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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 017 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 26 septembre 2006

[Enregistrement électronique]

  (0925)  

[Traduction]

    La séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord du 26 septembre 2006 est ouverte.
    Voici l'ordre du jour. Nous accueillons deux témoins aujourd'hui : Mary Young, directrice du Centre de services aux étudiants autochtones, de l'Université de Winnipeg, et Nathan Matthew, principal conseiller et négociateur en matière d'éducation du B.C. First Nations Leadership Council. Nous vous remercions d'être ici, malgré un préavis plutôt court. Vos efforts sont vraiment appréciés.
    Nous allons commencer avec les deux exposés d'une dizaine de minutes chacun, puis je demanderai aux membres du comité de vous poser des questions concernant les études postsecondaires, jusqu'à la fin de la séance, à 11 heures.
    Nous avons un interprète, alors vous allez sûrement avoir quelques questions en français. Nous allons voir à ce que vous soyez branchés.
    Mary Young, voulez-vous commencer, je vous prie?
    Bonjour. [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
    Il me faudrait, je crois, un autre doctorat pour bien comprendre le système technique.
    Je vous dismeegwetch de m'avoir invitée à m'entretenir avec vous ce matin.
    Je suis à l'université depuis 22 ans, alors je crois savoir ce dont je vais vous parler aujourd'hui. L'un des changements majeurs qui doit être fait au chapitre de l'éducation postsecondaire, c'est l'argent que reçoivent les étudiants. Ils obtiennent encore 675 $ par mois pour subvenir à leurs besoins. J'essayais de vivre avec une telle somme en 1973. Les étudiants métis n'ont absolument aucun financement. Un bon nombre n'obtiennent que des prêts aux étudiants, et vous savez ce que cela signifie, à quel point ils sont endettés à la fin de leurs études.
    Accéder aux études post-secondaires est tout un exploit. Cela commence beaucoup plus tôt. Combien d'étudiants autochtones obtiennent un diplôme d'études secondaires? Sans ce diplôme, il est impossible d'accéder aux études postsecondaires. Le roulement du personnel enseignant dans les communautés des premières nations pose problème. On nous demande encore de renoncer à notre identité. On nous demande encore de nous assimiler à l'ensemble de la société. La langue, la terre et la culture sont les cadeaux les plus importants que nous avons reçus du Grand Esprit et nous en avons besoin pour réussir des études secondaires et postsecondaires.
    Lorsque les étudiants arrivent dans les villes, ils ne peuvent se loger convenablement. Ils doivent louer des appartements dans des secteurs où il est dangereux de vivre ou d'étudier. Les choses ont bien peu changé depuis l'époque où je cherchais un appartement et qu'on m'a dit sans ambages que je ne pouvais louer cette chambre parce que j'étais autochtone. J'ai travaillé seule pendant 16 ans à l'Université de Winnipeg à offrir des services de conseil, de counselling, de recrutement et de liaison auprès des communautés. Lorsque je suis partie, il n'y avait personne dans mon bureau. Comment pouvais-je recruter d'autres étudiants et leur dire « Voici les services offerts aux étudiants autochtones », alors que personne n'était là?
    Aujourd'hui, nous avons un beau centre. Il s'agit d'un second chez-soi pour bon nombre d'étudiants. Si nous ne l'avions pas, nous perdrions de nombreux étudiants autochtones, parce qu'ils ne restent pas. Ils ont besoin d'un lien avec l'université, un lien avec le personnel et la faculté. Nous sommes encore aux prises avec l'aliénation, le sentiment d'appartenance, la crainte de l'échec. Ce sont les sentiments de séparation dont j'ai parlé dans ma thèse de maîtrise. Ce sont de véritables problèmes. Si nous ne réussissons pas à les régler, nous ne pourrons pas obtenir de diplôme universitaire.
    Je suis devant vous en tant qu'Anishinabekwe. Je suis la fille de ma mère, Isabelle, et de mon père, Charlie. Je représente aussi l'Université de Winnipeg. J'ai appris à trouver un équilibre entre ces deux types d'éducation. Si je ne respectais pas les enseignements de mon père et ceux de ma mère, sa personnalité et qui elle était, alors je ne devrais pas être ici aujourd'hui. Lorsque nous parlons des étudiants qui poursuivent des études postsecondaires, nous devons nous rappeler qui ils sont.
    Cela dit, je vous dis meegwetch de m'avoir invitée ce matin.

  (0930)  

    Monsieur Lévesque, avez-vous un problème avec l'interprétation?

[Français]

    Absolument pas. Mme Young semblait avoir de la difficulté avec son écouteur. Je voulais tout simplement lui mentionner qu'elle pouvait le retirer pendant sa présentation, si cela la dérangeait.
    Je vais attendre mon tour pour poser des questions.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lévesque.
    Monsieur Matthew.
    Bonjour, et weyt-k. Merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité, dont les travaux semblent avoir une influence sur la vie des membres des premières nations, et sur l'éducation dans ce cas-ci.
    Je vais devoir vérifier l'heure. J'ai 10 minutes?
    Je suis un Secwepemc, un Shuswap de la Colombie-Britannique. Je ne vis pas très loin de Colin, dans la vallée de la rivière Thompson-Nord, au nord de Kamloops, dans la réserve de la Première nation Simpcw. Je suis né et j'ai grandi à cet endroit. J'ai une certaine expérience en éducation. J'ai été administrateur d'un pensionnat, planificateur de bande, directeur d'une école de première nation, et au cours des 20 dernières années, j'ai acquis une vaste expérience des travaux de comité sur l'éducation des premières nations, de la petite enfance jusqu'aux études postsecondaires. À l'heure actuelle, je suis conseiller pour le B.C. First Nations Leadership Council, le First Nations Education Steering Committee et la First Nations Schools Association de la Colombie-Britannique.
    Cela dit, le débat sur l'éducation postsecondaire est, à mon avis, toujours d'actualité; il dure depuis un certain nombre d'années. À mon avis, il est vrai que l'éducation peut améliorer la vie des premières nations — je le crois et nous le croyons tous, je pense. Toutefois, le défi a toujours été, depuis les deux dernières générations du moins, depuis les 100 dernières années, de bénéficier d'une éducation qui nous permette non seulement de réussir dans un monde contemporain, mais aussi de réussir en tant que membres des premières nations, c'est-à-dire en conservant notre langue et notre culture en cours de route.
    L'expérience que j'ai vécue est donc semblable à celle d'un bon nombre d'autres membres des premières nations. Je suis au milieu de la cinquantaine, et aucun de mes parents n'a fait d'études postsecondaires; tous deux sont allés dans un pensionnat et c'est là qu'ils ont fait leurs études. Dans cet établissement, vous finissiez vos études après la 8e année et vous ne vous attendiez absolument pas à faire des études postsecondaires, pour avoir une profession, une entreprise, etc. Ce n'était pas là le but de ces établissements. L'autre aspect négatif des établissements est bien documenté également, l'effet négatif sur la culture, la langue et ainsi de suite.
    Ni l'un ni l'autre de mes parents n'a reçu une éducation postsecondaires et ne s'attendait à en recevoir, et il n'y avait pas d'encouragement dans ce sens non plus, que ce soit de leurs proches ou du gouvernement.
    Dans une certaine mesure, nous subissons encore les contrecoups de cette expérience. Les attentes sont encore peu élevées, la plupart des jeunes ne s'attendent pas à poursuivre des études postsecondaires et on note un manque d'appui en cours de route de la part des communautés, des parents et du gouvernement, dont le rôle consiste à assurer un soutien financier, par ses politiques et l'attribution de ressources à l'éducation postsecondaire.
    Comme Mary, je crois qu'une bonne éducation est importante dès la première enfance, de la maternelle jusqu'à la 12e année. Il n'y a pas assez d'apprenants des premières nations qui réussissent cette étape de l'éducation pour réduire l'écart de façon importante. Même si tous nos jeunes terminaient la 12e année dans les prochaines années, l'écart ne serait pas encore comblé. Un très grand nombre d'apprenants des premières nations n'ont tout simplement pas un certificat de fin d'études secondaires de qualité. Un bon nombre de nos élèves terminent la 12e année, mais n'ont pas les attestations d'études nécessaires pour être admis dans un programme d'études postsecondaires de leur choix.

  (0935)  

    Il y a une foule d'apprenants des premières nations qui ne terminent toujours pas la 12année. Ce n'est donc pas seulement de l'éducation postsecondaire qu'il faut s'occuper. Nous devons nous occuper de l'éducation des jeunes enfants ainsi que de la maternelle à la 12e année. Toutefois, le rendement scolaire pose un véritable défi — la base du succès dans les études postsecondaires. Nous avons un défi à relever à ce chapitre. Nous n'avons simplement pas le rendement scolaire nécessaire pour réussir des études postsecondaires.
    Les modèles de rôle sont rares dans nos collectivités. À mon avis, peu d'enfants reçoivent des conseils positifs ou ont des plans de carrière qui impliquent clairement des études postsecondaires. Ce sont donc des aspects très importants à considérer.
    Toujours de la maternelle à la 12e année, les écoles des premières nations souffrent encore d'un manque de soutien, plus particulièrement un manque de financement pour les écoles elles-mêmes, la formation scolaire et les systèmes permettant l'apprentissage des premières nations dans nos communautés.
    Les conditions d'admission à l'université augmentent, ce qui pose aussi un défi. Un diplôme de 12e année ne vous ouvre pas nécessairement les portes de l'université. Un bon nombre d'établissements ont d'autres critères. Ils imposent des exigences passablement plus élevées. Vous devez avoir un diplôme et une certaine moyenne pondérée cumulative pour pouvoir même franchir la porte. Il ne suffit donc pas de réussir, mais de réussir avec brio à la 12e année pour entreprendre des études postsecondaires.
    Une foule d'apprenants des premières nations n'ont pas terminé la 12e année ou n'ont pas les attestations d'études suffisantes pour être admis dans un programme d'études postsecondaires. Nous avons un programme d'éducation préuniversitaire destiné aux étudiants qui veulent entreprendre des études postsecondaires, mais ce n'est qu'un programme d'un an. Je crois qu'il faut plus qu'un an pour aider les apprenants à combler le fossé entre ce qu'ils ont appris à école secondaire et les exigences d'admission aux études postsecondaires.
    Par ailleurs, ni le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ni le gouvernement fédéral ne prend la responsabilité de fournir des ressources suffisantes à l'éducation postsecondaire, et c'est là un problème récurrent. Il n'y a pas de mandat clairement établi par la loi. La Loi sur les Indiens est interprétée de telle sorte que l'aide à l'éducation postsecondaire n'est qu'une simple question de politique. Au bout du compte, les premières nations croient que le gouvernement fédéral pourrait simplement la mettre de côté et plus aucune aide ne serait alors assurée.
    Les coûts constituent un problème réel. Les allocations pour frais de scolarité sont limitées, et les frais de scolarité ont connu des hausses vertigineuses au cours des dernières années, comme vous le savez certainement d'après les statistiques. C'est une question très importante, de même que le coût de la vie. Je sais que le soutien est lié au programme de prêts d'études, mais pour les apprenants des premières nations provenant des régions rurales éloignées, les coûts peuvent être très importants.
    Ai-je encore du temps?

  (0940)  

    Tout va bien.
    Cela me préoccupait.
    La condition sociale générale des premières nations pose certes tout un défi: pauvreté, accès aux services dans nos communautés, santé, toxicomanies, autant de facteurs qui influent sur la réussite dans les études postsecondaires. À mon avis, il faut adopter une approche plus intégrée sur la façon de soutenir les premières nations à ce chapitre. Ce n'est pas seulement l'éducation postsecondaire; il faut aussi appuyer les premières nations dans une démarche intégrée et regarder la situation sous l'angle de l'apprentissage continu, au lieu de regarder simplement la première enfance, l'éducation primaire et secondaire, puis l'éducation postsecondaire.
    Par ailleurs, la segmentation des responsabilités du gouvernement à l'égard de l'éducation postsecondaire donne lieu à des programmes fragmentés, où une partie de la formation est assurée par Développement des ressources humaines Canada — ce sont les programmes d'apprentissage — et où d'autres services comme les garderies relèvent de ministères autres que celui des Affaires indiennes et du Nord canadien.
    Il semble donc que les ministères ne communiquent pas ensemble ou n'ont pas d'approche coordonnée pour aider les apprenants des premières nations au niveau postsecondaire.
    Je crois en outre que les programmes d'éducation postsecondaire offerts par l'entremise du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ne permettent pas d'appuyer la formation d'apprentis et les corps de métier. C'est un véritable défi, et même si d'autres sources fédérales assurent un financement, ces deux entités travaillent difficilement ensemble, en particulier en ce qui a trait au soutien offert à notre communauté. C'est un vrai problème.
    La prestation des services postsecondaires par les premières nations constitue un autre défi. À notre avis, la mise sur pied d'établissements postsecondaires des premières nations est souhaitable pour que celles-ci assument le contrôle et la responsabilité de l'éducation postsecondaire, mais il y a très peu d'appui dans ce sens. La venue de ces établissements partout au pays est donc limitée et leur soutien éventuel aux premières nations est limité parce qu'il n'y a pas de politique qui leur garantit une source de revenu principale.
    J'ai réfléchi à ce que nous faisons en Colombie-Britannique, où les choses semblent un peu différentes. Nous croyons tout d'abord que les premières nations doivent veiller sur leur propre éducation et en avoir la compétence, et c'est vrai aussi pour l'éducation postsecondaire. Nous prenons les décisions, nous mettons au point les systèmes de soutien et nous devenons responsables de l'ensemble du programme. C'est ce que nous cherchons et nous échafaudons des plans pour ce qui est de la compétence. Nous avons évidemment mis beaucoup de temps à conclure des partenariats. Nous avons mis au point le programme de partenaires de l'éducation postsecondaire et de la formation en Colombie-Britannique, qui regroupe l'assemblée des premières nations de la Colombie-Britannique, le ministère de l'Enseignement supérieur, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le University Presidents' Council, le B.C. College Presidents, notre propre association autochtone d'apprentissage des adultes et d'études supérieures, qui travaillent tous ensemble pour améliorer les niveaux de participation et de succès des apprenants autochtones. Travailler avec les principaux intervenants est, selon nous, un pas dans la bonne direction.
    Dans ce groupe, nous avons entrepris de cerner les domaines où des progrès seraient les bienvenus. Il y a tout d'abord le soutien aux étudiants, tant dans la communauté que dans les établissements d'enseignement postsecondaire. Nos propres conseillers et administrateurs reçoivent une formation spécialisée afin d'offrir un service de counselling et d'appui aux études, et les écoles des premières nations et les établissements publics reçoivent un appui, y compris des services de soutien aux programmes et aux étudiants, pour aider les étudiants à cheminer individuellement.

  (0945)  

    Nous travaillons également à la collecte de données. Nous ne croyons pas avoir suffisamment d'information pour prendre des décisions éclairées. Nous voulons recueillir des données de recherche pour savoir comment se portent nos jeunes et prendre des décisions en conséquence.
    Nous nous occupons également d'un groupe mixte d'éducation postsecondaire au sein de notre propre organisation d'apprentissage des adultes et d'études supérieures. Le programme d'aide aux étudiants indiens — il s'agit du programme du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien destiné aux établissements postsecondaires — et le sous-comité des études postsecondaires du First Nations Education Steering Committee travaillent en collaboration pour assurer et renforcer la prestation de programmes d'éducation postsecondaire par les premières nations. Évidemment, nous faisons notre propre recherche « préparatoire » pour assurer la qualité des programmes et du soutien à l'apprentissage et pour mettre au point des manuels sur les meilleures pratiques en éducation postsecondaire à l'intention de nos propres institutions et communautés.
    Il y a de nombreux aspects dont nous pouvons parler au sujet de l'éducation postsecondaire. Nous croyons que le financement est tout un enjeu, non pas un financement sans but précis, mais fondé sur ce que la recherche nous apprend et destiné à répondre aux vrais besoins, c'est-à-dire pour donner la chance aux jeunes des premières nations, pour faire en sorte qu'ils ont accès aux services, qu'ils ont un bon départ de la maternelle à la 12e année, et pour les aider lorsqu'ils sont admis à un programme d'études postsecondaires de leur choix. Sur plusieurs plans, le ressourcement, l'organisation et la conclusion de partenariats pour mener à bien ces entreprises posent un défi.
    Merci.
    [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
    Merci, monsieur Matthew.
    Nous allons passer maintenant aux questions, en commençant avec le Parti libéral.
    Qui voudrait intervenir en premier?
    Monsieur Merasty.
    Tout d'abord, je vous remercie infiniment pour vos exposés. Je crois qu'ils expriment clairement certains des défis dont vous parlez.
    Dans une vie antérieure, j'ai occupé le poste de grand chef pendant six ans. La question du financement constituait évidemment l'un des plus grands enjeux. Logiquement, les questions qui se posaient par la suite étaient celles-ci: comment allons-nous affecter l'argent et comment allons-nous investir stratégiquement pour appuyer nos jeunes aux niveaux primaire, secondaire et postsecondaire?
    Pour répondre à ces questions, M. Matthew invoque la collecte de données, ce qui contribue à lancer des stratégies émanant de la collectivité. Si nous ne savons pas quels sont nos chiffres, quel est notre rendement et où sont les défis, il est parfois difficile d'investir dans ces secteurs.
    Je suis un fervent partisan de la collecte de données. Dans ce domaine, je sais que le ministère des Affaires indiennes n'a pas vraiment d'expertise en éducation; il recueille surtout des données quantitatives. Ce que nous cherchons ici, ce sont des données qualitatives, pour comprendre ce qui fonctionne et quelles sont les meilleures pratiques.
    Mes questions vont porter sur le financement, d'une part, et sur les obstacles, d'autre part. Si j'avais un graphique sous les yeux, je verrais que la population autochtone prend cette tendance, que le financement est essentiellement le même et que l'écart entre les deux s'accroît considérablement. Alors, concernant le financement — et vous avez tous les deux cerné ces enjeux — pouvez-vous nous dire ce que cela pourrait signifier pour le peuple que nous sommes ou pour nos étudiants dans l'avenir?
    L'autre aspect a trait aux obstacles, mis à part le financement. Mme Young a parlé tout particulièrement du logement. Je sais que chez moi, parce que certaines bandes annoncent aux étudiants qu'ils vont recevoir un financement en juillet seulement, tous les bons logements sont déjà pris, et ils aboutissent, à défaut d'un meilleur terme, dans le ghetto, ce qui diminue leur qualité de vie et le temps consacré aux études. Vous pourriez peut-être nous faire part de vos réflexions à ce sujet.
    Une dernière chose. Il me semble qu'une masse critique de connaissances ou de données se dégage des programmes qui portent fruit et que vous avez tous deux mentionnés — et je vais utiliser le contexte de la Saskatchewan —, que ce soit les programmes de formation des enseignants indiens, les centres de droit des Autochtones, le SIIT et d'autres programmes de soutien et d'accès. L'Université de Winnipeg a établi des partenariats. Il me semble que nous commençons à cerner les facteurs de succès et que nous pouvons partager ces pratiques exemplaires et aller rapidement de l'avant.
    Je ne sais pas qui voudrait commencer, mais vous pourriez peut-être faire quelques commentaires sur ces questions.

  (0950)  

    Lorsque nous formons des partenariats avec d'autres organismes, cela signifie pour moi que nous allons travailler ensemble. Pendant de nombreuses années, depuis l'époque des pensionnats, nous n'avons pas marché dans la même direction, mais plutôt dans des directions opposées. Au Canada, le peuple autochtone et le peuple non autochtone ne se connaissent pas, et nous devons combler ce fossé. Les écoles secondaires et les universités doivent offrir des programmes d'études pertinents et le peuple autochtone doit savoir que nous vivons sur cette terre, que nous venons de cette terre et que nous sommes importants.
    Vous demandez quels sont les vrais enjeux. Voici quel a été mon parcours dans le domaine de l'éducation — et je suis certaine que Nathan a vécu des expériences semblables. J'ai obtenu deux diplômes de douzième année, dont un diplôme d'un programme commercial, et lorsque j'ai annoncé que je voulais aller à l'université, le conseiller en orientation s'est mis à rire. J'ai dit « je veux aller à l'université ». On m'a mise dans ce créneau parce qu'on ne s'attendait pas à ce que je devienne autre chose qu'une sténographe. Alors, lorsque vous parlez d'école secondaire et de l'éducation des jeunes, nous ne pouvons plus catégoriser les étudiants autochtones. Cela revient à ce que Nathan a dit au sujet des carrières; autrement l'argent n'est plus là.
    À mon sens, cette collaboration est très importante. Il faut appuyer les responsables de l'éducation qui envoient les étudiants dans les universités et leur disent « Vous prenez cinq cours, ce qui donne 30 heures-crédits. » Bon nombre de personnes qui occupent ces postes n'ont pas fait d'études universitaires, alors comment peuvent-elles comprendre ce que signifie l'université? Pour nous, l'université est une réalité encore très récente.
    Lorsqu'on m'a appelée pour me convoquer à la présente réunion, il n'était pas question que je refuse. C'est trop important et nous devons examiner les nombreux enjeux que vous avez soulignés.
    Pour ce qui est du financement, nous devons avoir des chiffres exacts. Nous avons une idée du nombre d'étudiants qui n'ont pas accès aux études postsecondaires simplement par manque de financement. Ils sont admissibles, mais ils ne s'inscrivent pas. Nous n'avons aucun outil de recherche pour nous donner les chiffres exacts. À mon avis, il faut mettre au point ces outils et faire en sorte que les premières nations participent à la collecte de données.
    Nous devons suivre nos étudiants: quels résultats obtiennent-ils avant d'arriver aux études postsecondaires? Bon nombre des problèmes que nous éprouvons sont prévisibles. Si les étudiants ne suivent pas un cours régulier de mathématique ou d'anglais qui leur permet d'être admis à un programme d'études postsecondaires, un programme de formation générale, quel espoir leur donnons-nous? Un grand nombre croient vraiment qu'ils seront admis à l'université simplement parce qu'ils ont un certificat. Ce n'est pas réaliste. Je crois que nous devons avoir une bonne base de données sur nos étudiants et que nous ne devons pas dépendre de Statistique Canada ou d'un organisme semblable et faire des prévisions cinq ans après les faits. Voilà un véritable défi.
    Quant au financement, il faudrait se pencher sur les frais de scolarité, les frais réels de scolarité. Nous devons connaître le coût de la vie, tout ce qu'il en coûte pour vivre: alimentation, transport, logement et garderie. Nous devrions être des experts en la matière. Si nous sommes responsables de l'éducation postsecondaire des apprenants des premières nations, alors nous sommes tenus de prendre des décisions intelligentes et de cesser de renvoyer la balle sur la situation réelle des apprenants autochtones.
    À l'heure actuelle, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien possède des données sur l'éducation postsecondaire. Il a toutes les données, mais il ne les partage pas avec les premières nations. C'est un véritable défi.

  (0955)  

    D'accord, nous allons donner la parole à M. Lemay.

[Français]

    Premièrement, j'ai été impressionné par votre présence ici, qui est d'autant plus extraordinaire que vous avez complété des études postsecondaires de très haut niveau, ce qui est rare, vous l'admettrez. Dans les communautés autochtones, c'est beaucoup trop rare. C'est la raison pour laquelle nous avons insisté pour étudier l'avenir des études postsecondaires dans les communautés autochtones. Je tiens personnellement — et probablement au nom de tous mes collègues du comité — à vous féliciter de vous être rendus si loin dans votre formation.
    Je viens d'une petite ville de l'Abitibi qui s'appelle Amos. Elle est située au nord d'ici, à environ six heures de route. Il y avait là un pensionnat indien. Or, au cours des années, on s'est toujours débrouillé pour séparer les Autochtones des Blancs.
    Ce que vous dites rejoint exactement ce que l'on a vécu au cours des années 1960-1970 et qui a fait que plusieurs nations autochtones ont perdu, hélas! leur culture et qu'elles tentent de la retrouver aujourd'hui.
    Je retiens de ce que M. Matthew a dit une phrase très importante: « Pour apprendre à vivre dans un monde contemporain, on a presque perdu notre culture, et il faut maintenant apprendre à la maintenir. »
    Ma question s'adresse à M. Matthew. Comment peut-on maintenir la culture de votre nation autochtone en faisant des études postsecondaires? Je vous donne un exemple. Chez nous, dans la ville de Rouyn-Noranda, les Cris ont acheté toute des immeubles où les étudiants qui descendent du Nord ont des résidences adaptées à leurs besoins et où ils viennent demeurer le temps qu'ils complètent leurs études. Je voulais vous le signaler parce qu'il y a au moins quelque chose qui se fait quelque part. Il serait peut-être bon que les communautés...
    Hélas, quand on va à Winnipeg, à Regina ou à Montréal, il n'y a pas de centres adaptés où, sans nécessairement qu'ils soient coupés du reste du monde, les gens des premières nations peuvent se retrouver.
    Madame Young, je voudrais savoir si votre document de maîtrise, qui m'apparaît très intéressant, est disponible. Si oui, peut-on le faire parvenir à quelqu'un de la Bibliothèque du Parlement afin qu'on puisse le mettre dans notre dossier? Je pense qu'il touche des sujets très importants.
    Comment fait-on pour ne pas être assimilé à la société dite canadienne lorsqu'on vient d'une communauté autochtone du Nord, bien souvent isolée, hélas! pour poursuivre des études en médecine, en droit ou dans une autre discipline, études qui sont offertes dans les grandes villes du Sud? Y a-t-il une façon de faire ou une recommandation que l'on pourrait saisir et que l'on pourrait mettre dans notre rapport?
    Voilà mes deux questions.

  (1000)  

[Traduction]

    Si j'ai bien compris, vous voulez savoir comment on peut préserver la culture des premières nations. C'est une très grande question et elle est liée au fait que le gouvernement du Canada et le peuple canadien — le peuple canadien qui n'appartient pas aux premières nations — doivent pleinement respecter et reconnaître les titres ancestraux et les droits des Autochtones, qui sont définis à l'article 35 de la Constitution, reconnaître le droit à la terre de ceux qui ont un titre ancestral, mettre à jour les vieux traités de manière à les actualiser et respecter vraiment les premières nations et reconnaître qu'elles ont le droit de vivre dans ce pays comme peuple distinct. Si nous pouvons vivre sur nos territoires traditionnels, en ayant des droits sur la terre et les ressources, en pouvant profiter de la terre et des ressources, en ayant le droit de s'associer entre nous et de créer nos propres institutions politiques,culturelles et économiques, je crois que nous préserverons ainsi les premières nations.
    Voilà ma réponse brève. C'est là le problème, à mon avis. Au fil des années, les gouvernements et les gens qui n'appartiennent pas aux premières nations ont constamment remis en question notre droit de vivre sur cette terre comme peuple distinct. On s'oppose encore farouchement à cette idée et c'est là, je crois, le défi. S'ils sont respectés et reconnus, je crois vraiment que les peuples des premières nations prendront soin de leur propre culture et de leurs propres langues. Si nous pouvions profiter des ressources qui se trouvent sur nos territoires traditionnels, nous ne demanderions pas au gouvernement fédéral de financer nos études postsecondaires ou autre chose. Il y a assez d'argent sur nos terres, assez d'avantages à en retirer que si nous y avions accès, ce serait, je crois, une solution pour le Canada.
    Meegwetch de poser cette question.
    Ce fut un défi de conserver ma langue et ma culture parce que j'avais décidé d'aller vivre à Winnipeg. Lorsque je fréquentais l'école secondaire et que je devais faire face au racisme et à la discrimination, je ne voulais pas être en compagnie de personnes autochtones. Je ne voulais pas être une Autochtone. Ce n'est qu'après un retour spirituel et après avoir songé à ce que mon père m'avait appris que j'ai été en mesure de réussir à l'université, à réussir ma vie dans la ville. Et j'ai du mal à croire que je pensais, comme les autres, que les Autochtones, y compris mes parents, n'étaient pas de bonnes personnes.
    Ce sont là les vrais enjeux dont je parle au sujet des écoles et des universités, parce que j'ai passé de nombreuses années à dénouer toutes ces identités que j'ai reçues. Je suis une Nishnawbe. Je ne suis pas une Autochtone.
    [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.] On nous a donné la langue anishinaabemowin, pas le soto, pas l'ojibwa. L'identité et la culture sont donc vraiment cruciales.
    Si cet étudiant du nord veut déménager dans une ville et pratiquer à cet endroit, il doit amener avec lui sa langue et sa culture pour survivre là où il ira, et les patients qu'il soignera reconnaîtront toute sa fierté. Nathan a raison. Chacun de nous a la responsabilité de garder sa langue vivante, et nous devons nous rappeler que ce ne sont pas des langues mortes.
    J'espère avoir répondu à votre question, monsieur Lemay.

  (1005)  

    Merci.
    Nous allons entendre maintenant Mme Crowder.
    Excusez-moi, monsieur Matthew.
    J'aimerais parler de ce qu'on peut faire au niveau postsecondaire pour préserver la culture. Je suis associé à la Thompson Rivers University, qui se trouve à Kamloops, en Colombie-Britannique. Un des projets que nous envisageons consiste à créer une communauté d'apprenants des premières nations. Dans ce cas-ci, nous prenons les étudiants qui n'ont pas satisfait tout à fait aux critères d'admission aux études postsecondaires, et nous leur offrons une préparation au niveau collégial ou universitaire. Nous prenons 15 ou 20 étudiants des premières nations que nous gardons ensemble et à qui nous offrons une aide particulière. Le soutien viendrait en grande partie d'eux-mêmes puisqu'ils auraient à défendre leurs propres intérêts et à travailler pour réussir à l'université. Voilà un aspect.
    L'autre aspect, qui concerne le gouvernement fédéral, consiste à implanter dans les universités des centres à l'intention des premières nations, des endroits où les étudiants pourraient se réunir et discuter de leurs problèmes, avoir des conversations, et où le personnel de l'université pourrait s'entretenir avec eux pour discuter des enjeux des premières nations et pour mieux les connaître, parce que bien souvent, les étudiants des premières nations disparaissent simplement dans l'école ou parmi la population étudiante.
    Un grand nombre de premières nations ont des programmes d'aînés en résidence, qui permettent à un apprenant d'un établissement postsecondaire d'obtenir des services de counselling et une certaine sécurité à l'égard de sa culture. Plusieurs ont des pratiques d'embauche précises favorisant l'éducation autochtone des premières nations. Bien sûr, en Colombie-Britannique, chaque établissement d'enseignement postsecondaire compte parmi ses effectifs un conseiller autochtone qui offre un soutien aux apprenants des premières nations.
    Dans de nombreux cas, les campus de nos établissements postsecondaires ont des caractéristiques physiques bien précises comportant des motifs des premières nations. Un Autochtone y reconnaît certains éléments qui lui sont familiers, dans les bâtiments et les oeuvres d'art sur les murs. Beaucoup de choses peuvent être faites pour préserver la culture et un sentiment d'identité et d'estime chez les apprenant des premières nations qui fréquentent un établissement postsecondaire.
    Merci.
    Mme Crowder est la prochaine intervenante.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de comparaître devant le comité. Je suis originaire de l'île de Vancouver et j'ai eu la chance de travailler au Malaspina University-College, que fréquentaient un nombre important d'étudiants autochtones; j'ai donc acquis une certaine expérience auprès d'eux.
    J'aimerais expliquer un peu le contexte de notre étude. Lorsque le comité a décidé de se pencher sur l'enseignement postsecondaire, ce n'était pas qu'il faisait fi des enjeux très sérieux que comportent les programmes d'études primaires et secondaires, mais il attendait que le ministère dépose un rapport sur d'autres enjeux dans ce secteur et il ne voulait pas devancer cette étude.
    Par ailleurs, les obstacles ont été définis dans maintes études. Citons par exemple la Commission royale sur les peuples autochtones. Nous avons reçu un recueil plein de résumés d'études sur les obstacles à l'éducation postsecondaire. Vous en avez nommé quelques-uns: la pauvreté, le logement, le soutien, les ressources, la reconnaissance financière — la liste est longue. M. Merasty a parlé de l'évolution des données démographiques et du fait que les jeunes seront beaucoup plus nombreux.
    Je ne veux pas que nous passions des semaines interminables à étudier les obstacles qui ont déjà été identifiés; je veux savoir ce que nous devons faire concrètement pour combler les lacunes. Je sais que l'augmentation du financement est l'une des solutions, et c'est l'une des choses que nous devons dire: il faut plus d'argent.
    Il y a un autre problème. L'une des choses qui m'ont amenée à m'intéresser à l'éducation postsecondaire, c'est l'absence de loi, dont vous avez parlé au début, monsieur Matthew; ce n'est qu'une simple question de politique. Je suis surprise de constater que l'éducation postsecondaire pourrait être rayée du programme, ou confiée aux gouvernements provinciaux, parce qu'aucune loi n'exige que le gouvernement fédéral s'en occupe. Je crois que c'est un véritable problème.
    Pouvez-vous en parler? Je sais que vous ne pouvez pas régler ce problème en cinq minutes.

  (1010)  

    Quelle est la question?
    Que devons-nous faire? Nous avons cerné les obstacles. Les lacunes sont évidentes. Que devons-nous faire pour répondre concrètement à ce besoin bien réel?
    À l'instar de l'enseignement primaire et secondaire, l'enseignement postsecondaire devrait être confié aux peuples des premières nations, pour que ceux-ci soient responsables des programmes et des résultats qu'obtiennent leurs apprenants. Voilà un aspect.
    Encore une fois, pour promouvoir les partenariats... La majorité des apprenants des premières nations de niveau postsecondaire fréquentent des établissements publics, et il faut établir des partenariats, des accords, des protocoles d'entente et autres entre les premières nations et ces établissements publics. En soi, cela est nécessaire — et je ne sais pas comment vous pouvez édicter des lois sur ce type de volonté ou de planification.
    Si les premières nations doivent comprendre qu'elles peuvent contribuer à leur propre bien-être et à celui du pays, nous devons prendre des mesures importantes. En ce qui a trait à l'enseignement postsecondaire, nous devons confier la responsabilité et les prises de décisions aux peuples des premières nations — je le crois vraiment et je crois dans ce processus — et nous devons faire mieux que ce que nous avons fait avec l'enseignement primaire et secondaire. Globalement, nos diplômés ne réussissent pas au niveau postsecondaire simplement parce qu'ils n'ont pas les atouts nécessaires. Nous n'examinons pas vraiment l'ensemble de la situation comme il le faudrait, c'est-à-dire dès la première enfance, puis de la maternelle à la 12e année et enfin les études postsecondaires, pour avoir une vue à long terme sur l'éducation des premières nations.
    Je suis d'accord avec Nathan que nous avons établi des partenariats. Il y a une histoire qui remonte à il y a un an à Winnipeg. L'Université de Winnipeg avait signé un protocole d'entente avec le conseil tribal du Sud-Est.
    Ils m'ont demandé de nommer l'édifice où le programme d'autonomie gouvernementale allait se donner. C'était un événement historique parce que c'était la première fois que l'Université de Winnipeg travaillait en partenariat avec un organisme autochtone. Il m'a donc paru très important. Lorsque j'ai essayé de trouver le nom de l'édifice, je me suis rappelée de mes parents. Lorsqu'il parlait de ma mère, mon père l'appelait Ni Wiichiiwaakan, et ma mère disait la même chose de lui.
    J'ai donc choisi le terme Wii ChiiWaaKanak, qui signifie « partenaires ». Je ne voyais pas le conseil tribal du Sud-Est seulement comme un observateur; ses membres seraient des participants égaux à ce protocole d'entente.
    Pendant une réunion, l'un des administrateurs ou des consultants m'a dit : « Je ne sais pas comment utiliser ce mot, est-ce que je peux simplement l'appeler “ partenaires ”? » Je lui ai répondu : « Non. J'ai passé du temps à trouver ce nom et je l'ai choisi en l'honneur des mes parents. Vous allez apprendre à prononcer le nom de cet édifice, Wii ChiiWaaKanak. » Ce sont les batailles que nous devons mener dans les universités.
    En ce moment, je donne un cours sur les enjeux autochtones dans le monde de l'éducation. Il est destiné aux étudiants en éducation. La plupart des étudiants de cette classe en sont à leur quatrième ou à leur cinquième année. Savez-vous combien il y en a qui ne savent rien du régime des pensionnats? Nous formons de futurs enseignants. Ils doivent connaître l'histoire des peuples autochtones du Canada. S'ils ne la connaissent pas, comment pourront-ils enseigner à des enfants qui ont de la difficulté à assumer qui ils sont parce qu'ils ne savent pas parler leur langue? Nous devons changer notre façon de former les enseignants.
    Ce n'est que depuis trois ans qu'on offre des cours sur les connaissances autochtones à l'université, à tout le moins à l'Université de Winnipeg. Je suppose qu'il y a d'autres universités qui sont plus avancées que nous. Dans les cours sur les connaissances et les sciences autochtones, on dit aux étudiants autochtones et à tous les autres que ces cours sont importants. Ils vont nous aider à collaborer les uns avec les autres. Bref, s'il y a une recommandation à faire... Nathan a parlé de centres. Nous avons besoin de centres du genre pour légitimer ces activités, pour légitimer les connaissances et les sciences autochtones.
    Si je pouvais mettre cet édifice quelque part sur le campus de l'Université de Winnipeg, savez-vous ce que cela signifierait pour la population autochtone du centre-ville? Ce serait une façon de dire aux Autochtones qu'ils sont les bienvenus et de les inviter à venir nous voir. Nous avons besoin de ces centres.
    Merci beaucoup.

  (1015)  

    Merci.
    Pouvons-nous donner la parole à M. Stanton?
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les deux d'avoir pris le temps de vous joindre à nous aujourd'hui. J'ai trouvé vos exposés très instructifs. Ils portent à réfléchir.
    Je conclus très clairement que la meilleure façon d'intervenir pour améliorer l'éducation postsecondaire chez les premières nations, c'est vraiment d'investir dans l'éducation des jeunes enfants, de la maternelle à la 12e année. Je crois comprendre qu'il y a vraiment deux réalités pour les peuples autochtones : il y a les écoles fédérales dans les réserves et les écoles à l'extérieur des réserves, des écoles que je dirais intégrées.
    J'en ai un exemple dans ma propre circonscription, où la Première nation Beausoleil vit sur une île. Pendant la petite enfance, de la maternelle à la 8e année, les enfants vont à l'école dans leur collectivité, où ils vivent une réalité différente, puis de la 9e à la 12e année, ils doivent quitter leur collectivité pendant trois mois, en raison de la glace, et résider dans des foyers non autochtones pour aller à l'école secondaire.
    Vous avez mentionné le manque d'information pour mesurer ces résultats, mais je me demande si vous pouvez nous parler, ne serait-ce que par quelques exemples, des résultats différents qu'engendrent ces deux courants différents chez les Autochtones. Y a-t-il des leçons à tirer d'un courant comparativement à l'autre? Il y a le courant dans les réserves où les enfants autochtones sont seulement entre eux et où ils reçoivent une éducation qui alimente leur culture, puis de l'autre côté, il y a les écoles intégrées qui accueillent des enfants métis, autochtones et non autochtones. Quelles sont les différences de résultats entre les deux types d'écoles?

  (1020)  

    La différence n'est pas énorme. Les écoles des premières nations et les écoles publiques connaissent toutes deux des difficultés, sur le plan de la réussite en général, de la présence en classe, de la rétention des étudiants jusqu'en 12e année ou jusqu'à la dernière année et de l'acquisition de connaissances particulières. Il y a toujours des difficultés des deux côtés, donc je ne vois pas si...
    La solution ultime serait de faire en sorte que les premières nations aient le pouvoir d'administrer leurs propres programmes d'éducation de la même façon. Nous devrions avoir des pouvoirs d'administration dans beaucoup d'autres domaines aussi. Pour ce qui est de l'éducation en particulier, des écoles des premières nations, des écoles qui sont administrées par la collectivité, l'expérience montre que la prise de décisions par les parents pour leurs propres enfants profite à toute la collectivité pour ce qui est de la surveillance et de la responsabilité d'apprentissage. Les adultes ont un grand potentiel, et je pense que c'est un avantage réel qui n'est vraiment pas mesuré.
    Dans les écoles publiques, les enfants sont souvent loin de la maison, et il y a très peu de mécanismes qui permettent aux parents autochtones de participer à la gouvernance, à tout le moins. Cela dit, dans les écoles des premières nations comme dans les écoles publiques, il y a encore des défis à relever.
    En Colombie-Britannique, jusqu'à tout récemment et certainement encore aujourd'hui, la grande difficulté des écoles des premières nations, c'est qu'elles sont sous-financées et qu'elles reçoivent jusqu'à 30 p. 100 de moins que les écoles publiques de la même taille et de la même région. Des études le montrent. Récemment, l'an dernier, il y a eu des changements en Colombie-Britannique dans la façon dont les Affaires indiennes allouent le financement aux écoles des premières nations. Bien sûr, nous avons encore des difficultés et nous devrons trouver des solutions. Les écoles publiques viennent d'accorder une augmentation salariale de 6 p. 100 à leurs enseignants, mais il n'y a pas de hausse équivalente dans les écoles des premières nations, bien que nous soyons en concurrence pour l'embauche d'enseignants nous aussi.
    Il y a des difficultés, et elles expliquent pourquoi il y a plus d'avantages d'un côté ou de l'autre. Tout dépend de l'appui qu'un régime ou l'autre peut obtenir des premières nations et de l'adaptation de chaque école aux préoccupations et à la réalité des peuples des premières nations.
    Merci.
    Monsieur Blaney.

[Français]

    Merci, madame Young et monsieur Matthew, d'être venus nous rencontrer pour nous faire part de votre expérience.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Matthew.
    On nous dit que vous avez participé activement à l'élaboration d'une entente tripartite entre le gouvernement de la Colombie-Britannique, le gouvernement fédéral et les premières nations, en vue d'apporter des améliorations significatives à l'éducation primaire et secondaire.
    Pourriez-vous nous parler brièvement de cette entente et nous dire ce qui, selon vous, fera en sorte qu'elle donne des résultats? Quels ingrédients clés permettront d'améliorer le taux d'obtention de diplôme, ce qui est sûrement l'objectif?
    On nous présente souvent cette entente comme une référence, et j'aimerais savoir quels éléments en font un modèle. J'aimerais aussi savoir ce qui fait que d'ici sept ans, on aura atteint de vrais résultats et on ne dira pas qu'il s'agissait uniquement d'une entente fondée sur de bonnes intentions.

[Traduction]

    Nous avons signé ce protocole d'entente il y a plusieurs années; je pense que c'était en 1996. La province, le gouvernement fédéral et les premières nations ont accepté de travailler ensemble pour améliorer la réussite des élèves autochtones, des élèves des premières nations, tant dans les écoles publiques que dans les écoles des premières nations.
    Bien sûr, nous avons eu des pourparlers avec la province. Nous avons eu une association avec elle pendant un certain temps. Il semble que nous avons eu une association plus longue avec le gouvernement fédéral et bien sûr, nous avons nos propres aspirations. Toutes les parties ont dit vouloir faire quelque chose pour améliorer les circonstances terribles de l'éducation des étudiants des premières nations. Nous avons finalement convenu de travailler ensemble à la résolution du problème plutôt que de nous espionner mutuellement et de rivaliser les uns contre les autres. Nous aurions beaucoup de raisons de nous demander qui est responsable, combien d'argent il faut et ce qu'il faut faire plutôt que de nous unir et d'unir nos efforts dans la collaboration et la coopération. C'est donc ce que nous avons fait et nous avons confronté le gouvernement fédéral pour qu'il signe cette entente.
    Après, nous avons invité d'autres grands intervenants à s'impliquer : le syndicat des enseignants, la FECP; les directeurs d'une centaine d'arrondissements scolaires; les surintendants, l'association des trésoriers et le B.C. College of Teachers. Tous ces acteurs importants, qui sont responsables de divers aspects de la gouvernance, de l'agrément des enseignants et l'établissement du programme ont accepté de travailler ensemble. Nous nous rencontrons chaque trimestre. Nous sommes beaucoup de groupes intéressés autour de cette table et nous nous fixons des objectifs. Chaque organisme accepte de participer, d'assurer la responsabilité de certains aspects et de travailler avec les autres en ce sens.
    Il est intéressant de souligner que l'une des premières priorités que nous nous sommes donnée est la lutte contre le racisme. Toutes les parties ont convenu que le racisme était un problème réel en Colombie-Britannique et qu'il fallait le corriger. Un autre objectif est d'attirer un plus grand nombre d'enseignants autochtones des premières nations dans le système. Nous avons mis sur pied un programme de formation pour les enseignants autochtones ou une stratégie pour accroître l'enseignement par des Autochtones des premières nations dans les écoles publiques et des premières nations.
    En travaillant ensemble, nous avons l'impression d'avoir tous une responsabilité et de devoir rendre des comptes aux autres. Rien n'est officiel, et nous ne présentons pas de rapport au gouvernement ni à quiconque. Entre nous, nous faisons toutefois rapport à nos propres organismes constitutifs. Nous avons l'impression qu'il y a plus de collaboration et de coopération qu'avant.
    Je pense que dans certains domaines, particulièrement dans celui de la collecte de données, nous arrivons à travailler ensemble et nous convenons qu'il est effectivement important de donner des numéros d'identification aux élèves des premières nations. Nous pouvons suivre le parcours des étudiants dans le système public et celui des premières nations, et vice et versa, pour qu'aucun étudiant ne soit oublié.
    Nous pouvons voir les statistiques. Dans la province, nous avons maintenant un système complet de collecte de données dans le réseau des écoles publiques, qui nous permet d'évaluer notre rendement pour ce qui est de l'obtention de diplômes, de la réussite aux examens provinciaux, de la présence en classe, etc. C'est une chose importante dans toutes les régions de la province. Tous les arrondissements scolaires reçoivent leur propre rapport sur la situation des élèves autochtones dans le système.
    Nous travaillons conjointement à des projets de collecte de données dans le réseau des écoles des premières nations. Bien sûr, il n'existe encore rien de tel et il n'y a pas de budget, mais nous sommes en train de concevoir un programme qui nous permettrait de recueillir des données compatibles pour pouvoir partager de l'information avec la province et les autres groupes d'intervenants.
    C'est vraiment cela. Ces efforts portent fruit. Nous avons le sentiment de travailler ensemble, et si nous avons un véritable problème, nous savons que nous pouvons nous asseoir ensemble au moins tous les trois ou quatre mois et en parler. On en parle vraiment et on règle le problème plus ou moins efficacement, selon les personnes à qui l'on parle.

  (1025)  

    Merci.
    Nous allons entendre un peu les libéraux.
    Monsieur Russell, avez-vous des questions?
    Oui. Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.
    Pour commencer, j'aimerais vous remercier chaleureusement de votre témoignage de ce matin. J'aimerais rendre hommage à Mary pour son histoire. Je n'en ai entendu qu'une partie, mais je pense qu'il est crucial de comprendre l'aspect humain de ce que beaucoup d'étudiants autochtones vivent pour atteindre les sommets que vous avez atteints. M. Matthew a parlé des modèles. Eh bien, il y a beaucoup de modèles inspirants dans cette pièce, et vous en faites partie tous les deux. Je regarde aussi Gary Merasty, mon collègue autochtone, qui a accompli de grandes choses.
    Pour ma part, je viens d'une collectivité côtière du Labrador qui compte 50 personnes. Jusqu'en huitième année, nous n'avions qu'une salle pour école. Jusqu'en 1990, nous n'avions ni eau, ni égouts, ni téléphone. Je comprends donc un peu. L'histoire de Mary m'a rappelé que nous devions nous souvenir de nos racines, d'où nous venons et des difficultés que nous avons surmontées.
    L'étude qu'entreprend notre comité n'est pas simple. Elle est immensément large et profonde. Nous devrons essayer de formuler des recommandations concrètes, pour que le gouvernement puisse apporter des améliorations à la situation des étudiants autochtones qui poursuivent des études postsecondaires. Nous ne pouvons pas perdre de vue le primaire ni le secondaire non plus, ni la réalité des collectivités.
    Nous manquons de ressources humaines au pays dans presque toutes les professions : des médecins, des infirmières, des avocats et même des conducteurs de camions de pétrole dans les sables bitumineux de l'Alberta. Tout le monde nous le dit. Beaucoup de gens voient les Autochtones comme un grand bassin de capital humain ou de ressources humaines, faute de meilleurs mots, mais je n'ai pas l'impression qu'on met l'accent sur les Autochtones pour combler ce vide dans notre société.
    Je pense que c'est un message important. Ne sommes-nous pas assez bien pour valoir l'investissement ou, autrement dit, pour répondre aux besoins des entreprises? Le message qu'on envoie aux Autochtones en général me dérange beaucoup, parce qu'il y a des compressions là où il devrait y avoir des investissements.
    Je trouve que l'étude du comité et celle des témoins, pour ne rien oublier, met véritablement l'accent sur l'université. Nous semblons nous concentrer beaucoup sur l'université dans nos discussions, alors que le déséquilibre postsecondaire va bien plus loin. Il concerne les métiers, les formations collégiales et tous les autres programmes offerts.
    L'un de vous pourrait-il commenter ce que l'on fait pour améliorer l'éducation postsecondaire, par exemple, notamment en ce qui concerne les critères d'admissibilité? Les critères d'admissibilité des écoles de métiers et des collèges ne sont pas aussi rigoureux que ceux des universités en général. Je ne dis pas que nous devrions nous déprécier et décider que parce que nous ne répondons pas aux exigences de la douzième année, nous devrions tous nous ruer vers les écoles de métiers. Il y a toutefois des expériences de vie et des carrières qui valent la peine à ce niveau. Je pense qu'il faut en parler un peu aussi.
    Je me demande seulement si vous pouvez nous en parler, parce que selon mon expérience, il y a de belles choses qui se passent, comme à l'Université de Winnipeg et même à l'Université Memorial de Terre-Neuve et dans les universités de la Colombie-Britannique. Que fait-on dans les écoles de métiers, par exemple, pour préserver la culture et la langue? Observe-t-on le même phénomène dans ces écoles? L'un de vous peut-il nous en parler?

  (1030)  

    Quand vous dites que les critères d'admissibilité sont un peu moins élevés dans ces écoles que dans les établissements postsecondaires, je pense que vous avez tort dans bien des cas. Il faut dorénavant des mathématiques et des sciences pour accéder à bien des métiers; ce n'est plus comme avant. Cela devient une véritable difficulté. Je sais qu'en Colombie-Britannique et probablement ailleurs au pays, le taux de réussite en maths est très faible. C'est un obstacle, il y a un problème. De toute évidence, l'industrie prête une oreille plus attentive à ce problème que le gouvernement. Je sais qu'en Colombie-Britannique et en Alberta, l'industrie, celle qui a besoin de travailleurs, essaie de les rejoindre de diverses façons.
    Au gouvernement fédéral, aux Affaires indiennes en particulier, on ne s'intéresse pas vraiment à la formation dans les métiers. Ressources humaines et Développement social Canada fait des efforts en ce sens. Je ne sais pas si les deux ministères communiquent et collaborent vraiment de façon profitable pour les premières nations. J'aimerais qu'on tienne plus compte des premières nations dans les EDRHA. Celles-ci ont tendance à viser surtout des intérêts hors réserve, et c'est une autre difficulté. Il n'y a pas de lien direct avec la gouvernance des premières nations.
    L'autre défi consiste à utiliser les fonds de développement social pour favoriser l'éducation. Je pense qu'il y a là beaucoup de potentiel. On pourrait aider les étudiants à obtenir un diplôme postsecondaire grâce à ces fonds. Je pense qu'il y a beaucoup d'avantages à combiner les fonds existants pour apaiser les pressions. Il y a certainement beaucoup de possibilités.
    Il y a aussi l'éducation des adultes. En Colombie-Britannique, il y a des programmes d'éducation des adultes pour les premières nations dans le système scolaire public. Cela n'existe pas partout. Je pense qu'il devrait y avoir des ressources appropriées pour les adultes qui fréquentent des écoles secondaires. Cela représente une énorme économie. Il en coûte beaucoup moins pour former des élèves dans des écoles publiques plutôt que dans des universités et des collèges. Les gens peuvent rester dans leur collectivité, plus près de chez eux.
    Je pense qu'il y a beaucoup de possibilités et que si l'on était un peu plus souple quant au financement, si les ministères collaboraient davantage, on pourrait avoir accès aux fonds qui sont déjà disponibles.

  (1035)  

    Monsieur Bruinooge.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais de nouveau remercier les deux témoins. Étant né dans la même ville que Mary, j'ai eu la chance de visiter l'Université de Winnipeg, et je dois dire que c'est un endroit formidable et accueillant pour les Autochtones.
    Vous dites qu'il devrait y avoir plus d'écoles supérieures qui offrent des programmes aux Autochtones, mais sachez que l'Université de Winnipeg est l'une des plus avancées sur ce plan, notamment en ce qui a trait à sa façon d'intégrer la culture autochtone dans les sciences.
    J'aimerais poser une question à Mary.
    Vous avez connu de grands succès au cours de votre vie. Vous possédez un doctorat, ce qui est fantastique. Vous avez un niveau d'instruction très supérieur à la moyenne. J'aimerais savoir comment vous avez fait pour réussir aussi bien malgré les influences négatives auxquelles vous étiez exposée. Dites-nous ce qui vous a conduit là où vous êtes aujourd'hui, parce qu'il est évident que vous êtes allée loin.
    Je fais souvent référence à mes parents. Un jour, mon père m'a enseigné comment pêcher et m'a montré à lancer ma ligne. Pendant que je me pratiquais, mon père est allé plus loin, où il savait qu'il prendrait du poisson. Je commençais sérieusement à m'ennuyer et à m'impatienter. Même si je savais que je n'aimais pas du tout la pêche, j'ai continué quand même. Tout à coup, j'ai senti que ça mordait. Paniquée, j'ai essayé de ramener la ligne rapidement. J'ai entendu une voix qui me disait: « [Note de la rédaction: Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.] Mary, lâche prise de temps en temps [Note de la rédaction: Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.], le poisson va se fatiguer et tu pourras le sortir.
    Je priais mon père de venir m'aider. Il n'est pas venu. Il me donnait des conseils d'où il se trouvait. C'est ainsi qu'il m'a enseigné la patience et la persévérance. J'étais honorée parce que mon père avait cru en moi. Je me souviens de ce moment comme si c'était hier.
    Quand j'ai commencé à travailler à l'Université de Winnipeg, les gens ne me donnaient pas plus de six mois. C'était courant dans les années soixante-dix et quatre-vingt, parce que les gens ne croyaient pas que nous, les Autochtones, pouvions garder un emploi.
    J'ai commencé à me chercher des alliés. J'ai débuté à l'université en 1984. Je savais qu'il y avait des gens qui doutaient de mon travail, lequel consistait à accueillir les étudiants autochtones à l'université et à faire en sorte qu'ils s'y sentent chez eux.
    Je me suis souvent demandé ce que diable je faisais là. J'ai donc pensé à reprendre mes études. J'étais déjà titulaire d'un baccalauréat, mais je me disais qu'il serait peut-être préférable d'aller plus loin dans mes études pour encourager les jeunes autochtones à aller à l'université. J'ai donc commencé des études autochtones à l'Université du Manitoba, parce que je ne connaissais rien d'autre. C'est parfois ce qui arrive quand on n'est pas bien informé et qu'on ne sait pas trop quoi faire dans la vie. C'est par hasard que j'ai pu obtenir mon certificat post-baccalauréat en éducation.
    Un jour, j'ai voulu une nouvelle chaise pour mon bureau, parce que celle que j'avais depuis des années était déjà très vieille. La personne responsable des achats m'a dit que si je faisais un doctorat, j'aurais une nouvelle chaise. J'ai décidé de relever le défi.
    J'ai donc terminé ma maîtrise et je suis devenue accro aux études.
    J'ai dû déménager à Edmonton. Mon époux est resté à Winnipeg. Je dois vous avouer que j'ai souvent regretté ma décision. Maintenant, je fais valoir auprès de mes étudiants autochtones l'importance d'aller le plus loin possible dans les études, de lire et de faire ses travaux.
    C'est difficile, surtout quand la famille et les enfants sont loin, parce qu'on n'a pas les moyens de les faire venir. Il y a eu des jours où j'ai failli abandonner ma maîtrise et mon doctorat. Mais j'ai une responsabilité envers mes nièces et mes neveux. J'ai une responsabilité envers ma communauté. C'était ma façon d'apporter ma contribution.

  (1040)  

    Lorsque je suis retournée à l'Université de Winnipeg, le conseiller pédagogique et le coordonnateur partageaient mon ancien bureau. L'agent de liaison occupait l'autre bureau situé près du salon des étudiants. Il restait un minuscule espace qui allait devenir mon bureau. Les tuyaux étaient à découvert. Il y avait des trous dans les murs. Un jour, un bon ami est venu me rendre visite. Il s'est assis et a éclaté de rire en disant: «C'est le genre de bureau qu'on te donne pour avoir obtenu un doctorat? » Il y a des moments où il vaut mieux en rire. Je n'aurais pas survécu sans un bon sens de l'humour. Et je ne voulais pas abandonner.
    [Note de la rédaction: Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.] Je vous suis très reconnaissante de m'avoir invitée et d'avoir souligné mes réalisations, parce qu'il m'arrive encore parfois de ne pas le croire. Gitchi-Meegwetch.
    Merci.
    Je donne maintenant la parole au représentant du Bloc, monsieur Lévesque.

[Français]

    Bonjour, madame Young et monsieur Matthew.
    Je suis très impressionné. Je me demande si c'est seulement au Manitoba que des personnes démontrent une telle volonté d'aller loin. J'ai rencontré cet été, dans un endroit aussi éloigné que la Suède, une femme de la nation ojibway. Elle travaille à l'ambassade du Canada en Suède et parle quatre langues. Elle a dû apprendre toutes ces langues pour s'intégrer à la société.
    Dans les autres provinces, est-ce que la situation est semblable à celle du Québec? Je ne connais pas la situation en ce qui concerne les compétences provinciales en matière d'éducation dans les autres provinces. Je ne connais pas non plus le nombre de nations autochtones vivant dans chacune des autres provinces.
    Chez nous, au Québec, une entente a été conclue avec une nation. Dans le cadre de cet accord, les diverses communautés se sont entendues entre elles pour se réunir sous l'égide d'un grand conseil. Depuis la signature de cette entente, cette nation a évolué si rapidement qu'elle est devenue pour le Québec une partenaire réellement sérieuse.
    J'ai écouté M. Matthew nous faire part de sa vision de l'éducation. En ce qui concerne le postsecondaire, ça ressemble sérieusement à une démarche que j'ai entreprise. Je viens du nord du Québec et je tente présentement d'obtenir qu'un pavillon des premières nations soit créé et relié au campus de l'université, tout en demeurant propre à la culture autochtone. Ce que M. Matthew a mentionné m'impressionne beaucoup: c'est très semblable à ce qu'on tente d'obtenir.
    Madame Young, vous avez mentionné le roulement de la main-d'oeuvre professorale, qui est dû en partie au manque de respect envers la culture autochtone. M. Matthew parle de racisme. Je me demande si on peut établir ce lien. Chez nous, les nations qui ne se sont pas ralliées en vue se faire reconnaître ont plus de difficulté à s'en sortir. Lorsque ces personnes viennent en ville, elles sont plus agressives que les Cris, par exemple, et ça suscite du ressentiment au sein de la population en général. En effet, les gens ne font pas la différence entre les diverses communautés. Je ne sais pas si une telle situation existe dans vos provinces respectives. Chez nous, c'est le cas présentement.
    Pour ce qui est du financement de l'éducation, est-ce qu'en tenant compte, bien sûr, des lois en vigueur et des compétences de chacune des provinces, vous choisiriez de financer le gouvernement provincial pour que ce dernier puisse créer un comité regroupant les dirigeants autochtones de chacune des provinces et visant à prendre des décisions, ou si vous préféreriez que le gouvernement fédéral verse des fonds destinés à l'éducation directement à une association des premières nations dans chacune des provinces?
    Enfin, j'aimerais aussi savoir si le non-respect de votre culture ne provient que des hautes sphères ou s'il émane en partie de la population.

  (1045)  

[Traduction]

    C'est une question intéressante. Oui, je pense que cette attitude envers les peuples autochtones provient des hautes sphères. Les premiers ministres du pays et leur Cabinet ont pris sciemment des décisions qui privent les Autochtones d'une citoyenneté à part entière depuis de nombreuses années. La qualité de vie que les Canadiens tiennent pour acquis n'est souvent qu'un rêve pour la population autochtone, en ce qui a trait au bien-être socio-économique. Donc, oui, je pense que c'est une question d'ordre politique.
    À mon avis, on devrait réserver des fonds pour permettre aux organisations autochtones des régions de négocier elles-mêmes les questions relatives à l'enseignement postsecondaire, que ce soit pour leurs propres établissements ou des établissements publics.
    En Colombie-Britannique, je sais que nous avons un comité d'enseignement postsecondaire qui n'est pas très bien financé — le financement n'est pas assuré —, mais beaucoup de premières nations rassemblent leurs idées pour trouver ce qui conviendrait à nos étudiants de niveau postsecondaire. Tout cela, sans aucune sécurité financière. Nous avons reçu des fonds pour cette année — au compte-gouttes —, mais nous sommes arrivés à la conclusion qu'il est important pour nous de faire valoir nos opinions, d'avoir nos propres établissements d'enseignement et de défendre la culture et les intérêts de nos apprenants.
    Je ne sais pas comment on peut le rendre obligatoire, mais je pense que si vous consacriez des fonds aux organisations autochtones provinciales, elles signeraient des ententes avec la province et les établissements d'enseignement postsecondaire en ce qui a trait à la politique et à l'orientation, de même qu'à la façon dont ces établissements et gouvernements peuvent aider les étudiants de niveau postsecondaire.
    Je pense qu'il est très important que les Autochtones défendent leurs intérêts et que le gouvernement les soutienne dans cette démarche. Il faut tenir des réunions et des discussions avec le gouvernement et les établissements d'enseignement postsecondaire. C'est primordial. J'ignore si cela cadre avec l'entente de financement, mais je pense que c'est nécessaire. Il y a aussi le financement des bandes à l'appui des organisations autochtones.

  (1050)  

    Avant de céder la parole à M. Albrecht, j'aimerais poser une question.
    Monsieur Matthew, vous avez parlé de financement. Le ministère nous a assuré que le financement par étudiant était équivalent à celui qu'on retrouve dans les écoles publiques ordinaires de Colombie-Britannique et d'ailleurs au Canada. En réalité, dans le Nord du pays, le financement est nettement supérieur à la moyenne.
    Par financement, entendez-vous le financement par étudiant ou les programmes de financement visant à mettre en oeuvre des politiques et des mesures qui favoriseront la réussite scolaire et la poursuite d'études postsecondaires?
    Lorsque vous parlez de financement par étudiant, est-ce que cela comprend le budget total qu'AINC alloue à l'éducation, ou s'agit-il du financement par étudiant aux niveaux élémentaire, secondaire et postsecondaire? Faites-vous une distinction?
    Ce que je veux dire, c'est qu'en Colombie-Britannique, les arrondissements ou les conseils scolaires reçoivent environ 5 500 $ pour chaque étudiant, qu'il soit Autochtone ou pas.
    Est-ce exact?
    Le gouvernement fédéral paie exactement la même chose pour les étudiants autochtones qui arrivent d'une réserve et qui fréquentent une école publique que pour les autres. C'est ce que nous facture la province, ou plutôt vous — le gouvernement fédéral — pour l'éducation des apprenants issus des réserves.
    Vu où sont situées nos écoles, nous avons présentement de la difficulté à offrir le même niveau de service que la population, en général, tient pour acquis dans les établissements publics, c'est-à-dire à payer des salaires décents, à contribuer au perfectionnement professionnel, à assurer le transport, à fournir des équipements et à veiller à leur bon fonctionnement et entretien. Il y a une grande inéquité attribuable aux économies d'échelle.
    Les autres problèmes concernent les services de 2e et 3e niveaux. La province de Colombie-Britannique a le ministre de l'Éducation pour prendre les décisions et faire les lois. De notre côté, personne ne nous aide à établir des directives et des programmes d'enseignement comme la province le fait. Lorsque le gouvernement fédéral nous subventionne, il s'attend à ce que nous offrions le même niveau de service. À vrai dire, nous signons en disant que c'est ce que nous allons faire, alors qu'en réalité, nous savons très bien que nous n'avons pas assez d'argent pour y arriver.
    C'est un grave problème.

  (1055)  

    En effet. C'est la réponse que je voulais.
    M. Albrecht n'a pas eu encore l'occasion de s'exprimer. C'est le seul.
    Monsieur Lévesque.

[Français]

    Ma question comprenait deux volets. Vous êtes intervenu avant que Mme Young puisse répondre à la question que je lui avais posée concernant le roulement de la main-d'oeuvre professorale.

[Traduction]

    Nous avons un ordre...

[Français]

    Mme Young n'a pas eu le temps de répondre.

[Traduction]

    ...à respecter ici, et M. Albrecht n'a pas pu poser de question. Je lui cède donc la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens d'abord à remercier les deux témoins de leur présence parmi nous.
    Votre histoire m'a beaucoup touché, madame Young, particulièrement votre relation avec vos parents. Je vous remercie d'en avoir parlé, car cet aspect de l'éducation est souvent négligé, et d'avoir évoqué les racines culturelles et spirituelles qui ont fait de vous ce que vous êtes aujourd'hui.
    Par ailleurs, pour ce qui est des contenus, monsieur Matthew, comme vous avez signé l'entente tripartite, j'imagine que vous y êtes favorable et que vous êtes impatient de voir les progrès qui seront réalisés de la maternelle à la 12e année. Je conviens que cette entente risque d'être l'une des plus importantes mesures visant la réussite au niveau postsecondaire.
    J'ai deux questions, dont l'une s'adresse à Mme Young.
    Vous avez signalé le problème criant du roulement du personnel enseignant. Pourriez-vous nous en parler brièvement?
    Ensuite, pourriez-vous nous dire, monsieur Matthews, pourquoi si peu d'élèves obtiennent leur diplôme d'études secondaires et sont disposés à poursuivre des études postsecondaires, et combien sont inscrits au cours préparatoire dont vous avez parlé? D'où vient le financement? Je pense que vous avez dit qu'il provenait essentiellement des étudiants eux-mêmes. Y a-t-il d'autres possibilités de financement?
    Pourrais-je demander à Mme Young de répondre à cette question et, par ricochet, à certaines des questions de M. Lévesque? C'est le but visé.
    Pourriez-vous répéter votre question, s'il-vous-plaît?
    Vous avez évoqué le problème du roulement de personnel enseignant et le fait que cela avait une incidence sur la réussite scolaire.
    Soyez très brève car nous allons manquer de temps. Comme nous devons terminer à 11 heures, je vous demanderais d'être concise. Un autre groupe est sur le point d'arriver.
    Les communautés autochtones préconisent l'embauche d'enseignants autochtones. Ces enseignants sont formés comme les autres. Ce n'est pas nous qui les préparons.
    C'est tout ce que j'avais à dire.
    Monsieur Matthews.
    En effet, le taux de roulement du personnel est très élevé. Tout d'abord, nous sommes confrontés à une pénurie d'enseignants autochtones et nous nous employons à trouver des stratégies pour en recruter davantage. On offre des programmes de formation en enseignement un peu partout au pays et ceux-ci méritent un plus grand appui du gouvernement fédéral.
    Nous devons absolument offrir des avantages sociaux et des salaires concurrentiels aux enseignants de nos écoles. Partout au Canada, les régions rurales et éloignées sont déjà aux prises avec ce problème. Je sais que c'est le cas en Colombie-Britannique. Les écoles non autochtones des régions rurales ou éloignées n'arrivent pas à retenir leur personnel parce que les enseignants veulent aller ailleurs ou toucher un meilleur salaire. La situation est bien pire au sein des communautés autochtones.
    Quelle était votre question au sujet des diplômes d'études secondaires et du programme de préparation à l'université?
    Je m'intéresse surtout au financement de ce programme intermédiaire et au nombre d'étudiants qui y sont inscrits.
    Je n'ai pas de statistiques là-dessus; il faudrait les demander au ministère des Affaires indiennes. Énormément d'apprenants adultes ou de jeunes adultes n'ont pas terminé leur 12e année. Nous le savons d'après les statistiques des étudiants qui abandonnent leurs études. Il y a un grand groupe d'apprenants; nous ne manquons certainement pas d'étudiants.
    Quant aux restrictions concernant les programmes, il faut savoir que l'inscription des étudiants à un programme de préparation est souvent limitée à un an; c'est essentiellement à cause d'un problème de financement. On devrait allouer des fonds pour deux ans. Ils ont tellement de rattrapage à faire sur le plan des connaissances qu'il est tout simplement impossible de le faire en un an. Dans certains cas, les étudiants doivent suivre quatre cours, et ils finissent par s'épuiser. Ils ne peuvent tout simplement pas assumer une telle charge; la barre est trop haute.
    Il y a une forte demande et un grand potentiel; cela vaut la peine d'investir dans un programme qui profitera à autant de personnes.
    Au cours de la réunion des premiers ministres, on a conclu un accord visant à éliminer l'écart dans les dix prochaines années. Ces enfants sont maintenant en 2e année; nous disposons donc de très peu de temps. La situation n'a pas vraiment changé dernièrement. Nous avons beaucoup de travail à faire pour aider la population autochtone.

  (1100)  

    Merci. Je tiens aussi à remercier les deux témoins d'avoir si bien répondu à nos questions et de nous avoir fait part de leurs expériences personnelles et professionnelles.
    Merci encore.
    La séance est levée.