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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 19 février 1998

• 0905

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk— Brant, Lib.)): Chers collègues, nous allons accueillir nos témoins de ce matin, qui représentent le ministère des Affaires étrangères, la Commission de contrôle de l'énergie atomique et l'Agence canadienne de développement international. Comme vous le savez, nous étudions la question de la non-prolifération nucléaire.

Monsieur Green, je vous en prie, commencez.

[Français]

M. Lorne Green (directeur, Agence des affaires nucléaires et de l'application de la non-prolifération et du désarmement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Monsieur le président, je m'appelle Lorne Green et je suis le directeur de l'Agence des affaires nucléaires et de l'application de la non-prolifération et du désarmement au sein du ministère des Affaires étrangères. Si vous me le permettez, je ferai ma présentation en anglais.

[Traduction]

Monsieur le président, je vais vous parler de la politique du Canada sur la non-prolifération des armes nucléaires et vous entretenir brièvement de la possibilité d'éliminer le plutonium excédentaire américain et russe de qualité militaire en l'utilisant comme combustible MOX dans les réacteurs CANDU d'Ontario Hydro.

Les objectifs du Canada en matière de non-prolifération des armes nucléaires sont les suivants: premièrement, faire en sorte que les exportations canadiennes de matières nucléaires soient uniquement destinées à des fins pacifiques et non à la fabrication de dispositifs explosifs et, deuxièmement, renforcer la capacité du régime international de non-prolifération consistant à empêcher la dissémination des armes nucléaires à d'autres pays que les cinq puissances nucléaires. Le régime international de non-prolifération des armes nucléaires repose sur le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, régime de garanties nucléaires mis en oeuvre par l'Agence international de l'énergie atomique et les régimes des fournisseurs multilatéraux.

Le Traité de non-prolifération des armes nucléaires, qui est entré en vigueur en mars 1970, requiert que les États non dotés d'armes nucléaires prennent un engagement à l'égard de la non- prolifération des armes nucléaires, qu'ils acceptent des garanties complètes pour toutes leurs activités nucléaires et que toutes les parties n'autorisent des exportations de matières nucléaires vers un État non doté d'armes nucléaires que si ces exportations sont assujetties à des garanties. Dans le même ordre d'idée, les États dotés d'armes nucléaires se sont engagés à poursuivre les négociations pour aboutir au désarmement nucléaire.

Le Canada, qui fut l'un des premiers signataires du TNP, a souscrit à des garanties complètes avec l'Agence de l'énergie atomique en 1972. C'est la Commission de contrôle de l'énergie atomique qui est chargée de mettre en oeuvre ces garanties au Canada. Tout à l'heure, M. Wagstaff vous en parlera un peu plus longuement. La Conférence d'examen et de prorogation du TNP de 1995 a convenu de proroger indéfiniment le Traité.

Si vous le voulez bien, nous allons maintenant parler des garanties qui constituent le pivot des efforts déployés dans le monde afin d'éviter la prolifération horizontale des armes nucléaires. Les révélations sur le programme clandestin de l'Irak en matière d'armes nucléaires, à la suite de la Guerre du golfe de 1991, ainsi que les préoccupations croissantes au sujet des activités nucléaires secrètes de la Corée du Nord, ont montré clairement qu'il était urgent d'augmenter l'efficacité du régime de garanties international. L'étape cruciale a consisté à reconnaître que le mandat de l'AIEA devait être élargi pour comprendre le dépistage des matières et des activités nucléaires non déclarées.

Le mandat de l'AIEA a été élargi en deux phases; la deuxième, au printemps dernier, a correspondu à l'approbation du texte d'un modèle de protocole aux accords bilatéraux existant sur les garanties, qui énonçait les nouvelles mesures que l'agence serait autorisée à prendre. Ces nouvelles mesures requièrent aussi que les États membres fournissent davantage de renseignements sur leurs activités nucléaires et permettent à l'agence d'accéder plus librement aux sites et aux endroits où sont utilisées habituellement les matières nucléaires, ainsi qu'aux sites et aux endroits où il n'y a pas de matières nucléaires, ce qui est très important.

Bien sûr, le Canada est fermement partisan de cet effort et, en janvier dernier, il a été le premier pays disposant d'un cycle de combustible nucléaire large et diversifié à entreprendre des consultations détaillées avec l'Agence sur la manière de mettre en oeuvre le modèle de protocole. De nouvelles consultations viennent d'être entreprises et il est possible que le Canada soit en position de signer un protocole dans les mois à venir.

• 0910

Passons aux régimes des fournisseurs. En 1974, le Comité Zangger, regroupant les principaux États fournisseurs de matières nucléaires parties au TNP, a adopté des lignes directrices visant les exportations soumises à ces obligations. En 1978, le GFN, groupement des principaux États fournisseurs de produits nucléaires a, lui aussi, adopté des lignes directrices communes visant les exportations de matériel et d'équipement nucléaires. Ces deux groupes, dont le Canada fait partie, se sont entendus sur une liste de base.

En établissant des lignes directrices communes sur les exportations, ces organismes cherchent aussi à uniformiser les règles régissant le commerce des articles nucléaires destinés à des fins pacifiques et non à la fabrication de dispositifs explosifs, de sorte que la concurrence entre les fournisseurs n'exerce pas de pressions qui risqueraient d'affaiblir les exigences nationales en matière de non-prolifération. À la suite de la Guerre du golfe de 1991, le Groupe des fournisseurs nucléaires (GFN) a adopté une série de mesures renforçant les lignes directrices et les rapprochant davantage de la politique nationale du Canada, en particulier en exigeant des garanties complètes comme condition pour les exportations.

Passons à présent à la coopération nucléaire bilatérale.

Comme vous le savez, le Canada est le plus grand exportateur d'uranium du monde. De nombreux pays veulent coopérer avec lui afin de bénéficier de ses connaissances, de son expertise, de sa technologie et de son équipement. Cela va tout à fait dans le sens de l'article IV du TNP qui demande aux États membres dotés d'une capacité nucléaire de coopérer avec les autres États, en particulier les pays en développement, pour leur permettre d'acquérir et d'utiliser pacifiquement l'énergie nucléaire.

La collaboration nucléaire bilatérale n'est autorisée avec un État non doté d'armes nucléaires que si celui-ci a pris un engagement à l'égard de la non-prolifération en devenant partie au TNP ou à un instrument international contraignant équivalent, et qu'il a accepté les garanties complètes de l'AIEA sur toutes ses activités nucléaires.

Qui plus est, la coopération nucléaire avec n'importe quel État, qu'il s'agisse d'un État doté ou non d'armes nucléaires, exige la conclusion d'un Accord de coopération nucléaire (ACN) bilatéral avec le Canada. Dans le cadre d'un ACN, le partenaire du Canada prend un certain nombre d'engagements bilatéraux contraignants en matière de non-prolifération des armes nucléaires, en prenant notamment: des garanties que les articles nucléaires faisant l'objet d'obligations envers le Canada ne seront utilisés qu'à des fins pacifiques et non pour fabriquer des dispositifs explosifs; une disposition établissant des garanties de remplacement pour le cas où l'AIEA ne serait plus en mesure de remplir ses fonctions en matière de garanties; le contrôle du transfert à des tiers d'articles nucléaires faisant l'objet d'obligations envers le Canada; le contrôle du retraitement du combustible irradié canadien faisant l'objet d'une obligation envers le Canada ainsi que du stockage et de l'utilisation ultérieurs du plutonium séparé; le contrôle du degré élevé d'enrichissement de l'uranium faisant l'objet d'une obligation envers le Canada, à savoir 20 p. 100 ou plus d'U-235, et du stockage et de l'utilisation ultérieurs de cet uranium très enrichi; enfin, les garanties que des mesures appropriées de protection matérielle seront appliquées à tous les articles faisant l'objet d'obligations envers le Canada.

J'ai parlé « d'obligations » envers le Canada, parce que les dispositions de l'ACN visent les articles nucléaires canadiens exportés directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une tierce partie. Elles s'appliquent aussi à des articles non canadiens utilisés avec des articles nucléaires fournis par le Canada. Par exemple, le combustible épuisé provenant de l'irradiation d'uranium non canadien dans un réacteur CANDU fait l'objet d'une obligation envers le Canada en vertu de la non- prolifération. De même, l'équipement fabriqué par un pays partenaire qui est « dérivé » d'une technologie fournie par le Canada, fait l'objet d'une obligation envers le Canada.

Des règles rigoureuses de mise en oeuvre ont été établies pour faire en sorte que les dispositions de l'ACN soient bien respectées. La Commission de contrôle de l'énergie atomique est chargée de mettre en oeuvre ces dispositions et, encore une fois, je suis sûr que M. Wagstaff va vous en reparler.

Je me dois également de vous faire remarquer brièvement que les dispositions de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, administrée par mon ministère, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, et celles de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique, administrée par la Commission de contrôle de l'énergie atomique, fournissent un cadre législatif solide qui donne au gouvernement du Canada le pouvoir nécessaire pour contrôler l'exportation des articles nucléaires canadiens. Une licence et un permis distincts sont nécessaires pour que l'exportation d'un article nucléaire canadien, comme l'uranium, soit autorisée.

Passons à la question du plutonium excédentaire de qualité militaire. Les initiatives américaines et russes de désarmement nucléaire ont créé une situation où des quantités très importantes de plutonium de qualité militaire dépassent maintenant leurs besoins respectifs en matière de défense. Dans l'ensemble, il est accepté que, dans l'intérêt du désarmement et de la non- prolifération des armes nucléaires, ce matériel ne puisse pas être réutilisé dans des armes. On a songé à plusieurs solutions pour cela, comme l'utilisation du plutonium en tant que combustible MOX dans les réacteurs pour produire de l'électricité ou sa neutralisation par isolement dans des blocs de verre ou de céramique. On semble préférer, du moins pour la plus grande partie des surplus de plutonium américains et russes, la formule de la consommation dans des réacteurs. Mais pour pouvoir être utilisé dans un réacteur, le plutonium doit d'abord être transformé dans un combustible connu sous le nom de MOX, et le processus de conversion interviendrait dans les pays d'origine.

• 0915

Or, les Russes n'ont pas la capacité voulue pour convertir en MOX de grandes quantités de plutonium excédentaire. Ils n'ont pas non plus, actuellement, la capacité de consommer rapidement d'importantes quantités de combustible dans leurs propres réacteurs. Cela étant, le plutonium russe doit être transformé d'abord en combustible utilisable, peu importe où il sera consommé, et il faut donc construire des installations à cette fin en Russie. Il en est d'ailleurs question dans les discussions qui se déroulent actuellement à l'échelle internationale. Reste à savoir où ce combustible sera brûlé.

Le Premier ministre Chrétien a annoncé, en avril 1996, que le Canada a donné son accord de principe pour utiliser, dans les réacteurs canadiens, du combustible MOX fabriqué à partir des surplus de plutonium militaire américains et russes. L'utilisation du combustible MOX dans les réacteurs CANDU sera bien sûr subordonnée à l'autorisation des organismes de réglementation fédéraux et provinciaux.

La décision de la compagnie de service public—dans ce cas, Ontario Hydro—de brûler ce combustible MOX sera prise uniquement sur une base commerciale. Que les choses soient bien claires: ni les États-Unis ni la Russie ne se sont proposés de brûler du combustible produit à partir des surplus de plutonium militaire dans les réacteurs canadiens. C'est une option, mais ce n'est qu'une option parmi d'autres qui doit encore faire l'objet d'un choix. Et si ces deux pays devaient formuler une telle demande dans l'avenir, il faudrait alors examiner la question de près.

À cet égard, le département américain de l'Énergie et le ministère russe de l'Énergie atomique ont conclu un accord avec Énergie atomique du Canada Limitée (EACL), en vue de conduire, dans les laboratoires de Chalk River, des essais sur de petites quantités de combustible MOX dans le réacteur de recherche de cette société, plus tard cette année. Les essais, qui devraient prendre plusieurs années, relèvent du domaine de compétence du personnel d'EACL et du mandat du permis d'exploitation du site de la CCEA.

Je ne me risquerai pas à prédire maintenant les chances que ces pays proposent de faire brûler une partie du plutonium transformé en combustible dans les réacteurs canadiens. Ce que je peux affirmer, c'est que le Canada n'importerait aucun surplus de plutonium militaire brut. Celui-ci serait d'abord transformé en combustible utilisable. De plus, un tel combustible destiné au Canada serait sujet aux garanties complètes de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Je ne suis pas scientifique, mais je crois comprendre qu'après brûlage dans des réacteurs, la quantité de combustible épuisé obtenue à partir de MOX est inférieure à la quantité de combustible épuisé obtenue à partir de l'uranium naturel traditionnel. Dès lors, quand on consomme le plutonium militaire sous la forme de MOX, non seulement on contribue à la génération de l'électricité, mais en plus on le neutralise et on le rend inutilisable pour toute autre utilisation militaire éventuelle.

[Français]

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci.

Bienvenue, monsieur Wagstaff. Je crois savoir que vous êtes accompagné de MM. Hodgkinson et Stocker.

[Français]

M. Kenneth Wagstaff (chef de la Section de non-prolifération nucléaire, Division de la non-prolifération, des sauvegardes et la sécurité, Commission de contrôle de l'énergie atomique): Bonjour, monsieur le président.

[Traduction]

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent, je me propose de vous parler très brièvement, du point de vue de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, de la mise en oeuvre de la politique canadienne de non-prolifération nucléaire qui, comme vous le savez, vise deux objectifs. Mes collègues du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ministère avec qui la CCEA travaille et collabore étroitement sur cette question, vous a déjà parlé du régime international de non-prolifération nucléaire, des exigences énoncées dans la politique canadienne et des mécanismes d'approvisionnement multilatéraux. Je me contenterai donc de compléter cette information en insistant plus particulièrement sur le rôle et sur les fonctions de la CCEA et sur la contribution de la Commission à la réalisation des objectifs de la politique canadienne.

Cela étant dit, je n'ai pas l'intention de m'étendre sur la mise en oeuvre des garanties qu'offre l'AIEA au Canada. Mes collègues de la CCEA se tiennent prêts à répondre à toutes les questions que les membres du comité voudront bien leur poser à cet égard. Personnellement, j'entends vous parler des autres grandes activités de la CCEA.

D'abord, la délivrance des permis d'exportation et d'importation. La Loi sur le contrôle de l'énergie atomique de 1946, qui a créé la CCEA, a été promulguée en partie pour assurer que le Canada puisse participer de façon efficace aux mesures de contrôle international de l'énergie atomique. Elle autorise la CCEA à prendre des règlements régissant l'exportation et l'importation de substances prescrites et de toutes autres choses qui, de l'avis de la Commission, peuvent servir à produire, utiliser ou appliquer l'énergie nucléaire.

• 0920

Compte tenu de ses vastes connaissances et attributions dans le domaine de la réglementation nucléaire, la CCEA évalue tous les facteurs pertinents à son mandat lorsqu'elle exerce ses pouvoirs de délivrance de permis d'exportation et d'importation. Ces facteurs comprennent la santé, la sécurité et la sécurité matérielle, ainsi que les questions de non-prolifération nucléaire.

Pour chaque demande de permis, la CCEA prend des mesures, avant la délivrance des permis, pour assurer que les exportations et importations proposées sont conformes, selon le cas, aux règlements pertinents de la CCEA, à la Convention internationale sur la protection physique des matières nucléaires et à la politique canadienne de non-prolifération nucléaire, y compris les obligations du Canada aux termes des accords bilatéraux et des engagements multilatéraux de non-prolifération nucléaire.

Ces obligations comprennent celles découlant des accords bilatéraux de coopération nucléaires, du TNP, de l'Accord pour l'application des garanties de TNP signées par le Canada et des engagements volontaires pris à l'égard de l'AIEA, ainsi que de l'adhésion du Canada au Comité Zangger et au Groupe des fournisseurs nucléaires.

Les exportateurs et les importateurs peuvent être tenus, aux termes des conditions dont leurs permis sont assortis, de fournir dans un délai précis de l'information sur les transferts réels de produits nucléaires. À l'aide de cette information, la CCEA peut alors satisfaire aux engagements pris par le Canada de signaler les transferts de produits nucléaires aux États partenaires avec lesquels il a signé des accords bilatéraux et multilatéraux.

En ce qui a trait aux exportations d'uranium canadien, la CCEA veille aussi à ce que les demandes de permis d'exportation soient conformes aux contrats acceptés par le Comité interministériel des exportations d'uranium. Ce comité est composé des représentants de la CCEA, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et du ministère des Ressources naturelles.

Alors que des produits nucléaires contrôlés peuvent être exportés en marge des conditions d'un accord bilatéral de coopération nucléaire, la CCEA obtient les garanties d'utilisation ultime nécessaires durant son évaluation des demandes de permis d'exportation pour veiller à ce que ces exportations ne contribuent pas au développement de dispositifs nucléaires explosifs et soient conformes aux engagements que le Canada a pris en vertu des accords multilatéraux, le cas échéant. Selon les circonstances propres à chaque cas, ces garanties peuvent être obtenues de l'exportateur, de l'importateur ou de gouvernement à gouvernement, avec l'assistance, au besoin, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Passons à la deuxième grande activité de la Commission, l'administration des accords de coopération nucléaire. Conformément à la politique canadienne de non-prolifération nucléaire, les exportations canadiennes destinées aux utilisations nucléaires pacifiques et non explosives de matières nucléaires, d'eau lourde, d'installations nucléaires, d'équipement spécialement conçu ou préparé pour ces installations et de techniques connexes doivent être effectuées dans le cadre d'un accord de coopération nucléaire signé avec le Canada.

Le Cabinet a émis des lignes directrices à cet égard en 1974. Sauf pour quelques exceptions par le passé, les accords bilatéraux de coopération nucléaire désignent explicitement la CCEA comme étant l'autorité gouvernementale compétente chargée de formuler les procédures d'application efficaces de ces accords.

Pour chacun de ces accords, la CCEA négocie et se charge d'appliquer, de concert avec sa contrepartie chez l'État partenaire, un ensemble de procédures appelées « entente ». Cette entente énonce spécifiquement un ensemble convenu de procédures de notification et de reportage, l'échange de rapports annuels d'inventaire bilatéral, des principes généraux et des points de contact et des voies de communication entre les institutions.

Des procédures de notification et de préparation de rapports gouvernent les échanges de renseignements entre la CCEA et la contrepartie administrative chez l'État partenaire en ce qui concerne les transferts d'articles nucléaires entre le Canada et cet État, que les échanges en cause aient lieu directement ou par l'intermédiaire d'État tiers. Effectués à temps, ces échanges systématiques d'information permettent aux autorités gouvernementales de surveiller et de comptabiliser efficacement le transfert des articles assujettis à l'accord de coopération nucléaire.

En plus des transferts directs ou indirects entre les parties à un accord, il peut se produire des transferts en direction ou en provenance de parties tierces, notamment dans le cas du traitement additionnel de matière nucléaire, en début ou en fin de cycle du combustible.

L'entente comprend les procédures de demande de l'autorisation préalable stipulée dans l'accord pour ce genre de transaction, ainsi que des procédures d'échange de renseignements soumises à certains délais. L'objectif principal des procédures d'échange de renseignements associées aux réexportations est de garantir que l'article demeure en tout temps assujetti aux modalités et aux conditions d'un accord de coopération nucléaire conclu avec le Canada et que les inventaires correspondant aux accords en cause soient ajustés de façon appropriée.

Les rapports annuels d'inventaire bilatéral comprennent un compte rendu des articles nucléaires fournis par le Canada ou son partenaire commercial nucléaire en vertu d'un accord, ainsi qu'un compte rendu des articles nucléaires produits sur la base ou au moyen des articles fournis. Bien qu'il soit possible d'identifier spécifiquement certains articles nucléaires comme les matériels et les techniques, il n'est pas possible d'identifier spécifiquement les matières nucléaires et l'eau lourde une fois que ces matières ont été traitées, produites ou mélangées avec des matières semblables issues d'une autre source.

• 0925

On fait donc appel au concept de fongibilité—accepté à l'échelle internationale et largement utilisé—pour comptabiliser, par exemple, les exportations d'uranium canadien assujetties à un accord de coopération nucléaire. Ainsi, au lieu de comptabiliser des atomes d'uranium canadien, l'inventaire porte sur des quantités d'uranium équivalentes à celles exportées du Canada à l'origine. De cette façon, des quantités spécifiques d'uranium peuvent être adéquatement allouées et repérées dans le cycle international du combustible nucléaire, de façon conforme aux accords canadiens de coopération nucléaire, tout en tenant compte de l'allocation proportionnelle de production et de pertes à chacune des étapes opérationnelles, notamment la conversion, l'enrichissement, la fabrication de combustible, l'irradiation et le retraitement.

L'application efficace d'un accord de coopération nucléaire exige l'institution de voies efficaces de communication entre les autorités gouvernementales appropriées des deux États partenaires. En plus d'échanges périodiques d'information au sujet des transferts internationaux d'articles nucléaires, des consultations sont habituellement organisées chaque année entre les autorités gouvernementales appropriées afin de vérifier le fonctionnement de l'entente, de s'entendre sur les inventaires bilatéraux et de régler toute question en suspens.

Pour ce qui est de la fonction de conseil, étant donné l'étendue de son expérience et de ses responsabilités tant pour l'émission de permis d'exportation et d'importation d'articles nucléaires que pour l'administration des accords bilatéraux de coopération nucléaire signés par le Canada, la CCEA assure une fonction de conseil auprès du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et auprès du ministère des Ressources naturelles au sujet de nombreuses questions relatives aux politiques de non-prolifération nucléaire et d'exportation d'articles nucléaires. Ces questions comprennent notamment: la négociation d'accords bilatéraux de coopération nucléaire et la tenue de consultations bilatérales connexes; l'élaboration et la négociation des positions du Canada dans des forums multilatéraux sur la non-prolifération nucléaire, tels les conférences du TNP, le comité Zangger, le Groupe des fournisseurs nucléaires et l'AIEA, selon le cas; l'élaboration et l'application de la politique canadienne de non-prolifération nucléaire et la politique canadienne d'exportation d'uranium.

Pour ce qui est du Comité Zangger et du Groupe des fournisseurs nucléaires, ces organismes multilatéraux sont issus de consultations menées au cours des années 60 et 70 entre des États fournisseurs nucléaires qui s'inquiétaient réellement de voir la coopération internationale sur les utilisations pacifiques du nucléaire contribuer à une prolifération de l'armement nucléaire ou d'autres dispositifs explosifs nucléaires. De ce fait, chacun de ces organismes a convenu, séparément, d'exigences portant sur des garanties appropriées de non-prolifération nucléaire qui permettent l'administration de ventes nucléaires réservées à des fins pacifiques et bénéficiant d'une gestion prévisible à long terme.

Le Comité Zangger a tenu périodiquement des rencontres depuis l'élaboration de ses lignes directrices et de ses conventions de base; quant au Groupe des fournisseurs nucléaires, il se réunit régulièrement depuis 1991. Ces lignes directrices et ces listes respectives continuent à contribuer efficacement à la non- prolifération nucléaire, ces deux groupes se réunissant régulièrement en séances plénières et en groupes de travail. Les lignes directrices adoptées de façon multilatérale au Comité Zangger et au Groupe des fournisseurs nucléaires contribuent à l'entretien d'un climat de confiance qui facilite un commerce légitime des utilisations pacifiques et non explosives de l'énergie nucléaire entre les États, en garantissant que de telles ventes ne contribuent pas à la prolifération d'armes nucléaires ou d'autres dispositifs explosifs nucléaires.

En tant que membre fondateur du Comité Zangger et du Groupe des fournisseurs nucléaires, le Canada a joué un rôle prédominant dans la mise sur pied et l'évolution de ces organismes. Les engagements issus de ces démarches constituent un sous-ensemble des exigences des politiques canadiennes qui, complétées par les exigences de sa politique nationale, apparaissent dans les accords bilatéraux de coopération nucléaire.

Pour sa part, le CCEA apporte un appui soutenu et dynamique au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international lors des délibérations de ces deux organismes, en participant à leurs sessions plénières et en représentant le Canada dans leurs groupes de travail. En fait, la présidente de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, Mme Agnes Bishop, assure actuellement la présidence du Groupe des fournisseurs nucléaires, tandis qu'un fonctionnaire de la CCEA, actuellement détaché auprès de la mission canadienne à Vienne, préside aux consultations sur les technologies à double usage dans le secteur nucléaire menées par le Groupe des fournisseurs nucléaires.

Tous ces faits démontrent bien le rôle primordial que joue la CCEA dans la mise en oeuvre de la politique canadienne de non- prolifération nucléaire et dans l'application des engagements du Canada aux termes de ses accords bilatéraux et multilatéraux. Par son mandat d'émission de permis d'exportation et par les obligations qui lui incombent aux termes des accords bilatéraux de coopération nucléaire signés par le Canada, la CCEA s'assure au moyen de mesures concrètes que les ventes nucléaires canadiennes ne contribuent au développement d'aucun dispositif explosif nucléaire. Par ailleurs, ces mesures et les activités de conseil de la CCEA dans une foule de questions liées aux politiques canadiennes et multilatérales de non-prolifération nucléaire lui permettent de travailler à la promotion d'un régime international de non- prolifération plus efficace et plus global. Ce rôle particulier dévolu à l'organisme canadien de contrôle nucléaire est renforcé et précisé dans la nouvelle Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, qui a reçu la sanction royale et doit entrer en vigueur dès que les règlements connexes auront été rédigés.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Wagstaff.

Nous passons à présent à M. Charles Bassett, de l'ACDI. Bienvenue monsieur.

• 0930

[Français]

M. Charles Bassett (vice-président, Direction de l'Europe centrale et de l'Europe de l'Est, Agence canadienne de développement international): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler de l'appui apporté par l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, au secteur nucléaire.

[Traduction]

Monsieur le président, quand j'ai pris la tête de la direction générale d'Europe centrale et de l'est, à l'ACDI, en 1995, j'ai commencé par jeter un coup d'oeil sur la liste de nos projets. L'un d'eux, administré par le service canadien des forêts, avait pour objet d'aider les services forestiers biélorusses. Comme c'était le seul projet que nous effectuions alors en Bélarus, je me suis interrogé quant à l'ampleur des besoins de ce pays et quant à la capacité du Canada d'y répondre, et j'en suis venu à me demander pourquoi nous conduisions ce genre de projet, question que j'ai posée à l'agent chargé du projet qui m'a fourni une explication.

Il m'a dit qu'à l'époque de l'accident de Tchernobyl, en 1986, le nuage radioactif a d'abord survolé, après avoir franchi la frontière de l'Ukraine, les forêts de Bélarus. Ces forêts ont reçu d'énorme quantité de retombées radioactives qui ont détruit les arbres et la végétation. On courrait alors le risque, en cas d'incendie de forêt, que tous ces déchets radioactifs provenant à l'origine de Tchernobyl, soient de nouveau relâchés dans l'atmosphère.

Or, ce pays ne disposait d'aucun système efficace de prévention, de surveillance, de contrôle ou de gestion des feux de forêt. J'ai alors compris pourquoi nous avions choisi ce projet et j'en ai tout de suite perçu la complexité; je me suis aussi rendu compte de l'omniprésence et de l'importance du nucléaire dans le programme que j'administrais.

[Français]

Je ferai tout d'abord quelques remarques sur le cadre politique et stratégique et je parlerai ensuite d'exemples de projets que nous avons.

Le Programme canadien d'assistance technique dans le secteur nucléaire répond à des priorités accordées à la non-prolifération nucléaire par la communauté internationale, particulièrement après l'éclatement de l'Union soviétique. Il traduit une des priorités du gouvernement canadien en matière de politique étrangère, c'est-à-dire de promouvoir les intérêts et la sécurité du Canada, y compris la sûreté nucléaire.

Les intérêts canadiens en matière de sécurité en Europe centrale et en Europe de l'Est s'articulent autour des questions suivantes: la consolidation des gouvernements démocratiques, l'adhésion de certains pays d'Europe centrale et d'Europe de l'Est à l'OTAN, la sûreté et le contrôle des arsenaux nucléaires en Russie, la conversion de l'industrie militaire en Russie, la gestion des conséquences du désastre de Tchernobyl et la gestion des séquelles du conflit dans l'ancienne Yougoslavie.

[Traduction]

Je crois qu'il est important de signaler que la plupart des projets financés par l'ACDI dans le secteur nucléaire découlent d'engagements pris par le gouvernement du Canada lors des principaux sommets du G-7, à Munich en 1992, à Naples en 1994 et à Denver l'année dernière. Afin que vous compreniez mieux ce que nous essayons de faire dans le cadre de tous ces projets, je vais vous parler des principaux objectifs de notre programme de coopération technique nucléaire.

D'abord, il est question d'améliorer la sécurité des centrales nucléaires de conception soviétique. Les projets et les engagements du Canada dans le domaine de la technologie nucléaire portent généralement sur la question de la sécurité nucléaire et plus particulièrement sur l'amélioration des normes de sécurité dans les réacteurs soviétiques d'ancienne génération qui sont utilisés dans la plupart des pays d'Europe de l'Est et qui sont foncièrement dangereux. Pour nous aider dans cette tâche, le Canada a lancé un projet de sécurité nucléaire de 30 millions de dollars, au lendemain du sommet du G-7 à Munich, en 1992.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples de projets que nous avons entrepris dans ce cadre. Le premier s'inscrivait en réponse d'une demande d'aide occidentale formulée par une délégation de scientifiques russes, et qui avait pour objet d'améliorer la sécurité des réacteurs nucléaires RBMK. Le gouvernement du Canada a financé la participation d'Énergie atomique du Canada Limitée à un consortium occidental, en réponse à cette demande.

[Français]

Ceci a mené à un deuxième projet. À la suite de cette première initiative, Énergie atomique du Canada Ltée a reçu un financement pour mettre en oeuvre un deuxième projet, le Programme de sécurité nucléaire et d'ingénierie. Dans le cadre de ce projet, les spécialistes canadiens ont collaboré avec leurs homologues russes et lituaniens pour transférer le savoir-faire canadien en vue d'améliorer la sûreté des centrales nucléaires, tant sur le plan de la conception que du fonctionnement. Le projet a porté sur des activités de recherche, sur le transfert d'équipement et sur la formation.

• 0935

[Traduction]

Un troisième projet—réalisé de concert avec la Commission canadienne de l'énergie atomique—est destiné à renforcer le cadre réglementaire en Russie, en Ukraine et en Lituanie. En effet, la sécurité nucléaire dans un pays passe nécessairement par la présence d'une agence de réglementation nucléaire compétente et indépendante. Désormais, les organismes de réglementation dans les trois pays que j'ai mentionnés sont indépendants, mais les normes et les procédures de réglementation qu'ils appliquent ne sont pas encore aux niveaux internationaux. Nous essayons de remédier à ce problème en transférant nos méthodes canadiennes de délivrance de permis et d'inspection et en améliorant la capacité interne de formation de ces organismes de réglementation par la formation de leurs futurs formateurs.

Le second axe d'intervention de notre programme d'assistance technique nucléaire, destiné à aider l'Ukraine, est lié aux séquelles de Tchernobyl. En 1986, l'accident de Tchernobyl a provoqué la destruction de l'unité numéro 4 de la centrale nucléaire. Les 190 tonnes du combustible hautement radioactif transformé en coulée de lave à la sortie du réacteur de 1 000 méga watts, ont été encoconnées dans 5 000 tonnes de sable, d'argile, de plomb et de bore absorbant les radiations.

L'accident de Tchernobyl a contaminé 5 millions d'hectares, soit à peu près la taille de la Nouvelle-Écosse, et contraint l'évacuation permanente de 160 000 personnes. Ses conséquences pour la santé sont très graves et d'immenses superficies agricoles et forestières sont désormais inexploitables.

L'assistance apportée à l'Ukraine au lendemain de cet accident a constitué une partie importante du programme de coopération du gouvernement du Canada avec ce pays. L'ACDI a financé un ensemble de projets touchant à la santé, à la remise en état de l'environnement, à la surveillance de la radioactivité, à la sécurité nucléaire et à la gestion des déchets nucléaires.

Lors du sommet du G-7, à Naples en 1994, le Canada s'est engagé à verser 24 millions de dollars dans le cadre d'un plan d'action pour Tchernobyl. Par la suite, le Canada a signé, ici même à la Chambre des communes à Ottawa en 1995, un mémoire d'entente avec l'Ukraine, les pays du G-7 et l'Union européenne, mémoire portant sur la fermeture définitive de Tchernobyl d'ici l'an 2000.

L'aide que nous apportons a pour objet d'améliorer la sécurité du dernier réacteur fonctionnant encore à Tchernobyl et d'aider l'Ukraine dans son plan de réforme du secteur énergétique.

S'agissant justement de la réforme du secteur énergétique, il convient de remarquer que 9 millions de dollars, sur la totalité de la somme engagée lors du sommet de Naples, servent à financer la participation d'Hydro-Québec et de la Saskatchewan Power à la préparation des projets de la Banque mondiale dans les secteurs hydro et thermoélectriques—autrement dit, à aider l'Ukraine à se doter d'autres sources d'énergie.

De plus, le Canada va contribuer à la mise en oeuvre du plan de mise en sarcophage de Tchernobyl, ayant pour objet de reconstruire l'enveloppe de la centrale nucléaire qui a été détruite et de réparer les cheminées d'évacuation qui risquent de s'affaisser d'un moment à l'autre. Donc, comme vous le voyez, Tchernobyl continue de nous préoccuper.

Le troisième et dernier axe d'intervention de notre programme de coopération technique est la promotion de la non-prolifération. Dans une tentative visant à promouvoir la non-prolifération et le désarmement nucléaire dans la région, l'ACDI a financé plusieurs projets dans le cadre de son programme d'assistance de 15 millions de dollars annoncé en avril 1994. Le programme illustre le soutien que le Canada, aux côtés d'autres nations occidentales, apporte à l'Ukraine dans ses efforts visant à retirer du service et à mettre hors d'état les cônes de charge stratégiques stationnés sur son territoire, dans le cadre de l'accord START et des efforts déployés par l'Ukraine pour être considéré comme étant un État dénucléarisé en vertu du Traité de non-prolifération.

Je vais vous parler de deux projets que l'ACDI a financés à cet égard.

[Français]

Le premier est une évaluation des sites de missiles balistiques intercontinentaux. Ce projet exécuté par Environnement Canada porte sur le nettoyage des sites désaffectés de missiles balistiques intercontinentaux. Le projet vise à former et à équiper un groupe d'ingénieurs, de chimistes et de techniciens ukrainiens pour qu'ils puissent nettoyer de façon sécuritaire les quelque 176 silos désaffectés et ainsi transférer des techniques canadiennes d'évaluation et de dépollution.

• 0940

[Traduction]

Le second projet est destiné à nous aider à réduire le risque de prolifération d'armes de destruction massive dans les pays de l'ex-Union soviétique. Le Canada a convenu de financer le Centre de science et de technologie, en Ukraine, aux côtés de la Suède, de l'Ukraine et des États-Unis. Le STCU, projet du Centre de science et de technologie, est destiné à appuyer les projets de recherche et de développement soumis par les scientifiques et les ingénieurs ukrainiens ayant travaillé au développement d'armes et de vecteurs de destruction de masse, dans le cadre du processus global de passage à une industrie civile obéissant aux règles du marché.

Plusieurs pays aimeraient beaucoup recruter ces scientifiques pour les faire travailler à des fins pacifiques.

La première phase de ce projet a été un succès et les projets financés du STCU ont permis d'assurer un emploi à près de 2 000 scientifiques ukrainiens à qui on a pu présenter les méthodes occidentales de mise en oeuvre et d'exécution des projets scientifiques. La contribution canadienne a été administrée par l'Université du Manitoba.

La seconde phase de ce projet vient tout juste d'être approuvée et le Canada déploiera désormais des efforts considérables en vue de promouvoir la viabilité du STCU en insistant pour que celui-ci apporte son appui à des travaux de recherche et de développement dans des secteurs commercialement viables. Parmi les projets auxquels nous avons déjà accordé un financement de base, mentionnons: la mise au point d'alliages de titane améliorés, répondant mieux au traitement thermique, pour des applications dans le domaine de l'aérospatiale, de l'énergie et de l'industrie chimique; la mise au point de dispositifs de mesure magnétique pouvant être exploités dans des conditions de radiations élevées; et la production industrielle de lécithine à base de déchets agricoles provenant de la production ukrainienne de tourne- sol et de soja.

J'espère que cet aperçu vous aura donné une meilleure idée de ce qu'est l'assistance technique canadienne dans le secteur nucléaire, assistance dispensée de concert avec d'autres pays donateurs et dont l'objet est d'améliorer la sécurité des réacteurs soviétiques RBMK, d'aider l'Ukraine à régler les problèmes découlant de l'accident de Tchernobyl et d'appuyer les objectifs de non-prolifération nucléaire.

[Français]

Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci.

Chers collègues, comme il ne nous reste qu'une demi-heure, je pense qu'il faudrait que nous passions tout de suite à une période de questions de cinq minutes.

Je vais commencer par poser une petite question. L'une des missions qui incombe à notre comité et qui nous incombe à nous, parlementaires, est d'informer les gens à propos du MOX. Et bien sûr, l'une des plus grandes critiques qu'on nous ait adressées, c'est justement le manque d'information à ce sujet. On dirait que cela est enveloppé d'un grand secret. Pourriez nous en parler un peu. Le gouvernement envisage-t-il de publier plus d'information à cet égard? Envisage-t-on de faire participer la population plus étroitement à ce dialogue?

M. Lorne Green: Monsieur le président, l'agence que je dirige au sein du ministère des Affaires étrangères, l'Agence des affaires nucléaires et de l'application de la non-prolifération du désarmement, a créé, il y a quelques mois, un site Internet où il est très amplement question de MOX. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour essayer d'attirer l'attention des gens sur ce site et sur les informations qu'il contient au sujet du MOX.

Le problème est dû en partie au fait que, d'une certaine façon, nous ne faisons qu'agiter de l'air parce qu'il n'y a pas encore de projet MOX. On en parle depuis deux ou trois ans; les Américains et les Russes étudient la question, mais ils s'intéressent aussi à bien d'autres options. Nous avons dû nous démener pour obtenir des renseignements auprès des Américains et des Russes, et pour les amener à agir.

Personnellement, j'ai dirigé une équipe mixte regroupant plusieurs ministères et des représentants de l'industrie. Avant Noël, nous nous sommes rendu à Washington pour essayer de déterminer si les Américains envisagent éventuellement de retenir l'option CANDU. Dans deux ou trois semaines, je dirigerai une mission semblable à Moscou. Donc, nous travaillons d'arrache-pied et essayons d'abord de comprendre nous-mêmes ce qui se passe.

Dans une certaine mesure, nous ne pouvons pas intervenir sur ce plan maintenant, et ce n'est là qu'une option parmi d'autres envisagées par les puissances ayant des surplus de plutonium. En revanche, tous les renseignements dont nous disposons sont versés sur notre site Internet et sont communiqués par les services des relations publiques des Affaires étrangères qui déploient pour cela tous les moyens voulus.

Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci.

Monsieur Grewal.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président.

J'aurai deux brèves questions à poser. Vous avez soulevé un point très intéressant au sujet de l'information du public. Eh bien, pour pousser la chose un peu plus loin, j'aimerais que vous me parliez des répercussions de tout cela sur la population canadienne et sur la sécurité du Canada en général. Si je comprends bien, il est prévu qu'Énergie atomique du Canada utilise du plutonium militaire converti en MOX.

M. Lorne Green: Éventuellement.

M. Gurmant Grewal: Parfait. Dans cette situation, quelles seraient les répercussions de tout cela sur la sécurité de la population canadienne?

• 0945

Deuxièmement, je veux vous parler du rôle de l'ACDI dans les programmes de coopération technique que vous avez mentionnés. On a déjà prévu quelque chose comme 75 millions de dollars en programmes et j'aimerais connaître la participation de l'ACDI à ce titre.

M. Lorne Green: Je vais répondre à la première question et M. Grewal, et peut-être M. Bassett, pourront vous répondre à la seconde.

Au sujet des MOX, il est normal que les Canadiens s'interrogent à propos de ce projet éventuel du Canada et il convient que nous soyons très transparents à cet égard et que nous tenions la population canadienne au courant de ce qui se passe. Par exemple, le professeur Franklyn Griffiths, de l'Université de Toronto, que vous entendrez plus tard je crois, a donné un atelier sur ce sujet à l'automne 1996 sous l'égide du ministère des Affaires étrangères et d'autres institutions. Nous avons débloqué certains moyens pour le rendre possible. Nous avons également, à cette occasion, publié un document d'information sur la question des MOX.

C'est surtout la sécurité publique qui semble vous intéresser. Eh bien, sachez que l'ACDI a financé une étude de faisabilité pour analyser dans quelle mesure il serait possible, sur un plan technique, de brûler du MOX dans les réacteurs CANDU. On en a conclu que la chose est possible sur un plan technique.

Comme je vous le disais, advenant que le Canada soit saisi d'une telle proposition, nous examinerions plusieurs aspects, comme l'environnement, la sécurité et le transport, aspects qui seraient soumis à toutes les contraintes découlant des règlements, des politiques, des lois et à toutes les autres contraintes d'origine fédérale et provinciale. La CCEA serait appelée à approuver les permis nécessaires pour utilisation par des installations canadiennes à cette fin, pour que nous ayons la garantie que rien ne pénétrera au Canada avant que nous ayons la certitude que les Canadiens n'auront rien à craindre.

M. Charles Bassett: Monsieur le président, j'ai avec moi un document que je pourrais faire circuler énonçant tous les projets que nous avons entrepris et que nous entreprendrons dans le cadre des trois grandes initiatives, des trois grands objectifs dont j'ai parlé dans mon exposé. Je pourrais également vous remettre, ainsi qu'aux membres du comité, une photocopie de la liste complète de nos projets dans le domaine nucléaire ainsi que de toutes les initiatives que nous envisageons d'entreprendre.

Dans l'ensemble, monsieur le président, tout cela va dans le sens des projets que je vous ai décrits. L'idée est d'apporter notre appui à la non-prolifération, à l'amélioration de la sécurité des anciens réacteurs de conception soviétique et à régler les séquelles de Tchernobyl. Tous ces projets sont strictement limités aux objectifs que j'ai énoncés. Je pourrais cependant vous faire remettre une copie des projets que nous avons entrepris.

Le président suppléant (M. Bob Speller): On nous l'a déjà remise. Je vous remercie.

M. Gurmant Grewal: Merci.

[Français]

M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Merci, messieurs, de votre présence devant notre comité. J'ai deux questions.

D'abord, monsieur Green, vous venez tout juste de faire allusion aux travaux du professeur Griffiths et au résumé d'une étude qu'il a présentée en juillet 1997. J'aimerais que vous commentiez ce qu'il nous dit de l'initiative MOx dont vous nous avez parlé. Il dit que l'initiative MOx serait néfaste pour le Canada, mais que ce qui est pire, c'est qu'elle pourrait être réalisée par le G-7 et la Russie dès la fin de 1998 si les États-Unis maintenaient leur décision de choisir entre leurs propres solutions d'aliénation d'ici là. J'aimerais que vous commentiez cette affirmation de M. Griffiths. Sans doute aura-t-il l'occasion de s'expliquer devant le comité, mais j'aimerais savoir ce que vous pensez de ses vues.

Monsieur Bassett, je vous pose une question concernant votre agence et son soutien à certains projets. J'ai remarqué qu'il y avait quelques firmes québécoises qui avaient des contrats et qui participaient à ces travaux, dont Hydro-Québec international et Photosur Géomat international.

• 0950

Est-ce que vous croyez qu'il y a une proportion équitable des contrats de l'Agence qui sont conférés à des compagnies québécoises?

[Traduction]

M. Lorne Green: Pour commencer, monsieur Turp, la Fédération russe ne dispose pas aujourd'hui de la capacité voulue pour produire massivement du combustible MOX. Il ne sera pas non plus possible de doter rapidement la Russie de la capacité voulue. Même si le combustible MOX était produit en masse, la Russie ne serait pas assez vite en mesure de le brûler en grandes quantités.

C'est donc un projet qui s'entendra sur plusieurs années et qui n'aboutira pas en 1998. Malgré toute la bonne volonté qu'on pourra trouver dans le monde entier, même si tous les pays se mettaient à financer ce projet, il serait impossible de l'amorcer. L'essai à échelle réduite, le projet Parallax portant sur de petites quantités de combustible MOX à Chalk River, exigera deux ou trois ans.

[Français]

M. Daniel Turp: Quel est le rôle des États-Unis dans cela? Ce n'est pas seulement la Russie qui est en jeu, ce sont aussi les États Unis. Pourquoi les États-Unis ne jouent-ils pas un rôle plus important?

[Traduction]

M. Lorne Green: Bien sûr, les États-Unis jouent un rôle central dans ces négociations et discussions avec les Russes. Il est important que les deux parties s'entendent sur un niveau de réduction. Ces pays veulent éviter tout décalage l'un par rapport à l'autre. On pourrait toujours accuser les États-Unis, si ce pays en avait la capacité... mais ce n'est pas le cas pour l'instant, et les États-Unis, eux aussi, envisagent de produire massivement du combustible MOX à partir de leurs excédents de plutonium. Mais les Américains ne le font pas à présent. Quoi qu'il en soit, il est important, dans le cadre de ce processus de désarmement, que les deux parties s'entendent sur des niveaux de réduction pour s'assurer, mutuellement, qu'aucun d'elles ne prendra le pas sur l'autre et que, même si un pays progressait plus lentement que l'autre, il ne pourrait conserver une partie du potentiel que l'autre n'aura plus. D'après ce que je crois comprendre, il est important, pour les États-Unis, que les Russes se retrouvent sur le même plan qu'eux, vis-à-vis de ce processus, mais dans le cas de la Russie il y a des considérations d'ordre financier et d'ordre technique qui entrent en jeu.

Il est certain que les États-Unis sont en meilleure posture que les Russes pour régler leur problème d'excédent de plutonium, mais ils ont l'impression, du point de vue de la sécurité, que les Russes doivent marcher au même rythme qu'eux. Alors, il est possible que la progression se fasse au rythme du plus lent des deux, si ce n'est que tous les pays du G-7, par l'intermédiaire du groupe d'experts sur la non-prolifération, collaborent avec la Russie pour trouver des solutions, étant donné que les Russes considèrent ce plutonium excédentaire comme une sorte de trésor national. C'est d'ailleurs ainsi qu'ils l'ont baptisé. Ils y voient le moyen de convertir un produit en autre chose et d'en tirer de l'argent.

Nous devons donc aider les Russes à trouver les moyens voulus pour produire ce plutonium excédentaire; les Américains, de leur côté, veulent progresser au même rythme que les Russes sur ce plan.

[Français]

M. Charles Bassett: Monsieur le président, le domaine dont nous parlons ici est un domaine des plus spécialisés. Même si des firmes du Québec comme Hydro-Québec et Photosur Géomat y participent, les deux gros joueurs dans ce domaine sont AECB et AECL. Ces organisations possèdent la spécialisation nécessaire pour vraiment maîtriser les complexités de la plupart des projets. Alors, ce n'est pas vraiment représentatif, parce qu'à l'exception de ces deux firmes, il y a très peu d'organisations au Canada qui participent.

Deuxièmement, l'ensemble des dépenses de l'ACDI dans ce domaine représente quelque 20 millions à 25 millions de dollars par année sur un budget total de deux milliards de dollars. Pour déterminer s'il y a un partage équitable, il faudrait avoir une vision beaucoup plus large et ne pas se limiter à ce domaine tellement spécialisé qu'il ne compte que deux organisations vraiment importantes. Si vous regardez l'ensemble des projets, je crois que vous conclurez que le partage est équitable relativement au poids économique des provinces au Canada, du Québec par exemple.

• 0955

M. Daniel Turp: Je conviens que dans ce cas-ci, il s'agit de 4,5 millions de dollars sur quelque 25 millions de dollars.

M. Charles Bassett: De 15 à 20 p. 100 ou quelque chose du genre.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bob Speller): Madame Augustine.

Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Bienvenue messieurs.

Je m'interroge sur une chose et j'aimerais que vous me donniez une réponse que la néophyte que je suis pourra comprendre et qui l'aidera à comprendre toutes les subtilités de la chose. J'ai l'impression de vous avoir entendus nous dire que vous assumiez la direction au sein du groupe, que vous preniez la tête des 33 ou 35 pays... du groupe TNP et que nous jouions aussi un rôle phare parmi les pays exportateurs de produits et d'équipement nucléaires. Dans le même souffle, vous avez, je crois, affirmé que votre agence ne traite pas avec les cinq puissances nucléaires. Je me demande comment... J'ai l'impression que, d'un côté, nous avons les cinq puissances nucléaires et que, de l'autre, il y a les autres pays, et vous qui évoluez dans une autre sphère d'activité.

D'abord, comprenez-vous ma question et pourriez-vous mettre en somme les morceaux de ce casse-tête?

M. Lorne Green: Eh bien, madame Augustine, on en arrive à ce qu'on appelle en mathématique un compact implicite, voire explicite, concernant trois éléments du Traité de non- prolifération. D'abord, les pays qui n'ont actuellement pas d'armes nucléaires n'en acquerront jamais. Deuxièmement, les pays qui ont une capacité de production nucléaire, que ce soit en matière de production d'électricité, de médecine ou d'agriculture, feront bénéficier les autres pays, surtout les pays en développement, des fruits de l'application de l'énergie atomique à des fins pacifiques. Troisièmement, les puissances nucléaires ont tenu et sont parvenues à éliminer leur arsenal nucléaire. Voilà le compact à trois éléments dont je veux parler.

Certains pays ne souscrivent pas au TNP. C'est, par exemple, le cas de l'Inde qui invoque pour cela l'échec des puissances nucléaires à formuler un plan assorti d'un échéancier en vue de parvenir à un désarmement nucléaire absolu. Eh bien, les puissances nucléaires pourraient répondre à cela que la sécurité ne peut s'établir en un jour, qu'il faut instaurer la confiance, mais qu'il existe une démarche délibérée dans le cadre de l'Accord START américano-russe, par exemple, pour réduire les arsenaux nucléaires. Par ailleurs, à la suite des changements intervenus en Europe, après l'effondrement du mur de Berlin, le nombre d'armes nucléaires des deux côtés de l'ex-Rideau de fer a considérablement diminué. Il y a aujourd'hui moins d'armes nucléaires dans le monde qu'il y a 10 ans. Les grandes puissances nucléaires, et surtout les États- Unis et la Russie, se sont engagées à poursuivre dans cette voie en cherchant à bâtir, nous l'espérons, un monde où il n'y aura plus d'armes nucléaires.

Voilà l'accord que les puissances nucléaires ont conclu dans le cadre du TNP avec les États ne possédant pas l'arme nucléaire. Les deux parties à ce projet se doivent de respecter fidèlement ces mandats.

M. Kenneth Wagstaff: Monsieur le président, me permettez-vous d'ajouter deux ou trois choses?

Les cinq puissances nucléaires sont toutes membres du Comité Zangger, qui a été mis sur pied pour interpréter l'article III.2 du TNP. Toutes sont liées à cet article pour ce qui est des exportations vers des États n'ayant pas l'arme nucléaire. Quatre des puissances nucléaires sont également membres du Groupe des fournisseurs nucléaires. Ainsi, les puissances nucléaires participent aux discussions qui se déroulent au sein de ces deux groupes et sont liées par les mêmes engagements.

Le président suppléant (Bob Speller): Il est arrivé, comme dans le cas de l'Irak et de la Corée du Nord par exemple, que des pays se sont presque dotés de l'arme nucléaire... Dispose-t-on des garanties voulues pour éviter cela? Le système en place est-il assez solide pour s'assurer que...? En bref, dispose-t-on des garanties voulues pour empêcher un pays de se doter de l'arme nucléaire? Je vous demande cela parce qu'il est arrivé que ces garanties ne fonctionnent pas dans le passé.

• 1000

M. Lorne Green: Si vous nous le permettez, nous allons essayer tous deux de répondre à cette question.

Selon moi, il est évident qu'en 1991 les garanties n'étaient pas suffisantes, quand tout cela s'est produit dans le cas de l'Irak, et c'est la situation de ce pays ainsi que celle de la Corée du Nord qui ont amené l'Agence internationale de l'énergie atomique à revoir ses garanties afin de les resserrer et de faire en sorte que le régime soit plus efficace.

Or, nous sommes tout juste en train de mettre en place ce régime plus exigeant. Nous avons déjà appliqué certaines mesures exigeant que les États membres produisent davantage de rapports. De plus, certains moyens mis en oeuvre à l'occasion de la négociation de protocoles permettent aux inspecteurs de l'AIEA de visiter les sites non déclarés, de se rendre dans les lieux où on ne conduit pas forcément une activité nucléaire évidente, mais où l'on pourrait mener une activité s'inscrivant à l'appui d'un programme nucléaire clandestin.

Peut-être que M. Wagstaff pourra vous décrire de façon détaillée ce que vont permettre ces garanties renforcées.

M. Kenneth Wagstaff: Avant de passer à cette question, monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose à ce que M. Green vient de dire.

De toute évidence, l'Irak n'a pas respecté ses obligations en vertu du traité de non-prolifération des armes nucléaires et il a également enfreint l'accord qu'il a signé avec l'AIEA relativement à la mise en oeuvre des garanties en Irak. Il est par ailleurs clair que l'AIEA a pleinement mis en oeuvre les garanties pour lesquelles elle était autorisée et c'est pour cela qu'au cours des cinq ou six dernières années, la communauté internationale a décidé de confier plus de pouvoirs à l'AIEA afin qu'elle puisse découvrir ce que fait l'Irak.

Quant à la nature de ces activités, aux pouvoirs supplémentaires qu'on a accordés récemment à l'AIEA, je préfère laisser mes collègues vous répondre.

M. John Hodgkinson (chef de la Section des sauvegardes, Commission de contrôle de l'énergie atomique): Le protocole dont Lorne Green et Ken Wagstaff vous ont parlé va donner considérablement plus de pouvoir à l'agence. Il va lui conférer un meilleur accès aux informations liées au cycle nucléaire et aux comportements nucléaires des États, et il lui permettra aussi d'accéder à d'autres emplacements que les sites nucléaires eux- mêmes afin de pouvoir investiguer davantage la situation de ces sites et même de se rendre dans des zones où il n'y a pas de site nucléaire, en se fondant pour cela sur des renseignements provenant d'autres sources et sur des analyses des renseignements liés aux garanties.

J'ai personnellement l'impression que grâce à ce nouveau système, les garanties seront considérablement renforcées et qu'il sera plus facile de les faire respecter qu'avec l'ancien système qui était uniquement fondé sur la vérification, par l'agence, de documents déclarés; les inspecteurs et les activités d'inspection étant essentiellement limités à certaines parties des installations déclarées. Le nouveau protocole accordera davantage de latitude à l'agence dans des situations comme celle de l'Irak.

En Irak, on avait constaté l'existence de structures d'activités parallèles, clandestines. Or, en vertu du TNP et de l'accord sur les garanties conclues entre l'agence et l'Irak, les inspecteurs n'avaient même pas la possibilité de jeter un coup d'oeil dans le bâtiment d'à-côté pour voir ce qui s'y passait, ni même dans le sous-sol du bâtiment qu'ils inspectaient. J'estime que le nouveau système constituera une amélioration et qu'il permettra des recherches plus poussées, plus fiables.

Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci. Madame Debien.

• 1005

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Bon matin, messieurs.

Ma première question s'adresse à M. Bassett. Est-ce que vous avez bien dit que l'ACDI menait des études de faisabilité concernant l'utilisation du MOx? Est-ce que j'ai bien compris ou si je suis totalement dans l'erreur?

M. Charles Bassett: Vous avez bien compris. On a financé une étude d'AECL pour voir si la conversion de plutonium en MOx était faisable. Les Américains avaient déjà fait une expérience et les Russes n'étaient pas convaincus que c'était possible dans leur situation.

Il y avait un deuxième problème. C'est que le peuple russe est très conscient du fait qu'il a perdu son poids de grande puissance mondiale. Il hésite beaucoup à donner l'impression qu'il pourrait être dominé par les Américains dans ces affaires. Alors, une des raisons pour lesquelles nous avons fait ceci, c'est parce que cela nous permettait de voir, non seulement si c'était techniquement et économiquement faisable, mais aussi si on pouvait se mettre dans une situation où le Canada, par exemple, se servirait de MOx américain et de MOx russe. De cette manière, on s'attaque aussi à cette question de la perception qu'ont les Russes d'être vraiment tirés par les Américains, parce que les deux seraient dans la même situation à ce moment-là. Alors, oui, on a financé cette étude-là.

Mme Maud Debien: Combien cette étude a-t-elle coûté?

M. Charles Bassett: Elle a coûté 1,6 million de dollars.

Mme Maud Debien: Vous ne serez pas surpris de m'entendre dire que je trouve épouvantable que, dans le cadre de son mandat, l'ACDI se permette d'effectuer des études de faisabilité sur un sujet aussi controversé, alors que l'un des principaux mandats de l'ACDI, je crois, est d'aider les pays les plus défavorisés de la terre et d'y éliminer la pauvreté. Je pense à la pauvreté ici, bien sûr, mais aussi au mandat de l'ACDI qui est celui d'éliminer la pauvreté sur la terre. On sait aussi que les budgets des ONG ont été réduits de façon draconienne depuis quelques années.

Je trouve inadmissible que l'ACDI puisse se permettre d'effectuer des études de faisabilité sur un sujet aussi controversé que celui de l'utilisation du MOx. C'était une observation et je ne sais pas si vous souhaitez y répondre.

M. Charles Bassett: Oui.

Mme Maud Debien: Je sais que c'est une observation qui est plutôt de nature politique, mais je tenais quand même à la faire.

M. Charles Bassett: Monsieur le président, il est important de savoir que l'ACDI a deux mandats.

Mme Maud Debien: Il y a un mandat de coopération technique, bien sûr, et je le sais.

M. Charles Bassett: Le mandat de coopération technique est tout à fait séparé de l'autre mandat de l'ACDI. Le financement de ces projets ne vient pas des fonds affectés aux pays en voie de développement. C'est un fonds séparé.

Mme Maud Debien: Je le sais très bien, monsieur, mais je trouve cela épouvantable quand même.

J'adresse ma deuxième question aux fonctionnaires du ministère. C'est un peu dans la foulée des observations de M. Bassett concernant l'aide à la décontamination des différents sites d'Europe de l'Est.

On sait qu'il y a des sites contaminés au Canada. Certains témoins qui sont venus comparaître lors de notre étude sur la politique étrangère canadienne, je crois, nous en ont parlé. Est-ce que la Commission de contrôle de l'énergie atomique connaît ces sites contaminés au Canada? Est-ce qu'il est possible de savoir où ils sont situés? Qui les a utilisés? Est-ce que des efforts de décontamination y sont déployés?

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci. Monsieur Stocker.

• 1010

M. Harold Stocker (directeur, Division de la non- prolifération, sauvegardes et sécurité, Commission de contrôle de l'énergie atomique): Je pense en fait que s'il le veut bien, M. Brown, de Ressources naturelles Canada, serait davantage en mesure que moi de répondre à cette question.

M. Peter Brown (directeur associé, Division de l'uranium et de l'énergie nucléaire, Ressources naturelles Canada): Nous sommes effectivement au courant du problème des sites contaminés au Canada. Dans la plupart des cas, ces situations sont dues à des activités passées. En 1981, le gouvernement fédéral s'est rendu à l'évidence qu'il faudrait confier à une autorité fédérale la responsabilité de ces sites et il a mis sur pied le Bureau de gestion des déchets faiblement radioactifs, qui est administré par l'EACL. Ce bureau a pour mandat de décontaminer les sites en question.

C'est ce que ce bureau accompli depuis, car le travail n'est pas fini. Nous travaillons maintenant dans les Territoires du Nord- Ouest et en Colombie-Britannique. Bien sûr, le site le plus important relevant de notre responsabilité se trouve dans la région de Port Hope.

Nous dépolluons tous ces emplacements avec le concours des résidents locaux. En fin de compte, nous en venons le plus souvent à nous demander quel genre de dépollution nous devons entreprendre. Il s'agit d'un travail soutenu que continue d'assurer le bureau de gestion des déchets faiblement radioactifs.

Le président suppléant (M. Bob Speller): Votre temps est épuisé.

[Français]

Mme Maud Debien: Je voudrais tout simplement savoir, monsieur le président, si nous pourrions avoir un document décrivant la poursuite de la décontamination, ou du moins ce qui s'est fait et ce qu'il reste à faire, ainsi qu'une liste des coûts.

[Traduction]

Le président suppléant (M. Bob Speller): Fort bien, nous allons très certainement le demander. Je vous remercie.

Monsieur McWhinney.

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Une seule question. Le réacteur CANDU est un de nos produits d'exportation qui a reçu beaucoup d'éloges, parce qu'il est particulièrement sûr en comparaison aux produits de nombreux autres pays concurrents. Nous avons reçu des lettres et fait l'objet d'autres formes d'interventions relativement à la surveillance des mauvaises applications des réacteurs CANDU, comme leur conversion éventuelle en armes nucléaires.

Pourriez-vous nous faire une déclaration à ce sujet, pour mémoire, monsieur Green?

M. Lorne Green: Avant de pouvoir engager une coopération nucléaire valable avec un autre pays, nous devons d'abord conclure avec lui un accord de coopération nucléaire. Ce genre d'accord lie de façon contraignante les deux partenaires à un engagement portant sur l'utilisation de tout matériel nucléaire d'origine canadienne. Nous avons conclu de telles ententes avec des pays dont il est sûrement question dans les lettres que vous avez reçues, parce que nous devons effectivement appliquer ce genre d'accord avant d'entamer une quelconque coopération nucléaire.

Je n'ai pas, personnellement, à commenter ce qu'il est advenu des réacteurs CANDU dans le monde. Tout ce que je puis dire, c'est que nous avons conclu des ententes de coopération nucléaire contraignantes avec tous les pays clients de la technologie CANDU; celles-ci, qui comportent un engagement strict envers la non- prolifération nucléaire, sont administrées par la CCEA qui contrôle les inventaires et effectue des vérifications annuelles.

M. Ted McWhinney: Alors, je vais enchaîner sur le même thème. Avez-vous jusqu'ici, dans le cadre de ce processus d'inspection, trouvé des preuves d'abus ou de mauvaise utilisation des réacteurs CANDU vendus à l'étranger?

M. Lorne Green: Je vais inviter la CCEA à vous répondre.

M. Kenneth Wagstaff: En ce qui concerne nos actuels partenaires commerciaux, la réponse est non. Certes, au tout début, nous avons eu de mauvaises expériences avec nos premiers partenaires de l'Asie du Sud.

M. Ted McWhinney: Êtes-vous convaincus que les méthodes d'inspection que vous utilisez sont systématiques et porteuses de résultats comparables à ceux d'autres méthodes?

M. Kenneth Wagstaff: Oui. Les ententes bilatérales conclues par le Canada avec ses partenaires prévoient, par définition, l'application aux réacteurs des garanties de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Le tout est renforcé par notre système de comptabilité bilatérale qui porte sur les réacteurs et l'équipement et, par conséquent, sur le matériel nucléaire utilisé dans ces réacteurs et produit par ceux-ci.

M. Ted McWhinney: L'AIEA aurait elle-même la possibilité de conduire des inspections.

M. Kenneth Wagstaff: Tout à fait.

M. Ted McWhinney: Merci beaucoup.

Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci, monsieur McWhinney.

Malheureusement, chers collègues, le temps que nous avions est écoulé.

J'aurai cependant une brève question à poser. Vous avez dit que de nouvelles procédures sont en place. Le Canada a été le premier pays à les ratifier. Combien de temps, selon vous, faudra- t-il pour que les autres pays les ratifient également? Et s'ils ne les ratifiaient pas, ils ne seraient pas tenus d'appliquer les mêmes règles? Comment cela fonctionne-t-il?

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M. Lorne Green: Nous n'avons pas encore ratifié ces nouvelles conventions. Si vous parlez du renforcement des garanties, nous sommes tout juste en train de négocier un protocole. Nous avons bien progressé et nous prévoyons qu'au printemps le Canada sera le premier grand État producteur d'énergie nucléaire à conclure ce genre d'entente. Nous estimons que, ce faisant—et nous avons agi de façon délibérée pour être les premiers—nous allons donner l'exemple par le truchement des conditions que nous négocions et de l'approche que nous adoptons. Nous allons donner un exemple qui permettra d'encourager les autres États à ratifier rapidement ces nouvelles dispositions.

Le président suppléant (M. Bob Speller): Mais dans combien de temps? À quoi cela sert-il si les autres États ne signent pas?

M. Kenneth Wagstaff: L'intention visée ou plutôt l'espoir exprimé, monsieur le président, c'est que tous ces États signeront le protocole en question. Celui-ci a fait l'objet d'un appui à Vienne, où il a été négocié par les États membres de l'Agence. On peut simplement espérer que ces États joindront le geste à la parole, mais il leur faudra un peu de temps.

Le président suppléant (M. Bob Speller): Merci beaucoup pour vos témoignages. Je suis convaincu que cette question, surtout celle du MOX, revêtira une importance croissante dans les prochains mois. Cela étant, le comité vous demandera peut-être de revenir pour plancher sur cette question, puisque je suis certain que le public va s'y intéresser de plus en plus.

Encore une fois, merci, chers collègues. Nous allons faire une pause de deux minutes avant de passer à la séance suivante.