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SNUD Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 27 août 2002




¿ 0935
V         La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington))

¿ 0940
V         
V         M. Jeff May (ancien président, Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie)
V         Mme Barbara Wells (directrice exécutive, Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie)

¿ 0945
V         
V         Mme Barbara Wells

¿ 0950
V         La présidente
V         M. Barry Power, PharmD (directeur du développement de la pratique, Association des pharmaciens du Canada)

¿ 0955

À 1000
V         Mme Shelley Stepanuik (vice-présidente, Association des pharmaciens du Canada)

À 1005
V         La présidente
V         M. Randy White
V         Mme Barbara Wells
V         M. Randy White
V         M. Jeff May

À 1010
V         Mme Shelley Stepanuik
V         M. Randy White
V         

À 1015
V         M. Randy White
V         M. Barry Power
V         Mme Shelley Stepanuik
V         La présidente
V         Mme Barbara Wells
V         La présidente
V         M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ)

À 1020
V         
V         Mme Barbara Wells
V         M. Jeff May

À 1025
V         M. Bernard Bigras
V         M. Barry Power
V         M. Bernard Bigras

À 1030
V         
V         M. Jeff May

À 1035
V         La présidente
V         M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)
V         M. Barry Power
V         Mme Barbara Wells
V         

À 1040
V         M. Derek Lee
V         M. Jeff May
V         M. Barry Power

À 1045
V         Mme Shelley Stepanuik
V         La présidente
V         

À 1050
V         La présidente
V         Shelley Stepanuik
V         La présidente
V         Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.)
V         
V         Mme Carole-Marie Allard

À 1055
V         M. Jeff May
V         Mme Carole-Marie Allard
V         La présidente
V         M. Jeff May

Á 1100
V         La présidente
V         
V         La présidente
V         
V         La présidente
V         M. Barry Power

Á 1105
V         Mme Barbara Wells
V         La présidente
V         La présidente

Á 1115
V         M. Andrew Darke, PhD (vice-président, Purdue Pharma)

Á 1120

Á 1125

Á 1130
V         

Á 1135

Á 1140

Á 1145
V         La présidente
V         M. Randy White

Á 1150
V         
V         M. Randy White

Á 1155
V         M. Roman Jovey (à titre individuel)
V         M. Randy White
V         M. Roman Jovey
V         M. Randy White
V         M. Roman Jovey

 1200
V         La présidente
V         Mme Kathryn Raymond
V         La présidente
V         M. Bernard Bigras
V         M. Andrew Darke

 1205
V         M. Bernard Bigras
V         M. Andrew Darke
V         M. Bernard Bigras
V         M. Andrew Darke
V         M. Roman Jovey

 1210
V         La présidente
V         Roman Jovey
V         La présidente
V         M. Roman Jovey
V         La présidente
V         M. Roman Jovey
V         La présidente
V         M. Derek Lee

 1215
V         M. Roman Jovey
V         M. Derek Lee
V         M. Roman Jovey

 1220
V         M. Roman Jovey
V         M. Derek Lee
V         La présidente
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne)
V         M. Andrew Darke

 1225
V         M. Kevin Sorenson
V         La présidente
V         Mme Carole-Marie Allard
V         M. Andrew Darke
V         Mme Carole-Marie Allard

 1230
V         M. Roman Jovey
V         La présidente

 1235
V         M. Roman Jovey
V         La présidente
V         M. Roman Jovey

 1240
V         La présidente
V         Mme Kathryn Raymond
V         La présidente
V         M. Andrew Darke
V         La présidente










CANADA

Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments


NUMÉRO 052 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 août 2002

[Enregistrement électronique]

¿  +(0935)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Paddy Torsney (Burlington)): Notre comité porte le nom de Comité spécial sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments. Il a été constitué conformément à un ordre de renvoi adopté par la Chambre des communes le jeudi 17 mai 2001, afin d'étudier les facteurs sous-jacents ou liés à la consommation non médicale de drogues ou de médicaments.

¿  +-(0940)  

+-

     En outre, le mercredi 17 avril 2002, la Chambre des communes a renvoyé à notre comité spécial un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-344, loi modifiant la Loi sur les contraventions et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (marijuana).

    Notre comité s'est déplacé aux quatre coins du pays ainsi qu'aux États-Unis et en Europe, et a consulté des intervenants et d'autres personnes travaillant dans les domaines de la recherche, de la répression, de l'éducation et de la réadaptation, afin de savoir ce qui se passe vraiment au sein de nos collectivités et quelles sont les mesures qui donnent de bons résultats.

    Évidemment, nous avons également tenu de nombreuses séances à Ottawa. Nous sommes heureux d'accueillir ce matin, représentant l'Association des pharmaciens du Canada, M. Barry Power, directeur du développement de la pratique, et Mme Shelley Stepanuik, vice-présidente de l'association. Nous accueillons également, représentant l'Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie, M. Jeff May, ancien président, et Mme Barbara Wells, directrice exécutive. Je crois comprendre que les représentants de l'association nationale vont s'exprimer en premier.

    Je vais vous céder la parole. Si vous pouvez vous en tenir à un exposé de cinq à dix minutes, je vous ferai signe quand on approchera des neuf minutes, et si vous pouvez conclure alors, ce sera parfait. S'il vous faut beaucoup plus de temps, on verra à ce moment-là ce qu'on peut faire. Par la suite, nous aurons du temps pour poser des questions. La séance durera jusqu'à onze heures.

    Permettez-moi aussi de signaler que nous avons autour de la table des représentants de divers partis politiques, et même si tous les membres ne sont pas présents aujourd'hui, étant donné que nous ne tenons pas habituellement de séances en été, tous le monde aura accès aux transcriptions de nos travaux. Certains membres du comité pourraient arriver durant la séance.

    Je vous cède la parole, monsieur May.

+-

    M. Jeff May (ancien président, Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie): Merci, Madame la Présidente.

    Nous sommes heureux de pouvoir prendre la parole devant ce comité spécial, étant donné que vous examinez des facteurs liés à la consommation non médicale de médicaments au Canada. La prévention de l'usage abusif et du mauvais usage intentionnel des médicaments est une grande priorité pour l'ANORP, l'Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie, et pour ses membres.

    Je suis pharmacien et ex-président de l'ANORP. Je suis aussi directeur des affaires réglementaires et professionnelles de Shoppers Drug Mart. Je suis accompagné par la directrice exécutive de l'ANORP, Mme Barbara Wells, qui est également pharmacienne.

    L'ANORP est un organisation cadre qui regroupe les organismes de réglementation de la pharmacie des provinces et des territoires du Canada. Notre association a été créée en 1995 et a son siège à Ottawa. Elle est financée presque exclusivement par une partie des droits de permis que les pharmaciens versent annuellement à leur organisme de réglementation professionnelle. Le montant prélevé correspond à environ 6 p. 100 des droits provinciaux. Nous ne recevons aucun financement public.

    À l'instar de votre comité, nos membres ont pour mandat de protéger la population canadienne. Nos membres réglementent la pratique des pharmaciens, la vente des médicaments et l'exploitation des pharmacies au Canada. Dans le cadre de leur mandat, nos membres font respecter la législation provinciale, territoriale et fédérale relative à la pharmacie. Nous sommes accompagnés par nos collègues de l'Association canadienne des pharmaciens, qui représentent les intérêts professionnels des pharmaciens.

    L'ANORP a été créée par des organismes de réglementation, principalement dans le but d'élaborer et harmoniser des normes relatives à la vente de médicaments et à la pratique de la pharmacie à l'échelle du Canada. Un autre de nos objectifs consiste à représenter les opinions d'organismes de réglementation professionnelle, tant au niveau national que sur le plan international, et de communiquer en leur nom avec le gouvernement fédéral.

    Ce matin, Barbara et moi allons décrire pour vous deux rôles importants que jouent l'ANORP et ses membres dans le cadre de la stratégie antidrogue du Canada, et formuler un certain nombre de recommandations à votre intention.

    Je cède maintenant la parole à Barbara.

+-

    Mme Barbara Wells (directrice exécutive, Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie): Bonjour.

    Une des principales responsabilités de l'ANORP est la tenue d'un système national de classification qui favorise l'utilisation appropriée des drogues et médicaments, y compris les drogues et médicaments utilisés à des fins non médicales. Comme vous le savez, lorsqu'un médicament est approuvé au Canada et que sa vente est autorisée au pays, le gouvernement détermine si le médicament en question doit être prescrit ou non par un médecin. Dans le cas des médicaments réputés en vente libre au niveau fédéral, les gouvernements provinciaux ont le pouvoir d'imposer d'autres conditions en ce qui a trait à la vente sur leur territoire. Ces conditions comprennent généralement une surveillance ou une intervention assurée par un pharmacien ou par un autre professionnel de la santé, un étiquetage spécial, et, dans certains cas, même l'obligation de délivrer les médicaments visés uniquement sur ordonnance.

    Ce genre de filet de sécurité secondaire provincial a été mis en place de manière indépendante, chacune des provinces ayant créé son propre système. Cette situation a abouti à un ensemble hétéroclite de règles et de normes de conduite professionnelle, et même à l'accès aux médicaments par le public, à l'échelle du Canada.

    Une de nos premières tâches a été l'élaboration de conditions harmonisées pour la vente de tous les médicaments présents sur le marché canadien et de normes régissant la conduite que doivent suivre les pharmaciens qui les vendent. L'élaboration de notre modèle s'est terminée en 1997, et je suis heureux de vous informer aujourd'hui que le système national canadien d'annexes de médicaments a été adopté par neuf des dix provinces.

    Notre système est composé de trois annexes de médicaments et d'une catégorie hors annexe. Les trois annexes comprennent des médicaments qui sont utilisés, à des degrés différents, à des fins non médicales. Nos normes de pratique nationales correspondantes incluent une disposition qui exige, et je cite, que (traduction) «les pharmaciens et les pharmaciennes sachent reconnaître un usage inapproprié de médicaments et prennent les mesures qui s'imposent», et qu'ils/elles «décèlent toute activité visant à détourner des médicaments de leur usage licite prévu et réagissent en conséquence».

    Ce sont là des normes que les pharmaciens et les pharmaciennes doivent respecter.

    Nous avons un comité consultatif national sur les annexes de médicaments, qui décide du classement des médicaments à l'intérieur du modèle. Notre comité est composé de sept experts indépendants et d'un représentant de l'Association des consommateurs du Canada.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Excusez-moi. Désolé. Pourriez-vous répéter? J'étais en train de prendre cela en note, et vous alliez un peu vite. Que les «pharmaciens et les pharmaciennes ...

+-

    Mme Barbara Wells: Oui, «sachent reconnaître un usage inapproprié de médicaments» et qu'ils/elles «décèlent toute activité visant à détourner des médicaments de leur usage licite prévu et réagissent en conséquence». Ces exigences sont intégrées au normes de pratique nationales.

    Les décisions relatives au contenu des annexes de médicaments sont prises de manière objective, scientifique et transparente, en visant comme objectif principal la santé et la sécurité publiques. Notre but est de favoriser l'accès du public à d'importantes pharmacothérapies tout en réduisant le plus possible les risques pour la santé et la sécurité des consommateurs.

    Aux fins du classement, les médicaments sont évalués d'après trois facteurs, dont chacun correspond à une annexe en particulier. Nous appliquons un principe d'évaluation en cascade, jusqu'à ce que nous ayons atteint le meilleur ajustement possible, si l'on veut. L'abus, la toxicomanie et le potentiel de consommation non médicale sont des aspects prépondérants de ces facteurs.

    Les médicaments classés dans l'annexe I nécessitent une ordonnance pour être vendus. Cette annexe comprend les médicaments qui requièrent une ordonnance au niveau fédéral ainsi que les médicaments dont l'usage optimal nécessite l'avis d'un médecin. Les médicaments classés dans nos annexes II et III ne nécessitent pas d'ordonnance. Les médicaments de l'annexe II ne peuvent être obtenus qu'auprès d'un pharmacien et sur approbation de celui-ci. Cette catégorie comprend, entre autres, les analgésiques et les antitussifs contenant une quantité faible et permise de codéine. Vous reconnaîtrez peut-être des marques comme Tylenol 1 ou Robitussin avec codéine ainsi que divers médicaments génériques. Nous savons qu'il existe des utilisations non médicales de ces médicaments, et c'est pourquoi nous tenons les pharmaciens directement responsables en ce qui a trait à leur vente. Les consommateurs n'ont pas directement accès à ces médicaments. Aux termes de ces normes de pratique les pharmaciens doivent fournir des services professionnels, notamment en offrant des conseils, en donnant des renseignements et, lorsque cela est indiqué, en refusant de vendre tel ou tel produit ou en dirigeant les patients vers des services appropriés.

    Les médicaments faisant partie de l'annexe III sont librement accessibles au public dans les pharmacies, mais dans ce cas également, on s'attend à ce que les pharmaciens soient disponibles pour donner des conseils ou des renseignements et pour surveiller la vente. Le dimenhydrinate, ou Gravol, que vous reconnaîtrez peut-être dans les antitussifs DM, est un exemple de médicament de l'annexe III dont nous savons qu'il est fait parfois mauvais usage intentionnellement. Les médicaments de l'annexe III doivent être placées dans une aire de la pharmacie qui soit adjacente au comptoir des médicaments sur ordonnance et être visibles par le pharmacien. Dans ce cas aussi, nous nous attendons à ce que les pharmaciens interviennent au besoin, en donnant des renseignements et des conseils, et, lorsque cela est indiqué, en exerçant un contrôle d'un niveau plus élevé.

    Les médicaments hors annexe peuvent être vendus sans restrictions. On peut les trouver, par exemple, dans des stations-services, dans des supermarchés et dans d'autres points de vente au détail. Dans certains cas, il a été nécessaire de rendre certains médicaments plus facilement accessibles au public, dans l'optique de la réduction des méfaits. À cet égard, on peut citer à titre d'exemple la décision de notre comité de classer les thérapies de remplacement de la nicotine hors annexe.

    Je pense que la plupart des intervenants conviendront que jusqu'à maintenant, le système national a été un modèle de coopération remarquable pour le grand public, les gouvernement provinciaux, la profession, les autorités de réglementation et les détaillants, Toutefois, les avantages de ce système qui contribuent à réduire la consommation non médicale de médicaments pourraient être améliorés.

    Premièrement, il faut du soutien de la part du gouvernement fédéral en vue d'une campagne d'éducation du public portant sur la raison d'être de notre système d'annexes de médicaments et sur le but de l'intervention du pharmacien dans le cas des médicaments vendus sans ordonnance. En outre, il faut que le public soit éduqué à s'attendre à l'intervention du pharmacien et à exiger ce type d'intervention.

    Deuxièmement, nous pourrions faire mieux pour nous assurer que les pharmaciens possèdent l'ensemble des renseignements portant sur l'abus de certains médicaments sans ordonnance figurant dans nos annexes. Par exemple, si un médicament donné est classé dans l'annexe II en raison de rapports relatifs à son utilisation non médicale, nous devons nous assurer que les pharmaciens sont entièrement informés de la nature précise de cet abus, et surtout de son existence. Dans ce cas aussi, c'est une question de ressources.

    Encore une fois, il n'est pas question ici de restreindre simplement la vente. Nous préconisons que les pharmaciens proposent d'orienter les patients vers les services appropriés lorsque cela est nécessaire.

    Troisièmement, notre système d'annexes de médicaments est financé principalement par les organismes de réglementation professionnelle qui font partie de notre association, et les coûts directs des réunions sont compensés selon un système de recouvrement des frais par nos clients, c'est-à-dire généralement des compagnies pharmaceutiques. Un certain niveau de parrainage par le gouvernement fédéral rendrait le système plus accessible à la population canadienne et améliorerait nos efforts qui visent repérer et à donner suite aux rapports portant sur l'abus ou le mauvais usage de médicaments.

¿  +-(0950)  

    Comme l'a mentionné Jeff, le deuxième aspect auquel nous nous intéressons est le rôle que jouent les organismes de réglementation professionnelle de la pharmacie dans l'application des législations fédérale et provinciales relatives à la vente de médicaments, comme la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Nos membres effectuent l'inspection de pharmacies et surveillent la conformité des pratiques des pharmaciens avec les lois et les normes. Depuis le début, nos organismes de réglementation professionnelle ont compté sur le soutien d'inspecteurs et d'agents itinérants du gouvernement fédéral, non seulement pour partager la responsabilité des inspections des pharmacies, mais également pour obtenir des conseils et des renseignements, pour interpréter les lois fédérales et pour collaborer en général.

    Il y a quelques années, le gouvernement avait pris la décision de cesser d'effectuer des inspections courantes de pharmacies, et cette décision avait été suivie d'une compression des ressources dont disposaient nos membres sur le terrain. Les organismes de réglementation professionnelle ont été durement touchés par ces compressions, et toutes les provinces, de la plus petite à la plus grande, rapportent que la perte de ces ressources a eu une incidence importante sur leur capacité de faire respecter efficacement la législation fédérale relative aux médicaments. Nous voyons également de moins en moins de coordination entre le personnel de terrain existant et le gouvernement fédéral en matière d'orientation de politique et en ce qui a trait à l'interprétation de la législation fédérale.

    Si nos membres avaient pu être présents aujourd'hui et vous faire part de leur opinion au sujet de cette situation, ils diraient ceci: veuillez remettre en place ces ressources de terrain. Les organismes de réglementation de la pharmacie ont besoin du soutien et de l'aide du gouvernement fédéral pour faire respecter votre législation relative aux drogues et aux médicaments. Nous devons travailler de concert avec vous pour rétablir ce soutien, modifié au besoin, afin qu'il soit efficace par rapport aux coûts et mutuellement bénéfique.

    Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez accordé. Nous vous offrons tous nos voeux de succès dans vos délibérations.

    Vous pouvez avoir accès à nos normes et à nos documents par l'entremise de notre site Web, à l'adresse www.napra.org, ou, bien sûr, en communiquant avec moi. Merci.

+-

    La présidente: Merci beaucoup, madame Wells.

    Monsieur Barry Power.

[Français]

+-

    M. Barry Power, PharmD (directeur du développement de la pratique, Association des pharmaciens du Canada): Mme Shelley Stepanuik, vice-présidente de l'Association et pharmacienne communautaire m'accompagne ce matin.

[Translation]

    Je vais commencer par un bref historique de notre association. L'Association des pharmaciens du Canada existe depuis 1907. Nous comptons parmi nos membres des pharmaciens hospitaliers, des pharmaciens communautaires, des pharmaciens-conseils, des pharmaciens travaillant au sein d'administrations publiques et des pharmaciens industriels. Nous ne représentons pas l'industrie pharmaceutique et nous ne parlons pas non plus au nom de ce secteur. Nous représentons plutôt la profession pharmaceutique dans tous ses contextes pratiques.

    Je voudrais d'abord remercier le comité de nous donner l'occasion de faire connaître notre point de vue et nos réflexions sur la question de l'abus et du mauvais usage des médicaments d'ordonnance et des médicaments en vente libre au Canada. Le comité a pu entendre à plusieurs reprises, comme l'a signalé d'ailleurs la vérificatrice générale du Canada au chapitre 11 de son rapport de 2001, qu'il n'existe pas beaucoup de données sur l'abus des drogues et des médicaments au Canada, qu'il s'agisse de substances licites--médicaments d'ordonnance et médicaments en vente libre--ou de drogues illicites. Les membres du comité ont entendu qu'il existe ce type d'abus, et nous, comme pharmaciens, le constatons tous les jours.

    Madame Stepanuik et moi allons partager le temps qui nous a été accordé pour l'exposé. Nous allons essayer d'être brefs dans nos propos, afin de vous laisser plus de temps pour poser des questions.

    Les principaux médicaments d'ordonnance dont l'usage abusif est constaté régulièrement par les pharmaciens comprennent les analgésiques, les somnifères et les anxiolytiques. Il y a d'autres médicaments, mais je viens de mentionner les principales catégories. Il s'agit des médicaments qui font le plus souvent l'objet de détournements, de falsifications et de vols.

    Le comité a déjà été mis au courant par un certain nombre de témoins de certaines des problèmes liés à l'abus des médicaments, notamment pendant que vous avez été dans la région de l'Atlantique. Le comité a également entendu parler de diverses mesures de contrôle et de surveillance qui ont été mises en place dans diverses provinces.

    En qualité de pharmacien ayant pratiqué au niveau communautaire, comme pharmacien-conseil et à Santé Canada, j'ai été témoin d'un certain nombre de problèmes liés au mauvais usage de médicaments, et ce, sur plusieurs plans.

    En ce qui a trait à la nécessité de se pencher sur la question et de trouver des solutions, il est important de distinguer les personnes qui font un mauvais usage de médicaments au détriment de leur santé des personnes qui abusent du système de soins de santé pour obtenir des produits pharmaceutiques qu'elles vendent ensuite à des fins lucratives.

    Shaun Black, un pharmacologue qui a comparu devant ce comité en Nouvelle-Écosse, a fait une excellente remarque au sujet de la nécessité de mieux éduquer les pharmaciens et les médecins au sujet des toxicomanies.

    Je suis d'accord avec lui, et j'ajouterai qu'une meilleure éducation concernant les dangers liés aux toxicomanies et à la dépendance à des médicaments d'ordonnance devrait se faire non seulement auprès des médecins et des pharmaciens, mais également auprès de la collectivité en général. Dans les programmes d'études de pharmacie, on accorde très peu d'attention à l'utilisation appropriée des narcotiques, même si les programmes s'améliorent.

    Une grande partie de l'attention consacrée aux narcotiques est de nature négative et tend à renforcer les stéréotypes selon lesquels tous les gens qui prennent des narcotiques sont toxicomanes. Le grand public est très peu renseigné sur les narcotiques et sur leurs bienfaits. Cette lacune est malheureusement très évidente dans le cas des patients atteints de cancer, qui profiteraient beaucoup d'un usage approprié de narcotiques, mais qui en ont peur.

    La codéine est un bon exemple à cet égard. Non seulement est-il nécessaire d'éduquer la population au sujet des risques potentiels de la toxicomanie et de la dépendance aux narcotiques, mais il faut également que les professionnels de la santé aient une meilleure compréhension de la maîtrise de la douleur. En 2001, l'analgésique Tylenol 3 arrivait au quatrième rang parmi les médicaments les plus prescrits au Canada, et pourtant le produit Tylenol 2, qui, avec 15 milligrammes de codéine, est deux fois moins fort que Tylenol 3, n'arrivait qu'au quatre-vingt-huitième rang parmi les produits les plus prescrits au Canada.

    La quantité de Tylenol 3 qui est prescrite soulève deux questions: Premièrement, les Canadiens reçoivent-ils trop de codéine et seraient-ils mieux servis par un produit moins fort, comme Tylenol 2, voire par des produits encore moins forts offerts en vente libre? Deuxièmement, les Canadiens sont-ils mal servis en recevant de la codéine au lieu de drogues plus puissantes, comme la morphine? Les narcotiques puissants suscitent beaucoup de craintes, tant chez les professionnels de la santé qu'au sein du grand public. Ces craintes peuvent être à l'origine d'une mauvaise maîtrise de la douleur.

    Au Canada, nous avons connu du succès avec des campagnes portant sur les dangers du tabagisme et de la consommation d'alcool. Nous recommandons la mise sur pied d'une campagne nationale pour expliquer les dangers que peut comporter l'abus ou le mauvais usage des médicaments d'ordonnance. Ces médicaments représentent aujourd'hui le moyen d'intervention médicale de choix, et généralement pour de bonnes raisons, étant donné qu'il apportent de formidables bienfaits en matière de santé. Les gens ont l'impression que les médicaments d'ordonnance n'ont pas d'effets nocifs et ne peuvent nuire. La campagne devrait chercher à conscientiser les Canadiens face à la réalité des médicaments d’ordonnance. Bien qu’un médicament d’ordonnance soit prescrit pour de bonnes raisons, certains peuvent causer la dépendance et ils n’atteignent pas les résultats souhaités s’ils ne sont pas pris correctement. La campagne devrait aussi fournir de l’information concernant les effets nocifs possibles et indiquer à qui s’adresser lorsque les gens s’interrogent au sujet de leur médication.

¿  +-(0955)  

    Les pharmaciens, en tant qu'experts en matière de médicaments et comme professionnels de la santé les plus accessibles, donnent déjà tous les jours d'importants renseignements sur les médicaments aux consommateurs. Nous espérons que le comité prendra en considération la mise en place d'une campagne nationale faisant appel à des pharmaciens, à des intervenants en toxicomanie et à d'autres personnes qui iraient dans les écoles pour sensibiliser tôt les enfants aux avantages et aux dangers potentiels que présentent les médicaments de prescription. Malheureusement, notre vie trépidante et le système de soins de santé ne permettent pas toujours aux médecins et aux pharmaciens de consacrer le temps nécessaire aux patients, afin de déterminer avec certitude la cause de la douleur, de choisir la meilleure façon de la maîtriser et de sensibiliser les consommateurs au danger de toxicomanie et de dépendance. Des lacunes dans l'enseignement destiné aux futurs médecins et pharmaciens empêchent également les professionnels de la santé de bien examiner ces facteurs.

    Je cède maintenant la parole à Shelley Stepanuik.

À  +-(1000)  

+-

    Mme Shelley Stepanuik (vice-présidente, Association des pharmaciens du Canada): Bonjour.

    Je voudrais vous parler un peu de certains des problèmes liés à l'abus et au mauvais usage de produits pharmaceutiques que j'ai vu lorsque j'étais pharmacienne communautaire, et également de certaines des solutions possibles. J'ai été pharmacienne communautaire en Saskatchewan et au Manitoba, et je pratique actuellement à Smiths Falls, en Ontario. J'y ai vu des problèmes semblables et un certain nombre d'approches visant à y remédier.

    Notre appel en faveur d'une campagne nationale sur les dangers potentiels de l'abus des médicaments d'ordonnance se trouve certainement renforcé par un appel en faveur d'un réseau pharmaceutique fonctionnant en temps réel qui permettrait aux pharmaciens et aux médecins de réduire le plus possible cet abus. Ces recommandations découlent directement de la constatation de problèmes auxquels moi-même et de nombreux autres pharmaciens faisons face tous les jours.

    Un exemple courant qui peut souligner l'importance d'avoir une base de données nationale fonctionnant en temps réel est celui d'un patient âgé qui a commencé à prendre une benzodiazépine pour mieux dormir. L'efficacité de ce médicament diminue généralement après plusieurs semaines de consommation, de sorte que le patient ne s'en portera pas mieux qu'au moment où il ne le prenait pas. Toutefois, si le patient essaie d'arrêter de prendre le médicament au bout d'un mois environ, il éprouvera le phénomène dit du rebond du sommeil paradoxal et sera convaincu d'avoir besoin du médicament pour dormir. Dans certains cas, on peut prescrire un deuxième somnifère, et le patient peut alors recevoir les deux médicaments. Si ces médicaments sont fournis dans une même pharmacie, le pharmacien peut discuter de cette thérapie en double avec le patient et avec le médecin. Si ce n'est pas la même pharmacie qui fournit les deux médicaments, la double thérapie passe inaperçue, et ce, dans le cas de la plupart des Canadiens. En Colombie-Britannique et au Manitoba, le pharmacien aurait accès au dossier de médication du patient et serait en mesure de discuter de la thérapie en double avec le médecin et avec le patient.

    Un deuxième exemple est celui des personnes qui abusent du système de soins de santé pour vendre à des fins lucratives les médicaments qui leur ont été prescrits. Ces personnes connaissent bien les faiblesses du système et les façons d'éviter de se faire prendre. J'ai vu des cas où des pharmaciens ont fait l'objet de menaces de la part d'individus de ce genre. Dans un cas en particulier, un patient tenait catégoriquement à ce que l'ordonnance émise à son nom pour un narcotique ne soit pas consignée dans le système de traitement central du Manitoba, et nous soupçonnons que c'était pour éviter que l'on découvre l'obtention d'ordonnances multiples ou une consommation excessive. Si l'on faisait passer chaque ordonnance par un système de traitement national, les problèmes de ce genre pourraient être évités, parce que nous aurions les renseignements pertinents au bout des doigts.

    Une base de données fonctionnant en temps réel offrirait aux professionnels de la santé et aux décideurs l'accès à des données fiables et à jour et permettrait de déterminer l'étendue du problème. Le comité a déjà entendu des témoignages au sujet d'un certain nombre de systèmes provinciaux de surveillance des adjudications et des ordonnances. Au Manitoba, j'ai utilisé le Réseau pharmaceutique informatisé (DPIN). Le système PharmaNet, qui est utilisé en Colombie-Britannique, est un autre outil qui relie, par voie électronique et de manière sécuritaire, toutes les pharmacies communautaires de cette province à des bases de données centrales. Ces systèmes offrent aux pharmaciens un accès sécurisé aux profils médicaux des patients, s'il est nécessaire d'obtenir des confirmations au sujet de questions liées à un abus ou à un mauvais usage de narcotiques ou de médicaments d'ordonnance. Il convient de signaler qu'il existe des dispositions en matière de confidentialité concernant ce genre d'accès, et que les données dont nous prenons connaissance sont en fait très limitées mais suffisantes pour nous aider à évaluer le problème. L'existence d'un système de ce genre à l'échelle nationale permettrait d'assurer la prestation d'un niveau de soins de santé uniforme pour tous les Canadiens.

    Un autre outil dont se servent les fournisseurs de soins de santé pour contrer les abus dans les régions dépourvues de bases de données fonctionnant en temps réel est un programme d'ordonnances à copies multiples. Le but de ce genre de programme est de réduire le nombre de falsifications et de modifications d'ordonnance et l'obtention d'ordonnances multiples. Il existe des variantes de ce type de programme partout au pays, mais elles sont toutes fondées sur le même principe de base. Toute ordonnance est délivrée avec des copies multiples que le patient doit produire pour recevoir un médicament couvert dans le cadre de ce programme. La formule utilisée est composée de l'ordonnance d'origine et d'une ou des copies exactes jointes à l'original. L'ordonnance n'est valide que pour un nombre de jours déterminé, à compter du moment où elle a été délivrée. L'ordonnance d'origine est classée à la pharmacie où l'on se procure les médicaments prescrits. La copie exacte jointe à l'original est transmise à l'organisme qui gère le programme, qui peut être l'organisme provincial de réglementation professionnelle, dans un délai déterminé, à compter de la date où l'ordonnance à été utilisée. La troisième copie de l'ordonnance reste dans le cabinet du médecin et est jointe au dossier du patient. Ce programme exige que toutes les ordonnances pour les médicaments couverts soient délivrées au moyen de cette formule à copies multiples. On ne peut prescrire qu'un seul médicament sur chaque formule; les carnets de formules sont personnalisés et les numéros des formules sont consignés dans le cas de chaque médecin.

À  +-(1005)  

    Ces programmes ont permis de réduire quelque peu le nombre d'ordonnances délivrées pour les narcotiques inclus. Dans les provinces où il existe ce genre de programme, le nombre d'ordonnances délivrées pour des narcotiques a tendance à être plus bas. Ce système présente des faiblesses parce qu'il n'est pas fondé sur une base de données fonctionnant en temps réel et parce qu'il y a peu de suivi auprès des médecins et des pharmaciens, mais tous les systèmes ont des faiblesses. Le programme d'ordonnances à copies multiples a des faiblesses, mais il connaît du succès.

    En conclusion, madame la présidente, nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer. Comme l'a mentionné précédemment mon collègue, nous estimons qu'il est utile de laisser plus de temps pour des questions. J'accueillerais volontiers quiconque voudrait venir voir sur place ce que nous voyons tous le jours, mais pour le moment, nous nous ferons un plaisir de répondre à toute question que vous pourriez avoir.

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Je peux vous assurer que nous avons posé beaucoup d'autres questions dans les cabinets des médecins et dans les pharmacies. On nous a ouvert les yeux, pendant que nous avons étudié cette question.

    Je vais passer maintenant aux questions. Faisons des périodes de dix minutes et voyons combien de questions nous arrivons à rentrer.

    Monsieur White.

+-

    M. Randy White: Merci, Madame la Présidente, et merci aux témoins d'être venus. Je peux vous assurer que la profession pharmaceutique a toujours une très grande valeur aux yeux des Canadiens, et en ce qui me concerne, les pharmaciens font un très bon travail.

    Vous avez fait quelques déclarations très intéressantes, et je sais que la sécurité de l'ensemble de l'infrastructure des médicaments occupe une grande place dans vos esprits. La phrase sur laquelle j'ai interrompu Barbara pour qu'elle la répète m'est restée en tête : les pharmaciens peuvent reconnaître les cas d'usage non approprié de médicaments et y réagir. Et aussi, vous cherchez à contrôler visuellement les médicaments, dans les pharmacies je suppose. Pour moi, ces commentaires ne signifient rien si vous avez cinq, dix, quinze pharmacies dans une communauté et qu'une personne va de pharmacie en pharmacie. Je ne suis pas certain que vous contrôlez cela.

    J'ai parlé à beaucoup de pharmacodépendants, et un certain nombre m'ont dit qu'ils avaient déjà eu quatre à six médecins traitants. Ils disent qu'ils peuvent entretenir ou soutenir une dépendance aux médicaments de prescription. Je sais que des gens en prison entretiennent une dépendance aux médicaments de prescription. Je me demande si vous pourriez m'expliquer comment est-ce possible pour un pharmacodépendant de venir me trouver et de me dire écoute, j'ai plusieurs médecins; je vais dans une pharmacie, et dans une autre, et dans une autre, et j'ai développé une habitude et ceux que je n'utilise pas--parce que je n'en ai pas tous besoin--je les vend. Comment est-ce possible que cela existe encore avec tous ces contrôles?

    Barbara.

+-

    Mme Barbara Wells: Bien, nos normes incluent également la nécessité pour les pharmaciens d'entretenir de bons rapports avec leurs patients, de connaître leurs patients. Nous savons que le cumul d'ordonnances médicales existe et nous demandons aux pharmaciens d'évaluer les ordonnances, dans le cas des médicaments de prescription, et de vérifier s'il y a cumul d'ordonnances médicales, d'essayer de savoir qui est le patient, qui est le médecin qui lui a donné son ordonnance. Cela fait partie du travail du pharmacien, de connaître le patient, de connaître ses besoins médicaux, et de s'assurer que le patient a un lien avec le médecin. C'est donc une espèce de triangle. Cela fait aussi partie de nos normes.

+-

    M. Randy White: Comment faites-vous cela si une personne va plus loin que le cumul d'ordonnances médicales? On m'a dit qu'ils vont voir un médecin, qu'ils savent quelle histoire raconter au médecin, et qu'ils savent très bien quel type de médicaments sera prescrit. Ils peuvent très bien avoir un lien avec un médecin, et avec une autre pharmacie, et une autre pharmacie, et à l'autre bout de la ville avec un autre médecin, et une autre série de pharmacies. À moins que toutes ces pharmacies se parlent par l'intermédiaire d'un système de données, comment faites-vous pour attraper ces personnes? Ce sont de vrais professionnels de la chose.

+-

    M. Jeff May: Je crois, pour continuer sur ce que disait Shelley, qu'il serait très important d'avoir un système de données sur la santé et les médicaments vraiment intégré. Bon nombre de nos membres sont actifs dans leur province et travaillent avec les réseaux provinciaux d'information sur la santé; le système PharmaNet en Colombie-Britannique, le projet de réseau d'information pharmaceutique en Alberta et le système DPIN au Manitoba en sont trois exemples. Nous travaillons activement avec ces groupes afin de faciliter l'évolution de la technologie, de façon à ce que nous puissions parler aux pharmacies. Comme l'a indiqué Shelley, en Colombie-Britannique, si un pharmacien peut voir le profil d'un médicament en entier, peu importe que l'ordonnance ait été délivrée au magasin A, au magasin B, au magasin C ou au magasin D, il est possible de voir cette information et de faire les interventions appropriées. Dans notre système traditionnel, les responsabilités du pharmacien se limitent à la relation individuelle qui survient au magasin et à une certaine sensibilisation à la facilité d'accès dont jouit le patient. C'est très difficile à saisir.

    Donc, j'appuierais moi aussi la recommandation de l'ACSP de développer un réseau d'information sur la santé et les médicaments plus intégré.

À  +-(1010)  

+-

    Mme Shelley Stepanuik: Absolument, il y a moyen de tromper le système. J'ai été vraiment déçue quand je suis déménagée en Ontario de découvrir que nous n'y avions pas accès, parce que j'y étais tellement habituée au Manitoba. J'ai cru comprendre que c'était une question de confidentialité, et que c'était la raison pour laquelle nous ne pouvions pas obtenir ce genre de renseignements. Au Manitoba, juste pour vous expliquer, il ne s'agissait pas que d'un accès aléatoire. Je n'aurais pas été capable de prendre le numéro de carte d'assurance-santé de mon voisin et de simplement assouvir ma curiosité. Il aurait fallu que je dise, en inscrivant mon numéro de permis quelque part, pourquoi je voulais avoir accès au système, et il valait mieux être prêt à répondre à cette question à chaque fois.

    Si j'avais l'impression qu'il y avait abus, c'est tout ce que j'avais à inscrire. Cela m'aurait permis d'entrer dans le système et de voir pour une date donnée ce qui avait été prescrit, en quelle quantité, et la posologie journalière. Je n'aurais pas su le nom du médecin, je n'aurais pas su la raison de l'ordonnance, et je n'aurais pas su le prix. Avec la posologie journalière, je peux figurer quelles instructions ont été données, et c'est suffisant pour voir si cela correspond ou non à l'ordonnance que j'ai devant moi.

    Quand j'étais au Manitoba, nous refusions souvent des ordonnances. C'était des fraudeurs, mais pas les fraudeurs les plus intelligents. Il suffisait de se montrer très direct avec eux et de leur dire, vous avez eu ces médicaments il y a quatre jours, revenez dans une semaine. La plupart ne disaient rien, parce qu'ils ne savaient pas comment nous avions fait pour savoir, mais nous le savions, et ils devaient aller ailleurs. Ici, nous recevons certains signes d'avertissement, mais la seule information qui arrive sur notre écran, c'est une date, un médicament et une quantité; cela ne nous dit pas le nombre de jours. Donc une personne qui prend huit Tylenol 3 par jour passera à travers son ordonnance plus vite qu'une personne à qui on a dit de prendre deux comprimés par jour. Donc ce n'est pas assez. Le système nous dit seulement la date de la dernière ordonnance, et ne nous dit rien sur l'ordonnance précédente, et l'ordonnance précédente.

+-

    M. Randy White: Avec les drogues de fabrication artisanale, l'ecstasy par exemple, les composants de ce genre de substances et des autres substances que nous ne connaissons pas encore et que quelqu'un fabrique dans son sous-sol ou son garage, je suppose que la plupart des composants viennent des pharmacies, des grands magasins. Pouvez-vous nous donner une idée des composants les plus connus de ces substances comme l'ecstasy et nous dire d'où ils viennent? Vous êtes pharmacien, vous devriez savoir cela.

+-

    M. Barry Power: Certaines des molécules-précurseurs, comme on les appelle, sont des produits vendus sans ordonnance. On s'est beaucoup intéressé aux États-Unis à la pseudoéphédrine, un décongestionnant très commun dans bon nombre de médicaments pour la toux et le rhume. On peut s'en servir pour fabriquer un type d'amphétamine, l'ecstasy, et d'autres produits. Donc c'est facilement accessible. Il y a d'autres molécules-précurseurs qui sont régies par différentes lois, et une personne qui veut s'en procurer doit s'enregistrer en suivant un processus. Avec les produits qui sont facilement accessibles, il faut étudier les possibilités d'abus en fonction des possibilités de nuire à certaines personnes si on en restreint l'accès. Est-ce juste de limiter l'accès à la pseudoéphédrine pour tous les Canadiens parce que certaines personnes l'utilisent pour fabriquer des drogues illégales? Il faut qu'il y ait un équilibre entre les deux.

    Une des choses que j'ai vues dans une des collectivités où j'ai travaillé, c'est que la police nous tient au courant des types de molécules-précurseurs qui deviennent les favorites des laboratoires amateurs. À la suite de tels avertissements, beaucoup de pharmacies vont retirer ces produits des rayons de vente libre. Ils sont toujours en vente, mais ils sont gardés derrière le comptoir, et ceux qui en veulent doivent les demander. Si certaines personnes en demandent de grandes quantités, nous pouvons avertir la police.

    Pour revenir aussi à votre question précédente, il y a des collectivités où les pharmaciens se sont regroupés pour mettre sur pied des systèmes d'avertissement. Si une fausse ordonnance circule en ville ou si on soupçonne quelqu'un d'avoir recours à de multiples ordonnances, toutes les pharmacies de la ville vont en être avisées en moins de quelques minutes, parce qu'une pharmacie va téléphoner à deux pharmacies, qui vont téléphoner à deux autres, et ainsi de suite. En quelques minutes, tous les pharmaciens vont avoir une description de la personne, des noms qu'elle utilise, des médicaments qu'elle cherche, et des médecins qu'elle a vus. Le système n'est pas parfait, mais dans les endroits où on ne peut avoir accès de façon électronique aux dossiers d'ordonnance, il est quelque peu efficace.

À  +-(1015)  

+-

    M. Randy White: D'où proviennent les grandes quantités de médicaments de prescription? Ils ne peuvent provenir que des pharmacies. Dans certains cas, de grandes quantités de ces substances circulent. D'où proviennent-elles?

+-

    M. Barry Power: Il peut y avoir détournement à divers niveaux. Il peut y avoir des personnes qui ont des ordonnances remplies dans plusieurs pharmacies pour de grandes quantités. Il peut y avoir détournement au niveau du représentant ou du fabricant. Partout où on peut avoir accès à des médicaments narcotiques, il y a un risque de détournement. De grandes quantités de médicaments peuvent être détournées à différents niveaux. Il y a des mesures de sécurité en place à presque tous les échelons. Il est probable que plus vous vous éloignez du fabricant, plus le médicament est facile à détourner, parce qu'il s'agit généralement de quantités plus petites. Si quelqu'un essaie de détourner, par exemple, 1 000 comprimés de morphine auprès d'un fabricant, la chose attirera probablement l'attention, alors que si quelqu'un essaie de détourner 5 ou 10 comprimés ici et 5 ou 10 comprimés là dans une pharmacie, la chose pourrait passer inaperçue.

+-

    Mme Shelley Stepanuik: Si je peux ajouter à cela, une des choses vraiment tristes qui soient arrivées, c'est la perte des inspecteurs des narcotiques, en partie parce que cela gardait tout le monde responsable. Mais lorsque vous avez différentes personnes qui travaillent dans la pharmacie, si quelqu'un vient et va chercher cinq comprimés de morphine ici, cinq comprimés de Demerol là, la chose peut passer inaperçue et vous n'avez pas à tenir le même inventaire aujourd'hui par rapport à ce que vous avez acheté et ce que vous avez vendu. C'est une des choses qui était vraiment bien avec les inspecteurs. On savait qu'ils venaient, on savait qu'il fallait être un peu plus rigoureux et surveiller qui avait accès à quoi et ainsi de suite. Je ne veux pas dire qu'il n'y a plus de surveillance, mais c'est quelque chose qui était très utile aux employeurs, je pense.

    L'autre aspect positif de la visite des inspecteurs c'est qu'ils cherchaient à voir des modèles de prescription. Je ne crois pas qu'il y ait rien actuellement qui montre les modèles de prescription. Certains médecins hésitent davantage à prescrire des narcotiques durs, mais ils prescrivent du Tylenol 3 comme si c'était du bonbon. Personne ne surveille ce qu'ils font, alors que lorsque les inspecteurs des narcotiques venaient faire leur inspection, ils passaient littéralement à travers des tas et des tas d'ordonnances juste pour voir. Et il est facile de repérer un modèle de prescription lorsqu'on examine des tas de copies d'ordonnances. Cela n'existe plus aujourd'hui.

    Je ne sais pas si les médecins sont requis de consigner les ordonnances, mais au moins quand ces inspections avaient lieu, nous savions que le bureau avait une responsabilité devant le gouvernement fédéral en ce qui concerne le travail des médecins et des pharmaciens; cela ne visait pas que les pharmaciens. C'est une perte et il serait formidable que ces inspecteurs reviennent.

+-

    La présidente: Merci.

    Avez-vous aussi des commentaires?

+-

    Mme Barbara Wells: Je voudrais aussi juste mentionner, en réponse à votre question sur la provenance de ces médicaments de prescription, qu'une certaine importation illégale a aussi lieu. C'est peut-être une autre source.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

[Français]

    Vous avez dix minutes, monsieur Bigras.

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Madame la présidente, à la lumière de l'étude en comité concernant le problème d'abus des médicaments d'ordonnance, il peut, à mon avis, y avoir deux conclusions.

    La première, c'est qu'il y a un manque flagrant d'éducation quant au risque de dépendance des médicaments d'ordonnance et de l'impact de la toxicomanie. Deuxièmement, la surveillance et l'encadrement sont carrément inadéquats.

    J'insisterai, dans ma première question, sur le deuxième aspect, soit le manque d'encadrement. Je peux comprendre qu'on propose ce que nous appelons une bande de données informatisées, pour éviter justement les ordonnances multiples que vous avez probablement constaté à maintes reprises et dont vous venez encore de nous parler. Je pense que c'est une excellente proposition.

    J'aimerais vous sensibiliser à un autre phénomène et j'aimerais savoir si vous avez réfléchi au cas suivant. Plusieurs citoyens obtiennent une prescription, se présentent chez leur pharmacien, reçoivent la médication et souvent, ils n'utilisent pas totalement le médicament pour pouvoir ensuite le revendre sur un marché illicite. Donc, au fond, on a deux systèmes de distribution, soit votre système de distribution qui est légal et un autre système de distribution qui est illicite et qui en passant, se trouve bien souvent en concurrence avec vous.

    Donc, avez-vous réfléchi à cette problématique, c'est-à-dire qu'effectivement, une base de données informatisées permettrait de régler une partie de la problématique, soit l'ordonnance multiple, mais elle ne permet pas de régler le problème du médicament à partir du moment où il n'est plus chez vous et qu'il se retrouve sur un marché qui est plus libre.

À  +-(1020)  

[Traduction]

+-

    Mme Shelley Stepanuik: Une des choses mises en place par certaines provinces, c'est un programme de prescription pilote. Dans les cas où il peut y avoir abus, en particulier avec les somnifères contre l'anxiété, on ne remet qu'un approvisionnement d'une durée de sept jours à la personne qui en utilise pour la première fois. Souvent les patients reçoivent un approvisionnement d'une durée de 30, 60 ou 100 jours, avec l'espoir de voir leur médecin dans quelques semaines pour évaluer comment vont les choses. Beaucoup de médicaments restent inutilisés, comme vous l'avez dit. Beaucoup vont être gardés à la maison pour un autre jour, où quelqu'un viendra et dira, c'est ce dont j'ai besoin, je vis du stress. Cette personne prendra le médicament, qui pourra très bien être périmé. Ce pourrait être très peu approprié. Cela touche une toute autre question de santé publique.

    Le programme de prescription pilote est, à certains égards, exigeant en main-d'oeuvre. Il nécessite une seconde visite au médecin, mais je dirais que nous voyons beaucoup de gaspillage et qu'il reste possible de redistribuer les médicaments quand les personnes en obtiennent des quantités qui sont absurdes. Une des choses qui m'a vraiment surprises au Manitoba, c'est que les bandelettes de glycémie faisaient l'objet d'abus de la part de personnes qui bénéficiaient d'un programme d'assurance-médicaments qui les remboursait à 100 p. 100. Elles en achetaient plus que nécessaire, parce qu'elles savaient que telle ou telle personne n'avait pas d'assurance-médicaments et devait les payer 90$ la boîte, alors qu'elles ne payaient rien. Elles s'assuraient d'en avoir un double approvisionnement et les vendaient pour 30 ou 40$. On ne pouvait pas savoir comment une personne était supposée en utiliser, parce que les quantités qu'elle achetait étaient assez normales. On ne peut pas avoir de mesures de sécurité contre de telles choses.

    Je me sens très partisane des médecins qui ont été arnaqués, parce que ces personnes qui veulent le faire savent très bien comment dire les bonnes choses. Elles savent quelles allergies il faut prétendre. Elles savent quels symptômes décrire--maux d'estomac, maux de tête, et ainsi de suite. C'est pourquoi je suis de l'autre côté. Je ne voudrais pas être le médecin qui a affaire à cela. Ce serait très difficile.

+-

    Mme Barbara Wells: J'aimerais également mentionner une variante de ce que vous avez décrit, quand des patients légitimes, en particulier des personnes âgées, reçoivent des quantités légitimes de narcotiques et ainsi de suite et qu'ils font l'objet de menaces ou autres formes d'intimidation pour donner ces médicaments à des parents, à des voisins ou à qui que ce soit. Nous avons entendu beaucoup d'histoires à ce sujet aussi. Je pense que c'est un problème. Une fois encore, je ne sais pas comment vous pourriez répondre à cela. Ça vient avec un réseau dans la communauté d'aide aux personnes âgées et ce type de choses.

+-

    M. Jeff May: Aussi, je pense que la question dont vous traitez est une question d'équilibre entre les besoins du patient et la prescription appropriée et les quantités appropriées. Les secrétaires généraux provinciaux de pharmacie, les ordres provinciaux de pharmacie et nos organisations membres travaillent en étroite collaboration avec les ordres de médecins et de chirurgiens dans leur province afin de discuter des aspects d'une prescription appropriée et des pratiques de prescription liées aux quantités et aux besoins. La situation que vous décrivez en est une qui est très difficile à maîtriser, parce qu'on a affaire à un public qui essaie intentionnellement de manipuler le système. La sensibilisation aux facteurs déclencheurs, l'attitude non seulement des médecins prescripteurs mais aussi des pharmaciens en tant que distributeurs, qui ont aussi un rôle à jouer dans l'éducation des patients, et la sensibilisation aux pratiques de prescription appropriées et adéquates seront les objectifs essentiels à atteindre si l'on veut trouver une solution à la question dont vous parlez. C'est une question très difficile.

À  +-(1025)  

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: J'aimerais maintenant vous parler d'information. C'est ma deuxième question et au fond, c'est la deuxième faille identifiée en comité, à savoir le manque d'éducation.

    Monsieur Power, vous m'avez inquiété par vos propos lorsque vous m'avez dit que face à la sensibilisation et à l'information du patient, vous ne disposez pas du temps nécessaire pour faire adéquatement ce travail et jouer ce rôle. J'ai toujours cru à la prévention comme outil de solution.

    Ma question est la suivante: outre le fait de dire que ça nous prendrait plus de temps pour jouer ce rôle d'information auprès du public, quel outil, quelle méthode, quel processus pourrait être mis en place pour sensibiliser le public? Il ne faut pas que vous soyez simplement des distributeurs de médicaments, mais vous devez aussi informer le citoyen de l'impact du médicament.

    Donc, j'aimerais que vous alliez plus loin dans ce que vous nous aviez dit tout à l'heure. Vous disposez de peu de temps, j'en conviens et vous avez fort probablement raison, mais quelle piste pouvez-vous nous donner aujourd'hui pour mieux informer les patients sur les dangers de l'abus de l'utilisation, entre autres, de médicaments d'ordonnance?

[Traduction]

+-

    M. Barry Power: La profession de pharmacien, à l'heure actuelle, entreprend une évolution, et nous essayons d'encourager ceux-ci à faire une chose autant que possible, soit d'oublier les aspects techniques, les aspects de la distribution; nous ne voulons pas que le pharmacien compte des pilules au lieu de parler à un patient. C'est une façon d'avoir plus de temps pour discuter médicaments avec le patient. C'est un problème très sérieux dans certaines situations, et qui dépend aussi de la pharmacie. Naturellement, un pharmacien qui travaille dans une pharmacie qui remplit 100 ordonnances par jour aura plus de temps à consacrer aux patients qu'un pharmacien qui remplit 400 ordonnances par jour. Il existe des normes dans la plupart des provinces qui exigent que les pharmaciens conseillent les patients et leur fournissent un minimum de renseignements. En ce qui concerne les narcotiques, il est possible que ce minimum de renseignements ne soit pas suffisant pour aider les patients à bien comprendre les avantages et les risques des médicaments.

    Je pense que nous avons aussi besoin d'une campagne d'éducation publique, parce des personnes abusent de certains médicaments qui ne leur ont pas été prescrits, comme Barb et Jeff l'ont mentionné. Tous les pharmaciens du pays connaissent des cas de vol de médicaments, quelqu'un entre dans la maison et prend quelques comprimés d'un médicament contre l'anxiété ou d'un narcotique dans un flacon. Il s'agit habituellement de quelqu'un que l'on connaît bien. C'est souvent un membre de la famille qui a un problème de dépendance aux médicaments.

    Donc, il faut une approche à deux volets. Il faut une campagne d'éducation publique, et il faut aussi une campagne visant à encourager les pharmaciens, les médecins et les infirmières à passer plus de temps avec les patients qui reçoivent des narcotiques, de façon que ceux qui en ont besoin en tirent profit, mais aussi de façon qu'ils ne soient pas traités avec désinvolture, et que les gens ne courent pas chez le médecin pour obtenir du Tylenol 3 parce qu'ils ont une petite douleur pendant une courte période de temps. Il existe de nombreux médicaments sans ordonnance que l'on peut utiliser à la place de certains des narcotiques qui sont prescrits très librement.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Seriez-vous d'accord par exemple avec une norme inscrite dans un processus où il y aurait une obligation de la part du pharmacien à indiquer les impacts et la dangerosité de certains médicaments pour le patient dans le cas d'abus? Vous allez peut-être me dire que cela se fait déjà, que cette norme obligatoire est déjà prévue. Je ne le sais pas et c'est pour cette raison que je pose la question. Seriez-vous d'accord pour qu'il y ait une norme obligeant le pharmacien à dire au patient: «Si vous prenez tel médicament, il y a tel danger associé à sa consommation»?

À  +-(1030)  

[Traduction]

+-

    Mme Shelley Stepanuik: Une des choses que j'ai intégrée à ma pratique, c'est que lorsque je vois un patient qui reçoit pour la première fois une substance pouvant faire l'objet d'un abus, je trouve du temps pour passer quelques minutes de plus avec lui pour lui dire de faire attention, que ce produit peut facilement entraîner une dépendance et que s'il en prend trop trop rapidement... Justement, je l'ai fait hier soir avec une dame qui s'est alors effondrée en larmes en me disant que son frère de 42 ans venait de mourir. On ne sait jamais vraiment pour quelles raisons quelqu'un se fait prescrire quelque chose, mais l'expression sur leur visage quand ils disent qu'ils n'avaient pas réalisés qu'ils pouvaient devenir dépendants, ça vaut le temps que j'ai pu leur consacrer. Je ne connais pas trop le côté obligatoire de tout cela. Je remplis mon obligation de fournir des conseils en leur disant cela, et je le fais généralement du mieux que je peux.

    Il vient un temps où on ne peut en dire plus, où dans notre travail quotidien de conseiller on ne peut que traiter les problèmes que l'on a devant soi pour cette ordonnance à ce moment précis, et cela devient un facteur de temps. Certains pharmaciens au pays ont commencé à mettre en oeuvre une nouvelle façon de travailler, et font des consultations de longue durée. C'est un service différent. Ils chargent quelque chose aux gens pour cela; ce n'est pas comme si je peux prendre une heure de ma journée, parce que cela signifie qu'il faudra qu'il y ait quelqu'un d'autre dans la pharmacie. C'est quand le pharmacien s'assoit pendant une heure et dit au patient, amenez tout ce que vous avez à la maison et nous examinerons tout cela. Et il passe tout un par un, ce qu'ils ont acheté à son magasin, ce qu'ils ont acheté à un autre magasin, ce qu'ils ont acheté au magasin d'aliments naturels. Et tous les produits sont évalués, jusqu'au point où le pharmacien peut dire, savez-vous au moins pourquoi vous prenez cela? Vous rappelez-vous à quoi sert ce produit-ci? Savez-vous que vous prenez celui-là parce que celui-ci provoque des effets secondaires? Souvent, ce genre d'examen peut avoir un gros impact sur les gens. Nous avons eu une dame il y a environ deux semaines qui prenait 15 médicaments dans sa boîtes à pilules chaque semaine et qui a réduit sa consammation à huit. C'est une incidence majeure.

    L'autre point que j'appuierais totalement, c'est de donner aux médecins la possibilité de facturer pour les consultations seulement. J'ai l'impression pour l'instant qu'ils sont pressés par le temps avec les gens, et qu'il faudrait qu'il y ait--je peux me tromper--une sorte de procédure pour que cela devienne du temps facturable. Laissons le médecin facturer pour 15 minutes de conversation seulement, parce que certaines personnes ont seulement besoin de parler.

    L'autre aspect qui pourrait avoir du mérite--et c'est un peu en dehors du travail des pharmaciens--c'est d'offrir les services d'un psychologue aux personnes qui ont besoin d'aide en raison d'un deuil ou qui ont commencé à prendre des anti-dépresseurs parce qu'elles traversent leur ménopause et qu'elles ne comprennent pas qu'elles sont simplement besoin de parler à quelqu'un. Ceux qui ne bénéficient pas d'un programme d'aide aux employés doivent payer ces consultations de leur poche. Beaucoup de personnes ne peuvent se l'offrir.

    Ces choses, je pense, pourraient aider à adoucir certains des problèmes qui surviennent quand les gens ne réalisent même pas qu'ils sont devenus dépendants d'une substance et que lorsqu'ils essaient d'arrêter, ils ressentent des symptômes de sevrage. C'est une façon différente de travailler. Pour ceux qui sont capables d'en profiter, c'est utile, mais ce n'est pas toujours le cas.

+-

    M. Jeff May: Les normes de pratique qui sont en place à l'échelle nationale, en plus des normes de chaque province, demandent au pharmacien d'éduquer le patient sur l'usage des médicaments, mais aussi sur les effets négatifs potentiels et sur la possibilité, comme l'a dit Shelley, de développer une dépendance en bout de ligne. Les exigences additionnelles en matière d'éducation portant sur les abus et mauvais usages sont, je pense, très bien couvertes dans les normes, mais ce qui est, selon moi, particulièrement important, c'est d'être conscient de ce qui se passe dans la collectivité. Il existe de multiples formes de mauvais usage de médicaments, sur ordonnance ou sans ordonnance, et il pourrait y avoir une meilleure collaboration, non seulement avec la collectivité médicale, mais aussi avec la police, pour savoir ce qui se passe dans la collectivité, et aussi avec tout autre professionnel de la santé concerné par le traitement des cas d'abus, de mauvais usage, de dépendance, de façon à ce que collectivement, les professionnels de la santé aient une meilleure compréhension des tendances en vigueur dans la collectivité, et aient aussi la possibiilté de communiquer. En étant sensibilisés à ces problèmes, les pharmaciens, je pense, seront bien placés pour traiter des problèmes que vous avez mentionnés.

À  +-(1035)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Lee.

+-

    M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Merci.

    Votre témoignage ici aujourd'hui a été très utile. C'est clair, vous êtes tous des professionnels représentant un morceau de ce que nous pourrions appeler le spectre des drogues. Le problème qui nous intéresse, c'est la personne qui a developpé une dépendance, la personne qui est déterminée à obtenir la substance qu'elle cherche, peu importe de quoi il s'agit.

    Ce que nous avons, c'est un système parsemé de trous. Vous avez souligné les différents détournements qui ont lieu. Nous ne les avons peut-être pas tous ciblés aujourd'hui, mais vous avez couvert la plupart d'entre eux. Il y a des tonnes de détournements, mais ce qui les cause, c'est la personne à la fin de la chaîne d'approvisionnement qui demande une drogue en particulier parce qu'elle y a développé une dépendance. En tant que professionnels, vous et vos collègues traitez avec la partie réglementée du spectre des drogues; nous n'avons pas encore parlé du marché noir. Nous ne pouvons pas fermer hermétiquement le système réglementé et le faire fonctionner, parce qu'il y a un consommateur qui, d'une façon ou d'une autre, va finir par mettre la main sur la drogue pour laquelle il a développé une dépendance.

    Vous avez fait certaines suggestions et je vais me faire un peu l'avocat du diable. Pourquoi devrais-je, en tant que législateur, détourner encore par millions les dollars des contribuables? Ou pourquoi devrais-je faire passer une loi qui forcerait les consommateurs à dépenser beaucoup d'autres millions de dollars à rafistoler, à colmater le système que nous avons actuellement quand, à la fin de la journée, même si nous avons réussi à colmater 99 p. 100 du système, il y a toujours ce 1 p. 100 que n'avons pas réussi à colmater, et qu'il y a toujours le marché noir qui va répondre à la personne qui veut avoir sa drogue, qu'il pleuve ou qu'il vente? Pourquoi dépenser plus d'argent pour des policiers et des inspecteurs et des systèmes et des ordinateurs et des bases de données? Ne pourrions-nous pas simplement trouver la personne qui a une dépendance et faire de notre mieux pour nous occuper de cette personne au sein du système de santé et alors dépenser plus d'argent sur l'éducation pour essayer d'empêcher les gens de développer des dépendances, comme vous y avez fait référence? Pourrais-je traiter la question du côté des drogues réglementées?

    La présidente : Monsieur Power.

+-

    M. Barry Power: En résumé, bon nombre de nos suggestions reviennent finalement à de la prévention. En investissant dans ces systèmes, on empêcherait certains de devenir des toxicomanes ou de développer une dépendance à l'égard de médicaments d'ordonnance. Il y a toujours eu des toxicomanes, et il y en aura probablement toujours, et ils sont prêts à tout pour obtenir la drogue ou le médicament responsable de leur dépendance. Même le meilleur système du monde a des failles, et les vrais toxicomanes trouveront toujours le moyen de les exploiter.

    Je vois ça comme un ensemble. La prévention peut être mise en oeuvre à diverses étapes. Beaucoup de nos suggestions visent en partie à réagir à des situations. Elles mettront des bâtons dans les roues de certains toxicomanes, et elles devraient aussi contribuer à empêcher des personnes à risque de devenir toxicomanes.

+-

    Mme Barbara Wells: J'aimerais ajouter que le système dans lequel nous évoluons, malgré ses lacunes, permet au pharmacien de détecter les abus et les toxicomanies et de diriger les personnes qui ont besoin d'aide vers les ressources appropriées. Il donne la possibilité non seulement de faire de la prévention, mais aussi de détecter les problèmes.

+-

    Mme Shelley Stepanuik: Puis-je faire un commentaire? Je pense qu'il est important de dire que les toxicomanes ne sont pas toujours ceux auxquels on pense. Nous avons tous entendu parler de gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, qui souffrent d'un handicap quelconque et qui ne font que tirer parti du système. Ils sont tombés dans le piège. Ils ont appris à vivre avec ça. Ils doivent nourrir leur dépendance. La plupart des toxicomanes que nous rencontrons sont des personnes âgées. Elles disent n'avoir aucune dépendance, mais elles ne peuvent plus se passer de leurs somnifères. Elles ne considèrent pas cela comme une dépendance, parce qu'elles ne comprennent pas exactement de quoi il s'agit. Dans bien des cas, tout a commencé par un épisode dépressif au cours duquel on leur a prescrit une pilule pour dormir. Cette ordonnance aurait dû être temporaire, mais les gens s'habituent vite à dormir sans problème, aussi ils ne peuvent plus s'en passer. Voilà un aspect de la question.

    À mon avis, la plupart des gens qui abusent ignorent qu'ils ont un problème. Ils ne pensent pas avoir une dépendance, aussi il est difficile de les amener à discuter des moyens de corriger la situation puisqu'ils ne voient pas où est le problème. Ils ne comprennent pas que le Tylenol 3 qu'ils ont pris entraîne de la somnolence et que c'est la raison pour laquelle ils sont tombés et se sont retrouvés à l'hôpital. Il y a de l'éducation à faire.

    Je pense que la prévention peut jouer un rôle important, c'est pourquoi je suis très favorable à l'idée que les médecins discutent avec leurs patients avant de leur prescrire un médicament qui comporte un risque de dépendance, selon la personnalité du patient.

À  +-(1040)  

+-

    M. Derek Lee: Je serais ravi qu'il y ait des professionnels tels que vous dans toutes les pharmacies et les compagnies pharmaceutiques. Ce serait vraiment utile, mais nous ne réussirons pas à mettre des gens comme vous partout. Nous allons nous retrouver avec une tranche de la société. Mme Stepaniuk vient de nous décrire des gens qui n'entrent pas dans la catégorie de ceux qui font une consommation non médicale des drogues; il s'agit seulement de personnes âgées qui ont une dépendance à l'égard de somnifères. Pardonnez-moi si je n'ai pas saisi le paradigme exactement d'un point de vue technique, mais il s'agit là d'une consommation médicale de drogues ou de médicaments. Peut-être d'une consommation inappropriée, mais d'une consommation médicale tout de même.

    Cet aspect de la question ne nous concerne pas directement. Je crois que ce qui est en jeu ici, c'est plutôt l'aspect éducatif, qui est un élément de la prévention qui relève de la gestion que la société entend faire des drogues et médicaments, de l'alcool à la nicotine, en passant par les somnifères, et par tous les produits licites et illicites--dans la mesure où nous décidons qu'ils sont toujours illicites--voilà plutôt la question qui nous occupe.

    Vous voyez la nécessité d'éduquer les professionnels avec lesquels vous travaillez, ou du moins je pense que vous voyez le problème. Est-ce que vos organisations professionnelles sont en mesure de relever le défi qui consiste à éduquer vos membres, c'est-à-dire à assumer votre part des interventions, ou pensez-vous avoir besoin de l'aide du gouvernement pour le faire? Avez-vous besoin de la mise en place d'une réglementation provinciale ou fédérale plus rigoureuse pour obtenir la collaboration des professionnels avec lesquels vous travaillez afin qu'ils soient mieux sensibilisés et qu'ils suivent une «formation continue» ou alors qu'ils se recyclent afin d'offrir des services de meilleure qualité à leur clientèle?

+-

    M. Jeff May: Je pense que les organisations pharmaceutiques de tout le pays, qu'il s'agisse d'organismes de réglementation ou de groupes de défense, participent activement aux programmes d'éducation des pharmaciens en tout genre. Nous avons toujours eu des programmes qui portaient sur la consommation de drogues et médicaments dans la rue, la sensibilisation aux problèmes et la consommation non médicale de drogues et de médicaments. Je pense que les problèmes dont vous venez de nous faire part ne nécessitent pas une éducation de base, mais plutôt une sensibilisation à ce qui se passe vraiment dans la collectivité.

    J'ai parlé tout à l'heure de la nécessité de renforcer la communication entre les professionnels de la santé qui se spécialisent dans le traitement des toxicomanies. Ainsi, plutôt que de nous concentrer sur la simple consommation médicale de drogues et de médicaments et sur l'éducation des patients relativement à ce qu'il faut faire ou ne pas faire, nous renchérissons sur les commentaires de Barbara qui disait que nous nous trouvons à l'extrémité ultime de l'approvisionnement, c'est-à-dire que c'est nous finalement qui remettons les drogues et médicaments aux patients. Nous avons donc la possibilité d'intervenir. La sensibilisation, les problèmes de la collectivité, doivent être mieux compris, je pense, parce que les professionnels ne les voient pas tous du même oeil, mais nous sentons une volonté et une capacité d'offrir des programmes éducatifs aux professionnels dans le cadre de l'actuel système pharmaceutique. Il existe déjà de nombreux exemples d'activités de ce genre partout au Canada. À mon avis, la volonté existe ainsi que la capacité d'offrir ces programmes. Il s'agit d'améliorer la sensibilisation aux problèmes.

+-

    M. Barry Power: L'Association des pharmaciens du Canada élabore actuellement un programme visant à sensibiliser davantage les pharmaciens à diverses techniques de détournement des médicaments. Nous collaborons avec une société pharmaceutique qui fabrique bon nombre de narcotiques. Cette société a tout intérêt à ce que ses produits soient utilisés de façon appropriée.

    Les programmes existent. Mais la toxicomanie et le détournement de médicaments ne sont pas nécessairement les cours de formation continue les plus courus, parce que beaucoup de pharmaciens ne considèrent pas qu'il s'agit d'un véritable problème. À mon avis, la première chose à faire est de sensibiliser davantage les professionnels de la santé au problème sur lequel vous vous êtes penchés.

À  +-(1045)  

+-

    Mme Shelley Stepanuik: Puis-je faire un dernier commentaire? En tant que pharmaciens, nous ne pouvons pas faire grand'chose lorsqu'un client nous présente une ordonnance en bonne et due forme; nous faisons tout notre possible. Je ne veux pas que l'on pense que je suis contre les médecins, parce que c'est faux, mais il est vrai que certains sont beaucoup plus laxistes que d'autres quand il s'agit de prescrire certaines drogues ou certains médicaments. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'inspection est une si bonne chose, parce que nous ne pouvons pas signaler le problème à quiconque sans créer une situation désastreuse au sein d'une petite collectivité en disant: «Ce médecin représente un problème. Pourriez-vous jeter un coup d'oeil?»

    J'ignore exactement ce qu'il faut faire, si ce n'est qu'il revient au médecin de prescrire le médicament et qu'il est à espérer qu'il possède un dossier de ses ordonnances, de semaine en semaine ou de mois en mois, selon la fréquence avec laquelle il voit un patient. Un patient peut obtenir une ordonnance normale auprès d'un médecin et se rendre ensuite à la clinique d'urgence pour en obtenir davantage. Nous pouvons communiquer avec le médecin d'urgence--nous le faisons chaque fin de semaine--et lui dire, «Saviez-vous que ce patient a obtenu la même prescription il y a deux jours et qu'il a 50 comprimés en mains?» La plupart du temps, le médecin de l'urgence dira, «N'exécutez pas l'ordonnance. Le patient a reçu la quantité de médicament qu'il lui fallait, il n'a pas besoin d'en recevoir davantage. Donnez-lui l'antibiotique ou l'autre médicament, mais ne lui remettez pas le médicament antidouleur.»

    Nous intervenons et nous le faisons souvent lorsque nous en avons connaissance, mais finalement il s'agit d'un cas où le médecin de la clinique d'urgence ignore quelles sont les habitudes de consommation régulières du patient.

    J'aimerais que les médecins en fassent davantage. Je ne sais pas exactement quoi. Je sais que dans notre collectivité, les médecins qui utilisent un système de rédaction d'ordonnances par voie électronique ont une meilleure idée de ce qui sort de leur cabinet chaque jour, probablement parce qu'ils consignent au dossier au fur et à mesure plutôt que d'accumuler des papiers. J'ignore à quelle fréquence ces dossiers doivent être mis à jour ou le sont véritablement dans un cabinet, mais tous les pharmaciens connaissent le ou les médecins qui représentent un problème. Nous ne pouvons pas faire grand'chose sauf dans les cas où l'assurance-médicaments impose des restrictions pour un certain médicament. Dans ces cas, c'est pour nous un soulagement de tenir enfin une bonne raison pour expliquer au patient pourquoi il ne peut obtenir ce médicament. Parce que la plupart du temps, ils ne peuvent se l'offrir, mais ce n'est pas une raison suffisante pour empêcher quiconque. C'est seulement une partie de la réponse, une toute petite partie.

+-

    La présidente: Avant de passer à Mme Allard, quelle est la marche à suivre? À ce point, la personne souffre d'une addiction. Nous avons entendu parler de personnes en Nouvelle-Écosse ayant obtenu une ordonnance pour un médicament antidouleur pendant leur hospitalisation, sans doute parce que ce médicament était le moins coûteux tout en étant extrêmement efficace. Ces personnes avaient obtenu leur congé de l'hôpital un samedi et avaient eu le temps de développer une dépendance. Pour parler franchement, ces personnes ont besoin de quelque chose pour faire la transition; de ne pas exécuter l'ordonnance n'est pas nécessairement la bonne chose à faire. Diriger ces gens vers des ressources en mesure de définir le problème et de gérer ce qui est devenu une dépendance me semble une meilleure approche.

    Dans le cas qui nous a été raconté et qui s'est déroulé en Nouvelle-Écosse, dès le lundi, le type était de retour à la clinique d'urgence et on lui avait dit : «Il doit y avoir un problème avec votre chirurgie, vous semblez beaucoup souffrir, nous allons vous redonner ce médicament», alors qu'en réalité il s'agissait de simples symptômes de sevrage--et pas simples en vérité, parce que ces symptômes sont très éprouvants. Donc, il s'agit de cet homme qui suivait un programme de maintien à la méthadone. Sept années plus tard, il avait développé la vilaine habitude de se faire des injections, une hépatite C et Dieu sait quoi encore.

    Comment répartir les responsabilités entre vous et les médecins? Qui devrait être chargé de dire: «Nous allons gérer votre douleur. Essayons de comprendre ce qui se passe. Il est inutile que vous attendiez six mois pour avoir accès au programme de maintien remboursé par l'université. Essayons de voir comment nous pourrions régler ce problème»? Y a-t-il quelque chose à faire?

+-

    Mme Shelley Stepanuik: Les patients doivent éprouver le désir de changer, et je dois avouer que parfois, ils s'en fichent. La douleur dont ils souffrent est celle du sevrage; c'est tout. Dans certains cas, ils seraient heureux d'obtenir de l'aide. Dans d'autres, ils veulent seulement éviter d'avoir à subir cette douleur du sevrage. Il est probable qu'au départ, la douleur était bien réelle, mais c'est de là qu'origine leur problème. Peut-être qu'ils avaient des soucis financiers, des problèmes dans leur vie sociale ou personnelle, mais peu importe quel est le problème, il ne fait qu'alimenter ce besoin pour les médicaments antidouleur, soit pour masquer la douleur ou pour l'oublier durant un certain temps.

À  +-(1050)  

+-

    La présidente: Aussi, au bout d'un certain temps, ils commenceront à avoir tous ces autres problèmes qui découlent de leur dépendance.

+-

    Shelley Stepanuik: C'est effectivement un cercle très vicieux. Si nous pouvions intervenir dès le début, ce serait formidable. Parce que ces gens reviennent semaine après semaine. Leurs médecins exigent qu'ils se présentent chaque semaine parce que c'est un moyen de contrôler la quantité de médicaments absorbée. Cela ne les empêche pas de se rendre dans les cliniques d'urgence et de demander d'autres médicaments, mais du moins cela permet aux médecins d'exercer un certain contrôle. C'est une très bonne question.

+-

    La présidente: Carole-Marie.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Je veux remercier tout le monde; ce n'est pas évident au mois d'août, même pour nous.

    Mme Stepanuik, je trouve très rafraîchissant de vous entendre et je pense que vos propos aujourd'hui me rassurent beaucoup sur votre implication sociale dans vos milieux. Alors ne lâchez pas, c'est très bien.

    Je voudrais quand même m'attarder sur un point un peu plus large. Vous avez mentionné la banque de données qui serait nécessaire et vous dites qu'elle existe en Colombie-Britannique et au Manitoba. Vous avez parlé également d'inspecteurs qui pourraient avoir une sorte de contrôle sur le dossier, pour voir quels sont les médecins qui prescrivent trop de médicaments.

    Est-ce qu'il n'y a pas une troisième composante qui serait de procurer au pharmacien le dossier du patient, ce qui lui donnerait un portrait complet de la personne qui est devant lui? Comment voyez-vous l'arrivée du dossier du patient dans une démarche visant à fournir un meilleur traitement aux gens qui se présentent en pharmacie? Regardez-vous l'impact à moyen terme de l'arrivée d'un dossier d'un patient sur une carte à puce, par exemple? Est-ce que vous vous préparez dans ce sens-là?

[Traduction]

+-

    Mme Shelley Stepanuik: Au Manitoba, lorsque nous pouvions consulter le dossier d'un patient, la plupart du temps, nous lui disions directement qu'il avait fait remplir l'ordonnance trois jours auparavant. Parfois, le patient discutait, parfois non. Lorsqu'il n'argumentait pas, nous lui demandions ensuite comment on lui avait dit de prendre ce médicament. Ensuite, nous pouvions alors déterminer s'il était trop tôt pour renouveler l'ordonnance ou s'il y avait une raison légitime de le faire. Naturellement, le patient ne va pas nous dire qu'il a donné la moitié de ses médicaments à son frère ou à sa soeur et que c'est la raison pour laquelle il lui en faut d'autres. Il ne va pas nous dire non plus qu'il a dépassé la dose prescrite par le médecin parce que, en toute sincérité, ce dernier ne sait pas ce qui s'est passé, mais le patient lui le sait très bien. Donc, notre seul moyen d'intervenir consistait à les interroger et, dans certains cas, à les empêcher d'obtenir le médicament ce jour-là en particulier.

    Mais cette façon de faire a ses limites et comporte des risques. Des pharmaciens ne veulent pas poser ces questions parce qu'ils redoutent d'avoir à refuser d'exécuter une ordonnance. Ce procédé permet surtout de voir que le même médicament est prescrit. Nous sommes mieux placés pour aider les patients lorsqu'un médicament différent est prescrit, parce qu'alors nous pouvons parfois le mettre en garde et lui dire qu'il s'agit de la même chose. Parfois, ce n'est même pas un narcotique, c'est un anti-inflammatoire et le patient obtient la même ordonnance en double. S'il la prenait, il se retrouverait avec un ulcère en moins de trois jours. Avec cette information, nous pouvons intervenir et prévenir le patient qu'il se prépare à prendre un médicament qui est exactement la même chose que ce que l'autre médecin lui a prescrit. Nous avons été à même de constater l'importance d'avoir accès à cette information.

    Nous effectuons la vérification du profil du client sur-le-champ dans nos pharmacies respectives, mais nous ne pouvons faire ces vérifications que dans nos propres établissements, nous n'avons pas accès à tous les autres.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: J'imagine que ma question va encore plus loin; c'est la possibilité pour chaque Canadien d'avoir sur lui une carte à puce qui contiendrait tous les diagnostiques de ses maladie. Alors, il arrive à la pharmacie et on pourrait lire le diagnostique du médecin qui dit que cette personne-là souffre d'une hernie discale. Le pharmacien peut donc tout de suite avoir un meilleur portrait du patient.

    Est-ce que c'est quelque chose qui vous aiderait? Vous avez parlé de la banque de données et de l'inspecteur, mais ce serait encore davantage pour la sécurité de la personne qui se présente en pharmacie.

    Est-ce que vous avez considéré cette possibilité?

À  +-(1055)  

[Traduction]

+-

    M. Jeff May: Depuis plusieurs années, l'échange d'information en matière de soins de santé fait l'objet de discussions au Canada. L'une de nos principales doléances tient au fait que l'on ne puisse prendre connaissance du diagnostic ou de l'objectif du traitement visé à l'aide d'un produit particulier ou encore comprendre d'autres détails ayant trait aux soins à donner à la personne, particulièrement s'il s'agit d'un cas de gestion de la douleur ou encore de toxicomanie véritable.

    L'information en matière de soins de santé est, à bien des égards, cloisonnée, dépendant de là où vous vous situez à l'intérieur du système. Traditionnellement, c'est le médecin qui joue le rôle d'un ange gardien, mais le public ayant des représentants à l'échelle du système de soins de santé, l'information se retrouve disséminée un peu partout. Les autorités en matière de réglementation ont déterminé que les pharmaciens devraient avoir accès à cette information afin d'offrir la qualité de soins dont ils se réclament dans le cadre de leurs normes de pratique, afin précisément d'améliorer cette dernière.

    Par conséquent, nous sommes tout à fait en faveur d'un système qui permettrait aux pharmaciens non seulement de connaître les objectifs de traitement, mais potentiellement, les résultats du laboratoire ainsi que d'autres aspects subtils des soins au patient ayant trait au problème dont nous discutons aujourd'hui. Nous pourrions également apporter notre contribution au système de soins de santé sous la forme d'une liste des traitements ou des drogues ou médicaments qui ont été délivrés et des échanges qui ont eu lieu entre le pharmacien et le patient au sujet de la consommation appropriée d'une drogue ou d'un médicament, mais aussi de l'éventualité d'un abus de drogue ou de médicament ou d'autres signes avant-coureurs.

    Wellnet, le réseau d'information pharmaceutique en Alberta, comporte bon nombre des caractéristiques que vous venez d'énumérer. Il ne manque que la bonne volonté et la capacité d'accès à la technologie pour aller de l'avant. Vous venez de décrire une étape positive qui devrait permettre aux pharmaciens de contribuer plus étroitement à la solution des problèmes dont nous venons de discuter. Aussi, peu importe la contribution que nous pouvons offrir à ce réseau national des soins de santé, qu'il s'agisse d'une carte à puce ou d'une base de données, nous sommes prêts à offrir ce soutien sans réserve, non seulement aux provinces, mais aussi à l'administration fédérale.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Merci beaucoup.

[Traduction]

+-

    La présidente: Je trouve intéressant que deux ou trois des provinces dans lesquelles vous avez exercé, madame Stepanuik, soient dotées de très bons systèmes. En ce qui concerne le Canada atlantique--et je ne reproche rien au Canada atlantique en particulier--mais j'ai été choquée de constater que les questions de confidentialité avaient pris une telle ampleur que l'on avait négligé de mettre ces systèmes en réseau. Vous avez expliqué que les pharmaciens appelaient deux personnes, puis deux autres et encore deux autres, ce qui me semble un réseau assez informel et pas très sûr pour échanger des renseignements personnels. Je préférerais voir la mise en place d'un système doté de mécanismes de régulation, afin d'empêcher que vous ayez recours à votre voisin parce que vous êtes fâché ou quelque chose du genre, donc un processus plus légitime.

    Est-ce que les choses évoluent? Est-ce que les provinces emboîtent le pas? Pouvons-nous nous attendre à ce que toutes les provinces soient dotées d'un réseau quelconque d'ici six mois? Ou bien devons-nous abandonner cette idée?

+-

    M. Jeff May: Nous avons constaté des progrès dans les discussions entre les provinces en ce qui concerne les réseaux. Il existe notamment une collaboration en matière d'information sur les soins de santé dans l'Ouest. Les provinces de l'Atlantique se penchent sur la question. Il y a également des discussions qui se tiennent au Québec et en Ontario en ce qui concerne l'intégration des réseaux. Les pharmacies se sont toujours dotées d'une solide base technique, notamment en ce qui a trait aux systèmes de paiement des ordonnances. Nous avons une infrastructure qui permet de passer rapidement à un niveau supérieur.

    Selon moi, la volonté existe, ce qui manque, c'est peut-être la capacité d'adopter et de payer la technologie de mise en réseau des systèmes. J'aimerais bien pouvoir vous dire que nous pourrions adopter ces systèmes d'ici six mois ou un an. Malheureusement, j'ignore la réponse à cette question, parce que plusieurs intervenants sont en cause. Mais nos membres et les autorités chargées de la réglementation, en collaboration avec d'autres professionnels de la santé, discutent avec ces groupes afin d'établir les besoins en matière de soins et de protection des patients.

Á  +-(1100)  

+-

    La présidente: Madame Stepanuik.

+-

    Mme Shelley Stepanuik: En Saskatchewan, le réseau était un peu désuet. Aussi, en 2000, nous avons dû le démanteler, afin de repartir à zéro. En effet, en 2000, tous les systèmes ont adopté Windows à l'échelle de la province. Cette décision s'est révélée très coûteuse pour les pharmaciens, mais elle revêtait un caractère obligatoire et tout le monde a dû emboîter le pas. Si vous n'avez pas parlé avec les autorités de la province de la Saskatchewan au sujet de leur système, je pense que cela en vaudrait la peine.

    L'intégration comprenait en partie le courrier électronique entre les pharmacies, non pas dans le but de diffuser l'information, mais plutôt pour le transfert de fichiers ou d'autres documents. L'autre composante que l'on s'efforçait d'intégrer visait à permettre aux hôpitaux de consulter une partie de l'information. On a beaucoup discuté par exemple du fait que les hôpitaux avaient accès à l'assurance-médicaments, ce qui leur permettait de prendre connaissance du profil complet du patient, tandis que les pharmacies n'avaient pas accès au diagnostic. Donc, ce n'était pas un échange équilibré, il était un peu à sens unique.

    Je parle de l'étape du projet pilote qui remonte à un an ou deux. J'ignore où l'on en est depuis, mais chose certaine, la fonction relative à l'information est en place et la Saskatchewan est une province assez petite pour que l'on ait réussi à recruter le petit nombre d'établissements qui font partie du réseau. Il n'y a que le régime d'assurance-médicaments de la province qui soit doté de la base de données complète et il est impossible d'y avoir accès dans la province, à moins de passer par un hôpital ou un établissement semblable. Je vous suggère de leur en parler, si vous ne l'avez pas encore fait.

+-

    La présidente: Nous allons également entendre parler des produits grand public, mais il me semble qu'il existe un énorme potentiel d'interactions négatives, les antihistaminiques, Robaxacet, Gravol--apparemment, le Gravol est une drogue très populaire dans les soirées. Vous pouvez vous procurer ces substances sans problème, sans avoir à parler avec un pharmacien. Bien entendu, si vous suivez déjà un traitement à base de médicaments d'ordonnance et que vous prenez l'un de ces médicaments, vous pouvez éprouver des réactions négatives.

    Bien sûr, il y a aussi tous ceux et celles qui consomment des drogues illicites et qui les mélangent avec les médicaments prescrits. Est-ce que les pharmaciens discutent entre eux de la manière d'informer ces gens que tel médicament ne fait pas nécessairement bon ménage avec la marijuana? De toute évidence, les gens parlent ouvertement de l'alcool et des drogues licites, mais il n'est jamais question des drogues illicites. Aussi, lorsqu'une personne se présente pour faire exécuter une ordonnance et qu'elle veut obtenir la totalité des médicaments, vous pourriez dire, attention, le Tylenol et le Gravol ne vont pas bien ensemble. Existe-t-il un processus permettant d'encourager les clients à aborder ce genre de réactions et d'interréactions?

+-

    Mme Shelley Stepanuik: Lorsque nous le pouvons, nous le faisons. En effet, si nous voyons quelqu'un prendre un somnifère en vente libre et que nous savons très bien que cela peut devenir potentiellement dangereux, nous abordons la question, mais c'est vraiment au hasard. Un ancien membre de l'ACSP qui travaille dans un établissement situé sur un campus me racontait comment un client s'était présenté à lui et que le pharmacien lui avait demandé s'il prenait d'autres médicaments. Et le client lui avait répondu, oui, je consomme de l'ecstasy une fois ou deux par semaine. En disant cela, il se préparait à prendre un antidépresseur. Le pharmacien a été tellement frappé de la sincérité de ce type qu'il a été capable de lui parler et de lui expliquer ce qui risquait de se produire s'il continuait à prendre le médicament d'ordonnance et l'autre drogue--il lui a demandé ensuite s'il était bien sûr de vouloir continuer à prendre de l'ecstasy. C'est un épisode intéressant parce qu'il est très rare qu'une personne avoue cela directement. J'ai demandé une fois à un monsieur s'il souffrait d'allergies médicamenteuses, et il m'a répondu, non, tous me conviennent très bien. En face de telles personnes, vous savez que vous pourriez aller un peu plus loin, mais à mon avis la plupart des gens n'ont pas envie de donner ce genre d'information de leur propre gré.

+-

    La présidente: La plupart des gens n'admettent pas vraiment qu'ils prennent des drogues. Ces médicaments leur sont prescrits par un médecin, ils sont joliment présentés, aussi ils doivent être bons pour eux.

    Docteur Power et puis madame Wells.

+-

    M. Barry Power: Dans quelques localités où j'ai travaillé et où la consommation de Gravol était un problème, même si ce médicament était en vente libre et accessible au grand public, nous avons décidé, en tant que pharmaciens, de le mettre derrière le comptoir, afin que les clients doivent nous le demander. Dans l'établissement où je travaillais, nous avons aussi décidé de cesser de vendre le Gravol en grand format et de n'offrir que les petites doses. Nous avons continué de délivrer le Gravol grand format aux clients de notre connaissance qui en faisaient une consommation licite, mais aux autres, nous n'offrions que le Gravol en petit format. Est-ce que ça a réglé le problème complètement? Non, pas vraiment. Mais nous sommes convaincus d'avoir réussi à réduire les abus de Gravol chez les étudiants du secondaire. Il faudrait faire l'éducation massive de ces étudiants concernant les dangers potentiels des drogues ou des médicaments, qu'ils soient prescrits ou non.

Á  +-(1105)  

+-

    Mme Barbara Wells: Je voudrais seulement revenir sur le fait que notre système de mise sous contrôle est conçu de manière à faciliter les échanges entre le pharmacien et le consommateur. Vous avez mentionné des médicaments comme Robaxacet et Gravol, et ainsi de suite. Ces médicaments doivent être conservés sous l'oeil vigilant du pharmacien. Ces mesures visent à faciliter le genre de conversation dont Barry nous a parlé.

+-

    La présidente: Au nom de tous les membres du Comité, je vous remercie d'être venus témoigner devant nous aujourd'hui ainsi que du travail que vous accomplissez dans vos collectivités respectives. Je pose toujours des questions à mon pharmacien parce qu'il sait beaucoup de choses. J'espère que davantage de Canadiens m'imiteront parce qu'il est vrai que vous possédez un énorme bagage de connaissances et que vous pouvez le communiquer. Merci beaucoup.

    Je lève la séance pour quelques minutes afin d'accueillir les prochains témoins.

Á  +-(1106)  


Á  +-(1114)  

+-

    La présidente: Nous reprenons nos travaux.

     Nos prochains témoins sont des représentants de Purdue Pharma. Nous accueillons le Dr Andrew Darke, vice-président aux Affaires scientifiques et Kathryn Raymond, directrice Formation en soins de santé. J'ai le plaisir d'informer les membres du Comité que la société Purdue a également invité le Dr Roman Jovey, auteur de Gestion de la douleur. Le docteur Jovey est prêt à répondre à vos questions.

    Je pense que vous nous avez distribué des diapositives.

    Vous êtes les bienvenus. Je vous cède la parole.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Andrew Darke, PhD (vice-président, Purdue Pharma): Merci, Madame la Présidente et membres du Comité, de nous avoir invités à participer à vos travaux. Vous nous avez demandé de vous parler plus particulièrement de l'OxyContin et bien entendu, nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de le faire. En effet, les médias parlent beaucoup de l'abus de l'OxyContin, et c'est un sujet de grande inquiétude pour notre entreprise. Naturellement, lorsque les journaux décrivent les conséquences désastreuses qui résultent de l'abus de drogues ou de médicaments, y compris les nôtres, nous nous sentons concernés et nous voulons corriger la situation.

    Comme vous l'avez dit, je suis responsable des Affaires scientifiques et je suis accompagné de la responsable de la Formation en soins de santé, Kathryn Raymond.

    Même si nous avons l'intention de nous concentrer sur l'OxyContin, j'aimerais néanmoins vous donner un aperçu des activités de Purdue Pharma en matière de recherche et développement dans le domaine des analgésiques. Ces activités ont commencé dans les années 80 et ont atteint leur apogée en 1986 avec l'arrivée sur le marché du MS Contin.

    Je pense que l'on peut dire qu'à cette époque, la profession médicale était en pleine évolution pour ce qui est de la manière dont les patients atteints de cancer en phase terminale étaient traités; de déterminer si leur douleur était gérée convenablement ou non; et, de fait, pour définir leur droit de voir leur douleur gérée adéquatement. Nous sommes persuadés que l'arrivée du MS Contin à cette époque a contribué de façon marquée à ce qui était essentiellement une révolution des soins palliatifs qui s'était amorcée dans les années 80 et qui s'est poursuivie jusque dans les années 90. Il y a eu des poussées majeures dans le traitement des patients en phase terminale qui souffrent.

    Pour aborder plus précisément la question de l'OxyContin, il est démontré que des formes de douleur extrêmes peuvent exister en l'absence de cancer. À titre d'exemple, l'Association internationale pour l'étude de la douleur a tenu son congrès annuel à San Diego la semaine dernière. Lors de la conférence, deux neurologues canadiens qui sont à l'avant-garde de la recherche dans le traitement de la douleur ont fait une présentation.

    Ils ont expliqué que des patients atteints d'une neuropathie diabétique douloureuse étaient traités avec de l'OxyContin. Le diabète est une maladie qui peut causer de la douleur en raison de l'influence de l'hyperglycémie sur les terminaisons nerveuses. Cette hyperglycémie cause des dommages aux nerfs et cela peut entraîner une douleur assez désagréable que certains décrivent comme une sensation de brûlure. D'autres expliquent que cette douleur peut survenir même à la suite d'un simple effleurement.

    C'est une douleur que l'on n'a pas véritablement réussi à bien traiter jusqu'à maintenant. En fait, on pensait que les opiacés n'étaient pas particulièrement efficaces dans le traitement de la douleur non cancéreuse. L'étude qui a été présentée lors du congrès international sur la douleur était financée par Purdue. Elle a démontré que l'OxyContin est en réalité très efficace dans le traitement de cette douleur. Ce sont des études de ce genre, que notre entreprise finance depuis 10 ou 15 ans qui, à mon avis, constituent la base de la recherche nous permettant de comprendre le traitement de la douleur cancéreuse et non cancéreuse.

    Pour donner plus de précisions sur l'OxyContin, ce médicament est une formulation à libération contrôlée d'oxycodone pour le traitement de la douleur. L'OxyContin est notre marque de commerce, si vous voulez. Le nom générique pour le médicament actif qu'il contient est l'oxycodone et c'est une distinction qu'il convient d'établir. Il arrive souvent que les médias confondent les deux termes, et on n'est jamais certains s'ils veulent parler du produit appelé OxyContin ou d'autres formes d'oxycodone. Les formes les plus courantes d'oxycodone se retrouvent sous l'appellation Oxycocet ou Percocet, par exemple.

    L'oxycodone est un opiacé semi-synthétique dont la structure et les propriétés chimiques sont semblables à celles de la morphine, de l'hydromorphone et de la codéine. De fait, les différences dans la structure chimique de ces médicaments sont très minimes.

Á  +-(1120)  

    Ces médicaments s'apparentent également à d'autres comme le Demerol dont vous avez peut-être entendu parler, qui est une mépéridine. Ils sont aussi semblables au fentanyl qui est une formulation transdermique, le Duragesic. Tous ces médicaments possèdent des propriétés semblables pour ce qui est des effets, à la fois sur la douleur et sur les autres systèmes de l'organisme.

    Les formulations à libération contrôlée--et l'OxyContin en est une, comme je l'ai déjà mentionné--contiennent un agent actif, le médicament actif, de même que divers autres ingrédients qui ralentissent la libération du médicament dans le comprimé, ou la vitesse avec laquelle le médicament est libéré du comprimé. Le graphique que j'ai inclus dans mon exposé vous explique ce que je veux dire par le ralentissement de la libération du médicament du comprimé. Il y a deux lignes sur ce graphique. La ligne qui correspond à un losange représente les concentrations d'oxycodone dans le sang après une seule dose d'OxyContin. L'autre ligne représente les concentrations au fil du temps--soit une période de 12 heures--d'oxycodone dans le sang après deux doses, ce qui correspond aux deux pics que vous voyez, d'une formulation à libération immédiate ou non contrôlée d'oxycodone. Aussi, lorsque nous parlons du ralentissement de la libération du médicament dans le comprimé, nous parlons en réalité du ralentissement de la vitesse avec laquelle le médicament est absorbé par l'organisme et de la période de temps durant laquelle on prolonge la présence de niveaux actifs du médicament dans le sang.

    En ce qui concerne la question de l'abus des opiacés et de la dépendance, j'ai fait quelques remarques assez générales. Tous les opiacés sont dotés de propriétés analgésiques et ont un potentiel de toxicomanie. Cela est vrai aussi pour la morphine. C'est la même chose pour l'oxycodone, la codéine et le fentanyl. Tous ces médicaments ayant les propriétés analgésiques des opiacés comportent un potentiel de toxicomanie.

    Toutefois, chez les patients dont la douleur légitime est traitée avec des opiacés, l'incidence de toxicomanie est faible. Certaines études ont démontré qu'ils représentent une fraction de 1 p. 100, en fait, mais les autorités reconnaîtraient probablement que l'incidence de la dépendance chez les patients dont la douleur est légitime et qui sont traités avec des opiacés n'est probablement pas plus élevée que dans la population en général, soit autour de 6 pour 100, selon les données que nous avons consultées.

    Le problème avec l'abus des formulations à libération contrôlée, et plus particulièrement de l'OxyContin, ou de toute autre formulation à libération contrôlée que nous fabriquons ou qui sont offertes par d'autres, est que la méthode privilégiée d'abus consiste souvent à écraser les comprimés puis à les avaler, les inhaler par le nez ou à se les injecter après avoir essayé de les dissoudre. Cette façon de faire est dangereuse pour deux raisons, et particulièrement lorsque la drogue est administrée par injection intraveineuse.

    C'est dangereux parce que en l'écrasant, on détruit en quelque sorte la structure du comprimé qui en réalité contrôle la vitesse avec laquelle le médicament est libéré. Si on écrase le comprimé avant de l'avaler, la drogue est absorbée beaucoup plus rapidement et les concentrations dans le sang sont plus élevées. De même, si on injecte la drogue, de toute évidence on obtient une augmentation très rapide des concentrations dans le sang et dans le cerveau ce qui, bien entendu, est l'effet recherché par les toxicomanes endurcis qui préfèrent se l'administrer par intraveineuse.

    Non seulement la concentration de la drogue dans le sang représente un danger important pour la santé, mais, et tout particulièrement avec les formulations à libération contrôlée, un certain nombre d'ingrédients qui sont utilisés pour contrôler la vitesse avec laquelle le médicament est libéré du comprimé sont insolubles, aussi il y a un risque d'injecter des particules de matière avec la drogue proprement dite. Des pathologies ont été identifiées en association avec des ingrédients insolubles présents dans ces comprimés et qui ont été injectés durant la consommation abusive de cette drogue.

    Pour vous donner une idée de la consommation et de l'abus des drogues et médicaments au Canada, nous avons établi un tableau qui montre le nombre d'ordonnances d'analgésiques au Canada l'année dernière jusqu'en mars de cette année. Je me servirai de ce tableau à titre d'information de base pour une discussion que nous allons sans doute poursuivre plus avant en ce qui concerne l'ampleur de l'abus des divers opiacés.

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    Vous voyez qu'en 2002, on a exécuté près de 12 millions d'ordonnances durant l'année pour toutes les préparations opiacées, dont environ 60 p. 100 sont constituées par des formulations de codéine, souvent en combinaison avec de l'acétaminophène. Le nom de produit le plus courant que vous connaissez sans doute est le Tylenol 3. Les combinaisons d'oxycodone et d'acétaminophène représentent entre 11 et 12 p. 100 de la totalité des ordonnances. Il s'agit de combinaisons dont la libération n'est pas contrôlée, aussi elles diffèrent de l'OxyContin à cet égard. Dans ce cas, le nom de produit le plus connu est le Percocet. Vient ensuite le Dilaudid, qui compte pour entre 3 et 3,5 p. 100, ce médicament est de l'hydromorphone, une formulation à libération immédiate d'hydromorphone ainsi que ses produits génériques connexes. Il est suivi de notre produit, le MS Contin, qui compte pour 3 p. 100, ce médicament est de la morphine à libération contrôlée. Les autres formes de morphine à libération contrôlée figurent aussi sur la liste et représentent environ 2 p. 100 des ordonnances.

    L'OxyContin se situe à 2,4 p. 100 pour l'année courante, comparativement à 1,6 p. 100 pour l'année précédente. Les ordonnances sont plus nombreuses pour ce médicament, mais de toute évidence il ne représente qu'un faible pourcentage de la totalité des ordonnances d'opiacés. Le Duragesic, qui est du fentanyl transdermique, est en baisse avec 1,5 p. 100. Deux autres produits, que nous fabriquons, la Codéine Contin et l'Hydromorph Contin qui sont respectivement de la codéine à libération contrôlée et de l'hydromorphone à libération contrôlée se situent autour de 1 p. 100.

    Nous avons tenté d'examiner la relation qui existe entre ce schéma de consommation que nous présumons légitime et celui de l'abus de drogues ou de médicaments. Pour commencer, dès que nous avons réalisé que l'OxyContin devenait un problème et suscitait des abus au Canada, nous avons amorcé des discussions et organisé des présentations devant un certain nombre d'organisations et d'organismes qui pouvaient nous être utiles pour comprendre les schémas d'abus de drogues ou de médicaments au Canada.

    Voici la liste des organismes avec lesquels nous avons pris contact: le Bureau des substances contrôlées et la Direction des produits thérapeutiques de Santé Canada; l'Agence des douanes et du revenu du Canada; le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies; et le Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies qui est dirigé par le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies.

    Par ailleurs, nous avons également amorcé des échanges avec le Réseau communautaire canadien d'épidémiologie des toxicomanies afin d'explorer des modalités de collaboration qui nous permettraient d'améliorer notre efficacité et notre efficience dans la collecte et l'évaluation des données sur l'abus de drogues ou de médicaments au Canada. Ces discussions se poursuivent encore à l'heure actuelle.

    Nous avons aussi participé à une vidéoconférence d'envergure nationale avec le Service de la sensibilisation aux drogues de la GRC. Nous avons présenté un exposé devant le Comité sur l'abus des drogues de l'Association canadienne des chefs de police. Et nous avons également consacré pas mal de temps à la présentation d'exposés et à des réunions avec des représentants de la Section de sensibilisation aux drogues de la Police provinciale de l'Ontario. À notre connaissance, la Police provinciale de l'Ontario est le seul corps policier au Canada doté d'un groupe ou d'une sous-section qui se spécialise dans la lutte contre les abus de médicaments d'ordonnance.

    J'ai résumé les conclusions de nos discussions avec ces divers organismes. Le premier point est qu'il n'existe aucune source coordonnée d'information sur le degré d'abus des médicaments d'ordonnance au Canada. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons proposé au Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies de chercher des moyens de faciliter la mise en place d'un système qui nous fournirait des renseignements de cet ordre.

    Par ailleurs, d'après les discussions que nous avons eues, particulièrement avec les corps policiers, on dispose de peu d'indications comme quoi il y aurait un degré important d'abus d'OxyContin. En réalité, s'il y avait un degré important d'abus, il correspondrait à un abus du même ordre pour d'autres opiacés de prescription, pour des narcotiques de prescription et en particulier à un abus de drogues illicites qui, bien entendu, sont un sujet de préoccupation majeur. Les policiers nous ont avoué carrément que les médicaments d'ordonnance ne figurent pas en tête de liste de leurs priorités qui sont plutôt les drogues illicites.

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    Puis, nous avons étudié de façon raisonnablement exhaustive les données recueillies par le Bureau des substances contrôlées de Santé Canada et conclu que, essentiellement, les opioïdes sur ordonnance qui, le plus fréquemment, sont volés ou font l'objet de fausses ordonnances sont également les plus souvent prescrits. Ainsi, on pourrait conclure que plus un médicament est prescrit -- encore, de façon légitime -- plus il risque d'être obtenu de façon illicite. Par conséquent, par exemple, les opioïdes les plus fréquemment volés au Canada, du moins à la lumière de ces données, étaient en fait des combinaisons de codéine et d'acétaminophène.

    Nous avons également découvert que, dans le cadre particulier des vols et des pertes d'OxyContin, ces derniers ne représentaient pas la majorité des pertes et vols de préparations contenant de l'oxycodone.

    Ce qui ne veut pas dire que, parallèlement à la hausse des ordonnances d'OxyContin, ce produit ne fera pas l'objet croissant de vols ou de contrefaçons ou de tout autre forme de détournement ou, finalement, d'abus. Pour cette raison, nous ne minimisons absolument pas ce problème. Nos projets de sensibilisation auprès des professionnels de la santé constituent l'une de nos principales activités visant à empêcher que ce problème atteigne des proportions semblables à celles que connaissent les États-Unis. Kathryn Raymond en discutera.

+-

    Mme Kathryn Raymond (directrice, Santé et éducation, Purdue Pharma): Merci, Andrew.

    Je vous remercie, Madame la Présidente et membres du Comité, pour l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de discuter des programmes de sensibilisation que Purdue a élaboré à l'intention des médecins, du personnel infirmier et des pharmaciens.

    Il est manifeste qu'à chaque type de patient correspond un type de douleur, et qu'il existe de nombreuses options de traitement que les médecins doivent connaître lorsqu'ils évaluent et traitent leurs patients. Ces traitements sont de nature pharmacologique ou autre.

    De toute évidence, nos programmes sont toujours élaborés dans le but d'assurer la disponibilité d'analgésiques opioïdes pour les patients qui, légitimement, cherchent à soulager leur douleur. Que les patients en aient besoin pour réduire leur douleur, causée par un cancer ou non, ou qu'ils en aient besoin à court ou à long terme, les professionnels de l'enseignement en santé considèrent primordial l'usage approprié de médicaments tout comme, aux yeux de Purdue, la connaissance approfondie et l'usage approprié d'opioïdes. Voilà, selon moi, l'assise d'une programme efficace d'élimination de l'abus de médicaments sur ordonnance.

    Quant aux objectifs de sensibilisation que nous avons établis--et tous nos programmes sont énumérés à la page suivante de notre présentation--, la vaste majorité des patients qui consultent un médecin pour le traitement de la douleur, certains experts estiment ce pourcentage à 98 p. 100, veulent que cette dernière disparaisse. En conséquence, nous devons nous assurer que nous offrons aux médecins, au personnel infirmier et aux pharmaciens l'occasion d'acquérir des connaissances, habiletés et attitudes et d'entretenir et de rafraîchir ces dernières, de sorte qu'ils puissent améliorer la qualité des soins offerts à leurs patients. Voilà ce que cherchent les patients et les médecins. C'est à nous de veiller à ce qu'ils disposent de l'information la plus à jour pour y parvenir.

    L'identification, l'évaluation et la prise en charge des patients à risque de dépendance sont également très importantes. C'est ce groupe de patients qui nécessite le plus d'aide, l'aide que nous offrons aux médecins en faisant le point sur les nouvelles preuves, les nouveaux signes et la nouvelle force des médicaments, autant d'éléments qui leur donneront l'occasion d'adapter le traitement pharmaceutique aux besoins du patient, particulièrement si un opiacé est prescrit, mais certainement s'il est combiné à d'autres formes de traitements. Vous avez entendu les pharmaciens affirmer que les patients doivent souvent prendre de nombreux médicaments, et il est très important que nous offrions l'information la plus à jour de sorte que le médecin puisse conseiller ses patients convenablement.

    Comme vous voyez au troisième point, ce qui constitue l'un des plus importants points de nos programmes, nous devons nous assurer que le personnel infirmier, les médecins, etc., conviennent tous des mêmes définitions. Il est important qu'ils comprennent que l'abus, la dépendance et la tolérance diffèrent tous de la toxicomanie. Dans nos présentations, nous accordons beaucoup de temps à la définition de ces états et au lien qui existe entre ces derniers et les symptômes que les patients peuvent présenter, afin que les médecins puissent mieux comprendre les étapes subséquentes, soit le counselling, le traitement ou l'ajustement du traitement, au besoin. Ces patients ne constituent pas nécessairement la norme. Ceux qui tendent vers la dépendance, comme l'a mentionné Andrew, ne représentent pas la majorité. La plupart des patients veulent qu'on soulage leur douleur et c'est ce que nous voulons leur assurer.

    Le dernier objectif indiqué consiste à appliquer les lignes directrices existantes à l'emploi des opiacés dans les traitements. Manifestement, ces directives ressortent fréquemment. C'est à nous d'identifier les nouvelles qui surgissent, pour sensibiliser les gens grâce à nos programmes, et d'ajuster nos programmes annuellement pour veiller à ce qu'ils soient mis à jour, afin que l'information que nous donnons aux médecins et au personnel infirmier soit aussi actuelle que possible et que leurs décisions soient opportunes. Ainsi, le risque de prescription inadéquate s'en trouvera diminué. Le patient, de façon assurée, aura droit aux meilleurs soins dans le respect scrupuleux des normes.

    En outre, nous avons dressé la liste de divers sujets que nous intégrons à nos programmes. Je ne les étudierai pas chacun de façon détaillée--vous pouvez constater qu'ils figurent à la diapositive 10--, mais permettez-moi de souligner que la portée des ateliers couvre plusieurs sujets différents.

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    Il est très important de cerner ce que le médecin entend parce que c'est là qu'il peut prendre connaissance de ce que les patients veulent en matière de traitement. C'est un processus logique qui consiste à évaluer les patients et les facteurs de risque à l'aide d'outils. Il est très important que les médecins disposent d'outils pour pouvoir demander «Ai-je fait ceci? Leur ai-je demandé cela? Ai-je fait tout ce qui m'était demandé?». La prochaine étape importante consiste à élaborer un diagramme: que leur ai-je demandé, quels résultats voulaient-ils obtenir, que ferai-je et à quoi dois-je m'attendre de ce traitement ou de cette thérapie? Lorsque vous faites le suivi auprès des patients, vous pouvez élaborer un diagramme. C'est une excellente façon de consigner les raisons qui vous ont motivé et ce à quoi vous vous attendez. Nous en traitons également dans nos ateliers. Nous avons constamment mis à jour cette information. Permettez-moi de souligner que nos ateliers traitent de ce sujet depuis le début. Depuis plus de sept ans, nous collaborons avec le Dr Jovey et d'autres médecins pour mettre au point ce qui répondait aux besoins primordiaux des médecins.

    J'aborderai brièvement un autre point très important, soit l'«inviolabilité» de vos ordonnances. Les médecins doivent garder en sécurité leurs carnets d'ordonnance comme vous et moi gardons nos livrets de chèques--si tant est que nous faisions encore des chèques. Il est important de ne pas les laisser sur le bureau si vous sortez de la pièce. Vous devriez les garder avec vous en tout temps. Il existe toute une gamme de moyens pour veiller à ce que ce soit bel et bien le médecin qui a rédigé l'ordonnance, que le patient obtiendra celle-ci et que seul ce patient obtiendra la quantité que le médecin lui a prescrite. Nos ateliers en traitent.

    Deux autres points ont été soulevés au cours des dernières années. Je crois qu'il s'agit de recommandations émanant de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario. Vous pouvez télécopier des ordonnances. Vous pouvez appeler un seul pharmacien afin de l'informer. Vous pouvez discuter avec ce dernier, lui dire que le patient arrive et qu'il lui remettra cette ordonnance et lui demander de bien vouloir remettre le médicament au patient. Vous avez ouvert le dialogue et c'est bon pour le pharmacien, puisqu'il s'est adressé à vous.

    La page suivante présente un résumé des programmes que nous avons présentés au cours des trois dernières années seulement. Nous offrons divers types de programmes selon que le médecin recherche de l'information sur les ateliers portant sur le cancer ou sur d'autres maladies. Les participants y assistent selon leurs besoins. Nous cherchons à livrer le message pertinent au médecin approprié en fonction de ce que ses patients recherchent et dans le laps de temps approprié.

    Vous constaterez qu'en 2002, les nombres projetés de participants à ces deux ateliers seront inférieurs aux années précédentes. La raison en est que nous encourageons maintenant nos représentants à travailler dans les régions rurales, où les médecins et le personnel infirmier peuvent être moins nombreux, mais présentent les mêmes besoins en formation et doivent suivre les mêmes critères d'ordonnance que leurs confrères urbains. Quand vous parcourez les plus petites communautés, peu de participants se présentent. Il est donc normal que les chiffres soient moins élevés.

    Il importe également de bien comprendre que ces programmes ne constituent qu'une petite partie de nos activités. Certains programmes nationaux sont offerts dans différentes provinces, mais notre présentation ne tient pas compte des programmes additionnels que nos représentants organiseront également. Un groupe de médecins demanderont s'ils peuvent discuter d'un tel sujet, et nos représentants les réuniront afin qu'ils puissent en parler. Au besoin, ils inviteront un conférencier ou quelqu'un qui prononcera l'allocution et présidera la session au déjeuner. Ces programmes ne figurent pas sur notre liste.

    Au cours de certaines conventions nationales réunissant des spécialistes, des médecins de famille, etc., le Dr Jovey a eu l'amabilité d'offrir des ateliers et des sessions plénières sur demande, joignant ainsi un vaste groupe de médecins. Nous avons également mis sur pied des projets avec des universités et des associations qui s'ajoutent à ces initiatives.

    Également, je dois souligner que nous ne sommes pas la seule entreprise à offrir de la formation en gestion de la douleur aux médecins. Je ne vous ai exposé que l'étendue de nos interventions.

    En majeure partie, nous nous adressons à des médecins de famille, car ce sont eux que leurs patients consulteront en premier pour soulager leur douleur. Toutefois, nous ne nous limitons pas à ce champ de pratique et invitons également d'autres médecins comme les anesthésistes, les rhumatologues, les chirurgiens orthopédistes et les médecins de famille qui travaillent à l'urgence. Encore, nous veillons à ce que le programme auquel ils sont invités réponde aux besoins des patients auxquels ils délivreront une ordonnance, de sorte qu'ils puissent retourner à leur pratique et, le jour suivant, commencer à mettre en pratique ce qu'ils ont appris.

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    Il y a un certain nombre d'initiatives à la page suivante que je souhaiterais signaler parce qu'elles sont nouvelles pour nous cette année. Il est important d'indiquer ce que nous avons fait du point de vue de la FCS. J'en mentionnerai trois en particulier.

    La présidente: Que signifie FCS?

    Mme Kathryn Raymond: FCS signifie formation continue en santé. Dans le monde médical, on parle de FMC, formation médicale continue, mais parce que nous incluons le personnel infirmier et les pharmaciens, nous parlons plutôt de soins de santé.

    Nous sommes sur le point de commencer le développement d'un atelier pilote dont le titre provisoire est: «Patients difficiles: Un schéma de gestion de la douleur». Trop souvent par le passé, nos programmes ont été orientés vers le 98 p. 100 des patients dociles: ils viennent à nous, demandent un traitement, font l'objet d'un suivi et s'en vont lorsque leur douleur est réduite; il reste pourtant certains patients difficiles, comme l'a indiqué le groupe de pharmaciens qui s'est présenté avant nous. L'établissement d'un processus comme cet atelier de gestion des cas limites offrira aux médecins la possibilité d'amorcer un traitement universel, le même pour tous. De cette manière, si des patients reviennent avec des symptômes en partie inexpliqués ou difficiles, ou si le médecin est incertain, il pourra: (a) reconnaître ces symptômes, (b) ne pas faire de suppositions, mais plutôt (c) mettre en place un plan pour que ces patients reçoivent une évaluation appropriée et d'autres traitements au besoin. Nos ateliers pilotes auront lieu cet automne, et nous avons l'intention, en attendant les évaluations appropriées, de les poursuivre l'an prochain.

    Fait intéressant, j'ai entendu le Dr Power parler d'un programme dans lequel ils se sont engagés avec une société pharmaceutique, en vertu d'une initiative à caractère purement pharmaceutique. Je crois qu'il faisait référence à la brochure qui a été élaborée et approuvée par l'Association des pharmaciens du Canada, que nous avons récemment envoyée à toutes les pharmacies à l'échelle du pays. Vous l'avez devant vous. Elle explique comment prévenir le détournement de médicaments et protéger votre pharmacie. Il s'agit d'un aspect très important de ce que nous faisons aussi: renseigner les médecins sur la façon de se protéger, donner aux patients du matériel éducatif sur la façon de se protéger et de protéger leurs produits, mais aussi d'inclure le pharmacien dans ce rôle.

    Un atelier propre aux pharmaciens, actuellement en phase finale d'élaboration, n'est pas la moindre de ces initiatives. L'atelier lui-même vise les pharmaciens et la formation sur les opiacés. Il y a une sous-section sur la façon de protéger leur pharmacie et de réduire les risques. Nous avons élaboré cette section à la demande des pharmaciens qui souhaitaient en savoir plus long sur le rôle des opiacés dans la gestion de la douleur. Donc nous avons mis au point ces deux programmes.

    Enfin, vous avez également devant vous, je crois, un exemplaire du livre: Gestion de la douleur: La référence du professionnel canadien de la santé. Il est offert en français et en anglais. La rédaction de ce livre dont le Dr Jovey était l'éditeur--il est disponible pour répondre à toutes vos questions sur l'aspect médical--a exigé environ deux ans d'efforts. Vous pouvez constater qu'il a un éditeur et plusieurs auteurs de tous les coins du pays. Nous en sommes très satisfaits. Depuis son lancement au début de l'année, il a été applaudi par tous les secteurs de la santé: médecins, personnel infirmier et pharmaciens. On nous en demande plus et nous en sommes ravis. Cela signifie que les personnes qui en font la demande ont l'intention de l'utiliser comme guide de référence, et c'est exactement le rôle qui lui était destiné.

    En résumé, la formation continue en santé de Purdue CHE est notre dernière diapositive. Au cours des sept ou huit dernières années, nous avons offert des présentations et des ateliers aux professionnels des soins de santé pour assurer une formation adéquate sur l'utilisation appropriée des opiacés en général et, plus précisément depuis 1996, la formation sur OxyContin. Les évaluations que nous demandons aux médecins et au personnel infirmier de remplir à la fin du programme nous sont très précieuses; grâce à celle-ci, nous pouvons revoir le contenu pour nous assurer qu'il est à jour et qu'il répond bien aux besoins des médecins et du personnel infirmier qui soignent les patients.

    Lorsque je dis que les programmes sont mis à jour, ils sont offerts par des médecins pour des médecins. Il ne s'agit pas pour Purdue de dire aux médecins: «Voici comment utiliser le produit». Purdue travaille de concert avec les médecins et le personnel infirmier pour développer du matériel qu'ils peuvent utiliser pour former leurs collègues sur l'usage approprié du médicament. Il est important pour nous de travailler avec les médecins qui sont les leaders de leurs collectivités, et qui souhaitent améliorer la santé de tous les Canadiens. Ce sont ces médecins qui nous conseillent sur les améliorations que nous pouvons apporter à nos programmes de formation.

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    Nous prévoyons continuer à augmenter notre public cible dans l'avenir. Nous invitons les participants à assister aux ateliers pour apprendre et pour échanger entre eux. Ils peuvent ensuite revenir dans leurs collectivités et utiliser cette précieuse information.

    Vous remarquerez également qu'à la dernière page du document remis, il y a--et je crois que cette partie est en anglais seulement--un exemplaire d'une déclaration conjointe de 21 organismes américains du secteur de la santé. C'est nouveau cette année, cette page a été ajoutée en février dernier, je crois, et le titre est intéressant: «Promoting Pain Relief and Preventing Abuse of Pain Medications: A Critical Balancing Act». Je crois qu'elle renferme des éléments importants, et qu'il serait intéressant pour vous d'y jeter un coup d'oeil.

    Je termine en vous remerciant de votre temps, mais je vais également vous présenter le Dr Jovey, que nous avons invité à nous accompagner aujourd'hui. Il a travaillé sans relâche avec nous en tant que développeur, conseiller et facilitateur pour les ateliers au cours de sept dernières années. Il est médecin directeur du programme de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie, ainsi que consultant en douleur complexe de l'hôpital de Credit Valley de Mississauga en Ontario. Je sais qu'il sera heureux de répondre à toutes vos questions sur le volet médical de la gestion de la douleur.

    Je vous remercie de votre attention et de l'opportunité d'être ici aujourd'hui. Merci. Nous allons passer à la période des questions maintenant. Merci.

+-

    La présidente: Merci.

    Monsieur Randy White.

+-

    M. Randy White: Merci.

    Bienvenue au Comité. Il s'agit d'un comité très important pour la Chambre des communes; en effet, les médicaments n'ont pas fait l'objet d'une étude aussi détaillée depuis 1970. Nous devons faire des recommandations à la Chambre, et je crois sincèrement que votre présentation occupera une certaine place dans celles-ci.

    En effet, j'ai des questions, principalement au sujet de l'industrie entière. Il semble qu'une personne qui souffre aujourd'hui de maux de dos peut entrer dans le bureau d'un médecin et en sortir rapidement avec une ordonnance de 222 ou de l'analgésique de son choix. Si le patient n'est pas satisfait du traitement et que sa douleur persiste, il peut se rendre chez un chiropraticien qui, faute de lui remettre des pilules, lui pliera le dos de si nombreuses façons que, souvent, l'aide médicale qu'on a apportée au patient soit largement inférieure à ses attentes. Ce dernier pourrait alors consulter un physiothérapeute, et recevoir semble-t-il un traitement entièrement différent, qui ne suppose aucune ordonnance.

    La raison pour laquelle je commence ma présentation par ces exemples est que je suis estomaqué par l'usage répandu de l'ecstasy dans notre société, notamment à la vue du nombre de pilules produites et à la lumière des raisons qui sous-tendent cette popularité. Je crois que la raison principale est que les jeunes ne considèrent pas qu'une pilule, peu importe sa nocivité, est dangereuse. Nous avons grandi avec la publicité télévisée qui nous recommandait de prendre du Tylenol ou de l'Aspirine, qu'un était meilleur que l'autre, et que vous devriez prendre telle pilule et telle autre. Tout le monde prend des pilules.

    Je me demande qui, aujourd'hui, au Canada ou en Amérique du Nord n'a jamais pris de pilule délivrée sur ordonnance. Je me demande également si, de fait, nous ne sommes pas devenus une société dépendantes des pilules mises au point par une industrie qui en dégage de gros bénéfices et délivrées par des médecins qui en tirent de bons revenus. Ne sommes-nous pas une société de dépendants?

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    M. Andrew Darke: Si on considère votre expression “société de dépendants“ dans son sens très strict, je ne partage pas votre opinion. Il va de soi que, dans notre société, certaines personnes sont dépendantes de drogues, notamment contenues dans les médicaments délivrés sur ordonnance.

    Il est vrai que l'industrie pharmaceutique travaille à la recherche, à la mise au point et à la découverte de produits et médicaments pour combattre les maladies, les malaises et les symptômes que, selon nous, nous devrions tenter de guérir. Si nous affirmions que la manière de combattre l'abus de médicaments consiste, d'une façon ou d'une autre, à changer le regard que la société porte sur la prise abusive de médicaments, je crois que nous serions contraints d'affirmer que l'innovation en matière de santé humaine ne serait pas bienvenue. Je crois que le dilemme réside là : en tentant de résoudre le problème de l'abus de médicaments, ou même le mauvais usage de médicaments, nous sommes également confrontés au dilemme de poursuivre parallèlement nos efforts d'innovation en matière de traitement des maladies et états médicaux que nous aimerions certainement tous voir guéris.

    Il est certain que, pour ceux d'entre nous qui avons vécu de longs épisodes de douleur, je ne crois pas que nous pourrions affirmer devoir gérer celle-ci sans l'aide efficace des analgésiques. Tout comme le montre mon exemple, je suis persuadé que les patients diabétiques souffrant de douleurs causées par la lésion d'un nerf affirmeraient être heureux de pouvoir compter sur un médicament qui les soulagerait de ces douleurs.

    Je comprends que votre question était d'ordre très général. Il est difficile d'y répondre de façon détaillée.

+-

    M. Randy White: Plus je discute avec les gens, plus je crois que, aujourd'hui, tous considèrent qu'il y a trop de pilules et qu'on en prend trop fréquemment. Voilà mon opinion.

    Je demanderais au Dr Jovey s'il croit, oui ou non, que les médecins sont véritablement qualifiés. À quel point sont-ils qualifiés pour délivrer des médicaments sur ordonnance de nos jours? Je pose cette question parce que je sais que certaines personnes deviennent représentants de vente pour les agences pharmaceutiques. J'en connais quelques-unes, et je ne crois pas qu'elles possèdent les compétences pour vendre ces médicaments. Certaines d'entre elles en savent beaucoup sur ces derniers, mais rencontrent des médecins en leur disant: «Nos produits sont les meilleurs,»--je ne l'ai jamais entendu comme tel, mais je suppose que c'est ce qu'elles disent-- «en voici! Essayez-les sur vos patients. Ils les préféreront à ce que vous leur prescrivez», ou quelque chose comme ça.

    Comment est-il possible pour un médecin de bien connaître le niveau, le dosage et le type de médicament appropriés s'il se fonde sur les renseignements que lui donne un représentant qui est véritablement motivé par ce qu'on retrouve au chapitre 9 de votre livre: «Ceux qui vendent de la drogue dans la rue sont attirés par l'appât du gain.»? Eh bien, il en va de même pour le représentant.

    Je me demande simplement comment un médecin sait-il comment aborder correctement une situation et prescrire le bon médicament?

Á  +-(1155)  

+-

    M. Roman Jovey (à titre individuel): La réponse, c'est qu'il n'y a pas de solution miracle. Il y a 21 ans que j'ai quitté l'université, mes cheveux peuvent en témoigner. Le temps de cours consacré à la gestion de la douleur pourrait probablement se compter sur les doigts de la main. Il est donc évident qu'il y a une carence en matière de connaissances.

    Lors du dernier Congrès mondial sur la douleur, pas celui de la semaine dernière, à San Diego, auquel j'ai participé, mais celui de Vienne, un des conférenciers principaux s'est levé et a dit que le domaine de la douleur évolue si rapidement que, et je cite, « nous en apprenons de mois en mois » fin de la citation.

    Le rythme de changements dans le monde de la médecine en général, et notamment dans le domaine de la douleur, est si rapide qu'il est difficile, voire impossible, pour un médecin de se tenir à jour, d'où l'importance des programmes de formation continue.

    Tel que l'a mentionné Kathryn, je traite les douleurs chroniques par médication ou par pharmacothérapie depuis maintenant 11 ans et j'en parle ou je l'enseigne depuis 7 ans. Il y a encore beaucoup à faire. Nous n'avons rejoint qu'un certain pourcentage des médecins, souvent en prêchant à des convertis; il y a encore beaucoup de médecins qui doivent suivre une formation. Il y a toujours eu un défi en médecine. Comment rejoindre ces médecins qui croient avoir la science infuse et qui estiment inutile d'améliorer leurs connaissances?

    Je vais vous expliquer ce en quoi consiste la solution californienne. À San Diego, la semaine dernière, j'ai entendu des médecins dire que les autorités de réglementation de Californie avaient décrété que tous les médecins exerçant en Californie disposaient d'un délai de trois ans pour suivre un certain nombre d'heures de formation, entre 12 et 16, sur la douleur et les opioïdes. C'est obligatoire. Dans l'avenir, cette obligation pourrait se généraliser. Non pas que j'y sois nécessairement favorable, mais je vous donne un exemple.

+-

    M. Randy White: Un médecin dans son cabinet rencontre tellement de patients dans une journée, je ne sais pas comment ils trouvent le temps de s'arrêter et d'étudier ces différents médicaments. Comment un médecin fait-il la différence entre les meilleurs médicaments et les meilleurs effets de certains médicaments? Est-ce qu'ils sont pressés par les fabricants de favoriser leurs produits? Ne reçoivent-ils pas certains émoluments pour la prescription de médicaments etc?

+-

    M. Roman Jovey: Non, c'est inexact, à moins que vous ne soyez un médecin travaillant dans une région rurale très éloignée, auquel cas vous agissez à titre de pharmacien et de médecin. C'est la situation de moins de 1% des médecins au Canada. Pour la plupart des médecins, le seul genre d'incitatif possible est de fournir certains médicaments sous forme d'échantillon. Les anti-dépresseurs, par exemple, peuvent être distribués sous forme d'échantillons, mais certainement pas les opiacés. Cela serait illégal. Alors, non, ça n'est pas le cas.

+-

    M. Randy White: Comment une entreprise pharmaceutique vend-elle ses médicaments à un médecin? C'est là que vous devez vraiment les vendre, non? Ça n'est pas le patient qu'il faut convaincre, mais bien le médecin. Comment rejoignez-vous les médecins pour leur dire « notre produit est meilleur que les autres, donc achetez-le? » Comment convainquez-vous les médecins canadiens de le faire?

+-

    M. Roman Jovey: Nous, les médecins, sommes dans une ère de médecine dite « de preuves ». Dans le cadre de ce processus, nous avons en fait commencé à réévaluer les pratiques de la médecine que nous employons depuis des décennies. Nous nous demandons si c'est vraiment approprié.

    Vous avez mentionné, par exemple, que la chiropratique et la physiothérapie sont des moyens de traiter la douleur. Je peux vous dire que l'expérience actuelle démontre que les manipulations chiropratiques sont quelque peu utiles pour traiter la douleur aiguë dans le bas du dos, mais pour être franc, il n'y a pas de preuve que cela soit efficace à long terme pour traiter toute autre sorte de douleur.

    Dans la même veine, la physiothérapie a été étudiée, l'année dernière, par un comité d'experts à l'Université McMaster en ce qui concerne le traitement de la douleur chronique à la colonne vertébrale, donc une douleur au cou et au dos, et il a été démontré que ce traitement n'a pas d'effet à long terme. Il saute aux yeux qu'il est mieux de ne pas prendre de médicaments et d'entreprendre un traitement naturel, mais l'évidence demeure qu'il n'y a pas de preuve.

    Donc, la façon dont les entreprises tentent de former les médecins consiste à examiner les preuves, les résumer et effectuer des essais cliniques qui apportent de nouvelles preuves à l'effet que ces traitements sont vraiment efficaces.

  +-(1200)  

+-

    La présidente: Je vous remercie.

+-

    Mme Kathryn Raymond: Si vous me le permettez, Randy, j'aimerais simplement ajouter que le Dr Jovey a tout-à-fait raison. Les preuves sont essentielles. Dans la documentation que nous offrons aux médecins, si on fait référence à un essai clinique, nous fournissons une copie de cet essai clinique, parce que la connaissance qu'ont les médecins de ces preuves, plus l'expérience actuelle qu'ils ont dans leur propre pratique ou l'expérience qu'ils acquièrent en discutant avec leurs collègues sur ce qui a fonctionné.... Voilà le genre de questions qu'ils posent à leurs collègues : Avez-vous constaté cet effet secondaire ou avez-vous vu cette efficacité? Nous leur demandons de se fonder sur la preuve et sur leur expérience pour prendre la bonne décision, toujours selon leur évaluation de ce patient et de ses exigences. Il s'agit également d'une évaluation continue. Il ne s'agit pas de le prescrire une fois et de demander de revenir dans trois mois. Nous recommandons un suivi de routine, comme je l'ai indiqué, et de tenir un dossier. C'est pourquoi nous faisons une mise à jour annuelle : pour nous assurer que nous leur donnons les informations les plus récentes afin qu'ils puissent prendre cette décision. J'espère avoir répondu à votre question.

    M. Randy White: Oui

    Ms. Kathryn Raymond: Excellent.

+-

    La présidente: Monsieur Bigras.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Madame la présidente, mes questions porteront sur la connaissance et la recherche.

    Ce matin, j'ai pris la peine de dresser une liste des entités qui se préoccupaient de la toxicomanie au Canada et je vais vous en citer quelques-unes: le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, l'Institut canadien de recherche sur la santé, le Centre de recherche en toxicomanie du Service correctionnel Canada, le Centre national de documentation sur l'abus de substances, le Réseau canadien d'information sur l'abus des drogues, le Réseau communautaire canadien de l'épidomalogie des toxicomanies et le Centre de recherche en toxicomanie qui a ouvert aussi ses portes en mai 2001. Certains témoins nous ont indiqué qu'ils souhaiteraient voir la création d'un institut de recherche consacré à la toxicomanie.

    Donc ma question est la suivante: est-ce que le modèle que nous avons développé jusqu'à maintenant permet d'optimiser la gestion de la recherche, de la surveillance et de la diffusion des connaissances au Canada? Est-ce que, par exemple, vous êtes favorable à la création d'un intitut de recherche consacré à la toxicomanie ou croyez-vous qu'il y a des améliorations certaines à entreprendre au Canada afin de mieux gérer l'information?

[Traduction]

+-

    M. Andrew Darke: Je crois qu'une possibilité d'augmenter notre connaissance des facteurs contribuant à l'abus de médicaments et à la dépendance et les méthodes de traitement consiste à cibler la question en fonction d'un modèle institutionnel. Cela dit, il y a plusieurs institutions au Canada qui ne sont pas nécessairement mises en réseau formel, mais, malgré tout, mènent des modalités de recherches et étudient des traitements dans ce domaine. Nous avons eu des discussions avec une certaine clinique de traitement de la douleur de Toronto, par exemple, qui manifeste un intérêt, et Kathryn Raymond y a fait référence, envers les techniques avancées, si vous voulez, qui permettraient de traiter la douleur chez des patients peut-être plus susceptibles d'exagérer sur les analgésiques sous ordonnance que les autres. Nous avons parlé au personnel de cette clinique de traitement de la douleur de la possibilité d'effectuer certaines recherches qui nous permettraient d'évaluer des techniques améliorant le traitement des patients qui sont, en effet, plus à risque. Cela ne revient pas à dire que si, sous les auspices des Instituts canadiens de recherche sur la santé, un centre d'excellence pouvait être mis sur pied pour étudier la question de l'abus de médicaments et de la dépendance, cela ne serait pas une bonne chose. Je suis certain que cela le serait.

  +-(1205)  

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: Est-ce que je dois comprendre que si vous préférez, comme vous me l'avez dit, et je vous cite, « un modèle d'institution ce serait préférable », est-ce que vous nous dites que vous favorisez la création d'un institut de recherche consacré à la toxicomanie au Canada? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

[Traduction]

+-

    M. Andrew Darke : Je ne dis pas nécessairement qu'un modèle est meilleur qu'un autre. Cependant, je crois qu'en tant que société de recherche, si vous voulez, au Canada, nous reconnaissons que le modèle des Instituts de recherche en santé du Canada en est un que nous utiliserons pour régler les problèmes que la société, au sens large, considère les plus importants. Donc, si nous considérons que l'abus d'une substance et son accoutumance constitue une priorité pressante pour ce pays, il serait approprié de demander que les Instituts de recherche en santé du Canada établissent un tel institut.

[Français]

+-

    M. Bernard Bigras: J'ai une autre question à poser sur le financement de la recherche. J'ai été surpris d'apprendre par exemple que pour la période de 1998 à 1999, les États-Unis consacraient six fois plus d'argent à la recherche sur la toxicomanie. C'est plutôt surprenant, quand on sait qu'il y a un manque de données fiables à jour sur les modèles de consommation. De plus, Santé Canada nous a indiqué qu'il n'y avait pas de fonds consacrés à la surveillance des taux de consommation de drogues illicites au Canada. Donc, il semble y avoir des lacunes dans la fiabilité des données qui sont actuellement disponibles et il y a même certaines données qui ne sont pas disponibles du tout.

    Pouvez-vous identifier des champs d'action où il n'existe pas de données disponibles alors que, afin d'optimiser votre travail, ce serait nécessaire au Canada? Y a-t-il des champs d'action que vous pourriez identifier qui ne sont pas financés jusqu'à maintenant au Canada ou qui sont mal financés et qui pourraient vous permettre d'améliorer vos conditions de travail, si je puis dire?

[Traduction]

+-

    M. Andrew Darke : J'aimerais demander au Dr Jovey de commenter ceci également, mais je veux faire référence à un des aspects que nous avons abordé dans notre exposé, qui indiquait que lors de nos discussions avec plusieurs organismes, nous avons été étonnés de découvrir qu'il n'y avait pas de source coordonnée, centrale ou distribuée, sur l'étendue de l'abus de différents médicaments au Canada. Nous nous sommes particulièrement intéressés à déterminer s'il y avait actuellement un abus d'OxyContin et comment ce taux d'abus se comparait à celui d'autres médicaments. Nous avons découvert que le renseignement n'était tout simplement pas disponible.

    Aux États-Unis, il y a plusieurs réseaux fonctionnels qui sont capables de recueillir des renseignements sur l'abus de médicaments et plusieurs études en cours qui font, sur une base annuelle, un suivi des tendances en matière d'abus de médicaments. Je crois que le Canada est sûrement en retard sur les États-Unis à cet effet, et cela constituerait une grande priorité que nous devrions, je crois, adopter.

+-

    M. Roman Jovey: Je suis entièrement d'accord.

    Pour répondre à votre question à savoir s'il serait une bonne idée de financer plus de recherches sur la dépendance, absolument. La dépendance, traditionnellement, est un domaine sous-financé et mal entretenu, si on veut.

    Un exemple des statistiques que les Américains ont et que nous n'avons pas, la U.S. Substance Abuse and Mental Health Services Administration (l'administration américaine de l'abus de substances et des services de santé mentale) conduit à tous les trois ans un énorme sondage à échantillonnage aléatoire de 70 000 sujets. Les sondeurs vont sur le terrain pour sonder certains endroits comme les refuges. Ils posent aux personnes qui fréquentent ces endroits des questions sur plusieurs habitudes de santé, et surtout sur l'abus de médicaments. Une des questions posées fréquemment est: «Au cours du dernier mois, avez-vous fait usage d'un narcotique ou d'un opiacé, sauf pour le traitement de la douleur?» En réponse à cette question, 1,2 p. 100 répondent par l'affirmative. Est-ce que ça veut dire que 1,2 p. 100 y sont dépendants? Absolument pas. Il y a bien des gens qui peuvent prendre un médicament sur une base sporadique pour une fin non reconnue. Ça arrive, par exemple, avec les patients qui ont des douleurs relatives au cancer, qui utiliseront de façon sporadique un opiacé pour sa propriété de soulagement de l'anxiété ou pour les aider à dormir. Alors, un taux de 1,2 p. 100 est probablement le pire pourcentage que l'on puisse obtenir à cet égard. Le nombre exact de personnes aux prises avec une dépendance est probablement bien inférieur. Je suis certain qu'on vous a présenté les statistiques canadiennes sur le taux de dépendance à l'héroïne, qui se situe entre 3 pour 1 000 et 3 pour 10 000 pour vous donner une indication de l'ampleur du problème. Est-ce en fait un problème plus important que le traitement inadéquat de la douleur? Selon moi, non.

  +-(1210)  

+-

    La présidente: Pouvez-vous simplement répéter ça? Vous avez 1,2 p. 100 de la population--

+-

    Roman Jovey: Qui admettent avoir, au cours du dernier mois, pris un médicament à base d'opiacé pour une autre raison que le soulagement de la douleur, bref pour l'euphorie. Appelons ça un abus de drogue.

+-

    La présidente: D'accord. Quelle est l'autre statistique sur l'héroïne?

+-

    M. Roman Jovey: Ce que je comprends, c'est que les statistiques au Canada démontrent que le nombre total d'héroinomanes se situe entre 3 pour 1 000 et 3 pour 10 000. Encore une fois, ces statistiques sont très difficiles à obtenir.

+-

    La présidente: C'est bien.

+-

    M. Roman Jovey: Dans un sens, on pourrait dire que l'héroinomane se trouve au dernier stade. On peut faire un parallèle entre une personne qui commence à consommer des opiacés et qui continue le processus d'accoutumance et la cirrhose du foie. Il y a une certaine corrélation. Nous pourrions considérer que l'héroinomane est au stade ultime de la consommation d'opiacés, et cela est plutôt rare. Je comprends qu'il s'agit d'une question régionale et que si nous avions une personne de Vancouver parmi nous, il serait en désaccord, mais si on considère l'ensemble du pays, il n'y a pas beaucoup de consommateurs d'héroine.

+-

    La présidente: Monsieur Lee.

+-

    M. Derek Lee: Je crois que ce sont des déclarations justes. Je désire vous remercier de votre présence aujourd'hui. J'ai trouvé la présentation très utile dans le but de comprendre au moins la façon dont votre organisme s'occupe d'un médicament véritable et de vos investissements continus en matière de santé.

    Pour moi, ce livre est vraiment très bon, le livre traitant de la gestion de la douleur, étudié par le Docteur Jovey, et je désire aborder tout de suite ce sujet. Quoique le nom d'OxyContin ait été mentionné lors de discussions au sujet de l'abus de médicaments, votre compagnie n'est pas plus responsable du détournement de médicaments que General Motors n'est responsable de l'usage d'un de ses véhicules comme voiture de fuite après un vol de banque. Vous avez un bon médicament qui est efficace. Mais au beau milieu de ce livre, Managing Pain (Gestion de la douleur), se trouve un chapitre qui, je crois, a été écrit par le Docteur Jovey. Je vais le lire de sorte qu'il soit inscrit au compte-rendu, car je crois qu'il est vraiment important. Il s'agit du chapitre 8, Opioids, Pain and Addiction (Opiacés, douleur et toxicomanie), à la page 68, le deuxième paragraphe au complet. On y lit, au sujet de la toxicomanie:

Toutefois, le facteur de risque de loin le plus influent semble être la prédisposition biogénétique. La science fondamentale et la recherche clinique identifient de plus en plus la neurochimie modifiée d'individus biogénétiquement vulnérables comme jouant le rôle principal dans le développement d'un trouble de toxicomanie.

Il s'agit donc de la consommation de médicaments à des fins non médicales, et le problème le plus important est celui des troubles de toxicomanie. Des toxicomanes peuvent obtenir des médicaments de n'importe quelle façon.

    Docteur Jovey, lorsqu'un médecin traite un patient, je suis assez certain que l'une des règles, l'un des éléments fondamentaux de ces rapports, consiste à connaître le patient. Connaître le patient, connaître le client. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des médecins le font de façon très professionnelle. Mais j'estime que la déclaration que vous faites dans ce chapitre équivaut, du point de vue pharmacologique, à se rendre compte que la terre n'est pas plate. Si vous devez connaître votre client, si vous devez connaître votre patient, vous devez savoir s'il est biogénétiquement prédisposé à la toxicomanie, et si vous ne le savez pas, vous ne connaissez pas votre patient assez bien pour lui prescrire un médicament engendrant une dépendance.

    Je ne tiens pas à critiquer qui que ce soit ici. Tout ce que je dis c'est que cela est sûrement une nouvelle frontière, comme vous l'avez décrit, et voici que sont prescrits des médicaments engendrant différents niveaux de toxicomanie. Je crois que l'un de nos tableaux indique qu'environ 80 p. 100 des consommateurs de nicotine en deviennent dépendants, tandis que seulement environ 20 p. 100 des consommateurs d'héroïne deviennent toxicomanes. Bien entendu, le médicament est un facteur très important quant au degré d'accoutumance engendré, mais l'autre élément, sans doute le plus important en matière de détournement de médicaments, est compris dans cette déclaration. Les personnes biogénétiquement prédisposées sont à l'origine de l'industrie du marché noir des médicaments qui se chiffre à plusieurs milliards de dollars.

    Pouvez-vous donc nous dire, car vous être probablement aussi près du problème que n'importe qui d'autre, où nous en sommes dans notre capacité à reconnaître, à évaluer et à identifier les individus biogénétiquement prédisposés, de sorte que ces personnes puissent savoir très tôt qu'elles sont biogénétiquement prédisposées, de sorte que le médecin puisse le savoir, et de sorte que nous puissions aborder le problème en tant que société?

  +-(1215)  

+-

    M. Roman Jovey: En outre, plutôt que d'examiner le problème sous un aspect stigmatisant, nous devons l'envisager comme une maladie. J'estime que la toxicomanie est une maladie, tout comme le diabète et l'hypertension. Malheureusement, le fait est que nous n'avons pas d'outil permettant un diagnostic facile de ces patients. Il existe des développements très emballants dans le domaine de la toxicomanie qui établissent un parallèle avec nos nouvelles connaissances du domaine de la douleur, car les deux impliquent le cerveau; il se peut donc que nous ayons de meilleures techniques au cours des cinq prochaines années.

    Par exemple, il existe un outil du nom d'imagerie par résonance fonctionnelle. Tout le monde sait ce qu'est un scanner IRM, mais on peut manipuler un scanner IRM en y branchant des gens qui n'ont pas de douleur, en leur infligeant de la douleur et en examinant les parties du cerveau qui s'éclairent sur le scanner. De façon similaire, on peut prendre un patient souffrant de douleur chronique, par exemple de la douleur dans un bras, le brancher sur le scanner, examiner les parties du cerveau qui s'éclairent, bloquer la douleur en bloquant le nerf au niveau de l'épaule ou du cou, rebrancher le patient sur le scanner et examiner les parties du cerveau qui ne sont plus éclairées. C'est une technologie très emballante qui pourrait nous permettre de répondre à l'éternelle question qui tourmente les médecins : s'agit-il d'une douleur légitime ou non? C'est une discussion d'un tout autre ordre pour laquelle nous n'avons pas le temps, mais cela peut éventuellement nous aider à diagnostiquer les patients qui posent un risque de toxicomanie, étant donné que d'autres parties du cerveau semblent être impliquées chez ces patients.

    Pour cela, nous devrons attendre de cinq à dix ans. Malheureusement, le seul outil dont nous disposons pour le moment consiste à poser des questions. C'est tout.

+-

    M. Derek Lee: En ce qui a trait au détournement de médicaments légitimes en vue d'une consommation non médicale, nous venons d'entendre les pharmaciens. Ils perçoivent leur partie du problème, la chaîne de commandement, mais ils ne se voient pas dans une position de contrôle. Je ne crois pas que les compagnies pharmaceutiques dureraient très longtemps si elles vendaient leurs médicaments de façon illégale, par la bande; elles ne font donc probablement pas partie du problème.

    Vous êtes un médecin. Le plus gros élément du problème du détournement de médicaments se situe-t-il au niveau des médecins qui prescrivent des médicaments de façon abusive, en double, de façon frauduleuse ou bâclée? S'agit-il des médecins? Je ne blâme pas la profession médicale au complet, je dis simplement que si nous devons identifier le maillon le plus faible ou l'élément du problème sur lequel nous devons nous concentrer, devrions-nous examiner la gestion du processus d'ordonnance par les médecins?

+-

    M. Roman Jovey: Je ne suis pas au courant des dernières statistiques au sujet des médicaments volés, détournés en chemin, par rapport aux médicaments sur ordonnance qui sont détournés. Je suppose qu'il s'agit de ce dernier élément, mais les pharmaciens ne peuvent pas s'excuser en déclarant qu'ils n'ont pas de pouvoir à ce niveau. Un pharmacien peut, bien entendu, refuser d'exécuter une ordonnance.

    En tant que médecin traitant la douleur, mon problème le plus fréquent consiste à devoir consacrer du temps à éduquer mes patients au sujet des risques et des avantages reliés aux opiacés. lls voient un pharmacien leur jeter un regard par-dessus ses lunettes afin de les dissuader d'utiliser ces médicaments. En fait, en agissant ainsi, ces pharmaciens causent du tort. Ils se félicitent peut-être d'avoir convaincu un autre patient de ne pas utiliser d'opiacés, mais en fait ils font plus de mal que de bien. Ils doivent faire partie de l'équipe, de la solution, car ils ont un rôle clé à jouer.

    Les infirmières doivent faire partie de la solution, et il est certain que les médecins ont besoin d'être éduqués. Au cours de mes années à titre de conférencier, je pense que nous avons rejoint 6 000 médecins à travers le Canada. C'est encore une petite proportion et une éducation continue est nécessaire.

  +-(1220)  

+-

    M. Roman Jovey: Pour ajouter à cela, l'une des questions que vous avez soulevées concernait la répartition du problème. À quel niveau se situe-t-il? Pour en revenir à l'un de nos commentaires précédents, nous ne possédons pas d'information sur les médicaments et sur la quantité de médicaments individuels qui se retrouvent en la possession de ceux qui en abusent. Je crois que la meilleure information que nous possédions au sujet du détournement et de l'abus sont les données maintenues par les forces de l'ordre, en collaboration avec le bureau des substances contrôlées, où on retrace les falsifications, les vols et les poursuites judiciaires. Je ne crois pas que nous connaissions le lien quantitatif avec les médicaments qui sont peut-être prescrits de façon légitime à des patients, mais qui sont détournés vers des individus qui en abusent.

+-

    M. Derek Lee: Merci.

+-

    La présidente: Monsieur Sorenson.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Encore une fois, je désire vous remercier de votre présence. J'ai beaucoup appris. Je n'ai jamais tant réfléchi au sujet du rôle des médecins et du rôle des pharmaciens, non seulement dans le cadre de notre stratégie de médicaments, mais peut-être au niveau de certains éléments reliés aux médicaments contre la douleur. Mon épouse est une infirmière diplômée, et il nous arrive d'avoir des divergences d'opinion. D'un côté se trouve un médecin qui ne croit peut-être pas aux médicaments contre la douleur, et de l'autre côté une infirmière qui voit un patient souffrir, tandis que sa famille dit, écoutez, même si c'est un patient en soins palliatifs, nous aimerions qu'il puisse échanger avec nous, qu'il ne soit pas dépendant de médicaments, ni que son esprit ne soit modifié par les effets des médicaments.

    Je ne suis pas sûr si vous êtes ceux à qui je devrais adresser ma question, mais que font les compagnies pharmaceutiques afin d'aborder certains des problèmes ou préoccupations engendrés par leurs médicaments? Certaines de ces compagnies pharmaceutiques jouent-elles déjà un rôle? Nous avons discuté avec les pharmacies au sujet du rôle du gouvernement. L'enquêteur fédéral, qui se promène dans les pharmacies, n'est plus en fonction, un représentant fédéral qui visite les pharmacies en posant des questions et en vérifiant les inventaires. Les compagnies pharmaceutiques pourraient-elles jouer un rôle, qu'elles ne jouent pas présentement, afin d'aborder certains des problèmes de toxicomanie, certaines des préoccupations reliées aux effets de ces médicaments?

+-

    M. Andrew Darke : Nous examinons toute une série d'activités possibles que nous entreprenons présentement, ou que nous pourrions entreprendre à l'avenir, un vaste éventail d'activités. Je ne répéterai pas les propos de Kathryn au sujet de nos activités éducatives, mais en fait j'estime que c'est une des clés. Si l'une des façons de détourner des médicaments est par un processus d'ordonnance inapproprié ou une distribution continue par des patients légitimes à des personnes qui abusent de médicaments, je crois que ce problème est abordé dans le contexte des activités et messages éducatifs.

    À l'autre bout du problème, de toute évidence, nous devons aborder des préoccupations de sécurité reliées à nos produits, de façon à réduire au minimum la possibilité que ces médicaments ne deviennent accessibles à des voies de détournement.

    Dans le cadre des activités des forces de l'ordre, l'un des gestes que nous avons posés est de collaborer avec les États-Unis, par exemple, afin d'identifier les comprimés d'OxyContin comme étant différents des comprimés mis en marché aux États-Unis. Ceci facilite ainsi les efforts déployés par les forces de l'ordre afin de déterminer la source des médicaments détournés.

    Nous avons également discuté d'activités de recherche, et comme je l'ai mentionné, nous examinons des démarches et des techniques de gestion des patients permettant de réduire la probabilité qu'ils détournent leurs propres médicaments ou en abusent.

    Ce sont là quatre domaines où nous pouvons dire que des compagnies comme la nôtre sont actives. Comme tout le monde le reconnaît probablement, le problème se situe au niveau des personnes qui choisissent d'abuser de médicaments. Il est beaucoup plus difficile de déterminer de quelle façon notre compagnie peut rejoindre ces personnes, de quelle façon nous pouvons influencer leurs décisions, à moins que cela ne se fasse par l'intermédiaire de professionnels de la santé, de médecins, et ainsi de suite.

  +-(1225)  

+-

    M. Kevin Sorenson: Je crois que c'est tout.

    Il se peut que mon opinion sur certains points soit erronée. Je suis plus préoccupé au sujet des personnes qui abusent de médicaments pour obtenir un effet euphorique, pour améliorer leur état, leurs sensations. Pour grand-mère ou tante Béatrice qui est dépendante des somnifères, il se peut que les coûts soient aussi énormes. Nous n'évaluons peut-être pas la toxicomanie, mais je crois que nous nous concentrons sur l'effet euphorique--du moins, j'estime que c'est ce que nous devrions faire. Peut-être que les coûts les plus élevés se situent ailleurs, par exemple au niveau de la baisse de productivité chez des individus qui ne reconnaissent pas avoir un problème. Les personnes qui tentent de frauder le système ou les soins de santé, qui consultent deux médecins à la fois et ainsi de suite, représentent un problème important, mais peut-être devons-nous également aborder le problème soulevé par des personnes qui ne réalisent pas avoir un problème.

    Il s'agit d'un commentaire plutôt que d'une question.

+-

    La présidente: Merci.

    Madame Allard.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Madame la présidente, je trouve que le tableau produit par les témoins sur les ordonnances d'analgésiques opiacés au Canada est très révélateur et je me demandais d'où proviennent les données que vous nous montrez ici.

[Traduction]

+-

    M. Andrew Darke : Si on prend le dernier rapport d'une entreprise appelée IMS Health, les données sont disponibles pour les entreprises qui désirent acheter ces renseignements, mais elles peuvent également être mises à la disposition d'autres organismes, peut-être à des coûts peu élevés ou gratuitement en-dehors du secteur à but lucratif.

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Il serait intéressant de voir les années antérieures pour essayer de savoir quand une croissance a commencé dans ce domaine.

    Docteur Jovey, vous avez produit un excellent livre. Félicitations. J'avais, comme mon collègue ici, ciblé la prédisposition biogénétique.

    Ce matin, on a entendu des représentants des pharmacies et maintenant vous comparaissez devant nous. Vous semblez dire que c'est vraiment le médecin qui a la clé de l'énigme. Je trouve cela inquiétant quand vous mentionnez qu'il y a 20 ans, on faisait très peu de formation sur les opiacés et le traitement de la douleur, les deux allant de pair. Vous mentionnez également le petit test ici.

    Étant donné que la science le permet maintenant, seriez-vous en faveur d'obliger le médecin qui prescrit les opiacés à avoir un historique de son patient—je reviens un peu à ce que je disais ce matin—sur une carte à puce.

    Est-ce qu'on ne s'en va pas vers cela pour prévenir justement la toxicomanie chez les Canadiens? Est-ce qu'il n'y aurait pas un moyen de mettre sur pied une mesure qui serait la création d'un dossier médical électronique, pour permettre au médecin qui a un patient devant lui de connaître tous ses antécédents?

  +-(1230)  

[Traduction]

+-

    M. Roman Jovey: En tant que médecin pratiquant, j'accepte volontiers toute l'information additionnelle que je peux obtenir au sujet d'un patient, car cela prend parfois des mois pour recueillir des bouts d'information auprès d'un médecin de famille ou d'un ancien médecin traitant, si le patient est originaire de Vancouver. De mon point de vue en tant que professionnel de la santé, je suis parfaitement d'accord avec ce que vous suggérez. Je comprends la préoccupation au sujet de la vie privée, mais je crois que cela éliminerait certainement certaines inefficacités du système, par exemple les tests et les enquêtes effectués en double. Cela pourrait aider à régler le problème des patients qui vont d'une ville à l'autre et détournent des médicaments dans des buts lucratifs, mais j'ignore le coût d'une telle démarche. S'il s'agit de coûts énormes, nous devrions accepter, en tant que société, le fait que c'est une cause valable. Deuxièmement, comment faire pour aborder les préoccupations reliées à la vie privée? Je suis tout à fait en faveur. J'appuie ce que vous suggérez.

+-

    La présidente: J'aimerais tout d'abord vous remercier de votre présence. Les entreprises qui fabriquent les produits améliorant notre qualité de vie et nous permettant d'aborder ces problèmes sont certainement un morceau important du casse-tête. Nous voulons tous que ces produits demeurent disponibles pour ceux qui en ont besoin. Votre présence et votre bonne volonté ont été très utiles, contrairement à certaines entreprises qui étaient un peu moins bien disposées. Nous discuterons également avec les fabricants de médicaments en vente libre, car c'est un autre élément du casse-tête.

    Je désire simplement clarifier un point. Lorsque vous parlez de toxicomanie, il me semble que vous êtes très précis. C'est une description très serrée. Et vous avez mentionné les différences entre la toxicomanie, l'abus, la dépendance et la tolérance. D'une part j'apprécie tous ces détails et différences scientifiques, mais d'autre part j'estime que cela n'a pas vraiment d'importance, étant donné que les gens qui appartiennent à n'importe quelle de ces catégories créent des problèmes pour eux-mêmes et pour leur famille, et pourraient finir par créer certains problèmes pour nous tous en tant que société. Alors, il se peut que le jeune qui a obtenu du Dilaudid en Nouvelle-Écosse aimait simplement l'effet euphorique; peut-être était-il un toxicomane, peut-être avait-il développé une certaine tolérance, mais il a commencé à s'injecter le produit afin de réduire les coûts et il est maintenant atteint d'hépatite C. Il se peut que certains travaux biogénétiques soient effectués au cours des cinq prochaines années afin de déterminer la façon de prévoir que ce jeune n'aurait pas dû recevoir cette substance, mais cela est trop long pour beaucoup de gens qui se retrouvent dans ce cycle.

    Je me demande si vous pourriez faire des commentaires à ce sujet, ainsi que sur le produit ou la thérapie appropriée, au bon moment. Monsieur White a décrit ce que la plupart des gens ressentent lorsqu'ils ont des douleurs au dos, mais dans certains cas il peut s'agir d'un aboutissement. Peut-être suffit-il de faire appel à la thérapie par le massage ou à la physiothérapie pour combattre le stress. Cela ne règle peut-être pas le problème à long terme, mais si on poursuit le traitement cela peut suffire, sans nécessiter d'autres interventions, et c'est très bien ainsi. Si le traitement cesse, le problème peut persister.

    Comment pouvons-nous assurer qu'un plus grand nombre de médecins, d'infirmières, de pharmaciens et de gens impliqués dans le système de santé aident à intégrer cette information et s'appuient les uns les autres afin que les bons renseignements soient communiqués aux bonnes personnes? Un système électronique de données serait certainement utile. Mais je crois qu'il existe d'autres façons dont nous devons discuter.

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    M. Roman Jovey: J'ai posé une question au sujet de la durée de fonction de ce comité car je me demandais si vous étiez des novices, ou si vous aviez déjà recueilli de l'information, mais j'ai entendu une question ce matin qui m'a clairement indiqué qu'il existe de la confusion au sujet de la terminologie. Si vous ne lisez qu'une seule partie du livre, les annexes A1 et A2 sont courtes, deux pages seulement, et elles traitent précisément de cette différence en matière de terminologie. C'est important.

    Durant mon vol d'avion pour me rendre ici, je lisais le cas d'un patient qui a été qualifié de toxicomane de façon inappropriée; on lui a retiré ses analgésiques opiacés et il s'est fait sauter la cervelle--c'était un Américain. Qui donc est responsable dans ce cas? C'est l'autre facette de la question. C'est pourquoi la terminologie est très importante. Il est très important d'établir la différence entre une personne physiquement dépendante et un toxicomane. Une personne physiquement dépendante représente un problème relativement facile à résoudre, tandis qu'un toxicomane représente un problème beaucoup plus complexe.

    Donc, la terminologie est importante, car ces personnes n'ont pas la même incidence sur la société. Le fardeau le plus lourd ou l'effet le plus néfaste pour notre société est probablement causé par ceux qui détournent des médicaments dans des buts lucratifs, par de véritables toxicomanes ou par des gens qui abusent de médicaments en recherchant un effet euphorique.

    Par exemple, j'ai rencontré un homme d'origine chinoise il y a un mois dont le cancer avait été traité avec succès, ce qui avait entraîné certaines douleurs dans une jambe. On lui avait prescrit des opiacés. En fait, il s'agissait d'OxyContin. Sa douleur était bien contrôlée, mais son cancer était guéri et il tenta de cesser de prendre de l'OxyContin sans succès. Il m'a été acheminé par son médecin de famille qui désirait savoir si cet homme était devenu toxicomane. En fait, il ne l'était pas, il était physiquement dépendant--grande différence. Une simple expertise de faible niveau a permis de le sevrer des opiacés. Je l'ai vu hier et il ne prend plus d'opiacés; quoiqu'il ressente de légers symptômes de sevrage, il n'en prend plus. C'est donc important. La dépendance physique n'est pas de la toxicomanie.

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    La présidente: De toute évidence, il existe différentes façons de retirer un médicament. Dans le cas de personnes diabétiques qui dépendent physiquement de l'insuline, il n'est pas nécessaire de leur retirer ce médicament. Mais si le produit ou le médicament ne fonctionne pas...Il peut s'agir de médicaments sur ordonnance, en vente libre ou illicites, de millepertuis, toute cette catégorie de produits. Peut-être ce produit est-il en mesure de leur permettre d'être au meilleur de leur forme, mais nous devons nous assurer que le bon produit est donné à la bonne personne, selon la bonne méthode, que ce soit pour une poussée d'endorphine ou pour la course à pied.

    Il existe donc des différences importantes en ce qui a trait à la prise en charge de cette personne par un médecin. On peut supposer que la ville de Halifax ne possède pas de problèmes d'héroïne, mais il y a tout un problème d'abus de médicaments sur ordonnance, et cela entraîne d'autres incidences sur la santé. Il se peut donc qu'une grand-mère entraîne toutes sortes de problèmes reliés à la santé, parce que personne ne s'occupe vraiment de sa dépendance, de sa tolérance à la douleur ou de sa toxicomanie, mais elle va se fracturer une hanche et elle n'est pas seulement dépendante. Cela entraîne des implications. Il peut s'agir d'un jeune de 22 ans qui a subi une chirurgie et à qui on prescrit le mauvais médicament. Le choix de la terminologie est important pour vous, mais est-ce vraiment important pour nous?

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    M. Roman Jovey: Oh, absolument. La médecine est une question de risques et d'avantages, et chaque jour, dans l'exercice de mes fonctions, je dois peser les risques et les avantages. Par exemple, plusieurs médecins qui ont peur des opiacés, à cause de l'environnement réglementaire ou de craintes de toxicomanie, continueront de prescrire des médicaments anti-inflammatoires pendant des dizaines d'années. En fait, l'an dernier au Canada près de 2 000 personnes sont décédées suite aux effets néfastes de médicaments anti-inflammatoires. Où donc est le comité parlementaire pour étudier ce problème?

    Je peux vous dire qu'environ 400 héroïnomanes sont morts d'une surdose, tout au plus. Je sais qu'il existe d'autres implications à l'héroïnomanie, mais nous devons situer les choses dans leur contexte et maintenir un point de vue équilibré en ce qui a trait à une mauvaise gestion de la douleur depuis des décennies, ou plutôt depuis des siècles, par rapport au problème de détournement de médicaments et de toxicomanie, de moindre envergure. Cela ne veut pas dire que le problème n'est pas important, mais où allons-nous mettre les ressources?

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    La présidente: D'accord. C'est probablement une question de choisir le bon produit, que ce soit un anti-inflammatoire ou un opiacé, pour la bonne personne, au bon moment. De toute évidence, le travail de Mme Raymond consiste à assurer que cela se fasse. Nous l'apprécions et, bien sûr, les entreprises pharmaceutiques jouent un rôle important afin d'assurer que le bon produit soit prescrit à la bonne personne.

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    Mme Kathryn Raymond: L'autre point important--et j'y ai fait allusion dans la présentation--est le fait d'éduquer la famille à l'effet que le patient deviendra physiquement dépendant après avoir pris des opiacés pendant un certain temps, mais qu'il ne sera pas toxicomane. Il s'agit d'une progression naturelle. Il se peut que le patient développe une tolérance à l'égard du médicament. Il doit alors faire l'objet d'une nouvelle évaluation par le médecin et son médicament, la dose ou quoi que ce soit, doit être ré-évalué afin d'assurer que le patient reçoive le meilleur traitement. Ce sont là des choses très importantes à communiquer à la famille ainsi qu'au patient, de sorte qu'il puisse reconnaître ses propres symptômes et collaborer avec le médecin. Cela est très important et fait partie de notre programme éducatif pour les familles, les patients, les pharmaciens, les infirmières. C'est un travail d'équipe, et nous commençons à former des équipes pour éduquer toutes ces personnes ensemble, afin qu'elles soient sur la même longueur d'ondes.

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    La présidente: Je serais surprise si le comité ne faisait pas cette recommandation. Il serait utile d'amorcer de meilleures discussions au sujet des substances et de leur rôle approprié au sein de nos communautés, et sur la façon d'aider les gens à mieux s'éduquer, de sorte qu'ils puissent poser les bonnes questions. Lorsque la pauvre première personne nous a signalé le problème des médicaments sur ordonnance, nous avons tous douté. Nous devons affronter l'héroïne, le désordre social et tout ce qui s'ensuit. C'est vraiment devenu un problème, comme nous l'avons constaté dans différentes parties du pays.

    Cela me rappelle une autre question. Surveillez-vous différentes régions du pays où vous constatez une augmentation des ventes qui pourrait être discutable et qui ne correspond pas aux moyennes nationales?

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    M. Andrew Darke: Nous examinons les données de façon provinciale. Nous pouvons donc déterminer de façon approximative les provinces dont le taux d'utilisation est plus élevé que les autres. Le problème avec ces données en tant qu'indice ou facteur de détournement ou d'abus -et c'est la façon dont nous voudrions être en mesure d'utiliser ces données- est le fait qu'elles sont grandement influencées, entre autres, par des programmes de remboursement provinciaux. Elles deviennent donc très difficiles à utiliser--surtout au niveau provincial où il peut y avoir plusieurs facteurs ayant une incidence sur l'usage--dans le but d'identifier les provinces où il existe un problème d'abus, en se basant sur des ventes qui sont en fait des ventes légitimes.

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    La présidente: D'accord. Nous laisserons de côté la province et le produit, mais il semble qu'étant donné qu'il s'agit d'un produit générique, on choisit ce produit pour gérer la douleur alors qu'il pourrait y avoir d'autres produits plus efficaces et entraînant un moindre risque pour les personnes qui sont biogénétiquement prédisposées; mais c'est une question de coûts et la province s'occupe de son budget plutôt que des patients. C'est également une préoccupation.

    Merci beaucoup, au nom du comité. J'ai oublié de le dire à l'autre groupe. Nous en sommes aux dernières étapes, mais s'il y a autre chose que vous désirez nous communiquer ou que vous observez lors de vos déplacements, Docteur Jovey, et que vous estimez nécessaire à notre rapport, veuillez nous le faire savoir. Nous avons l'intention de présenter notre rapport en novembre. Nous vous invitons à communiquer avec nous en tout temps si vous avez de l'information additionnelle ou d'autres idées, et nous l'apprécions.

    Collègues, nous ajournerons jusqu'à 14 h 30. Merci.