NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 29 octobre 1997
[Traduction]
Le coprésident (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, je déclare ouverte la présente séance conjointe du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants.
C'est avec grand plaisir que j'accueille, au nom de M. Robert Bertrand, président du comité de la défense, et en mon nom, le secrétaire général Solana.
Votre présence nous réjouit, monsieur. Nous vous souhaitons la bienvenue, à vous et aux ambassadeurs de nos alliés de l'OTAN, de même qu'à notre propre représentant, M. David Wright. Nous sommes confiants que vous recevrez un accueil chaleureux à Ottawa.
Le Canada est reconnaissant à l'OTAN de se porter garant de la sécurité dans la région nord-atlantique, et une grande partie de sa population appuie sa participation au sein de cet organisme.
[Français]
Le Comité mixte du Sénat et de la Chambre sur la politique étrangère du Canada a reconnu cette importance en disant que nous devions continuer de soutenir l'OTAN et son rôle.
[Traduction]
Nous suivons aussi avec beaucoup d'intérêt l'élargissement de votre organisme en vue d'accueillir de nouveaux membres et de redéfinir ses rapports avec la Russie.
Votre visite au Canada est aussi très opportune, étant donné que des Canadiens sont, comme vous le savez, présents en Bosnie sous le commandement de l'OTAN et que notre Parlement doit se prononcer bientôt sur l'opportunité de maintenir cette présence là-bas. Nous espérons que la séance d'aujourd'hui tiendra peut-être lieu de première journée de consultation au sujet de cette très importante question.
À nouveau, monsieur Solana, je vous remercie beaucoup d'être des nôtres. Les deux comités vous savent gré d'avoir accepté cette invitation.
Comme nous ne disposons que d'une heure—je crois savoir qu'il faut que vous nous quittiez à 16 h 15—, je propose, avec le plus grand respect, que vous fassiez une déclaration liminaire, puis que ceux qui ont des questions à vous poser, soit à vous, soit aux représentants des divers alliés présents, puissent les poser.
[Français]
Son Excellence Javier Solana (secrétaire général de l'OTAN): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est pour nous un grand plaisir de pouvoir partager avec vous et les membres du Parlement du Canada notre ordre du jour pour l'avenir de l'OTAN.
Permettez-moi, avant d'entrer dans les différents problèmes et les grandes questions dont nous voulons discuter et que nous voulons partager avec vous, d'exprimer notre satisfaction d'être ici au Canada, un allié loyal qui a collaboré avec nous de différentes manières et de manière très importante, particulièrement en Bosnie. J'aimerais souligner, monsieur le président, notre gratitude pour la coopération de votre pays en Bosnie. Nous l'avons grandement appréciée.
• 1520
Si vous me le permettez, monsieur le président, je
propose que nous discutions de trois ou quatre questions
de la plus grande importance qui se présentent à nous
en ce moment.
La première question, c'est l'acceptation de nouveaux pays, l'enrichissement de l'OTAN et les répercussions qui se présenteront à nous tous. La deuxième question que je voudrais partager avec vous et les membres du Parlement, c'est celle de la nouvelle relation avec la Russie. La troisième question, qui devrait s'avérer très intéressante pour vous, c'est la situation en Bosnie.
Nous pourrions partager nos idées sur les trois questions que je viens d'énumérer et profiter de l'occasion pour participer à vos débats.
Ce matin, nous avons tenu une réunion très importante, très intéressante et très profitable avec les membres de l'administration. Nous sommes très heureux de pouvoir partager avec vous, membres du Parlement, ces moments et de parler des différentes questions qui sont sur la table et qui sont très importantes pour l'OTAN et, nous l'espérons, pour le Canada.
Monsieur le président, je vous invite à continuer la séance de la manière que vous jugez la plus profitable. Je crois que les trois questions que j'ai soulevées sont peut-être les plus opportunes.
Le coprésident (M. Bill Graham): Merci beaucoup. Je propose la méthode de travail suivante, bien qu'elle puisse s'avérer difficile en raison du grand nombre de participants autour de cette table. Je propose qu'on vous signale les noms des députés qui aimeraient vous poser des questions et que nous cédions ensuite la parole aux représentants des différents pays qui souhaiteraient ajouter quelque chose. On pourrait peut-être procéder ainsi.
Je commence par M. Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Déjà?
Le coprésident (M. Bill Graham): Déjà.
[Traduction]
Vous êtes le premier à prendre la parole.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Bonjour, messieurs. Bienvenue parmi nous.
J'ai parcouru rapidement le document d'information que vous nous avez soumis. Ma question concerne la réforme interne de l'OTAN, les modifications au niveau de l'échiquier international depuis quelques années et, ce dont vous avez parlé, monsieur Solana, le travail que l'on doit accomplir en collaboration avec la Russie concernant l'ensemble de ces dossiers, ainsi que le postulat défensif dans la réforme de l'institution. De quelle façon tiendrez-vous compte, lors de vos discussions, de la décision rendue il y a quelque temps par la Cour internationale concernant la légalité de l'utilisation des armes nucléaires? Quel sera l'impact de cette décision dans vos discussions sur la réforme de l'institution?
M. Javier Solana: Merci beaucoup pour votre question. Comme vous le savez bien, nous sommes en train de faire des réformes très profondes à l'OTAN des points de vue interne et externe.
Du point de vue interne, comme le savez bien, nous avons accepté de faire de nouvelles missions. Nos efforts en Bosnie évoquent de la manière la plus claire à l'esprit ce que nous sommes en train de faire et avons déjà entrepris de faire.
Du point de vue de la réforme externe, je crois que vous avez peut-être touché le problème le plus important: c'est la relation entre l'OTAN et la Russie. Comme vous le savez bien, au mois de mai, à Paris, nous avons signé avec nos amis de la Russie l'acte de fondation. À mon avis, les choses fonctionnent très bien et nous avons su établir une bonne relation. Depuis le mois de mai, alors que nous avons signé l'accord, jusqu'à aujourd'hui, nous avons tenu des réunions très importantes avec le ministre des Affaires étrangères, M. Primakov, avec le ministre le ministre de la Défense de Fédération russe, ainsi qu'avec le chef d'état-major de la Russie. Je crois donc que du point de vue de la réforme extérieure, en particulier pour ce qui est des relations avec la Russie, nous sommes très satisfaits.
• 1525
Permettez-moi de dire quelques mots sur
l'élargissement de l'OTAN. Comme vous le savez, à
Madrid, nous avons pris une décision très
importante, celle d'ouvrir notre alliance à des
pays du Centre et de l'Est de l'Europe. Nous sommes
en ce moment en train de terminer les discussions
et de prendre une décision définitive avant les réunions
ministérielles de décembre.
Mais ce n'est pas tout. Nous sommes aussi en train de définir les concepts stratégiques de l'alliance, bien qu'en ce moment, nous n'en soyons qu'à définir les termes de référence en vue d'entamer la discussion entre les 16 alliés. Nous terminerons cela au moment où nous serons prêts à finaliser le débat sur les concepts stratégiques.
Pour répondre à la dernière partie de votre question, je crois que nous devons attendre les résultats de la discussion qu'entameront les 16 alliés avant de définir de manière finale les concepts stratégiques. En ce moment, nous ne faisons qu'entamer le débat et je crois que le moment est un peu prématuré pour en connaître la conclusion.
M. Benoît Sauvageau: Si vous me le permettez, sans connaître la conclusion du débat, puisque vous êtes au début d'un processus de négociation et de discussion, vous pouvez quand même nous dire quelle importance aura l'avis de la Cour internationale de justice sur l'utilisation des armes nucléaires dans le cadre de la réforme. Je crois que c'est un avis qui est quand même important. Il n'est pas exécutoire, il n'est ni blanc ni noir, mais un avis a quand même été émis.
Ce que je voudrais savoir, c'est quel impact aura cet avis sur vos discussions. Avec quel intérêt discuterez-vous ou travaillerez-vous à la réforme, compte tenu de cet avis qui est quand même important?
M. Javier Solana: Monsieur le parlementaire, comme vous le savez bien, l'OTAN prend au sérieux la résolution de cette institution internationale. Nous devons toutefois continuer notre débat à l'interne avant d'en venir à une décision claire sur les conséquences de cette décision du tribunal. Lorsque nous tiendrons le débat sur les concepts stratégiques, nous ferons sans doute face à tous les problèmes, mais en ce moment, il est un peu prématuré pour dire quoi que ce soit de précis sur la question que vous avez posée.
Le coprésident (M. Bill Graham): Merci, monsieur le secrétaire général.
[Traduction]
Monsieur Hanger.
M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le président, je vous remercie.
J'aimerais poser au secrétaire général une question concernant la présence continue de troupes en Bosnie.
Je sais que, selon lui, il serait dans l'intérêt de l'Europe et certes de l'assemblée ou des forces de l'OTAN de ne pas se retirer, de ne pas tourner le dos à la Bosnie, que ce serait une erreur tragique. Je sais qu'une échéance a été fixée pour le retrait des troupes, peut-être davantage liée aux exigences posées par les États-Unis. Bien sûr, c'est peut-être attribuable au fait que la présence de leurs troupes là-bas préoccupe les Américains. J'avoue que la population canadienne semble être du même avis. Pendant combien de temps encore cette présence sera-t-elle maintenue?
• 1530
Je me demande à quel point l'OTAN cherche vraiment d'autres
solutions. Il faudrait peut-être retirer les agitateurs qui se
trouvent actuellement dans la région, mais qui se cachent dans un
secteur non touché. Il est peut-être possible de diviser le pays
par tout processus dont pourraient convenir l'OTAN et d'autres pays
en vue de mettre fin plus rapidement à ce conflit éventuel.
Si pareil conflit éclatait dans une autre partie de l'Europe de l'Est, les forces de l'OTAN seraient-elles capables de s'y déployer et avec quelle rapidité l'affaire bosniaque pourrait-elle se régler? Il faudrait alors prendre plutôt rapidement des décisions importantes.
M. Javier Solana: Je vous remercie beaucoup. Je vais essayer d'être bref.
Comme vous le savez, nous avons actuellement une force de stabilisation, la SFOR, déployée sur le terrain. Elle a pour mandat d'assurer une présence là-bas jusqu'en juin 1998, et nous respecterons cet engagement.
Il est encore trop tôt pour dire ce qui se produira en juin 1998, parce que la situation là-bas est en constante évolution. Comme vous le savez, des élections municipales ont eu lieu il n'y a pas longtemps. Des élections parlementaires sont prévues dans la République de Srpska le 23 novembre, c'est-à-dire dans quelques semaines. Il faudra attendre de connaître l'issue de cet événement politique important pour nous faire une idée de la situation avant de prendre une décision d'ici à la fin de la période durant laquelle nous nous sommes engagés à maintenir la présence de troupes, soit jusqu'en juin 1998.
Si vous voulez mon avis—et je crois que tous les membres du conseil sont du même avis que moi—, je vous dirai deux choses. Tout d'abord, la communauté internationale a pris un engagement à l'égard de la Bosnie. Elle ne devrait pas la laisser tomber. Nos chefs d'État et votre premier ministre l'ont affirmé très clairement à Madrid. Nous avons donc un engagement à long terme à l'égard de la Bosnie. Nous ne pouvons pas lui tourner le dos. Cet engagement figure très clairement dans notre communiqué du Sommet de Madrid.
Par ailleurs, quelle forme prendra cette présence en Bosnie après juin 1998? Comme je l'ai dit, il est encore un peu trop tôt pour répondre à cette question. Par conséquent, même si nous reconnaissons que notre engagement devrait se prolonger au-delà de juin 1998, il est encore trop tôt pour dire sous quelle forme il se concrétisera, sur le plan militaire.
Vous avez fait une affirmation tout à l'heure avec laquelle, malgré tout le bien que je pense de vous et tout le respect que je vous dois, je suis en profond désaccord. Vous avez dit qu'une solution serait probablement de diviser la Bosnie, de la partager. Sauf votre respect, je tiens à dire que la partition de la Bosnie serait catastrophique sur au moins trois plans: sur le plan moral, sur le plan politique et sur le plan économique.
Je n'insisterai pas sur le premier, c'est-à-dire le plan moral. Qu'il suffise de dire que, si nous permettons une partition de la Bosnie, la communauté internationale aura donné raison à ceux qui n'ont pas raison, à ceux qui n'ont pas de droit et qui ont déclenché la guerre. Je ne crois pas que la communauté internationale puisse s'en payer le luxe actuellement.
Sur le plan politique, en faisant semblant de résoudre le problème, nous en créerions probablement un autre. Quand d'autres difficultés se présenteront ailleurs en Europe, si nous ne nous acquittons pas de nos responsabilités actuelles, on nous le remettra sur le nez. Nous manquerions à nos responsabilités en permettant une partition de la Bosnie-Herzégovine.
• 1535
La troisième raison est d'ordre économique. La communauté
internationale a déployé des efforts en Bosnie et, si nous
permettons maintenant une partition, ces efforts auront
probablement été vains, comme je l'ai dit, sur le plan moral,
politique et économique.
Il faudrait donc, selon moi, maintenir le cap. Il existe un processus dont tous ont convenu, soit les accords de Dayton signés à Paris, et il faudrait s'en tenir à cela.
Je me permets de vous rappeler qu'en ce moment, sont déployés là-bas non seulement des troupes des seize pays alliés, mais aussi les jeunes soldats de plus de 30 pays ayant comme objectif commun de stabiliser cette région de l'Europe. On y trouve aussi des soldats russes qui, chaque jour, luttent aux côtés des nôtres dans le même but. Je tiens à profiter de l'occasion pour louer très sincèrement, du fond du coeur, le comportement et la générosité de votre pays et des soldats qui le représentent là-bas. Ils sont en Bosnie depuis le début, d'abord au sein de l'UNPROFOR, puis de l'INFOR et, enfin, de la SFOR.
J'espère que, si la communauté internationale décide de maintenir sa présence là-bas, votre pays se montrera aussi généreux qu'il l'a été depuis le tout début, qu'il continuera de lutter pour une noble cause, soit la stabilisation d'un pays qui a beaucoup souffert et dont l'instabilité nous menace tous, les membres de l'OTAN et ceux qui partagent avec eux les mêmes valeurs, les mêmes buts et les mêmes objectifs depuis le début du siècle qui s'achève et qui continueront de le faire pendant le prochain siècle que nous sommes sur le point d'entamer.
Je vous remercie beaucoup.
Le coprésident (M. Graham): C'est nous qui vous remercions, Votre Excellence.
Je crois que M. Mevik aimerait prendre la parole.
M. Leif Mevik (doyen du Conseil de l'Atlantique Nord:) J'ai deux brèves observations à faire. Tout d'abord, je suis parfaitement d'accord avec le secrétaire général qu'il faut rejeter l'idée de la partition. Nous céderions ainsi au nationalisme aveugle, à la haine et au sectarisme. Cette option ne mérite pas qu'on s'y arrête.
Plutôt que de nous le demander, dites-moi, en tant que parlementaires canadiens—je sais que vous représentez divers partis, mais qu'importe—s'il semble se dégager une sorte de consensus général, à savoir si le Canada doit demeurer sur place après juin de l'année prochaine ou s'il est préférable qu'il retire simplement ses troupes.
De plus, s'il faut que nous assurions une présence renouvelée sous l'égide de l'OTAN, nous espérons que les États-Unis en seront et qu'ils partageront avec nous tous les risques et toutes les responsabilités. Si cela s'avérait impossible, cependant, le Canada serait-il disposé à continuer d'assurer seul une présence en déployant le même genre de force importante? J'espère que nous n'en viendrons jamais là, mais qui sait ce que nous réserve l'avenir.
Le coprésident (M. Graham): Monsieur, je vous remercie d'avoir posé ces questions.
Voici ce que j'ai à dire. Comme les membres de nos comités sont habitués à poser des questions, ils sont très rusés dans leur façon de le faire et ils essaieront peut-être de vous répondre par une question ou de vous donner leur opinion personnelle.
J'aimerais aussi dire, monsieur, que votre question est peut-être un peu prématurée. En fait, nos deux comités tiendront des audiences à la fin de ce mois-ci à ce même sujet. Dans le cadre de cette étude, huit membres de notre comité se rendront en Bosnie au début de novembre. L'examen de la question en est encore au stade préparatoire. Nous ferons rapport à notre gouvernement, puis, en fin de compte, il appartiendra au conseil des ministres de trancher.
• 1540
Les membres de ce comité-ci participeront activement à des
consultations, et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous
sommes si heureux de vous accueillir aujourd'hui. Nos membres
peuvent peut-être profiter de l'occasion pour faire valoir leurs
opinions personnelles, s'ils en ont.
C'est maintenant au tour de M. Robinson de poser des questions.
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président. J'aimerais me joindre aux autres pour souhaiter la bienvenue au secrétaire général Solana et aux ambassadeurs de l'OTAN.
Pour répondre très brièvement au nom de mon parti aux questions posées par l'ambassadeur de la Norvège, je puis vous assurer que nous, du Nouveau Parti démocratique, sommes fermement convaincus qu'il faut maintenir la présence de l'OTAN en Bosnie. En toute franchise, le fait que l'OTAN n'ait pas réagi dès l'amorce du conflit nous préoccupait énormément. Il est donc d'autant plus nécessaire maintenant de faire en sorte que les accords de Dayton soient couronnés de succès. Une présence soutenue est certes, selon nous, essentielle, que le Congrès des États-Unis décide d'y participer au-delà de juin 1998 ou pas.
J'aimerais poser deux questions. La première fait suite à celle qu'a posée M. Sauvageau concernant, si je puis m'exprimer ainsi, la modernisation de l'OTAN.
Notre vieil ennemi n'est plus. Les nouveaux—les nouveaux ennemis réels de nombreux membres de l'OTAN—sont à franchement parler la destruction de l'environnement, sa dévastation, l'écart grandissant entre les riches et les pauvres, les sans-abri et, parfois, la corruption.
J'aimerais enchaîner sur la question de M. Sauvageau et interroger peut-être soit le secrétaire général soit les ambassadeurs au sujet de la politique concernant l'emploi en premier de ses armes nucléaires. Bien des gens que je représente disent que cette politique est archaïque, qu'elle est désuète et qu'il faudrait que l'OTAN en prenne acte et y renonce. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
Ma deuxième et dernière question concerne les valeurs fondamentales de l'OTAN. Dans de nombreux documents, dans de nombreux discours prononcés par le secrétaire général, entre autres, on retrouve constamment des déclarations au sujet de l'engagement ferme de l'OTAN à l'égard des valeurs fondamentales que sont les droits de la personne et la démocratie. Je me demande ce que fait l'OTAN pour faire en sorte que ces valeurs fondamentales soient respectées, tant par ceux qui veulent adhérer à l'OTAN que par ceux, avouons-le, qui en ont font déjà partie.
Je suis un parlementaire. Pour illustrer mon propos, je vous cite en exemple la Turquie, membre de l'OTAN, qui a incarcéré des parlementaires démocratiquement élus pour la simple raison qu'ils avaient dénoncé une situation. J'ai visité Leyla Zana en prison, en Turquie. Voilà un pays qui emprisonne des auteurs et des journalistes et qui a été condamné par le Parlement européen et par de nombreux organismes de défense des droits de la personne. L'OTAN a-t-il des normes, des points repères dont il se sert pour évaluer à quel point ses membres ou des membres éventuels respectent les pactes internationaux relatifs aux droits de la personne?
M. Onur Oymen (ambassadeur de Turquie auprès du Conseil de l'Atlantique Nord): Je puis peut-être faire le point sur la situation des droits de la personne en Turquie. Naturellement, comme tout autre membre de l'OTAN, nous nous préoccupons des droits de la personne. Nous avons accepté d'adhérer aux normes les plus élevées du monde. Nous avons accepté les systèmes d'inspection internationaux. Nous avons signé presque tous les accords internationaux, acceptant par le fait même de nous plier à toutes sortes de contrôles.
Il est facile d'accuser un pays, mais, avant de porter de pareilles accusations, il vaut mieux connaître tous les faits. Nos parlementaires jouissent d'une liberté totale. Aucun d'entre eux n'a été mis en accusation à cause de déclarations qu'il aurait faites au Parlement de Turquie. Cependant, comme dans tous les autres pays, la collaboration avec des organismes terroristes est interdite, et les tribunaux peuvent condamner ceux qui coopèrent avec les terroristes. Voilà votre réponse.
Dans toutes les autres situations, de nombreux parlementaires turcs ont exprimé leur opinion librement sur le même sujet, et il ne leur est rien arrivé. Il existe un parti politique qui défend la même position et il a pris part librement aux dernières élections. Il n'a recueilli qu'un septième des voix du prétendu peuple d'origine kurde.
J'estime donc qu'il serait nettement préférable de connaître tous les faits avant d'accuser un gouvernement, un membre de l'OTAN. Je vous remercie.
M. Svend J. Robinson: Monsieur le président, le secrétaire général répondra peut-être à la question particulière concernant les normes à respecter en matière de droits de la personne. Je ne suis certes pas le seul dont il faut éclairer la lanterne. De nombreux organismes internationaux de défense des droits de la personne, y compris le Parlement européen, le Conseil d'Europe... Mme Zana a reçu le prix Sakharov pour son travail dans le domaine des droits de la personne. Je ne suis donc pas le seul à penser ainsi.
Qu'en est-il des normes et qu'a-t-on à dire au sujet de l'emploi en premier de ses armes nucléaires?
M. Javier Solana: Permettez-moi de répondre très clairement à votre question à laquelle, selon moi, il existe une réponse fort simple.
Les nouveaux membres qui s'apprêtent à adhérer à l'OTAN et qui ont été invités à le faire, avec l'aval peut-être du Canada, sont des pays qui respectent les mêmes normes, qui ont les mêmes valeurs que le vôtre. Qui plus est, le fait que nous les ayons invités à faire partie de l'OTAN et que nous ayons créé une dynamique favorable en Europe centrale et orientale a aidé un grand nombre d'entre eux à régler des problèmes de longue date de leurs minorités, des problèmes de frontière, etc., au moyen d'accords avec leurs voisins. Cela n'aurait probablement pas été possible en l'absence d'un élargissement de l'OTAN, en l'absence d'une invitation à en faire partie.
De la même manière, je tiens à dire que l'offre faite par l'Union européenne d'ouvrir ses portes a indubitablement aidé à résoudre des problèmes de longue date, remontant parfois à la Première Guerre mondiale.
Par conséquent, il faudrait se réjouir et se féliciter, selon moi, de la tendance qui se dessine en Europe centrale et orientale sur le plan des droits individuels et collectifs.
M. Svend J. Robinson: Et pour ce qui est de la politique concernant l'emploi en premier de ses armes nucléaires?
M. Javier Solana: Comme je l'ai précisé dans ma réponse aux questions de certains de vos collègues, nous avons décidé à Madrid d'examiner un concept stratégique. Le débat ne fait que commencer au sein de l'OTAN. Il serait donc prématuré pour moi de vous donner une réponse ferme.
[Français]
Le coprésident (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Merci, monsieur l'ambassadeur. Nous passons maintenant le parole à M. Richardson.
[Traduction]
M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Votre Excellence Solana, Messieurs les ambassadeurs et Général Neumann, c'est un plaisir de vous rencontrer de nouveau et d'avoir l'occasion de vous poser quelques questions.
Nous avons récemment rencontré les sénateurs de la République tchèque qui, pendant une heure environ, ont demandé quelques éclaircissements de notre part. À notre avis, le critère d'acceptation est excellent, démocratique et a montré au monde entier le genre de gouvernements qui participent à cette grande organisation appelée l'OTAN.
J'aimerais souligner que nous représentons différents partis qui reflètent des opinions différentes, ce qui paraîtra dans les questions posées.
Je m'intéresse davantage à la question de la Bosnie et à son règlement. Selon tous les pays du monde, il s'agit d'une cause juste et noble. C'est une région qui a toujours été le théâtre de perturbations, à cause surtout du nationalisme et parfois peut-être de la religion.
À mon avis, nous assistons à un apaisement de la situation. Il est probable que permettre la tenue d'élections, comme vous l'avez montré dans la structure, et installer des gouvernements démocratiquement élus au niveau local, régional ou provincial, est un gage de succès dans cette région.
J'aimerais répéter que les accords de Dayton représentent un plan positif et accepté. Nous les appuyons et appuyons la force de stabilisation qui se trouve dans cette région actuellement. Je me fais le porte-parole du parti du gouvernement et je crois que nous voulons continuer sur cette voie. Même si nous arrivons près du but d'ici juin, nous pouvons nous demander s'il est nécessaire de rester plus longtemps afin d'assurer une stabilité à long terme.
Ma question est la suivante: après juin 1998—échéance dont nous nous rapprochons—est-ce que l'OTAN envisagera de demander à tous ses membres s'il est utile de prévoir une prolongation?
M. Javier Solana: Voulez-vous parler des pays de l'OTAN?
M. John Richardson: Oui.
M. Javier Solana: Bien sûr, nous débattrons de la situation. Il ne fait aucun doute que nous parviendrons à un accord au sujet des mesures à prendre après juin 1998.
Le coprésident (M. Bill Graham): Que va faire le Sénat américain?
M. John Richardson: Eh bien, je ne peux pas me prononcer au sujet du Sénat américain. Je ne peux pas m'en faire le porte-parole, mais à mon avis, on peut raisonnablement penser que si l'on arrive si près du but, si le problème est probablement réglé à 90 p. 100, les États-Unis ne voudront pas tourner le dos à la Bosnie.
Je pense—c'est un avis seulement—que les Américains accepteraient une telle solution si effectivement des signes positifs indiquaient que la question pouvait être réglée; il faudrait tout simplement rester plus longtemps.
Merci.
M. Hermann Von Richthofen (ambassadeur d'Allemagne au Conseil de l'Atlantique Nord): Monsieur le président, j'aimerais donner une réponse supplémentaire au sujet de l'adaptation interne de l'alliance.
Tout d'abord, nous espérons, en décembre, être sur le point de décider de la réforme de notre structure de commandement. Nous allons éliminer un niveau entier de commandement, pour passer de quatre à trois niveaux de gouvernement. C'est une mesure véritablement révolutionnaire qui permettra d'améliorer encore davantage notre efficacité militaire.
Deuxièmement, en ce qui concerne les GFIM, nous en sommes à la phase d'essai; nous allons nous débarrasser des noyaux de commandement dans nos quartiers généraux régionaux, ce qui permettra leur déploiement rapide dans les théâtres de crise. C'est également nouveau et témoigne de l'efficacité de cette alliance.
Troisièmement—il n'en a pas été fait mention de la journée—nous allons exprimer une identité européenne de défense et de sécurité au sein de l'OTAN, ce qui permettra à cette alliance de prêter ses capacités et ses installations de commandement à l'Union de l'Europe occidentale pour que cette dernière puisse à l'avenir mener des opérations européennes de maintien de la paix. C'est une mesure très révolutionnaire qui témoigne de l'adaptation très rapide de l'alliance.
En ce qui concerne l'examen du concept stratégique, je pourrais rappeler qu'il a été complètement renouvelé en 1991, après la chute du mur de Berlin et l'effondrement du Pacte de Varsovie et de l'Union soviétique. Nous avons apporté la bonne réponse. Nous allons examiner ce concept comme l'exigent les circonstances. Le débat n'a pas encore commencé, mais nous avons déjà apporté une réponse en 1991 à propos du nouvel environnement de la sécurité en Europe.
Merci.
M. Giovanni Jannuzzi (ambassadeur d'Italie au Conseil de l'Atlantique Nord): J'aimerais ajouter un point au sujet de la Bosnie du point de vue d'un pays comme l'Italie, qui non seulement est directement en cause et particulièrement intéressée par la recherche d'une solution en Bosnie, mais aussi fortement engagée au plan militaire comme en témoignent la présence d'une brigade italienne et sa mission de patrouille au sein de la division française. Sarajevo et Pale sont un point très délicat.
J'ai des observations à faire à deux égards. Tout d'abord à propos d'une question posée, à juste titre: la question des criminels de guerre, leur arrestation ou leur retrait de la scène politique. Nous pensons qu'il s'agit d'un impératif moral; d'une obligation morale. Cela fait partie intégrante de la mise en oeuvre des accords de Dayton. Nous ferons probablement de plus en plus partie de la solution politique, mais ce n'est pas la seule solution envisagée, mais plutôt une solution de rechange.
La solution à retenir est la suivante: grâce au processus démocratique, avoir des interlocuteurs—ce qui commence à se produire, surtout dans la République de Srpska—, des interlocuteurs démocratiques, représentatifs, crédibles, qui tiennent à la paix, à la non-partition et à un genre d'unité de la Bosnie. C'est le processus de base.
Dans un tel contexte, on pourrait retirer des gens comme Karadzic ou d'autres, mais je rappellerais à l'honorable député que l'OTAN, actuellement engagée dans un grave combat politique dans la République de Srpska, compte notamment sur un plus grand rôle des médias pour appuyer les forces démocratiques.
Par conséquent, pour répondre à la question, oui, nous devons éventuellement nous débarrasser des criminels de guerre, car il s'agit d'un impératif moral, d'un impératif politique.
• 1555
Pour ce qui est de la mise en oeuvre de cet impératif, il faut
l'évaluer par rapport à l'impact politique que nous voulons
obtenir. Il faut savoir si l'arrestation de M. X, maintenant et
aujourd'hui, aura un effet politique positif ou négatif. Il ne faut
pas oublier non plus la sécurité de nos propres troupes, surtout
celles qui se trouvent dans ce secteur. C'est la raison pour
laquelle j'ai dit au début que Pale est un secteur délicat que nous
patrouillons.
La deuxième question vise l'avenir après juin 1998. Je crois qu'aucun gouvernement d'Europe n'est aussi convaincu que l'Italie que nous devrons éventuellement rester. Je suis complètement d'accord avec le secrétaire général; il serait prématuré de débattre de ce point maintenant et d'en arriver à une décision, non seulement parce que nous ne savons pas ce qu'en penseront le Congrès ou le Sénat américains, mais parce que nous ne savons vraiment pas ce qui va se produire à la fin de juin 1998.
En fait, nous devons évaluer avec circonspection s'il vaut la peine pour nous de rester et si, d'après nous tel est le cas, notre présence sera utile et peut-être également nécessaire; par conséquent deux choses doivent se produire.
Tout d'abord, il faudrait avoir la perspective d'une évolution démocratique normale du processus de paix de manière que nous puissions vraiment croire qu'à la fin de juin, notre présence fera une différence, soit parce que le processus de paix sera complètement terminé, ce que je ne crois pas, soit parce qu'il sera absolument impossible de le mener à bien. Il faudra alors prendre conscience que la paix n'est pas possible dans ces deux cas; il faudra alors partir.
Toutefois, la réponse d'un pays européen particulièrement important dans la région est oui, je suppose que nous devrons rester.
Le coprésident (M. Robert Bertrand): Merci beaucoup.
Monsieur Price.
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Monsieur le secrétaire, on vient de répondre à une partie seulement de la question que je voulais poser.
Tout d'abord, quelle est l'importance de l'opération de Bosnie pour l'avenir de l'OTAN? Si les États-Unis se retirent complètement, bien évidemment l'OTAN ne suivra pas entièrement, mais qu'est-ce qui restera? S'agira-t-il de l'OTAN ou d'autre chose? Vous venez juste de dire que l'Italie serait présente.
M. Javier Solana: Permettez-moi de vous répondre très directement.
Comme je l'ai dit plus tôt, il est très difficile de répondre à votre question pour l'instant. La seule décision que nous avons prise, c'est de poursuivre notre engagement jusqu'en juin 1998. Nous devons profiter de ce laps de temps pour exercer le plus de pression possible sur les parties responsables afin de véritablement amener le pays à respecter les accords que nous avons signés à Dayton et à Paris.
Je ne sais tout simplement pas ce qui va se produire après cette date, mais je ne crois pas qu'il soit utile de penser à ce que fera le pays A ou le pays B. Au bout du compte, la décision sera prise collectivement, comme toutes les décisions de l'OTAN prises à 16. Par conséquent, nous verrons ce que les pays, y compris le vôtre, auront à dire. Vous aurez voix au chapitre au même titre que le parlement américain.
M. Bruce Cleghorn (chef, Secteur de la non-prolifération, ministère des Affaires étrangères du Royaume-Uni): Merci, monsieur le président.
Je parle au nom du Royaume-Uni, deuxième pays actif en Bosnie actuellement au chapitre de sa contribution, avec un contingent de plus de 5 000 soldats qui, par exemple, a pris part à l'arrestation des criminels de guerre, comme en témoigne l'incident qui s'est produit à Prijedor plus tôt cette année; comme mon collègue italien, je pense que si l'alliance décide de rester, si au sein de l'alliance un consensus se dégage au sujet du maintien de sa présence en Bosnie après juin, le Royaume-Uni y souscrira certainement.
Nous avons énormément investi en Bosnie pour limiter le nombre de pertes parmi nos troupes, mais aussi au plan financier.
• 1600
Selon nous, comme nous n'avons pas encore atteint tous les
objectifs que nous nous sommes fixés dans le contexte des accords
de Dayton et aussi à Sintra, il est logique de vouloir persévérer
au lieu de gaspiller ces investissements. Si l'OTAN assure une
présence au-delà de juin de l'an prochain, il importera que la
force qui restera soit crédible, dispose de ressources militaires
réelles et soit capable de répondre efficacement et rapidement à
toute contestation de l'autorité de la communauté internationale.
Il est difficile d'imaginer une telle force dotée de cette capacité militaire et capable de donner suite à cette conviction sans la présence et le rôle des États-Unis. Il me semble très difficile d'envisager le maintien d'une présence en Bosnie si les États-Unis ne jouent pas un rôle important au sein de cette force.
Je profite d'avoir la parole, monsieur le président, pour compléter les réponses données précédemment à la question posée par M. Robinson et plus tôt par un autre député—M. Sauvageau—à propos des armes nucléaires. Au sein de l'alliance, le consensus qui se dégage, c'est que les armes nucléaires demeurent un élément important de notre arsenal collectif, même s'il s'agit d'armes que l'on utiliserait en dernier ressort. Plus important, ce sont des armes dont l'importance a récemment été amoindrie dans le contexte de défense de l'alliance.
Il suffit d'examiner l'attitude des trois puissances nucléaires pour s'apercevoir qu'elles cherchent en général à réduire leur arsenal, qu'il s'agisse des États-Unis et de leurs négociations bilatérales avec la Russie ou, dans le cas du Royaume-Uni ou de la France, de décisions unilatérales; il reste toutefois que les armes nucléaires font toujours partie des ressources dont dispose l'alliance dans certaines circonstances. Heureusement, compte tenu de la situation stratégique actuelle, il est très difficile d'imaginer des circonstances dans lesquelles il faudrait avoir recours à ces armes, mais cela ne permet pas de dire qu'il faut s'en débarrasser.
Merci.
[Français]
Le coprésident (M. Robert Bertrand): Monsieur Turp.
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Je voudrais faire un bref commentaire sur ce qui vient d'être dit. Il faudrait tout de même rappeler, comme l'a fait mon collègue tout à l'heure, que la Cour internationale de justice, dans son avis, a réduit de beaucoup l'utilisation possible des armes nucléaires. Je pense que l'OTAN et les ambassadeurs de l'OTAN devraient s'assurer que, dans la politique, ils énonceront que cet avis de la Cour internationale de justice sur le recours aux armes nucléaires doit être pris en compte.
J'ai deux questions pour le secrétaire général. La première concerne la Bosnie, puisque nous en parlons depuis tout à l'heure. Je voudrais rassurer le secrétaire général et lui dire que mon parti, le Bloc québécois, est de ceux qui ont soutenu, depuis le début, le principe d'une intervention par la communauté internationale et, à travers l'OTAN, l'intervention en Bosnie pour assurer que la paix et la sécurité soient maintenues dans cette partie du monde.
Sans parler du renouvellement du mandat ni de la décision que vous allez prendre, j'aimerais vous demander si vous considérez qu'il y a maintenant des lacunes importantes au mandat que détient la SFOR, et notamment si vous croyez qu'il est essentiel que le mandat futur précise mieux le rôle qu'aurait l'OTAN dans la saisie de criminels de guerre. C'est ma première question.
Ma deuxième question porte sur l'élargissement de l'OTAN. À ce sujet, je voudrais vous dire aussi que notre parti était favorable à l'élargissement, qu'il était même favorable à un élargissement plus significatif et qu'il prend acte du fait que cet élargissement est minimal. Les Québécois et les Canadiens savent que l'élargissement a eu lieu, mais ils ne savent pas quel en a été le coût. J'aimerais savoir si vous êtes en mesure de préciser aujourd'hui les coûts de cet élargissement et la façon dont ils seront répartis entre les États membres. Peut-être pourrait-on demander à l'ambassadeur du Canada, puisqu'il est là, quels sont les coûts de cet élargissement pour le Canada.
M. Javier Solana: Merci beaucoup.
Permettez-moi tout d'abord, messieurs les parlementaires, de vous remercier de ce soutien à l'effort qui est déployé présentement en Bosnie et de souligner le rôle important que votre pays a joué et continuera de jouer si la situation le demande.
À votre première question, je répondrai que le mandat des Nations unies est parfaitement clair. Je crois que, pour le moment, il n'y a pas de lacune importante du point de vue du mandat du Conseil de sécurité des Nations unies.
Je voudrais souligner cependant que la force déployée sur le terrain est une force militaire et non pas une force de police. Il faut que cela soit clair. Les forces qui sont déployées sur le terrain ne sont pas des forces de police. Donc, je crois que le mandat des Nations unies est un mandat intelligent et sage et que nous pouvons coopérer et contribuer à la livraison des criminels de guerre, comme nous l'avons déjà fait.
L'exemple qui a été mentionné par le représentant de la Grande-Bretagne est très clair, mais nous ne devons pas oublier que la responsabilité de livrer les criminels de guerre a été prise par toutes les parties qui ont signé l'Accord de Dayton.
Concernant l'élargissement, nous sommes en train de terminer l'étude sur les coûts de l'élargissement. Mais je peux vous dire, à ce moment-ci, que les coûts seront raisonnables et sans doute acceptés par les différents pays. En tout cas, les coûts seront partagés entre les 19 pays membres de l'Alliance.
M. Daniel Turp: Vous êtes certain que les 19 pays vont accepter de payer?
M. Javier Solana: Oui, oui, sans doute. Il n'y pas de doute sur cette question. Mais je voudrais souligner que les coûts seront raisonnables et partagés entre les 19 pays.
Sur la question de votre pays, le Canada, je voudrais donner la parole à David Wright parce qu'il a beaucoup plus d'autorité que moi-même quand il s'agit de votre pays.
M. David Wright (ambassadeur du Canada au Conseil de l'Atlantique Nord): Comme le secrétaire général l'a dit, le travail continue sur l'analyse du coût de l'élargissement. Le coût sera raisonnable et nous allons jouer notre rôle avec les 18 autres membres de l'OTAN.
Pour vous donner une idée de notre contribution, nous sommes, pour l'instant, le sixième contributeur à l'OTAN. Notre contribution au budget commun de l'OTAN est de 5,8 p. 100 dans le domaine militaire et de 5,6 p. 100 dans la partie civile du budget, ce qui vous donne une idée de notre contribution par rapport aux autres membres de l'OTAN.
Le coprésident (M. Robert Bertrand): Merci beaucoup. Oui, monsieur l'ambassadeur.
M. Giovanni Jannuzzi: Je crois qu'il est intéressant de noter que chaque fois qu'on parle avec d'illustres parlementaires, la question du coût de l'OTAN surgit. Mais je crois que c'est normal parce que c'est vous qui tenez les cordons de la bourse.
Il faut être très clair lorsqu'on parle des coûts de l'élargissement. De quels coûts parlons-nous? Parlons-nous de coûts sur le budget commun, qui sont les coûts relatifs aux infrastructures? À ce sujet, comme le secrétaire général l'a dit, nous sommes en train de faire une analyse qui porte un résultat somme toute assez raisonnable et, comme l'a rappelé l'ambassadeur Wright, il y a une clé de répartition.
• 1610
Le Canada a un peu diminué récemment sa participation
au budget des infrastructures. L'Italie a pris en
charge une partie de la diminution canadienne. Je crois
que ceci est normal. Il y a une clé de répartition qui
est établie.
Nous allons probablement réaliser aussi des économies dans le programme futur, ce qui réduira l'impact des dépenses futures pour l'accession de nouveaux membres. Nous sommes en train de parler de quelque chose de précis, c'est-à-dire les infrastructures en matière de communication, de contrôle et probablement de défense aérienne, que l'on peut facilement limiter et définir dans le calcul des nouveaux coûts pour l'OTAN.
Là je partage ce qu'a dit le secrétaire général, à savoir que les nouveaux membres vont aussi contribuer à ces coûts. Ils vont bientôt signer un accord en décembre, dans lequel ils s'engageront à contribuer un pourcentage basé sur leur produit national brut, ce qui permettra de savoir que notre budget d'infrastructures ou notre budget militaire sera augmenté du montant de la contribution de tel ou tel pays. En somme, comme l'a dit le secrétaire général, tout cela est tout fait modéré et raisonnable.
Il y a une deuxième partie à ma réponse, et là il ne faut pas qu'il y ait de confusion. Il est évident que ces pays devront moderniser leurs forces armées. C'est une chose qu'ils devront faire de toute façon dans les 10 ou 15 prochaines années. Mais ça, c'est pris sur leurs budgets nationaux, et donc, il faudra que ce soit compatible avec leurs ressources. Aucun des alliés de l'OTAN n'y participera, si ce n'est sous forme de crédits commerciaux ou de crédits industriels, mais ça, c'est une autre affaire.
Il y a une troisième partie. Nos militaires et surtout les Américains nous rappellent qu'à l'avenir, le fait que l'alliance s'étende à la Pologne va peut-être demander un effort accru de la part des membres actuels. Ça viendra, mais ça viendra à travers un processus normal de négociation des objectifs de forces à l'intérieur de l'OTAN, qui prendra le temps nécessaire et qui sera fait par consensus.
Je dis cela parce que je viens de dire à des parlementaires italiens, il y a trois jours, qu'il ne fallait pas que les parlements nationaux s'attendent à de mauvaises surprises. Je crois que ce serait
[Traduction]
bon que vous le disiez, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de mauvaise surprise. Merci.
[Français]
M. Javier Solana: J'aimerais ajouter une petite précision, si vous me le permettez.
Je voudrais vous dire qu'aujourd'hui, il y a quatre heures, nous avons terminé les conversations sur l'accession avec...
[Note de la rédaction: Inaudible]. Je peux vous dire qu'il a accepté de manière très claire la clé de répartition que nous avons proposée à ce pays. Dans les prochains jours, j'espère que la Pologne et la République tchèque se conduiront de la même manière.
[Traduction]
Le coprésident (M. Robert Bertrand): J'aimerais indiquer à mes collègues que contrairement à ce qui est indiqué dans l'avis de convocation, nous ne recevons nos illustres visiteurs que jusqu'à 16 h 15 et non 16 h 30.
Nous avons encore le temps pour une question très rapide. Monsieur McWhinney.
M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Merci, monsieur le président.
C'est plutôt une déclaration que je veux faire. Les observations de l'ambassadeur d'Italie m'ont beaucoup intéressé. Sa situation semble se rapprocher de la nôtre.
Nous participons à des opérations internationales militaires et de maintien de la paix depuis les débuts, soit depuis 1956. En général, aux Nations Unies, et en vertu du chapitre 6 de la charte—nous avons plus de problèmes en ce qui concerne le chapitre 7, car il s'agit alors de missions politiques—le gouvernement a l'habitude de communiquer avec le Parlement, lorsque ce dernier siège. Même s'il ne siège pas, comme cela s'est produit cet été, nous tenons des séances d'information. On m'a demandé de donner des séances d'information à tous les partis d'opposition et d'obtenir leur accord avant de passer à l'action. Par conséquent, le Parlement sera saisi de la question.
• 1615
Nous avons mené des opérations en Somalie, comme vous le
savez, au Rwanda, en Haïti et en Bosnie. Le Parlement préfère sans
aucun doute participer à des opérations hémisphériques et
entretient des relations particulières avec Haïti.
Un certain désenchantement semble se manifester en ce qui concerne l'aspect politique des opérations militaires, surtout lorsque nous ne participons pas directement à leur planification. Je dois vous dire qu'au cours de plusieurs débats parlementaires que nous avons eus sur la Bosnie, des députés ont exprimé certaines réserves à propos de décisions politiques auxquelles nous n'avons pas participé et qui, de l'avis de bien des gens, n'étaient pas nécessairement de bonnes décisions politiques. Par conséquent, la question fera l'objet d'un débat à la Chambre.
Notre engagement à l'égard d'activités internationales de maintien de la paix ou militaires pour ouvrir la voie à la paix est clair; nous déterminerons nos priorités et voudrons nous assurer, en cas d'opérations politiques, de participer pleinement au processus politique. S'il s'agit d'une mission militaire en tant que telle, nous préférerions qu'elle le reste. Ce qui m'a intéressé dans les observations de l'ambassadeur de l'Italie, c'est qu'il m'a semblé que son pays adopte le même processus que le nôtre, soit la consultation du Parlement.
Merci.
Le coprésident (M. Robert Bertrand): Monsieur Brison, je suis désolé, nous ne pouvons passer à vos questions.
Cela nous amène à la fin de notre séance. J'aimerais vous faire remarquer, messieurs les ambassadeurs, que nos deux comités s'intéressent vivement à l'OTAN. Je sais que vous devez prendre un vol pour les États-Unis.
[Français]
Je voulais vous laisser, messieurs les ambassadeurs et monsieur le secrétaire général avec ces derniers mots, si vous me le permettez. J'aimerais vous souhaiter bonne chance dans vos futures délibérations. Merci beaucoup et bonsoir.
La séance est levée.