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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 2 juin 2005




¿ 0910
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         Mme Maria-Luisa Monreal (directrice générale, Association québécoise des organismes de coopération internationale)

¿ 0915

¿ 0920
V         Le président
V         M. Mark Fried (coordonnateur de communications et plaidoyer, Oxfam Canada)

¿ 0925

¿ 0930
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC))
V         M. Mohammed Chikhaoui (directeur, Planification et évaluation, Oxfam-Québec)

¿ 0935
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Ted Menzies (Macleod, PCC)

¿ 0940
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Maria-Luisa Monreal
V         M. Mark Fried
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Mark Fried
V         M. Ted Menzies
V         M. Mark Fried

¿ 0945
V         M. Ted Menzies
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Ted Menzies
V         M. Mark Fried
V         M. Ted Menzies
V         M. Mark Fried
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Ted Menzies
V         M. Mark Fried

¿ 0950
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ)
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Maria-Luisa Monreal
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Mark Fried
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Mohammed Chikhaoui
V         Mme Francine Lalonde

¿ 0955
V         Mme Maria-Luisa Monreal
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Francine Lalonde
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Mohammed Chikhaoui

À 1000
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)
V         M. Mark Fried

À 1005
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.)
V         M. Mark Fried

À 1010
V         L'hon. Lawrence MacAulay
V         M. Mohammed Chikhaoui
V         L'hon. Lawrence MacAulay
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Lawrence MacAulay
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Lawrence MacAulay
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)

À 1015
V         M. Mark Fried
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Mark Fried
V         Mme Alexa McDonough
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Mohammed Chikhaoui

À 1020
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Maria-Luisa Monreal
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.)

À 1025
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Mark Fried
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC)
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC)
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)

À 1030
V         M. Mark Fried
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Yossi Olmert (à titre personnel)

À 1035
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Stockwell Day
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Stockwell Day
V         M. Yossi Olmert

À 1040
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Francine Lalonde
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Yossi Olmert
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Francine Lalonde

À 1045
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Yossi Olmert
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Yossi Olmert
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         L'hon. Dan McTeague
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Yossi Olmert

À 1050
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Yossi Olmert
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Yossi Olmert
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Yossi Olmert
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)

À 1055
V         M. Yossi Olmert
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Stockwell Day
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Le greffier du comité (M. Andrew Bartholomew Chaplin)
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Yossi Olmert
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Stockwell Day
V         L'hon. Dan McTeague
V         M. Stockwell Day
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         M. Stockwell Day
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Beth Phinney
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)
V         Mme Beth Phinney
V         Le vice-président (M. Kevin Sorenson)










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 045 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 juin 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0910)  

[Français]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Bonjour à tous.

[Traduction]

    Nous sommes le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

[Français]

    À l'ordre du jour, nous avons l'examen de la politique internationale.

    Nous avons le plaisir d'avoir avec nous ce matin, de l'Association québécoise des organismes de coopération internationale, ou AQOCI, Mme Maria-Luisa Monreal, directrice générale; d'Oxfam Canada, M. Mark Fried, coordonnateur des communications et des plaidoyers; d'Oxfam-Québec, M. Mohammed Chikhaoui, directeur de la planification et de l'évaluation.

    Bienvenue à vous tous.

[Traduction]

    C'est un plaisir de vous accueillir aujourd'hui.

    Nous allons commencer par Mme Monreal.

[Français]

+-

    Mme Maria-Luisa Monreal (directrice générale, Association québécoise des organismes de coopération internationale): Mesdames et messieurs, membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, j'aimerais avant tout vous remercier d'avoir invité l'AQOCI à présenter ses préoccupations au sujet de l'Énoncé de politique internationale du Canada.

    Le gouvernement actuel a récemment dévoilé les nouvelles orientations de la politique internationale qu'il se propose de suivre au cours des prochaines années.

    Il faut reconnaître que le monde a beaucoup changé depuis le temps de la guerre froide. De nouvelles problématiques ont émergé, et le Canada doit se doter des outils et des moyens lui permettant d'exercer un nouveau leadership au niveau international.

    Le gouvernement a pris un engagement à long terme en faveur de l'aide aux pays en développement et il a réitéré l'importance de la poursuite des objectifs du Millénaire pour le développement adoptés en 2000. Cependant, plusieurs éléments de l'énoncé de la politique nous indiquent que les objectifs d'éradication de la pauvreté et des inégalités dans le monde, éléments clés d'un développement humain durable, sont sacrifiés au profit d'une logique de lutte contre le terrorisme et de sécurisation des marchés.

    Jugeant que la menace terroriste au Canada est omniprésente, le gouvernement a mis les préoccupations de sécurité des Canadiens au premier rang des priorités de sa nouvelle politique internationale. La nouvelle politique s'articule autour d'une cohérence entre diplomatie, défense et développement. Pour le gouvernement, une des menaces directes qui guettent le Canada et ses alliés est la pauvreté.

    À notre avis, cette priorité donnée à la sécurité est discutable. Nous sommes convaincus que la sécurité véritable viendra d'abord et avant tout d'une solidarité profonde des peuples dans les efforts constants vers un développement durable et viable, l'instauration progressive d'une paix juste, le respect intégral des droits humains et une généreuse ouverture aux populations migrantes et réfugiées. C'est ce que l'on entend par le développement de la sécurité humaine.

    Depuis 2001, le terrorisme est à l'agenda international. Nous devons reconnaître qu'après le déclenchement par les États-Unis de la guerre contre le terrorisme, le monde est moins sécuritaire. Nous n'avons qu'à observer le cours des événements en Irak, la situation en Afghanistan et l'évolution de la situation au Moyen-Orient. Nous convenons qu'il s'agit de pays et même de régions en crise.

    Cependant, l'Afrique, continent de loin le plus pauvre de la planète, est aux prises avec de graves problèmes structurels de sous-développement. Il est difficile d'affirmer que la pauvreté en Afrique représente un danger direct pour la sécurité des Canadiens. Bien sûr, le sida et son extension planétaire peuvent signifier une menace, mais de tels fléaux nécessitent des réponses politiques de sécurité humaine, et non pas des politiques de lutte contre le terrorisme.

    Nous le répétons, la lutte contre la pauvreté doit s'inscrire dans une perspective de sécurité humaine, une question de droits fondamentaux pour tout être humain. Il ne faut pas réduire l'action du Canada au niveau international à la sécurité des Canadiens. Le lien entre pauvreté et terrorisme risque de nous amener à lutter contre les pauvres et non contre la pauvreté et ses causes structurelles.

    Le gouvernement a accordé la priorité à la défense, et le budget militaire obtient une augmentation considérable de 15 milliards de dollars en cinq ans. Cette augmentation du budget alloué à la défense se fait au détriment de l'aide publique au développement.

    La lutte contre le terrorisme et la prévention du terrorisme afin d'empêcher les pays pauvres de devenir des foyers d'instabilité deviendront des objectifs prioritaires de l'aide canadienne au développement. Une telle subordination de l'APD à des fins politiques nous ramène tout droit à l'intégration de l'aide au développement aux efforts de guerre. Ces efforts, à la lumière des stratégies développées depuis 2001, risquent de ne jamais répondre aux besoins criants de stabilité, de paix et de respect des droits fondamentaux dans le monde.

    Nous considérons que toute orientation de ce genre est moralement suspecte, sinon carrément inacceptable. L'aide doit rester motivée par la solidarité et la générosité. À notre avis, le seul et unique but de l'aide au développement doit être l'éradication de la pauvreté et des inégalités.

¿  +-(0915)  

    Dans l'énoncé, le gouvernement s'engage à accroître l'enveloppe de l'aide internationale de 10 p. 100 par année jusqu'en 2010, et à continuer sur cette lancée jusqu'à ce qu'il atteigne le seuil accepté mondialement, soit 0,7 p. 100 du revenu national brut. À ce rythme, le Canada n'atteindra pas ce seuil avant 2020, voire même 2025.

    Le Canada a pris des engagements clairs au sein des Nations Unies en 2000, dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement, visant à augmenter son aide publique au développement pour qu'elle atteigne réellement 0,7 p. 100 d'ici 2015. Dans l'Énoncé de politique internationale, le gouvernement ne prend aucun engagement formel pour rencontrer cet objectif en 2015. Nous croyons que pour atteindre le 0,7 p. 100 en 2015, le Canada doit augmenter annuellement le budget de l'APD d'un pourcentage variant entre 12 et 15 p. 100.

    L'énoncé privilégie 25 pays comme partenaires du développement. Ils se partageront à long terme les deux tiers de la contribution au titre de notre aide bilatérale. Ce choix de 25 pays a sûrement été très difficile. Dans certains cas, il reste incompréhensible à nos yeux, et nous sommes étonnés de constater que plusieurs pays auprès desquels le Canada peut jouer un rôle de partenaire majeur sont absents.

    Outre ce choix de pays, certaines préoccupations sectorielles ont été soulevées. Il nous semble incompréhensible que l'agriculture ne fasse pas explicitement partie des priorités sectorielles de l'aide bilatérale canadienne, alors que dans la plupart des 25 pays en question, la population est majoritairement rurale. L'appui sectoriel à l'agriculture ferait en sorte que des milliers, voire même des millions de personnes, auraient accès aux moyens de subsistance leur permettant de prendre en main leur destin et de mieux envisager leur avenir. Cela est une question de sécurité humaine, d'éradication de la pauvreté, de briser la dépendance, dans le respect de la dignité humaine.

    Un autre élément inquiétant du volet développement de la nouvelle politique internationale est le peu de mention que l'on fait du secteur des organismes de coopération internationale et des autres organisations de la société civile. À plusieurs reprises, l'énoncé fait mention de la nouvelle initiative Corps canadien. Même si cette initiative peut sembler prometteuse, nous sommes étonnés de ne trouver aucune mention du programme canadien d'envoi de coopérants volontaires. En fait, le programme existe depuis 35 ans. À l'heure actuelle, 10 organismes de coopération internationale participent à ce programme en envoyant plus de 2 500 coopérants par année dans plus de 40 pays. Il est devenu un pont privilégié pour appuyer l'engagement concret de Canadiennes et de Canadiens à l'étranger.

    L'énoncé ne mentionne pas l'importance de l'information et de l'éducation du public et son rôle dans la citoyenneté mondiale active.

    Nous aimerions insister sur le fait que le programme de partenariat de l'ACDI doit continuer de disposer de moyens suffisants pour soutenir les efforts déployés par les organismes de coopération internationale et autres organisations de la société civile canadienne, afin d'appuyer les efforts de développement de populations dans un large éventail de pays en développement, notamment dans des pays qui ne sont pas ciblés par l'aide bilatérale canadienne. Il importe que ces organisations conservent une marge de manoeuvre pour des actions autonomes dans divers domaines, y compris la bonne gouvernance, que ce soit à l'intérieur du Corps canadien ou en dehors de ce mécanisme.

    Finalement, le Canada doit affecter 1 p. 100 de l'enveloppe de l'aide internationale aux activités d'engagement du public canadien.

    Merci.

¿  +-(0920)  

+-

    Le président: Merci, madame Monreal.

    Nous allons maintenant passer à Oxfam Canada, représenté par M. Mark Fried.

    Monsieur Fried, vous avez la parole.

[Traduction]

+-

    M. Mark Fried (coordonnateur de communications et plaidoyer, Oxfam Canada): Bonjour.

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité et les invités, je vous remercie de nous donner cette occasion de vous faire part de notre point de vue sur la place du Canada dans le monde.

    Oxfam est un organisme de développement international qui se consacre à éliminer la pauvreté et la souffrance par le biais de trois actions : le développement communautaire, l'aide humanitaire et la défense de politiques. Oxfam se réjouit que le gouvernement ait proposé de relancer le rôle du Canada dans le monde en investissant dans le développement, la diplomatie et la défense. L'Énoncé de politique internationale décrit de façon précise les multiples défis auxquels nous faisons face, et souligne à juste titre que le multilatéralisme constitue pour le Canada le bon véhicule en vue de créer un monde plus sûr, plus équitable et plus pacifique. Ce qui est le plus important pour Oxfam, c'est que ce document affirme ce que Kofi Annan a déjà dit à la communauté internationale, à savoir que la lutte contre la pauvreté mondiale doit être au coeur de notre recherche de la sécurité et de la prospérité. Oxfam souhaite naturellement que le Canada fasse pleinement sa part pour aider les gens les plus pauvres et les plus vulnérables.

    Il y a trois domaines clés d'action dans cette lutte contre la pauvreté, et ces trois domaines sont mentionnés dans l'Énoncé de politique internationale : l'aide au développement, y compris l'allégement de la dette; les conflits; et le commerce. Mon collègue d'Oxfam Québec parlera plus en détail des conflits et du financement du développement, et je vais me concentrer sur le commerce.

    Permettez-moi une brève remarque à propos de l'aide. Le fait que le Canada soit incapable de consacrer à l'aide le montant minimum de 0,7 p. 100 du revenu national brut, qui était l'objectif fixé au monde par Lester Pearson en 1969, est pour nous une source permanente de honte. Franchement, cela sape la crédibilité du Canada dans toutes les tribunes et dans tous les milieux. Le Canada doit absolument s'engager à respecter cette promesse d'ici 2015.

    Je passe maintenant au commerce. J'ai dit que l'Énoncé de politique internationale a abordé trois domaines d'action pour lutter contre la pauvreté mondiale, mais c'est en fait dans le chapitre consacré au développement qu'il mentionne comme objectif la lutte contre la pauvreté mondiale. Nous savons que l'aide est essentielle, mais il n'y aura pas d'aide véritable tant que les règles qui faussent actuellement les échanges commerciaux internationaux aux dépens des pauvres n'auront pas été modifiées. L'Énoncé de politique internationale souligne le lien entre commerce et développement, mais s'attarde très peu sur la façon dont les politiques commerciales du Canada pourraient favoriser ce processus. Il se contente de mentionner les généreuses dispositions d'accès aux marchés pour les pays les moins développés qui ont été mises en place par le précédent gouvernement, et qui sont effectivement quelque chose de très positif, et dans le très bref passage consacré à l'Organisation mondiale du commerce, l'Énoncé fait allusion aux subventions des principales puissances mondiales qui entraînent une distorsion du commerce et qui nuisent aux producteurs canadiens tout en empêchant les pauvres de se sortir de leur pauvreté. Le Canada joue un rôle très important dans ce domaine, en collaboration avec les pays en développement.

    Le chapitre consacré au commerce insiste naturellement sur les intérêts commerciaux des entreprises canadiennes et sur les débouchés à l'étranger. Nous souhaitons cependant souligner les problèmes qui peuvent se présenter lorsque les intérêts commerciaux des entreprises canadiennes entrent en conflit avec l'intérêt public, également important, que nous avons à lutter contre la pauvreté mondiale.

    Il y a un risque de conflit potentiel dans les domaines de l'accès aux marchés, des investissements et de la propriété intellectuelle, où les besoins des pays en développement peuvent être très différents des nôtres. Par exemple, le Canada peut souhaiter avoir un meilleur accès aux marchés des pays en développement pour exporter du blé, des pois et d'autres récoltes, mais un pays qui a une vaste population rurale qui tire sa subsistance de l'agriculture n'a aucun intérêt à abaisser ses droits de douane sur ses récoltes de base, surtout quand les États-Unis et l'Union européenne maintiennent leurs régimes de subventions massives. En gros, ce serait s'ouvrir au dumping. Comment un pays peut-il exploiter son avantage comparatif en agriculture s'il s'ouvre trop rapidement? Ou, dans le domaine des biens industriels, comment un pays pauvre peut-il développer son industrie s'il ouvre ses portes à des importations à bon marché? Ceux qui ont réussi à mettre sur pied des industries et à progresser dans la lutte contre la pauvreté l'ont fait parce qu'ils ne se sont ouverts que lentement et de façon sélective. L'ouverture des marchés est importante, mais elle doit se faire de manière progressive et soigneusement programmée.

    Quand j'étais à Genève la semaine dernière à l'Organisation mondiale du commerce et que j'ai rencontré des représentants de pays en développement ainsi que les membres de la mission canadienne, j'ai eu le regret de constater que le Canada continue à s'associer aux États-Unis et à l'Union européenne pour réclamer une ouverture radicale des marchés des pays en développement, qu'il s'agisse du domaine de l'agriculture ou de celui des biens non agricoles.

    Dans le même ordre d'idées, à propos de la propriété intellectuelle, il est sans doute logique que le Canada ait une protection des brevets sur 20 ans, et qu'il insiste pour que les brevets des inventions canadiennes soient protégés et respectés partout dans le monde, mais est-il logique que le Botswana ou la Zambie, dont près du quart de la population est infectée par le VIH/sida, soient soumis à un tel régime alors que le coût des médicaments brevetés draine complètement le budget de santé publique de ces pays?

¿  +-(0925)  

    Pour vous donner un exemple plus précis, le Vietnam négocie actuellement son accession à l'Organisation mondiale du commerce. On peut d'ailleurs lire dans le chapitre de l'Énoncé de politique internationale consacré au commerce que le Canada aide le Vietnam à se doter d'un régime de propriété intellectuelle. Je crois savoir que le Canada s'est associé aux États-Unis pour forcer le Vietnam à signer des règles de propriété intellectuelle plus rigoureuses que celles auxquelles il serait tenu s'il faisait déjà partie de l'Organisation mondiale du commerce—des règles qui vont notamment limiter la capacité des agriculteurs de conserver des graines.

    Je ne crois pas que le conflit entre les intérêts commerciaux du Canada et la recherche de sécurité par le développement soit aussi radical que je l'ai laissé entendre. Je l'ai dramatisé en prenant des exemples bien précis, mais les nombreuses conversations que j'ai eues avec des producteurs canadiens ou des chefs d'entreprise canadiens m'ont amené à conclure que les mesures de libéralisation du marché que recherchent nos négociateurs commerciaux—des mesures dont on fait l'éloge dans l'Énoncé—sont des instruments très peu raffinés pour atteindre les objectifs recherchés par les entreprises canadiennes. Dans tout le chapitre consacré au commerce, le gouvernement recommande à juste titre des règles commerciales équitables pour tous et permettant aux gouvernements de faire des interventions judicieuses, ce qui laisse entendre qu'on a besoin des bons outils pour faire le travail.

    Malheureusement, ce n'est pas ce que fait le Canada actuellement, et nous espérons que l'interprétation du chapitre consacré au commerce se traduira par une modification de la démarche du Canada dans les négociations commerciales. Oxfam est convaincu que l'essentiel, c'est de conclure avec les pays en développement des ententes non réciproques—autrement dit, de leur en donner plus que ce que nous attendons d'eux en échange—car le commerce est essentiel pour lutter contre la pauvreté et l'élimination de la pauvreté est essentielle pour notre sécurité et notre prospérité.

    Jusqu'ici, le Canada aborde les négociations à l'OMC et les négociations bilatérales dans une perspective mercantile, en essayant d'obtenir le maximum en échange du minimum d'un point de vue strictement commercial. Cela se justifie peut-être quand le Canada négocie avec un pays de taille et de niveau de développement analogues au sien, mais c'est absurde quand on s'adresse à des pays pauvres qui sont confrontés à des défis de développement colossaux.

    Oxfam souhaiterait que dans les négociations commerciales, comme dans le chapitre de l'Énoncé de politique internationale consacré au commerce, le Canada adopte une démarche plus équilibrée. Nous devrions donner autant d'importance à la lutte contre la pauvreté mondiale qu'à la promotion de nos intérêts commerciaux étroits, et nous sommes convaincus que cela ne nuirait pas aux intérêts commerciaux du Canada. En fait, on peut très bien agir dans l'intérêt des entreprises canadiennes sans nuire aux intérêts des pays en développement, mais pour cela, il faudra, comme je l'ai dit, que les négociateurs commerciaux du Canada changent d'attitude et considèrent que la lutte contre la pauvreté mondiale par le biais des échanges commerciaux est une question d'intérêt public fondamentale.

    Je conclurai en reprenant le message fondamental des remarques d'Oxfam ce matin. La lutte contre la pauvreté mondiale doit être un principe fondamental de la politique étrangère du Canada. L'Énoncé de politique internationale tend à reléguer ce mandat à l'ACDI et à n'en faire qu'une question d'aide, et même là, il n'en fait pas la priorité absolue de l'ACDI et de l'aide. Plaçons la lutte contre la pauvreté mondiale au coeur de l'intervention du Canada dans le monde, car c'est notre sécurité et notre prospérité qui en dépendent.

    Merci beaucoup.

    Je serai heureux de répondre à vos questions.

¿  +-(0930)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)): Merci, monsieur Fried.

    C'est maintenant le tour de M. Chikhaoui.

[Français]

+-

    M. Mohammed Chikhaoui (directeur, Planification et évaluation, Oxfam-Québec): Merci, monsieur le président.

    Monsieur le président, madame la vice-présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, permettez-moi d'abord de vous remercier, au nom d'Oxfam-Québec, de l'occasion que vous nous donnez d'exprimer devant vous notre opinion sur l'Énoncé de politique internationale que le gouvernement du Canada a rendu public il y a quelques semaines.

    En premier lieu, je veux vous faire part de notre satisfaction globale de voir enfin le Canada se doter d'un cadre pour sa politique internationale. Il nous paraît que le pays franchit un pas important en se donnant des lignes directrices intégrées et cohérentes qui concernent l'ensemble des relations internationales du Canada, dans un monde de plus en plus global, marqué par différentes formes de mondialisation. Je veux parler ici aussi bien de la mondialisation de l'économie que de la mondialisation de la pauvreté et de la mondialisation de la solidarité.

    Nous notons que l'Énoncé de politique internationale du Canada présente une approche intéressante, qui fait que le Canada se démarque sur le plan international en tentant de déployer des efforts cohérents en matière de défense, de démocratie et de développement. Cette approche des trois D comme on l'a appelée, semble devoir être particulièrement appliquée aux États dits « fragiles, » « défaillants » ou « en déroute » via le Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction, le GTSR, qui, mentionne-t-on dans l'énoncé, « planifiera la mise en place de groupes civils intégrés qui pourront intervenir rapidement en cas de crises internationales ».

    La question que l'on se pose est: qui sont ces groupes civils? Qu'entend-on par « intégration, » quand les expériences passées démontrent que dans les situations de crises, on a surtout besoin d'une coordination des efforts par différents acteurs spécialisés? Si on n'y prend pas garde, il y a de grands risques de confondre le militaire et l'humanitaire dans l'approche des trois D telle qu'elle est prônée.

    La création d'un fonds de 100 millions de dollars pour la paix et la sécurité est une initiative positive. Il se pose toutefois la question des critères sur lesquels le gouvernement canadien va se baser pour déterminer les priorités et pour choisir les États auprès desquels il interviendra en situation de crise. Lorsque l'on observe ce qui se passe aujourd'hui, on constate que la majorité des fonds pour la paix et la sécurité sont alloués à l'Afghanistan et à l'Irak. Nous craignons que le Canada ne mesure les risques pour sa propre sécurité qu'au travers des États en crise.

    En fait, le Canada doit très clairement faire connaître les orientations qui encadrent ses interventions pour la réponse humanitaire, la prévention des conflits, la consolidation de la paix et la reconstruction. En particulier, dans le cadre de la responsabilité de protéger,  qu'il a bien su promouvoir au sein de la communauté internationale, le Canada doit travailler davantage à prévenir les conflits qu'à intervenir pour régler des conflits. La responsabilité de prévenir doit faire partie intégrante de la politique canadienne, au même titre que la  responsabilité de respecter  ou la  responsabilité de construire. 

    L'Énoncé de politique internationale fait état de cinq R. Je souhaite en ajouter un sixième, qui est la responsabilité de prévenir. 

    Toujours dans le domaine de la sécurité, l'Énoncé de politique internationale du Canada insiste sur les armes de destruction massive, alors qu'il passe rapidement sur un danger plus grand à nos yeux. Ce danger est celui de la circulation sans contrôle des armes légères. Il est évident que la grande majorité des victimes des conflits sont tuées par des armes légères, et non par des armes de destruction massive. Les principaux pays producteurs et exportateurs d'armes légères sont membres du Conseil de sécurité des Nations Unies et du G8.

    Nous croyons que le Canada est bien placé pour promouvoir la négociation et la signature d'un traité international contraignant sur le contrôle du commerce des armes, afin de freiner la prolifération anarchique de ces engins de mort, dont la plupart des victimes sont des civils innocents. Une occasion en ce sens est fournie par la Conférence d’examen de l’ONU sur les armes légères, qui se tiendra en 2006. Sans une réforme en profondeur du commerce international des armes, on ne pourra ni assurer une sécurité minimum aux populations les plus vulnérables ni atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement.

    Bien que le chapitre « Développement » de l'Énoncé de politique internationale du Canada en traite largement, Oxfam regrette que le Canada ne mette pas carrément la lutte contre la pauvreté au coeur de sa politique internationale. En tant que pays développé, le Canada a la responsabilité d'agir de concert avec les autres nations pour abolir la pauvreté en luttant contre les causes profondes et structurelles qui sont à la source de cette pauvreté.

¿  +-(0935)  

    La lutte contre la pauvreté ne doit pas être vue seulement sous l'angle de la sécurité, mais elle doit être vue également comme une nécessité pour assurer les droits humains fondamentaux. L'aide publique au développement canadienne doit être centrée sur cette lutte.

    Oxfam accueille favorablement la confirmation de l'augmentation annuelle de 8 p. 100 du budget d'aide au développement. Mais, malgré cette confirmation, d'ici 10 ans, le Canada ne consacrera qu'à peine plus de 0,35 p. 100 de son produit national brut à l'aide internationale. On sera encore loin du 0,7 p. 100 auquel le Canada s'est engagé il y a plus de 30 ans. On aurait aimé voir le Canada donner l'exemple au sein du G7 en élaborant un calendrier dynamique pour atteindre le 0,7 p. 100 dans les meilleurs délais et ainsi montrer la voie aux autres pays, qui vont se réunir en Écosse en juillet prochain.

    L'Énoncé de politique internationale précise les catégories de pays bénéficiaires de l'aide canadienne avec une concentration dans 25 pays appelés « partenaires du développement ». Nous notons avec satisfaction que la majorité de ces pays sont en Afrique subsaharienne. L'Afrique subsaharienne, en particulier, est la seule région au monde où la pauvreté n'a cessé d'augmenter, alors que partout ailleurs on observe une réelle régression de la pauvreté absolue. Tout le monde reconnaît la nécessité de « démarginaliser » l'Afrique, mais on n'analyse pas avec suffisamment de profondeur les sources de cet appauvrissement continu. Notamment, il faut souligner avec force que, d'un côté, les pays africains sont lourdement pénalisés par le fardeau de la dette et que, d'un autre côté, ils sont à la merci de règles commerciales injustes, dont mon collègue Mark Fried vient de parler. Je n'insisterai donc pas plus sur ce point.

    L'Afrique est aussi le continent où se déroulent des conflits meurtriers qui ont fait plusieurs millions de victimes ces dernières années: pensons à la République démocratique du Congo, à l'Ouganda, au Darfour. C'est à l'ensemble de ces conflits que le Canada doit répondre en vertu de la responsabilité de protéger et de la responsabilité de prévenir dont j'ai parlé un peu plus tôt.

    L'approche pour le développement prône l'égalité des sexes comme un thème transversal à toutes les actions de l'ACDI, et nous nous en félicitons, car il y encore beaucoup à faire pour que l'on reconnaisse aux femmes la place qu'elles doivent occuper et le rôle fondamental qu'elles jouent dans le développement des communautés. Mais les populations des pays en développement sont également constituées d'une très vaste majorité de jeunes. On doit leur porter une attention particulière, car c'est sur eux que repose en grande partie l'avenir. Ils doivent pouvoir être éduqués, être formés, être en bonne santé et accéder à des emplois rémunérateurs.

    Le dernier point que je voudrais mentionner devant vous concerne l'engagement du public canadien. Au-delà de l'information et de la sensibilisation, au-delà des occasions qui sont offertes aux Canadiens de vivre des expériences de coopération enrichissantes, le gouvernement doit appuyer de façon vigoureuse les initiatives de participation des citoyens aux débats sur les enjeux du développement et de la lutte contre la pauvreté. C'est là que se trouve réellement le défi de la citoyenneté mondiale.

    Je vous remercie.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci à tous nos témoins d'être venus ce matin nous parler de leurs différents rôles dans la lutte contre la pauvreté et de manière plus générale de l'EPI. Nous apprécions votre contribution à nos travaux.

    Nous allons passer à la période de questions. Le premier tour dure 10 minutes. Nous allons commencer par M. Menzies.

+-

    M. Ted Menzies (Macleod, PCC): Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins.

    Nous avons entendu de nombreux autres témoins nous dire à peu près les mêmes choses que vous avez soulignées. Dans ce comité, nous sommes très inquiets du fait que le gouvernement libéral actuel a réduit de 9 milliards de dollars le budget d'aide au développement international et a réduit notre contribution à 0,3 p. 100, de sorte que nous pensons comme vous qu'il est peu probable que nous atteignions l'objectif de 0,7 p. 100 d'ici 2015 à ce rythme. Nous devons accroître notre contribution.

    J'arrive d'un petit déjeuner avec le ministre des Affaires étrangères de la Nouvelle-Zélande, qui nous a dit que dans leur dernier budget—en mars, je crois—ils ont augmenté leur APD de 26 p. 100. Est-ce que nous ne venons pas d'annoncer une augmentation de 8 p. 100 au Canada? Nous avons bien du chemin à faire, nous devons accroître l'APD.

    J'ai trouvé encourageant de vous entendre nous rappeler que nous avons oublié l'agriculture dans l'aide au développement. C'est un secteur essentiel. Nous devons aider les producteurs primaires si nous souhaitons que ces pays puissent un jour subvenir à leurs besoins. Nous sommes heureux de vous l'entendre dire.

    Ma première question s'adresse à Mme Monreal.

    Au sujet du Corps canadien et des ONG, j'ai énormément de difficulté à accepter qu'on transfère toute la responsabilité au Corps canadien. Nous avons des ONG sur place dans tous les pays du monde qui ont besoin de notre aide. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure les ONG peuvent plus efficacement fournir de l'aide que ce nouveau Corps canadien constitué de fonctionnaires?

¿  +-(0940)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Madame Monreal.

[Français]

+-

    Mme Maria-Luisa Monreal: Les organismes de coopération internationale, qui existent depuis des décennies, ont acquis de l'expérience et développé une expertise dans ce domaine. Je crois qu'on a des preuves concrètes de leur contribution au développement et de leur appui aux populations du Sud.

    Je ne pourrais pas vous dire lequel serait le plus efficace. À mon avis, il importe avant tout que le gouvernement valorise les efforts des organismes de coopération internationale et des organisations de la société civile.

+-

    M. Mark Fried: Puis-je ajouter quelque chose?

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Allez-y.

[Traduction]

+-

    M. Mark Fried: J'aimerais simplement ajouter que l'Énoncé de politique internationale dit, quelque part, que le financement de la Direction générale du partenariat canadien, de l'ACDI, sera maintenu, mais qu'on l'examinera pour déterminer quelles ONG continueront à recevoir des fonds. Nous pensons qu'il sera important que votre comité suive de près ce processus. La plupart des ONG canadiennes, Oxfam y compris, sont financées en grande partie grâce aux dons directs du public; nous dépendons de l'ACDI pour financer une part importante de nos opérations et pour être aussi efficaces que possible. À cet égard, les fonds que nous recevons de la Direction générale du partenariat de l'ACDI sont essentiels et nous vous demandons de suivre ce dossier de près.

+-

    M. Ted Menzies: Vous pouvez être sûrs que nous allons le faire. Les ONG se sont adressées à chacun des membres du comité pour nous faire part—très clairement—de leurs préoccupations face à la décision de les exclure soudainement de la prestation de l'aide et de l'assistance alors qu'elles ont tellement d'expérience dans ce domaine. À notre avis, c'est une bonne façon d'utiliser l'argent des contribuables, et nous allons certainement suivre cela.

    Monsieur Fried, vous avez sévèrement critiqué le rôle du commerce dans le développement. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

    Lorsque vous avez dit que le commerce nuit au développement, il y a une chose que vous n'avez pas mentionnée. Il y a, à l'OMC, des mécanismes pour les produits spéciaux et différentiels. Croyez-vous que ces mécanismes soient assez solides? Seront-ils suffisamment respectés pour protéger ces produits dans les pays où ils sont essentiels à la subsistance de la population?

+-

    M. Mark Fried: Oui, je sais. Nous en avons déjà parlé dans le passé. Nous ne considérons pas que le commerce est un obstacle au développement, certainement pas; ce sont les règles commerciales qui constituent un obstacle. Le commerce est essentiel au développement.

    À l'OMC, il y a plusieurs dispositions à l'étude dans le cadre de l'accord-cadre sur l'agriculture, notamment un mécanisme pour les produits spéciaux et un mécanisme de garantie spéciale. Il s'agit d'accorder un traitement spécial et différent aux pays en développement. C'est au niveau du détail que cela se compliquera.

    Les États-Unis et l'Union européenne insistent pour qu'on définisse de façon très étroite les produits spéciaux, et veulent qu'il soit extrêmement difficile de recourir à ces dispositions. Par exemple, ils voudraient... Les États-Unis ont proposé une définition bien particulière des produits dans le cadre des récoltes, c'est-à-dire que par exemple si on autorisait un pays à exempter cinq récoltes des réductions tarifaires, chaque variété de riz serait considérée comme une récolte unique, au lieu que ce soit le riz en général qui soit considéré comme une récolte. C'est donc au niveau du détail que la question se complique.

    Le Canada ne s'est pas prononcé clairement sur la question. Disons qu'il est resté plutôt discret. Les pays en développement nous accusent de n'avoir absolument rien dit. Nous aimerions que le Canada se place clairement aux côtés des pays en développement sur cette question.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Ted Menzies: Il me reste du temps?

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Oui.

+-

    M. Ted Menzies: J'ai été déçu que le Canada ne puisse pas jouer un rôle plus important au G-20, car je pense que cela nous aurait permis de défendre un certain nombre des thèses dont vous parlez et de donner notre opinion sur ces produits spéciaux et sur les critères qui seront utilisés pour les définir.

    Le Canada a un rôle à jouer dans ces négociations; les subventions à l'exportation dont vous parlez ont un impact non seulement sur le Canada, mais aussi sur beaucoup de ces pays.

    Il y a un autre point dont j'aimerais parler. Vous avez parlé de dumping. De nombreux pays utilisent l'aide liée; dans le cas des États-Unis, l'aide est liée à 100 p. 100. Au Canada, nous avons eu tout un débat, qui se poursuit, sur l'efficacité ou l'inefficacité de l'aide liée. Quelle est votre opinion à ce sujet?

+-

    M. Mark Fried: Vous parlez plus particulièrement de l'aide alimentaire?

+-

    M. Ted Menzies: Je parle d'aide alimentaire pour commencer, mais il n'y a pas que cela.

+-

    M. Mark Fried: Dans un souci d'efficacité, il est logique de délier l'aide, de façon à pouvoir aller chercher cette aide dans les conditions les plus rentables. Cela dit, dans le cas particulier de l'aide alimentaire, nous ne souhaiterions pas qu'on délie complètement l'aide, parce que l'endroit où l'on peut trouver les denrées au meilleur marché possible, ce sont les pays où ces denrées sont massivement subventionnées; autrement dit, on appuierait un régime de subventions qui écrase ces pauvres agriculteurs si l'on allait chercher cette aide aux États-Unis ou dans l'Union européenne au lieu de se tourner vers les agriculteurs canadiens.

    Ce que nous avons proposé, c'est une règle analogue à celle qui a été proposée par l'Union européenne. Les Européens ont dit qu'il fallait aller chercher cette aide dans les pays en développement, dans les pays pauvres, dans le pays même où on en a besoin, ou à proximité, lorsque c'était raisonnablement possible. Ce n'est pas toujours possible, mais quand on peut le faire, c'est ce qui est recommandé, on leur dit d'acheter ces produits sur place.

    Plus généralement, il est vrai que l'essentiel de l'aide liée dans le cas du Canada concerne l'aide technique, c'est-à-dire les experts-conseils qu'on engage pour aller fournir une aide. Nous pensons qu'il serait bon de délier cette forme d'aide aussi. Il y aura toujours de nombreux cas où il sera logique de faire appel à une expertise technique canadienne. Je crois que le Canada dispose de certains des meilleurs experts techniques au monde. Nous n'avons pas à avoir peur et à nous retrancher derrière des dispositions d'aide liée; nous pourrons très bien continuer le travail sans cela.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Il vous reste une minute, monsieur Menzies, si vous voulez poser une question complémentaire.

+-

    M. Ted Menzies: Il y a une chose que bien des gens ne comprennent pas au sujet de l'accès aux marchés. L'accès aux marchés est certainement important pour les industries canadiennes, pour le secteur agricole, comme pour les autres. En ce qui concerne la libéralisation des marchés entre les pays les moins développés, ces pays tendent à être parmi les plus protectionnistes. C'est une des conditions d'adhésion à l'OMC. Dans bon nombre de ces pays, ce qui compte c'est ce qu'ils peuvent obtenir, et non pas l'avantage que le pays pourrait tirer en aidant un autre pays.

    Pouvez-vous répondre rapidement à cela? N'est-ce pas un fait que l'accès aux marchés entre les pays les moins développés est également un problème?

+-

    M. Mark Fried: Eh bien, ce n'est pas vraiment un problème dans les pays les moins développés, mais plutôt parmi les pays en voie de développement. Le fait est qu'au cours des dix dernières années, le commerce entre les pays en voie de développement a augmenté à un rythme beaucoup plus rapide que le commerce entre le Nord et le Sud. Les pays ouvrent leurs marchés pour répondre aux objectifs de leurs propres programmes de développement. C'est-à-dire qu'ils se demandent si cela coûterait moins cher d'importer des biens d'un pays voisin? Est-ce que cela nuirait ou pas à leurs producteurs? Est-ce que l'importation d'un intrant ou d'un bien d'équipement contribuerait à renforcer ce secteur de l'industrie nationale?

    Ils le font lentement et prudemment, mais tout de même à un rythme plus rapide que le commerce entre le Nord et le Sud, en raison surtout des mesures protectionnistes très sévères des pays riches. Nous souhaitons certainement qu'augmente le commerce entre les pays en voie de développement, mais nous pensons que cela ne doit pas être imposé au moyen de règles mondiales qui sont essentiellement déterminées par les grandes puissances. Cela ne servirait pas les intérêts des pays en voie de développement; il vaut mieux qu'ils déterminent eux-mêmes à quel rythme et dans quelle mesure ils ouvriront leurs marchés.

¿  +-(0950)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Fried.

    Madame Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (La Pointe-de-l'Île, BQ): Merci beaucoup.

    Je vous remercie d'être venus ici ce matin et d'avoir présenté trois exposés très stimulants.

    Dans le cadre de son énoncé, le Canada ne s'engage pas à consentir 0,7 p. 100 du PIB d'ici 2015, tel que prévu par un grand nombre de rapports, notamment le dernier rapport de Kofi Annan, qui date de mars 2005. On a invoqué à ce sujet un grand nombre d'arguments.

    Ne croyez-vous pas que pour convaincre le gouvernement, il faudra lui dire que, pour être en mesure de jouer un rôle de leader, il va devoir prendre des engagements, comme le font désormais nombre de pays? Autrement, il se discréditera et ternira sa réputation à l'échelle internationale, situation qui sera difficile à rétablir. C'est ma première question.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Madame Monreal.

+-

    Mme Maria-Luisa Monreal: Il est très difficile pour nous de comprendre que le Canada ait décidé de ne pas prendre cet engagement, d'autant plus qu'il est le seul pays du G8 à connaître un surplus budgétaire depuis plusieurs années. Il est donc dans une situation financière qui lui permettrait de s'engager.

    De nombreux pays, notamment l'Espagne, se sont dotés d'un calendrier et de mécanismes visant à atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 d'ici 2015. Le Canada, pour sa part, ne l'a pas fait, ce qui est un peu paradoxal. Je pense vraiment qu'il faut demander au gouvernement de respecter ses engagements internationaux.

[Traduction]

+-

    M. Kevin Sorenson: Est-ce que quelqu'un veut ajouter quelque chose à ce sujet?

    D'abord M. Fried puis M. Chikhaoui.

+-

    M. Mark Fried: J'ajouterais que lorsque je m'adresse à des gens d'autres pays—ce que je fais souvent—je demande toujours pourquoi le Canada ne peut pas fournir ce qu'il a en fait convaincu le reste du monde de faire. C'est le Canadien Lester Pearson qui a porté cette question à l'attention de la collectivité internationale en 1969 et qui a convaincu les autres pays à verser au moins 0,7 p. 100 de leur revenu national brut. Je pense que nous devons avoir honte et que cela mine notre crédibilité.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Chikhaoui.

[Français]

+-

    M. Mohammed Chikhaoui: Merci.

    C'est d'autant plus incompréhensible que le Canada insiste toujours sur la nécessité de donner une grande place aux pays en développement et de rendre l'aide internationale plus efficace, plus importante. Il est regrettable de constater qu'un pays comme la Norvège, voire l'ensemble des pays scandinaves, qui n'a ni l'envergure économique du Canada ni des surplus comparables, a pu atteindre sinon dépasser l'objectif de 0,7 p. 100. La Norvège a pour sa part dépassé l'objectif de près de 1 p. 100. Sans doute avez-vous entendu tous les gens qui sont venus ici vous parler du 0,7 p. 100.

    Nous avons eu l'occasion de rencontrer le ministre des Affaires étrangères il y a quelques jours à Montréal. Il était venu parler de l'Énoncé de politique internationale. Nous avons posé une seule question à M. Pettigrew, à savoir quand le Canada prévoyait se doter d'un calendrier dans le but d'atteindre l'objectif de 0,7 p. 100. Nous sommes tout aussi perplexes que vous.

+-

    Mme Francine Lalonde: J'ai une deuxième question. Nous tentons de procéder de façon complémentaire en vue de préparer ce rapport.

    Madame Monreal, vous précisez que l'énoncé ne mentionne pas l'importance de l'information, de l'éducation du public et du rôle de ce dernier au sein de la citoyenneté mondiale active. J'aimerais que vous me donniez plus de détails sur cette question.

    Il y a là un phénomène semblable à celui de la poule et de l'oeuf. Le gouvernement semble penser que le public n'est pas favorable à l'idée qu'on débourse 0,7 p. 100 du PIB. Pour ma part, je ne crois pas que ce soit exact. Par contre, si c'est le cas, il faut sensibiliser la population.

¿  +-(0955)  

+-

    Mme Maria-Luisa Monreal: Je pense en effet que le public canadien doit être sensibilisé et informé. Il faut que la population puisse comprendre les enjeux du développement et de la mondialisation, de même que l'interdépendance existant entre le Nord et le Sud. Il est nécessaire de développer la citoyenneté mondiale active. En cette ère de mondialisation, il faut vraiment nous préoccuper de ce qui se passe au sud parce que nos pays en subissent eux aussi les effets.

    Nous sommes très déçus de ce qui se produit. Nous demandons depuis des années une augmentation de l'enveloppe relative à l'engagement du public. Il est inacceptable qu'on n'ait pas encore de nouvelle stratégie dans ce domaine. La dernière a pris fin l'année dernière, et on attend encore. Parallèlement, il faut que les Canadiens puissent être informés, de façon à pouvoir s'engager et poser des gestes responsables en tant que citoyens.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Il vous reste quatre minutes.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Ma prochaine question porte sur l'Afrique. L'Afrique constitue une responsabilité collective et doit être au coeur des préoccupations. Cependant, il y a aussi Haïti, qui est un pays voisin. Une large diaspora habite chez nous.

    J'ai une question un peu vaste à vous poser, mais je veux vous laisser du temps. La responsabilité ne devient-elle pas plus cruciale dans ce cas puisqu'on assiste à certaines choses à la télévision, quand il y a moyen de filmer ce qui s'y passe?. Il n'y a pas eu de télévision en République démocratique du Congo. On s'est demandé s'il y avait eu 2 millions, 3 millions ou 4 millions de morts, comme si ces chiffres n'étaient pas ahurissants.

    Que proposez-vous donc tous face à cette tragédie africaine et haïtienne? Il me semble qu'en ce qui concerne Haïti, on pourrait faire un effort spécial puisqu'on est en mesure d'aider ce pays. On peut mesurer, et la diaspora peut donner un coup de main.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): C'est maintenant au tour de M. Chikhaoui.

[Français]

+-

    M. Mohammed Chikhaoui: Je vais commencer par Haïti. Nous, qui oeuvrons à Oxfam-Québec, avons été surpris qu'Haïti ne soit pas explicitement mentionné dans l'Énoncé de politique internationale puisque nous avons un programme relativement important en Haïti. Lorsque nous avons posé la question, on nous a répondu qu'Haïti faisait partie de la catégorie des pays en crise. Vous savez que le Canada s'est engagé, l'année dernière, avec d'autres bailleurs de fonds à verser environ 104 millions de dollars pour Haïti. Par conséquent, Haïti va bénéficier d'un partenariat au moment où il sortira de la crise.

    Nous croyons que le cas d'Haïti est particulier pour le Canada et qu'il aurait dû être mentionné explicitement dans l'Énoncé de politique internationale, puisqu'il s'agit d'un pays trop important pour nous. Ce pays souffre depuis des décennies, à la fois de tyrannie, de pauvreté et d'insécurité extrêmes. Je crois qu'un effort particulier doit être clairement fait pour Haïti.

    Il faut reconnaître aussi que le Canada semble très actif sur la scène haïtienne. Je l'ai moi-même vécu. C'est pour cette raison qu'on est surpris qu'Haïti ne soit pas clairement mentionné dans l'énoncé.

    En ce qui a trait à l'Afrique, tout le monde dit qu'il faut sortir l'Afrique de sa marginalité, mais tout se passe comme si l'Afrique n'intéressait plus personne — si ce n'est en termes de discours — lorsqu'il s'agit d'agir, de prévenir et d'aider à sortir les gens des conflits. La paix et la sécurité sont essentielles au développement. S'il n'y a pas de paix et de sécurité, il n'y a pas de développement. Le manque de paix et de sécurité sont causes de pauvreté. Il faut agir à ce chapitre.

    Même lorsqu'on se penche sur le programme du NEPAD, le Fonds canadien pour l'Afrique, qui a un budget de 500 millions de dollars, on ne sait pas trop ce que cela devient, comment cela va être géré. On n'en voit pas les résultats. Malheureusement, il faut dire aussi qu'il y a beaucoup de faiblesses au niveau de la gouvernance en Afrique. Il faut donc que le Canada vise à aider la société civile de ces pays puisque ceux qui souffrent, ce sont les citoyens et non les gouvernants. Il s'agirait d'aider la société civile. En fait, je veux répondre à M. Menzies sur le rôle des ONG, qui ont une très grande expérience de collaboration avec leurs partenaires de la société civile en Afrique. Le Canada pourrait s'appuyer sur les ONG canadiennes pour amener les sociétés civiles africaines — il y a une grande diversité en Afrique —, qui n'ont aucune marge de manoeuvre, à contribuer à régler leurs problèmes.

    L'Afrique est mentionnée dans l'Énoncé de politique internationale. Nous espérons que ce qui est mentionné dans cet énoncé sera réellement réalisé et que le Canada montrera la voie aux autres pays, notamment ceux du G7. Le gouvernement britannique a formé la Commission pour l'Afrique, à laquelle a participé notre ministre des Finances. Le constat est effarant. Il faut maintenant agir vraiment rapidement.

À  +-(1000)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Chikhaoui.

    Nous passons maintenant à Mme Phinney.

+-

    Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.): Merci d'avoir pris le temps de venir dialoguer avec nous aujourd'hui. C'est dommage que nous ayons un gouvernement minoritaire et que nous ne puissions pas nous rendre dans certains de ces pays pour constater nous-mêmes ce qui s'y passe. Ce serait utile.

    Vous avez mentionné que les pays en voie de développement devraient décider eux-mêmes à quel moment ouvrir leurs frontières au commerce et qu'ils devraient pouvoir le faire à leur propre rythme et non pas lorsque les pays développés le décident. Est-ce que vous pensiez à la Banque mondiale?

    Lorsque la Banque mondiale vient nous parler, j'ai l'impression que c'est un très bon organisme. Puis lorsque je vais ailleurs, comme à la Grenade, on me dit qu'ils ne peuvent plus cultiver de bananes, parce que quelqu'un d'autre en fait pousser et qu'eux ils doivent produire... je ne sais pas, des citrouilles ou autre chose. Est-ce cela que vous voulez dire? Est-ce que vous pensez que la Banque mondiale aide les pays pauvres? C'est ma première question.

    Vous avez également mentionné que dans ses relations commerciales le Canada défend surtout son propre intérêt. Pouvez-vous nous donner des exemples qui illustrent comment cela nuit aux autres pays, ou même des exemples du bien que nous faisons grâce à nos échanges commerciaux avec des pays sous-développés?

+-

    M. Mark Fried: Merci beaucoup.

    En ce qui concerne les institutions financières internationales, la Banque mondiale et en particulier le Fonds monétaire international sont intervenus pour obliger les pays à ouvrir leurs marchés et ce, dans les plus brefs délais, apparemment à cause des pressions exercées par les principaux actionnaires de la Banque et du Fonds ou à cause de l'idéologie voulant que le libre marché soit ce qu'il y a de plus souhaitable—même si dans un pays comme Haïti, par exemple, le Fonds monétaire international a exigé que le tarif sur le riz soit ni plus ni moins annulé. Autrefois, Haïti était un pays autosuffisant en riz. Désormais, le pays est inondé du riz subventionné en provenance des États-Unis, et c'est dans la région de la culture du riz que l'on constate la pire malnutrition due à la pauvreté. Donc, effectivement, les institutions internationales ont causé beaucoup de dégâts en exigeant une libéralisation rapide.

    En fait, l'Organisation mondiale du commerce est une tribune où les pays en développement essaient de reprendre un plus grand contrôle sur leurs politiques commerciales en négociant des règles qui leur permettraient de s'ouvrir au commerce à un rythme qui leur convient. Tous ces pays acceptent la libéralisation, mais ils veulent la réaliser à un rythme qui convienne à leur développement. Les prêts qu'ils reçoivent des institutions financières internationales sont assortis de conditions commerciales qui, bien souvent, ne leur permettront pas de se prévaloir des éventuelles décisions de l'OMC, advenant qu'elles soient favorables à l'issue de ces négociations. C'est un problème.

    Pour ce qui est du commerce et de notre intérêt, à mon avis, le commerce du Canada est grosso modo très positif pour les pays en développement, et je ne voulais pas laisser entendre que le Canada ne devrait pas s'efforcer de faire du commerce avec ces pays. Assurément, nous devons en faire.

    C'est... comme je le disais tout à l'heure, si le gouvernement du Canada adoptait une orientation—c'est-à-dire une règle commerciale qui nuirait aux pays en développement mais que le gouvernement retiendrait dans l'intérêt des entreprises canadiennes. Reste à voir, si ce serait vraiment dans leur intérêt.

    Par exemple, le Canada appuie une formule radicale de réductions tarifaires—la libéralisation. Chaque pays, pour chaque produit, aurait un véritable accès aux marchés. C'est l'objectif du Canada. Cet objectif est réaffirmé dans l'Énoncé de politique internationale. Les producteurs canadiens m'ont dit que les tarifs n'étaient pas l'obstacle qu'ils rencontraient—que des obstacles beaucoup plus graves sous forme de pratiques commerciales inéquitables par les grandes puissances étaient ce qui les gênait plus que les tarifs. Par exemple, les exportateurs de canola voudraient vendre davantage à l'Inde. Ils ne le peuvent pas parce que la structure tarifaire là-bas n'est pas harmonisée. Les tarifs imposés à l'huile de soya sont de beaucoup inférieurs aux tarifs imposés à l'huile de canola et cela, parce que les États-Unis ont le pouvoir d'infléchir la décision du gouvernement à cet égard. Une règle qui abaisserait les tarifs sur tous les produits est un instrument plutôt lourd si l'on veut atteindre cette parité. Cela pourrait avoir des effets négatifs pour nos producteurs nationaux sans pour autant aider les exportateurs canadiens.

    J'ai donné pour autre exemple, la propriété intellectuelle. Les industries biotechniques et pharmaceutiques canadiennes souhaitent vivement protéger leurs brevets à l'étranger. Cela va de soi, s'agissant de leur intérêt commercial, mais ce n'est pas nécessairement dans celui des pays en voie de développement qui ont à relever d'autres défis et où les règles de propriété intellectuelle, telles qu'elles sont formulées à l'échelle internationale, représentent ni plus ni moins une taxe sur le développement. Ce sont des sommes que l'on doit verser aux sociétés transnationales pour pouvoir utiliser leurs technologies. Nous disposions d'une certaine souplesse à cet égard.

À  +-(1005)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur MacAulay.

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay (Cardigan, Lib.): Je vais poursuivre dans le même ordre d'idées. Je vous remercie d'être venus.

    Vous avez parlé de réduire les tarifs. Des témoins sont venus nous dire ici en comité que... par exemple, il y a un problème dans le secteur agricole. D'aucuns pensent que la gestion de l'offre ne devrait pas être tolérée au pays. Je voudrais savoir ce que vous en pensez. Étant donné les difficultés du secteur agricole de nos jours, que pensez-vous de la gestion de l'offre qui, à mon avis, est un élément plutôt stabilisateur au Canada? Faudrait-il modifier les choses à cet égard même si cela nous empêcherait de répondre correctement aux besoins des pays auxquels nous devrions venir en aide? Je vous pose la question. J'aurai d'autres questions après.

+-

    M. Mark Fried: Je répondrai volontiers à votre question. À vrai dire, nous avons parrainé une conférence qui s'est déroulée il y a quelques semaines et à laquelle ont participé des agriculteurs des pays en développement et des agriculteurs canadiens et dont les sujets étaient la gestion de l'offre, entre autres. Le système de gestion de l'offre est selon nous un modèle très positif pour les pays en développement car il a fait ses preuves pour les producteurs et les consommateurs canadiens. Il est intéressant de signaler qu'en l'occurrence, il n'a pas causé de tort aux pays en développement. La gestion de l'offre au Canada n'a rien à voir avec la gestion de l'offre en Europe, où l'on crée à dessein un excédent, lequel est vendu à vil prix aux pays pauvres. L'Europe pratique par exemple le dumping du sucre dans les pays pauvres.

    Le Canada n'exporte pas ses produits laitiers, ses volailles et ses oeufs. Par conséquent, la production est limitée parce que les agriculteurs choisissent de produire en fonction des besoins du marché national. C'est seulement s'il y avait un tarif élevé qu'il y aurait possibilité de causer du tort aux pays en développement. Si les pays en développement voulaient exporter leurs produits vers le Canada, ils ne pourraient pas le faire. Toutefois, le système de gestion de l'offre prévoit un accès minimal au marché, 5 p. 100, ce qui représente un véritable accès au marché. Le fait est qu'aucun pays en développement n'est en mesure d'exporter ses produits vers le Canada. Ce sont les États-Unis et la Nouvelle-Zélande qui exporteraient vers le Canada, si l'on renonçait au système de gestion de l'offre.

À  +-(1010)  

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay: Poursuivez.

[Français]

+-

    M. Mohammed Chikhaoui: Je voudrais, si vous me le permettez, compléter le commentaire de Mark. Au Québec, nous travaillons beaucoup avec l'Union des producteurs agricoles, notamment avec la section UPA Développement international, qui a été l'initiatrice du Mouvement pour une agriculture équitable. Ce mouvement regroupe notamment beaucoup de producteurs agricoles des pays d'Afrique de l'Ouest. L'approche défendue par le Mouvement pour une agriculture équitable comporte des similitudes avec la gestion de l'offre canadienne.

    Pour confirmer ce que Mark vient de dire, j'ajouterai que ce modèle de gestion de l'offre est très facilement exportable dans les pays en développement, mais qu'il faut aider ces pays à se structurer. Le Canada pourrait aider à amener les pays en développement à organiser leur production agricole et à gérer leur consommation intérieure et leur production intérieure selon le modèle canadien.

[Traduction]

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay: Merci beaucoup. Il faudrait que ce que vous dites soit entendu au pays, à l'OMC et ailleurs car, comme vous le savez, la gestion de l'offre de façon générale est attaquée assez durement dans bien des milieux.

    Ce système a apporté la stabilité au pays. Je conviens avec vous que nous pourrions faire adopter ce système dans bien d'autres pays et aider les agriculteurs à y survivre. Il est difficile de s'entendre dire—ce n'est pas vous qui le dites mais je l'ai entendu dire ici même sans pouvoir répliquer—que la gestion de l'offre est un problème. On ne peut pas parler de problème quand un système apporte la stabilité à un pays et permet à ses producteurs de survivre.

    J'attendrai maintenant le tour suivant.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur MacAulay.

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay: J'aurai d'autres questions à poser.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Votre temps sera écoulé dans six secondes.

+-

    L'hon. Lawrence MacAulay: Eh bien, j'ai besoin de plus de temps.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): C'est terminé.

    Madame McDonough, allez-y.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci de vos exposés.

    Je voudrais reprendre deux questions que vous avez tous évoquées. D'une part, le fait que le Canada ne prend pas de mesure décisive pour atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 de notre PNB au titre de l'aide étrangère comme l'exigent nos obligations internationales. Ensuite, je voudrais parler de la question de la gestion de l'offre. Je me félicite que vous ayez abordé ces sujets.

    Peut-être pourrais-je faire une demande. J'ai été horrifiée que certains témoins, ceux que nous avons entendus encore mardi dernier, attaquent si férocement notre système de gestion de l'offre. Ils nous ont dit que ce système causait de graves problèmes dans les pays les plus pauvres, ceux qui sont extrêmement tributaires de l'agriculture. Je vous félicite d'avoir réuni des agriculteurs canadiens et des agriculteurs étrangers, pour qu'ils collaborent dans ce dossier sous la houlette des ONG. Vous pourriez peut-être communiquer aux membres du comité ce qu'il est ressorti de ces discussions et nous suggérer des témoins que nous pourrions entendre sur la question.

    L'enjeu est grave. Il incombe au comité de s'en occuper. Il est décevant de constater que l'Énoncé de politique internationale ne fait pas allusion à l'agriculture en général ou à ces questions en particulier. Je sais que Roy Wilkinson, parmi d'autres, est un porte-parole éloquent sur le sujet. Je vous serais reconnaissante de donner à notre greffier des suggestions pour que nous puissions faire un suivi.

    Sur la question de l'APD, je ne saurais parler de ce qui s'est passé avant l'hiver 2003. Honnêtement, depuis que je siège à ce comité en qualité de porte-parole du Parti néo-démocrate pour les affaires étrangères, j'ai entendu des douzaines de témoins, à commencer par Stephen Lewis, peut-être le plus éloquent, le 1er avril 2003, et tous jusqu'à aujourd'hui exhorter le Canada à atteindre cet objectif de 0,7 p. 100. Pourtant, depuis deux ans, le comité refuse d'adhérer à ce point de vue dans ses rapports au Parlement. Je ne sais pas si je me trompe, mais je pense que maintenant, le comité serait prêt à exhorter le gouvernement à faire le nécessaire dans cette voie. Autrement, notre travail n'est qu'une moquerie si nous nous bornons à écouter des témoins qui plaident la même chose, sans que nous agissions.

    Voici ma question : que faut-il pour mobiliser le gouvernement, pour le forcer dans ce sens? En matière d'engagement civique, de participation de la société civile, auriez-vous quelque chose à dire quant à l'importance pour le gouvernement de faire davantage à cet égard, à l'échelle nationale et internationale. Qu'en pensez-vous? Qu'est-ce qui pourrait faire une différence? Quelles seraient les démarches que nous devrions entreprendre? On peut comprendre que la société civile soit lasse de toutes ces tentatives de collaboration avec le gouvernement, lequel ne l'écoute pas. Qu'avez-vous à nous dire là-dessus?

À  +-(1015)  

+-

    M. Mark Fried: À propos de la gestion de l'offre, je me ferai un plaisir d'envoyer au greffier la déclaration issue de la réunion d'il y a deux semaines entre agriculteurs, ceux du Nord et ceux du Sud, et les ONG. Je vais vous l'envoyer et suggérer des témoins que vous pourriez entendre sur la question.

+-

    Mme Alexa McDonough: Ce serait très utile.

+-

    M. Mark Fried: D'autre part, il serait utile que le comité approuve une résolution demandant au Canada de prendre les mesures pour atteindre l'objectif de 0,7 p. 100 du revenu national brut, d'ici 2015. Je porte le flambeau. Cela fait partie de notre campagne d'élimination de la pauvreté. Nous avons mobilisé les Canadiens d'un bout à l'autre du pays.

    Nous le faisons non pas grâce à des deniers publics mais à de l'argent obtenu auprès de donateurs. Au niveau de l'engagement des citoyens, nous constatons notamment que la plupart des donateurs ne veulent pas donner d'argent pour ce genre de chose. Ils veulent que l'argent qu'ils donnent aide les pauvres à l'étranger. Ainsi, nous ne pouvons utiliser qu'une petite partie de l'argent pour faire oeuvre éducative et sensibiliser le public au développement. Par conséquent, les programmes de mobilisation du public de l'ACDI seront extrêmement importants si nous voulons compter sur une façon systématique d'atteindre le grand public canadien pour qu'il s'intéresse aux questions de développement.

    Avant 1993, l'Oxfam avait une équipe de 15 personnes qui allaient dans les petites collectivités pour parler de questions de développement, qui faisaient des allocutions dans les églises et les écoles. Cela était financé par l'ACDI. Cela n'existe plus. Nous n'avons plus qu'un personnel de trois personnes. Naturellement, ce n'est pas ainsi que nous pouvons être efficaces dans notre travail de promotion. Nous ne pouvons pas utiliser de grosses sommes provenant de nos donateurs car le public canadien souhaite avant tout que l'argent aide les pauvres à l'étranger plutôt qu'à engager un dialogue sur ces questions.

+-

    Mme Alexa McDonough: Merci.

    Pourrais-je demander à l'un ou l'autre de nos trois témoins de nous parler plus longuement du Corps canadien. Notre comité n'a cessé d'entendre des témoins lui expliquer à quel point il était nécessaire de rehausser notre soutien aux bénévoles canadiens qui vont à l'étranger. Mais ce qui semble préoccuper beaucoup de ces témoins, c'est que le gouvernement fédéral semble vouloir ériger toute une nouvelle infrastructure et une nouvelle bureaucratie, au lieu de miser sur l'excellente réputation de nos ONG installées un peu partout dans le monde, sur leur savoir-faire et sur leurs infrastructures déjà existantes, ce qui serait beaucoup plus rentable et même, possiblement, plus sûr, étant donné qu'on s'inquiète de constater que le Canada devient de plus en plus la cible de certaines hostilités. Cela pourrait être une solution à privilégier étant donné que les gouvernements ne sont pas considérés de façon générale comme étant des participants aussi efficaces que nos ONG réputées et chevronnées, et pas considérés comme pouvant aussi bien qu'elles mobiliser la société civile à l'étranger.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Chikhaoui.

[Français]

+-

    M. Mohammed Chikhaoui: Merci, madame McDonough, de me donner l'occasion de parler du Corps canadien.

    Je dois avouer que, même si nous avons participé à de nombreuses rencontres avec la ministre de la Coopération internationale et avec l'ACDI sur le Corps canadien, nous ne savons pas trop où va cet organisme. C'est très flou. Nous ne savons pas si ce sont les programmes existants qui vont s'inscrire dans cette espèce de parapluie canadien. C'est un premier point.

    Un deuxième point est qu'on semble vouloir concentrer le Corps canadien sur un seul aspect de la coopération, celui de la gouvernance. L'aide internationale, la prévention des conflits, la lutte contre la pauvreté ne sont pas simplement une question de gouvernance. Il est vrai que la gouvernance est un point important, mais ce n'est pas suffisant. Il nous paraît donc un peu dangereux de restreindre le Corps canadien au domaine de la gouvernance, parce que ce serait le couper du travail de l'ensemble des organisations qui luttent contre la pauvreté et en faire une espèce de monstre sans tête, ou à plusieurs têtes, on ne sait pas.

    Nous avons demandé des clarifications sur cette nouvelle structure. Nous ne savons même pas comment elle est financée. Y a-t-il du nouveau financement qui y entre? Comme vous, nous aimerions avoir beaucoup plus de détails sur le Corps canadien.

    Il y a une autre dimension de l'engagement du public canadien. Trop souvent, notamment dans l'Énoncé de politique internationale, l'engagement du public canadien n'est décrit que comme étant le fait de Canadiens qui vont porter la bonne nouvelle dans les pays en développement et y promouvoir les valeurs canadiennes. Il n'y a presque rien sur les efforts de solidarité, sur les efforts de compréhension des enjeux internationaux. Si on veut que les Canadiens deviennent des citoyens mondiaux, il ne suffit pas de promouvoir les valeurs canadiennes. On est d'accord qu'elles sont importantes, mais il faut aussi comprendre les valeurs des autres et les difficultés qu'ils vivent. Pourquoi les vivent-ils? Comment peut-on les amener à sortir de la pauvreté?

    Mark disait tout à l'heure que nous, les organisations de coopération internationale, avions de moins en moins de ressources à consacrer à cet engagement du public canadien.

    Je veux en profiter aujourd'hui pour aborder une question qui me touche beaucoup personnellement. Il s'agit de la loi qui régit les organismes de bienfaisance. C'est une loi qui date du XVIIe ou du XVIIIe siècle, du régime britannique de la reine Elisabeth I, j'imagine, et que le Royaume-Uni a déjà dépoussiérée et refaite. Le Canada garde encore une loi très passéiste qui enferme les organismes de bienfaisance dans des structures fiscales très compliquées. On nous dit que nous n'avons pas le droit de dépenser plus de 10 p. 100 de nos ressources pour faire du dialogue sur les politiques.

    Je profite de l'occasion que j'ai aujourd'hui de me trouver devant vous pour vous demander d'agir afin que cette loi sur les organismes de bienfaisance, qui est très largement dépassée, soit complètement reformulée.

    Merci.

À  +-(1020)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Madame Monreal, veuillez répondre rapidement, car nous avons déjà atteint les 11 minutes et que nous devons passer au député ministériel avant de revenir à l'opposition.

[Français]

+-

    Mme Maria-Luisa Monreal: Pour ce qui est de l'engagement du public, c'est à mon avis une question de droit. Les citoyens et citoyennes du Canada ont le droit d'être informés, d'influencer le gouvernement et de participer à l'élaboration des politiques.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, madame Monreal.

    Il nous reste trois minutes, avant de passer à un autre témoin. Veuillez faire vite.

    Monsieur McTeague.

+-

    L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Merci.

    Je voudrais remercier nos

[Français]

distingués invités d'être venus comparaître à ce comité. Mme Lalonde a posé plus tôt une question sur les brevets pharmaceutiques et l'impact qu'ils ont en Afrique, notamment à l'égard du sida.

[Traduction]

    Monsieur Fried, la dernière fois que vous et moi nous sommes vus dans le cadre d'une rencontre avec Médecins sans frontières, nous avons essayé d'élaborer une stratégie destinée à inciter mon gouvernement à agir face à la pandémie qui sévit en Afrique. Je me réjouis de voir que les choses ont beaucoup bougé en ce sens.

    Mme Lalonde vous a peut-être demandé ce que le gouvernement devait faire, et vous avez peut-être répondu. Je m'excuse de vous poser la question à nouveau, mais il y a quelque chose de précis que je voudrais savoir : puisque vous affirmez que nous ne devrions pas promettre de réciprocité dans les échanges commerciaux, et ce en vue de freiner la pauvreté dans le monde, quelles devraient être, à votre avis, les prochaines étapes en vue d'atténuer la prévalence de maladies pouvant être évitées dans des régions comme l'Afrique, tout en travaillant de concert avec d'autres organismes en vue d'éradiquer la pauvreté par le truchement de programmes alimentaires.

    Sommes-nous en mesure de passer par le truchement de vos ONG qui font de l'excellent travail dans le monde entier, d'aller encore plus loin pour essayer d'atteindre et de maintenir à plus long terme les objectifs de réduction dont j'ai parlé?

À  +-(1025)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur McTeague.

    Monsieur Fried.

+-

    M. Mark Fried: Nous faisons de notre mieux, particulièrement en ce qui concerne l'accès aux médicaments. Nous nous sommes réjouis de voir le Canada adopter une loi permettant l'exportation des copies génériques de médicaments brevetés, de façon que les pays qui ont de graves besoins en matière de santé publique puissent se procurer des médicaments à prix abordable. Malheureusement, tout cela est resté lettre morte. La loi a été adoptée, mais aucun médicament ne se rend dans les pays qui en ont tant besoin.

    Je crois que la difficulté vient en partie de la façon dont la loi est libellée. En effet, elle crée certains obstacles qui font hésiter les fabricants de produits génériques, car on parle ici d'un secteur indubitablement complexe. Il serait bon, à mon avis, que le gouvernement rouvre ce dossier et que le comité invite les fabricants de médicaments génériques à venir lui expliquer pourquoi ils ne se sont pas engagés à ce jour, et comment nous pouvons les aider à surmonter les obstacles.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Fried. Vingt secondes à peine.

    Monsieur Day, puis madame Guergis.

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): J'essaierai d'être bref, pour céder ensuite la parole à ma collègue de Simcoe—Grey. Si nos témoins n'ont pas le temps de répondre comme ils le voudraient, ils pourraient peut-être nous répondre par écrit.

[Français]

    Je veux mentionner à Mme Monreal que je suis d'accord sur la majeure partie de sa présentation. Merci bien.

    Nous sommes également d'avis que le gouvernement, dans le cadre de son Énoncé de politique internationale, ne prend aucun engagement formel afin d'atteindre cet objectif d'ici 2015. Nous sommes totalement d'accord avec vous lorsque vous dites que pour atteindre 0,7 p. 100 en 2015, le Canada doit augmenter annuellement le budget de l'APD d'un pourcentage variant entre 12 et 15 p. 100.

[Traduction]

    Je vais essayer de faire vite, mais j'avoue avoir du mal à comprendre une de vos affirmations qui me semble assez remarquable. Vous dites que les États-Unis ont lancé la guerre contre le terrorisme et que le monde est désormais moins sûr.

    Il est sûr que ce sont les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie, le Japon et la majorité des pays au sein de l'UE qui ont lancé la guerre au terrorisme. Mais il faut bien comprendre que même si le Canada n'a pas pris part à la guerre en Irak, il prend néanmoins une part active à la guerre contre le terrorisme. Nous sommes présents en Afghanistan, car nous venons tout juste d'augmenter le nombre de nos détachements là-bas. Nos braves et courageuses troupes défendent la population en Afghanistan et doivent parfois tuer pour pouvoir mener la lutte au terrorisme.

    Même les plus réticents des commentateurs internationaux qui ne cessent de s'en prendre aux États-Unis ou à l'Occident, ont été obligés d'admettre l'émergence de la démocratie en Afghanistan, de même qu'en Arabie Saoudite, où il s'est tenu des élections. Même le Liban commence à sortir de l'emprise de la Syrie. Ce qui se passe en Irak est rien de moins que remarquable. Au Koweït, les femmes peuvent enfin voter. Et au cours des deux dernières journées, on a vu quelques braves démocrates s'afficher ouvertement. En très peu de temps, nous avons assisté à des changements remarquables, même s'il reste encore d'énormes défis à relever.

    Avant de céder la parole à la députée de Simcoe—Grey, je vous demanderais de nous répondre par écrit et de nous dire si, à votre avis, le Canada et les autres pays qui prennent part à la guerre au terrorisme sont de ceux qui rendent le monde moins sûr qu'avant.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Madame Guergis.

+-

    Mme Helena Guergis (Simcoe—Grey, PCC): Merci beaucoup.

    Je m'adresse d'abord à Mme Monreal. Vous avez dit avoir été surprise par la liste des 25 pays que favorise l'Énoncé de politique internationale, même si vous reconnaissez aussi que la décision a dû être difficile, ce sur quoi nous nous accordons tous, je crois. Qu'est-ce qui cloche dans cette liste? Quels pays ne devraient pas se trouver sur la liste ou devraient être remplacés par d'autres?

    Voici ma dernière question, croyez-vous qu'une loi devrait accorder à l'ACDI un mandat législatif? Le fait que le Bureau du vérificateur général ne vérifie pas les dépenses de trois milliards de dollars de cet organisme prévues au budget laisse perplexe.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): C'est presque comme à la période de questions : nous posons une question, mais nous ne pouvons attendre la réponse, malheureusement, car notre temps est écoulé. L'autre témoin attend d'intervenir, et nous devons céder la place à un autre comité.

    On vient de vous poser deux questions très claires. Si vous voulez savoir un peu plus comment faire pour répondre, n'hésitez pas à vérifier avec le greffier qui vous expliquera comment nous renvoyer votre réponse.

    On vous a demandé plusieurs autres choses.

    Monsieur Fried, on vous a demandé de nous faire parvenir sous peu le rapport d'il y a deux semaines que vous avez mentionné.

À  +-(1030)  

+-

    M. Mark Fried: Je vous l'enverrai.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci beaucoup.

    Merci à nouveau à tous nos invités d'avoir bien alimenté notre réflexion, ce dont nous nous réjouissons.

    Nous allons suspendre la séance pendant une minute, mais je demande à tous les membres du comité de rester assis. Nous accueillerons ensuite le prochain témoin.

À  +-(1030)  


À  +-(1032)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Bienvenue à nouveau.

    Nous accueillons avec grand plaisir le professeur Yossi Olmert qui est un grand spécialiste du Moyen-Orient. C'est un érudit et un conférencier très sollicité. M. Olmert a conseillé les décideurs en Israël, dans le monde arabe et aux États-Unis à titre de directeur du Government Press Office et a également conseillé le premier ministre d'Israël Yitzhak Shamir. Nous avons hâte de savoir ce qu'il pense de la politique internationale du Canada et de son Énoncé de politique internationale.

    Monsieur Olmert, bienvenue au Comité des affaires étrangères et du commerce international. Nous avons hâte de vous entendre.

+-

    M. Yossi Olmert (à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Estimés membres du Comité des affaires étrangères, j'aimerais préciser que je ne représente pas aujourd'hui le gouvernement israélien, mais que je comparais à titre strictement personnel.

    Je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'exprimer aujourd'hui. Je serai bref afin de pouvoir répondre au plus grand nombre possible de questions. Je me sens privilégié de comparaître devant un comité aussi important, dans la foulée immédiate de la recherche importante effectuée ici au sujet des liens entre le Canada, le Moyen-Orient et le monde islamique. Je me réjouis de cet intérêt qui vous honore.

    Quelques commentaires de ma part. Pendant de nombreuses années, on a tenu presque pour acquis que le conflit israélo-arabe en général et le conflit israélo-palestinien en particulier étaient la cause principale de l'instabilité au Moyen-Orient. La résolution de ces conflits, disait-on, amènerait la démocratisation, la prospérité économique et la stabilité dans la région.

    Les vieilles notions ont la vie dure, mais elles finissent par mourir. À la suite des événements récents, particulièrement le démembrement de l'Union soviétique, la première guerre du Golfe, l'échec des pourparlers israélo-palestiniens à Camp David, la tragédie du 11 septembre, la deuxième intifada en Palestine et, bien sûr, l'invasion de l'Irak par les États-Unis, nous sommes témoins d'un changement d'attitude au sujet de cette question névralgique.

    Il est devenu tout à fait clair que le processus de démocratisation dépend surtout de l'effet combiné de l'évolution de la situation à l'intérieur de certains pays dans la région et des changements internationaux n'ayant rien à voir avec le conflit israélo-arabe.

    J'irais jusqu'à dire que le processus de démocratisation est inévitablement lent, et peut prendre des années, voire plusieurs générations. Remontons un peu l'histoire pour trouver une situation semblable : le mouvement de réforme de l'Empire ottoman à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle est né essentiellement des pressions exercées par l'Occident. Les résultats de cette réforme se sont fait sentir beaucoup plus tard et se sont limités à un ou deux pays au Moyen-Orient.

    Qu'à cela ne tienne, il faut se réjouir des premiers pas faits en Arabie Saoudite, en Égypte, en Irak, ainsi que par l'Autorité palestinienne. Je mentionne ces pays dans l'ordre inverse de l'importance des mesures prises, soit un début extrêmement modeste en Arabie Saoudite, un peu plus marqué en Égypte, significatif quant à l'Autorité palestinienne et très prometteur en Irak.

    La situation est également encourageante dans trois autres pays, au Koweït, où les femmes ont finalement obtenu le droit de vote, en Iran où l'opposition—surtout des étudiants et des jeunes—semble se soulever à nouveau contre la théocratie des mollahs, au Liban où le mouvement populaire de la quasi-totalité des confessions religieuses est venu à bout de l'occupation syrienne du pays.

    En tant qu'Israélien, j'ai la profonde conviction qu'alors qu'Israël a eu le privilège d'être le seul pays démocratique dans la région pendant tant d'années, ce serait réaliser un grand pas vers la paix durable, l'objectif prépondérant d'Israël, si le mouvement en faveur de la démocratie, la prospérité et la stabilité exerçait un impact durable et non seulement temporaire.

    Il favorise déjà le processus de paix israélo-palestinien, lequel est manifestement une priorité pour la politique étrangère d'Israël. Parallèlement, on pourrait faire valoir que l'absence de progrès tangibles dans un processus de paix israélo-syrien est étroitement liée au fait que la Syrie demeure un État totalitaire dirigée par un régime singulier.

    Pour résumer, il ne faut pas oublier que le XXe siècle nous enseigne clairement qu'il est très rare que deux pays démocratiques entrent en guerre l'un contre l'autre. Je conseille fortement aux parlementaires de bonne volonté d'investir largement dans la promotion de la tolérance et de la démocratie dans la région. Les avantages sont énormes alors que les conséquences de l'inaction sont trop graves pour même être envisagées.

    Je m'en tiendrai à cela et je répondrai avec plaisir à vos questions qui pourraient porter sur ce que j'ai mentionné et sur autre chose.

    Merci beaucoup de m'avoir écouté.

À  +-(1035)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Olmert.

    Je sais que M. Day a plusieurs questions à vous poser. Toutefois, comme je vois qu'il a moins de notes qu'avant, vous avez peut-être répondu à certaines d'entre elles.

+-

    M. Stockwell Day: J'en ai encore plusieurs.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Nous ferons très vite au début, avec des tours de question de trois minutes seulement. Nous devrons avoir quitté la salle dans une vingtaine de minutes. Allons-y pour trois minutes.

    Monsieur Day.

+-

    M. Stockwell Day: Merci, monsieur Olmert.

    Je puis certes vous dire au nom de l'opposition officielle du Canada que nous partageons votre sentiment et que, pour nous aussi, promouvoir la démocratie est ce qui va le plus loin dans l'instauration de la paix et de la liberté, puisque, comme vous l'avez dit, il est rare que les pays démocratiques se fassent la guerre.

    Nous sommes très encouragés par les premiers signes—et nous savons que ce ne sont que des balbutiements—de l'émergence de démocraties au Moyen-Orient, où Israël fait cavalier seul depuis des décennies. Espérons que la tendance se maintiendra.

    Lorsque le président Abbas est venu vendredi dernier, il a dit des choses très encourageantes. Il a fait des commentaires très sincères, et nous espérons que sa quête sera couronnée de succès. Je lui ai demandé de réagir à trois choses. Je ferai de même avec vous.

    Bien qu'il y ait eu une diminution considérable des bombardements et des attaques-suicides, depuis la région de Gaza, on constate néanmoins encore presque tous les jours des attaques de missiles vers Israël. Que pouvez-vous nous dire là-dessus? Avez-vous l'impression que les choses se calment?

    Le Hamas qui se dirige comme il le prétend vers une démocratisation continue-t-il à représenter une menace, ou faut-il en profiter?

+-

    M. Yossi Olmert: D'abord, je pense que de voir M. Abbas à la tête de l'Autorité palestinienne doit être considéré comme un événement très encourageant, puisqu'il a été élu démocratiquement, non pas par 99,9 p. 100 de la population, mais par quelque 60 p. 100 de la population, au cours d'élections véritables; je répète que ce doit être considéré comme un signe très encourageant.

    Je suis évidemment encouragé par le ton et l'esprit de ses propos. Malheureusement, je suis découragé cependant par l'absence de toute mesure concrète. La situation me semble très instable.

    Laissez-moi vous donner un exemple. Hier, les services de sécurité israéliens ont mis la main sur deux kamikazes qui se dirigeaient vers Israël pour des missions-  suicides. Imaginez un instant si les deux bombes humaines avaient réussi : si elles n'avaient pas été interceptées, elles auraient pu mener à bien leur projet et aujourd'hui, nous ne tiendrions pas les mêmes propos.

    Je tiens à signaler que ce n'est pas à moi, en tant qu'Israélien, de commenter la façon dont l'Autorité palestinienne devrait traiter le mouvement Hamas. Toutefois, comme Israélien, je continue à percevoir le Hamas comme une menace, puisque c'est ainsi que ce dernier se définit. Le Hamas continue à refuser le droit d'Israël d'exister, peu importent ses frontières, peu importent les conditions qui lui sont imposées, et si le Hamas accompagne ses déclarations de mesures d'agression, la situation sera très dangereuse. Mais espérons qu'il sera possible d'empêcher d'autres attentats.

    Si l'on ajoute à cela les développements probables dans la bande de Gaza et dans certaines parties du nord de la Samarie, là où Israël entend mettre en oeuvre son plan de désengagement, il est clair que cela augure bien. Mais la situation demeure agitée et fragile, il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui encore, les autorités israéliennes—il ne s'agit pas des autorités palestiniennes, soit dit en passant—continuent à détenir presque tous les jours des kamikazes potentiels. Il faut donc continuer à faire très attention et rester en état d'alerte en permanence.

À  +-(1040)  

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Olmert.

    Passons maintenant à Mme Lalonde. Si vous acceptiez de limiter les remarques préliminaires, nous pourrions poser encore plus de questions. Vous avez trois minutes.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Vous comprendrez que M. Olmert aborde des questions très nombreuses.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Posez-vos questions, et il vous répondra.

+-

    Mme Francine Lalonde: Je veux bien, mais vous comprendrez, je le répète, que M. Olmert aborde de nombreuses questions.

+-

    M. Yossi Olmert: Je suis désolé mais j'ai un problème technique.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Cela ne doit pas être compté dans le temps alloué à Mme Lalonde.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Madame Lalonde, votre temps est épuisé.

    Des voix: Ah, ah.

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Eh bien, nous allons corriger le problème technique et nous reprendrons ce tour. Nous remettrons le chronomètre à zéro.

    Madame Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Monsieur Olmert, merci de nous offrir l'occasion de parler d'une façon globale de l'ensemble de la situation. Toutefois, j'ai deux remarques à faire sur ce que vous avez dit et sur sa trame de fond.

    Il y a des extrémistes dans tous les camps. C'est vrai chez les Palestiniens comme chez les Israéliens. M. Aitan, qui réclame tout le territoire jusqu'à la mer, ne facilite pas les choses non plus.

    Je voudrais dire — un peu pour vous provoquer — que j'ai lu récemment un excellent livre, que je recommande à tout le monde, qui s'intitule All the Shah's Men, écrit par un ancien journaliste du New York Times, M. Kinzer.

    Ce dernier y décrit la révolution fomentée par l'Empire britannique et les Américains, désireux de conserver le contrôle sur le pétrole de l'Iran, contre M. Mossadeq, qui était l'espoir démocratique de l'Iran et de la région. Il relate qu'ils ont permis d'installer le shah sur le trône, ce shah qui a permis ensuite à Khomeini de revenir comme le grand leader de l'Iran et de toute la faction la plus extrémiste de l'Islam.

    Il est difficile de dire que la trame va dans ce sens quand les intérêts des grandes puissances — dont, désormais, les grandes multinationales — ne seront pas avantagés par cette trame.

    Qu'en pensez-vous?

À  +-(1045)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, madame Lalonde.

    Monsieur Olmert.

+-

    M. Yossi Olmert: Je suis parfaitement d'accord avec vous pour dire qu'il y a des extrémistes de tous les côtés. Or, je crois que vous conviendrez avec moi que vous n'avez pas vu des centaines d'Israéliens se faire sauter dans les villes palestiniennes. En ce sens, ce qui importe, ce n'est pas ce que les gens disent mais ce qu'ils font. J'estime donc qu'il n'y a pas de comparaison possible ici.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: J'aimerais ajouter une petite chose. Je lis régulièrement l'Ha'aretz. Son édition d'hier comprenait un article intéressant qui montrait que la frontière était très mince entre les attentats-suicides et les assassinats ciblés. Je mentionne cela pour vous dire que je suis ce débat.

[Traduction]

+-

    M. Yossi Olmert: Toute démocratie a le droit de se défendre. Quand vous savez que quelqu'un a l'intention de pénétrer dans votre immeuble et peut-être de se faire sauter avec 50 autres personnes et que la seule façon de l'arrêter c'est d'utiliser des moyens violents pour l'arrêter et sauver la vie de 50 personnes innocentes, j'estime qu'il faut le faire. Je crois que d'autres gouvernements réagissent de la même façon et pas uniquement Israël.

    J'établis une nette distinction entre la nécessité d'auto-défense et les ambitions meurtrières de ceux qui s'attaquent à des Israéliens—et à des Palestiniens aussi—innocents.

    Je ne veux pas commenter les événements qui ont concouru à la chute du shah. C'était une situation intéressante. Je vous ai écoutée très attentivement et c'était très intéressant.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci.

    Monsieur McTeague, vous avez trois minutes.

+-

    L'hon. Dan McTeague: Monsieur Olmert, merci d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. J'estime que vous apportez à la question un éclairage très important dans le court temps qui vous est attribué. J'espère que vous ne trouverez pas que nous manquons de respect étant donné la qualité de votre intervention.

    Nous aussi nous intéressons à la démocratie et à la paix. Bien entendu, nous avons été attristés quand votre premier ministre, le seul artisan de la paix, a été assassiné il y a quelques années, ce qui a stoppé le processus de négociation de la paix alors qu'il était à la veille d'aboutir.

    Je me demande, monsieur Olmert, si vous auriez l'obligeance de nous faire un survol de la situation, telle que vous la percevez, en ce qui a trait aux territoires occupés et à notre incapacité, semble-t-il, à tenter de régler la question du droit au retour de tous ceux qui pratiquent le judaïsme. Comment allons-nous pouvoir trouver une solution à l'épineux problème géographique, à savoir à la quantité très limitée de terres revendiquées par tous? À votre avis, est-il toujours possible de négocier une paix juste et durable, soit par le biais de la feuille de route pour la paix ou par la mise en oeuvre des propositions de feu le roi de Jordanie qui appelait cette paix de ses voeux?

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    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Monsieur Olmert.

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    M. Yossi Olmert: Quand on songe au sort des « territoires contestés »... permettez-moi d'utiliser cette expression parce que lorsqu'il y a contestation, comme c'est le cas de ces territoires contestés, et qu'il faut décider de l'attribution de ces territoires, il faut que cela se fasse par la négociation.

    La feuille de route pour la paix est sans doute l'un des plus importants documents de négociation, peut-être même le plus important, qui pourrait nous permettre de mener à bonne fin la négociation. Or, nous devons comprendre que nous assistons déjà à de flagrantes violations de la feuille de route pour la paix parce que les militants, comme on les appelle, qui sont en réalité des organisations terroristes meurtrières, comme nous les appelons, devaient être démantelés et que rien n'a encore été fait. J'estime donc que si l'on veut mettre en oeuvre la feuille de route pour la paix, la première étape doit être le respect de la lettre de la feuille de route pour la paix, à savoir de démanteler l'infrastructure terroriste dans les territoires.

    Si vous me demandez mon avis personnel, alors j'estime que la solution au problème de partage des territoires entre nous et l'Autorité palestinienne doit inclure, à la suite de négociations, une importante concession de ces territoires contestés de la part d'Israël. J'estime qu'il serait prématuré de préciser le pourcentage de territoire en cause, mais vous ne serez pas étonné de m'entendre dire que j'ai la très nette impression que le gouvernement actuel d'Israël ne serait pas disposé à renouveler l'offre qui a été faite aux Palestiniens à Camp David, à savoir la totalité des territoires contestés, offre qui a été rejetée et qui a mené à la guerre terroriste déclenchée contre Israël en septembre 2000.

    Nous avons compris qu'il faudrait peut-être adopter une approche différente puisque l'offre de cession de la totalité des territoires contestés avait été refusée. Étant donné que j'appuie le gouvernement israélien actuel, je serais étonné qu'il puisse renouveler cette offre. Il faudrait qu'il y ait un très important compromis à l'égard des territoires—le mot clé ici est « compromis »—à la suite des négociations.

À  +-(1050)  

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    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Olmert.

    Madame McDonough.

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    Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais tout simplement commenter deux choses qu'a dites M. Olmert pendant son exposé. Il a signalé d'abord, comme si c'était une réserve, qu'Abbas a été élu avec seulement 60 p. 100 des suffrages.

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    M. Yossi Olmert: Non, tout au contraire, c'est tout à son crédit. Cela montre que le processus a été réellement démocratique.

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    Mme Alexa McDonough: D'accord parce que je voulais vous signaler que le gouvernement libéral fédéral a été élu avec un pourcentage beaucoup plus faible des suffrages.

    Ensuite, je dois avouer que cela me dérange bien franchement quand je sens dans certains de vos commentaires et dans certaines de vos réponses que vous semblez prendre vos distances par rapport à une approche bienvenue, beaucoup plus modérée et axée sur la recherche de consensus entre Israël et la Palestine aujourd'hui. J'ai eu le privilège de visiter Israël et la Palestine il y a quelques mois et je dois vous dire que j'ai été très encouragée de ne pas entendre les gens parler d'activités terroristes meurtrières, d'ambitions meurtrières et quoi encore. Nous espérons que les gens feront ce qu'ils n'ont jamais fait auparavant et qu'ils diront « nous allons travailler ensemble pour faire aboutir le processus de paix ».

    J'essaie tout simplement de comprendre au nom de qui vous témoignez devant le comité ce matin. Représentez-vous une organisation en particulier ou avez-vous un lien avec le gouvernement d'Israël? Je dois dire que j'ai été ravie de constater que l'ambassadeur d'Israël, qui a prononcé une conférence à Halifax la semaine dernière, s'est montré beaucoup plus mesuré, modéré et optimiste quant aux chances de succès que vous ne semblez l'être, si je me fie à ce que vous avez dit au comité aujourd'hui.

+-

    M. Yossi Olmert: D'abord, je ne veux pas me mêler de commenter la politique canadienne. Vous avez déjà parlé du gouvernement libéral...

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    Mme Alexa McDonough: Vous êtes venu vous insérer dans la politique canadienne, monsieur. C'est le rôle que joue ce comité. C'est un comité de la Chambre des communes.

+-

    M. Yossi Olmert: Je comprends... en raison du commentaire que vous avez fait au sujet des résultats électoraux et de la comparaison avec le Canada. Je ne veux pas prolonger cette discussion.

    Je faisais un commentaire très positif au sujet de ces 62 p. 100 qui constituent un résultat réellement démocratique, comparativement à 99,9 p. 100. Voilà donc le contexte de ma remarque.

    Je comparais tout à fait à titre personnel bien que je sois très proche du gouvernement puisque je suis un partisan du Likoud et qu'il y a aussi des liens familiaux, mais je comparais en mon nom seulement.

    J'estime être très positif et optimiste—peut-être pas très optimiste, mais optimiste dans une mesure raisonnable, réaliste. C'est-à-dire que quand j'apprends que deux kamikazes ont été arrêtés hier, je me dois de le mentionner parce que nous devons comprendre que c'est toujours une possibilité.

    Je crois réellement qu'il y a une certaine ouverture. J'appuie le plan de désengagement d'Israël car j'estime que c'est le premier pas sur la route qui doit être prise pour qu'Israël se retire de la plupart des territoires et j'estime que cela cadre parfaitement avec la nécessité d'un compromis. Or, je dois vous dire que nous devons être réalistes au Proche-Orient ou au sujet du Proche-Orient et ne jamais oublier le danger du terrorisme puisque les terroristes se sont avérés si souvent au fil des ans être le principal obstacle à la paix. Et les terroristes ne sont pas Abbas et ces gens. Ces derniers sont manifestement des gens de paix et cherchent la paix. Les terroristes sont donc les ennemis de l'Autorité palestinienne tout autant que de l'État d'Israël.

    Ainsi, à mon avis, j'estime que quand on critique les terroristes, on se prononce en faveur des perspectives de paix entre Israël et l'Autorité palestinienne légitime et démocratiquement élue.

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    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Olmert.

    J'aimerais poser une très courte question. Quand le premier ministre Barak s'est montré disposé à céder la plupart des territoires contestés, on nous a donné à croire que cela représentait 97 p. 100 ou 92 p. 100 des territoires que réclament les Palestiniens.

    Étant donné que vous êtes proche du Likoud et que le premier ministre Barak a perdu l'élection essentiellement parce qu'il a fait cette offre, que pense la majorité de la population? Vous avez parlé de pourcentage. Vous avez parlé de 100 p. 100. Quant aux territoires contestés, quel pourcentage de ces territoires le gouvernement serait-il prêt à céder dans le cadre d'une négociation? Vous pourriez peut-être nous éclairer là-dessus.

À  -(1055)  

+-

    M. Yossi Olmert: Je crois que l'ancien ministre des Affaires étrangères, le professeur Shlomo Ben-Ami, qui menait la négociation au nom de Barak à Camp David... Après les pourparlers de Camp David, ils se sont rendus à Taba en Égypte pour poursuivre les négociations. À l'époque, il était question de céder 100 p. 100 des territoires contestés, mais Barak a perdu l'élection en raison des actes de violence qui se poursuivaient malgré les concessions et la population a dit : « Écoutez, si vous offrez autant et que cela ne fait pas cesser la violence, vous devriez peut-être changer d'approche ».

    J'estime personnellement qu'Israël sera disposé à faire des concessions territoriales très généreuses dans certaines circonstances favorables. Je ne veux pas donner de pourcentage parce qu'il m'apparaît inutile de préjuger du résultat des négociations en arrêtant d'avance un pourcentage. Il faut plutôt que chacun se présente à la table de négociations dans un esprit de bonne volonté afin de voir ce sur quoi il est possible de s'entendre. Nous sommes réalistes. Nous savons quels sont les besoins. Nous connaissons les revendications de l'autre partie. Nous sommes conscients de la réalité démographique. Nous sommes sensibles aux enjeux géographiques, entre autres, mais nous n'oublions jamais la menace du terrorisme, les préoccupations en matière de sécurité et les droits historiques et religieux.

    La négociation englobera toutes ces préoccupations et si le terrorisme cesse durablement, vous constaterez qu'un nombre toujours croissant d'Israéliens, y compris ceux de la prétendue aile droite en Israël, seront de plus en plus prêts à admettre la nécessité de concessions territoriales additionnelles—mais je ne vous donnerai pas de pourcentage.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): C'est très sage.

    Merci, monsieur Olmert. Merci d'être venu partager avec nous... votre témoignage est toujours captivant. Nous sommes désolés de ne pas avoir plus de temps.

+-

    M. Stockwell Day: J'invoque le Règlement. J'aimerais préciser que M. Olmert est libre de rester pour écouter la suite de la discussion. Elle portera sur Israël et les Nations Unies et il aimerait peut-être écouter la discussion à titre d'observateur.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Je croyais que nous allions poursuivre la séance à huis clos, non?

+-

    Le greffier du comité (M. Andrew Bartholomew Chaplin): Non.

    Nous examinons maintenant le rapport.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): D'accord, c'est vrai.

    Merci d'être venu nous rencontrer.

+-

    M. Yossi Olmert: Merci. Tout le plaisir est pour moi.

+-

    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Le comité se réunit maintenant à huis clos.

+-

    M. Stockwell Day: J'invoque le Règlement. Je ne crois pas qu'il est nécessaire de siéger à huis clos pour discuter d'une motion.

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    L'hon. Dan McTeague: Non, nous discutons des travaux du comité.

+-

    M. Stockwell Day: Allons-nous discuter des travaux du comité puis de la motion?

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    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Nous allons discuter des travaux du comité et nous parlerons ensuite de la motion.

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    M. Stockwell Day: Je suis désolé.

    D'accord. Merci.

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    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Nous allons lever la séance pour une minute environ.

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    Mme Beth Phinney: Pourquoi?

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    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Eh bien, nous devons poursuivre à huis clos.

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    Mme Beth Phinney: D'accord. Ne suspendez pas la séance. Gardez-nous ici.

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    Le vice-président (M. Kevin Sorenson): Puisque nous sommes maintenant à huis clos, cela signifie que chaque député peut garder à ses côtés un membre de son personnel. Tous les autres doivent quitter la salle.

    Cela ne devrait prendre que trois ou quatre minutes.

    [La séance se poursuit à huis clos.]