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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 30 novembre 1999

• 0905

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(2) du Règlement, le comité fait une étude relative à la productivité, à l'innovation et à la compétitivité.

Je suis très heureuse d'accueillir aujourd'hui le vice-président principal des politiques de la Chambre de commerce du Canada, M. Michael Murphy, et son directeur des politiques, M. Peter Tzanetakis, M. Dale Orr, économiste de WEFA Canada Inc. et M. David Slater, ex-président du Conseil économique du Canada.

À moins que vous ne vous soyez entendus pour procéder d'une autre façon, je vous propose de faire vos déclarations préliminaires dans l'ordre indiqué. Je donne donc la parole aux représentants de la Chambre de commerce.

M. Michael Murphy (vice-président principal, Politiques, Chambre de commerce du Canada): Merci, madame la présidente. Je suis très heureux de témoigner ce matin avec mon collègue, pour la Chambre de commerce. Le sujet à l'étude est important. La Chambre de commerce du Canada se réjouit de pouvoir exprimer son point de vue sur cette question importante.

Comme vous l'avez dit, je m'appelle Mike Murphy et je suis vice-président principal des politiques de la Chambre de commerce du Canada. Mon collègue Peter Tzanetakis est directeur des politiques. Il est en outre notre économiste attitré.

[Français]

La Chambre de commerce du Canada est l'une des associations d'affaires les plus importantes et les plus représentatives au Canada. Nos membres représentent toute la gamme des entreprises qui existent au Canada, ce qui nous permet d'être le porte-parole des entreprises de tous les secteurs.

[Traduction]

La Chambre est fermement convaincue que l'amélioration de la productivité est l'un des principaux moteurs de la croissance, de la création d'emplois et de la prospérité et, qu'à ce titre, elle doit être bien comprise. La politique publique doit jouer un rôle vital pour créer la conjoncture économique propice à une forte croissance de la productivité, à une croissance soutenue du PIB, à une croissance de la compétitivité à l'échelle internationale et, par conséquent, à une hausse du niveau de vie de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens.

[Français]

Il est bien connu que l'amélioration de la productivité est la clé de hausses soutenues de notre niveau de vie. C'est pour cette raison que la Chambre de commerce du Canada appuie sans réserves la décision récente du gouvernement du Canada de mettre l'accent sur la productivité. Notre niveau de vie, PIB/population, est déterminé par les facteurs de la productivité et du marché du travail. Les facteurs du marché du travail peuvent influer grandement sur notre niveau de vie à moyen terme. D'ailleurs, dans les années 1990, la raison principale de la très faible performance de notre niveau de vie a été une baisse de notre taux d'activité de la main-d'oeuvre, et non un rendement décevant de la productivité. En effet, les données récentes semblent indiquer que la performance de notre productivité, dans les années 1990, a été comparable à celle des États-Unis. Une productivité accrue est effectivement la seule voie à emprunter pour parvenir à une hausse de niveau de vie à long terme.

[Traduction]

Il est en outre extrêmement important de reconnaître que les décisions concernant la politique économique doivent viser à accroître la compétitivité du Canada. L'intégration économique à l'échelle planétaire ne nous laisse pas le choix: nous devons absolument aligner notre performance sur celle de nos concurrents et, par conséquent, nous devons éviter de nous laisser distancer par nos concurrents les plus acharnés, et tout particulièrement par les États-Unis, si nous voulons exploiter à fond le potentiel économique de la nouvelle économie.

Les comparaisons de la productivité du Canada dans le temps, ou par rapport aux États-Unis, peuvent être très utiles pour révéler si nous avons été à la hauteur de notre potentiel et pour révéler les aspects à améliorer. Mais, au bout du compte, nous devons adopter les politiques requises pour que notre rendement soit à la hauteur de notre potentiel à l'avenir.

En dépit du débat qui entoure les évaluations de la productivité du Canada et indique que notre pays a en fait un rendement légèrement supérieur au rendement des États-Unis, le niveau de vie des Canadiens a baissé et l'accroissement de notre productivité a fléchi considérablement depuis les années 60 et 70. Comme la productivité est un des facteurs essentiels à un accroissement du niveau de vie des Canadiens, il est toujours nécessaire d'axer la politique économique canadienne sur l'amélioration de la productivité et une forte croissance économique tout en veillant à devenir plus concurrentiels à l'échelle internationale.

• 0910

La Chambre de commerce du Canada appuie sans réserve les efforts du gouvernement visant à accroître la productivité. Mais, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait mettre l'accent sur les politiques qui accordent la plus grande priorité aux facteurs d'incitation à la croissance économique. Il faut le faire sans tenir compte de ce que les statistiques peuvent nous révéler, étant donné que, comme je l'ai signalé tantôt, une accélération de la croissance de la productivité est synonyme d'un niveau de vie supérieur. Les politiques économiques axées sur cet objectif devraient devenir une des principales priorités du gouvernement.

[Français]

Le gouvernement a indiqué que l'amélioration de la productivité et la hausse du niveau de vie du Canada étaient des assises importantes de ses politiques économiques. Le premier ministre a déclaré dans son allocution devant la Chambre de commerce du Canada, à l'occasion de notre assemblée générale annuelle de 1998, que la productivité était la clé pour améliorer le niveau de vie et que le gouvernement axerait un grand nombre de ses efforts en ce sens.

Dans une allocution prononcée à Toronto le 22 avril 1999, le ministre de l'Industrie a affirmé que même si notre qualité de vie est bonne, il existe un écart important entre le niveau de vie des Canadiens et celui des Américains. Bien que cet écart s'explique en partie par des taux d'emploi moins élevés au Canada, le ministre a indiqué que la principale explication était une productivité moins élevée au Canada.

[Traduction]

L'une des grandes préoccupations de la Chambre au sujet du «programme de la productivité» du gouvernement est le fait que ce dernier tentera d'utiliser le terme «productivité» à toutes les sauces pour justifier diverses dépenses de programmes dans les budgets futurs. Une condition essentielle d'une croissance économique soutenue est que le gouvernement continue à assainir les finances du pays. Sur ce front, il devrait contrôler les dépenses. La voie qui mène à une économie plus productive et en meilleure santé n'est pas des hausses spectaculaires des dépenses de programmes.

En outre, le gouvernement doit s'engager plus fermement à rembourser systématiquement la dette. À 61 p. 100, le ratio dette/PIB est encore très élevé. Il faut le ramener à au moins 50 p. 100 dans un délai raisonnable, avant que le gouvernement ne commence à envisager d'importantes hausses des dépenses de programmes, en sus des dépenses nécessaires pour maintenir nos programmes sociaux et compenser les pressions résultant de l'inflation et de la croissance démographique.

La réduction de l'impôt doit devenir une des grandes priorités budgétaires, surtout en cette nouvelle période d'excédents importants. La Chambre de commerce du Canada est fermement convaincue que le gouvernement devrait accorder la même importance à la réduction de l'impôt actuellement qu'il en a accordé à l'élimination du déficit il y a quelques années à peine. Les dividendes seront tout aussi impressionnants que ceux que nous avons retirés de l'élimination du déficit.

Le gouvernement doit être actif dans d'autres secteurs de politiques qui influent directement sur la productivité et la croissance. La mise au point de nouvelles technologies, la diffusion de la technologie et des pratiques exemplaires, ainsi que l'éducation et la formation comptent parmi les plus importants.

Mais si le régime fiscal du Canada continue d'entraver ce qui peut inciter les Canadiens à être plus productifs, ce qui peut inciter les entrepreneurs à prendre des risques et à investir, ce qui peut inciter les entreprises à embaucher et ce qui peut inciter les travailleurs hautement qualifiés à rester au Canada, les autres initiatives en matière de politiques ne pourront pas atteindre leurs objectifs.

[Français]

Il ne fait aucun doute que le milieu des affaires a un rôle important à jouer pour accroître la productivité. Les entreprises investissent dans les usines et l'équipement, embauchent de la main-d'oeuvre, mettent au point et adoptent de nouvelles technologies et aident l'économie à grandir. Mais si les politiques qui créent un climat propice à la croissance de la productivité ne sont pas en place, les entreprises ne pourront pas exploiter pleinement leur capacité de prendre de l'expansion et de créer des emplois.

[Traduction]

Réduire les impôts est important du point de vue de la compétitivité. Bien que le fardeau fiscal relatif du Canada se situe dans la moyenne de l'OCDE, il n'est évidemment pas comparable à celui des États-Unis. L'écart fiscal important entre les deux pays nuit à notre compétitivité.

L'impôt élevé sur le revenu des particuliers est l'un des plus gros défis que doit relever le Canada. Une comparaison des taux marginaux d'imposition démontre l'ampleur du fossé qui existe entre le Canada et les États-Unis. Le taux marginal combiné le plus élevé (52 p. 100) au Canada s'applique à partir de 65 000 $, tandis que le taux marginal combiné le plus élevé (42 p. 100) aux États-Unis s'applique à partir de 275 000 $ U.S. (environ 400 000 $ CAN). Au Canada, l'impôt sur le revenu des particuliers en proportion du PIB est de 14,6 p. 100, soit le plus élevé parmi les pays du G-7.

Les écarts énormes entre l'impôt sur le revenu des particuliers défavorisent gravement le Canada lorsqu'il tente de prévenir l'émigration des contribuables qui constituent son assiette fiscale, en particulier vers son voisin du Sud. Le facteur important dont il faut se souvenir est que les émigrants ont tendance à être des professionnels instruits, très qualifiés, très productifs et très mobiles. Or, on a besoin d'eux pour occuper des emplois à forte valeur ajoutée dans les industries de croissance novatrices. Perdre des professionnels de ce calibre se traduit par un taux de rendement très négatif sur l'investissement dans l'éducation.

• 0915

La réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers inciterait davantage les Canadiens à travailler plus fort et à participer davantage au marché du travail, ce qui résulterait en une croissance économique plus élevée. Les taux d'imposition élevés ne récompensent pas l'effort et n'incitent pas les entrepreneurs à prendre des risques. En outre, des écarts importants dans les taux d'imposition peuvent pousser les travailleurs les plus productifs à déménager là où les impôts sont moins élevés. La réduction des impôts fera augmenter le revenu disponible et les dépenses de consommation. Les résultats obtenus dernièrement aux États-Unis démontrent que les dépenses de consommation peuvent stimuler considérablement la croissance économique et la création d'emplois, ce qui a fait augmenter davantage les revenus et accru les recettes gouvernementales à moyen et à long terme.

Je voudrais passer maintenant le microphone à mon collègue M. Tzanetakis qui exposera les points saillants de nos recommandations qui concernent en particulier l'amélioration de la productivité.

M. Peter Tzanetakis (directeur des politiques, Chambre de commerce du Canada): Merci, Mike.

Je suis extrêmement heureux d'être ici pour exprimer le point de vue des membres de la Chambre de commerce du Canada dans le cadre de cette série d'audiences importantes.

Nous vous avons remis un mémoire portant sur la productivité et la compétitivité, dont mon collègue a résumé le contenu à votre intention. Nous vous avons remis en outre un exemplaire de notre résolution intitulée «Taux de croissance de la productivité au Canada», qui a été adoptée à l'unanimité au cours de notre assemblée générale annuelle, qui a eu lieu cet automne, à Edmonton. Cette résolution énonce les principes directeurs qui sous-tendent les politiques de la Chambre. J'attire votre attention sur les quatre recommandations principales: entreprendre la réforme de l'impôt sur le revenu des particuliers et de l'impôt sur le revenu des entreprises et les réduire; continuer à réduire les barrières freinant les échanges intérieurs; faire une étude sur les causes du décalage entre la formation et les besoins du marché du travail au Canada et appuyer la croissance d'une économie axée sur le savoir au Canada, par l'entremise de politiques conçues pour raffermir les activités canadiennes de R et D.

Ces recommandations ont été pour la plupart à l'avant-plan du débat sur la politique économique en cette ère nouvelle marquée par les excédents budgétaires. Les membres de la Chambre estiment que la réalisation de ces objectifs aura des répercussions extrêmement bénéfiques à long terme sur la productivité, la compétitivité, la croissance économique et le niveau de vie au Canada. La productivité peut être améliorée de diverses façons: par la diffusion et l'adoption de nouvelles technologies innovatrices, par l'éducation permanente et l'amélioration du système éducatif, par la libre circulation des biens et des services tant à l'échelle internationale qu'à l'intérieur du pays, par l'accroissement de la libre circulation de la main-d'oeuvre et l'amélioration des réseaux de transport et de communication. Alors que toutes ces initiatives peuvent encourager la croissance de la productivité à long terme, la Chambre estime que le régime fiscal canadien ne devrait pas être un obstacle à l'exploitation du plein potentiel de la croissance économique, de la création d'emplois et de l'amélioration du niveau de vie de tous les Canadiens.

Il s'agit d'un problème si urgent pour nos membres que nous avons lancé au mois de juillet une stratégie nationale de réduction de l'impôt sur laquelle repose le mémoire que nous avons présenté la semaine dernière dans le cadre des consultations prébudgétaires pour l'an 2000. J'attire toutefois votre attention sur le fait que notre stratégie, intitulée «Une approche efficace en matière de réduction d'impôt», n'est pas uniquement une liste de recommandations concernant la réduction de l'impôt. Elle énumère plusieurs principes directeurs qui devraient permettre d'adopter une vision économique visant à améliorer nos perspectives économiques, accroître le revenu disponible des citoyens qui sont travailleurs, instaurer un climat économique plus propice à un accroissement plus rapide de la productivité, améliorer la structure du système de stimulation au Canada, accroître la compétitivité des entreprises canadiennes et augmenter le niveau de vie des Canadiens, qui a plutôt tendance à fléchir.

La Chambre a souvent été accusée à tort d'avoir un programme d'action unidirectionnel. Je tiens à mettre les choses au point.

Notre vision économique ne se limite pas à une simple réduction des impôts. Elle est fondée sur un engagement ferme pour faire en sorte que la situation financière de notre pays s'améliore. L'abaissement d'une dette nationale beaucoup trop élevée doit rester la priorité fondamentale du gouvernement. Nos options seront très limitées si le service de la dette continue d'absorber 26 p. 100 des recettes fiscales. C'est pourquoi nous recommandons que le fonds de réserve ainsi que tout excédent imprévu, réalisé grâce à la prudence extrême dont le gouvernement fait preuve dans ses prévisions budgétaires, servent à réduire la dette.

Sur le plan fiscal, la Chambre estime que des réductions générales de l'impôt sur le revenu des particuliers devraient devenir la principale priorité. C'est une façon de résoudre le problème du niveau de vie des Canadiens. Nos recommandations en matière de réduction d'impôt concernent tous les niveaux de revenu. C'est pourquoi nous recommandons une augmentation de l'exemption personnelle de base, un relèvement des seuils d'imposition en ce qui concerne les revenus moyens et supérieurs, l'élimination de la surtaxe de 5 p. 100 qui est prélevée pour réduire le déficit et une diminution du taux marginal d'imposition applicable à toutes les tranches de revenu sans exception.

La Chambre de commerce du Canada demeure un fervent partisan d'une réduction du montant des primes d'assurance-emploi à un niveau tout juste suffisant pour assurer l'autofinancement du système. La présence d'un excédent annuel de 6 à 7 milliards de dollars au chapitre de l'assurance-emploi indique que le gouvernement a la marge de manoeuvre voulue pour réduire les primes d'AE et faire augmenter le revenu disponible des Canadiens par le biais d'une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers.

• 0920

Bien que la diminution de l'impôt sur le revenu des particuliers soit devenue une priorité absolue, le gouvernement devrait entamer un processus de réforme fiscale globale du régime fiscal suranné du Canada en ce qui concerne les entreprises. Un des objectifs stratégiques de cette réforme fiscale doit être l'amélioration de la compétitivité du Canada en matière fiscale. Une telle réforme doit être axée sur une réduction des taux d'imposition applicables au revenu des entreprises dans le but de rendre l'impôt sur le revenu des sociétés plus concurrentiel à l'échelle internationale.

En établissant ses priorités en matière de politique fiscale, la Chambre n'a pas reproché pour autant au gouvernement d'avoir considérablement relevé les niveaux de dépenses de programmes au cours des trois dernières années. Le niveau des dépenses est passé de 104,5 à 111,5 milliards de dollars. D'après les prévisions, ces dépenses atteindront 113,5 milliards de dollars l'année prochaine, puis 118 milliards de dollars au cours de l'exercice 2001-2002. C'est une augmentation de près de 7 milliards de dollars en deux ans, et elle vient s'ajouter à celle des années antérieures.

Dans ses recommandations, la Chambre de commerce du Canada n'a jamais demandé au gouvernement d'envisager de réduire les programmes ou le niveau des dépenses de programmes pour permettre de réduire les impôts ni même la dette. Le débat se résume en une question claire et simple: quelle est la meilleure utilisation à faire des excédents prévus, compte tenu de la nécessité urgente d'un allégement fiscal et de la réduction d'une dette particulièrement lourde? Les programmes peuvent assurément être maintenus mais les nouveaux besoins qui se manifestent peuvent être priorisés dans le cadre de dépenses de programmes accrues. La dette peut être réduite dans le but d'élargir nos options en matière financière. Et surtout, les Canadiens peuvent être récompensés par un engagement ferme du gouvernement à alléger considérablement et d'une façon générale le fardeau fiscal des particuliers.

Je vous remercie.

La présidente: Merci bien.

Je donne la parole à M. Dale Orr. Allez-y, monsieur Orr.

M. Dale Orr (économiste, WEFA Canada Inc.): Merci. Je suis content d'être ici.

Au début des années 90, la productivité canadienne, c'est-à-dire le rendement de l'ouvrier, et notre niveau de vie, autrement dit notre PIB par habitant, étaient inférieurs d'environ 20 p. 100 à la productivité et au niveau de vie américains. En cette fin de siècle, notre productivité est toujours inférieure d'environ 20 p. 100 à la productivité américaine mais notre niveau de vie a fléchi d'environ 25 p. 100 par rapport à celui de nos voisins. Quoi qu'il en soit, il est important d'atteindre notre plein potentiel, sans s'occuper de nos voisins. Par contre, leur performance nous révèle notre potentiel et est un facteur déterminant de notre capacité de concurrence.

Une performance solide sur le plan de la productivité est notre seule possibilité d'améliorer notre niveau de vie de façon durable. Je suppose que tous les autres témoins vous l'ont dit. Nous sommes confrontés par conséquent à deux problèmes évidents: le premier est que notre niveau de productivité et notre niveau de vie sont trop bas et le deuxième est que la progression de notre niveau de vie est trop lente.

La principale cause de notre productivité—c'est-à-dire du rendement par travailleur—insuffisante est un piètre rendement dans le secteur manufacturier et non dans celui des services. Notre piètre productivité dans le secteur manufacturier a pour principale cause la performance assez déplorable du secteur informatique, qui est due notamment à notre lenteur à s'adapter aux nouvelles technologies et aux pratiques exemplaires, tant dans le domaine de la technologie que dans celui de la gestion. Ce sont d'après moi les principales causes du problème. C'est un problème extrêmement complexe dont les causes sont nombreuses, mais ce sont celles que j'aurais tendance à mettre en évidence.

Si notre niveau de vie est relativement peu élevé, c'est surtout à cause de notre faible productivité. Outre le fait que notre rendement par ouvrier—c'est-à-dire notre productivité—est relativement faible, le pourcentage de notre population qui occupe un emploi est moins élevé qu'aux États-Unis. Cette mollesse du secteur de l'emploi est principalement due à la faiblesse de la demande globale et à une mobilité relativement limitée de la population. Les Canadiens persistent à rester dans des régions où le taux de chômage est élevé et où les chances d'amélioration de l'emploi sont quasi nulles.

Le fléchissement de notre niveau de vie par rapport à celui des Américains au cours des années 90 est dû à une piètre performance du marché du travail plutôt qu'à une productivité moindre. Au cours des années 90, notre niveau de productivité par rapport à celui des Américains s'est maintenu, mais pas notre niveau de vie. Par conséquent, la principale cause de notre problème n'est pas une faible croissance du rendement par ouvrier mais plutôt une baisse de participation sur le marché de l'emploi. Si la situation s'est progressivement améliorée depuis le début des années 90 au chapitre du chômage, le taux de participation au marché du travail a cependant diminué aussi. Il a diminué chaque année entre 1990 et 1996. Par chance, il s'est remis à augmenter légèrement depuis deux ans mais, aux États-Unis, il n'a cessé d'augmenter depuis le début des années 90.

• 0925

Pour que notre niveau de vie augmente à l'avenir, il sera non seulement nécessaire que la productivité par travailleur augmente, mais aussi que le pourcentage de Canadiens disposés à travailler et capables de trouver un emploi productif augmente considérablement.

Les politiques qui contribueront principalement à accroître la productivité sont celles qui nous encouragent à adopter les nouvelles technologies et les pratiques exemplaires en milieu de travail. Pour améliorer la productivité, il faudra, bien entendu, adopter un éventail assez étendu de politiques mais je dirais que c'est par là qu'il faut commencer.

Des réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers peuvent faire accroître la productivité en augmentant le revenu net des Canadiens et en accroissant l'épargne disponible pour l'investissement. Quand le revenu net augmente, la motivation à chercher un emploi, à travailler, à suivre une formation, à se perfectionner dans le but d'occuper un emploi mieux rémunéré et à rester au Canada augmente. La réduction de l'impôt sur les sociétés peut accélérer la productivité, la croissance économique et la création d'emplois en encourageant les Canadiens à investir et à prendre des risques en affaires. Des réductions du montant des primes d'AE—il y en a eu quelques-unes mais elles ne sont malheureusement pas suffisantes—incitent davantage les Canadiens à travailler et les entreprises à recruter.

L'accroissement des dépenses du gouvernement fédéral risque davantage de faire baisser notre productivité que de la faire augmenter, surtout parce qu'il se ferait aux dépens d'une réduction d'impôt indispensable. Les principaux facteurs d'accroissement de la productivité sont une adaptation et une innovation accrues stimulées par la réduction de l'impôt, une concurrence accrue, des investissements étrangers directs accrus et un renforcement des réseaux d'échange extérieurs. C'est un fait sur lequel on ne peut trop insister. La clé de l'accroissement de la productivité est une adaptation et une innovation accrues axées sur le savoir accessible à l'échelle planétaire. Il s'agit d'intégrer ce savoir dans le secteur administratif et manufacturier en adoptant les techniques exemplaires. C'est donc un mécanisme de transmission de l'information.

Nous avons beaucoup plus besoin de réductions d'impôt que de programmes ou de subventions gouvernementaux supplémentaires.

Merci.

La présidente: Merci bien, monsieur Orr.

Je donne la parole à M. David Slater. Allez-y, monsieur Slater.

M. David Slater (témoignage à titre personnel): Je suis heureux de participer à vos délibérations sur la productivité. Je ne fais pas d'étude particulière sur le sujet pour le moment mais je réfléchis depuis longtemps à ce problème. Mon premier écrit sur la productivité est une composition que j'ai faite il y a une cinquantaine d'années, lorsque j'étais à l'université de Chicago.

Je crois comprendre que la présente étude est axée davantage sur les questions micro-économiques que sur les questions macro-économiques mais ces deux notions sont étroitement reliées.

Comme vous êtes tellement occupés que vous n'avez pas le temps de tout lire, je pourrais peut-être vous parler de quelques publications et conférences récentes qui donnent des informations particulièrement utiles sur ce sujet. J'en mentionnerai quatre qui me semblent particulièrement intéressantes.

La première est un document qui a été présenté par Richard Harris de la Simon Fraser University dans le cadre de la conférence sur les niveaux de vie organisée par Industrie Canada au mois de septembre et qui est intitulé: «Determinants of Canadian Productivity Growth: Issues and Prospects». Il s'agit d'une étude extrêmement intéressante. J'en reparlerai.

La deuxième est l'exposé fait par Pierre Fortin il y a environ un mois en présence des mécènes de l'Institut C.D. Howe, qui avait pour thème: «The Canadian Standard of Living: Is There A Way Up?».

La troisième est l'article qui a été publié en 1990 sous la plume de Daniel Trefler—professeur à l'université de Toronto—dans le numéro de juillet-août de la revue Options politiques sous le titre: «Does Canada Need a Productivity Budget?».

Et enfin la quatrième est l'ouvrage de John Helliwell publié par Brookings Institution Press en 1998 et intitulé: How Much Do National Borders Matter? Cet ouvrage a d'ailleurs été primé dernièrement.

• 0930

Je pourrais citer en outre bien d'autres études—le récent article d'Andrew Sharpe, l'ouvrage de Dale, ou celui de Richard Lipsey.

Étant donné qu'il s'agit d'un sujet d'actualité, j'attire également votre attention sur l'article de Paul Krugman paru dans SLATE et intitulé «Enemies of the WTO», dont je remettrai des exemplaires à la greffière pour qu'elle puisse les faire photocopier pour vous. C'est une perle.

Je parlerai maintenant du document qui a été préparé par Harris. C'est une excellente étude et un bilan de l'état des connaissances sur la croissance de la productivité économique au Canada. Sa conclusion générale est:

    D'une manière générale, il est admis que le commerce extérieur, l'investissement et la formation du capital humain sont les principaux moteurs de croissance de la productivité dans un contexte global où les connaissances nouvelles ouvrent des perspectives de croissance. Les opinions restent toutefois très partagées quant aux leviers qu'il conviendrait d'actionner pour accélérer cette croissance.

Si, comme la plupart des observateurs en conviennent, la croissance de la productivité a été plus lente au Canada qu'aux États-Unis et que dans la plupart des pays européens au cours des 10 dernières années, il conviendrait d'analyser la question en fonction des principaux moteurs, à savoir le commerce extérieur, l'investissement et la formation du capital humain et le contexte dans lequel l'acquisition de nouvelles connaissances crée des possibilités de croissance.

Je crois qu'il ne faut jamais oublier le fait que, même si le Canada réussit très bien à produire de nouvelles connaissances, de 97 à 99 p. 100 des nouvelles connaissances qui sont intéressantes pour le Canada, et qui le resteront indéfiniment, viennent de l'extérieur. C'est le point de départ de toute analyse. Par conséquent, si la croissance de la productivité canadienne est relativement lente, c'est dans la transmission du savoir et son adaptation au contexte canadien qu'il faut en chercher avant tout la cause.

Lorsque je travaillais pour le Conseil économique—au début des années 80—, nous avons lancé la première enquête sur l'innovation. Nous avons mené une enquête pour essayer de savoir notamment quand cette pratique en particulier a été introduite au Canada, quand elle s'est répandue et quand elle s'est généralisée. Cette enquête nous a permis de constater une certaine lenteur à glaner des idées neuves, à diffuser la connaissance et à intégrer celle-ci en profondeur au système.

Étant donné qu'au Canada, la plupart des emplois sont créés par les petites et moyennes entreprises, il convient de se demander comment les connaissances pertinentes peuvent être adaptées à ces entreprises et y être exploitées. Il ne faut pas trop se préoccuper des grosses entreprises. Il vaut mieux se préoccuper davantage de la transmission de ces connaissances aux petites et moyennes entreprises.

Le Canada s'en est relativement bien tiré en ce qui concerne le développement de son commerce extérieur et intérieur, mais de nombreux obstacles à une exploitation totale des possibilités qu'offrent le commerce et la spécialisation subsistent. Étant donné que l'hégémonie des États-Unis et la production mondiale ont déjà probablement atteint leur point culminant depuis quelque temps, l'expansion du commerce canadien dans d'autres régions revêtira une importance croissante à long terme.

Malgré les divers efforts qui ont été faits dernièrement dans ce domaine, il reste une tâche d'envergure à accomplir. Le commerce intérieur est, lui aussi, extrêmement important, comme l'indique le livre de M. Helliwell, mais de gros obstacles interprovinciaux subsistent.

Ce livre indique que, lorsqu'on tient compte de la superficie des diverses régions et des distances, le volume des échanges interprovinciaux est de 12 à 20 fois supérieur au volume des échanges intérieurs aux États-Unis et que les zones frontières ont beaucoup d'importance. Il expose la situation de façon très précise.

C'est une étude remarquable. J'en ai tellement parlé que les rédacteurs en chef de Canadian Business Economics ont accepté que je fasse une critique de ce livre pour leur revue. J'ai autorisé la parution du texte hier et il paraîtra dans le prochain numéro. Par conséquent, vous aurez très bientôt l'occasion de lire un résumé du livre de John Helliwell.

• 0935

En ce qui concerne l'investissement, les données concernant les 10 dernières années indiquent que, dans ce domaine, nos dépenses sont proportionnellement inférieures à celles qui ont été effectuées dans plusieurs autres pays, notamment aux États-Unis, surtout dans le secteur de la machinerie et de l'équipement qui joue un rôle crucial dans la croissance de la productivité. De nombreux facteurs, dont une récession plus profonde qu'aux États-Unis dans les années 90, la structure fiscale canadienne en ce qui concerne les entreprises, l'incertitude politique et la diminution du taux d'épargne nationale ont contribué à ce recul.

En ce qui concerne le problème du régime fiscal auquel sont soumises les entreprises, je vous recommande fortement d'examiner attentivement le rapport Mintz et ce, pour diverses raisons. La première, c'est que ce régime ne se limite pas à l'impôt sur le revenu des sociétés mais qu'il comporte bien d'autres types de taxes qui ont en fait augmenté bien davantage que ce dernier au cours des 10 dernières années.

La deuxième, qui confirme encore une fois les constatations faites par le Conseil économique, c'est qu'en raison de sa structure, notre régime d'imposition des entreprises est loin d'être efficace et équitable. Lorsque je travaillais pour le Conseil, nous avions fait une étude sur l'imposition du revenu du capital et nous avons constaté que le régime d'imposition était particulièrement avantageux pour quelques secteurs alors qu'il était très dur pour d'autres. Ce régime détourne en fait l'investissement de plusieurs secteurs au profit de quelques autres secteurs. N'allez surtout pas croire qu'une simple réduction générale du fardeau fiscal des entreprises aura des effets magiques; il est nécessaire de tenir compte de la structure du régime fiscal en vigueur et des niveaux d'imposition actuels.

La carence de l'investissement semble être plus prononcée en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises canadiennes qu'en ce qui concerne les grandes. Pour ma part, je pense que ce déséquilibre est lié aux difficultés persistantes auxquelles les PME doivent faire face en matière de financement. La cadette de mes filles est conseillère en affaires et sa clientèle est composée de petites et moyennes entreprises. Je vous garantis que les histoires qu'elle doit raconter aux banques pour essayer de les convaincre de prêter des fonds à des clients tout à fait sérieux me font dresser les cheveux sur la tête.

Un jour, Gordon Sharwood, dont la profession consiste entre autres choses à mobiliser des fonds pour les entreprises nouvelles, m'a raconté l'anecdote suivante: alors qu'il élaborait un plan qui devait lui permettre de trouver 1 million de dollars de nouveau capital pour une entreprise, les banques ont exigé le remboursement des prêts et cette entreprise a été obligée de fermer ses portes. D'après lui, si les banques n'ont pas intérêt à provoquer la fermeture d'entreprises en faillite, c'est parce qu'elles n'ont aucune chance de récupérer leur mise. Elles n'ont intérêt à adopter cette tactique que lorsqu'il s'agit d'entreprises qui ont encore des fonds suffisants pour que le jeu en vaille la chandelle.

Ce genre de réflexion sur les banques frise l'humour noir, mais il renferme une part de vérité.

Toujours en ce qui concerne l'investissement, j'estime que le Canada a laissé son capital social se détériorer au cours des 10 dernières années. Tous les automobilistes qui ont emprunté les grand-routes de l'Ontario au cours de cette période ont pu constater que notre capital social a fondu dans ce secteur. Le réseau routier est non seulement une commodité sociale mais il est aussi un vecteur de l'accroissement du rendement du capital privé.

Le rendement de la formation du capital humain est le troisième des principaux moteurs mentionnés par Harris. Je crois que la performance du Canada dans ce domaine est plutôt inégale. Sur le plan concret, le pourcentage de jeunes terminant leur école secondaire s'est accru et celui de diplômés d'études collégiales ou universitaires a considérablement augmenté. Ce sont les aspects positifs de la performance canadienne.

Cependant, en ce qui concerne plusieurs autres facteurs de croissance de la productivité à court et à long terme, les résultats sont moins heureux. Par exemple, la proportion de Canadiens ayant un faible niveau d'alphabétisation fonctionnelle est particulièrement élevée. Nous possédons des preuves de plus en plus concluantes de l'influence très marquée de la qualité des soins et de l'affection reçus dans la petite enfance sur les aptitudes fonctionnelles de l'individu lorsqu'il entre dans l'adolescence et atteint l'âge adulte. Le nouvel ouvrage de Bill Robson sur le système scolaire ontarien nous apprend que la performance scolaire des enfants au niveau primaire est nettement moins forte en Ontario que dans plusieurs autres provinces. De surcroît, l'écart est encore plus marqué par rapport à la plupart des pays étrangers.

• 0940

Le fait que l'on n'ait pas réussi à se constituer une relève suffisante de techniciens, de technologues et de négociants pour remplacer ceux qui sont venus au Canada comme immigrants dans les années 50, dans les années 60 et au début des années 70 en apportant leur bagage de compétences et que l'aide publique à la recherche fondamentale et appliquée ait été plutôt restreinte... Lorsque je travaillais à l'université Queen's, j'occupais les fonctions de doyen des études supérieures et de directeur des opérations de recherche; par conséquent, j'ai été témoin des difficultés que l'on éprouvait à lever des fonds de recherche pour ce que je considère toujours comme une excellente université.

En ce qui concerne les leviers à activer pour améliorer la croissance de la productivité du Canada, le document de M. Harris dispense de sages mais prudents conseils et je vous recommande vivement d'y jeter un coup d'oeil. Entre les deux antipodes que constituent l'intervention du gouvernement dans la sélection et la promotion des entrepreneurs prospères et la formation de nouveaux entrepreneurs, je penche en faveur de cette dernière. La recherche de nombreux talents parmi les nouveaux entrepreneurs selon une démarche d'esprit analogue à celle des prospecteurs miniers m'a toujours semblé être une bonne tactique. Si l'on frappe juste dans 50, 25, voire seulement 10 p. 100 des cas en faisant de la prospection, on finit par trouver quelques perles. Par contre, lorsque M. Harris dit que l'efficacité des politiques axées sur un but précis n'est nullement garantie, je suis d'accord avec lui.

Je ferai maintenant quelques commentaires sur l'exposé de M. Fortin. Il porte en grande partie sur les incidences négatives de la politique de la banque centrale canadienne et de notre politique budgétaire, qu'il critique de façon acerbe, mais il porte aussi sur l'industrie et la productivité. Dans ces dernières parties de son exposé, son diagnostic et les remèdes qu'il prescrit sont analogues à ceux de M. Harris. À propos de la performance du Canada et des États-Unis au chapitre de la productivité dans le secteur manufacturier, M. Fortin signale, comme l'ont fait d'autres observateurs, que la performance du Canada en matière de productivité est inférieure à celle des États-Unis, mais que la situation s'améliore légèrement. Il précise toutefois que ce n'est pas le cas dans deux secteurs importants: celui de l'appareillage électronique et électrique, incluant les ordinateurs, et celui de la machinerie commerciale et industrielle. Ce sont des constatations qui ont été faites également par Dale.

Ces comparaisons sectorielles ont amené Trefler à conclure que, sur le plan de l'innovation, le retard du Canada est très prononcé en ce qui concerne les produits mais que nous nous en tirons assez bien en ce qui concerne les procédés. Il s'agit là d'une différence qui a beaucoup d'importance pour ce qui est de l'amélioration à long terme de la productivité.

À ce propos, Fortin dit notamment ceci:

    Trefler essaie de démontrer que nous n'investissons pas suffisamment dans la R et D, que nous n'exploitons pas au maximum le savoir actuel dans le secteur de la technologie et que nous tardons davantage que d'autres pays à adopter des technologies nouvelles.

Il continue en ces termes:

    Étant donné qu'au chapitre de la productivité, les gains sont étroitement liés au capital humain, au capital savoir et aux mises de fonds concrètes, il est de toute évidence utile d'examiner également de plus près l'investissement dans trois grands secteurs: l'éducation, la R et D et la machinerie et l'équipement.

Fortin prescrit des remèdes pour chacun de ces secteurs. Dans le contexte de la politique fiscale canadienne, la R et D est envisagée dans une perspective beaucoup trop étroite. Le régime fiscal pour les entreprises va à contre-courant des dispositions de la politique fiscale canadienne en matière de R et D. Ces dispositions sont censées avoir pour but de promouvoir la recherche et le développement alors que, d'une manière générale, le régime fiscal qui est imposé aux entreprises crée un obstacle. C'est du moins mon avis personnel, qui rejoint d'ailleurs celui de M. Mintz et de son comité.

Le rapport Mintz précise que l'impôt sur le revenu des sociétés n'est qu'un des nombreux aspects du régime fiscal auquel les entreprises sont assujetties. En outre, la structure de ce régime est un obstacle de taille à l'efficacité et à la productivité.

Merci bien.

La présidente: Merci, monsieur Slater.

Nous entamons maintenant la période des questions. À vous de commencer, monsieur Penson.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Merci, madame la présidente.

Je souhaite la bienvenue au groupe d'experts ici présents. Personnellement, j'attends depuis un certain temps que vous veniez nous exposer vos opinions sur le problème que cause l'écart entre notre productivité et celle des États-Unis. Les Canadiens ne sont peut-être pas conscients de ce problème, mais ils savent très bien que leur niveau de vie diminue. Je pense toutefois que, à part ceux qui voyagent beaucoup, ils ne se rendent pas vraiment compte du fossé qui sépare leur niveau de vie et celui des Américains ni du rythme auquel il s'est creusé au cours des dernières années.

• 0945

Il m'a semblé que les experts qui ont parlé ce matin avaient un leitmotiv, à savoir qu'il faut avant tout reconnaître que nous avons un problème. Je soupçonne que bien des Canadiens persistent à nier cette évidence, surtout dans les milieux gouvernementaux. Si nous reconnaissons toutefois que nous sommes confrontés à un problème, d'après ce que j'ai pu comprendre, les principales solutions passent par une réduction considérable de l'impôt, surtout de l'impôt sur le revenu des particuliers mais aussi de l'impôt sur le revenu des sociétés, et par le remboursement de la dette. Au rythme actuel, il nous faudra, d'après mes calculs, 191 ans pour rembourser complètement notre dette nationale.

Si j'en parle, c'est que j'ai l'impression que ces deux approches transmettraient un message très clair aux entrepreneurs, c'est-à-dire à ceux et celles qui sont prêts à investir dans notre pays. Si l'on accélérait le rythme, tant en ce qui concerne les réductions d'impôt que le remboursement de la dette, dans le but d'attirer de nouveaux investissements porteurs de savoir—je crois d'ailleurs que M. Slater a parlé des industries du savoir et de l'investissement dans ce secteur... Il me semble que c'est une prescription qui va de soi. Je ne sais toutefois pas si on l'adoptera, même si le ministre de l'Industrie a sonné l'alarme lui-même.

La question que j'ai à vous poser est la suivante: étant donné l'écart entre le niveau de vie américain et le nôtre, qu'en sera-t-il, dans cinq ou dix ans, si nous ne nous fixons pas des priorités en vue de le réduire?

La présidente: Je crois que la question s'adresse à tout le groupe.

Voudriez-vous commencer, monsieur Murphy?

M. Michael Murphy: Je pense que les facteurs sur lesquels repose votre question revêtent une importance critique quant à notre avenir économique. Alors qu'au cours des dernières années, nous avons maintenu notre position par rapport aux États-Unis en ce qui concerne la productivité, un écart important subsiste. Nous avons d'ailleurs mentionné brièvement quelques-unes des conséquences de cette situation dans notre mémoire et dans l'exposé que nous avons fait ce matin.

Nous estimons que, pour résoudre ce problème, il faut avant tout en chercher la cause dans notre régime fiscal étant donné que le problème se manifeste essentiellement de deux façons. Il se manifeste par un écart dans la productivité et par un écart important entre les niveaux de revenu canadiens et américains. Dans les milieux gouvernementaux, on établit des statistiques qui révèlent les écarts qui se manifestent à ce dernier chapitre et par conséquent, vous considérez que ce problème est non seulement lié à la fiscalité mais aussi au revenu.

Pour notre part, nous estimons qu'il est essentiel de maintenir les emplois nécessaires au Canada pour garantir la croissance économique et de se baser sur le revenu personnel disponible. Ces chiffres indiquent que nous sommes probablement à peu près dans la même situation qu'il y a une dizaine d'années ou que celle-ci s'est même légèrement détériorée. Par conséquent, ça signifie essentiellement qu'il faut concentrer notre attention sur les priorités et c'est ce qui est le plus difficile lorsqu'il s'agit de prendre des décisions; il faut faire des choix difficiles.

L'impôt sur le revenu est effectivement un des domaines où il faut intervenir. Vous avez parlé du niveau élevé de la dette et c'est un point sur lequel vous devez continuer à mettre l'accent. Nous estimons par contre que la mesure la plus efficace pour générer de l'activité économique passe par des réductions de l'impôt sur le revenu de l'ordre de celles que nous avons recommandées.

La présidente: Merci, monsieur Murphy.

Monsieur Orr.

M. Dale Orr: Je suis d'accord avec vous. Ce serait une grosse erreur d'omettre de prévoir de fortes réductions d'impôt sur le revenu dans le présent budget. Je ne veux pas être alarmiste à outrance, mais c'est très important. Malgré toutes les belles déclarations du ministre, c'est aux fruits que l'on reconnaît l'arbre. Il a beau dire qu'il nous accorde une déduction d'impôt d'une valeur de 1 milliard de dollars. On a l'impression que c'est beaucoup, mais ce n'est vraiment pas assez.

D'après moi et d'après bien des économistes, le ministre devrait avoir à sa disposition un excédent d'environ 11 milliards de dollars dans le prochain budget; c'est ce que semble indiquer d'ailleurs sa récente mise à jour. Il en mettra de côté environ 4 milliards de dollars pour le fonds de réserve et par mesure de précaution, ce qui fait qu'il restera 7 milliards de dollars. Il a en fait déjà prélevé 1 milliard de dollars sur cette somme pour une réduction des primes d'assurance-emploi et il restera par conséquent 6 milliards de dollars. C'est donc au sujet de cet excédent qu'il faut prendre des décisions: il y a 6 milliards de dollars à affecter.

• 0950

J'estime que le ministre devrait consacrer quelque 5 milliards de dollars à des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers dans son prochain budget, sinon ce ne serait pas suffisant. Si les prévisions sont exactes et que l'excédent budgétaire est de 11 milliards de dollars, on aurait 5 milliards de dollars pour des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers, 1 milliard de dollars pour l'assurance-emploi et il resterait en fin d'exercice 5 milliards de dollars à consacrer à la réduction de la dette.

À cela vient s'ajouter l'augmentation de 2 milliards de dollars des dépenses de programmes prévue dans le plan budgétaire pour 1999. Quand on parle d'excédent prévu, tout le monde sait qu'il s'agit de l'excédent qui reste après avoir tenu compte de l'augmentation des dépenses de programmes nécessaire en fonction de l'inflation et de l'accroissement de la population.

Ceci est très important: lorsque le ministère des Finances parle de l'excédent, toute somme affectée aux dépenses de programmes en est déjà déduite, l'inflation et la croissance démographique ayant déjà été prises en compte. Puisque, en ce qui concerne les réductions d'impôt, c'est aux fruits que l'on reconnaît l'arbre, j'estime qu'il conviendrait d'y consacrer environ 5 milliards de dollars.

Je pense que nous sommes tous d'accord sur le point suivant: pour que des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers aient une incidence sur la productivité, il est nécessaire qu'elles aient une incidence sur le revenu disponible marginal et que tous les contribuables en bénéficient. Bien sûr, il est politiquement correct de déclarer que l'on va s'occuper des contribuables à revenu faible et moyen parce que ce sont eux qui ont le plus besoin d'aide. Par contre, si l'on s'obstine dans cette voie, comme on l'a fait au cours des dernières années, qui restera-t-il pour payer des impôts? Vous avez entendu les chiffres. Les «cerveaux» qui émigrent sont des personnes qui ont pour la plupart un revenu supérieur à la moyenne. Par conséquent, il est capital de faire bénéficier tous les Canadiens de cette réduction d'impôt sur le revenu de 5 milliards de dollars. Il est très important d'en faire bénéficier les Canadiens qui ont un revenu supérieur à la moyenne car ce sont eux qui paient le plus d'impôt sur le revenu.

M. Charlie Penson: Vous nous suggérez d'adopter une structure fiscale analogue à celle des Américains, parce que sinon nous continuerons à perdre plusieurs de nos citoyens les plus brillants; en effet, compte tenu de la tranche d'imposition applicable à leurs revenus et de leur mobilité, ils n'hésiteront pas à aller s'établir aux États-Unis.

M. Dale Orr: Vous préconisez une structure fiscale analogue. Je n'accorderais toutefois pas une importance exagérée à ce facteur. En fait, c'est probablement davantage pour accroître notre productivité qu'il est très important de réduire l'impôt sur le revenu pour les contribuables à revenu élevé, peu importe ce que font les Américains.

La présidente: Pourquoi ne pas donner à M. Slater l'occasion de répondre également? Monsieur Slater.

M. David Slater: J'ai trois points à signaler.

Premièrement, j'estime qu'il est somme toute clair que le fardeau fiscal est, d'une manière générale, plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers, quels que soient les facteurs pris en considération.

L'expert-conseil invité du ministère des Finances, M. Bob Brown—qui a été dirigeant en chef d'une firme d'experts-comptables renommée—a fait une comparaison très minutieuse qui ne porte pas uniquement sur l'impôt sur le revenu mais aussi sur les autres taxes et les primes d'assurance-maladie par exemple. Même en tenant compte de tous ces facteurs, il est incontestable que nous sommes moins bien lotis que les Américains, surtout aux niveaux de revenu supérieurs.

Deuxièmement, je ne crois pas qu'il faille concentrer toute notre attention sur la réduction des impôts dans la répartition de ce dividende budgétaire. Notre régime fiscal et nos programmes de dépenses comportent de nombreuses mesures injustes et de nombreuses lacunes qui nécessitent beaucoup d'attention. Pour les éliminer, il faut malheureusement faire payer davantage d'impôt à certaines personnes et moins à d'autres. Par conséquent, lorsqu'on examine ces questions d'ordre structurel, on constate qu'il y a nécessairement des gagnants et des perdants mais ce sont des questions très importantes.

En ce qui concerne le régime d'imposition des entreprises, Jack Mintz ne recommande pas de retirer leurs avantages aux contribuables qui bénéficient d'allégements fiscaux mais plutôt d'accorder plus ou moins les mêmes avantages aux autres, de façon à uniformiser en quelque sorte le système. Ça entraînerait évidemment quelques coûts. J'estime que ce serait une grosse erreur—je suis d'ailleurs prêt à en discuter avec le ministre—de négliger le régime d'imposition des entreprises pour s'occuper uniquement de l'impôt sur le revenu des particuliers.

• 0955

Troisièmement, nos politiques sociales et fiscales ont toujours eu tendance à être résolument axées sur une volonté d'apporter quelque confort et quelque soulagement aux plus défavorisés. Par ailleurs, nous avons intégré à notre régime fiscal une multitude de mesures dissuasives—comme les dispositions de récupération—, ce qui prouve que, si l'on veut aider les plus démunis et les moins nantis, on ne tient pas pour autant à ce qu'ils remontent trop vite la pente. En effet, lorsque le revenu augmente de 20 000 $ à 25 000 $ ou 28 000 $—ce qui est inférieur au salaire moyen dans l'industrie—les taux d'imposition marginaux sont de 50 p. 100, 60 p. 100 ou 70 p. 100 dans ces tranches de revenu.

Par conséquent, je vous recommande d'abaisser les impôts, comme l'ont suggéré ces messieurs, mais en portant quelque attention à la structure.

La présidente: Merci bien, monsieur Slater.

Monsieur Malhi.

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, madame la présidente.

D'après M. Dale Orr, les dépenses engagées par le gouvernement fédéral ont fait baisser la productivité. Estimez-vous par conséquent que les dépenses publiques sont inutiles? Sinon, dans quels secteurs le gouvernement devrait-il faire des dépenses? Pourriez-vous expliquer comment il peut améliorer la productivité en réduisant l'impôt?

M. Dale Orr: Merci.

Je pense effectivement que le gouvernement fédéral gaspille son argent. Ces derniers temps, il est question, bien sûr, du tunnel de 3,6 milliards de dollars et nous avons de nouvelles preuves de gaspillage des deniers publics pratiquement tous les mois. De nombreuses priorités nouvelles apparaissent. Certaines d'entre elles sont incontestablement liées à la productivité et je crois qu'il y a deux possibilités d'intégration de ces priorités.

Le dernier budget contenait un calendrier de dépenses de programmes. Ces dépenses augmentent de 3 p. 100 par an. Par conséquent, le gouvernement a prévu des dépenses supplémentaires de l'ordre de 3 milliards de dollars dans son budget pour des initiatives comme celles dont nous sommes en train de discuter, et principalement des initiatives susceptibles de nous aider à faire adopter les pratiques exemplaires dans l'administration et à l'usine. Je crois que ce montant est plus ou moins approprié et que c'est également l'avis de la Chambre. Voilà.

Par ailleurs, le gouvernement fait effectivement des dépenses inutiles. Je n'ai encore jamais entendu le gouvernement, et principalement les ministres, parler des priorités secondaires. Si de nouvelles priorités importantes apparaissent—et ce sont toujours celles dont parlent les ministres—quels sont les secteurs qui deviennent secondaires, ceux où l'on peut réduire ou supprimer les dépenses pour répondre à quelques-uns de ces nouveaux besoins?

Je reconnais que de nombreuses priorités importantes se présentent mais, tout en s'attachant à réduire les dépenses dans les secteurs moins prioritaires, il faudrait prévoir au budget des fonds suffisants pour les priorités secondaires.

M. Gurbax Singh Malhi: Pourriez-vous nous parler brièvement d'un secteur où il est impératif de faire des dépenses pour améliorer la productivité?

M. Dale Orr: Oui. Par où commencer?

• 1000

Ce que j'ai voulu dire, c'est que nous n'avons pas besoin de nouveaux programmes fédéraux impressionnants. Personne, ou pour ainsi dire personne, n'en veut. Je crois que ce que l'on a dit aujourd'hui, et je sais que c'est ce qu'indiquent diverses études, c'est qu'il faudrait mettre l'accent sur la transmission de nouvelles connaissances, de nouvelles informations, de nouvelles inventions et d'innovations sur le marché canadien. Je crois que David a dit que 98 p. 100 des nouvelles inventions viennent de l'étranger. Il faudrait par conséquent tenter d'améliorer la situation à cet égard.

Il est impératif d'encourager les gens d'affaires à adopter ces nouveautés et à réussir, et c'est précisément par le biais de réductions d'impôt que l'on y arrivera. Ces réductions sont un des leviers que l'on peut actionner. Une formation plus poussée en gestion en est un autre. Il faut à mon sens s'efforcer d'introduire sur le marché canadien et dans le secteur manufacturier toutes les nouveautés qui se présentent.

M. Gurbax Singh Malhi: Comment des réductions d'impôt peuvent-elles toutefois accroître la productivité? Si le gouvernement réduit les impôts, les employés feront passer les économies ainsi réalisées dans leurs dépenses personnelles. Leur productivité n'augmentera pas nécessairement.

M. Dale Orr: Si, et ce, grâce à divers mécanismes. Le plus important est un accroissement de la motivation. Quand on réduit les impôts, on permet aux contribuables de décider comment ils veulent dépenser cet argent supplémentaire. Dans le cas des entrepreneurs, la réponse est évidente. Quant aux travailleurs qui ont la possibilité de faire des heures supplémentaires, ça leur permettra d'avoir davantage d'argent dans les poches. S'il s'agit d'un jeune qui se demande comment il pourrait financer les longues études qu'il faut faire pour devenir médecin, avocat ou professeur ou s'il devrait abandonner ses études secondaires et vivre aux crochets de la société, une réduction d'impôt l'encouragera davantage à opter pour la première solution. Dans le cas des élèves les plus brillants frais émoulus de nos facultés de droit et des programmeurs qui se demandent s'ils devraient rester au Canada ou aller s'établir aux États-Unis, une réduction d'impôt les encouragerait à rester ici.

Il est incontestable que l'on peut s'attendre à un accroissement de la productivité grâce à la motivation que créent des réductions d'impôt. Elles permettent d'économiser davantage. David a dit que les réductions de l'impôt sur le revenu des sociétés peuvent libérer de l'argent pour l'investissement et inciter les entrepreneurs à prendre davantage de risques. Il est très clair que la motivation créée par des réductions d'impôt peut avoir des retombées très positives sur la productivité.

La présidente: Merci.

[Français]

Monsieur Brien, s'il vous plaît.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Dans vos présentations, vous vous êtes tous entendus sur cet écart de productivité, et particulièrement celui qui s'établit entre le Canada et les États-Unis. Les gouvernements et bon nombre d'entreprises semblent être conscients de cet écart de productivité et croire que la faible valeur du dollar le compense en grande partie. Si l'écart entre notre productivité et celle des États-Unis est de 40 à 45 p. 100 et qu'il y a un écart semblable entre le dollar canadien et le dollar américain, il y a une espèce de plaster temporaire qui fait en sorte qu'à court terme, le problème est moins pressant pour plusieurs entreprises. Je ne dis pas que ce problème ne nous guette pas à long terme et j'aimerais vous demander si vous vous préoccupez du fait que plusieurs entreprises semblent s'accommoder du fait que, de toute façon, la faiblesse du dollar compense cet écart de productivité à court terme. Cela me préoccupe et j'aimerais entendre votre point de vue.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Murphy.

[Français]

M. Michael Murphy: Vous avez soulevé une autre question importante. Oui, cela nous préoccupe. Je pourrais vous dire brièvement que c'est au niveau des exportations qu'on voit croître l'économie du Canada et qu'il faut se demander ce qui est à la source de cette croissance. La faible valeur du dollar canadien est sûrement l'un des facteurs. Si sa valeur augmentait, est-ce que nos exportations continueraient de s'accroître? Nous devons nous demander quelles autres actions doit prendre le Canada afin de s'assurer d'une bonne productivité. C'est pour cette raison que nous avons soulevé l'importance de réduire les impôts, en particulier les impôts sur le revenu des particuliers. On verra bien ce que fera le gouvernement, mais nous maintenons que la réduction des impôts demeure toujours la question la plus importante.

• 1005

[Traduction]

La présidente: Monsieur Orr.

M. Dale Orr: Je crois qu'il existe deux types de liens entre le cours du dollar canadien et la productivité. Le premier est fondé sur l'hypothèse suivante: la chute du dollar et la baisse des coûts unitaires au Canada, qui avantage les exportateurs canadiens, a donné à ces derniers un faux sentiment de sécurité et ne les a pas incités à être aussi efficaces que possible. C'est une hypothèse. Si Gordon Thiessen était ici, il vous dirait qu'il n'en croit rien. Je pense que les données économiques qui tendent à confirmer cette hypothèse ne sont pas concluantes. Certains observateurs pensent que la faiblesse du dollar procure un sentiment de sécurité qui fait que certains entrepreneurs se bercent d'illusions. D'autres, par contre, ne sont pas d'accord.

L'autre incidence est cependant très importante et très claire. La faiblesse de notre devise a effectivement accru notre compétitivité, nous a permis d'exporter davantage, a permis à plusieurs usines de tourner à un niveau se rapprochant davantage de leur pleine capacité, a entraîné la création d'emplois supplémentaires et a accéléré le rythme de notre croissance économique. Il est incontestable que les exportations vers les États-Unis ont été le moteur de l'économie canadienne au cours des trois ou quatre dernières années et ce, en très grande partie, grâce à la faiblesse de notre devise.

Quant à savoir si cette faiblesse, qui a engendré une hausse de la production et du niveau de l'emploi, a également accru notre productivité, c'est discutable. Il ne faut pas oublier que la productivité correspond à la production divisée par le nombre d'emplois. Or, la faiblesse du dollar a fait augmenter à la fois le numérateur et le dénominateur de cette fraction. A-t-elle entraîné une hausse de la productivité? C'est discutable, mais je pense que c'est probable.

Un fait qui est absolument sûr, c'est qu'en stimulant l'emploi et la production, la faiblesse du dollar a accru notre niveau de vie. Le niveau de vie est le PIB réel par personne et elle a incontestablement fait augmenter notre PIB sans avoir la moindre influence sur le plan démographique. Par conséquent, la faiblesse du dollar a incontestablement accru notre niveau de vie.

M. David Slater: Puis-je ajouter quelques commentaires? Le premier est que la faiblesse de notre devise est un phénomène temporaire. Le dollar canadien ne restera pas aussi faible. Sa faiblesse est due entre autres à la faiblesse du prix des produits primaires. Les termes de l'échange se sont détériorés davantage au cours de cette période qu'au cours de pratiquement n'importe quelle autre période de l'histoire du Canada mais cette situation ne persistera pas indéfiniment. Les termes de l'échange ont des hauts et des bas.

Mon deuxième commentaire est qu'il ne faut pas oublier à ce propos que nous devons toujours compter sur des capitaux étrangers. L'épargne n'est pas suffisante pour couvrir nos besoins d'investissement. Pourtant, l'investissement n'est pas particulièrement élevé. Il reste que l'épargne nationale ne suffit pas. Par conséquent, nous avons dû continuer à importer des capitaux. Ces capitaux ont été importés en grande partie, bien entendu, à la suite d'opérations assez spéciales et peu connues. On a fait notamment en sorte que les obligations canadiennes soient suffisamment attrayantes pour les étrangers pour que, même si elles sont en dollars canadiens, elles représentent un bon placement. Par conséquent, les Américains, les Allemands, les Japonais et les habitants d'autres pays ont acheté beaucoup d'obligations canadiennes. L'insuffisance de l'épargne par rapport à l'investissement est une situation qui est ou devrait être temporaire, à mon avis. Bien entendu, le meilleur moyen d'atténuer l'écart consiste à faire baisser le niveau de la dette nationale. C'est par conséquent ce que je recommande de faire.

Il ne fait aucun doute que plusieurs Canadiens profitent de la faiblesse de notre devise mais elle donne en outre à beaucoup d'autres l'occasion d'ouvrir des marchés qu'ils continueront d'alimenter lorsque la valeur du dollar sera à un niveau plus normal et plus raisonnable.

• 1010

La présidente: Merci bien.

Monsieur Lastewka.

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur Tzanetakis, vous avez lu un extrait d'un autre document. Je me demande si vous en avez d'autres exemplaires, ce qui nous permettrait d'examiner les chiffres et autres renseignements qu'il contient sans devoir attendre la parution des Procès-verbaux.

La Chambre de commerce a fait à nouveau de nombreuses recommandations. Je voudrais savoir quelles seraient, après toutes les données que vous avez présentées aujourd'hui, vos deux priorités principales si vous deviez n'en retenir que deux.

M. Michael Murphy: Bon, je vais essayer de répondre.

Je crois que, d'une manière générale, des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers sont au sommet de notre liste de priorités. C'est indiscutable. Vous avez un cadre économique et financier qui comprend plusieurs secteurs prioritaires mais c'est aux réductions générales d'impôt sur le revenu des particuliers que nous accordons le plus d'importance et ce, pour les diverses raisons que nous avons exposées et que plusieurs autres témoins ont également mentionnées.

Ensuite, il est indispensable de réduire la dette nationale. Nous approuvons entièrement les priorités que le gouvernement s'est fixées en accordant un caractère d'urgence au remboursement de la dette. Nous pensons en effet que la dette et les intérêts annuels que nous versons sur cette dette réduisent notre marge de manoeuvre.

Par conséquent, nous estimons que ce sont les deux priorités les plus importantes.

M. Walt Lastewka: Bien. Vous avez parlé du commerce interne dans votre exposé; d'ailleurs, les chambres de commerce ne cessent d'en parler mais je n'ai jamais entendu dire qu'elles prennent des initiatives en ce sens. Étant donné que j'ai participé à des ateliers sur le commerce intérieur, il me semble que les chambres de commerce en parlent sans toutefois s'attaquer vraiment au problème.

M. Michael Murphy: C'est un sujet important. Avant et depuis la mise en place de cette entente, vers le milieu des années 90, la Chambre de commerce—je ne travaillais pas encore pour elle mais je le sais très bien—a joué un rôle actif et nos membres considèrent que c'est une priorité importante. Pour diverses raisons, dont le manque de mobilité de la main-d'oeuvre sur lequel nous avons mis l'accent aujourd'hui n'est pas la seule, nous avons fait beaucoup d'efforts pour que cette question soit mise à l'ordre du jour tout en reconnaissant les obstacles politiques que comporte la signature d'ententes entre divers paliers de gouvernement. Par conséquent, nous continuons d'accorder une forte priorité à cette question.

C'est en définitive une question de choix. Pour l'instant, comme je l'ai signalé, nous mettons l'accent sur la situation fiscale et sur la dette.

Peter, pourquoi ne feriez-vous pas quelques commentaires supplémentaires à ce sujet si vous avez d'autres informations à donner?

M. Peter Tzanetakis: J'aurais une seule remarque importante à ajouter. Il ne s'agit pas de négliger un problème pour donner la priorité à un autre. Il est à mon sens extrêmement important de reconnaître que, en cette période d'excédents budgétaires, nous tenons à ce que les programmes soient maintenus. Nous avons accepté l'augmentation du niveau des dépenses de programmes proposée par le gouvernement et nous acceptons celles qui sont prévues pour les cinq prochaines années dans la mise à jour économique et financière que le ministre des Finances nous a présentée au début du mois.

Nous ne tenons pas à ce que les fortes réductions d'impôt sur le revenu des particuliers que nous préconisons se fassent aux dépens des autres programmes. Il est tout à fait possible de concilier les deux. Comme l'a laissé entendre Mike, il faut tenir compte du fait que les excédents budgétaires sont en sus de l'augmentation des dépenses de programmes déjà prévue.

M. Walt Lastewka: Je crois que vous vous éloignez du sujet. J'ai entendu votre exposé. Comme je n'ai pas beaucoup de temps, je voudrais que l'on réponde à mes questions, un point c'est tout.

• 1015

Je voudrais poser une question à M. Orr. Vous avez dit qu'il faudrait encourager les entreprises à adopter de nouvelles technologies. Votre commentaire m'a étonné. Les entreprises adoptent généralement les nouvelles technologies parce que c'est rentable et que ça leur rapporte. Ai-je mal interprété vos propos? Que vouliez-vous dire en parlant d'accorder des avantages ou des subventions aux entreprises pour les encourager à adopter les nouvelles technologies?

M. Dale Orr: On leur en accorde déjà. Cependant, si l'on réduisait l'impôt sur le revenu des sociétés, ça leur permettrait d'accroître leurs bénéfices nets, pour autant qu'elles en aient.

En ce qui concerne les petits entrepreneurs auxquels s'applique le régime d'imposition du revenu des particuliers, une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers les stimulerait à coup sûr.

M. Walt Lastewka: Les entreprises n'adoptent-elles pas avant tout les technologies nouvelles parce qu'elles y ont intérêt et parce que ça leur rapporte?

M. Dale Orr: Exactement. Elles le font parce qu'elles s'attendent à en tirer un profit. Par contre, le profit escompté augmenterait davantage si leur taux d'imposition était réduit. Voilà ce que je veux dire.

M. Walt Lastewka: D'accord.

Ai-je le temps de poser une autre question?

La présidente: Oui.

M. Walt Lastewka: Monsieur Slater, vous avez clairement dit qu'il était important de créer de nouveaux produits et de faire preuve d'innovation. On pourrait peut-être y ajouter les deux autres facteurs. La création de nouveaux produits nécessite notamment de la recherche et développement.

Ce sont les entreprises canadiennes qui investissent le moins dans ce domaine. Elles sont en bas de liste si je ne me trompe. Pourquoi? Pourquoi les entreprises n'investissent-elles pas dans la recherche et développement? Pourquoi avons-nous un aussi piètre bilan dans ce domaine? Je croyais pourtant que nous avions des stimulants fiscaux intéressants.

M. David Slater: Oui.

Je crois qu'il est important de faire une distinction entre les très grandes entreprises et les PME. Ces dernières n'ont généralement pas des moyens financiers considérables. Pour elles, créer ou adopter un nouveau produit est une entreprise qui comporte des risques. Elles le font parfois, mais pas assez souvent. Je crois que l'on possède des données assez sérieuses qui prouvent que les impôts et le manque de capitaux leur rendent la vie dure.

Le Programme d'aide à la recherche industrielle (PARI) du Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a notamment beaucoup aidé les entreprises. Il s'agit d'un programme très discret. Il consiste à envoyer des conseillers sur place pour aider une entreprise en particulier. C'est probablement le programme le plus efficace, par rapport à ce que nous y avons investi.

À propos de la question que vous avez posée à Dale, je dirais qu'un nouvel investissement comporte toujours des risques. Il y a des limites aux risques que l'on peut prendre ou accepter; il faut en outre pouvoir les financer en fonction du capital disponible, du traitement fiscal et de divers autres facteurs.

Il reste que c'est une entreprise hasardeuse, même pour les gens d'affaires qui ont fait des calculs minutieux et établi un excellent plan d'entreprise. Je crois que l'on n'accorde pas suffisamment de stimulants aux PME ou qu'on ne leur donne pas la capacité de prendre ces risques.

La présidente: Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Orr.

M. Dale Orr: Oui. Je me suis un peu renseigné pour savoir pourquoi l'on fait aussi peu de R et D au Canada. Deux facteurs principaux interviennent. L'un est la propriété étrangère et l'autre est la petite entreprise.

• 1020

La propriété étrangère a deux types de conséquences. Ces entreprises ont tendance à effectuer la R et D, au même titre que les autres fonctions administratives centrales, dans leur pays d'origine et pas dans les divers autres pays où elles ont établi des filiales. C'est vrai en ce qui concerne les sociétés américaines qui ont des filiales au Canada, Nortel en particulier. Cependant, par rapport à leur chiffre d'affaires respectif au Canada et aux États-Unis, elles font, toutes proportions gardées, énormément de R et D au Canada. Par conséquent, il ne faut pas accuser toutes les entreprises américaines de faire la recherche uniquement dans leur pays.

Ce fait explique en partie la situation. Étant donné le degré de propriété étrangère, la recherche se fait souvent dans le pays d'origine. C'est dû à la centralisation de l'administration des entreprises canadiennes et américaines.

L'autre aspect est que la présence de la propriété étrangère est particulièrement marquée dans les industries à forte teneur en technologie, surtout parce que les États-Unis sont des chefs de file dans ce domaine. Par conséquent, c'est un autre facteur qui entre en ligne de compte. En outre, les petites entreprises font proportionnellement moins de R et D que les grandes entreprises. Le pourcentage de petites entreprises est plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, ce qui explique en partie cette carence.

Le problème c'est de savoir que faire pour remédier à la situation. Faut-il essayer de décourager la petite entreprise au Canada parce qu'elle ne fait pas de R et D? Je ne le pense pas. Faut-il essayer de décourager la propriété étrangère parce qu'une société étrangère comme la General Motors ne fera probablement pas faire sa recherche au Canada? Non, je ne le pense pas. C'est donc un fait qu'il faut accepter.

Je tiens à mettre l'accent sur le fait qu'il n'est pas absolument essentiel d'intensifier la R et D au Canada pour accroître la productivité et améliorer notre niveau de vie. Les dispositions fiscales actuelles susceptibles d'encourager la R et D sont déjà parmi les meilleures qui soient. L'essentiel, c'est de s'assurer que les nombreuses inventions et pratiques exemplaires qui ont vu le jour dans divers pays soient intégrées dans nos usines et dans notre milieu de travail. On ne pourra jamais assez le répéter.

Je ne tiens pas à minimiser l'importance de la R et D. On possède une foule de données qui démontrent qu'elle a des retombées et présente d'autres avantages, mais il faut faire la part des choses: seulement 2 p. 100 des inventions et idées nouvelles viennent du Canada; 98 p. 100 d'entre elles viennent de l'extérieur. On aurait beau doubler la R et D effectuée au Canada, ça n'aurait pas autant d'incidence sur notre productivité et sur notre niveau de vie qu'une simple amélioration de ce mécanisme d'adaptation.

M. David Slater: Pourrais-je faire un tout petit commentaire?

Vues sous un certain angle, les dispositions fiscales relatives à la R et D sont très avantageuses. Par contre, les critères en sont trop stricts. Par conséquent, une grande partie des activités importantes sur le plan de l'innovation ne peuvent bénéficier des dispositions fiscales concernant la R et D. Bien entendu, la difficulté est que, lorsqu'on élargit le champ d'application, on ouvre la porte à toutes sortes de combines de la part des comptables et des avocats, comme nous avons pu le constater à propos du crédit d'impôt pour la recherche scientifique.

La présidente: Monsieur Slater, pourriez-vous nous citer un type d'activité qui ne donne pas droit aux avantages fiscaux prévus?

M. David Slater: Si je comprends bien, si l'on a une idée et que l'on veut la mettre à exécution, l'adapter, faire des études pilotes, il s'écoule généralement une période de cinq ans entre le début des travaux de R et D et la réalisation concrète du projet. C'est un processus d'investissement. La plupart des étapes de ce processus—les études pilotes par exemple—ne bénéficient pas des dispositions fiscales en matière de R et D.

La présidente: Merci.

Monsieur Murphy, vous voulez faire un bref commentaire.

M. Michael Murphy: Oui. J'en ai en fait deux à faire.

Je reconnais qu'une bonne partie de l'innovation qui se fait au Canada ne correspond peut-être pas à nos critères en matière de recherche scientifique et expérimentale. Nous en avons même des preuves.

L'autre commentaire que je voudrais faire c'est qu'il convient de préciser que, bien que, d'une façon générale, les entreprises canadiennes n'investissent pas dans la R et D dans quelques secteurs très importants de l'économie, comme les télécommunications et l'aérospatiale ou dans d'autres secteurs nouveaux et innovateurs comme la biotechnologie, les investissements en R et D sont toutefois considérables. Dans l'industrie des télécommunications, les investissements dans la recherche sont importants à la fois dans le secteur des services et dans celui de l'équipement, non seulement de la part d'entreprises canadiennes mais aussi d'entreprises étrangères. Par conséquent, il faut éviter de généraliser à outrance et tenir compte de ce qui se passe également dans ces secteurs.

• 1025

M. Walt Lastewka: En définitive, nous restons malgré tout au bas de la liste.

La présidente: Merci, monsieur Lastewka.

Monsieur Riis.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Merci.

Les opinions que nous avons entendues ce matin sont très intéressantes et très instructives. Messieurs, j'ai fort apprécié vos exposés et vos réactions aux questions.

La semaine dernière, j'étais avec un groupe d'économistes norvégiens. En examinant le mémoire de la Chambre de commerce, j'ai vu que le niveau de vie des Norvégiens avait augmenté de 22 p. 100 alors que dans les autres pays, y compris le nôtre, l'accroissement du niveau de vie était extrêmement faible.

Je pense que nous sommes tous au courant du régime en vigueur dans les pays nordiques. Le niveau d'imposition y est très élevé. L'essence coûte 1,60 $ le litre, la majeure partie du prix représentant des taxes. Pourtant, le niveau de vie augmente dans de telles proportions, malgré le niveau d'imposition élevé des particuliers et malgré un système d'aide sociale très élaboré.

Que font-ils donc de plus que nous pour obtenir une telle croissance, avec l'accroissement de la productivité qui en résulte probablement? C'est une question d'ordre général, mais j'en aurais toutefois deux autres à poser. Elles s'adressent à qui veut bien y répondre.

Dale, cette question s'adresse à vous. Elle porte sur la nécessité de prévoir un allégement des impôts dans le prochain budget. Je sais que vous avez tous parlé de productivité et que par conséquent vos exposés sont nettement axés là-dessus. Le Comité des finances a fait une tournée nationale et je suppose que d'autres groupes lui ont fait une foule de bonnes suggestions.

Dale, je vous recommande de prévoir des vacances pour le mois de février parce que je crois que vous serez très déçu en ce qui concerne les 5 milliards de dollars que vous recommandez de consacrer à des réductions d'impôt. Ce n'est toutefois qu'une opinion personnelle.

Puisque vous avez insisté sur le fait qu'il fallait faire bénéficier tous les Canadiens de ces réductions, je me demande bien pourquoi vous n'avez pas suggéré en outre une réduction de la TPS, dont bénéficieraient, bien entendu, aussi les enfants, alors qu'ils ne seraient pas concernés par les réductions d'impôt sur le revenu. C'est la question que je vous pose.

David, vous avez signalé, et je crois que nous sommes tous d'accord avec vous sur ce point, qu'il était essentiel mais extrêmement difficile de rendre l'information, les nouvelles technologies et la R et D accessibles aux PME. D'après mes observations personnelles, la plupart des chefs de PME ont une méfiance viscérale envers l'État. Quel conseil auriez-vous à nous donner? Comment pourrions-nous résoudre ce problème de circulation de l'information alors que celle-ci est capitale pour accroître la productivité, et tout particulièrement dans ces secteurs? J'admets que les grandes entreprises sont probablement en mesure de s'en charger elles-mêmes mais comment serait-il possible de vaincre les préjugés qu'ont les PME à l'égard de l'État pour leur transmettre l'information?

Ce sont trois questions d'ordre général.

M. Peter Tzanetakis: J'essaierai de répondre à la première question. Quand on fait des comparaisons entre deux pays, on n'examine pas seulement le niveau d'imposition général mais aussi la structure du régime fiscal. Je crois qu'il est extrêmement important de le préciser. En effet, dans certains pays comme l'Allemagne et la France, les charges sociales ont tendance à être plus élevées qu'ici. Nous sommes peut-être plus concurrentiels en ce qui concerne les charges sociales qu'en ce qui concerne l'impôt personnel, ce qui pourrait avoir une forte incidence sur le niveau de vie et la croissance à long terme.

Mon deuxième commentaire concerne la structure du régime fiscal concernant les sociétés. Plusieurs pays sont en train de réduire considérablement les taux d'imposition sur le revenu des sociétés et diverses autres taxes d'affaires.

Par conséquent, je ne pense pas qu'il suffise de se demander quel est notre fardeau fiscal global. Il pourrait être semblable au fardeau fiscal moyen pour l'ensemble des pays de l'OCDE. Est-ce suffisant? Non. Je crois qu'il faut pousser l'analyse plus loin et essayer de savoir dans quels secteurs précis nous ne sommes pas concurrentiels.

M. Nelson Riis: Je trouve votre remarque très pertinente. En effet, comme l'a déjà signalé Michael, nous avons tendance à ne pas pousser l'analyse assez loin quand nous comparons notre situation à celle des États-Unis. Il est évident que nos structures fiscales sont déréglées.

M. Peter Tzanetakis: Oui.

M. Nelson Riis: Nous interviendrons d'abord au niveau de l'impôt sur le revenu des sociétés et sur le revenu des particuliers. C'est là qu'est la demande. Par conséquent, puisque vous parlez de pousser l'analyse plus loin, vous voulez probablement dire qu'il faut la pousser plus loin dans ce domaine également. Est-ce bien cela?

M. Peter Tzanetakis: Certainement. Un des commentaires que nous avons faits dans notre mémoire est que c'est au niveau de l'impôt sur le revenu des particuliers que réside une des plus grosses difficultés car il représente 13 p. 100 ou 14 p. 100 du PIB alors qu'aux États-Unis, il n'en représente qu'environ 8,5 p. 100 ou 9 p. 100.

Nous poussons effectivement l'analyse plus loin et je crois que c'est extrêmement important. Il ne s'agit pas de se contenter de faire une analyse globale; il faut également examiner les divers facteurs.

La présidente: Monsieur Orr.

• 1030

M. Dale Orr: J'apprécie vos questions. Je crois qu'elles sont très importantes. Je m'intéresserai surtout à l'une d'elles, en disant, en guise de préambule, que les réductions de 5 milliards de dollars de l'impôt sur le revenu des particuliers sont—et je crois que nous le comprenons tous les deux—la solution que j'ai recommandée et pas une simple attente de ma part.

Je tiens à signaler qu'une réduction d'impôt de 5 milliards de dollars répartie sur 30,5 millions de Canadiens ne représente qu'une réduction de 170 $ par personne. Si Paul Martin décidait de consacrer pratiquement tout l'excédent budgétaire dont il disposera au mois de février à la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, ça représenterait une baisse de 170 $ seulement par personne. Aussi, je ne crois pas que je serais le seul à être déçu.

En ce qui concerne par ailleurs la TPS, car j'estime que c'est très intéressant...

M. Nelson Riis: Puis-je poser une toute petite question?

M. Dale Orr: Je vous en prie.

M. Nelson Riis: Ce que vous dites est exact, Dale. Ça représenterait une réduction minime. La suggestion que les trois témoins ont faite est qu'il faut rétablir une certaine capacité de dépense. D'après votre calcul, une telle réduction représenterait une injection de fonds dans l'économie qui passerait pratiquement inaperçue. Est-ce exact?

M. Dale Orr: Ce serait un tout premier pas. C'est pratiquement tout ce que le ministre peut faire cette année.

En ce qui concerne la TPS, je ne pense pas qu'il y ait la moindre chance que le gouvernement fasse quelque chose cette année. Je pense que c'est correct. En effet, nous avons parlé de la possibilité de stimuler davantage l'économie en réduisant l'impôt sur le revenu des particuliers et en augmentant ainsi notre productivité.

Une diminution de la TPS n'augmenterait pas beaucoup la productivité et par conséquent je ne pense pas que le ministre y touche. Par contre, je ne crois pas que ce soit la véritable raison. Je crois qu'il ne diminuera pas la TPS parce qu'une diminution de 1 p. 100 coûterait 2,5 milliards de dollars. De toute façon, il estime probablement qu'il est possible de tirer beaucoup plus de dividendes politiques d'une telle somme en l'utilisant à d'autres fins. Par conséquent, je crois qu'il interviendra là où il le faut, mais pas nécessairement pour les bonnes raisons.

M. David Slater: Monsieur Riis, quand Dale a dit que ça ferait 170 $ de moins par personne, ça m'a rappelé la chanson, «Pennies from Heaven», de Bing Crosby.

Je voudrais bien parler de la Norvège, mais je ne le ferai pas parce que vous m'avez posé une autre question.

Je ne pense pas que l'hostilité à l'égard du gouvernement soit généralisée. Le service du représentant agricole, qui est financé par l'État, est depuis longtemps la pierre angulaire de l'amélioration de la condition rurale. Le représentant agricole, c'est-à-dire l'agronome, est généralement la personne qui jouit de la plus grande considération dans les collectivités rurales. Le responsable du PARI est également une des personnes les plus respectées. Même la Banque fédérale de développement est maintenant considérée comme une banque comme les autres, ou alors elle continue à se faire passer pour une banque comme les autres, au lieu de faire preuve de plus de souplesse en matière de crédit et de combler des manques.

En outre, plusieurs universités ont réussi à s'adapter. Lorsque j'ai été interviewé pour un emploi à l'université de la Saskatchewan, on m'a clairement fait savoir que si j'obtenais un poste, je devrais me déplacer dans toute la province dans le cadre de l'éducation permanente. Ça faisait partie de mes fonctions.

Je pense que si l'on n'essayait pas tant de faire de l'épate, on pourrait améliorer les systèmes de communication du gouvernement et les programmes d'encouragement. Je pense que ce serait très utile. Par contre, ce n'est pas ainsi que l'on fait les manchettes. En effet, ça ne permet pas aux ministres de se mettre en valeur comme lors des inaugurations.

Par conséquent, ce genre de programme est extrêmement utile. J'estime qu'il faut encourager le gouvernement à adopter des programmes analogues au PARI par exemple et à soutenir les services d'éducation permanente des universités.

• 1035

La présidente: Merci, monsieur Riis.

Chers collègues, il faudra faire un effort pour être un peu plus concis. Le temps passe. Un autre comité doit arriver ici à 11 heures et j'ai encore sur ma liste le nom d'environ six personnes qui veulent poser des questions.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci, madame la présidente.

M. Riis m'a facilité la tâche parce qu'il a déjà posé deux des questions que je me préparais à poser.

La présidente: Bien. Nous pouvons passer à d'autres questions.

M. Ian Murray: Il m'en reste deux autres.

Après avoir écouté les témoins, j'ai l'impression que nous avons besoin d'adopter en quelque sorte la méthode dure.

Monsieur Orr, vous avez dit qu'il y avait entre autres un manque de mobilité de la main-d'oeuvre au Canada. Parliez-vous principalement des programmes fédéraux qui ont tendance à inciter les citoyens à rester dans les provinces défavorisées ou parliez-vous de la mobilité de la main-d'oeuvre dans le reste du pays—en Ontario ou dans l'Ouest, par exemple?

M. Dale Orr: Je me basais uniquement sur des statistiques et je ne faisais aucune allusion aux politiques gouvernementales. Depuis 1990, le taux de chômage a toujours été plus élevé dans toutes les provinces situées à l'est de l'Ontario qu'en Ontario ou que dans les provinces de l'Ouest. Il a peut-être été aussi élevé en Colombie-Britannique qu'au Québec une seule année, sinon, l'écart a toujours été très marqué.

Ce que je voulais dire, c'est que les Canadiens restent, année après année, dans des régions où le taux de chômage est nettement supérieur à la moyenne canadienne. Il suffit de faire quelques calculs tout simples pour se rendre compte que, tant que nous n'aurons pas résolu ce problème, il sera impossible de ramener le taux de chômage à un niveau proche des 4,5 p. 100 enregistrés aux États-Unis.

Pourquoi avons-nous ce problème? Il est dû à la fois aux paiements de péréquation et aux prestations d'assurance-emploi. Si l'État était moins généreux dans ces deux domaines, le problème serait moins aigu. Il est possible qu'alors d'autres problèmes s'aggraveraient, mais c'était un simple constat. Beaucoup de Canadiens changent effectivement de région mais la mobilité n'est pas suffisante pour nous permettre d'accéder à des taux de chômage aussi peu élevés que ceux qui sont enregistrés aux États-Unis depuis trois ou quatre ans.

M. Ian Murray: Ça m'a toujours étonné que les Canadiens, qui sont immigrants ou issus de familles d'immigrants et dont les ancêtres sont, dans bien des cas, arrivés au Canada sur des navires semblables à ceux qui servent à transporter du bétail, aient peur de déménager ne fût-ce que d'une région à l'autre du Canada. Je trouve ça quelque peu étonnant.

Quoi qu'il en soit, je continue à m'interroger sur la question de l'adoption ou de l'adaptation de la technologie. Que faudrait-il faire, à votre avis, pour encourager les entreprises à être plus audacieuses? À moins que notre déficience à ce chapitre soit due essentiellement à une différence d'attitude fondamentale entre les entrepreneurs américains, puisque nous parlons beaucoup des États-Unis, et les entrepreneurs canadiens à l'égard du risque.

Si le régime fiscal est modifié de telle sorte que l'on se sente un peu plus riche, on posséderait les moyens financiers nécessaires pour prendre des risques; ça ferait une différence, mais je demeure convaincu que ça ne suffirait pas pour inciter les entrepreneurs canadiens à adopter les technologies nouvelles de façon beaucoup plus systématique que par le passé, du moins pas dans un avenir prévisible.

Je voudrais également poser la question suivante à la Chambre de commerce. Je pense qu'elle compte un certain nombre d'entreprises manufacturières parmi ses membres. Comme vous l'avez signalé dans votre mémoire, c'est dans le secteur manufacturier que les problèmes de productivité ont tendance à être les plus aigus. Pour faire écho à la question de M. Lastewka, que fait votre Chambre, dont la vocation est d'offrir divers services à ses membres, pour essayer de régler ce problème?

C'est ma dernière question et je l'adresse aux économistes, c'est-à-dire à M. Slater et à M. Orr, ainsi qu'aux représentants de la Chambre de commerce.

M. Dale Orr: Puis-je répondre le premier?

Je connais un secteur qui relève entièrement du gouvernement où il est incontestable que celui-ci s'est tiré dans les pieds. En dépit de tout l'intérêt que l'on porte à la productivité et de tous les efforts qu'Industrie Canada déploie pour l'améliorer, pourquoi diable a-t-on imposé des restrictions à AT&T en vertu des règlements sur la propriété étrangère?

AT&T a toujours été à l'origine d'un plus grand nombre d'inventions que, pour ainsi dire, n'importe quelle autre société. C'est une des entreprises les plus innovatrices dans un des secteurs les plus innovateurs et les plus importants. En fait, ce sont des restrictions que nous nous sommes imposées à nous-mêmes. Nous avons imposé des restrictions sur les activités d'AT&T au Canada. Pourquoi?

• 1040

Il y a deux ou trois semaines, j'ai été littéralement sidéré par ce que j'ai lu au sujet de la politique du gouvernement en matière de transports aériens. Je crois avoir entendu le ministre déclarer que l'un des objectifs de cette politique était d'empêcher Air Canada de tomber entre des mains étrangères. J'espérais pourtant que nous avions tiré des leçons des politiques aberrantes qui étaient en vigueur dans les années 70.

Pourquoi diable agir de la sorte? Les compagnies aériennes sont très innovatrices et s'appuient sur la technologie de pointe. Pourquoi essaie-t-on d'empêcher American Airlines de s'implanter ici, de faire concurrence aux autres compagnies et d'apporter au Canada ce qu'elle peut? Le PDG d'Air Canada est américain; par conséquent, il me semble tout à fait illogique d'affirmer que l'on veut éviter qu'Air Canada ne tombe entre des mains étrangères. D'une certaine façon, nous nous tirons dans les pieds. Pourtant, on pourrait faire mieux.

M. David Slater: Je viens justement de penser que la situation du Canada est loin d'être désespérée en matière d'innovation, d'adoption de nouvelles technologies et d'adaptation. Nous avons bien des réussites à notre palmarès. J'aimerais beaucoup être capable de déterminer ce qui a fait que certaines réussites sont ce qu'elles sont et pourquoi nous traînons la patte dans d'autres domaines. À simple titre d'exemple, je signale que les techniques extrêmement efficaces d'extraction sur place du pétrole des sables bitumineux ont été mises au point à Calgary et qu'elles sont maintenant utilisées dans de nombreux gisements.

Pour citer un autre exemple tout simple cette fois, je vous rappelle que lorsque j'avais encore une maison, j'ai dû faire refaire mon toit. De nos jours, aucun couvreur ne fixe encore les bardeaux au moyen de clous. Aucun couvreur n'utilise encore un marteau. On utilise un cloueur. Quand l'usage du cloueur s'est-il généralisé au Canada? Combien d'entrepreneurs de couverture utilisent des cloueurs de nos jours?

Je pourrais citer une foule d'autres exemples. Ce que je souhaite ardemment, c'est qu'il ne s'agisse plus de quelques cas isolés. Je voudrais que l'on analyse de façon systématique les cas de réussite évidente et qu'on en explique le pourquoi. Je voudrais que l'on signale en outre les lacunes et que l'on en précise les causes. Je voudrais que l'on explique ce qui fait la différence entre une réussite et un échec.

La présidente: Merci.

Avez-vous un commentaire à faire, monsieur Murphy? Veuillez être bref.

M. Michael Murphy: Oui. Il concerne uniquement le cadre stratégique et réglementaire. Si, comme nous l'avons recommandé, le gouvernement peut jouer un rôle dans le secteur financier et économique, nous estimons qu'il peut aussi intervenir de façon très efficace au niveau de la structure de la politique et de la réglementation.

À titre d'exemple, je parlerai brièvement du développement du commerce électronique au Canada. Je sais que la plupart de nos membres et des membres d'autres organismes ont fait depuis un an ou un an et demi des efforts très fructueux pour établir un cadre. Un projet de loi est actuellement en cours d'examen par le Parlement. Cette initiative peut avoir des retombées importantes non seulement pour les grandes entreprises canadiennes mais aussi pour les petites et moyennes entreprises, parce qu'en établissant un cadre approprié, on encourage l'innovation.

Si nous devenons un des chefs de file du monde occidental en matière de commerce électronique, nous aurons à mon avis une merveilleuse occasion de nous servir de ce cadre pour étendre l'innovation à toute l'économie. Un des pièges à éviter dans le cadre du débat sur le commerce électronique est que les discussions ont tendance à concerner uniquement les entreprises qui fournissent ces services. L'enjeu est bien plus important et il concerne tous les autres secteurs de l'économie—et en particulier les petits intervenants.

La présidente: Merci, monsieur Murphy.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones (Markham, PC): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie d'être venus, messieurs. J'ai quelques questions à vous poser. Voici la première. Au cours des dernières années, l'économie mondiale a pris beaucoup d'expansion. Pourquoi les États-Unis arrivent-ils à accroître leur PIB dans de plus fortes proportions que les autres pays alors que nous n'avons même pas réussi à maintenir le nôtre au niveau où il était? Il a reculé.

Ma deuxième question est la suivante: pourriez-vous me dire quelle est la différence entre l'approche américaine et l'approche canadienne en matière d'affaires?

• 1045

Ma troisième question s'adresse à M. Orr. Vous avez dit que vous pensiez qu'il faudrait réduire l'impôt sur le revenu des particuliers plutôt que l'impôt sur le revenu des sociétés. Comment expliquez-vous qu'en Irlande, on soit parvenu à attirer des entreprises, des installations de recherche et des laboratoires de programmation grâce à une légère réduction des charges fiscales des entreprises? Si l'on n'attire pas ce genre d'entreprises, les emplois et la création de richesses... Quelle est l'utilité de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers si l'on ne crée pas de l'emploi?

Ma dernière question s'adresse à la Chambre de commerce. Vous avez dit que le Canada est confronté à un grave problème dans le domaine de l'éducation et qu'il faut y remédier. Je voudrais que vous fassiez des commentaires en ce qui concerne plus précisément le secteur de la technologie de pointe et que vous disiez ce qu'il faut faire dans ce secteur.

M. Dale Orr: Merci. Vous avez posé trois questions dont la première concerne la croissance canadienne par rapport à la croissance américaine.

Je dirais que si la croissance économique a été plus rapide aux États-Unis qu'au Canada au cours des dernières années, c'est principalement pour deux raisons. Ce phénomène est relativement récent car c'était l'inverse au cours des années 50, des années 60 et des années 70.

Au cours des deux dernières années, la croissance américaine a été étroitement liée au secteur de la technologie de l'information. Pourquoi a-t-elle été plus forte qu'au Canada? Je crois que nous avons cité plusieurs raisons. David a parlé de l'article de Pierre Fortin. Je ne suis pas d'accord avec l'auteur sur tous les points mais sur la plupart. Pierre Fortin et d'autres observateurs affirment que la politique de resserrement monétaire a ralenti notre croissance économique.

En ce qui concerne l'approche en affaires, celle des Américains est très différente de la nôtre. Ils sont beaucoup plus «ouverts». Mike disait, il y a quelques minutes, que ce n'est pas seulement un problème d'ordre fiscal et nous connaissons la différence entre l'imposition du revenu des particuliers au Canada et aux États-Unis; nous avons de graves problèmes et la situation empire. Pour le moment, l'écart entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés n'est pas trop prononcé mais si nous n'agissons pas, nous serons non seulement moins concurrentiels que les Américains mais aussi que la plupart des autres pays de l'OCDE sur ce plan. Les Américains sont beaucoup plus ouverts en matière d'affaires, d'impôts, de réglementation; bref à tous les égards.

À ce propos, je signale que l'Ontario et l'Alberta ont été les pôles de croissance au Canada au cours des dernières années. Ce sont les deux provinces où le fardeau fiscal est le moins lourd et les plus ouvertes en matière d'affaires.

En ce qui concerne votre remarque concernant la préférence qu'il faudrait accorder à une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, je serai très clair. Les arguments sérieux en faveur d'une réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés abondent et la plupart d'entre eux ont été mentionnés dans le rapport de Jack Mintz. La seule raison pour laquelle je préconise une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers cette année, c'est qu'il s'agit d'abord d'une question de priorités. Comme vous l'avez signalé tantôt, si l'on consacrait tout l'argent disponible à une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, ça représenterait une diminution de moins de 200 $ par personne. J'espère que nous trouverons beaucoup de bonnes nouvelles en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des sociétés dans le prochain budget, puis des initiatives sérieuses dans ce domaine dans celui de l'année prochaine et dans le suivant. Je suis convaincu de l'importance d'une telle réduction.

En fait, nous n'avons pas assez de fonds pour réaliser tous les projets que l'on voudrait entreprendre cette année—et des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers devraient créer des emplois. En effet, elles encouragent les citoyens à participer au marché du travail et par conséquent, des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers ouvrent des perspectives raisonnables de création d'emplois.

La présidente: Merci, monsieur Orr.

Monsieur Murphy.

M. Michael Murphy: Je répondrai à la question concernant l'importance de l'éducation, surtout dans le domaine de la technologie de pointe. Je crois que c'est important. Nous avons abordé ce problème. Nous considérons que l'éducation est un des facteurs essentiels de l'accroissement de la productivité. C'est un fait incontestable parce que la compétence de la réserve de capital humain est un des principaux moteurs de croissance.

Y a-t-il suffisamment d'intellectuels au Canada? Je crois que, d'après certaines données, nous en produisons beaucoup et ils sont très prisés par nos concurrents. Je crois que c'est le deuxième point. Notre secteur de la haute technologie, à savoir les télécommunications, l'informatique, la biotechnologie... Nous avons plusieurs avantages concurrentiels importants dans ces secteurs que je cite seulement à titre d'exemples. Nous y sommes concurrentiels à l'échelle mondiale. Il ne s'agit pas d'entreprises nationales ni même d'entreprises nord-américaines; il s'agit d'entreprises mondiales. Par conséquent, la concurrence est cruciale en ce qui concerne les ressources de ces secteurs.

• 1050

Je ne pense pas qu'il faille consacrer davantage de fonds à l'éducation. Je pense que les dépenses du Canada, à l'échelle fédérale et à l'échelle provinciale, sont comparables à celles des autres pays de l'OCDE dans ce domaine, mais je n'ai pas les chiffres précis sous la main. Je crois toutefois que c'est exact. Par conséquent, c'est plutôt une question d'utilisation de ces fonds.

C'est également une question de compatibilité entre les besoins des entreprises et les diplômés qui sortent de nos écoles. J'ai reçu une formation beaucoup plus générale—je ne suis pas ingénieur informatique ni informaticien—et par conséquent, je suis en mesure d'apprécier ce genre de formation. Je pense toutefois que pour répondre à nos besoins actuels il faudrait cibler davantage l'éducation. Il faut comprendre qu'une spécialisation plus poussée est nécessaire.

C'est tout ce que j'ai à dire.

La présidente: Merci.

Monsieur Slater.

M. David Slater: Puis-je ajouter quelques commentaires au sujet de l'éducation? J'ai été professeur d'université.

J'ai en fait deux ou trois observations à faire. La première c'est que, d'une manière générale, les universités canadiennes ont tendance à se replier sur elles-mêmes. Ceux qui travaillaient en dehors du cadre universitaire étaient regardés de travers, même dans les écoles de génie. Je crois que la situation a quelque peu changé mais les changements d'attitude se font très lentement dans les milieux universitaires canadiens.

Je peux faire la comparaison avec l'époque où j'étais un enseignant de rang très modeste à l'université Stanford. Mon voisin était un docteur en physique frais émoulu de l'université de Princeton. D'après les clauses de son premier contrat avec l'université Stanford, on s'attendait à ce qu'il tire un tiers de ses revenus d'un emploi à l'extérieur. C'était une des conditions de sa nomination. Un jeune ingénieur nommé professeur à Queen's n'a toutefois pas la même latitude... on se demande bien pourquoi il voudrait travailler à l'extérieur et être par exemple consultant au lieu de se consacrer entièrement à ses fonctions principales.

La deuxième observation que je voudrais faire est la suivante: si nous avons créé des collèges d'arts appliqués et de technologie, nous avons eu tendance à les traiter comme des établissements d'enseignement de deuxième catégorie, à quelques exceptions près. Si vous demandez à des parents s'ils ont l'intention d'envoyer leur enfant à un collège d'arts appliqués et de technologie ou s'ils comptent plutôt l'envoyer dans une université, ils diront qu'ils veulent que leur fils fasse des études universitaires. Les collèges d'arts appliqués et de technologie sont considérés comme des établissements de deuxième catégorie. Il y a quelques exceptions mais je crois que ce genre de préjugé de la part des parents subsiste.

La troisième observation que j'ai à faire est que nous avons été en dessous de tout dans le domaine de la formation de technologues, alors qu'ils sont extrêmement importants. Je ne parle pas uniquement de docteurs en physique mais de technologues hautement qualifiés. Je pense que nous n'avons pas été fameux dans ce domaine.

Voilà les quelques commentaires que j'avais à faire au sujet de l'éducation.

La présidente: Merci bien, monsieur Slater.

Il y a encore M. Cannis et Mme Jennings qui voudraient poser une question et qui n'ont pas encore eu l'occasion de participer. Je demanderais à M. Cannis d'être extrêmement bref. Ensuite, je donnerai également l'occasion à Mme Jennings de poser une question.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Je sais que le temps presse.

Je voudrais savoir si un des témoins pourrait dire quel pourcentage de notre dette est étrangère et quel pourcentage est intérieur. Je voudrais juste que l'on me cite un chiffre.

M. Dale Orr: Au palier fédéral, c'est environ un tiers et environ la moitié au palier provincial.

M. John Cannis: De quoi?

M. Dale Orr: De notre dette totale.

M. John Cannis: Qui est à l'étranger?

M. Dale Orr: Oui.

M. John Cannis: L'autre question que je voudrais poser rapidement est la suivante. M. Slater a dit que la faiblesse de notre dollar avait encouragé la croissance économique et la création d'emplois. Je me base également sur certains des commentaires qui ont été faits dans les exposés. Je crois que M. Murphy a dit que la pénurie de main-d'oeuvre et le manque de participation sont une des causes de notre manque de compétitivité et de la stagnation de notre niveau de vie. Il a ajouté que la performance du Canada était légèrement supérieure à celle des États-Unis mais que notre niveau de vie ne s'était pas amélioré même si—et je cite—«la qualité de vie est supérieure au Canada». Ça ne me semble pas très logique. En effet, la situation de l'emploi ou la participation au marché du travail ne devraient-elles pas s'améliorer du seul fait que, d'après M. Slater, la faiblesse de notre devise a encouragé la croissance économique et la création d'emplois?

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Une toute dernière question, madame la présidente. Elle sera brève. En ce qui concerne les charges sociales, j'ai entendu deux déclarations contradictoires qui ont semé la confusion dans mon esprit. Il s'agit des commentaires que M. Nelson a faits au sujet des charges sociales dans certains pays européens ou dans certains pays des Balkans et les nôtres. S'il est exact que c'est chez nous que les charges sociales sont les moins élevées, pourquoi serait-ce un obstacle à une participation accrue au marché du travail?

Pour terminer, je parlerai d'un commentaire de M. Slater qui vient de recommander de parler des réussites. C'est peut-être également une question d'état d'esprit, messieurs. Il faut parler également de certaines victoires comme la suppression de la surtaxe de 3 p. 100. Je suis d'accord avec M. Tzanetakis.

M. David Slater: Puis-je répondre à la question concernant le lien entre la faiblesse du dollar et la croissance? Je signale que si la valeur de notre devise n'avait pas diminué et si elle était restée aux alentours de 70c., 72c. ou 75c., notre situation serait encore bien pire. Par conséquent, s'il ne faut pas en faire tout un plat, la faiblesse de notre devise nous a permis d'échapper à bien pire. Je crois qu'il ne faut pas l'oublier.

La présidente: Vouliez-vous faire un commentaire?

M. Michael Murphy: Je me contenterai de signaler très brièvement que ce que nous avons voulu dire en l'occurrence, c'est que s'il existe un écart important entre notre productivité et celle des Américains, nous sommes parvenus à éviter que cet écart s'accentue au cours des dernières années. Par conséquent, alors que nous avons amélioré notre situation, nous n'avons pas fait d'efforts pour rattraper les Américains, encore moins pour les dépasser. C'est l'objectif que nous devons poursuivre. Si nous voulons accroître notre niveau de vie, comme je viens de le signaler, il va falloir devenir concurrentiels à l'échelle internationale. C'est un problème que nous essayons de résoudre.

La présidente: Bien.

Madame Jennings. Soyez brève, je vous prie.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Oui.

Vous avez dit à plusieurs reprises qu'en ce qui concerne la R et D, l'un des problèmes est que la plupart des idées innovatrices voient le jour à l'étranger et qu'il faut du temps pour que ces idées fassent leur chemin au Canada, soient adaptées selon nos besoins et soient répandues et fructifient dans tous les secteurs concernés. Pourriez-vous citer—et je ne m'attends pas à ce que vous le fassiez sur-le-champ, parce qu'il ne nous reste plus qu'une minute—des exemples concrets d'idées qui ont été introduites aux États-Unis et nous dire quelle influence la différence entre notre régime fiscal et le régime américain, tant en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers que celui sur les sociétés, a eu sur la rapidité avec laquelle ces idées nouvelles ont été adoptées et sur la rapidité avec laquelle elles ont entraîné un accroissement de la productivité?

C'est tout. Merci.

La présidente: Merci bien, madame Jennings.

Monsieur Slater.

M. David Slater: Je vous citerai un exemple concret: l'introduction des pompes à béton. Les pompes à béton sont des machines qui servent à faire remonter le béton dans les formes et qui permettent de construire à bon marché des gratte-ciel en béton armé par exemple. Cette technologie vient de l'étranger. Il a été possible de suivre son adoption progressive au Canada, à partir du moment où elle a été utilisée pour la première fois. J'ignore toutefois complètement si notre régime fiscal a eu une influence dans ce cas-là.

La présidente: Bien. Merci.

Vouliez-vous faire un commentaire, monsieur Orr?

M. Dale Orr: Oui. Je voudrais préciser que c'est surtout grâce à un document préparé par Industrie Canada que j'ai fait ce commentaire—vous en avez probablement entendu parler. Sinon, je l'ai ici.

La présidente: Merci bien, monsieur Orr.

Je vous remercie tous d'être venus. Je remercie également mes collègues. Je ferai une toute dernière observation au sujet de laquelle vous pourriez peut-être me communiquer vos opinions par écrit.

Dans les milieux d'affaires, on entend souvent dire que le temps, c'est de l'argent. Plusieurs types de dépenses gouvernementales qui n'ont pas l'air très utiles, telles que celles qui ont été consacrées au tunnel, ont été cités. Le gouvernement essaie pourtant d'être efficace. Le temps c'est de l'argent, aussi bien pour les députés que pour vous. Ainsi, les députés perdent du temps à attendre, parce qu'ils ne peuvent pas se déplacer rapidement d'un édifice à l'autre et parce que les séances de comité ne peuvent pas se poursuivre quand la sonnerie retentit...

Je peux vous assurer qu'il n'est pas nécessaire d'obliger les députés à aller à l'extérieur, à enfiler leur manteau et leurs bottes et à attendre inutilement à l'extérieur... Nous attendons en moyenne une heure par jour les divers modes de transport accessibles sur la Colline. Je signale en outre la parution, hier, d'un rapport d'étude qui indique que les députés doivent réduire leur niveau de stress pour être plus efficaces et que la marche ou l'exercice leur fait du bien.

Par conséquent, je vous signale que ça représente bien des pertes de temps et d'argent et qu'il ne faut pas uniquement s'intéresser à l'aspect matériel, mais aussi aux conséquences générales.

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La séance est levée. Merci.