NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 27 mai 1999
Le coprésident (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte cette séance conjointe du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants et du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous poursuivons nos séances d'information. Il se peut que la participation soit un peu faible ce matin, mais je suppose que les membres du comité ont des questions.
M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): La qualité y est.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Vous avez raison.
Ai-je raison de supposer que les membres du comité ont des questions?
Des voix: Oui.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Pour permettre à notre personnel d'économiser du temps, j'aimerais vous demander si vous souhaitez que nos témoins vous fournissent les commentaires liminaires habituels, ou si vous préférez passer aux questions. Je constate que vous préférez qu'ils fassent leurs commentaires d'introduction.
Je vous remercie de vous joindre à nous.
Monsieur Wright, est-ce vous qui commencez?
M. Jim Wright (directeur général, Division de l'Europe centrale, Est et Sud, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup, monsieur le président.
La procureure en chef du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, Mme la juge Arbour, a mis en accusation hier la président yougoslave Slobodan Milosevic et quatre autres dirigeants serbes pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Des mandats internationaux d'arrestation ont été émis à tous les États membres des Nations Unies et à la Suisse. Au nombre des autres personnes mises en accusation, on compte le président serbe, le vice-premier ministre de la Yougoslavie, le chef d'état-major général de l'armée yougoslave, et le ministre des Affaires intérieures de la Serbie.
[Français]
Le Canada se réjouit de cette décision; elle pourrait marquer un tournant décisif pour la Yougoslavie comme pour la région. Il s'agit là de l'aboutissement logique du processus amorcé par le Conseil de sécurité des Nations Unies en 1993 qui, en créant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le TPI, a reconnu que les crimes qui sont de la compétence de cette instance constituent des menaces pour la paix et la sécurité internationales.
[Traduction]
De plus, cette mesure vient corroborer davantage les faits qui ont motivé la décision de l'OTAN d'entreprendre son initiative de sécurité collective en Yougoslavie visant à mettre fin à la crise humanitaire au Kosovo. Il s'agit également d'une réponse directe aux appels à l'aide de centaines de milliers de réfugiés du Kosovo qui ont été brutalisés par le président Milosevic et son régime.
Le tribunal est un organisme judiciaire indépendant. La responsabilité du procureur consiste à faire enquête sur les faits et à soumettre au tribunal toute affaire où les éléments de preuve justifient une action en justice. Dans le cas qui nous intéresse, la procureure en chef Arbour est arrivée à la conclusion que le tribunal avait en main suffisamment d'éléments de preuve pour inculper le président Milosevic et ses principaux associés. Un juge du tribunal a effectué un examen des inculpations et confirmé que les exigences de preuve ont été rigoureusement respectées.
[Français]
Le Canada appuie depuis longtemps le travail important du tribunal comme celui de la juge Arbour et de son équipe. Nous sommes convaincus qu'il est impossible d'instaurer une paix durable sans justice. L'impunité pour de tels crimes ne fait que compromettre les chances d'en arriver à une véritable réconciliation.
[Traduction]
Le Canada a toujours fait valoir, tout au long des guerres qui ont déchiré l'ex-Yougoslavie au cours de la dernière décennie, que le président Milosevic avait beaucoup de comptes à rendre. De toute évidence, la procureure en chef a réussi à établir une preuve solide permettant de porter des accusations criminelles devant un tribunal. Nous espérons que le président Milosevic va enfin mettre un terme aux atrocités commises par ses forces au Kosovo. Il devrait accepter l'occasion de se défendre devant un tribunal impartial qui respecte les normes les plus rigoureuses du droit international.
• 1520
Nous avons toujours fait valoir que la population de la
Yougoslavie n'est pas visée dans cette guerre. Les Yougoslaves ont
déjà trop souffert des actions irresponsables de leurs dirigeants.
Les inculpations annoncées aujourd'hui par le tribunal citent cinq noms. Voilà qui illustre clairement que les pays du monde sont déterminés à ne pas laisser les dirigeants invoquer la raison d'État pour commettre de graves violations des droits de la personne.
[Français]
Ces mises en accusation envoient un message sans équivoque possible, aussi bien aux dirigeants modérés qu'aux extrémistes yougoslaves. Ces derniers doivent comprendre qu'il ne retireront en définitive aucun avantage de leurs crimes. Ils paieront en outre un lourd tribu en continuant... [Note de la rédaction: Inaudible] ...sur le président Milosevic, dont le régime perd de sa légitimité à mesure que se poursuit sa campagne de terreur et de nettoyage ethnique contre des civils.
[Traduction]
Il importe tout autant de faire en sorte que les modérés en Yougoslavie ne continuent pas d'être pénalisés du fait qu'ils respectent les règles du droit. Ils ont été marginalisés et menacés par le président Milosevic mais devraient maintenant se rendre compte qu'il y a une occasion à saisir. Il est maintenant possible de tourner la page sur les erreurs du passé et de construire une Yougoslavie nouvelle et démocratique qui pourra aspirer à être intégrée au concert des nations d'Europe.
Nos objectifs au Kosovo n'ont pas changé. La priorité immédiate consiste à faire en sorte que les réfugiés puissent retourner chez eux dans la dignité et la sécurité.
Somme toute, les inculpations déposées aujourd'hui confirment à nouveau l'importance de prendre des mesures pour protéger la population du Kosovo. Les preuves soumises par le tribunal accréditent la position que nous soutenons depuis le début, à savoir que ce qui se passait était sans précédent et inacceptable et qu'il fallait y mettre un terme.
Voilà qui met fin, monsieur le président, à ma déclaration liminaire.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci beaucoup, monsieur Wright.
Général Jurkowski, avez-vous des commentaires à ajouter?
Le brigadier-général D.M. Jurkowski (chef d'état-major, J3 et directeur général, Plans et opérations militaires, ministère de la Défense nationale): Oui, j'aurais quelques brefs commentaire, monsieur le président. Merci beaucoup. Je vais également répondre à une question qu'on a posée à mon patron la semaine dernière.
Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je suis le brigadier- général David Jurkowski et je suis le chef d'état-major des opérations interarmées. Je relève directement du lieutenant-général Henault, qui est en Europe en ce moment où il doit visiter nos forces en Italie et rencontrer les représentants canadiens et britanniques à Londres. Il comparaîtra à nouveau devant votre comité la semaine prochaine.
Très brièvement maintenant, pour ce qui est de la situation militaire de l'OTAN, il n'y a aucun changement important à signaler dans la campagne militaire des deux derniers jours, sauf que l'amélioration des conditions climatiques a permis une intensification des bombardements de l'OTAN. Au cours des deux derniers jours, plus de 1 300 sorties ont eu lieu. L'effort principal a visé les forces VJ/MUP déployées au Kosovo et les infrastructures de soutien. L'estimation complète des dégâts de combat reste à faire, mais il est clair que les forces de l'ex- Yougoslavie ont été très durement touchées.
Les cibles visées au Kosovo comprennent entre autres les lance-roquettes, les obusiers et mortiers, les chars d'assaut, les transporteurs de troupes blindés, les avions de transport et les radars de défense aérienne. Pour ce qui est des cibles stratégiques en Serbie, nous continuons de viser les installations militaires ainsi que les entrepôts et fabriques de munitions, les réservoirs de pétrole, les sites de commandement ainsi que les terrains d'aviation. Environ 900 aéronefs de l'OTAN sont affectés au théâtre des opérations et ils exécutent en moyenne plus de 700 sorties par jour.
[Français]
Les attaques de l'OTAN continuent de porter sur l'objectif d'isoler, de déranger et de détruire les forces militaires et de polices serbes qui perpètrent la purification ethnique au Kosovo.
De concert avec la campagne aérienne, l'alliance demeure activement engagée dans des opérations de secours humanitaires en Albanie et en Fyrom. Les troupes de l'OTAN améliorent des camps pour abriter le nombre toujours croissant de déportés du Kosovo et pour stabiliser la situation dans la région. Les forces de l'OTAN apportent aussi un soutien logistique et technique à la manutention et à la distribution des biens nécessaires.
[Traduction]
J'aimerais maintenant répondre brièvement à une question posée au sujet du largage de matériel de guerre dans la mer Adriatique. Je suis en mesure de confirmer qu'un aéronef canadien de type CF-18 a effectivement largué dans une zone d'urgence prévue à cet effet, pour des raisons de sécurité, une bombe bloquée, conformément aux procédures autorisées. Une bombe bloquée est une bombe qui ne se dégage pas de l'aéronef au moment voulu. À cause du risque d'asymétrie de charge de l'appareil, des résistances trop grandes qui empêcheraient de revenir à la base, ou d'explosion à l'atterrissage—compte tenu donc, de l'incertitude—, la procédure consiste à larguer la bombe dans une zone d'urgence prévue à cet effet. C'est ce qui a été fait.
• 1525
Il s'agit là d'une question d'une grande importance pour
l'OTAN, et l'ensemble du processus fait actuellement l'objet d'un
examen. Permettez-moi de signaler que la pratique du largage de
matériel militaire dans la mer Adriatique remonte à la Seconde
Guerre mondiale.
Pour répondre au besoin actuel, on a désigné plusieurs zones de largage d'urgence en mer Adriatique de manière à permettre aux aéronefs de l'OTAN participant à l'Opération forces alliées de larguer au besoin leurs munitions inutilisées pour des raisons de sécurité en vol ou au sol. Plus de 100 pièces ont été larguées dans ces zones jusqu'à maintenant. L'OTAN s'efforce de réduire au minimum les effets sur les pêcheurs de la région du nord de l'Adriatique, choisissant de nouvelles zones de largage d'urgence. L'OTAN envisage également de prendre le genre de dispositions qui s'appliquent aux opérations de lutte contre les mines.
Pour ce qui est maintenant de la participation canadienne, nos CF-18 basés à Aviano ont effectué 28 sorties au cours des deux derniers jours. Leurs missions combinaient des objectifs d'interdiction aérienne du champs de bataille et des patrouilles aériennes de combat. Les cibles visées étaient notamment des casernes, des entrepôts, des sites de radiocommunication et des terrains d'aviation.
Pour ce qui est de Op Kinetic, le déploiement de notre contingent de 800 soldats vers l'ex-République yougoslave de Macédoine comme composante d'une force internationale d'imposition de la paix continue de se dérouler comme prévu.
[Français]
Le navire nolisé pour transporter la majeure partie de l'équipement lourd a quitté mardi pour l'Europe. Le contingent tout entier sera en théâtre d'ici la mi-juin et il sera opérationnel d'ici la fin juin.
[Traduction]
Comme on l'a dit mardi, l'OTAN est en train de mettre à jour son plan relatif à une force d'imposition de la paix au Kosovo et envisage d'en porter les effectifs à environ 45 000 à 50 000 soldats. Nous continuons pour notre part à évaluer nos capacités et à mettre au point un répertoire des capacités que nous pourrons offrir si l'OTAN nous demande de fournir une aide supplémentaire. Il faudra évidemment obtenir l'autorisation du Cabinet et du gouvernement dans un tel cas.
[Français]
La réception des réfugiés albanais du Kosovo au Canada est complétée. Le vol final est arrivé hier à Trenton. Selon une perspective militaire, en soutien à CIC, cette opération a été extrêmement bien conduite.
[Traduction]
Au total, 5 244 réfugiés sont arrivés à nos bases de Trenton et Greenwood. De ce nombre, 165 étaient accueillis dans le cadre du Programme de réunification des familles de Citoyenneté et Immigration Canada. Les Forces canadiennes n'ont pas reçu d'autres demandes d'aide pour le moment.
Monsieur le président, c'était ma déclaration liminaire.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci beaucoup, général Jurkowski.
Monsieur LeBane, avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de la situation des réfugiés?
M. Jeff LeBane (directeur général, Relations internationales, Citoyenneté et Immigration Canada): Monsieur le président, très brièvement, j'ajouterai aux commentaires du général que, en plus d'avoir respecté nos engagements en réponse à la demande de Mme Ogata de fournir un refuge sûr à 5 000 réfugiés kosovars, nous avons rétabli en permanence au Canada 430 réfugiés kosovars ayant des parents au Canada et, à ce jour, traité 36 cas à besoins spéciaux que nous a confiés le HCR.
Pour les cas de réunification familiale et les cas à besoins spéciaux, il n'y a aucune limite. Les personnes concernées vont continuer d'arriver régulièrement durant tout le mois de juin, aussi bien de la Macédoine que de l'Albanie. Elles iront directement rejoindre leur famille au Canada.
Pour ce qui est des 5 000 réfugiés accueillis sur les bases, nous allons commencer à les déplacer dès le présent week-end vers diverses localités du Canada.
Merci. J'ai fourni un document.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Très bien. Merci beaucoup.
Nous allons donc passer aux questions. Nous avions l'habitude d'accorder une minute pour les questions et réponses. Nous pourrons peut-être faire preuve d'un peu plus de souplesse aujourd'hui.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le président, avez-vous dit deux ou cinq?
[Traduction]
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Nous avons habituellement deux ou trois minutes chacun.
M. Jim Wright: Monsieur le président, le représentant de l'ACDI pourrait-il formuler quelques commentaires liminaires?
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Je m'excuse. Tout à fait.
Il ne s'agit pas d'un oubli. Lors des séances d'information antérieures auxquelles j'ai assisté, la plupart du temps, vous n'avez pas fait de commentaires. Si vous en avez cependant, je vous en prie, allez-y, madame Corneau.
[Français]
Mme Hélène Corneau (gestionnaire de programmes, Europe centrale et de l'Est, Agence canadienne de développement international): Merci, monsieur le président.
• 1530
Le gouvernement canadien, par le biais de
l'ACDI, s'est engagé très récemment à offrir un appui
économique à l'Albanie et à la Macédoine. Ce sont les
deux pays de la ligne de front les plus durement touchés
par la crise à l'heure actuelle. Cet appui s'élèvera à
6 millions de dollars pour l'Albanie et à 4 millions de
dollars pour la Macédoine.
[Traduction]
Durant sa visite en Albanie vendredi dernier, la ministre Marleau a annoncé que l'ACDI serait représentée à Tirana. La nouvelle a été très bien accueillie par les interlocuteurs gouvernementaux, qui sont sensibles à la volonté du Canada de venir en aide à l'Albanie et aux réfugiés qu'accueille ce pays.
[Français]
Cette courte visite a été extrêmement productive. Mme Marleau a visité un camp de réfugiés tout près de Tirana et a eu des entretiens très productifs avec le président, le premier ministre et quelques ministres du gouvernement de l'Albanie. Merci.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, madame Corneau.
[Traduction]
Permettez-moi d'annoncer aux membres du comité que la séance d'information conjointe de mardi sera prolongée. M. Graham et moi- même avons décidé de la prolonger jusqu'à 17 h 30. M. Graham sera de retour avec le reste de la délégation qui s'est rendue en Macédoine et il souhaite faire rapport à ce sujet. Également, je suis convaincu que M. Robinson participera de nouveau aux discussions à ce moment-là. Nous avons donc jugé qu'il fallait plus de temps.
Je ne sais si le personnel en a été prévenu à l'avance. Le greffier fait signe que oui. De toute manière, telle est la situation pour mardi.
J'aimerais également annoncer que la séance d'information n'aura pas lieu jeudi prochain, étant donné que la plupart des membres des deux comités seront occupés ailleurs. Nous vous demandons donc de nous accorder un peu plus de temps mardi; par contre, il n'y aura pas de séance d'information jeudi.
Cela dit, permettez-moi maintenant de passer aux questions des membres du comité, en commençant par M. Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Monsieur le président, vous dites que vous ne prévoyez pas convoquer une réunion du comité jeudi prochain, ce qui nous paraît poser un problème sur le plan de la transparence et de la disponibilité de l'information puisque, de toute façon, je pense que ceux qui veulent obtenir l'information vont se présenter. J'aimerais que vous nous donniez plus d'information sur cette décision qui n'est pas très bien accueillie par le Bloc québécois.
[Traduction]
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Il se peut que la décision ne plaise pas au Bloc, mais la plupart des membres des deux comités ont fait savoir aux présidents qu'ils ne pourraient être disponibles. Je vous prie de noter, monsieur Ménard, qu'il s'agit d'une séance conjointe du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants et du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et que la plupart des membres de ces deux comités nous ont fait savoir qu'ils auraient de la difficulté à participer et qu'ils ont convenu d'annuler la réunion, ayant reconnu qu'il serait très peu productif de tenir une séance d'information à laquelle très peu des membres du comité participeraient, sinon aucun. Je comprends que vous ne soyez pas d'accord, mais la réunion n'aura pas lieu.
[Français]
Monsieur Bachand.
M. André Bachand: Monsieur le président, en tant que président ou coprésident, vous avez pris une décision sur laquelle je suis en désaccord. Je vous demanderais de faire preuve d'ouverture parce que le dossier du Kosovo évolue très rapidement. D'ailleurs, les questions d'aujourd'hui vont le prouver. Le rapport de M. Wright sur Milosevic, entre autres, prouve que le dossier évolue rapidement. J'aimerais que vous fassiez preuve d'ouverture et que vous nous permettiez de rediscuter de cette décision mardi prochain. Si la situation évolue, peut-être que les membres du comité, y compris vous, vont demander qu'on réexamine la décision afin qu'on puisse tenir une autre réunion jeudi et peut-être même avant. Comme la situation évolue rapidement, on doit rester ouvert à la possibilité de tenir une réunion jeudi prochain.
[Traduction]
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci. À titre de coprésident, j'en parlerai à M. Graham et, ensemble, nous allons revoir la décision, comme vous le demandez.
J'en ai donné les raisons. Rien n'a changé à cet égard. Je ne puis être présent et je sais que M. Graham ne peut l'être lui non plus, comme c'est le cas de la plupart des membres des deux comités. Nous allons revoir quand même la décision. Si d'autres députés souhaitent participer à la séance d'information et que celle-ci peut être organisée, je suppose que la chose est possible.
À titre de coprésident du comité et de député, je suis d'accord avec vous sur la question de la transparence, mais notre personnel et le gouvernement ont fait preuve d'un grand degré d'ouverture, si je me permets de le dire, en s'efforçant de tenir, depuis déjà des semaines, des séances d'information deux fois par semaine, en plus des séances d'information technique qui se déroulent quotidiennement et auxquelles tous les députés sont cordialement invités à participer et durant lesquelles ils peuvent même poser des questions. Une telle séance aura lieu jeudi, comme prévu. La séance d'information technique et quotidienne continuera d'avoir lieu au MDN, et les membres du comité peuvent y participer et poser des questions, jeudi prochain.
• 1535
Toutefois, à votre demande, je vais demander qu'on aborde la
question à nouveau mardi, et nous verrons à ce moment-là si nous
allons continuer de tenir la séance d'information de jeudi. Il me
semblait opportun de signaler qu'on avait décidé de l'annuler, mais
nous allons étudier la question à nouveau.
Merci.
Passons maintenant à M. Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Vous comprenez que l'on accueille avec beaucoup d'enthousiasme la décision du Tribunal pénal international de lancer des mandats d'accusation, mais cela n'est pas sans poser un certain nombre de questions techniques. La première concerne, bien sûr, l'inventaire des biens des accusés au Canada. Mme Arbour a demandé aux États de procéder au gel des avoirs.
Le Canada a-t-il lui-même dressé l'inventaire des biens des accusés sur son territoire et compte-t-il, s'il y a lieu, répondre favorablement à la demande du Tribunal pénal international de procéder au gel des avoirs?
C'est une première question et j'en aurai quelques-unes par la suite.
[Traduction]
M. Jim Wright: La réponse est très facile. Tous les pays membres de l'ONU sont obligés de collaborer pleinement avec le tribunal.
[Français]
Concernant la question des biens des cinq personnes mentionnées dans cette mise en accusation par le tribunal, le Canada est en train de vérifier si ces cinq personnes ont des biens ici. Que nous sachions, ils n'ont pas de biens personnels au Canada, mais nous sommes en train de le vérifier.
[Traduction]
De plus, les biens du gouvernement yougoslave au Canada sont déjà gelés, à toutes fins pratiques. Il n'y en a pas beaucoup. L'État yougoslave possède certains immeubles ici—une ambassade, un consulat, une résidence—assez peu de choses, en somme. Ces biens sont gelés, pour diverses raisons, notamment du fait qu'un différend persiste entre la Yougoslavie et les autres États successeurs de l'ex-Yougoslavie au sujet de la division des biens de l'ex-Yougoslavie. À cause de ce différend, qui est en instance de règlement aux Nations Unies, l'ensemble des biens appartenant à l'État yougoslave à l'étranger ont été gelés par les pays membres des Nations Unies. Ainsi, un certain nombre de mesures ont été prises au Canada pour geler ces biens.
Cependant, la décision de Mme la juge Arbour a trait aux biens personnels des cinq inculpés et nous allons assurément étudier cette question très attentivement pour déterminer si de tels biens existent. Le cas échéant, le gouvernement du Canada se conformera entièrement à la demande et cela se fera, je le crois, aux termes de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Ce serait normalement la marche à suivre, me semble-t-il.
[Français]
M. Réal Ménard: Parfait.
Me permettez-vous une autre question, monsieur le président?
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Oui.
M. Réal Ménard: La mise en accusation des dirigeants yougoslaves par le tribunal nous semble poser un certain nombre de problèmes et d'interrogations, particulièrement pour la suite des négociations concernant le plan de paix avec le groupe du G-8.
Qu'est-ce que cela pourrait vouloir dire et quelle information êtes-vous en mesure de donner à ce comité? Est-ce que le Canada pourrait entrevoir la poursuite de négociations malgré le fait que M. Milosevic lui-même, comme principal porte-parole et président de son pays, pourrait être activement recherché et probablement lui-même mis en accusation au moment où les négociations se poursuivraient?
Comment pouvez-vous vous faire rassurant ou inquiétant pour la suite des événements quant au processus de négociation pour le plan de paix?
[Traduction]
M. Jim Wright: Tout d'abord, nous espérons certainement que le président yougoslave réagira directement à l'inculpation formulée par la procureure en chef du tribunal et qu'il se mettra à la disposition du tribunal à La Haye pour pouvoir plaider lui-même sa cause devant ce tribunal objectif et impartial.
• 1540
Dans un deuxième temps, la responsabilité de collaborer
entièrement avec le tribunal de La Haye incombe au gouvernement
yougoslave. Si le président ne se met pas lui-même à la disposition
du tribunal, la responsabilité incombe au gouvernement yougoslave
et je crois que son mandat d'arrestation a été signifié au ministre
de la Justice du gouvernement yougoslave ou le sera sous peu.
Ainsi, pour ce qui est du président, nous espérons et nous osons croire qu'il va se soumettre à la juridiction du tribunal, présenter sa défense et s'en remettre à la décision du tribunal concernant l'inculpation prononcée par la procureure en chef.
Pour ce qui est du processus diplomatique, la situation est délicate à l'heure actuelle. Il s'agit d'un processus d'une grande complexité. Nous avons déjà abordé cette question au comité. J'aimerais également dire que
[Français]
il s'agit d'une situation à laquelle la communauté internationale n'a jamais travaillé. C'est un chef d'État qui est mis en accusation par un tribunal international pour des crimes contre l'humanité. C'est la première fois que cela se produit dans l'histoire et, à cause de cela, on travaille sur un terrain politique tout à fait nouveau.
[Traduction]
Cela dit, les objectifs de la communauté internationale, de l'OTAN, et des Nations Unies demeurent inchangées. Nous agissons de façon résolue sur deux fronts.
Sur le front militaire, tout d'abord, que nous estimons que, sans pression militaire, nous n'allons pas obtenir le genre de collaboration que nous souhaitons sur le plan diplomatique. La campagne militaire de l'OTAN va donc se poursuivre, jour et nuit.
Sur le front diplomatique, le gouvernement yougoslave a reçu depuis plus de deux mois déjà une demande de se conformer aux cinq conditions énoncées par le secrétaire général des Nations Unies et par l'OTAN, et de signifier son accord aux sept principes énoncés par les ministres des Affaires étrangères du G-8 à Bonn au début de mai. Ces conditions n'ont jamais été sujettes à négociation.
Nous n'en sommes donc pas à une étape du processus diplomatique où il nous faut participer à des négociations poussées avec le président Milosevic. Nous ne sommes pas en train de négocier un accord de paix comme celui de Rambouillet, comme celui que nous nous sommes efforcés sans succès d'obtenir au cours de l'automne et de l'hiver.
Ce que nous souhaitons de la part des dirigeants yougoslaves... Et il ne doit pas nécessairement s'agir du président Milosevic. Nous préférerions même traiter avec quelqu'un d'autre qu'une personne inculpée pour crimes de guerre. Mais c'est bien lui le président. Il ne s'est pas encore mis à la disposition du tribunal. Nous voulons tout simplement un signal, un signal très clair, comme réponse aux conditions fixées.
Le processus diplomatique suit son cours. Selon les informations dont je dispose, M. Tchernomyrdine, l'envoyé spécial russe, ira à Belgrade, dès demain, semble-t-il, où il poursuivra son dialogue avec les dirigeants yougoslaves. Je sais que M. Axworthy, qui se trouve à Washington aujourd'hui pour des entretiens avec Madeleine Albright, la secrétaire d'État des États-Unis, a déjà déclaré très clairement que la communauté internationale continuait d'appuyer résolument les démarches entreprises sur les fronts diplomatique et militaire. Nous espérons qu'elles donneront des résultats à brève échéance.
Les Yougoslaves ont un choix. Ils peuvent décider que, pour participer à une issue favorable, ils doivent rejeter certaines des politiques nationalistes extrêmement fractionnelles que poursuit le président Milosevic depuis des années, ou encore ils peuvent continuer à s'isoler davantage et entraîner la Yougoslavie de plus en plus loin de la communauté internationale.
La modération semble commencer à faire son chemin parmi les dirigeants politiques et la population de la Yougoslavie, et nous espérons que la mise en accusation des dirigeants yougoslaves convaincra sans l'ombre d'un doute les Yougoslaves que leurs dirigeants leur ont fait prendre un tournant qui mène la Yougoslavie à la destruction.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Ménard.
Monsieur Earle.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Monsieur Wright, n'êtes-vous pas d'accord pour dire que, à titre de membre de l'OTAN, le Canada doit avoir accès à toute information pertinente dont disposent les partenaires de l'alliance?
Je reviens à cette lettre. J'ai déjà soulevé la question, et je vous vois sourire. Avez-vous découvert quel était le contenu de cette lettre qui a été acheminée par Milosevic au président Clinton par les bons offices de Jesse Jackson? Si tel n'est pas le cas, pouvez-vous m'expliquer pourquoi?
Si j'en parle, c'est que vous ne cessez de répéter que l'OTAN souhaite recevoir un signal très clair que ses conditions seront acceptées ou qu'une démarche constructive est en cours. Si nous ne connaissons pas le contenu de la lettre, comment pouvons-nous dire qu'elle ne contenait pas un signal très clair?
En deuxième lieu, pour ce qui est des bombardements, il semble qu'un grand nombre d'Albanais ont été évincés des villages, qui ont maintenant l'apparence de villages-fantômes. Il semble donc que l'objectif de Milosevic ait été réalisé, en dépit des bombardements. Bon nombre de Kosovars sont maintenant dans des camps de réfugiés ou cachés dans les montagnes où ils se trouvent en situation précaire, et il semble bien que les bombardements ne leur donnent rien de bon. On peut même dire que les bombardements empêchent l'aide humanitaire d'arriver à ces gens.
À quoi servent maintenant les bombardements? Au début, ils visaient à protéger les gens contre le «nettoyage ethnique», mais si ces gens sont tous partis, à quoi servent maintenant les bombardements?
M. Jim Wright: Merci beaucoup.
Je tiens tout d'abord à dire que la lettre adressée par le président Milosevic au président Clinton est sans aucun doute une communication privilégiée entre deux gouvernements souverains. Il appartient à ces gouvernements de décider s'ils veulent ou non rendre cette communication publique.
Deuxièmement, vous savez parfaitement bien que l'OTAN ne demanderait pas mieux que de recevoir cette indication de Belgrade de façon à pouvoir mettre fin aux bombardements. Je dois avouer que je doute fort que la lettre transmise par M. Jackson renferme des messages particuliers. Si c'était le cas, je pense que la teneur en aurait été rendue publique tout d'abord par Belgrade et par le président Milosevic lui-même pour montrer sa bonne foi à la communauté internationale et indiquer qu'il répond très directement aux conditions et principes établis par la communauté internationale. Deuxièmement, si cette lettre renfermait des renseignements importants, je sais également que le président des États-Unis l'aurait rendue publique.
Vous avez posé cette question un certain nombre de fois. La prochaine fois que je m'entretiendrai avec mes collègues américains, je leur poserai la question.
M. Gordon Earle: La raison pour laquelle je vous pose cette question est la suivante. Vous avez déclaré avec une grande assurance qu'il s'agit d'une communication privilégiée entre deux pays souverains, mais il ne s'agit pas d'une guerre entre deux pays souverains. Nous n'arrêtons pas de dire que cette guerre est un effort collectif de l'OTAN et c'est pourquoi le Canada y participe. Donc si nous y participons et si cette lettre a trait à cette guerre, je dirais que nous devrions avoir accès à cette information.
Par ailleurs, vous dites de façon assez catégorique que si cette lettre renfermait des renseignements importants, le président les aurait rendus publics. Mais, si elle ne renferme pas de renseignements importants, pourquoi ne pas la rendre publique? À mon avis, il y a un manque de transparence ici. Pour dissiper toute confusion, le plus simple serait de nous indiquer ce qu'elle contient.
M. Jim Wright: Vous posez une question qui est justifiée. Je me renseignerai. Je ne peux pas vous promettre que la lettre sera rendue publique. Ce n'est pas à nous qu'il appartient de le faire. Il s'agit d'une communication privilégiée entre deux gouvernements souverains. Je comprends votre argument. Je l'expliquerai à mes homologues américains, mais comme je l'ai dit, je doute fort qu'elle renferme de l'information valant la peine d'être publiée.
M. Gordon Earle: Votre scepticisme ne me rassure pas.
M. Jim Wright: Très bien.
Vous avez également demandé à quoi servent les bombardements de l'OTAN à l'heure actuelle. Vous avez raison; à l'heure actuelle, probablement plus d'un million de personnes ont été déplacées par suite de la campagne de nettoyage ethnique, dont un grand nombre se trouvent dans les pays voisins ou dans des pays européens ou même au Canada. Mais il est très difficile d'évaluer combien de personnes sont restées au Kosovo. On pense que ce nombre pourrait atteindre 500 000.
• 1550
À l'heure actuelle, on est en train d'acheminer de l'aide
humanitaire au Kosovo ainsi qu'au Montenegro et en Serbie. Il
s'agit de convois humanitaires dont la coordination est assurée par
le Haut-Commissariat pour les réfugiés et la Croix-Rouge
internationale, en étroite coopération avec l'OTAN également pour
que l'OTAN soit au courant du mouvement de ces convois. Des
conditions très claires sont fixées pour la conduite de ces convois
humanitaires afin de s'assurer qu'ils ne courent pas plus de
risques qu'il faut.
Donc on essaie de fournir une certaine aide humanitaire. Des bureaux de la Croix-Rouge internationale sont en train d'être mis sur pied en Yougoslavie. Trois pays—la Russie, la Grèce et la Suisse—sont en train d'établir un consortium destiné à fournir des secours humanitaires aux personnes qui ont été le plus touchées par cette crise. Donc, il y a une certaine aide humanitaire qui est fournie.
L'objectif des bombardements de l'OTAN est très clair. Nous avons affaire à un appareil militaire extrêmement sophistiqué en Yougoslavie, dont les actifs, pour un assez petit pays des Balkans, sont nettement supérieurs à ses besoins. Nous continuons de cibler les éléments essentiels de l'appareil militaire serbe. Le général pourra vous donner plus de précisions sur les cibles visées à l'heure actuelle, mais il y a toujours au sol des installations de commandement, de contrôle et de communication, des terrains d'aviation et des avions qui décollent jour après jour.
L'objectif des bombardements est d'infliger à l'appareil militaire serbe de telles pertes qu'il sera très clair pour tous les intéressés, y compris les militaires serbes et les dirigeants yougoslaves, que dans les circonstances, ils ne peuvent que céder à la communauté internationale et accepter les cinq conditions.
Il ne s'agit pas d'une campagne contre la population serbe, contre les civils. Il s'agit d'une campagne qui vise expressément les cibles et l'infrastructure militaires serbes, et qui est en train de sérieusement affaiblir cet appareil militaire.
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Nous devrions laisser M. Bachand poser une question puis nous reviendrons pour d'autres questions.
Monsieur Bachand.
[Français]
M. André Bachand: J'aimerais d'abord remercier le général d'avoir donné des éléments de réponse concernant le délestage accidentel ou volontaire de bombes au-dessus de la mer Adriatique. J'espère qu'ils ne feront pas de délestage, si possible, dans l'édifice des libéraux. Malheureusement, je n'ai pas beaucoup de temps pour vous poser des questions. J'aimerais poser d'autres questions sur l'aspect militaire, mais j'aurai sûrement la chance de les poser mardi prochain et, j'en suis sûr, jeudi prochain.
Cela étant dit, j'aimerais parler de la question de la mise en accusation de M. Milosevic en termes de timing. La mise en accusation précède de 12 à 24 heures la visite de l'envoyé russe à Belgrade. Les termes que vous avez employés, monsieur Wright, «irresponsible leader» et «he must turn himself in», sont aussi ceux du gouvernement, si je comprends bien. C'est la première fois qu'on porte une accusation contre un chef d'État en poste et c'est aussi la première fois qu'un chef d'État en poste, et en guerre, est accusé de crimes de guerre.
Pouvez-vous m'expliquer comment on peut négocier dans une telle situation? Monsieur Wright, vous vous rappelez sans doute que lors de la première rencontre, à laquelle le ministre assistait, j'avais posé cette question-là. On accusait Milosevic de tous les crimes, à tort ou à raison, alors qu'on n'avait aucune preuve. Je me demandais alors comment vous alliez faire pour négocier avec quelqu'un que vous traitiez de tous les termes. À quoi servent présentement la structure démocratique et la structure diplomatique?
• 1555
Aujourd'hui, vos termes sont aussi forts que
lors de la première semaine de
guerre et ils sont de plus appuyés par une mise en
accusation du Tribunal pénal international.
Expliquez-moi comment la communauté internationale peut
signer une entente avec Milosevic. Premièrement,
comment peut-elle
parler avec Milosevic? Milosevic
peut-il négocier?
Ce n'est pas une guerre entre syndicat et employeur. Souvent, on peut mettre un peu de peinture ou des autocollants sur des camions et, lorsque la convention collective est signée, on dit qu'il n'y a pas de problème et qu'on ne déposera pas de plaintes pour les gestes posés. Dans ce cas-ci, on parle de crimes de guerre. Le gouvernement va-t-il s'opposer à toute négociation, à ce qu'on appelle communément un plea bargaining avec Milosevic? Pouvez-vous nous garantir qu'il n'y aura jamais de plea bargaining? Comment pouvez-vous négocier avec Milosevic et comment la communauté internationale peut-elle continuer à envoyer des gens pour tenter de convaincre Milosevic alors qu'il a maintenant été mis en accusation?
[Traduction]
M. Jim Wright: En ce qui concerne le moment de la mise en accusation et le fait que M. Tchernomyrdine sera à Belgrade demain
[Français]
ce n'est pas une décision de la communauté internationale. C'est une décision du Tribunal pénal, de Mme Arbour, et non pas de l'OTAN, du G-8 ou des Nations Unies. Mme Arbour a indiqué aujourd'hui qu'on avait maintenant suffisamment de preuves contre Milosevic et ses collègues pour présenter leurs cas à un juge du tribunal. C'est ce dernier qui a décidé qu'on pouvait maintenant procéder à la mise en accusation. C'est la première chose.
Deuxièmement,
[Traduction]
je me trompe peut-être. Je ne crois pas que nous ayons jamais utilisé le terme de «monstre» pour désigner le président Milosevic. Nous avons toujours dit que nous considérons qu'il a bien des comptes à rendre. Nous avons même été très prudents à propos de l'utilisation du terme «criminel de guerre». Nous avons toujours maintenu qu'il n'appartient pas au gouvernement canadien de rendre un jugement. Cette décision appartient au Tribunal international. Le tribunal a pris cette décision. La question sera maintenant portée devant le tribunal et nous verrons s'il juge que le président Milosevic et ses collègues sont des criminels de guerre ou non.
Je sais qu'il y a de nombreuses critiques de la part de Belgrade en ce qui concerne le «parti pris» de ce tribunal. Je tiens simplement à souligner que s'il y a un parti pris de la part de Mme Arbour et du tribunal, c'est un parti pris pour la vérité, un point c'est tout.
Quant à savoir comment nous pouvons signer un traité avec lui, je ne crois pas que ce soit notre intention de signer un traité avec lui. Notre intention est de voir les dirigeants yougoslaves accepter les cinq conditions établies.
Je parle des dirigeants yougoslaves parce qu'il ne s'agit pas simplement de Slobodan Milosevic. Il joue un rôle très important—je ne veux pas insinuer le contraire—mais il n'est pas le seul membre de ce gouvernement. Ce que nous voulons, c'est une indication claire d'acceptation. Nous ne voulons pas de négociations. Nous ne voulons pas d'un nouvel accord de paix. Tout ce que nous voulons, c'est une indication claire d'acceptation des conditions établies par la communauté internationale.
En fait, même en ce qui concerne la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU à laquelle nous travaillons avec les Russes...
[Français]
M. André Bachand: Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Wright, mais le temps nous manque. Je ne voudrais pas être impoli, mais je veux dire que...
[Traduction]
M. Jim Wright: Aucune immunité et aucun compromis.
[Français]
M. André Bachand: Alors, qu'est-ce que l'envoyé russe va aller lui dire? On sait que M. Talbott était là.
M. Jim Wright: Oui.
M. André Bachand: Le président de la Finlande était impliqué là-dedans. Quand je vous écoute, le message est bien clair. Qu'allez-vous faire à Belgrade s'il n'y a aucune marge de négociation?
• 1600
Les rumeurs de plus en plus persistantes sur l'envoi
éventuel de troupes terrestres semblent plausibles.
Qu'allez-vous faire à Belgrade?
M. Jim Wright: Si la question est de savoir si cette mise en accusation complique le processus diplomatique, ma réponse est affirmative. Comment le complique-t-elle? Il m'est très difficile de répondre à cette question maintenant.
[Traduction]
M. Tchernomyrdine sera là demain. La Russie est un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. La Russie a aidé à mettre sur pied le tribunal en 1993. La Russie a à maintes reprises appuyé les résolutions présentées au Conseil de sécurité de l'ONU réclamant que la Yougoslavie coopère avec le Tribunal international. Donc la Russie a déjà un certain engagement envers le tribunal. Tout le monde était au courant des risques que comportait l'examen, par Mme Arbour et son tribunal, des circonstances entourant les crimes contre l'humanité, des crimes de guerre, par suite de la crise au Kosovo. Ce sont eux qui ont décidé du moment.
En ce qui concerne le processus diplomatique, comme je l'ai indiqué, je ne veux pas faire dire à M. Tchernomydine ce qu'il n'a pas dit. Je n'ai entendu aucune déclaration publique de la part de M. Tchernomydine aujourd'hui. La seule déclaration publique que j'ai entendue provient du ministère des Affaires étrangères de la Russie. Les représentants du ministère ont indiqué qu'ils veulent tout faire pour de mettre fin le plus rapidement possible à ce conflit par la voie diplomatique. Nous sommes également partisans de cette approche.
Je sais que vous êtes pressés, mais si vous me le permettez, j'aimerais faire une autre observation. Lors du conflit en Bosnie et après le conflit, il y avait un individu du nom de Dr Radovan Karadzic, qui a été le chef de la Republika Srpska pendant longtemps. Il a été un interlocuteur valable jusqu'à ce que ce même tribunal l'accuse de crimes de guerre. Lors de cette mise en accusation, il est devenu complètement isolé, il a été marginalisé, il a perdu son autorité politique et toute une nouvelle génération de dirigeants politiques a vu le jour avec le temps—je ne dis pas du jour au lendemain, parce qu'il a fallu un certain temps avant qu'émergent les nouveaux dirigeants en Republika Srpska.
Je n'ai pas toutes les réponses. J'ignore quelles en seront toutes les ramifications. Mais une partie de la réponse, c'est que le paysage politique en Yougoslavie a changé par suite de cette décision. La communauté internationale a déclaré: «Nous considérons que cet homme est un criminel de guerre. Nous avons fait une mise en accusation. Il doit comparaître devant le tribunal.»
Donc, la Yougoslavie a un choix. Elle peut continuer à s'isoler complètement, suivre la voie tracée par Slobodan Milosevic, et courir le risque de se voir elle-même mise en accusation devant ce tribunal mandaté par l'ONU, ou, ce sera peut- être l'occasion pour certains modérés en Yougoslavie qui croient dans la règle de droit et qui croient dans le bon gouvernement et la démocratie, les Djindjics, les Djukanovics, et les Draskovics de ce monde, qui ont pris la parole devant ce comité... Ce sera peut- être, je dis bien peut-être, l'occasion pour eux de se mettre en évidence.
Mais le processus diplomatique se poursuivra. Nous traiterons avec les dirigeants yougoslaves, mais nous ne cherchons pas à négocier. Nous cherchons à obtenir une réponse simple, un assentiment, un engagement à accepter les conditions fixées par la communauté internationale, et le début du retrait des forces serbes. C'est ce que nous attendons.
[Français]
Le coprésident (M. Pat O'Brien): Merci, monsieur Bachand.
[Traduction]
Nous arrivons à fin de la séance d'information. Les députés ont-ils d'autres questions? Très bien. J'ai un autre engagement ailleurs. Je vais donc demander à M. Pratt de prendre la relève.
Je tiens simplement à rappeler aux députés—et nous devrons le répéter mardi, ce que je ferai—que le personnel a été tenu extrêmement occupé par nos demandes. Nous devons tâcher de travailler de façon un peu plus assidue jusqu'à la fin de la séance à 16 heures.
Sur ce, je demanderai à M. Pratt d'occuper le fauteuil. Je vous remercie.
Le coprésident suppléant (M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.)): À qui est-ce le tour? Monsieur Earle.
M. Gordon Earle: J'aimerais revenir sur un point soulevé par M. Wright.
Vous n'arrêtez pas de dire que cette campagne ne vise pas la population serbe, et je comprends l'argument que vous essayez de faire valoir, mais j'utiliserai simplement un petit exemple, et vous comprendrez peut-être là où je veux en venir.
Il y a quatre personnes là. Disons que pour une raison quelconque, je vous trouve antipathique et j'ai une dent contre vous, monsieur Wright. Ce n'est pas le cas, mais faisons comme si, et je décide alors de lancer une bombe là. Je suis sûr que les autres personnes présentes en ressentiraient les effets. J'ai beau dire que cette bombe ne visait pas le brigadier général, ni M. LeBane, ni Mme Corneau, mais qu'elle visait M. Wright. Quoi qu'il en soit, ils vont en ressentir les effets.
En fait, c'est la population serbe qui souffre, qu'elle soit visée ou non par cette campagne. C'est la population serbe qui subit les conséquences de la destruction de l'infrastructure et de la pollution de l'environnement. Les bébés à l'hôpital dont les incubateurs sont débranchés sont ceux qui meurent par suite des bombardements. Je pourrais énumérer toute une foule de choses qui se produisent et qui touchent la population serbe à cause de la campagne de bombardements.
Là où je veux en venir, c'est qu'à ce stade il me semble que vous êtes en train de dire qu'il y a peut-être une possibilité de traiter avec les modérés, peut-être les modérés qui aimeraient une pause ou une interruption des bombardements pour parler de cette question. Vous dites que la négociation est exclue et qu'il faut que la Yougoslavie accepte les cinq principes initiaux. Mais comme vous l'indiquez, le paysage politique a changé. Non seulement à cause du processus de mise en accusation mais aussi à cause de toute cette campagne de bombardement et des événements qui se sont produits depuis, le paysage a changé.
Il y a maintenant des Kosovars qui disent qu'il ne vont pas se contenter d'autonomie, ce qu'ils veulent c'est l'indépendance complète, alors ces questions-là sont également soulevées. C'est bien beau de dire que nous voulons que les gens en reviennent au cinq points originaux et les acceptent sans aucune négociation, mais il me semble que pour arriver à la paix, il faut qu'il y ait une certaine négociation. Il y aura peut-être des compromis à faire dans certains domaines, mais on atteindrait quand même l'objectif global visé.
Cette ligne dure, selon laquelle on veut l'acceptation complète avant d'arrêter les bombardements, me semble complètement contraire à nos objectifs.
M. Jim Wright: Je comprends bien la question et je comprends pourquoi vous la posez. En contrepartie, je dirais que bien que nous regrettions beaucoup ces incidents assez rares où des Yougoslaves innocents ont été victimes de la campagne de l'OTAN... Cela est regrettable. L'OTAN l'a dit et le Canada aussi. Ces personnes ne sont pas les cibles de cette action par la communauté internationale, mais nous comprenons les souffrances qui en ont résultées.
Cela dit, je dois répondre à votre question en termes d'équivalence morale. Je vois les centaines de mille de Kosovars qui ont été expulsés de leurs foyers, évincés de leur pays. Vous parlez de bébés et d'incubateurs. Très franchement, au cours de la dernière année, la plupart des Kosovars n'ont vu aucun hôpital où que ce soit. Ils ont évincés dehors de leurs maisons. Beaucoup d'hommes sont disparus. On soupçonne que des milliers sont morts. Des centaines de milliers sont portés disparus.
Donc, du point vue de l'équivalence morale, je comprends vos inquiétudes, mais je dois mettre tout cela en perspective et je dois dire que je suis toujours troublé lorsque j'entends des gens qui sont devenus insensibles à la longue au sort des réfugiés et qui ne voient que les incidents collatéraux résultant de l'action de l'OTAN.
M. Gordon Earle: Je suis quelque peu indigné par cette remarque voulant que...
Le coprésident suppléant (M. David Pratt): Monsieur Earle, veuillez s'il vous plaît adresser vos commentaires à la présidence.
M. Gordon Earle: Oui, monsieur le président.
Le coprésident suppléant (M. David Pratt): Il ne s'agit pas ici d'un débat mais bien d'une période de questions et réponses.
M. Gordon Earle: Je comprends que ce n'est pas un débat, mais nous devons répondre aux propos qui sont énoncés.
Monsieur le président, par votre intermédiaire, je dirai à M. Wright que je ne suis pas du tout insensible à la situation des réfugiés.
M. Jim Wright: Je comprends.
M. Gordon Earle: Je comprends très bien leur situation, et je n'essaie pas de trouver d'équivalence entre les deux. Je dis tout simplement qu'étant donné la situation qui existe maintenant pour les réfugiés, dont un grand nombre sont cachés ou vivent dans des camps et seront confrontés à une situation très difficile lorsque la température grimpera cet été ou descendra cet hiver, la situation est extrêmement sérieuse. Je n'essaie pas du tout d'amenuiser la gravité de leur situation.
Ce que je dis, c'est que les bombardements n'aident pas non plus leur situation. À mon avis, la campagne de bombardement n'aide pas la situation d'une goutte. Voilà où je veux en venir. Ce n'est pas que nous sommes insensibles à ces problèmes.
M. Jim Wright: Vous voudriez la suspension des bombardements...
M. Gordon Earle: C'est ce qui m'intéresse.
M. Jim Wright: ...pour permettre aux négociations d'avoir lieu.
M. Gordon Earle: Oui, pour permettre la négociation, parce que je pense que le temps est venu pour cela.
M. Jim Wright: L'OTAN a dit que dans certaines conditions, elle accueillerait favorablement une telle pause, et elle a expliqué clairement ce que serait ces conditions.
Le ministre Axworthy et d'autres ont dit que la suspension le suspens des bombardements sans signal clair de la part des autorités yougoslaves, très franchement, étant donné les antécédents de M. Milosevic et de son régime aux négociations, ses promesses rompues... Nous aimerions bien lui donner le bénéfice du doute, mais je crains fort que l'histoire nous apprend que c'est peine perdue dans le cas de ce chef et ce régime.
Nous voulons la suspension des bombardements. Nous avons énoncé les conditions selon lesquelles nous serions très heureux de d'arriver à une suspension des bombardements. Nous utilisons les voies diplomatiques aussi activement que possible pour obtenir cette suspension.
Quant à vos commentaires à propos des Kosovars qui disent qu'ils n'accepteront que l'indépendance complète, au début du processus de Rambouillet, nous avons aussi entendu cela, alors très franchement ce n'est pas quelque chose qui nous inquiète énormément. Nous savons que l'indépendance n'est pas sur la table. La communauté internationale l'a dit on ne peut plus clairement. Il s'agit d'individus dans la communauté kosovare qui, pour des raisons personnelles, préconisent cette notion de l'indépendance, mais elle n'est pas sur la table, et elle ne le sera pas lorsque les forces de sécurité internationales et les forces civiles arriveront au Kosovo pour permettre aux Kosovars de rentrer chez eux.
Le coprésident suppléant (M. David Pratt): Monsieur Earle, monsieur Wright, et autres invités, nous devons mettre fin à cette séance. J'ai moi-même un autre engagement. Nous avons déjà pris beaucoup plus de temps que prévu pour cette séance.
Encore une fois, je tiens à remercier tous nos témoins pour leur présence et les renseignements qu'ils nous ont apportés.
Merci.
La séance est levée.