je suis d'accord avec vous en ce qui a trait à la double facturation, à la fois de la part du fédéral et du provincial. C'est pourquoi le mouvement souverainiste a débuté, en 1970. Il s'agit vraiment d'une double administration, d'un double paiement. Je suis d'accord avec vous, parce que cela se produit dans bien des cas.
    Il y a une chose qui m'a choquée un peu quand vous avez dit tout à l'heure que les PME n'étaient pas tout à fait favorables aux congés parentaux. Les compagnies décrient la dénatalité. La façon d'augmenter le taux de natalité, c'est en offrant des congés parentaux et des congés de maternité d'un an, parce que les jeunes reviennent aux valeurs familiales. Il faut aussi des centres de la petite enfance, parce que laisser un bébé à une grand-maman, à une tante, ou à je ne sais trop qui sur le bord de la rue, les jeunes ne sont pas prêts à le faire.
    Je trouve cela un peu choquant aussi, monsieur Argento, quand vous parlez de la mobilité des travailleurs de la construction. Si vous prenez une personne qui a un emploi saisonnier dans une ferme où on cultive des patates ou autre chose et que vous la transformez en travailleur de la construction, qu'arrive-t-il à l'agriculteur qui l'employait? Son entreprise est peut-être une PME. Comment va-t-il se débrouiller s'il perd sa main-d'oeuvre? Vous voyez, vous déshabillez Jean pour habiller Jacques.
    Je crois qu'en période de pénurie de main-d'oeuvre et à la lumière du taux de décrochage scolaire que l'on connaît, il faudrait peut-être donner la responsabilité aux écoles, aux chambres de commerce et aux entreprises d'aller chercher les jeunes à l'âge de 15 ou 16 ans et de leur montrer ce que sont le travail et l'éducation. Vous avez une main-d'oeuvre potentielle extraordinaire de jeunes qui décrochent parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils veulent et qu'ils ne sont pas encadrés. Si vous faisiez preuve de patience et que vous expliquiez aux gens qui sont plus vieux et qui ont peur de perdre leur emploi qu'ils pourraient donner de la formation aux jeunes, on pourrait probablement régler le problème du décrochage et la pénurie de main-d'oeuvre. Mais on ne doit pas leur dire qu'ils doivent laisser leur place; il faut plutôt leur dire qu'ils ont une expertise à transmettre. Ainsi, on ne viderait pas les régions rurales pour embourber les régions urbaines. En effet, dans les régions rurales, les gens partent. Le magasin général se vide, le Rona ferme ses portes et ensuite, il n'y a plus de jeunes et on se demande pourquoi on ferme l'école et pourquoi les jeunes ne reviennent pas en région.
    Je veux vous entendre parler de tout cela, car j'en ai un peu des trémolos dans la voix.
    Oui, parce que je crois que cela mérite des précisions.
    On s'entend que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante n'est pas contre le principe de l'assurance parentale. Toutefois, on a voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale une loi par laquelle on a décidé des fondements d'un régime en vertu duquel on vise à s'offrir une Cadillac, alors qu'on a que les moyens de s'offrir une Volkswagen. Et les législateurs ont décidé de négocier les termes de l'achat de cette Cadillac. Tel est le régime d'assurance parentale qu'on s'est donné. Par la suite, on a négocié avec le gouvernement fédéral, mais on n'a pas pu obtenir l'argent que l'on comptait obtenir. Le gouvernement du Québec a donc refilé la facture aux employeurs, alors qu'on avait fait des économies sur les régimes complémentaires de retraite et qu'on avait fait des économies à la CSST, sur les congés préventifs. Quand on refile ainsi la facture aux employeurs et aux salariés, pour ma part, je trouve cela indécent. C'est justement à cet aspect de l'assurance parentale que nous nous sommes opposés, car nous faisions partie du Conseil de gestion de l'assurance parentale. La FCEI a au moins ce mérite: lorsqu'une loi est votée, elle se range et elle essaie de s'y adapter et même d'en faire la promotion. Mais à un moment donné, il y a une certaine indécence à refiler la facture aux plus petits, alors que les grandes entreprises et le gouvernement en bénéficient parce qu'ils ont des régimes complémentaires. Mais je n'entrerai pas dans ce débat.
    Sur la question des garderies, je vous dirai qu'on a, au sein de la FCEI, plus de 200 membres qui sont des garderies privées. Alors, vous comprendrez bien qu'on n'est certainement pas contre le régime de garderies qui existe au Québec. Par contre, on se pose des questions actuellement sur l'universalité du régime et sur notre capacité à le maintenir tel qu'il est. Lorsqu'on établit un régime universel à 7 $ par jour, c'est bien beau, sauf que si un CPE est subventionné par l'État à environ 100 p. 100 et que la garderie privée doit combler un écart de financement important pour offrir ses services, cela ne peut pas fonctionner. En effet, une garderie privée doit charger le même prix, mais elle n'a pas les mêmes revenus qu'un CPE.

  (1150)  

    C'est encore une question de transferts qui ne fonctionnent pas, mais c'est politique.
    Écoutez, je ne m'embarquerai pas dans la question des transferts, je ne ferai pas de politique ici ce matin. Par contre, il existe une réalité pour les dirigeants de PME, et je crois que c'est important de remettre les choses en perspective sur ce plan.
    Nous ne pouvons pas nous opposer au principe, mais en définitive, nous représentons des membres qui casquent et qui paient la facture au bout du compte. Il y a un autre élément. C'est le dernier, en fait, car je vais m'arrêter là. C'est bien beau de faire la promotion des programmes sociaux, sauf qu'il faut comprendre la réalité d'un dirigeant de PME. Si j'ai une entreprise qui compte cinq employés, madame Bonsant, et que j'en perds un, 20 p. 100 de ma main-d'oeuvre vient de partir.
    C'est bien, la générosité des programmes, et nous avons des lois très progressistes au Québec sur le plan des normes du travail, du côté du Code du travail. Ce sont les lois les plus progressistes au Canada, mais il faut en être conscient. C'est bien beau, la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et c'est bien de donner des droits aux travailleurs et aux salariés. Je ne m'oppose aucunement à ce que la main-d'oeuvre ait des droits. Au contraire, c'est fantastique, mais il faudrait peut-être aussi écouter les préoccupations des employeurs. C'est un casse-tête actuellement pour les employeurs de conserver leur main-d'oeuvre. Or, c'est évident que si j'alloue un congé parental et que l'employé n'a même pas l'obligation de prévenir son employeur qu'il va quitter dans les prochains jours et que, le vendredi matin, il l'avise qu'il ne rentrera pas le lundi suivant parce qu'il prend son congé de paternité, il y a un déséquilibre quelque part.
    C'est peut-être dans l'application de tous ces régimes qu'il faut pouvoir, à un moment donné, donner un répit aux petits employeurs.

[Traduction]

    C'est tout le temps que nous avons.
    Je laisserai M. Argento faire un bref commentaire avant que nous continuions.

[Français]

    En ce qui concerne la mobilité de la main-d'oeuvre, madame Bonsant, nous disons d'abord qu'il est impossible pour quelqu'un qui travaille en agriculture, qui cultive des patates ou des cerises, d'aller travailler dans le domaine de la construction. Ce n'est pas possible, spécialement au Québec où tout est légiféré mur à mur, comme monsieur l'a expliqué.
    Nous revendiquons plutôt une mobilité géographique. Si je suis menuisier à Montréal, je pourrais travailler à Ottawa et être reconnu.
    Je vous donne un exemple, puisqu'une image vaut mille mots, comme on dit. Il y a peut-être sept ou huit ans, nous construisions le pont du Portage reliant Ottawa et Hull — la ville s'appelait ainsi, à l'époque. Il y a sûrement des personnes présentes qui connaissent ce pont. Or, ce pont est de deux ressorts territoriaux: une partie appartient au Québec; l'autre, à Ottawa. Or, il fallait compter le nombre de menuisiers qui travaillaient de ce côté-ci du pont et ceux qui travaillaient de l'autre côté. C'était ridicule. Il y avait des inspecteurs des deux côtés. C'est le genre de phénomène dont on parle lorsqu'il est question de mobilité. On ne parle pas de recruter des spécialistes de l'agriculture pour les amener dans le domaine de la construction ou vice-versa. Cela ne se fait pas, la réalité est tout autre.
    La réalité, c'est qu'on a des problèmes entre les provinces. C'est souvent plus facile de travailler avec les États-Unis qu'avec une province voisine, une province canadienne. C'est cela, le ridicule de l'affaire. Ce sont les points que nous essayons de mettre en avant.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Argento et madame Bonsant.
    Nous allons passer à Mme Savoie. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci.
    Je voudrais néanmoins revenir à la question des travailleurs temporaires. Vous avez aussi évoqué la question des travailleurs agricoles. Je me demande ce que vous entendez par la révision des critères, parce qu'on a beaucoup entendu parler d'abus vis-à-vis de ces travailleurs temporaires. Je me demande comment nous pouvons aider ces travailleurs: d'abord leur donner une protection, puis nous assurer que nous ne nous embarquons pas dans une course vers le bas. Il y a aussi une certaine protection pour des travailleurs canadiens.
     Comment équilibrer ces facteurs?

[Traduction]

    En fait, nous avons entendu certaines des allégations concernant les travailleurs, particulièrement dans votre région en ce qui concerne la ligne RAV à Vancouver. Je dirai que nous sommes préoccupés par cet incident en particulier. Bien entendu, nous ne prenons pas ces allégations à la légère, et elles ne sont pas acceptables. Cependant, en ce qui concerne Vancouver, nous avons posé la question à nos homologues de la Colombie-Britannique, et les représentants de la province ont demandé des preuves appuyant ces allégations. Nous n'avons encore rien reçu, donc il est difficile de commenter cet incident.
    Cependant, je dirai que RHDCC et Citoyenneté et Immigration ont la responsabilité de s'assurer que les travailleurs étrangers temporaires sont traités équitablement et qu'ils reçoivent un salaire concurrentiel. Nous encouragerions les représentants de CIC et de RHDCC de s'assurer qu'ils respectent ces responsabilités.
    Je sais que certains laissent sous-entendre, en particulier certains syndicats, lorsque l'on parle des travailleurs temporaires, que c'est simplement une façon pour les employeurs de l'industrie de la construction de faire appel à une main-d'oeuvre étrangère bon marché. Je tiens à dire que ce n'est absolument pas le cas. En fait, cela n'a pas de sens. Il est très coûteux pour une entreprise de recruter des travailleurs étrangers temporaires. Il y a les coûts de déménagement, de déplacement, de recrutement et de recyclage, coûts qui n'existent pas lorsqu'on engage un travailleur canadien.
    En résumé, devrions-nous accepter ces traitements injustes? Absolument pas. Il incombe incontestablement au gouvernement fédéral de veiller à ce que ce genre de choses ne se produise pas. Cependant, il ne faudrait pas que ces problèmes possibles nous dissuadent d'envisager le recours à des travailleurs temporaires étrangers comme source de main-d'oeuvre.

  (1155)  

    J'accepte la déclaration que vous avez faite.
    Seriez-vous d'accord par conséquent que les travailleurs de l'étranger auxquels on fait appel, en partant du principe qu'ils comblent une lacune réelle, devraient recevoir un salaire équivalent à celui des travailleurs canadiens pour un travail correspondant?
    Bien sûr, il n'y a aucune raison d'agir autrement. Ils viennent ici nous aider, et nous n'avons aucune raison de profiter d'eux. Ce que nous disons c'est oui, nous devrions recourir à leurs services, mais aussi les respecter.
    J'ajouterais qu'il est également important de ne pas oublier que l'une des conditions pour faire appel à ces travailleurs étrangers, c'est que les employeurs doivent prouver qu'ils ont épuisé toutes les possibilités d'engager d'abord un Canadien. Personne n'a jamais laissé entendre qu'il faut éliminer cette exigence. Nous pensons que les employeurs doivent être absolument tenus d'engager d'abord un Canadien et qu'ils ne doivent recourir aux services des travailleurs temporaires étrangers que si personne d'autre n'est disponible.
    Merci beaucoup.
    Notre temps est écoulé.
    Pardon?
    Je vous donne le temps qu'il me reste.
    Je vous le prendrai, je vous remercie.
    Je sais que notre temps est écoulé, et nous vous remercions de vous être joint à nous, mais j'aimerais avoir des éclaircissements au sujet des charges sociales concernant la formation.
    Monsieur Lavoie, vous avez abordé cette question quelques fois. Vous avez parlé du projet de loi C-90. J'aimerais avoir des éclaircissements. On en a parlé dans le cadre de nos discussions. Est-ce une mesure sur laquelle s'entendent les employés et les employeurs? Vous avez également fait des commentaires à propos de certaines lois, et je tenais à m'assurer que c'était effectivement le cas.
    Deuxièmement, est-ce que cela présente d'autres difficultés? De toute évidence, nous avons également parlé de la formation officielle et non officielle. Je voulais savoir qu'elle formation était admissible à ce 1 p. 100.
    Je vous pose toutes ces questions en une minute.
    Je vais essayer de ne pas dépasser une minute.
    Pour ce qui est de la formation structurée et non structurée, une partie de notre problème est que nous devons nous en tenir aux dispositions de la Loi sur la formation. Comme je le disais, cette loi est fondée sur une logique comptable. Essentiellement, on demande aux employeurs de calculer combien de formations ils ont offertes au sein de leur entreprise au cours d'une année et d'indiquer si cela représente au moins 1 p. 100 de leur masse salariale. S'ils ne peuvent pas prouver qu'ils l'ont fait au moyen du mécanisme prévu dans la loi, ils doivent envoyer 1 p. 100 de leur masse salariale au ministère du Revenu.
    Nous essayons de nous éloigner de cette logique pour les petites entreprises dont la masse salariale est inférieure à 1 million de dollars et de mettre en place un système qui leur permettrait d'assurer le perfectionnement des compétences de leurs employés et de reconnaître ces compétences sur le marché du travail sans être obligé de passer par le système d'enseignement. Nous sommes d'accord là-dessus; il y a un consensus parmi les syndicats et les employeurs du Québec.
    Je dirais que c'est dans les détails qu'on trouve les problèmes. Tout dépendra de la mise en oeuvre. Bien sûr, nous ne seront peut-être pas totalement d'accord avec la mise en oeuvre, mais notre principale préoccupation, à la FCEI, c'est que le système soit simple et que la réglementation ne soit pas trop lourde, sinon nous allons étouffer le principe. C'est malheureusement ce qui arrive dans bien des lois, en ce qui concerne les principes.

  (1200)  

    Encore une fois, messieurs, je tiens à vous remercier infiniment d'être venus discuter avec nous de ces importantes questions et d'avoir enrichi nos connaissances. Dans nos déplacements dans l'ensemble du pays, nous constatons certaines ressemblance, mais encore une fois, il y a également dans chaque région des idées unique qui nous sont également utiles. Merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui.
    La séance est levée.