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FINA Rapport du Comité

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INTRODUCTION

Au printemps 2004, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a entrepris une étude des mesures fiscales fédérales devant aider les petites entreprises dans certains secteurs. Dans le cadre de son étude, il a rencontré des représentants des petits brasseurs, des viniculteurs et des bijoutiers à propos des taxes et des droits d’accise. Le Comité a également entendu le ministère des Finances.

Nous résumons brièvement dans le présent rapport les principaux arguments que chacun des témoins a fait valoir au Comité dans le cadre de l’étude en cours et antérieurement et formulons des recommandations qui, si elles sont appliquées, aideraient les petites entreprises à prospérer, ce qui intensifierait la croissance économique du Canada.

DROITS ET TAXES D’ACCISE FÉDÉRAUX : HISTORIQUE ET
IMPORTANCE

A.     Droits d’accise fédéraux

Les droits d’accise fédéraux sur l’alcool, perçus en vertu de la Loi sur l’accise, datent d’avant la Confédération. Actuellement, la Loi sur l’accise impose des droits sur la bière, l’eau-de-vie et les produits du tabac fabriqués au Canada. Par ailleurs, en 2003, la taxe d’accise sur le vin a été convertie en un droit d’accise. L’obligation relative aux droits d’accise est établie au lieu de fabrication et est fonction de la quantité de biens produits. Aux termes de la Loi, il est illégal de fabriquer des marchandises qui sont assujetties aux droits d’accise si le fabriquant n’a pas d’abord obtenu une licence de brasseur, de fabricant de vin, de distillateur ou de fabricant de tabac; la Loi régit également la production, la distribution et, dans certains cas, l’importation des marchandises. Le tableau 1 fait état des droits d’accise pour 1987 et 2003. Dans l’année financière 2002-2003, le gouvernement fédéral a perçu 2 milliards de dollars à ce titre, sur lesquels 25,7 %, ou 519,7 millions, ont été prélevés sur la bière. Ce montant n’englobe pas le droit
d’accise sur le vin qui a été perçu comme taxe d’accise avant 2003. Le
tableau 3 montre le produit du droit d’accise fédéral par source pour l’année financière 2002-2003.


Tableau 1 : Taux du droit d’accise fédéral, 1987 et 2003

 

1987

2003

Spiritueux distillés

10,733 $/litre d’alcool

11,06 $/litre d’alcool

Boissons mélangées (contenant jusqu’à 7 % d’alcool)

-

24,59 ¢/litre

Bière

 

 

   Jusqu’à 1,2 % d’alcool

1,789 $/hectolitre

2,591 $/hectolitre

   De 1,2 à 2,5 % d’alcool

9,66 $/hectolitre

13,990 $/hectolitre

   Plus de 2,5 % d’alcool

19,323 $/hectolitre

27,985 $/hectolitre

Cigarettes

 

 

   Jusqu’à 1,361 gramme/1 000

10,525 $/1 000

27,475 $/1 000

   Plus de 1,361 gramme/1 000

12,424 $/1 000

29,374 $/1 000

Cigares

5,799 $/1 000

14,786 $/1 000

   Tabac fabriqué

2,433 ¢/kg

18,333 $/kg

   Tabac naturel en feuilles

63,278 ¢/kg

1,572 $/kg

Bâtonnets de tabac1

 

18,33/1 000

Vin2

 

 

   1,2 % d’alcool ou moins

1,79 ¢/litre

2,05 ¢/litre

   De 1,2 à 7 % d’alcool

21,47 ¢/litre

24,59 ¢/litre

   Plus de 7 % d’alcool

44,72 ¢/litre

51,22 ¢/litre

Source : Finances of the Nation 2003, Association canadienne d’études fiscales, 2003.

Note : /litre d’alcool = par litre d’alcool éthylique absolu par volume.

1 Les bâtonnets de tabac étaient taxés à titre de tabac fabriqué jusqu’en février 1991.

2 Avant 2003, le droit d’accise sur le vin était une taxe d’accise.

B.     Taxes d’accise fédérales

La Loi sur la taxe d’accise impose des taxes d’accise sur les bijoux et les produits du tabac fabriqués ou importés au Canada, ainsi que sur le carburant, les climatiseurs d’automobiles et certaines automobiles. Jusqu’en 2003, la taxe d’accise fédérale s’appliquait également au vin. La taxe d’accise est payable au moment de la livraison à l’acheteur et peut être soit basée sur la quantité ou le poids du produit vendu, soit basée sur la valeur du produit. L’obtention d’une licence est nécessaire, mais les petits fabricants (ceux dont les ventes annuelles sont inférieures à 50 000 $) sont dispensés à la fois d’obtenir une licence et de payer la taxe d’accise. Dans l’année financière 2002-2003, la taxe d’accise a rapporté au gouvernement fédéral 7,4 milliards de dollars, dont 2,2 %, ou 161,8 millions, provenaient du vin et 1,2 %, ou 87 millions, des bijoux. Le tableau 3 montre le produit de la taxe d’accise fédérale par source dans l’année financière 2002-2003.

Les taxes d’accise fédérales sont apparues dans le budget fédéral de 1918 et visaient les biens de luxe, comme les bijoux. Elles étaient justifiées, selon le ministre des Finances de l’époque, par le besoin d’obtenir des revenus mais également pour contrôler les dépenses extravagantes et ostentatoires1. Depuis, la définition de biens de luxe s’est élargie, et ces taxes s’appliquent aujourd’hui au tabac — et jusqu’à récemment — au vin, entre autres choses. Selon la théorie économique en vigueur actuellement, il est justifié de taxer des activités ayant un coût social, comme l’usage du tabac et la pollution (ce que l’on appelle aussi les «  taxes sur le péché  »), pour en diminuer l’attrait et se dédommager de leurs coûts «  caché  ».

La portée de la taxe d’accise s’est élargie sensiblement au fil du temps, puis elle s’est rétrécie avec l’adoption de la taxe fédérale sur les biens et services (TPS) en 1991. L’adoption de la TPS a également mené à un relèvement de la taxe d’accise fédérale sur le tabac et le vin, car les recettes générées par la TPS de 7 % étaient inférieures à celles provenant de l’ancienne taxe de vente fédérale de 19 %. Grâce à ce relèvement de la taxe d’accise fédérale, les recettes provenant de la taxe d’accise et de la taxe de vente combinées restaient inchangées. Les taux de la taxe d’accise fédérale, avant et après l’apparition de la TPS, sont indiqués au tableau 2.


Tableau 2 : Taux de la taxe d’accise fédérale sur certains produits,
1990 et 2003

 

1990

2003

Essence (moteur et aviation)a

8,5 ¢/litre

10 ¢/litre

Diesel et carburant aviation

4,0 ¢/litre

4,0 ¢/litre

Cigarettes

10,688 ¢/5 cigarettes

25,888 ¢/5 cigarettes

Tabac fabriqué

14,254 $/kg

35,65 $/kg

Cigares

40 %

6,.5 ¢/cigare ou 65 %

Baguettes de tabac

14,254 $/kg

3,965 ¢/baguette

Climatiseurs pour automobile

100 $/unité

100 $/unité

Bijouxb

10 %

10 %

Montres et horloges

10 %

10 %c

Source : Finances of the Nation 2003, Association canadienne d’études fiscales, 2003.

Note : Les taxes d’accise sur les automobiles sont calculées en fonction du poids, mais ne figurent pas au tableau 2.

a Depuis 1989, l’essence au plomb est taxée d’un cent par litre de plus que l’essence sans plomb.

b Les bijoux évalués ou vendus à moins de 3 $ sont exonérés.

c 10 % du prix de vente ou de la valeur à l’acquitté dépassant 50 $.

C.     Produit de l’accise fédérale

Dans l’année financière 2002-2003, le droit d’accise a rapporté au gouvernement fédéral 2 milliards de dollars et la taxe d’accise 7,4 millions. Le tableau 3 montre ce que l’accise a rapporté par source cette année-là. En 2003, la taxe d’accise sur le vin a été convertie en droit d’accise.


Tableau 3 : Produit du droit d’accise et de la taxe d’accise par source,
2002-2003

 

 

Recettes

Part

Droits d’accise

 

(millions $)

(%)

 

 

 

 

Bière

 

          519,7

            25,7

Spiritueux

 

          391,1

            19,3

Spiritueux rafraîchissants

 

            16,6

              0,8

Cigarettes

 

          989,4

            48,9

Cigares

 

              0,2

              0,0

Tabac manufacturé

 

          107,0

              5,3

Autres

 

              0,1

              0,0

 

 

 

 

Total des droits d’accise

 

       2 024,1

          100,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Recettes

Part

Taxes d’accise

 

(millions $)

(%)

 

 

 

 

Vin

 

          161,8

              2,2

Bijoux

 

            87,0

              1,2

Carburant moteur – essence

 

       4 536,1

            60,9

Essence et carburant d’aviation

 

            22,3

              0,3

Carburant diesel

 

          433,9

              5,8

Cigarettes

 

       1 756,6

            23,6

Cigares

 

            34,3

              0,5

Tabac

 

          151,9

              2,0

Accessoires pour fumeurs

 

            71,6

              1,0

Automobiles

 

            10,9

              0,1

Climatiseurs pour automobiles

 

          169,1

              2,3

Divers

 

              7,5

              0,1

 

 

 

 

Total des taxes d’accise

 

       7 443,1

          100,0

 

 

 

 

Source : Comptes publics 2003.

Note : La taxe d’accise sur le vin a été convertie en droit d’accise.

ANALYSE DES TAXES ET DES DROITS D’ACCISE

En septembre 1996, le vérificateur général du Canada s’est penché sur les taxes et les droits d’accise fédéraux perçus sur certaines marchandises et conclu qu’il fallait de toute urgence réviser la Loi d’accise. À propos de la bijouterie, le vérificateur général a fait observer qu’il y a «  beaucoup d’évasion et d’évitement de la taxe d’accise sur les bijoux, par le biais d’activités clandestines, entraînant ainsi une perte de recettes fédérales de quelque 30 millions de dollars par année2  ». Il n’a offert aucune solution au problème, soulignant que «  les Finances doivent poursuivre leur évaluation et tenter de trouver des solutions de concert avec l’industrie3  ».

En 1997, le ministère des Finances a répondu aux recommandations du vérificateur général par un document de discussion sur les révisions proposées à la Loi sur l’accise4. Ce document ne remettait toutefois pas en question le bien-fondé des taxes et des taux précisés dans la Loi et s’attachait plutôt à l’administration de la taxe. Par la suite a été adoptée La Loi sur l’accise de 2001, qui établissait un nouveau cadre législatif pour la perception par le gouvernement fédéral de taxes sur les spiritueux, le vin et les produits du tabac, remplaçant la structure fiscale antérieure par une approche qui reflète les pratiques actuelles de l’industrie et les pratiques administratives.

LES VINICULTEURS

L’Association des vignerons du Canada a expliqué au Comité, lors des consultations prébudgétaires de 2003 et à l’occasion de l’étude en cours, son point de vue sur le désavantage concurrentiel que l’industrie vinicole canadienne subit par suite de la perception des droits d’accise fédéraux. Au moment des consultations prébudgétaires de 2003, le Comité avait appris que le droit d’accise auquel sont assujettis les producteurs de vin de qualité à 100 % canadien les défavorise par rapport à leurs concurrents étrangers, surtout ceux des États-Unis. À l’époque, l’Association avait prôné une exemption du droit d’accise fédéral et proposé une réduction qui, à son avis, aurait donné aux producteurs de vin canadien des chances égales par rapport à leurs concurrents américains.

Lors de son exposé du 4 mai dernier, l’Association des vignerons du Canada a expliqué que l’industrie vinicole canadienne connaît une croissance robuste depuis 10 ans — pour ce qui est du nombre de caves vinicoles, de la superficie consacrée à la viticulture, de l’emploi et du tourisme —, mais qu’elle se caractérise par «  une concurrence féroce, des pressions à la baisse sur les prix exercées par les importations, une ponction fiscale élevée, une réglementation lourde, des monopoles provinciaux, des restrictions commerciales inter provinciales, de forts coûts de production et une grande innovation.

L’Association a également décrit le secteur viticole canadien dans le contexte du cadre stratégique agricole fédéral-provincial-territorial. D’après elle, le secteur «  fournit des produits canadiens de qualité à forte valeur ajoutée, écologiques, sûrs, représentant une image de marque et faisant appel à des techniques de plus en plus avancées, sans être protégées contre la concurrence des importations ni bénéficier de subventions importantes… Par ailleurs, le secteur présente d’énormes atouts économiques sur le plan du tourisme, de la culture et du secteur de l’accueil.  » L’industrie vinicole évolue sans transferts monétaires importants du gouvernement fédéral, à l’exception de l’assurance-récolte et des programmes connexes, et «  le seul véritable aspect… du cadre de stratégie agricole qui ne s’applique pas dans une large mesure au secteur vinicole est celui de la gestion des risques opérationnels  ».

Le Comité a appris qu’actuellement le secteur vinicole canadien n’est pas traité de façon équitable par rapport à ses homologues étrangers ou ses contreparties nationales, puisqu’il ne bénéficie pas de l’appui stratégique ni financier que reçoivent les viniculteurs de bon nombre de pays et les autres segments du secteur agricole et agroalimentaire canadien. Par ailleurs, il n’est aucunement protégé contre les importations, à l’exception d’un droit de douane de 3,74 cents par litre applicable à certains pays, protection tarifaire qu’il s’attend à perdre dans le cadre des négociations actuelles de l’OMC et dont certains pays concurrents, notamment les États-Unis et le Chili, sont d’ailleurs déjà exemptés. Par ailleurs, des pays qui produisent beaucoup de vin comme les États-Unis et l’Australie exemptent, en totalité ou en partie, de l’accise leurs petits viniculteurs, et l’Union européenne accorde à ses producteurs de raisin et à ses viniculteurs des subventions de plus de 3 milliards de dollars par an, sans compter les subventions nationales et régionales.

Afin d’uniformiser les règles du jeu et d’aider le secteur vinicole à prospérer et à contribuer davantage à l’agriculture à valeur ajoutée, l’Association a présenté de nouveau la proposition qu’elle avait avancée devant le Comité lors des consultations prébudgétaires de 2003; celle-ci devrait à son avis réduire de 6 à 8 millions de dollars par an le produit du droit d’accise fédéral, montant dont il faut déduire l’augmentation des recettes fiscales que génèrera un secteur plus prospère.

L’Association prône plus précisément deux options :

  une exonération du droit d’accise fédéral sur les ventes de vin à 100 % canadien de moins de 500 000 litres par an et une réduction, plafonnée à 51,2 cents par litre, du droit d’accise sur la production se situant entre 500 000 et 900 000 litres ou
  des allégements équivalant à l’exemption et à la réduction proposée du droit d’accise fédéral.

Le Comité a appris que le droit d’accise fédéral et la taxe sur les biens et services perçus sur le vin coûtent aux vignerons plus de 120 millions de dollars par an et que les autres segments à valeur ajoutée de l’agriculture, des aliments et des boissons n’ont pas à acquitter ces coûts, sauf ceux qui produisent de la bière et des spiritueux. On nous a également dit que les viniculteurs de pays concurrents comme l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Allemagne ou l’Italie n’ont pas à assumer de tels coûts, qu’aux États-Unis les viniculteurs produisant moins de 250 000 gallons (soit plus de 900 000 litres) sont exonérés en totalité ou en partie de l’accise et que les viniculteurs australiens bénéficient également d’un tel allégement.

Dans sa proposition, l’Association a précisé que :

 

aux yeux de l’Organisation mondiale du commerce, le Canada ne se distinguerait pas d’un certain nombre d’autres pays, notamment les États-Unis et l’Australie, s’il réduisait l’accise sur les petites productions de vin;

 

la proposition de réduction du droit d’accise fédéral s’appuie sur le modèle américain;

 

l’hypothèse selon laquelle le droit d’accise fédéral sur le vin décourage la consommation d’alcool est discutable et que l’application de la proposition ne réduirait pas nécessairement le prix du vin, puisque les profits seraient conservés et investis par l’industrie vinicole, à la fois collectivement et individuellement;

 

la proposition relative au droit d’accise fédéral s’appliquerait également à tous les producteurs de vin canadiens, mais uniquement sur le vin produit à partir de raisin à 100 % canadien;

 

il ne serait pas difficile de retrouver la trace du vin produit à partir de raisin à 100 % canadien, pour les fins du calcul du droit d’accise, puisque les autorités responsables des alcools aux niveaux provincial et territorial et le secteur vinicole suivent déjà les ventes de vin par marque et par type (notamment à 100 % canadien).


Comme l’a noté le ministère des Finances dans sa présentation au Comité, «  les viniculteurs n’ont pas indiqué que le régime fiscal posait des problèmes particuliers  ». Le ministère a fait observer que l’Association des vignerons du Canada cherchait même à obtenir une aide fédérale par le biais du régime fiscal pour aider les producteurs de vin à 100 % canadien. Il a également déclaré que le droit d’accise fédéral, qui est d’environ 38 cents sur une bouteille ordinaire de 750 millilitres, est très faible comparé aux prélèvements provinciaux sur le vin et que les très petits viniculteurs dont la production annuelle est inférieure à 50 000 $ (environ 5 000 litres de vin) sont déjà exonérés du droit.

Le Comité convient avec l’Association des vignerons du Canada que la proposition d’exemption et de réduction du droit d’accise fédéral, parce qu’inspirée du modèle américain, ne ferait sans doute pas l’objet de contestation sur le plan commercial, et qu’elle accroîtrait la prospérité de la viniculture canadienne et, par conséquent, celle de notre pays. Afin de mieux cibler la proposition en faveur des petits viniculteurs et d’en réduire l’impact sur les recettes fiscales, le Comité recommande que :

Le gouvernement fédéral applique en priorité la proposition d’exemption et de réduction du droit d’accise fédéral que l’Association des vignerons du Canada a présentée au Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 4 mai 2004, sauf que le droit d’accise devrait commencer à être perçu à partir de 400 000 litres. Plus précisément, le gouvernement fédéral devrait : exonérer du droit d’accise le vin à 100 % canadien jusqu’à concurrence de 400 000 litres par an et réduire le taux du droit d’accise pour une production annuelle de 400 000 à 900 000 litres sous réserve d’une limite de 51,2 cents le litre; ou accorder des remboursements équivalents à l’exemption et à la réduction proposées du droit d’accise fédéral.

LES PETITS BRASSEURS

Précisant que «  les petits brasseurs canadiens se trouvent à un carrefour important  » et que «  les abattements fiscaux leur permettront de donner tout leur potentiel  », l’Association canadienne des petits brasseurs a rappelé au Comité la recommandation qu’il avait formulée dans son rapport de novembre 2002, intitulé Le Canada : des gens, des lieux et des priorités :

Le Comité estime que les taxes d’accise appliquées actuellement aux petites brasseries limitent la compétitivité de ces dernières, ce qui leur nuit et ce qui nuit à l’économie du pays tout entier. Le Comité recommande donc :

Que le gouvernement fédéral abaisse sa taxe d’accise à l’égard des petites brasseries à un niveau comparable à celui en vigueur aux États-Unis.

Dans le témoignage qu’elle a fait devant le Comité à l’occasion des consultations prébudgétaires de 2003, l’Association avait noté que «  la taxe d’accise fédérale de 28 $ par hectolitre présente presque exactement ce que nous payons pour embaucher un employé ou pour acquérir des biens en immobilisations  ». Elle avait exhorté le Comité à continuer de fournir l’appui qu’il lui avait accordé dans son rapport de 2002 et de recommander une réduction de 60 % de la taxe d’accise fédérale à laquelle sont assujettis les petits brasseurs canadiens pour la première tranche de 75 000 hectolitres de bière produite (taxe qui passerait de 27,98 $ à 11,9 $ par hectolitre) de manière à être sur un pied d’égalité avec leurs homologues américains; le droit d’accise est le plus élevé des droits fédéraux que versent les brasseries.

Dans son exposé du 4 mai 2004 au Comité, l’Association a prôné une version modifiée de sa première proposition. Au départ, l’Association voulait que le droit d’accise fédéral soit réduit de 60 % et que les économies ainsi réalisées soient plafonnées à 1,2 million de dollars par brasserie; elle estimait le manque à gagner en recettes fiscales à 14 millions de dollars par an.

Selon la proposition modifiée par l’Association, il faudrait réduire le droit d’accise de 90 % pour les très petits brasseurs et l’abaisser progressivement jusqu’à l’éliminer complètement sur les productions de moins de 75 000 hectolitres en plafonnant les économies réalisées grâce à cet allégement à 684 000 $ par brasserie; cette proposition ferait perdre au gouvernement fédéral 11 millions de dollars par an en recettes fiscales. Selon l’Association, cette deuxième proposition tient mieux compte de la réalité, étant donné que le secteur se caractérise au Canada par un grand nombre de très petits brasseurs et par quelques grandes brasseries et serait relativement plus avantageuse pour les brasseurs de petite et moyenne taille. Est indiqué ci-après le barème proposé :

Taille de la brasserie (en hectolitres)

0-2 000

2 000-5 000

5 000-15 000

15 000-50 000

50 000-75 000

75 000-300 000

Nombre de brasseurs

51

14

8

8

3

4

Réduction fiscale

90 %

80 %

60 %

30 %

15 %

0 %

Économies réalisées

50 000 $

118 000 $

285 000 $

579 000 $

684 000 $

684 000 $


L’Association remarque qu’il y a plusieurs avantages à réduire le droit d’accise fédéral pour les petits brasseurs :

 

la parité avec les brasseurs américains, et autres brasseurs : sur les 95 petits brasseurs étrangers vendant actuellement leurs produits sur le marché canadien, plus de 50 bénéficient d’une réduction du droit d’accise de 50 % dans leur pays et la plupart des grands pays producteurs de bière reconnaissent les besoins particuliers de leurs petites brasseries en les assujettissant à des politiques fiscales différentes;

 

cette politique fiscale a fait ses preuves dans 10 pays, 11 États et 8 provinces canadiennes : en 1992, l’Union européenne a adopté une politique autorisant les réductions du droit d’accise d’au plus 50 % pour les petits brasseurs et la quasi-totalité des pays producteurs de bière au monde ont adopté des politiques du même ordre pour stimuler la croissance des petites brasseries;

 

emplois et autres investissements dans les économies locales, notamment la reprise de plus de 1 500 emplois perdus pour cause de hausse des importations, revitalisation de la capacité de création d’emplois des petits brasseurs et maintien des emplois dans 75 collectivités canadiennes : si l’on se fie à l’expérience du Royaume-Uni et des provinces canadiennes qui ont accordé des abattements fiscaux aux petits brasseurs, 45 % des économies ainsi réalisées sont généralement réinvesties dans les emplois de production et de vente, 30 % sont consacrées à l’achat d’équipement et 25 %, au financement de projets de marketing et au paiement d’arriérés d’impôts;

 

création d’entreprises vitales pour la communauté et d’attractions touristiques : les politiques fiscales des provinces constituent d’importants encouragements pour l’investissement dans la communauté, et la réduction du droit d’accise fédéral
demandée constituerait un encouragement supplémentaire à investir localement à long terme, ce qui se répercuterait sur l’emploi dans les brasseries, accroîtrait la prospérité des secteurs qui desservent les petits brasseurs et les visiteurs des brasseries et encouragerait la viabilité globale des collectivités dans lesquelles se situent ces brasseries; et

 

revitaliser le patrimoine brassicole du Canada en appuyant des modèles de rôle visibles : une nouvelle génération de brasseurs voit le jour et les bières produites par des petits brasseurs canadiens obtiennent des prix internationaux en raison de leur qualité et de leur variété.


Lorsqu’il a comparu devant le Comité, le ministère des Finances a indiqué que, comme le droit d’accise fédéral sur la bière n’a pas augmenté depuis 1991, il a baissé en termes réels; en outre, les provinces taxent en général la bière à des taux «  beaucoup plus élevés  » que le gouvernement fédéral. Il a fait observer que «  du point de vue de la politique fiscale, le régime du droit d’accise était équitable  » et qu’«  il ne désavantageait pas les petits brasseurs par rapport aux gros producteurs ou importateurs  ». Selon le ministère, «  les petits brasseurs demandent par le biais du régime fiscal un avantage en vue d’augmenter leurs marges et de renforcer leur position sur le marché  ». Le ministère a déclaré qu’«  il y a tout lieu de croire que cette aide financière, qu’elle soit fournie au moyen d’une réduction du droit d’accise ou autrement, aiderait l’industrie à devenir plus profitable, à se développer et à créer des emplois, mais qu’il en irait de même dans presque tous les secteurs de la petite entreprise si le gouvernement fédéral accordait le niveau d’aide financière que proposent les petits brasseurs  ».

Le Comité continue de croire que l’assujettissement des petits brasseurs canadiens freine leur prospérité. Par conséquent, c’est toute l’économie canadienne qui pâtit puisqu’il y a des pertes d’emplois et moins de création d’emplois, moins de développement communautaire et moins d’activité pour ceux qui fournissent des intrants au secteur et des services aux touristes susceptibles de visiter les brasseries. Nous estimons qu’il est dans l’intérêt économique du pays — ainsi que dans celui de nos petits brasseurs — d’assujettir les petites brasseries canadiennes à un régime de taxe d’accise fédéral plus favorable afin qu’elles puissent se développer et prospérer, créer des emplois et susciter des occasions de développement communautaire qui profiteront au pays tout entier. Par conséquent, le Comité recommande que :

Le gouvernement fédéral applique immédiatement la proposition de réduction du droit d’accise fédéral que l’Association canadienne des petits brasseurs a présentée au Comité permanent des finances de la Chambre des communes le 4 mai 2004. Plus précisément, le gouvernement fédéral devrait appliquer le barème de droits d’accise suivant aux brasseurs qui produisent moins de 300 000 hectolitres par an :

Taille du brasseur (en hectolitres par an)

Réduction du droit

Économies maximales découlant de la réduction du droit/par brasseur

0-2 000

90 %

                50 000 $

2 000-5 000

80 %

              118 000 $

5 000-15 000

60 %

              285 000 $

15 000-50 000

30 %

              579 000 $

50 000-75 000

15 %

              684 000 $

75 000-300 000

0 %

              684 000 $


LES BIJOUTIERS

Au cours des toutes dernières consultations prébudgétaires et à l’occasion de l’étude en cours sur les mesures fiscales touchant les petites entreprises, le Comité a appris que la taxe fédérale d’accise sur les bijoux nuit aux bijoutiers canadiens, dont le chiffre d’affaires est de 1,2 milliard de dollars, avec pour conséquences pertes d’emplois et concurrence déloyale des importations.

Selon l’Association canadienne des bijoutiers, le secteur emploie 40 000 personnes dans 5 000 entreprises, dont un grand nombre sont de petite taille, privées et familiales. Le document préparé par les ministres provinciaux et territoriaux des mines en septembre 2003, Toward a National Diamond Strategy et mentionné au Comité par l’Association, précise que le secteur de la fabrication des bijoux crée environ 40 % de plus d’emplois par dollar canadien de production que le secteur de l’électronique résidentielle ou la fabrication de pièces automobiles. La bijouterie a le potentiel de créer de l’emploi au niveau régional et rural dans des entreprises familiales5.

Selon la Loi sur la taxe d’accise, la taxe d’accise est une taxe fédérale perçue sur les biens importés, fabriqués ou produits au Canada suivant la valeur à l’acquitté [importations] ou le prix de vente [articles fabriqués ou produits au Canada], représentant selon le cas :

 

10 % de la fraction du prix de vente ou de la valeur à l’acquitté qui est supérieure à cinquante dollars des «  horloges et montres adaptées à l’usage domestique ou personnel, sauf les montres d’employés de chemins de fer et les montres spécialement conçues pour l’usage des aveugles  »,

 

10 % sur les «  articles de toutes sortes constitués en tout ou en partie d’ivoire, de jais, d’ambre, de corail, de nacre, de coquillages naturels, d’écailles de tortue, de jade, d’onyx, de lazulite ou d’autres pierres fines  », et

 

10 % sur les «  articles communément ou commercialement dénommés bijoux, véritables ou faux, y compris les diamants et autres pierres précieuses ou fines destinés à l’usage personnel ou à la parure, les produits de l’orfèvrerie, sauf les articles plaqués or ou argent pour la préparation ou le service des aliments ou breuvages  ».


Tout bijou évalué ou vendu à un prix inférieur à trois dollars est exonéré de la taxe.

Actuellement, selon le ministère des Finances, le gouvernement fédéral perçoit entre 100 millions de dollars par an au titre de la taxe d’accise sur les bijoux. On ne sait trop combien coûte l’administration de la taxe. Selon l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), son administration coûterait au plus 1,5 million de dollars par an alors que l’Association canadienne des bijoutiers a déclaré au Comité qu’elle coûtait entre 7 et 14 millions.

Dans son témoignage du 5 mai 2004 devant le Comité, l’Association des bijoutiers canadiens a répété qu’il voulait que la taxe soit éliminée et il a soulevé plusieurs préoccupations à ce sujet. Selon elle, le seuil de 3 $ prévu par la Loi montre bien que la taxe d’accise sur les bijoux est un vestige d’une époque révolue. C’est aussi la seule «  taxe de luxe  » toujours perçue par le gouvernement fédéral, et, si les taxes sur l’alcool et le tabac peuvent se justifier — à tort ou à raison — pour des raisons de santé, il semble peu justifié de percevoir une telle taxe sur les bijoux, comme objet de luxe, puisque les autres marchandises de luxe n’y sont pas assujetties.

Le Comité a également appris que le gros de la taxe d’accise sur les bijoux est justifié en substance par des règlements et des interprétations d’ADRC. L’Association a fait remarquer que certaines de ces règles semblent un peu étranges, comme l’inclusion des réparations et du sertissage de pierres dans la fabrication et la production.

Par ailleurs, en raison d’interprétations obscures de la Loi, la taxe d’accise sur les bijoux est une taxe dont l’administration est onéreuse, difficile et parfois arbitraire. De plus, selon l’Association, comme le régime fiscal canadien s’est éloigné des taxes d’accise avec le remplacement de la complexe taxe sur les ventes des fabricants par la taxe sur les produits et services plus transparente, l’ADRC n’est plus en mesure d’administrer une taxe aussi complexe que la taxe d’accise fédérale sur les bijoux. De même, on a dit au Comité que, en raison des diverses nuances d’interprétation de la taxe d’accise, les petits détaillants ne peuvent réaliser les gains d’efficience qu’ils pourraient obtenir s’ils pouvaient automatiser leur système de calcul de la taxe d’accise à laquelle ils sont assujettis.

L’Association a également signalé que, même si la taxe d’accise sur les bijoux ne porte que sur les articles importés et nationaux, les bijoutiers canadiens font face à une ponction fiscale relativement plus élevée pour trois raisons. Premièrement, la valeur à l’acquitté est généralement plus basse pour les importateurs que le prix de vente des bijoutiers canadiens. Deuxièmement, avec la popularité des ventes par Internet, il est plus facile de commander des bijoux à l’étranger, qui sont ensuite importés, ce qui permet d’éviter, ce qui est illégal, les droits de douanes et les taxes. D’ailleurs, ce type d’expédition illégale n’est qu’un exemple d’une économie souterraine naissante dans le domaine de la bijouterie à laquelle, au dire de l’Association, la taxe d’accise fédérale contribue fortement. D’après une étude menée en 1997 par Ernst & Young à la demande du ministère des Finances et citée par le Comité dans son rapport sur les consultations budgétaires de 1997, de 30 à 60 % des achats de bijoux canadiens sont illégaux; selon l’étude, l’élimination de la taxe d’accise ne devrait pas avoir beaucoup d’effet sur la contrebande et il n’y aurait pas suffisamment de recettes au titre de la TPS et de l’impôt sur le revenu pour compenser le manque à gagner fiscal. Troisièmement, la taxe d’accise constitue dans les faits une taxe sur les stocks, limitant la quantité de bijoux qu’un détaillant peut entreposer, exposer et donc vendre.

Dans sa présentation au Comité, le ministère des Finances a maintenu que la taxe d’accise sur les bijoux n’était pas une «  taxe de luxe  » puisque «  la plupart des bijoux vendus au Canada sont relativement peu coûteux et achetés par des consommateurs ordinaires  ». Cependant, il convient avec l’Association canadienne des bijoutiers que la taxe favorise les bijoux importés par rapport aux bijoux de fabrication nationale et que ses déficiences «  la rendent vulnérable à l’évitement fiscal et à l’évasion fiscale  ». Selon le ministère, «  si la taxe d’accise sur les bijoux n’était pas en place, il n’est pas certain que le Parlement en instaurerait une  ». Cependant, son élimination «  aurait un impact sur la planification fiscale globale du gouvernement  ».

Le Comité estime que la taxe d’accise fédérale sur les bijoux est anachronique et ne répond plus à aucun objectif de politique sociale ni ne présente les caractéristiques que devrait avoir une taxe : équité, efficience, facilité d’administration et transparence. Il croit également que cette taxe a des conséquences négatives pour l’emploi et la viabilité du secteur de la bijouterie au Canada. Il souligne également la recommandation présentée par les ministres provinciaux et territoriaux des mines selon lesquels cette taxe devrait être éliminée pour encourager les ventes de diamants au détail à des Canadiens et des touristes.6 Cependant, nous sommes conscients que l’élimination immédiate de la taxe fédérale d’accise sur les bijoux aurait des incidences fiscales. Par conséquent, le Comité recommande que :

Le gouvernement fédéral mette en œuvre une des options suivantes : éliminer graduellement sur cinq ans la taxe d’accise fédérale sur les bijoux; ou relever graduellement sur cinq ans le seuil d’application de la taxe jusqu’à élimination de la taxe à la fin de la période. Au moment de choisir entre les deux options, le gouvernement devrait privilégier celle qui est la plus expéditive et la plus simple sur le plan administratif pour le secteur de la bijouterie.

CONCLUSIONS

Dans ce rapport, le Comité formule des recommandations conçues pour aider certains secteurs de la petite entreprise. Nous reconnaissons toutefois que bien d’autres secteurs de la petite entreprise bénéficieraient de certains changements fiscaux et nous les invitons à nous communiquer leurs vues dans le cadre des consultations prébudgétaires de 2004, lorsque nous nous pencherons sur les mesures qui seraient le plus susceptibles d’aider les entreprises canadiennes d’une manière financièrement responsable.

Par ailleurs, le Comité est conscient que le nombre des propositions valables dépasse l’aptitude du gouvernement fédéral à les financer d’une manière financièrement responsable. De ce point de vue et compte tenu des priorités actuelles du Comité, nous engageons le gouvernement fédéral à procéder immédiatement à la mise en œuvre de la recommandation relative à la taxe d’accise sur les bijoux, suivie rapidement de la mise en œuvre des propositions que nous recommandons pour les viniculteurs et les petits brasseurs du Canada.

Enfin, le Comité presse le gouvernement fédéral de discuter de ces propositions avec les gouvernements provinciaux et territoriaux en vue d’empêcher que les mesures d’allégement des taxes fédérales n’entraînent une hausse des taxes ou autres charges provinciales et territoriales.



1J. Harvey Perry, Taxes, Tariffs & Subsidies: A history of Canadian fiscal development, Toronto : University of Toronto Press, 1955, p. 197.
21996 Rapport du vérificateur général du Canada, Chapitre 18, à l'adresse : http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/9618cf.html#0.2.Q3O5J2.ZVL7FT.SZ1NQE.CK.
3Ibid.
4Ministère des Finances, « Révision de la Loi sur l'accise Proposition de révision du régime de taxation des produits du tabac et de l'alcool », février 1997, à l'adresse : http://www.fin.gc.ca/tocf/1997/eatoc-f.html
5Ministres provinciaux et territoriaux des mines, Toward a National Diamond Strategy, septembre 2003, p. 38, à l’adresse : www.gov.nt.ca/RWED/diamond/pdf/nds_doc.pdf.
6Toward a National Diamond Strategy, p. 46.