Passer au contenu
Début du contenu

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 9 novembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (0900)  

[Traduction]

    À notre dernière séance, comme vous le savez, nous examinions le Budget supplémentaire soumis par le ministre pour l'exercice 2006-2007. Vous vous souvenez également que nous avons déjà traité du crédit 1a, qui a été adopté. Passons maintenant aux crédits 2a, 5a et 10a.
IMMIGRATION ET CITOYENNETÉ
Ministère
ç
Crédit 2a — Citoyenneté et Immigration — Conformément au paragraphe 25(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, radier des Comptes du Canada 3 164 dettes dues à Sa Majesté du chef du Canada, s'élevant à 986 871 $ relativement à des prêts versés aux immigrants aux termes de l'article 88 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés — Pour autoriser le virement au présent crédit de 41 349 $ du crédit 1 (Citoyenneté et Immigration) de la Loi de crédits no 1, pour 2006-2007 et pour prévoir un montant supplémentaire de….....945 522 $
    (Le crédit 2a est adopté.)
Crédit 5a  — Subventions inscrites au Budget des dépenses…... 3 000 000 $
    (Le crédit 5a est adopté)
Crédit 10a — Dépenses du Programme….  3 820 070 $
    (Le crédit 10a est adopté)
    Vais-je faire rapport du Budget supplémentaire à la Chambre?
    Nous pouvons le faire aujourd'hui.
    Des voix: D'accord.
    Le président:C'est vite fait. Maintenant, nous pouvons passer à notre étude des centres de détention et des certificats de sécurité.
     J'invite les témoins présents aujourd'hui à s'approcher.
    Monsieur le président, souhaitiez-vous étudier le Budget supplémentaire?
     J'invite les témoins à s'approcher pour l'étude des centres de détention et des certificats de sécurité.
     Nous accueillons ce matin des témoins représentant Amnistie internationale Canada, la Coalition Justice pour Adil Charkaoui, le Comité Justice pour Mohamed Harkat et la Campagne pour mettre fin aux procès secrets au Canada.
    Il me semble que les témoins ne soient pas tous présents, mais je crois qu'ils ont tous été appelés et qu'ils ne tarderont pas à se présenter.
    Il conviendrait peut-être de suspendre les travaux durant quelques minutes, jusqu'à l'arrivée des témoins.
    Une voix: Monsieur le président, il y aurait peut-être lieu de vérifier auprès du service de sécurité s'ils n'ont pas été retardés par lui.
    Le président: Oui, bonne idée. Est-ce que quelqu'un pourrait se renseigner auprès du service de sécurité?
    Dans l'intervalle, comme il ne s'est écoulé que deux ou trois minutes depuis 9 heures, je propose que nous suspendions les travaux durant cinq minutes pour attendre l'arrivée des témoins. Merci.

  (0900)  


  (0905)  

    Reprenons. Je souhaite la bienvenue aux témoins présents ce matin pour participer à notre étude des centres de détention. Comme je l'ai dit déjà, nous accueillons des représentants d'Amnistie internationale Canada, de la Coalition Justice pour Adil Charkaoui, du Comité Justice pour Mohamed Harkat et de la Campagne pour mettre fin aux procès secrets au Canada.
    Vous connaissez sans doute le fonctionnement de notre comité. En qualité de témoins, vous disposez de cinq à dix minutes, ou plus s'il le faut, pour faire une déclaration préliminaire, après laquelle les membres du comité vous poseront des questions et formuleront des commentaires, ainsi de suite. Nous avons deux heures je crois, ce matin, soit jusqu'à 11 heures. Vous pouvez prendre la parole si vous le voulez et présenter les personnes qui vous accompagnent.
    Bienvenue.
    Je donne la parole au porte-parole du groupe. Nous vous écoutons.
    Bonjour.
     Je m'appelle Alex Neve. Je suis secrétaire général de la section anglophone d'Amnistie internationale Canada et je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser à vous ce matin.
    Depuis nombre d'années, bien avant les attentats du 11 septembre et leurs retombées qui ont fait porter une attention si nécessaire sur la question des certificats de sécurité, Amnistie internationale a clairement exprimé au gouvernement ses très vives inquiétudes au sujet de cet aspect particulier de la loi canadienne sur l'immigration. Nous avons signalé ce que nous estimons être un certain nombre de défauts graves du processus, lequel est bien loin de respecter les obligations internationales juridiques du Canada dans le domaine des droits de la personne. C'est sur quoi portent nos interventions: les normes d'équité des procès, la détention arbitraire, la discrimination et la protection contre la torture.
    Les inquiétudes sur le plan des droits de la personne sont effectivement nombreuses, comme je l'ai déjà signalé, mais nous sommes très heureux de l'attention que vous portez particulièrement à la détention parce qu'à beaucoup d'égards, elle est l'un des aspects très importants de cette tragédie humaine, qui ne reçoit pas l'attention qu'il faudrait lui accorder et qui, à certains égards, est l'aspect du processus relatif au certificat de sécurité dont les conséquences humaines sont les plus débilitantes et les plus néfastes.
    Ces dernières années, des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour dénoncer les graves manquements aux droits de l'homme et pour réclamer des réformes essentielles à cet égard. L'appel à l'action a été lancé par les personnes actuellement détenues, leurs familles, leurs avocats et les groupes qui leur accordent leur soutien.
    Je vous signale également que cette inquiétude trouve écho à l'échelle internationale. De plus en plus d'experts des Nations Unies en la matière — comme le comité le sait sans doute déjà — étudient la question depuis quelques années et ont incité le Canada à modifier le régime, dont le Comité des droits de l'homme des Nations Unies et le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies qui ont tous les deux publié un rapport très important l'an dernier.
    La détention arbitraire, dans l'optique des droits de la personne, suscite donc une inquiétude à l'échelle mondiale, ce qui, à mon avis, accroît l'importance pour le Canada d'agir afin de réparer l'injustice. Le non-respect par le Canada des recommandations des Nations Unies relatives aux droits de la personne, à cet égard ou à tout autre égard, non seulement empêche-t-il de remédier à la situation qui nous inquiète, mais il diminue l'intégrité et l'efficacité du régime des droits de l'homme des Nations Unies, régime que le Canada a contribué à mettre en place et dont il se fait le champion.
    L'enjeu est grand, pour les personnes dont les droits sont menacés et pour leurs familles évidemment très inquiètes qui subissent les effets, mais, dans une optique plus générale, pour ce qui est de l'intégrité des importantes normes relatives aux droits humains que défend le Canada au pays et à l'étranger.
    Nous sommes maintenant tous tournés vers la Cour suprême du Canada, dans l'espoir que la décision qu'elle rendra prochainement dans trois des affaires qui lui sont soumises en la matière obligeront enfin le gouvernement à agir.
    J'aimerais prendre quelque temps aujourd'hui pour vous exposer un certain nombre de questions liées à la détention. Je vais insister sur quatre aspects particuliers, à savoir le traitement des personnes détenues, certains éléments des programmes, des questions générales de discrimination et, enfin, la question très importante de nos inquiétudes au sujet de la durée de la détention.
    Prenons d'abord l'aspect du traitement. Comme la détention dans un centre de détention de l'Immigration n'est pas un emprisonnement dans un établissement correctionnel, le traitement des personnes détenues devrait être le plus bienveillant possible et certainement pas plus mauvais que celui qui est réservé aux personnes détenues parce que des accusations ont été portées contre elles ou qu'elles ont été condamnées à l'emprisonnement après avoir été reconnues coupables.
    Je souhaite seulement souligner au comité qu'il s'agit là de normes internationales. La détention est régie par un certain nombre d'importantes normes juridiques internationales. Il existe des normes générales prohibant la détention arbitraire qui sont énoncées dans les traités internationaux, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les Nations Unies sont cependant allées plus loin et, au cours des 20 à 30 dernières années, ont énoncé des règles détaillées dans un certain nombre d'instruments importants qui définissent plus précisément le traitement des détenus et les conditions de détention. Ces instruments comprennent l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, l'Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté.

  (0910)  

    Nous pouvons bien sûr faire en sorte que les membres du comité obtiennent une copie de ces documents s'ils le souhaitent.
    Comme toute personne détenue, les personnes détenues dans des centres de l'Immigration doivent être traitées d'une manière qui respecte la dignité inhérente à la personne humaine.
    Tout cela est tiré des normes internationales.
     La détention de ce type n'ayant pas lieu pour des raisons criminelles, les services, installations, activités et programmes doivent être de nature telle que les différences entre la vie en détention et la vie en liberté soient les plus petites possibles. Ils doivent répondre aux besoins individuels de chaque personne détenue, compte tenu de ses antécédents, de son âge, de son sexe, de sa culture, de sa religion et de sa langue. La discrimination entre personnes détenues pour des motifs tels que la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou les opinions politiques ou d'une autre nature est strictement interdite.
    Dans les normes juridiques internationales, en outre, il est clairement précisé qu'il est très important pour les détenus de pouvoir conserver un contact raisonnable avec le monde extérieur. Surtout, il faut permettre à une personne détenue de pouvoir conserver sa relation avec famille et proches amis. Le principe directeur applicable doit être celui de faciliter les liens avec le monde extérieur. Toute restriction à cet égard doit être motivée exclusivement et très strictement par de graves craintes de menace à la sécurité. Il faut permettre à chaque détenu d'avoir au moins une fois par semaine un contact avec des membres de sa famille, des amis et des membres de la collectivité, par une visite, par lettre ou par téléphone. Il ne faudrait jamais priver une personne détenue de la communication avec le monde extérieur pour plus de quelques jours successifs.
     En dépit de ces normes, la réalité est tout autre pour les personnes détenues en vertu de certificats de sécurité. Hassan Almrei, par exemple, n'a pas de famille au Canada. Durant les deux premières années de détention au centre de détention de l'Ouest du Grand Toronto, il n'a pas été permis à M. Almrei de téléphoner à sa famille en Arabie saoudite. Il pouvait uniquement faire des appels à frais virés au Canada, mais ne pas en recevoir. Après ces quelque deux années, il lui a enfin été possible, par l'intermédiaire d'un ami, de faire des appels conférences à trois au moyen d'une carte d'appel et de communiquer avec sa famille en Arabie saoudite. Depuis, il a été transféré au centre de surveillance de Kingston où il a perdu le droit à ces appels conférences. Il lui est interdit de téléphoner directement à ses parents. À notre connaissance, il n'a eu aucun contact avec sa famille depuis six mois.
    Lorsqu'il était détenu au centre de Toronto, Hassan Almrei avait une visite presque chaque semaine depuis juillet 2003, la durée de la visite étant cependant limitée à 40 minutes. Au cours des six derniers mois, depuis son transfert au centre de surveillance de l'Immigration de Kingston, il n'a reçu que trois visites.
    Bien sûr, toutes les personnes détenues ont le même problème. Il faut un jour complet pour une visite au centre de Kingston et le coût d'une visite est trop élevé pour les familles et les amis, en grande partie à cause de la distance à parcourir. Pour les familles de nombreux détenus, la visite représente un déplacement aller-retour d'une durée totale d'environ cinq heures.
    J'insiste sur le fait que les visites des familles ne sont pas qu'une occasion agréable, mais bien un droit fondamental qui est clairement reconnu dans les normes internationales. Il ne suffit pas de dire que les visites sont permises pour que le droit soit respecté, ces visites doivent avoir lieu. Les autorités devraient prendre des mesures pour régler les difficultés liées aux appels téléphoniques ainsi qu'au coût à engager et à la distance à parcourir pour les visites des familles.
     Si vous le permettez, je vais maintenant vous dire quelques mots au sujet des programmes. La détention en vertu d'un certificat de sécurité est en théorie — mais il en est bien sûr tout autre dans la pratique — une mesure temporaire devant mener au renvoi rapide des personnes présentant, de l'avis du gouvernement, une menace sérieuse pour la sécurité. La théorie est cependant très éloignée de la réalité. Plusieurs des hommes en détention sont détenus depuis des années dans l'attente de leur renvoi. Pendant ce temps, ils ont été détenus dans des établissements correctionnels provinciaux avant leur transfert récent à Kingston.
     Le gouvernement a souvent été informé de graves inquiétudes au sujet de l'absence d'accès de ces détenus à des programmes. Certains détenus n'ont eu accès à aucun programme durant leur séjour de plus de cinq ans au centre de l'Ouest du Grand Toronto. Des responsables de l'immigration ont promis à diverses reprises de fournir aux détenus les livres qu'ils demandaient, mais ils ne les ont jamais obtenus.
    Contrairement au centre de détention du Grand Toronto qui permettait au moins aux détenus de commander des livres par la poste, le centre de surveillance de l'Immigration de Kingston déduit le prix des livres reçus du montant total de 1 500 $ en biens que les détenus peuvent recevoir. Selon des informations publiées, les autorités ont retenu de nombreux livres et articles adressés aux détenus, soutenant qu'il fallait les examiner pour déterminer s'il y avait menace pour la sécurité.

  (0915)  

    Je rappelle au comité qu'il existe des normes internationales établissant qu'il est important de fournir un accès à des ouvrages didactiques ou culturels de sources publiques, en nombre raisonnable, sous réserve seulement des conditions raisonnables et absolument essentielles à la protection de la sécurité.
    Je crains qu'il y ait discrimination. En avril 2006, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, dans son examen de la mise en application par le Canada du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, a exprimé certaines inquiétudes au sujet de la délivrance de certificats de sécurité en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et, en particulier, de la détention obligatoire de ressortissants étrangers qui ne sont pas des résidents permanents.
    Dans son rapport, le Comité des droits de l'homme s'interroge sur la détention automatique de tout résident non permanent en vertu du processus de délivrance de certificats de sécurité et sur le fait que la Cour fédérale semble hésiter à accorder la libération sous caution, même lorsque des garanties considérables sont fournies. Cela soulève de sérieuses craintes de discrimination. C'est ce qu'a soutenu Amnistie internationale dans son intervention devant la Cour suprême.
    Le Comité des droits de l'homme a déjà affirmé que des étrangers ne peuvent pas être détenus pour la seule raison qu'ils ne sont pas des résidents. Ils ne doivent pas faire l'objet d'un traitement distinct uniquement en raison de leur qualité d'immigrant ou de leur nationalité. Agir de la sorte correspondrait manifestement au non-respect par le Canada de ses obligations en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il ne doit pas y avoir de discrimination dans les décisions visant la détention d'une personne ou le fait de la priver de ses droits civils.
    Enfin, je veux traiter de la question de la durée de la détention. L'une des règles fondamentale de la détention est qu'elle ne doit pas être indéfinie. La détention pour une période indéfinie est non seulement injuste et arbitraire, dans la mesure où elle n'est pas la conséquence d'une décision claire définissant une période de détention appropriée, elle est aussi inquiétante en raison de son effet grave sur la santé mentale des personnes détenues. Le fait pour une personne détenue de ne pas savoir quand ni si elle sera libérée est angoissant et devient, avec le temps, débilitant au point de constituer une torture ou un mauvais traitement. Amnistie internationale, les experts en droits de l'homme des Nations Unies, la Croix-Rouge et d'autres organismes ont recueilli des preuves de telles conditions dans des prisons partout dans le monde. C'est la raison pour laquelle la détention pour une période indéfinie est précisément interdite en droit international.
    Les hommes privés de leur liberté en vertu de certificats de sécurité sont souvent détenus durant de nombreuses années. C'est sur ce point que se chevauchent les inquiétudes relatives aux droits de la personne. Le droit international est formel: aucune personne ne peut être renvoyée là où elle peut subir la torture. En dépit de cela, le Canada continue de soutenir qu'il est licite de renvoyer des personnes dans des milieux où elles sont exposées à la torture. Cette position a été fréquemment et sévèrement critiquée, notamment l'an dernier par le Comité des droits de l'homme et le Comité contre la torture des Nations Unies.
    La position du Canada représente un pas en arrière dans la lutte cruciale pour l'élimination de la torture dans le monde. Elle inquiète de plus en plus les Canadiens, à mon avis, notamment depuis l'affaire Maher Arar.
    Le mois dernier, la Cour fédérale a rendu une décision très importante dans l'affaire Mahmoud Jaballah, lorsqu'elle a affirmé et reconnu l'importance de la prohibition totale de la torture et a conclu que M. Jaballah ne pouvait être déporté en Égypte en raison du grand danger qu'il y soit torturé s'il y retourne.
     C'est ce qui met clairement en relief la dimension des droits de la personne: la déportation est interdite lorsqu'il y a danger de torture. Qu'advient-il alors? La détention sans accusation ni procès ne doit tout simplement pas être la solution.
     Le moment est venu pour le Canada de reconnaître qu'il faut agir, que les mesures liées à l'immigration ne sont d'ordinaire pas la solution dans ces circonstances. Il y a souvent danger de torture dans des affaires de cette nature, mais la déportation ne sert pas la justice. S'il se présentait au Canada un cas où il y avait tout lieu de croire à une participation au terrorisme, nous…

  (0920)  

    Permettez-moi de vous interrompre pour déterminer si les autres témoins vont aussi faire une déclaration préliminaire, parce que vous parlez depuis 15 minutes déjà.
    J'ai dépassé les dix minutes qui m'étaient allouées?
    Une voix: Ma déclaration sera brève.
    Ne vous en faites pas. Je regrette de vous interrompre, mais je souhaitais seulement me renseigner. Si tous les témoins parlent 15 minutes, il s'écoulera une heure. Les déclarations des autres témoins seront sans doute brèves. D'accord.
    Il ne m'en reste que pour 30 secondes environ.
    D'accord, merci monsieur.
    À mon avis, l'autre point qu'il faut reconnaître ici est le fait que la déportation contribue non seulement à un abus des droits de la personne comme l'est la torture, mais qu'elle ne concourt pas à une plus grande justice. Si une personne suscite effectivement de sérieuses préoccupations sur le plan de la sécurité, la déportation aura presque inévitablement pour effet de permettre à cette personne de s'en sortir indemne une fois rendue à destination.
     Il faut trouver une autre solution. S'il existe des preuves, le Canada doit engager des poursuites criminelles. La loi canadienne le permet et elle devrait être appliquée. Faute de preuves et lorsque la déportation n'est pas possible, il faut libérer la personne.
    La durée de la détention est une question dont a traité la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et, en conclusion, je vous signale ceci: l'an dernier, au nombre des recommandations certainement les plus précises que la Commission a faites au Canada en ce qui concerne les certificats de sécurité, a été celle de lui rappeler l'obligation de fixer dans la loi une durée de détention maximale. Il s'agit là d'une omission flagrante dans la loi canadienne, et il n'y a nul doute que les conseils et les recommandations de ce comité au gouvernement sur ce point seront très précieux.
     Merci, monsieur Neve.
    Madame Foster.
    Je suis membre de la Coalition Justice pour Adil Charkaoui. Ce groupe s’est formé quelques jours après l’arrestation de M. Charkaoui à Montréal, en mai 2003. Depuis lors, nous avons déployé des efforts considérables pour nous tenir au courant de la situation et de la procédure dont il fait l’objet. Nous avons entrepris de nombreuses activités dans le but de porter à l’attention du public l’injustice que lui et sa famille ont subie.
    La plupart des membres de la collectivité à qui nous avons parlé — essentiellement des membres de la collectivité de Montréal et d’autres centres où nous avons pris la parole et effectué une partie de ce travail de sensibilisation publique — se sont montrés très ouverts à la cause qui nous préoccupe. Force est de constater que de nombreux citoyens ne savent pas ce qui se passe, mais dès qu’ils apprennent ce qui arrive à M. Charkaoui et aux autres, ils sont très solidaires. Nous avons joui d’un appui considérable de la collectivité et je dirais que la création de notre groupe et du réseau qui l’entoure constitue la réponse de celle-ci au processus des certificats de sécurité.
    Selon nous, l’égalité est le point essentiel qui doit être examiné. Le processus des certificats de sécurité n’est utilisé que pour des personnes sans statut juridique ni citoyenneté à part entière au Canada, à savoir les résidents permanents, les réfugiés et les personnes qui demandent le statut de réfugié. Il s’agit d’une situation de discrimination où des particuliers, en raison de leur statut juridique, font l’objet de violations de leurs droits fondamentaux à la vie, à la liberté et à la sécurité.
     Nous attendons toujours une réponse satisfaisante qui pourrait expliquer pourquoi et comment cette discrimination est justifiée — nous ne pensons pas qu’elle puisse l’être — et nous croyons qu’il s’agit là du point essentiel qui doit être réglé dans toute solution proposée pour résoudre ce problème. Les solutions et les réformes qui ne garantissent pas aux non-citoyens un traitement égal en matière de droits fondamentaux de la personne ne vont simplement pas au cœur de la question.
     J’espère que vous êtes au courant que certaines des méthodes du processus d’examen du certificat de sécurité ne respectent pas les normes internationales requises pour la tenue d’un procès équitable. J’ai préparé un mémoire et quelques renseignements généraux que j’aimerais mettre à la disposition des membres du comité plus tard. Ce mémoire résume brièvement six des principaux éléments qui expliquent pourquoi les certificats de sécurité contreviennent aux normes pour la tenue d’un procès équitable. Je vais en souligner trois très rapidement.
    La norme de preuve qui est utilisée dans le processus de délivrance des certificats de sécurité s’appuie sur des « motifs raisonnables de croire », ce qui est beaucoup moins précis que « hors de tout doute raisonnable ». Cette norme manque assurément de rigueur par rapport à ce qui est en jeu pour le particulier.
    Je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait que l’information est notablement cachée au détenu et à son avocat. Le secret de la preuve ne donne pas la possibilité aux gens de répondre efficacement à des allégations précises pour se défendre et faire éclater leur innocence.
    Comme vous le savez, si le juge confirme la légalité du certificat, sa décision est sans appel. Il est alors impossible de corriger les erreurs judiciaires par un processus d’appel.
     L’incapacité de la loi à fournir des clauses de sauvegarde adéquates laisse trop de place à l’erreur et aux abus de la part des services de renseignements canadiens. Rien ne nous porte à croire que, dans l’exercice du pouvoir dont elles jouissent dans les affaires de certificats de sécurité, ces agences se sont acquittées de leur tâche de façon plus responsable que dans les affaires concernant Maher Arar, Abdullah Almalki, Ahmad El Maati et Muayye Nureddin. Il n’y a pas de raison de penser que le pouvoir discrétionnaire qui leur est accordé en vertu de ce processus déficient est exercé de façon plus responsable dans les causes de certificats de sécurité que dans les causes qui ont été soumises à une certaine forme d’examen public.

  (0925)  

     Tolérer les abus et les erreurs des agences de renseignements dans le cadre de ce processus de certificats de sécurité ne sert les intérêts de personne, au contraire.
     Sans procès équitable, l’emprisonnement et la détention dont nous parlons aujourd’hui sont arbitraires. Nous pouvons dire la même chose des conditions dans lesquelles M. Charkaoui et M. Harkat ont été libérés. Si le procès n’est pas équitable, la décision de les priver de leur liberté est alors arbitraire. M. Charkaoui a été libéré en février 2005 dans des conditions qu’Amnistie internationale a décrites comme étant parmi les plus restrictives jamais imposées au Canada — et c’est encore pire dans le cas de M. Harkat.
     Je pense que le comité aura l’occasion de rencontrer M. Charkaoui le 23 novembre à Montréal. Celui-ci sera en mesure de décrire plus en détail comment ces conditions les ont empêchés, lui et sa famille, d’exercer leur droit de travailler, de profiter de leur temps libre et de pratiquer librement leur religion.
    La détention en vertu d’un certificat de sécurité est arbitraire et de durée indéterminée. Elle se fait sous la menace d’être envoyé vers un endroit où les gens risquent la torture ou la mort. Dans le cas de M. Charkaoui, on a déterminé en août 2003 que s’il était expulsé, sa vie serait menacée et il serait exposé à la torture ainsi qu’à des châtiments cruels et hors du commun. Je peux vous assurer que cette situation constitue pour lui et sa famille un supplice quotidien.

  (0930)  

    Les témoins peuvent peut-être écourter leur exposé. Il y aura beaucoup de questions et certains de vos arguments peuvent être présentés dans vos réponses.
    Puis-je vous demander de terminer dans les 30 prochaines secondes?

[Français]

    Veuillez m'excuser, monsieur le président.

[Traduction]

    Il y a deux caméras dans la salle. Peut-on nous dire qui sont ces personnes et pour qui elles travaillent?
    Le greffier est peut-être en mesure de nous le dire.
    Ce sont des gens de CTV et de l’Université Carleton.
     Dans l’avis qui a été envoyé, une modification indiquait que la séance allait être enregistrée sur bande vidéo.
    Monsieur Legeais.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président, membres du Comité de la citoyenneté et de l'immigration.
    Notre comité accueille favorablement la décision de votre comité, à savoir celle d'examiner le certificat de sécurité et les conditions de détention. L'objectif du Comité Justice pour Mohamed Harkat est d'obtenir justice pour Mohamed Harkat, réfugié au sens de la convention et emprisonné en vertu d'un certificat de sécurité pendant plus de 41 mois au Centre de détention d'Ottawa-Carleton, reconnu comme ayant les pires conditions de tout l'Ontario, puis à Millhaven. Depuis juin 2006, il est en résidence surveillée à Ottawa.
    Depuis décembre 2002, le Comité Justice pour Mohamed Harkat exige que le gouvernement du Canada abolisse le certificat de sécurité, un instrument antidémocratique contraire aux droits humains fondamentaux qui ne fait rien pour assurer la sécurité des Canadiennes et Canadiens, pour la simple raison qu'il ne protège pas les droits. Or, sans protection des droits, il ne peut y avoir de sécurité.
    Je ne m'étendrai pas sur le processus du certificat de sécurité, qui a été expliqué longuement par mes collègues, mais je tiens à souligner, au nom de la sécurité nationale, que le certificat de sécurité viole tous les principes de justice. Il est contraire aux droits limités contenus dans la Charte canadienne des droits et libertés, à la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, à la Convention relative au statut des réfugiés des Nations Unies, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention contre la torture des Nations Unies.
    En ce qui concerne les conditions de détention, nous considérons que celles des personnes faisant l'objet d'un certificat de sécurité sont liées à ce qui est au centre du certificat de sécurité: l'impunité, l'arbitraire et la violation des droits. Tout ce qui fait l'horreur du certificat de sécurité est présent dans les conditions de détention. Mohamed Harkat a été arrêté en vertu d'un certificat de sécurité le 10 décembre 2002. Ironiquement, c'était la Journée internationale des droits de la personne. Parce qu'il était réfugié au sens de la convention, il a été immédiatement détenu, sans possibilité de libération, si ce n'est 120 jours après que la raisonnabilité du certificat ait été décidée par la Cour fédérale. En outre, cette libération était laissée à la discrétion de la cour.
    De décembre 2002 à avril 2006, Mohamed Harkat a été détenu au Centre de détention d'Ottawa-Carleton dans des conditions où prévalaient la cruauté et la vengeance. Rien ne pouvait expliquer ce genre de traitement, pas même l'hystérie de la guerre contre le terrorisme. La première année s'est passée en isolement; les quatre premiers mois dans un isolement complet, sans le moindre livre, journal ou appareil radio. C'est les menottes aux mains et des chaînes aux pieds qu'il sortait pour une vingtaine de minutes de sa cellule deux fois par mois. On le menait alors dans la cour d'exercice du centre de détention, où il gardait ses chaînes. Au cours des premières semaines, c'est aussi enchaîné qu'il était conduit aux visites hebdomadaires qu'il recevait deux fois par semaine de sa femme, Sophie Harkat, et de sa famille.
    D'avril à juin 2006, Mohamed Harkat a été détenu au Centre de surveillance de l'Immigration de Kingston. Vous connaissez les conditions de détention qui prévalent à ce centre. Elles ont été décrites. À la fin du mois de juin 2006, Mohamed Harkat a été transféré en résidence surveillée à Ottawa, soit au domicile de Sophie Harkat et de sa mère. On parle ici de quelqu'un qui n'a jamais été reconnu coupable du moindre crime, ni même accusé, et qui pourtant, est soumis à 23 conditions, les plus strictes au Canada. Avec Mohamed Harkat, c'est maintenant toute sa famille, en particulier Sophie Harkat et sa mère, Mme Brunette, qui sont en résidence surveillée.
    Dans la situation actuelle, Mohamed Harkat doit entre autres respecter les conditions suivantes: porter en permanence un bracelet-émetteur; ne jamais être seul dans la résidence ou à l'extérieur de celle-ci, c'est-à-dire qu'il doit toujours être en présence de Sophie Harkat ou de Mme Brunette; respecter un couvre-feu de 8 heures à 21 heures, y compris pour sortir dans la cour de la résidence, où il doit être accompagné par son épouse ou la mère de son épouse; ne pas quitter la résidence plus de trois fois par semaine et pas plus de quatre heures à la fois, soit 12 heures par semaine; ses sorties doivent être approuvées à l'avance par l'Agence des services frontaliers; dans la demande d'autorisation de sortie, Mohamed Harkat doit préciser l'objet de la sortie, le lieu, y compris les magasins où il entend se rendre, et dire qui il entend rencontrer.
    Ce processus est répété à chaque sortie. Il ne peut recevoir que des visiteurs ayant été approuvés par l'Agence des services frontaliers. Ses amis peuvent le visiter. L'extension de cette autorisation s'étend à la nièce de Sophie Harkat, qui est âgée de 7 ans. Il a fallu une demande spéciale et probablement une intervention de la cour pour que la nièce de Sophie puisse passer la nuit à la maison.
    Toutes les communications verbales et écrites sont surveillées et interceptées. Aucun appareil sans fil, ordinateur ou téléphone cellulaire n'est autorisé dans la résidence. D'autres conditions concernant la restriction géographique le limitent également. Les conditions relatives à l'autorisation de sortie sont une des raisons pour lesquelles Mohamed Harkat ne comparaît pas devant ce comité aujourd'hui. Pour qu'il vienne témoigner, il aurait fallu que chacun d'entre vous soit autorisé, par l'Agence des services frontaliers, à lui parler.
    La résidence surveillée est un système qui ne remplacera jamais la justice. En mars 2005, le ministre de la Justice du Canada a évoqué publiquement la possibilité d'adopter au Canada un nouveau système de certificat qui permettrait la libération des détenus en remplaçant l'emprisonnement par une panoplie de mesures humiliantes, incluant les perquisitions à domicile, l'interdiction ou la limitation d'accès aux moyens de communication, le port d'un bracelet émetteur et la restriction des déplacements.
    Le danger est qu'un tel système soit codifié et présenté. Ce nouveau système de certificat de sécurité permettrait au gouvernement de se dépêtrer du fiasco judiciaire qu'il a créé en appliquant les mesures suivantes: premièrement, la détention indéfinie ne reposant sur aucune accusation ou sur des allégations de liens terroristes non fondées de réfugiés ou de résidents permanents et, deuxièmement, le refus d'accorder un procès juste à ces personnes.
    Un nouveau système de certificat ne peut pas remplacer un procès juste et équitable. Ce nouveau système projeté serait toujours appliqué sans procès, qu'il s'agisse de non-citoyens canadiens réfugiés et immigrants ou de tout citoyen accusé en vertu de la Loi antiterroriste. En adoptant un nouveau système de certificat, le gouvernement continuerait de nier des principes en matière de droits de la personne.
    Dans le cas de Mohamed Harkat, la résidence surveillée se traduit par l'extension de sa détention aux membres de sa famille. Il est dans l'impossibilité de travailler, et c'est le cas également de Sophie Harkat. À cela s'ajoute l'insécurité face à l'avenir, la menace d'expulsion vers la torture, la mort ou la disparition. C'est à ces pressions que sont soumises toutes les personnes faisant l'objet d'un certificat de sécurité, que ce soit en détention à Millhaven ou en résidence surveillée.
    Pour ma part, je suis particulièrement opposé à ce que le port d'un bracelet soit systématisé, que ce soit dans le cas des personnes faisant l'objet d'un certificat de sécurité ou de toute autre personne. Je me souviendrai toujours du moment où, lors d'une conférence de presse à l'édifice du Centre en 2005, Mme Charkaoui a exprimé l'humiliation qu'elle avait ressentie au retour de son fils. Elle a dit que le bracelet qu'il portait ressemblait fort à celui que portent les esclaves dans son pays et qui indique le nom du propriétaire de ces personnes. Nous ressentons cette même humiliation dans le cas de Mohamed Harkat, de même que pour quiconque est obligé de porter un tel bracelet.
    Enfin, il faut savoir que Kingston et la résidence surveillée sont présentés comme un progrès. Or, ce n'en est certainement pas un. Il ne s'agit pas de relever un défi, comme le dit l'Agence des services frontaliers. Ces personnes sont privées de droits. À l'heure actuelle, elles luttent pour leurs droits. Nous considérons que ce combat englobe les droits de tous.
     Merci.

  (0935)  

  (0940)  

[Traduction]

    : Merci.
    Nous passons à Mona El-Fouli, de la Campagne pour mettre fin aux procès secrets au Canada.
    Bonjour à tous. Je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui.
    Je ne suis pas une activiste. Je ne suis pas membre d’une organisation. Je suis simplement une mère et une épouse aimantes. Je suis la femme de Mohamed Mahjoub, que j’ai rencontré en 1997. Nous nous sommes mariés et nous avons maintenant deux enfants adorables, Ibraim et Yusuf. Nous avons vécu quatre ans ensemble avant que Mohamed soit ramassé dans la rue, alors qu’il se rendait au travail. Il n’avait aucune idée pourquoi on l’emmenait au West Detention Centre. Depuis lors, nous n’avons pas cessé d’essayer de découvrir les raisons pour lesquelles mon mari a été emmené.
    Depuis presque sept ans maintenant, on refuse à mon mari de vivre avec ses charmants enfants, deux petits qui grandissent sans la présence d’un père. Nos fils se demandent ce qu’il a fait pour mériter d’être au West Detention Centre. Tous les jours, ils entendent de nouvelles histoires sur l’oppression et les mauvais traitements que subit leur père dans ce centre et, dernièrement, au Centre de surveillance de l’Immigration de Kingston. Ils se posent toutes sortes de questions et cherchent comment ils pourraient l’aider. Ils ont tellement d’idées sur la façon dont ils pourraient s’y prendre. Jusqu’à maintenant, leurs questions sur les raisons de l’absence de leur père et du traitement qu’il subit sont restées sans réponse.
     Au West Detention Centre, mon mari a développé une hépatite C chronique. Il s’était blessé au genou et avait besoin d’une opération d’urgence. Il a perdu la vue et sa capacité de lire. Il a développé une hypertension artérielle et des problèmes cardiaques. On lui a refusé tout traitement médical, seulement parce qu’il est détenu en vertu d’un certificat de sécurité. Mon mari souffre de problèmes médicaux sérieux qui n’ont pas été traités jusqu’à présent.
     Pendant plus de cinq ans, nous avons demandé une opération pour son genou, mais on nous a répondu qu’on ne pouvait pas l’aider parce qu’il est visé par un certificat de sécurité. Jusqu’à maintenant, il n’a pas été traité pour son hépatite C pour la même raison. Il lui aura fallu 80 jours de grève de la faim — et ce n’était pas une seule fois, c’était une série de grèves de la faim — seulement pour essayer de faire entendre qu’il avait besoin de traitement médical. Il a fini par obtenir des lunettes et par voir un spécialiste pour son hépatite C, mais il a dû déployer des efforts considérables et se donner beaucoup de mal, ce qui a mis sa vie encore plus en péril.
     Et il n’est pas le seul à éprouver des difficultés; nous aussi en éprouvons.
     Quand il a été transféré au Centre de surveillance de l’Immigration de Kingston, il a pu voir un spécialiste. On lui a accordé un traitement médical, mais chaque fois, un obstacle se dressait et l’empêchait de recevoir son traitement.
     Il y a un gardien au Centre de surveillance de l’Immigration de Kingston qui a accusé Mohamed de l’avoir menacé. J’ai le rapport si quelqu’un veut le voir. C’est complètement faux, mais ça constitue néanmoins un écueil. Mohamed a peur pour sa vie à cause de cette accusation et il a peur des répercussions que celle-ci aura sur sa cause au tribunal, car il s’agit d’une allégation sérieuse. Il ne veut pas quitter l’unité où il vit pour se rendre dans l’autre bâtiment sans l’accompagnement d’un surveillant, seulement pour s’assurer qu’il est en sécurité.

  (0945)  

     La réponse a été non. On lui a refusé l’accompagnement d’un surveillant de l’endroit où il vit à l’autre bâtiment où il aurait reçu son traitement. Avant cette allégation, les médecins et les infirmières se rendaient là où il vit pour le voir, mais après, on lui a refusé ces visites, ainsi que l’accompagnement d’un surveillant, ce qui lui aurait permis de se rendre dans l’autre bâtiment pour recevoir son traitement. Il trouve que cette situation constitue une violation complète de ses droits de détenu.
     Dans le West Detention Centre, il a souvent été importuné et maltraité physiquement, émotionnellement et mentalement par tous les gardiens. Et il n’était pas le seul, j’en ai aussi été victime à l’occasion, simplement pour avoir voulu exercer mon droit de visite. Une fois, mes enfants n’ont pu visiter leur père, seulement parce qu’ils s’étaient manifestés pour demander que leur père soit relâché. Le gardien m’a dit que nous ne pouvions le voir. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m’a répondu que c’était parce que nous avions manifesté en cet endroit. Je lui ai dit que mes enfants avaient fait tout ce chemin pour visiter leur père, qu’ils avaient manqué l’école et qu’ils étaient impatients de le voir. Le gardien m’a dit qu’ils ne pouvaient pas rentrer, alors ils n’ont pas pu voir leur père. Les enfants étaient très déçus.
    Nous pensions que le transfert du West Detention Centre au Centre de surveillance de l’Immigration de Kingston visait à améliorer leur situation et leurs conditions de détention. Nous avions l’habitude de les visiter hebdomadairement, quarante minutes par semaine, toutes les semaines, sauf quand les gardiens nous causaient des problèmes et nous empêchaient de rentrer, mais nous les voyions souvent. Nous avions l’habitude de voir mon mari fréquemment, mais son transfert vers Kingston nous a séparés complètement de lui. Ça ne nous rapprochait pas.
     Nous croyions comprendre quand il est parti pour Kingston qu’il aurait droit à l’éducation, ce qui nous a semblé complètement erroné, parce qu’on lui refuse ce droit. Nous pensions que nous pourrions bénéficier de visites intimistes, comme pour les autres détenus, qui sont des criminels. Mon mari n’est pas un criminel. Les autres ont droit à des visites intimistes trois jours par mois ou toutes les deux semaines. Mon mari n’y a pas droit.
     Nous étions dans un tout petit espace. Je suis sûre que certains d’entre vous ont jeté un coup d’œil à l’endroit où quatre familles de détenus sont supposées s’entasser si elles s’y rendent en même temps. C’est un espace très, très restreint; encore plus petit qu’ici. Les chaises sont fixées à la table, tout près de celle-ci. Le père ne peut même pas prendre son enfant sur ses genoux, ce qu’il aimerait beaucoup faire, mais il ne le peut pas.
    Si nous y allons avec la famille de M. Jaballah, qui compte de nombreux membres, tout le monde se heurte. Il y a alors trop de monde et trop de bruit. Personne ne peut avoir la paix avec sa propre famille.
    Je ne conduis pas sur l’autoroute et il n’y a pas de transport en commun. Je me démène, seulement pour visiter mon mari. J’attends que quelqu’un soit disposé à m’emmener et, quand j’arrive à l’endroit convenu, des fois je dois attendre à l’extérieur une demi-heure ou plus, tout simplement parce que le conducteur n’est pas prêt.

  (0950)  

     Quand nous entrons, nous n’avons pas droit à une bouteille ou à un verre d’eau. Ils ne nous donnent pas d’eau. Nous allons aux toilettes pour boire. Une fois, je n’avais pas envie d’y aller, alors j’ai demandé à un des gardiens — celui qui a fait cette allégation — si je pouvais avoir un verre d’eau parce que je ne me sentais pas bien. Il m’a dit qu’il y avait les toilettes. Je lui ai répondu que j’étais désolée, mais que je ne buvais pas dans les toilettes. Il m’a dit qu’il y avait la machine distributrice. Je lui ai dit qu’il ne la remplissait pas d’eau. Il m’a répondu que je pouvais boire une boisson gazeuse. Je lui ai dit que je ne pouvais pas boire de boisson gazeuse, que j’étais désolée, mais que je ne le pouvais pas. Il a dit que si je me sentais mal… Il s’est fâché, son visage était rouge. Il s’est levé en disant qu’il allait mettre fin à ma visite. Il me punissait parce que j’avais demandé un verre d’eau. Il ne m’a même pas donné la chance de répondre. J’ai dit à l’autre gardien que je ne pouvais pas partir, car le conducteur qui devait passer me prendre n’était pas arrivé et que le quartier était dangereux. Je ne peux pas être punie pour avoir demandé un verre d’eau.
    Depuis cette allégation, mon mari n’est pas sorti de l’endroit où il vit. Ça fait plus de deux mois maintenant et il n’est jamais sorti pour obtenir des soins. Il demande à voir un médecin, qu’il ne peut pas voir, car il a besoin d’un surveillant. Depuis la fin août, nous ne l’avons pas visité parce qu’ils ne lui fournissent pas de surveillant. Je ne sais pas ce qui va lui arriver.
    Je crois que quiconque a fait quelque chose a droit à un procès ouvert et équitable. Saddam Hussein a eu un procès équitable; il a entendu les charges qui pesaient contre lui. Qu’est-ce que ces personnes ont fait pour mériter ce traitement? Elles doivent être avec leur famille.

  (0955)  

    Merci beaucoup d’avoir raconté votre histoire. Ce doit être très émouvant pour vous de le faire. Nous vous remercions d’être venue ici aujourd’hui.
     Nous passons aux questionneurs. Je vais commencer par madame Folco.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J’aimerais remercier mon collègue Andrew de me permettre de passer la première. Je dois quitter après.
     Premièrement, je voudrais dire, madame El-Fouli, que votre témoignage a été entendu. Nous sommes conscients que c’est très difficile pour vous. Ce qui arrive à un particulier a des conséquences sur les amis et la famille qui l’entourent, et plus particulièrement sur l’épouse et les enfants, la mère, la famille immédiate. Nous éprouvons énormément de sympathie pour ce que vous vivez en ce moment.
    C’est le message personnel que j’aimerais vous transmettre.

[Français]

    Si vous le voulez bien, je poserai une question qui ne porte pas sur un cas particulier.
    Je suis contre les procès secrets et les certificats de sécurité. Cependant, je me demande ce qu'on peut faire lorsqu'on croit qu'un individu enfreint la loi du Canada en matière de sécurité. Que fait-on pour s'assurer qu'il y a véritablement une menace ou un risque de menace à la sécurité? C'est le rôle des forces de sécurité mais aussi le nôtre, en tant que députés. Comment pouvons-nous protéger les droits et libertés de personnes comme M. El-Fouli, dont l'épouse témoigne aujourd'hui devant nous, et des autres qui sont en détention présentement? Peu importe qu'ils soient ou non citoyens canadiens; ce sont des êtres humains. On offre déjà une protection à certains réfugiés.
    Je pose la question à chacun d'entre vous. Dans le cadre du travail que j'ai réalisé auprès des ONG par le passé, j'ai constaté que c'était ces organismes qui posaient des questions, mais que c'était très souvent les personnes chargées de ces questions qui fournissaient non pas toutes les réponses, mais des parties de réponses. C'est pourquoi je vous pose la question. Je ne veux pas que vous vous sentiez visés ou que vous vous disiez qu'après tout, c'est à vous de régler le problème. Je crois plutôt que faisant face à ces questions nuit et jour, vous aurez peut-être des parties de solution à nous proposer, de façon à nous aider à trouver un équilibre qui satisfasse les uns tout en respectant les droits des autres.
    Je pose ma question à quiconque peut y répondre.

[Traduction]

    Quiconque peut répondre s’il le désire.
    Je vous remercie beaucoup pour cette question. Je commencerai et d’autres pourront prendre la parole s’ils veulent ajouter quelque chose.
    Je crois qu’il est absolument essentiel de rappeler dès le départ le principe qui établit l’existence d’un lien inextricable et indissociable entre la sécurité et les droits de la personne; que lorsqu’il s’agit de notre sécurité nationale, nous devons nous employer du mieux que nous le pouvons à assurer, améliorer et garantir cette sécurité tout en veillant au respect intégral et constant de nos obligations en matière de droits humains; et que ces objectifs ne sont ni indépendants, ni distincts. J’estime que ce principe doit constituer notre point de départ.
    Que ce soit ici au Canada, au sud de la frontière ou n’importe où dans le monde où les lois, les politiques et les pratiques ont été ou sont adoptées au nom de la sécurité et de la lutte au terrorisme, si la torture est pratiquée, si les détentions arbitraires sont tolérées ou si la discrimination est favorisée, ces lois et politiques non seulement donnent lieu à des injustices, mais contribuent aussi à une plus grande insécurité.
    Lorsqu’il s’agit d’un cas particulier, de toute évidence, si des inquiétudes sont soulevées, s’il existe des preuves, s’il y a des allégations, personne ici ne suggère que le gouvernement ne devrait pas agir. Celui-ci devrait avoir recours à la procédure judiciaire prévue en cas d’implication possible d’une personne dans des activités criminelles ou terroristes, ce qui signifie presque invariablement la procédure pénale — inculpation et procès équitable menant ou non à une déclaration de culpabilité. C’est la meilleure façon d’assurer non seulement la protection des droits de la personne, mais aussi le maintien de la sécurité.
    Souvent, la déportation équivaut simplement à libérer une personne. Que ce soit au Canada ou ailleurs dans le monde, nous avons observé pendant des années une pratique beaucoup trop répandue consistant à déporter simplement les présumés terroristes ou les individus soupçonnés d’autres types d’abus graves des droits de la personne, lesquels s’en tirent impunément. La justice est bafouée et le risque à la sécurité demeure.

  (1000)  

    Je dois vous interrompre, il ne me reste pas beaucoup de temps. J’aimerais circonscrire le sujet.
    Oui, je suis d’accord avec tout ce que vous dites. En même temps, il existe des documents en la possession de la GRC et d’autres encore qui ne sont pas rendus publics pour des raisons de sécurité, nous dit-on. Là encore, quelles voies légales, comme vous l’avez mentionné, devons-nous emprunter pour avoir accès à ces documents, à cette prétendue preuve qui conclut à la culpabilité de l’individu? Nous parlons tous du processus judiciaire.
    Eh bien, il faut passer par le processus judiciaire. Si la GRC détient des preuves, il est possible qu’elle ne soit pas disposée à les divulguer au public, mais les procès peuvent néanmoins se dérouler de façon équitable pour la personne accusée. Cela peut signifier que le public n’aura pas toujours accès à la procédure, mais que l’inculpé et son équipe juridique doivent avoir suffisamment accès à la preuve pour être en mesure de préparer des arguments solides. C’est possible et c’est ce qui se produit, comme nous l’avons constaté lors de nombreux procès à l’échelle mondiale. L’équité et les procès en matière de sécurité peuvent aller de pair.
    Je crois qu’ici, au Canada, on exagère beaucoup l’importance que la GRC et le SCRS accordent à préserver le secret — c’est un des principaux aspects mis en relief par l’affaire Maher Arar — la préservation du secret comme une fin en soi. Le coût du secret est la justice.
    Merci.
    Reste-t-il encore du temps?
    Eh bien, sept minutes et 10 secondes se sont écoulées. Aviez-vous une brève question...? Je sais que vous devez partir.
    Non, j’aimerais seulement entendre d’autres témoins avant de quitter.
    Je ne veux pas prendre de temps.
    Non, nous pourrions entendre une courte réplique, compte tenu du fait que vous devez vous rendre à la Chambre.

[Français]

    Cela n'empêche pas de poser la question, même si vous voulez partir. Nous aussi irons à la Chambre.
    Non. Vous posez la même question, c'est sûr.

[Traduction]

    D'accord.
    En fait, j’aimerais élaborer un peu sur les propos d’Alex. En ce qui a trait à l’information que vous recevez de pays qui jugent des gens coupables à partir d’échanges de communications avec d’autres pays, s’agit-il d’information obtenue de façon légitime ? Il faut tenir compte de cette question et chercher à obtenir l’information exacte et à découvrir la vérité.
    Merci.
    Nous passerons maintenant à M. Vincent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai plusieurs questions à vous poser. Premièrement, j'imagine que ce n'est pas la première fois que vous venez à Ottawa et que vous dénoncez ces situations.
    Deuxièmement, pourquoi aucun gouvernement n'a-t-il réagi jusqu'à maintenant?
    Effectivement, ce n'est pas la première fois que nous venons à Ottawa.
    Je pense que depuis 2002, il y a eu au moins cinq réunions des familles à Ottawa pour des campagnes de lobbying. Je suis moi-même résident de la région, de Gatineau. Mohamed Harkat était résident du secteur Vanier, à Ottawa. La plupart d'entre nous avons aussi comparu devant le Sous-comité de la sécurité nationale qui examinait le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste, et qui avait pris la décision d'examiner aussi la question du certificat de sécurité.

  (1005)  

    Jusqu'à maintenant, qu'est-ce qui a été fait? Quels progrès, quels gains avez-vous effectués jusqu'à maintenant?
    On a pu s'adresser au moins à deux comités.
    Oui, je comprends que vous vous êtes adressés aux comités, mais cela a-t-il donné quelque chose? C'est bien beau de s'adresser à un comité comme vous le faites aujourd'hui, mais il faut un suivi ou une action par la suite. Quelque chose a-t-il été fait, ou est-ce que tout le monde dort encore au gaz?
    Vous parlez d'une action de la part du gouvernement du Canada?
    Oui.
    Concrètement, rien n'a été fait, si ce n'est la construction du Centre de surveillance de l'immigration au pénitencier de Millhaven, comme moyen d'échapper à la pression populaire, afin que ces cinq personnes, victimes d'allégations et visées par un certificat de sécurité, soient libérées. Cela a été un des grands thèmes des deux dernières campagnes électorales, durant lesquelles la question du certificat de sécurité a continuellement été soulevée. Cela a coûté à la ministre McLellan son poste de députée, entre autres.
    Le plus extraordinaire, c'est que le parti au pouvoir, l'opposition et les tiers partis pourraient régler cette question très facilement, en se réunissant pour en discuter.
    Oui, d'accord.
    Cette question du certificat de sécurité est une question démocratique et non partisane qui concerne la défense des droits humains et des droits de tous. Il est extrêmement étonnant que jusqu'à présent, les partis politiques à la Chambre n'aient pas encore réussi à conclure que le certificat de sécurité doit être révoqué et qu'aucune des dispositions prévues par le certificat de sécurité ne devrait être intégrée à d'autres lois, comme la loi C-36.
     Cette discrimination est exercée entre des citoyens canadiens: les citoyens naturalisés, qui ont moins de droits que les citoyens canadiens; les réfugiés, qui ont moins de droits que les citoyens canadiens naturalisés; et, au bas de l'échelle, les sans-statut, qui n'ont absolument rien du tout. Cette hiérarchie de droit au Canada doit absolument être abolie.
    De quelle façon pensez-vous que l'on devrait agir? Tous les gens ici présents ont l'air indignés de voir comment se passe l'emprisonnement de ces personnes, mais si je regarde d'un côté de la table, les gens qui s'y trouvent n'ont pas l'air d'avoir fait grand-chose durant les quatre dernières années. Je ne sais pas si de l'autre coté, ils voudront faire davantage.
     J'imagine que si on arrête quelqu'un dans la rue, il est important de savoir tout d'abord pourquoi, et la personne concernée devrait aussi le savoir. Ensuite, si les autorités veulent garder la confidentialité et ne pas divulguer certains renseignements, c'est une chose, mais au moins, l'avocat de la personne arrêtée doit être mis au courant de ces informations, afin de pouvoir préparer une défense.
     D'après ce que je peux voir et d'après ce que vous me dites aujourd'hui, on arrête quelqu'un dans la rue, on pense qu'on a peut-être raison de le faire, mais on ne le dit à personne. Cela doit rester secret, et on cache les dossiers. On met la personne en prison et on l'y laisse. Puis, un jour ou l'autre, ou l'en sort.
    Est-ce bien cela?
    Oui, c'est une bonne description de ce qu'on a fait.
    Que peut-on faire, alors? Comment peut-on vous aider? Comment peut-on faire pour vous aider à réveiller ou à sensibiliser des gens qui peuvent agir concrètement dans ce dossier?

[Traduction]

    Je crois que de nombreuses personnes ont commencé à prendre des mesures. Je crois que certains des partis suivent l’exemple du NPD et prennent clairement position et que des particuliers expriment aussi leur opinion et adoptent une position sans équivoque.
     Trois hommes sont toujours en prison. M. Mahjoub demandera bientôt à être libéré sous caution. Rien ne saurait justifier que des députés comme vous et d’autres ne l’appuient pas dans ses démarches. Le tribunal pourrait alors se rendre compte du mouvement de l’opinion publique en faveur de sa libération. Le public et les partis peuvent entreprendre de nombreuses initiatives à cette fin, mais doivent avant tout prendre clairement position sur cette question.
    D’accord, nous accorderons maintenant la parole à M. Siksay.
    Merci, monsieur le président, et merci à toutes les personnes qui sont venues rendre témoignage ce matin.
     Je veux simplement dire, à titre d’information, que j’ai une motion inscrite au Feuilleton de la Chambre des communes qui demande l’abrogation des articles de la LIPR qui ont trait aux certificats de sécurité, parce que j’estime qu’ils ne sont pas nécessaires. Je suis d’accord pour dire que le Code criminel peut traiter ces questions et que si cela pose problème, il faudrait alors apporter les changements nécessaires au Code criminel. Ce serait la façon appropriée de procéder.
    Je veux cependant poser une question à Mme El-Fouli. Vous avez parlé de vos fils, Ibraim et Yusuf. Quelles explications leur avez-vous données? Ils ont dû vivre avec cette situation, la détention de leur père, pendant la majeure partie de leur vie, je suppose. Lorsqu’ils demandent la raison de sa détention, que leur répondez-vous?

  (1010)  

    C’est très juste. J’aimerais simplement mentionner un point avant de répondre à votre question.
    Lorsque Mohammad a été emmené, Yusuf n’avait que huit mois et Ibraim n’avait pas encore trois ans. Lorsqu’il l’a visité, il l’a d’abord appelé « oncle » avant que je ne lui dise que c’était son papa. Il a répliqué : « Pourquoi il n’est pas ici? ». C’est alors que j’ai commencé à répondre aux questions. Bien entendu, Ibraim a eu bien du mal à comprendre la situation et a souffert d’angoisses de séparation. Mais je leur ai dit : « Êtes-vous des êtres humains? » Ils m’ont répondu : «  Oui, nous sommes des êtres humains. Nous pouvons commettre une erreur et tu peux commettre une erreur. » J’ai ajouté : « Eh bien, le gouvernement est composé d’êtres humains. Êtes-vous d’accord? » Ils ont acquiescé. J’ai dit : « Eh bien, ils ont commis une erreur, et c’est pourquoi nous participons à des manifestations et à des rassemblements — pour leur faire comprendre leur erreur et faire en sorte qu’ils la corrigent. » Et bientôt, il sera libéré.
     Ils avaient vraiment hâte d’aller distribuer les feuillets d’information, de tenter de faire la connaissance du premier ministre, qu’ils n’avaient jamais rencontré, et de lui dire : « Vous avez commis une erreur. S’il vous plaît, essayez de la corriger. Nous avons besoin de notre papa. »
    Voilà l’explication que je leur ai donnée.
    Compte tenu de l’épreuve que votre famille subit, je suis frappé par votre générosité d’esprit, Madame El-Fouli.
    Je vous remercie.
    Je vous sais gré de nous avoir expliqué la situation.
     Monsieur Neve, vous avez parlé de la durée de la période de détention et de l’établissement d’une limite de temps qui mettrait fin aux détentions de durée indéterminée. Y a-t-il une limite de temps précise? Que savons-nous des effets d’une telle détention sur la santé mentale? Quand commencent-ils à se faire sentir?
    Je ne peux m’imaginer que quiconque puisse être détenu pour une période indéterminée, sachant que c’est pour une période indéterminée, sans que sa santé mentale n’en souffre, surtout après six ou sept ans. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
    Aucune norme internationale claire et définitive n’a été établie. Il y a consensus unanime, à l’échelle mondiale, sur la nécessité d’établir des normes et de s’opposer aux détentions de durée indéterminée.
     Il est certain que l’incidence qu’une détention sans limite de temps a sur un détenu varie selon la situation personnelle de celui-ci, sa santé mentale, les conditions de sa détention, la fréquence et la durée de ses contacts avec sa famille ou la privation de tels contacts et une foule d’autres facteurs.
    Je crois qu’il s’agit d’une question particulière... j’aimerais pouvoir vous fournir des données dont je suis sûr. J’hésite à fournir une réponse, car j’estime qu’il est essentiel qu’une étude rigoureuse réalisée par des spécialistes soit faite de la question et que des recommandations vous soient présentées par des psychologues, en particulier, et par des intervenants du système pénal qui seraient vraiment en mesure de faire des recommandations très claires concernant la détermination des limites de temps.
    Sur le plan des droits de la personne, je peux vous dire que c’est un exercice qui s’impose.
    Je me demande ce qu’en diraient les membres du groupe d’experts.
     La semaine dernière, lorsque j’ai posé au ministre de la Sécurité publique une question concernant les conditions précises de détention au Centre de surveillance de l’immigration de Kingston, celui-ci a fourni une réponse type. Je crois que le gouvernement précédent a aussi répondu de façon semblable; il semble que c’est toujours ainsi que l’on répond en partie aux questions concernant les personnes détenues en vertu d’un certificat de sécurité. Il a répondu qu’ils étaient libres de quitter le pays à n’importe quel moment.
     J’aimerais connaître votre réaction à la déclaration de ce ministre, ainsi que des ministres qui l’ont précédé, selon laquelle ils sont libres de partir.
    Je crois que c’est faire preuve d’un mépris absolu à l’égard des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne. À l’heure actuelle, tous les hommes qui sont détenus au Canada en vertu de certificats de sécurité, qu’ils soient en captivité ou libérés sous des conditions restrictives, s’exposent à des risques importants et bien établis de tortures atroces en Algérie, au Maroc, en Égypte et en Syrie.
     Il est irresponsable, de la part d’un ministre, de répondre qu’une personne est libre de choisir de se soumettre à la torture. Une telle position va à l’encontre de quelques-uns des engagements les plus résolus du Canada en matière de droits de la personne.

  (1015)  

    Selon mon expérience, il est très, très difficile pour quiconque de quitter sa terre natale, et les gens ne le font pas sans raison. Ces hommes sont partis pour fuir un climat d’oppression totale. Ils se sont établis ici pour vivre en paix. Mon mari, par exemple, est venu et m’a épousée, nous avons eu des enfants et nous cherchions à vivre paisiblement lorsque tout ceci est arrivé.
     Être libre de partir, c’est une belle déclaration. Mais quelles sont les conséquences de cette option? Et où ces hommes iraient-ils, si nous leur accordions la liberté d’aller où bon leur semblerait? Nous avons à coeur les intérêts du Canada, mais nous devrions aussi nous préoccuper de ceux du reste du monde. S’ils sont dangereux, soit. Mais quelle est la nature du danger qu’ils posent? Qu’ont-ils fait pour être jugés dangereux? C’est ce que nous aimerions découvrir.
    Merci, monsieur Siksay.
    M. Komarnicki, puis M. Telegdi.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence.
    Nous avons eu l’occasion de visiter le centre de Kingston. Il serait juste de dire qu’un des aspects que vous avez soulevés concernant la famille et les enfants a une importance considérable. Vous avez mentionné qu’il n’y avait pas eu de visites avec contacts physiques ou de visites conjugales et qu’il n’avait pas été possible de lui rendre visite avec les enfants. Voilà une question qui mérite assurément toute l’attention du comité. Nous ferons des recommandations à cet égard. Personnellement, j’estime que les contacts familiaux devraient être encouragés dans toute la mesure du possible, compte tenu des circonstances.
     Cela dit, la Cour suprême du Canada a, de toute évidence, entendu les arguments des deux camps plus récemment. Les plaidoyers en faveur de la sécurité nationale d’une part, et des droits de la personne d’autre part, ont été très bien présentés. Conviendriez-vous avec moi qu’avant d’agir de façon précipitée à ce stade, il serait souhaitable d’attendre la décision de la cour, qui, selon moi, devrait être rendue cette année ou peut-être au début de l’année prochaine, afin de voir de quelle façon la cour se prononcera sur ces deux questions?
     Peut-être que M. Neve pourrait indiquer s’il est en faveur ou non de cette suggestion.
    Je ne suis pas étonné d’entendre dire qu’on serait tenté d’attendre la décision de la cour. Nous espérons tous, manifestement, qu’une décision importante et de grande portée sera rendue. Amnistie Internationale est un des organismes ayant participé aux audiences en qualité d’intervenant.
    Cela dit, le fait qu’une décision de la Cour suprême soit attendue ne signifie pas que le comité ne peut pas commencer à cerner les points qui l’intéressent plus particulièrement afin d’être prêt, une fois la décision rendue, à présenter son analyse, sa série de recommandations très précises qui, espère-t-on, seront compatibles et en harmonie avec la décision de la Cour suprême, dans une certaine mesure...
    J’aimerais que vous répondiez à mes questions assez rapidement, car le temps dont je dispose est limité.
     Je conviens avec vous que le comité veut cerner les points importants, examiner les diverses possibilités et options pertinentes, mais en réalité, un tribunal supérieur se prononcera sur cette question assez rapidement, et ce serait utile d’entendre ce qu’ils en pensent.
     L’autre aspect sur lequel j’aimerais attirer votre attention concerne une décision judiciaire rendue ultérieurement par un juge qui a fait un examen laborieux de ces certificats de sécurité et a conclu, en fait, qu’ils étaient valides, en attendant la décision prochaine de la cour. Il a alors dit ce qui suit, en rapport avec certains des arguments présentés par les procureurs ou les avocats des détenus :
    ... sécurité nationale ne saurait justifier de dérogations aux règles du débat contradictoire, c'est voir dans la Constitution canadienne un abandon par la collectivité de son droit à la survie au nom d'un absolutisme aveugle des droits individuels qu'elle enchâsse.
    Je suppose qu’il était en train de dire que nous devons en quelque sorte accepter que la sécurité du pays, la sécurité de la population, doit constituer un droit prédominant. Êtes-vous d’accord avec cet énoncé ou cette interprétation? Oui ou non.
    C’est à moi que vous vous adressez?
    Une réponse brève, oui.
    Non, je ne le suis pas. Je crois qu’il existe un lien inextricable entre les deux. La sécurité individuelle et la sécurité de la nation vont de pair.
    Personne ne suggère que les gouvernements ne devraient pas régler les problèmes de sécurité et ne devraient pas prévoir à cette fin des peines imposées dans le cadre d’une procédure pénale ou de poursuites pénales. Les mesures prises doivent toutefois être entièrement conformes aux normes fondamentales en matière de droits de la personne.

  (1020)  

    Mais il demeure qu’il existe des intérêts légitimes en matière de sécurité qui doivent être protégés par cette nation. Êtes-vous d’accord avec moi sur ce point?
    Ces intérêts doivent être protégés, mais en tenant compte de nos obligations sur le plan des droits humains.
    Il poursuit en disant que le Parlement a soupesé les intérêts en jeu, ceux du justiciable et ceux de la collectivité, et a fait un choix qui reconnaît le droit à la sécurité collective tout en prescrivant une procédure où un juge, jouissant de l’indépendance et de l’impartialité requises, décide s’il peut y avoir divulgation de renseignements, de quelle façon la divulgation est faite, si les éléments de preuve sont touchés, et ainsi de suite.
    Ne conviendrez-vous pas avec moi qu’il importe d’assurer un certain équilibre des droits dans toute cette affaire? Ou diriez-vous que vous ne voyez pas la nécessité d’une disposition exigeant l’appréciation des intérêts en jeu?
    Non, je ne crois pas qu’il s’agisse ici d’établir un équilibre entre les droits. Il faut assurer la protection des droits dans le contexte de la protection de la sécurité. Il ne s’agit pas de faire un choix entre les deux, mais bien de veiller au maintien des deux en même temps.
    Je dirais que jusqu’à présent, la cour est d’avis qu’il faut protéger les intérêts en matière de sécurité nationale tout en restreignant le moins possible les droits individuels, mais que dans certaines circonstances, des limites seraient imposées.
    Si vous acceptiez qu’il y ait certaines limites, pourriez-vous suggérer une façon de procéder qui serait plus efficace que le système actuel des certificats de sécurité? Peut-être faire appel à un intervenant désintéressé ou à un conseiller spécial qui prendrait connaissance de la preuve? Ou proposez-vous d’éliminer tout simplement le processus de délivrance de certificats de sécurité, tel qu’on le connaît actuellement, et de traiter la question de façon complètement différente?
    Les points de vue diffèrent entre les organisations. Amnistie Internationale ne prône pas nécessairement l’abolition du régime des certificats de sécurité. Nous avons dit que le processus a besoin d’être complètement remanié de façon à répondre aux normes internationales. Nous ne croyons pas qu’un conseiller spécial, dont le rôle s’inspirerait, au moins dans les grandes lignes, du système adopté au Royaume-Uni, serait la solution, car les conseillers spéciaux n’ont pas, avec la personne accusée, le genre de liens qui permettent d’assurer une défense efficace. À l’occasion, on a eu recours à d’autres modèles pour maintenir cette relation, pour que même lorsqu’un conseiller spécial a accès à des éléments de preuve secrets, il continue d’entretenir des liens avec le détenu, ce qui constitue un aspect fondamental.
    Je me permets de vous interrompre. Vous dites que vous ne plaidez pas en faveur de l’abandon complet des certificats de sécurité, mais est-il juste de dire, et corrigez-moi si je fais erreur, que la Coalition Justice pour Adil Charkaoui demande en fait que l’ensemble du processus de délivrance de certificats de sécurité soit aboli?
    Oui, c’est bien notre position.
    Comme je l’ai mentionné, l’égalité de traitement entre les citoyens et les non-citoyens est au coeur de nos revendications. Quel que soit le modèle pouvant satisfaire à cette exigence, je crois qu’il incombe aux spécialistes des questions de droit de l’élaborer. Et ce modèle, quelle que soit sa forme, doit faire une distinction entre les préoccupations liées à la sécurité nationale et le traitement des non-citoyens en particulier, par opposition aux citoyens. Il doit y avoir égalité de traitement en vertu des droits humains fondamentaux des citoyens et des non-citoyens. C’est notre position.
    Voilà qui met fin aux interventions de sept minutes. Nous passerons maintenant aux interventions de cinq minutes, et nous allons aller d’un à l’autre jusqu’à ce que tous ceux qui veulent exprimer leur opinion aient la chance d’être entendus.
     Nous commencerons par M. Telegdi
    Dans le cas qui nous occupe, l’expression « certificat de sécurité » est tout à fait inappropriée, particulièrement dans un contexte historique. Il n’y a qu’à considérer toutes les violations commises au Canada en vertu des certificats de sécurité. On se fonde sur des renseignements non vérifiés provenant de la GRC, du SCRS et d’espions internationaux, et les résultats parlent d’eux-mêmes, notamment dans l’affaire Arar. Il y avait non seulement des doutes initiaux lorsque M. Arar a été envoyé en Syrie, mais aussi quand les responsables des services de sécurité ont obtenu de l’information permettant de le disculper, ils ont choisi d’en effacer toute trace.
    Si on regarde du côté des États-Unis, on y trouve toutes sortes d’exemples de mesures prises au nom de la sécurité. Je suis complètement d’accord lorsque vous dites qu’il est impossible de dissocier la sécurité des droits de la personne, car ce sont les gouvernements qui, en invoquant l’argument de la sécurité, ont essentiellement le moins de respect pour la sécurité humaine. Thomas Jefferson avait tout à fait raison de dire que ceux qui sacrifient leur liberté au nom de la sécurité ne méritent ni l’une, ni l’autre. L’histoire et l’évolution des pays nous apprennent que ce sont les États qui dirigent par la terreur qui ont le moins d’égard pour la sécurité, et c’est bien là le malheur. L’intégrité juridique ne doit pas être compromise, car une fois qu’elle l’est, tout le système finit par en souffrir, et si des preuves non vérifiées sont présentées à la cour, ce qui se produit à l’heure actuelle en vertu des certificats de sécurité, cela pose un problème assez sérieux.
     Madame El-Fouli, vous avez raison: Saddam Hussein a eu droit à un procès beaucoup plus équitable que celui de votre époux, et nous devons faire de réels efforts pour changer cet état de choses. Madame Foster, je veux vous mettre en garde contre votre affirmation selon laquelle de telles choses n’arrivent pas aux citoyens; cela ne leur arrive pas parce que le Comité de la citoyenneté a refusé d’adopter une loi qui aurait intégré les certificats de sécurité au processus. Je crois qu’il importe que cette information soit communiquée aux Canadiens dans toute la mesure du possible — le concept global voulant que ma sécurité personnelle soit liée à la protection de mes droits individuels, et que si on porte atteinte à ces droits, le tort causé est tellement grand que c’en est tout à fait renversant.
     Madame El-Fouli, je ne peux pas vraiment vous répondre au sujet de la situation de votre mari, sauf pour vous dire qu’il y a un député qui se soucie du respect des droits de la personne. J’éprouve un véritable sentiment de honte lorsque je me rends aux cellules de détention provisoire et que j’y vois des gens qui n’ont pas été condamnés, qui n’ont pas été accusés, qui n’ont pas été jugés coupables de quoi que ce soit. Ils sont détenus simplement parce que des soupçons pèsent sur eux, et l’État n’a pas de preuves contre eux. Si de telles preuves existaient, un procès aurait été intenté. En tant que pays démocratique, nous nous devons de lutter pour préserver ces valeurs.
     J’aimerais poser une question au groupe d’experts. Quel genre d’action éducative avez-vous menée pour expliquer de quelle façon tout ce processus des certificats de sécurité en est maintenant venu à faire partie intégrante de la LIPR? J’ai voté contre, et j’appuierai sans aucun doute la motion de M. Siksay si jamais elle est proposée et fait l’objet d’un débat. C’est pour vous montrer comment la politique gradualiste a compromis notre liberté au prix de la sécurité.

  (1025)  

    Je peux répondre au nom de mon organisation. Amnistie Internationale a déployé de nombreux efforts, surtout ces cinq dernières années. Nous avons concentré notre attention sur ce débat national et international très inquiétant concernant la sécurité et les droits de la personne, et nous nous sommes employés à mettre en évidence le point que vous venez également de soulever — soit le lien fondamental qui existe entre la sécurité et les droits humains. Il est entendu que la sécurité assurée au prix des droits humains sera toujours précaire, et que les droits humains demeureront toujours fragiles s’ils ne reposent pas sur un engagement ferme à l’égard de la sécurité de la part des sociétés nationales. Les deux sont indissociables.
    Nous avons attiré l’attention sur la question des certificats de sécurité en diffusant de nombreux documents — brochures, documents de propagande et publications — pour souligner le fait que le débat n’est pas limité à la situation à Guantanamo Bay ou à d’autres régions du monde, mais qu’il nous touche aussi en tant que Canadiens. Nous nous devons de prendre cette question au sérieux. Elle concerne les droits humains et doit être examinée. Ce faisant, nous espérons montrer que le Canada joue un rôle directeur de premier plan sur la scène mondiale pour ce qui est de la question de la sécurité et des droits de la personne.
    Merci, Monsieur Telegdi.
    La parole est à M. Devolin, pour cinq minutes.
    Je vous remercie d’être ici aujourd’hui.
     Comme bon nombre des questions sur ma liste ont déjà été posées, je vais en demander d’autres. J’aimerais vous remercier tous d’être venus ici aujourd’hui.
     Je crois pouvoir affirmer, au nom de tous ceux qui ont visité le centre de détention de Kingston la semaine dernière, que cette visite a eu une forte incidence sur nous tous à de nombreux égards.
     Je ne suis pas avocat, mais tandis que j’écoute cette discussion au sujet de la conciliation d’intérêts qui se chevauchent ou qui pourraient s’opposer dans l’optique des droits humains par rapport à la sécurité nationale, je me demande quel est le seuil qu’il faut franchir pour qu’un verdict donné soit rendu dans le cadre d’une procédure quelconque. Dans le processus pénal, ce seuil est très élevé, la preuve devant être établie hors de tout doute raisonnable. Je ne suis pas spécialiste du droit, mais je sais que mention est faite de ce qu’on appelle la prépondérance des probabilités, et j’ai cru comprendre que lors du procès très médiatisé de O.J. Simpson, les procureurs n’ont pas réussi à prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable devant un tribunal pénal, mais ont satisfait au principe de la prépondérance des probabilités en cour civile. C’est ainsi qu’il n’a pas été trouvé coupable devant un tribunal pénal, mais a été poursuivi au civil pour des millions de dollars.
     Aujourd’hui, il a été question de « motifs raisonnables de croire », et je me disais que si l’équilibre des probabilités signifie qu’il y a plus qu’une chance sur deux que cela soit vrai, je ne sais pas si les motifs raisonnables de croire sont de l’ordre de 50 p.100 ou peut-être même moins que cette proportion — peut-être 20 p.100 ou 30 p.100. C’est ainsi que je vois les choses, de sorte que lorsqu’une personne descend d’un avion au Canada et qu’il y a des motifs raisonnables de croire que cette personne pourrait constituer une menace pour la sécurité du Canada, l’idée que cette personne puisse être détenue me semble raisonnable. Mais il s’agit ici de déterminer la durée de la détention et le processus à mettre en place, le cas échéant. Il me paraît aussi raisonnable d’avancer que la période de détention ne doit pas être indéterminée.
     Si le Canada établissait un cadre suivant lequel une fois qu’une personne est détenue et jusqu’à ce que le processus pénal soit mis en branle... je ne suis pas favorable à l’idée de soumettre l’affaire au système pénal courant, où la preuve doit être établie hors de tout doute raisonnable, car il pourrait facilement y avoir des cas où vous êtes certain à 90 p.100 qu’il y a un problème, mais comme vous ne l’êtes pas hors de tout doute raisonnable, la personne serait relâchée et libre de partir.
    Juste d’un point de vue pratique, j’aimerais savoir si c’est le test qui est appliqué dans d’autres pays lorsqu’une personne est détenue, s’il y a une procédure selon laquelle les éléments de preuve sont fournis — qu’il s’agisse ou non d’un procès se déroulant à huis clos ou en présence d’un conseiller spécial — et si le seuil est plus bas? En théorie, serait-il possible de mettre en place un système semblable au Canada? Il y aurait un processus d’audience, et que la norme soit la prépondérance des probabilités ou l’établissement de la preuve hors de tout doute raisonnable, ou quelque autre nouvelle formule... Je suis d’avis qu’en fin de compte, si les choses ne sont pas encore tout à fait claires — et je soupçonne qu’en général, elles ne le sont pas — la sécurité nationale du Canada, à un certain niveau, devrait l’emporter sur les droits du non-citoyen.

  (1030)  

    Il vous reste une minute.
    Pourriez-vous me donner une réponse de 40 secondes? Je m’excuse, mais c’est une question tellement pertinente que peut-être que monsieur le président vous accordera un peu de temps additionnel pour y répondre.
    Il nous reste peu de temps, parce que je me suis engagé à faire en sorte que tous ceux et celles qui désirent poser des questions aux témoins puissent le faire. La motion indique que cette décision revient au président.
    Allez-y, monsieur.
    Cette question revêt un intérêt international. Je vous dirais, spontanément, qu’il n’y a assurément pas d’autres pays qui, dans le cadre d’une instance en immigration, se fonde sur la norme de preuve élevée « hors de tout doute raisonnable » qui doit être appliquée en droit pénal.
    Je crois que la raison pour laquelle un si grand nombre d’organismes sont d’avis que ces questions doivent relever du droit pénal tient à la fois au fait qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle instance en immigration... Premièrement, il y a presque toujours des cas très graves de violation des droits humains, notamment le recours à la torture, l’arrestation et la détention arbitraires, qui sait, mais les persécutions dont font l’objet les personnes déportées dans leur pays d’origine sont effroyables. De plus, de graves allégations sont faites au sujet des risques à la sécurité. Les recours prévus en matière d’immigration ne permettent pas de régler ces problèmes, ils ne font que les balayer dans la cour d’un autre pays, et, ce faisant, donnent peut-être à la personne la possibilité de poursuivre ses plans et, éventuellement, de lancer une attaque quelconque qui aura des retentissements au Canada.
    Il importe donc d’examiner très attentivement le système pénal, qui représente la meilleure façon de traiter la question.
    Merci.
    Madame Deschamps.

[Français]

    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier beaucoup d'avoir témoigné aujourd'hui. C'est à la fois touchant et très, très bouleversant. Je me rends compte aussi qu'on fait face à de nombreuses attentes raisonnables, par exemple des décisions de la Cour suprême, dont découleront probablement de longues consultations et de longues études sur les options possibles, etc.
     Mais la question que je me pose est la suivante: est-ce que le Code criminel, les lois canadiennes ne suffisent pas en pareilles situations? Pourquoi le Canada n'est-il pas en mesure, avec sa propre Charte des droits et libertés et les conventions internationales dont il est signataire, d'agir en ce qui a trait à ces certificats de sécurité? Y a-t-il d'autres pays dans le monde qui agissent de la même façon présentement, en émettant des certificats de sécurité? Retrouve-t-on cela ailleurs dans le monde?

  (1035)  

    Je pense que cela existe. Premièrement, le certificat de sécurité, contrairement à ce qui est dit dans certains documents, existait avant 1991. Donc, il y a toute une série d'autres cas qui soit on été oubliés, soit sont demeurés inconnus.
    Mais l'argument principal est que le certificat de sécurité montre qu'il y a bel et bien une crise des droits, à l'heure actuelle, au Canada. Prenons l'exemple de la déportation vers la torture: le droit international et le droit humanitaire reconnaissent comme un absolu qu'on ne peut pas déporter quelqu'un vers la torture, la disparition ou la mort. C'est un absolu. Les cours européennes reconnaissent cela, mais au Canada, comme l'a souligné une fois le gouvernement lors d'une demande d'audience pour la libération conditionnelle de Mohamed Harkat, le gouvernement ne souscrit pas à cette notion de droit absolu. Donc, il existe, d'une part, une notion made in Canada qui reconnaît que c'est très mauvais de déporter quelqu'un vers la torture, mais, d'autre part, cette notion made in Canada dit qu'on peut le faire dans des circonstances exceptionnelles.
    Cette notion découle de la croyance que les droits ne sont pas des absolus, qu'ils n'appartiennent pas à l'être humain en raison de son humanité, mais qu'ils peuvent être limités par des règles de droit. Selon un fondement de la Charte canadienne des droits et libertés, les droits au Canada doivent être exercés de manière raisonnable, et c'est l'essence même de la définition des droits qui provoque toute cette crise.
    J'ai une autre question, celle-là peut-être à caractère plus humanitaire. Premièrement, concernant les conditions de détention auxquelles sont présentement assujetties les personnes visées par un certificat, je pense que cela pourrait être facilement corrigé ou qu'on pourrait, à tout le moins, y apporter des améliorations. Quant aux familles, elles sont victimes de la situation.
    Comment faites-vous pour vivre dans ces conditions? Vous êtes dans un couloir sans issue. Vous devez faire face à des responsabilités familiales et financières. C'est vrai autant pour des personnes qui sont en détention que pour celles qui sont en libération conditionnelle. Quelle est la vie de ces gens? Comment font-ils pour vivre?

[Traduction]

    Je suis heureuse que vous ayez posé cette question, car j’aimerais bien y répondre.
    En fait, je voudrais d’abord vous dire que mon mari est ici depuis près de dix ans et qu’il a passé la majeure partie de son temps à traiter avec le public. Il n’a jamais constitué un danger ou une menace pour qui que ce soit. C’est la première chose que je voulais signaler.
    Deuxièmement, il y a d’autres personnes qui sont libérées dans des conditions où cela pourrait se produire. Les conditions de libération de M. Charkaoui et de M. Harkat sont très strictes. Ce sera difficile pour une famille comme la mienne ou celle de M. Jaballah, en raison des enfants plus vieux qui ont besoin de vivre leur vie et qui veulent aussi maintenir des relations avec leurs parents. Ces conditions très restrictives vont affecter les familles dans leur ensemble, et pas seulement les détenus. Nous en ressentons tous les effets en ce moment. Notre moral est bas et celui des enfants aussi. La dernière fois que nous nous sommes présentés ici, mon fils avait écrit une lettre au premier ministre dans laquelle il disait : « Monsieur le premier ministre, vous n’avez pas seulement emprisonné mon père, vous avez emprisonné nos coeurs avec lui. »

  (1040)  

    Allez-y.
    Je crois que la procédure pourra se poursuivre lorsque les hommes pourront être réunis avec leur famille, mais en même temps, il faut comprendre et prendre en considération le fait que les enfants ont besoin d’une interaction avec leurs parents. Certains enfants ont des activités à l’extérieur de la maison. Il doit sûrement être possible de faire en sorte que les pères puissent partager des activités avec leurs enfants, par exemple le soccer ou des activités scolaires, pour que les enfants puissent eux-aussi prendre conscience des liens familiaux.
    D’accord, je vous remercie beaucoup.
     Madame Foster, vous semblez avoir grande envie de faire un commentaire. Allez-y.
    J’aimerais répondre à la question sur les répercussions.
     Les conditions de la libération de M. Charkaoui établissent qu’il n’est pas autorisé à quitter la maison sans être accompagné de sa mère ou de son père. Comme il doit travailler pour payer le loyer et qu’il est le soutien de la famille, sa mère est tenue de le suivre et de passer sa journée avec lui à son travail. Elle voulait même faire du bénévolat, mais comme la garderie se trouve dans un immeuble différent et qu’elle ne peut pas quitter son fils, elle a dû abandonner ce projet. Sa vie est mise en veilleuse. Les droits de la famille entière sont violés aux termes de ces conditions. Elle aimerait se trouver un emploi, mais n’ose pas par crainte de mettre en péril l’emploi de son fils, qui doit payer le loyer. C’est une situation terrible.
    Quant aux enfants, Khawla, l’aînée des enfants d’Adil, avait deux ans et demi lorsque ce processus a commencé. Sa tante m’a révélé l’autre jour qu’elles avaient vu un policier sur la rue. Elles étaient à proximité de la maison et Khawla a couru à la maison. Elle était affolée et effrayée par la possibilité que son père ne soit pas là à son retour à la maison. La situation a eu un effet dévastateur sur les enfants. Le fait de ne pas savoir quand ni comment cet état de choses prendra fin — s’ils vont être renvoyés dans leur pays d’origine où ils seront persécutés, si Adil sera appréhendé et incarcéré — tous ces scénarios sont tragiques pour les familles.
    Merci, madame Foster.
    M. Preston, puis M. Karygiannis.
    Merci, monsieur le président. À titre d’invité du comité, j’essaierai d’être aussi concis que possible et s’il reste du temps, j’essaierai de le partager.
    Premièrement, je vous remercie de la force de conviction de vos réponses aujourd’hui et je vous suis reconnaissant d’avoir permis de tirer au clair certains points sur lesquels je m’interrogeais. J’aimerais poursuivre un peu encore dans la même veine que Mme Folco et M. Devolin.
    Vous avez mentionné qu’au point de vue de l’immigration, vous ne savez pas si la norme du processus pénal est appliquée dans d’autres pays. Est-ce que c’est bien votre réponse?
    À ma connaissance. Je ne veux pas....
    Très bien. Quelqu’un a demandé si une procédure comme celle des certificats de sécurité était en vigueur ailleurs dans le monde. Je crois comprendre qu’un système semblable est en application au Royaume-Uni. Est-ce exact?
    Effectivement. Et dans plusieurs autres pays maintenant.
    Comment parviennent-ils à concilier les intérêts de part et d’autre? Vous cherchez, comme moi, à ce qu’il y ait un équilibre entre les droits humains et la sécurité du pays. À votre avis, les résultats obtenus sont-ils satisfaisants?
    Non. Il y a de graves lacunes là aussi, bien que dans certains cas, on signale une certaine amélioration par rapport au système canadien. Cette amélioration est minime, à supposer qu’il y en ait, et les véritables préoccupations ne sont assurément pas prises en compte.
    Je me suis renseigné sur le système de conseiller spécial auquel ils ont recours. Vous avez dit que Amnistie Internationale n’était pas tellement en faveur de ce système. Est-ce que le recours à un conseiller spécial ne constitue pas une façon d’aider le détenu à progresser vers une procédure pénale et, peut-être, de faire aboutir la situation?

  (1045)  

    Ce système est toujours mentionné comme étant un des moyens qui permet de répondre aux préoccupations concernant le secret de la preuve, parce que le conseiller spécial voit la preuve. Mais une fois que celui-ci en a pris connaissance, il doit cesser de s’entretenir avec le détenu ou d’avoir des contacts avec ce dernier.
    De sorte que nous créons une autre série de problèmes.
    C’est donc une amélioration sans avantage.
    Il ne semble pas que ce soit la solution non plus. J’essaie de trouver une solution autre que de passer par un tribunal criminel. Le système d’immigration ne remplit certainement pas la norme criminelle de preuve pour bon nombre de personnes à qui nous refusons la citoyenneté canadienne. Cette norme n’est utilisée nulle part ailleurs dans le système d’immigration, mais vous semblez dire qu’il s’agirait de la seule solution dans le cas des personnes faisant l’objet d’un certificat de sécurité. Comment faire la part des choses? Pensez-vous que plus de personnes tenteraient de resserrer la norme et qu’on aille au-delà du refus pur et simple de la demande d’immigration au Canada?
    Le cas des certificats de sécurité est particulier, en ce sens qu’une loi sur l’immigration se déguise jusqu'à un certain point en loi criminelle. On tente ici d’appliquer une loi sur l’immigration dans un domaine qui relève en réalité du droit criminel. Si tel est le cas, alors on doit effacer cette façade, on doit considérer la question comme relevant du droit criminel et la traiter en conséquence.
    Si c’est vraiment le cas, je suis d’accord avec vous. Ma question était la suivante: si nous n’utilisons pas cette norme pour d’autres règles en matière d’immigration, alors ne voudraient-ils pas tous que cette norme soit adoptée partout?
    Cette notion de criminalité n’intervient pas pour de nombreuses autres questions liées à l’immigration. C’est unique au cas qui nous intéresse. Ici, le droit de l’immigration tente d’aborder une question d’ordre criminel. La notion de criminalité n’intervient pas nécessairement pour les autres affaires couramment traitées en application de la loi sur l’immigration, c’est-à-dire les questions de savoir qui peut entrer, qui peut sortir, et de quelles façons les choses se dérouleront. Dans ces situations, il peut être parfaitement approprié d’appliquer d’autres normes de preuve.
    Merci, monsieur Preston.
    Passons maintenant à M. Karygiannis.
    Monsieur le président, j’invoque le Règlement, pourquoi ne respectez-vous pas l’ordre habituel pour les interventions? Normalement, on irait ici puis on passerait à d’autres personnes.
    C’est un peu difficile aujourd’hui, parce que beaucoup de personnes souhaitent prendre la parole.
    Il est proposé dans la motion que dix minutes soient accordées aux témoins pour leur déclaration préliminaire, et que pour l'interrogation des témoins, à la discrétion du président, sept minutes soient allouées au premier intervenant de chaque parti et cinq minutes encore à chaque intervenant suivant, en alternant entre le gouvernement et l'opposition, jusqu’à ce que tous les membres aient eu l’occasion d’intervenir, après quoi on reprendra le même processus, si le temps le permet.
    Nous devons veiller à ce que tous les membres aient l’occasion de se prononcer.
    Quoi qu’il en soit, monsieur le président, vous dérogez de la façon de faire habituelle. Aux autres réunions, à celle de mardi, j’aurais pu parler maintenant, puis vous auriez donné la parole à d’autres personnes n’ayant pas encore eu l’occasion de le faire.
    Oui.
    Ce que j’aimerais dire est que je cède la parole à M. Karygiannis et à M. Wilson si vous revenez à moi après leur intervention, en reconnaissance du fait que nos présentations ont pris trop de temps ce matin et que vous dérogez de la façon de faire habituelle du comité.
    Oui. Je serai heureux de revenir à vous si le temps le permet, je suis certain que ce sera le cas — espérons-le.
    Monsieur Karygiannis.
    Peut-être devrions-nous nous pencher sur ces règles.
    Permettez-moi de dire que le groupe qui nous intéresse aujourd’hui n’est pas le premier à traverser ce genre de difficultés au Canada. Nous avons eu les Ukrainiens, les Italiens, puis les Grecs entre 1967 et 1974. Mon père était un militant à l’époque, et la GRC tenait des dossiers secrets, tout ça, mais ce n’est pas ce dont je veux parler maintenant. Je ne veux pas perdre de temps là-dessus.
    Permettez-moi de faire quelques commentaires. Je ne crois pas qu’un seul député appuie ce que vos familles doivent subir en ce moment, en particulier les procès secrets. Si la motion de M. Siksay était présentée, elle recevrait un appui important.
    Madame El-Fouli, permettez-moi de vous poser une question. Comment vos enfants sont-ils traités à l’école? Comment les professeurs les perçoivent-ils? Comment la famille s’en tire-t-elle pour l’argent et la vie quotidienne? Si vous pouviez prendre quelques minutes pour nous en parler, je vous en serais très reconnaissant.
    Encore une fois, vous posez une excellente question.
    Lorsqu’ils sont dans la cour d’école, mes enfants, ceux qui sont à l’école, se font bien sûr dire des choses du genre « on sait que ton père est en prison. » Mon fils aîné était bouleversé une fois en rentrant à la maison, après s’être fait dire cela, il ne savait pas quoi faire. Ce jour-là, il s’est simplement montré sarcastique dans la salle de classe, et on a dû lui demander à maintes reprises ce qui se passait avant qu’il admette ce qu’on lui avait dit et qui lui avait dit cela.
    Je lui ai dit de répondre qu’en effet, son père est en prison, mais qu’il n’a rien fait de mal, qu’il n’est pas un criminel, et que nous le ferons sortir de là. Après, il a commencé à se sentir mieux.
    Lorsqu’ils étaient petits, les enfants du quartier jouaient ensemble. À l’époque, les autres enfants disaient toujours « Ibraim et Yusuf n’ont pas de père », et leur demandaient où était leur père. Encore là, mes enfants étaient bouleversés, jusqu’au jour où j’ai demandé à mon...

  (1050)  

    Est-ce qu’il est déjà arrivé à un de vos enfants de se faire traiter de « terroriste », que ce soit à l’école ou lorsqu’il jouait avec des amis?
    Non, pas à ma connaissance, jamais.
    Pourriez-vous dire, pour le compte rendu, qui a causé des ennuis à votre mari au centre de détention? Qui était l’agent de sécurité? Quel est son nom, s’il vous plaît?
    Je peux vous donner le rapport.
    Lisez-le pour le compte rendu, s’il vous plaît.
    Vous voulez parler du centre de surveillance de l’immigration? Ce n’était pas seulement au centre de surveillance, mais également au centre de détention, où d’autres agents ont aussi fait quelque chose.
    Je parle de la personne qui, à Kingston, craignait pour la vie de votre mari, et la personne qui vous a causé des ennuis lors d’une de vos visites.
    Oui. Il s’appelle M. Van Duyse.
    Connaissez-vous ses antécédents? Savez-vous s’il a déjà été dans l’armée canadienne?
    Je n’en sais rien.
     Mon mari a seulement demandé de l’eau. Le visage de l’homme est viré au rouge. Il était furieux, parlait de façon agressive, et il a quitté la pièce d’une façon qui manquait vraiment de professionnalisme.
    Monsieur le président, je précise pour le compte rendu que j’ai reçu un courriel de l’un des agents, et je crois qu’il porte le même nom. Je le présenterai au comité la semaine prochaine.
    Combien de temps avons-nous, monsieur le président?
    Environ une minute.
    Monsieur Neve, comment décririez-vous les conditions de détention des détenus? Diriez-vous qu’elles sont aussi mauvaises qu’à Guantanamo? Donnez-nous un exemple de situation très similaire à l’étranger mais que nous condamnons au Canada.
    Il est évident qu’il y a des similitudes et des différences entre les conditions de vie des personnes détenues sous le coup d’un certificat de sécurité et celles des personnes détenues à Guantanamo. Certains diront que les personnes détenues sous le coup d’un certificat de sécurité bénéficient au moins de certaines avenues judiciaires, si lacunaires soient-elles, alors que nombre des détenus de Guantanamo, on le sait, n’ont accès à rien.
    Cela dit, des similitudes existent, en ce sens que dans les deux cas, les gouvernements ont choisi d’appliquer des mesures de sécurité qui contreviennent à de nombreux principes relatifs aux droits de la personne, par exemple, sur les plans de la protection au moment de la détection, du droit à un procès équitable et des protections contre la torture et les mauvais traitements. Voilà où résident les similitudes.
    Je crois qu’il est très important de faire des liens avec d’autres situations dans le monde. Si nous voulons que le Canada ait du poids et soit crédible lorsqu’il dénonce les abus observés ailleurs, nous devons donner l’exemple ici.
    À votre connaissance, le gouvernement du Canada a-t-il déjà dénoncé une situation à l’étranger qui était semblable à ce qui est observé à Kingston?
    Malheureusement, la voix du Canada ne s’est pas élevée très haut dans le cas de Guantanamo Bay.
    J’aimerais en fait faire un lien avec ce qui est arrivé à certains citoyens canadiens qui ont subi de la torture et des mauvais traitements à l’étranger, comme Maher Arar. Manifestement, on peut même parler ici de complicité canadienne, et dans ces cas, le Canada a au mieux émis un jugement nuancé, mais c’est un exemple de cas qui nous touche de près.
    Merci, monsieur Neve.
     Monsieur Wilson, s’il vous plaît.
    Merci aux témoins. Comme vous le savez, le comité a récemment pu visiter le Guantanamo du Nord, soit le Centre de surveillance de l’immigration à Kingston.
     Le gouvernement est dans une situation délicate, comme il a été mentionné, en ce qui concerne les certificats de sécurité et leur incidence sur les personnes qui sont détenues dans ce qui je crois a été désigné par le ministre comme une prison à trois murs, en ce sens qu’ils sont libres de rentrer dans leur pays à tout moment. Cela dit, à la lumière de vos témoignages aujourd’hui, ils courent le risque d’être torturés dans le pays où ils doivent retourner, que ce soit l’Algérie, le Maroc, la Syrie ou l’Égypte.
     D’une part, le fait de garder quelqu’un en détention pour une période indéterminée, voire pour une période prolongée, soulève d’importantes préoccupations sur les plans de la justice et de la liberté, comme l’a dit Mme Foster. D’autre part, on doit tenir compte du risque réel ou allégué que la personne présente ou pourrait présenter pour la sécurité nationale. À ce stade-ci, en nous fondant sur les éléments de preuve que nous avons, ou sur les éléments de preuves secrets qui ont été présentés, on arrive à la conclusion que les personnes présentent une menace, et qu’il serait imprudent de la part du gouvernement du Canada d’intégrer ces personnes à la société canadienne.
     Quelles sont les solutions qui s’offrent au gouvernement du Canada dans un cas où l’exclusion de la société canadienne n’est pas envisageable mais que la personne présente apparemment une menace pour la société?
    Monsieur Neve, comme vous l’avez mentionné, si la marche à suivre quant au certificat de sécurité doit être revue en bloc, quelles sont exactement les mesures que vous recommanderiez pour faire face à la situation?

  (1055)  

    Je crois que bien des choses devraient être faites. Il est clair que le processus lui-même doit être entièrement revu pour qu’il réponde aux normes de procès équitable, ce qui concerne bien entendu l’accès aux preuves, la représentation juridique appropriée, le choix de la norme de preuve, et le type d’examen dont feront l’objet les décisions relatives aux certificats de sécurité. Je crois que ça doit être assorti d’une politique qui permettrait à tout le moins de miser activement sur les poursuites au criminel plutôt que sur les mesures liées à l’immigration, pour les raisons que j’ai mentionnées plus tôt. Les mesures liées à l’immigration peuvent souvent mener à des violations des droits de la personne, mais ne permettent presque jamais de répondre adéquatement aux attentes en matière de sécurité.
    La loi canadienne devrait clairement empêcher le renvoi d’une personne vers un endroit où elle subira de la torture. Rien de tel n’est encore mentionné dans la loi canadienne, et il y a longtemps que cela aurait dû être fait. Une durée maximale de détention devrait être fixée. Comme je l’ai dit plus tôt, je ne suis pas en mesure de dire ce que devrait être cette période de temps. Je crois que vous devriez demander conseil à des experts en la matière, mais je suis d’avis que cela devrait faire partie des mesures prises. Il ne fait nul doute que les conditions de détention devraient être améliorées de façon significative, et je tiens à souligner que je ne parle pas seulement des personnes détenues sous le coup d’un certificat de sécurité. D’autres personnes sont détenues pour des accusations liées à la sécurité dans le cadre de procédures d’immigration, sans pour autant qu’intervienne un certificat de sécurité, et leur détention aussi se poursuit indéfiniment, dans des établissements correctionnels provinciaux, sans qu’aucun programme ne leur soit offert, et ils ont de réels problèmes pour ce qui est des visites des membres de leur famille, entre autres. Il s’agit donc d’une préoccupation plus large.
    J’ajouterais peut-être qu’il serait vraiment nécessaire d’améliorer les mesures de surveillance des cas de détention pour des questions d’immigration dans ce pays, particulièrement les détentions sous le coup d’un certificat de sécurité. Il serait essentiel qu’une personne ou un organisme impartial veille au suivi continu des questions liées aux conditions et aux programmes. Cette personne ou cet organisme pourrait recevoir les plaintes en cas d’abus ou de mauvais traitement, veiller à la tenue d’enquêtes efficaces et indépendantes concernant ces plaintes et au repérage de solutions à ces problèmes.
    Étant donné que le gouvernement conservateur actuel semble être paralysé et ne pas avoir l’intention de faire avancer les choses et de discuter des avenues possibles, et comme on l’a entendu aujourd’hui, qu’il souhaite attendre une décision de la Cour suprême, je crois qu’une analyse beaucoup plus approfondie de la question s’impose.
    Recommanderiez-vous une éventuelle enquête publique sur ce qu’on appelle le Guantanamo du Nord, un peu comme ce qui a été proposé dans l’affaire Maher Arar?
    Il vous reste 30 secondes.
    Je pense qu’il serait intéressant de procéder ainsi, définir un cadre de travail clair en collaboration avec les familles des détenus, se pencher sur les conditions de détention et de mise en liberté à ce Guantanamo du Nord, et sur leur incidence sur les membres de la famille.
    Il est 11 heures, le comité s’arrêterait ici en temps normal. Je crois comprendre qu’une ou deux questions restent à poser. Je m’en remets au comité. Si chaque parti souhaite poser une dernière question, si les témoins ont du temps, alors les députés du Parti libéral, du NPD, du Bloc et du Parti conservateur demanderons probablement 10 minutes de plus que le temps alloué.
    Monsieur le président.
    M. Siksay avait sa main levée.

  (1100)  

    Monsieur le président, je croyais que vous reviendriez à moi après que j’ai eu cédé la parole à MM. Karygiannis et Wilson, donc si c’est ce que nous ferons, je vous demande de commencer par moi.
    M. Wilson était le seul membre du comité qui n’avait pas eu la chance de parler, c’est pourquoi j’ai décidé de rester dans le cadre très précis de la motion et donner à tous l’occasion de parler.
    Je vous avise, monsieur le président, que je n’oublie pas votre dérogation à l’ordre habituel des interventions au sein des comités, et je voudrai approfondir la question.
    J’ai légèrement dévié du cadre de la motion. Si nous le souhaitons, nous pouvons maintenant entendre une question de chaque membre, mais si des mains continuent de se lever pour faire des rappels au Règlement, nous perdons un temps précieux.
    M. Karygiannis était le suivant.
    Monsieur le président, je crois que si vous demandiez le consentement unanime, tous ceux qui souhaitent poser une ou deux questions devraient pouvoir le faire, sans égard au parti. Chacun de nous peut poser une ou deux questions — je comprends que la salle ne sera pas utilisée après nous — et nous pouvons donner suffisamment de temps aux témoins pour répondre aux questions.
    Voilà ce que je propose au comité. Le comité souhaite-t-il que quelques minutes soient accordées pour répondre aux questions additionnelles de chaque parti?
    Des voix: D'accord.
    Le président: D’accord, je crois comprendre que c’est ce qui est souhaité, et je demanderai au représentant du Parti libéral de commencer. Non, je donnerai d’abord la parole à M. Siksay, comme il n’a pu prendre la parole qu’une seule fois depuis le début. Je commencerai par lui.
    Merci, monsieur le président.
    Je voulais simplement répondre à la question de M. Wilson. Dans son rapport annuel, l’enquêteur correctionnel du Canada, M. Sapers, a récemment proposé qu’on lui donne le mandat de recevoir les plaintes des détenus sous le coup d’un certificat de sécurité ou de mener des enquêtes à ce sujet. Il a indiqué que lorsque les détenus se trouvaient dans un établissement provincial, particulièrement en Ontario, ils pouvaient s’adresser à l’ombudsman de l’Ontario pour toute plainte ou grief non réglé, mais que depuis leur transfert à Kingston, ils n’ont pas accès aux services d’un ombudsman. Il a demandé à ce que cela fasse partie de son mandat.
    Je me demandais seulement si vous aviez une réponse à formuler à ce sujet.
    J’appuie entièrement cette idée. Je ne dirai jamais assez combien c’est important pour les questions liées à la détention en général, mais la détention sous le coup d’un certificat de sécurité est un cas particulier. Compte tenu de toutes ces préoccupations concernant la nature indéfinie de la détention et des effets néfastes qu’elle a sur l’état mental et psychologique des détenus, entre autres, il est extrêmement important qu’un mécanisme indépendant soit mis en place pour recevoir les plaines, pour veiller aux mesures de surveillances, pour garder un œil sur la situation en général.
    Merci.
    Merci, monsieur Siksay.
    J’irai maintenant à M. Telegdi. Est-on d’accord pour que chaque parti pose une question?
    Oui, c’est ce que nous avons compris, monsieur le président.
    D’accord, nous sommes d’accord pour dire que chaque parti pourra poser une question.
    Nous entendrons M. Telegdi, M. Vincent et M. Komarnicki, puis la séance sera levée.
    Merci, monsieur le président.
    On demande quel serait le point d’équilibre. Je crois que ce qui m’inquiète dans tout ça, c’est que les personnes sur qui nous comptons pour nous donner des informations violent les droits de la personne. Pour les personnes qui donnent de fausses informations, comme cela a été le cas dans l’affaire Arar, ou qui s’abstiennent de transmettre certains renseignements, Dieu sait combien l’obligation de rendre compte devrait exister, car elles violent les droits d’un Canadien ou d’une personne — un humain. En ce moment, ça ne semble pas être le cas.
    Si vous voulez parler de l’enquête sur l’affaire Arar en particulier, je crois qu’une des choses préoccupantes qui ressortent du rapport du ministre de la Justice, M. O’Connor, et que nous avons entendue de la bouche du commissaire Zaccardelli lui-même, c’est qu’il n’a aucunement l’intention de prendre des mesures disciplinaires, et encore moins d’envisager des accusations au criminel contre les personnes ayant posé les actes répréhensibles, le cas échéant.
    Ce n’est évidemment pas une réponse appropriée à une violation des droits de la personne comme celle observée dans l’affaire Maher Arar. Les choses ne peuvent s’améliorer s’il n’y pas de justice, pas d’obligation de rendre compte, pas de conséquences. Je crois qu’il faut continuer de faire pression pour que le gouvernement mène les enquêtes qui s’imposent quant aux actes qui ont été posés dans cette affaire, et pour que le non-respect de politiques soit sanctionné au moyen de mesures disciplinaires, le cas échéant, et pour que des mesures criminelles soient prises s’il y a eu violation de la loi.
    D’accord, merci.
    Monsieur Vincent.

[Français]

    J'ai bien aimé la réponse qu'on a donnée à la question que M. Komarnicki a posée tout à l'heure quand il a demandé comment on pouvait trancher entre la protection du pays et les droits des personnes. M. Preston a, quant à lui, parlé d'équilibre. Je pense qu'en termes de droits de la personne, la première des préoccupations doit être de savoir pourquoi on est arrêté et mis en prison. On peut bien dire que la sécurité du pays est peut-être mise en jeu, mais avant de savoir pourquoi elle est mise en jeu, il faut bien savoir pourquoi on est arrêté. Je pense que vous avez offert une bonne réponse.
    Ma question sera plus simple. J'aimerais savoir quelle est la meilleure question que vous auriez aimé qu'on vous pose. Quelle est votre réponse?

  (1105)  

[Traduction]

    Comprenez-vous ma question?
    J’imagine qu’il se demande s’il y a une question qui n’a pas été posée ce matin et que vous auriez aimé entendre pour pouvoir approfondir un peu plus votre pensée.

[Français]

    C'est une bonne question.

[Traduction]

    Des mesures pourraient être prises.

[Français]

    En fait, ce qu'on attend, ce ne sont pas tellement des questions du gouvernement ou des partis politiques, mais bien une annonce comme quoi ces violations des droits humains vont cesser. Le problème, quant à toutes ces questions, est que le certificat de sécurité et les politiques d'immigration viennent du gouvernement et de la Chambre. Ce n'est certainement pas, en quelque sorte, aux organisations comme le comité Justice pour Mohammed Harkat ou comme les comités qui existent à Montréal et à Toronto, qui sont des organisations qui défendent les droits du mieux qu'elles le peuvent mais qui n'ont pas de moyens, d'expliquer au gouvernement, qui a créé ce gâchis, comment il doit résoudre le problème. Notre rôle est de protéger ces hommes et de lutter pour leurs droits et pour les droits de tous.
     Maintenant, ce n'est pas à nous d'arriver et de dire que votre appareil de répression fonctionne mal, qu'il faut faire quelque chose d'autre: faites ceci, faites cela. Ce n'est pas à nous de trouver la solution. Nous consacrons suffisamment de temps et de moyens à cette situation, avec le peu d'argent et de ressources que nous avons, alors que le gouvernement a des milliers de fonctionnaires, des milliers d'experts qui, eux, peuvent se pencher sur cette question des violations des droits. Or, il ne l'a pas encore fait. C'est là où réside le problème. Vous nous demandez quelle est la meilleure question? Ce sont plutôt des réponses que l'on veut. La meilleure chose qui puisse se produire, c'est que vous nous annonciez que ces hommes vont être libérés et que vous allez tous soutenir la défense de leurs droits.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Komarnicki.
    Merci, monsieur le président.
    À la lumière des réponses données par M. Wilson, c’est certainement une question de semaines, et non pas de mois ou d’années, avant que la décision soit rendue. La décision est bien réfléchie.
    Pour éviter que soient véhiculées des idées fausses devant le comité ou au sein de la population canadienne, les certificats de sécurité sont assez rarement utilisés. Depuis 1991, seulement 27 certificats de sécurité ont été délivrés. Il serait injuste de dire que les éléments de preuve ne sont pas vérifiés ou mis à l’épreuve, parce que nous avons des juges des instances d’appel, qui sont très bien formés, et des juges désignés, qui se penchent sur les éléments de preuves, les vérifient et les mettent à l’épreuve. Ils donnent les raisons pour lesquelles on craint une menace pour la sécurité nationale et les autres parties peuvent les réfuter. Il est tout à fait possible de présenter des éléments de preuves et d’interroger les témoins au cours de la partie publique de l’audience. Cela dure parfois plusieurs jours.
    Ce n’est pas comme s’il n’y avait pas d’élément de preuve ou si les éléments de preuve étaient tenus secrets. On s’y penche en profondeur, et bien sûr, l’objectif premier est de soupeser les intérêts. Dans mon esprit, si la preuve est faite, la sécurité nationale prime.
    On a même vu un membre du Parti libéral, M. Bains, présenter un projet de loi acceptant la notion de certificat de sécurité. Il prévoyait qu’un conseil spécial soit présent lorsque les renseignements ou les éléments de preuve sont présentés au juge, pour veiller à la protection de l’intérêt du public. Le conseil spécial peut présenter ses arguments au juge quant à toute question réglementaire pour dire que quelqu’un doit présenter un intérêt substantiel pour le public.
    Les intérêts sont soupesés. N’êtes-vous pas d’accord pour dire que des dispositions permettent de prendre en compte la sécurité nationale dans l’intérêt de l’ensemble de la population?

  (1110)  

    Je crois que nous avons clairement convenu de ce point, oui, la sécurité nationale nous préoccupe au plus haut point, et il y a une préoccupation à l’égard des droits de la personne. Ce que nous essayons de faire ressortir, c’est que les politiques des gouvernements, y compris celui du Canada, en lien avec la sécurité nationale — qu’il s’agisse de mesures concernant l’immigration, les certificats de sécurité, ou toute autre pratique — doivent être conformes au système international des droits de la personne.
    Ce système est défini par les gouvernements eux-mêmes. Le système reconnaît déjà les liens entre les questions de sécurité nationale et les questions liées à la protection des droits de la personne. Il établit que certains droit de la personne ne peuvent en aucun cas être violés pour des raisons de sécurité nationale, et que certains droits ne peuvent être violés que dans des circonstances très restreintes, en cas d’extrême urgence nationale.
    Le système international des droits de l’homme comprend déjà un cadre qui traite de la question.
    N’est-ce pas ce que les tribunaux essaient de faire, soupeser les différents droits et intérêts?
    Silence.
    Le comité était clair, une question...
    Monsieur le président.
    Avant de vous entendre, monsieur Karygiannis, je veux donner à Mme El-Fouli l’occasion de formuler un dernier commentaire. Elle avait la main levée au dernier tour.
    Allez-y s’il vous plaît.
    Merci.
    Je veux seulement attirer l’attention de tous sur un point qui a déjà été mentionné pour que cela soit bien clair: nous ne voulons pas que les certificats de sécurité permettent de justifier le non-respect des droits de la personne. Les droits de la personne sont un aspect pour lequel le Canada jouit d’une excellente réputation dans le reste du monde. Le Canada a une image unique sur ce plan, et nous ne voulons pas la perdre. C’est très important pour le Canada et pour les Canadiens de poursuivre dans la voie du respect des droits de la personne.
    M. Karygiannis a mentionné ce qui est arrivé à M. Arar ainsi qu’à des Japonais, des Italiens, des Ukrainiens et d’autres avant. Nous devrions en tenir compte aussi, et essayer d’examiner les renseignements que nous avons. Comme je l’ai dit et comme d’autres l’ont mentionné, de quelles sources proviennent-ils? S’agit-il de renseignements exacts ou erronés?
    Mettre des personnes en détention pour une période indéfinie est un cas flagrant de violation des droits de la personne. C’est une violation de leurs droits, des droits des membres de leur famille et mêmes de ceux du Canada.
    Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui...
    Monsieur le président, j’invoque le Règlement et j’ai une question pour le président.
    Oui, un moment, je veux m’adresser aux témoins.
    Merci beaucoup d’être venus. Ce que vous aviez à nous dire était très intéressant. Il n’est pas fréquent que les membres du comité souhaitent aller au-delà de la période prévue, donc ce que vous aviez à dire était très utile, et je veux vous en remercier.
    Ne pensez surtout pas que vos préoccupations n’ont pas été entendues. Dans l’avenir, nous présenterons des recommandations ou d’autres formes de commentaires, et vos préoccupations seront certainement prises en compte.
    Encore une fois, merci beaucoup.
     Maintenant, monsieur Karygiannis, un rappel au Règlement.
     Les témoins peuvent quitter s’ils le souhaitent. Vous n’avez pas à rester pour les rappels au Règlement.
    Il y a un certain nombre d’organisations — par exemple, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul, qui ont été ajoutés à la liste il y a quelques semaines — qui sont considérées comme une menace pour le Canada. Tout Canadien qui entre en contact avec une de ces organisations devient automatiquement une menace pour le Canada... ou peut avoir de sérieux problèmes.
     Pour tous ceux d’entre nous qui sommes entrés en contact avec les prétendues menaces pour le Canada alors que nous ignorons les risques auxquels nous nous exposions, je demande au comité, au greffier, à vous d’obtenir des renseignements au sujet des organisations terroristes auxquelles ces personnes appartiennent et quel genre de menace nous-mêmes présentons parce que nous avons été en contact avec elles.
     Le fait que nous nous y sommes allés, en tant que membres du comité, pourrait sans doute nous causer des problèmes dans l’avenir. Si ces personnes font partie d’un groupe figurant sur la liste, et que nous sommes entrés en contact avec elles, cela pourrait certainement nous mettre dans une situation fâcheuse.
    Je demande au président, dans le souci de la sécurité de tous les membres du comité, d’obtenir les faits et figures indiquant à quelles organisations ces personnes appartiennent, et de faire rapport au comité de la gravité de la situation, dans l’éventualité où nous aurions violé une loi.

  (1115)  

    Quelles organisations sont...?
    De quelles organisations les détenus font-ils partie? Sur quelles listes figurent-ils? L’ASFC a une liste. Une liste indique les organisations avec lesquelles nous, les Canadiens, ne pouvons entrer en contact.
    Si nous sommes entrés en contact avec une personne appartenant à une de ces organisations et que nous avons ainsi enfreint les lois canadiennes, nous devons le savoir.
    Avant que je demande aux attachés de recherche de faire des commentaires à ce sujet, je donne la parole à M. Siksay...
    C’est une autre question. Pourrais-je avoir une seconde avant la levée de la séance?
    D’accord.
    Les attachés de recherche peuvent-ils nous renseigner à ce sujet? J’ignore vraiment quelle procédure nous devrions suivre, à part demander aux attachés de recherche de se pencher sur la question et de nous faire part de leurs conclusions — ou s’il s’agit d’un rappel au Règlement que nous devrions examiner.
    Il existe au Canada différentes listes sur lesquelles peuvent figurer les organisations. Le Code criminel donne une liste de 40 organisations. Le Règlement d'application de la résolution des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme en contient une, et les Nations Unis ont dressé une liste des membres d'al-Qaïda et des talibans.
    En ce qui concerne les sanctions imposées aux personnes ayant un lien avec ces organisations, quelqu’un qui aide ces organisations à atteindre leurs objectifs ou à faire avancer leur cause s’expose à des sanctions. Cela dit, le fait d’écouter ou d’entendre ces organisations n’entraîne pas de sanctions.
    Je ne suis pas d’accord.
    Après le tsunami, j’ai été en contact avec des membres des Tigres de libération de l'Eelam tamoul. Je leur ai rendu visite au Sri Lanka. Si je leur rendais visite aujourd’hui, je pourrais être un criminel.
    Je ne suis vraiment pas d’accord. C’est pourquoi je veux une réponse claire. Je veux savoir de quelles organisations ils font partie, sur quelles listes ils figurent, et quelles pourraient être les conséquences pour les membres du comité qui leur ont rendu visite.
    Je crois que nous demanderons aux attachés de recherche d’approfondir la question et d’en faire rapport au comité à une date ultérieure.
    Merci.
    Monsieur Siksay, s’il vous plaît.
    M. Neve a mentionné un certain nombre d’accords internationaux relatifs à la détention, et il a offert d’obtenir des copies. Je me demande si les analystes ne pourraient pas s’en charger pour nous — nous dire quels sont ces accords et en obtenir copie pour le comité.
    D’accord. Il en est ainsi ordonné.
    Merci.
    La séance est levée.