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AAND Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS AND NORTHERN DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 22 avril 1998

• 1542

[Français]

Le président (M. Guy St-Julien (Abitibi, Lib.)): Bonjour. Nous allons commencer.

Aujourd'hui, nous recevons des témoins du ministère des Affaires indiennes. Je voudrais également souligner la présence des jeunes étudiants et étudiantes du Forum pour jeunes Canadiens. Nous vous souhaitons la bienvenue. Nous espérons que cette réunion d'aujourd'hui vous fera prendre de l'expérience. Nous vous souhaitons la bienvenue à tous et à toutes.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous faisons une étude sur le développement économique autochtone.

Nous avons des témoins du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: Mme Cynthia Williams, sous-ministre adjointe, Secteur de la politique et des programmes socioéconomiques et de la restructuration des programmes; M. Glen Bailey, directeur général de la Direction générale des politiques économiques et programmes; M. Bob Watts, sous-ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires; M. James Moore, sous-ministre adjoint, Affaires du Nord; M. Bruce Myers, directeur, Analyse régionale, Affaires du Nord; et M. Peter Wyse, gestionnaire, Ressources naturelles, services fonciers et fiduciaires.

Madame et messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue. Nous vous souhaitons une excellente journée. Est-ce que vous avez une déclaration d'ouverture à faire?

[Traduction]

Mme Cynthia Williams (sous-ministre adjointe, Secteur de la politique et des programmes socio-économiques et de la restructuration des programmes, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Oui, monsieur.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Cynthia Williams: Merci beaucoup, monsieur Saint-Julien.

Permettez-moi tout d'abord de me joindre au président pour exprimer mes voeux aux membres du Forum des jeunes Canadiens. Cela me fait tout particulièrement plaisir, puisque j'ai eu l'occasion autrefois de participer au Forum. De fait, j'ai été présidente nationale pendant plusieurs années. Je suis donc ravie que vous soyez ici, et j'espère que vous appréciez la semaine que vous passez à Ottawa pour apprendre comment fonctionne le régime parlementaire.

Je remercie les membres du comité de l'occasion qui nous est offerte de vous mettre au courant des dernières initiatives en matière de politiques et de programmes entreprises par le MAINC pour appuyer le développement économique des Autochtones.

[Français]

C'est un moment excitant pour le développement économique autochtone, autant au niveau des défis qu'à celui des possibilités.

Il y a plusieurs défis formidables, bien documentés, qui émanent du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones: le besoin du développement des compétences, incluant la compétence et l'expérience de la main-d'oeuvre ainsi que les institutions économiques; l'insuffisance d'investissements et de capital; les problèmes d'accès aux marchés; l'accès limité aux terres et aux ressources.

• 1545

[Traduction]

Comme le savent bien les membres du comité, tous ces défis sont extrêmement complexes et varient d'une communauté à l'autre et d'une région à l'autre. Les défis sont les plus grands dans les communautés sises sur les réserves, où nous constatons, lorsque nous examinons la nature du développement économique dans ces communautés, que la plupart des entreprises sont des micro-entreprises au service d'un petit marché local.

Ces communautés ont un taux de chômage trois fois supérieur au taux national et elles sont régies par la Loi sur les Indiens, laquelle impose des restrictions quant au nantissement des prêts et entrave ainsi l'accès au capital.

Malgré l'énormité du défi, j'estime que nous avons maintenant une bonne base sur laquelle bâtir, une base qui n'a cessé de se consolider au cours des dix dernières années.

Comme vous le savez, on compte maintenant plus de 20 000 entreprises autochtones au Canada, dont la moitié sont situées dans des réserves ou à proximité.

C'est dans le domaine de la scolarité, de la fréquentation des institutions postsecondaires et du pourcentage de diplômés que les progrès sont les plus remarquables. Il y a maintenant au Canada 30 000 diplômés universitaires autochtones et une classe d'affaire émergente. Certaines études récentes ont même démontré que le taux de participation des Autochtones dans les programmes commerciaux dépasse celui des Canadiens non autochtones, ce qui est un signe encourageant.

En outre, le budget des dépenses principal d'AINC pour l'année à venir révèle une tendance encourageante à la réduction des dépenses d'assistance sociale et à une plus grande concentration sur le développement économique.

Au cours des dix dernières années, nous avons pu voir de grandes améliorations dans l'infrastructure des collectivités, indispensable au développement économique, et nous avons pu voir que les firmes autochtones constituent de plus en plus d'entreprises conjointes.

[Français]

Une des perspectives porteuses d'avenir s'avère être le consensus actuel grandissant dans la communauté autochtone, le secteur privé et les gouvernements sur les bénéfices «gagne-gagne» de travailler ensemble pour le développement économique autochtone.

Par exemple, l'Initiative conjointe de développement économique—ICDE ou, en anglais, JEDI—au Nouveau-Brunswick réunit ensemble les gouvernements fédéral et provincial, le secteur privé, le monde de l'éducation et les leaders autochtones pour réaliser des progrès sur les défis de développement. Depuis sa création, en 1996, l'ICDE a développé quelques initiatives conjointes sur l'emploi, l'entrepreneurship et la formation en milieu d'affaires dans la province.

Le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, M. Phil Fontaine, a aussi manifesté son intérêt à travailler en partenariat avec les entreprises et le gouvernement. L'APN travaille conjointement avec nous à l'implantation du plan d'action visant à rassembler nos forces pour les Premières Nations.

En Colombie-Britannique, il y a maintenant une conférence annuelle qui s'appelle «Affaires au sommet», qui est en train de bâtir une sensibilisation et un consensus entre les entreprises, le gouvernement et les groupes autochtones sur les occasions de coopération en vue du développement économique.

D'autres initiatives provinciales de partenariat en Ontario et au Québec font présentement l'objet de discussions.

[Traduction]

En janvier, le gouvernement annonçait son plan d'action pour les collectivités autochtones, intitulé «Rassembler nos forces». Il y présentait la vision du développement économique par un partenariat qui reconnaît le rôle clé du secteur privé et des provinces dans le développement.

Dans l'optique du partenariat, le gouvernement fédéral aura principalement un rôle de facilitateur et de promoteur, travaillant avec les dirigeants politiques et d'affaires autochtones, les autres paliers de gouvernement et le secteur privé en vue d'aplanir les obstacles et de promouvoir les possibilités de développement économique.

Comme je l'ai déjà dit, les possibilités économiques existent au niveau local. Dans l'optique du partenariat, nous concentrons nos efforts sur la création de partenariats régionaux qui respectent les besoins et les priorités des Premières nations et du peuple inuit au niveau local.

• 1550

J'aimerais, en particulier, attirer votre attention sur le thème du soutien aux communautés, aux populations et aux économies que met de l'avant le plan d'action du gouvernement, et je souhaiterais passer brièvement en revue certaines des initiatives lancées dans les domaines du développement des compétences, de l'accès au capital, de l'expansion des marchés, de l'innovation et des terres et ressources.

Au chapitre du développement des compétences, en tant que partenaire et facilitateur du développement économique, le MAINC continuera d'accorder une forte priorité à ce secteur. Le programme d'aide au développement économique des collectivités est de très loin le principal programme de développement économique du ministère, avec un budget annuel de 47 millions de dollars. Il fournit aux Premières nations et aux Inuits les ressources nécessaires pour soutenir les organismes de développement économique des collectivités, les OCDE, et dont le principal objectif est de cerner et d'exploiter les débouchés commerciaux. En 1996-1997, ces sociétés ont collaboré à la création ou à l'expansion de 2 200 entreprises et de plus de 10 000 emplois.

Le MAINC collabore également au développement de la capacité des institutions communautaires autochtones dans le domaine des finances. Avec Industrie Canada, le ministère des Finances et les sociétés de financement autochtones, nous cherchons des façons de renforcer leur capacité de gestion et leurs structures administratives.

Dans le domaine de l'accès au capital, l'accès aux capitaux propres et d'emprunt demeure un obstacle primordial pour beaucoup d'entreprises et de collectivités des Premières nations et inuites, comme l'a clairement démontré le rapport de la Commission royale, ainsi que le rapport du groupe de travail sur le financement du développement économique des Autochtones en 1997. Le MAINC a donc entrepris un certain nombre d'initiatives dans ce domaine.

En ce qui concerne le capital d'investissement, afin de combler l'écart, le MAINC a créé un modeste fonds pour aider au démarrage et à l'expansion des entreprises dans les réserves. En 1996-1997, chaque dollar de ce fonds qui a été investi a généré 16 $ d'investissement d'autres sources et a entraîné la création de 1 700 emplois directs et indirects cette année-là.

En ce qui a trait au capital d'emprunt, nous collaborons avec Industrie Canada, les agences de développement régional et les sociétés de financement autochtones en vue de renforcer le réseau de prêts au développement autochtone et d'améliorer l'accès au capital de développement. Nous cherchons également des moyens de développer des instruments compétitifs de financement de la dette à long terme pour les gouvernements des Premières nations. Avec l'Association des banquiers canadiens et les entreprises de services financiers, nous examinons les différentes possibilités d'augmenter l'accès au capital commercial pour les entreprises des Premières nations.

Très rapidement, en ce qui concerne l'expansion des marchés, nous travaillons encore une fois en étroite collaboration avec nos collègues d'Industrie Canada et d'Affaires étrangères et Commerce international, avec des entreprises et associations commerciales autochtones ainsi qu'avec les provinces, en vue d'augmenter les débouchés pour les entreprises autochtones.

La stratégie en matière d'approvisionnement public a permis de mieux faire connaître ce marché aux fournisseurs autochtones. Elle encourage les entreprises conjointes entre sociétés autochtones et non autochtones et elle a permis une participation accrue des Autochtones aux marchés publics.

Dans les secteurs du commerce et du tourisme, le MAINC appuie également le développement des compétences d'une «Équipe Canada» autochtone en matière de tourisme et le lancement d'un organisme de commerce autochtone en étroite collaboration avec d'autres organismes fédéraux et des entreprises.

En outre, nous appuyons diverses manifestations régionales de promotion du commerce auxquelles participent les provinces et les associations d'affaires autochtones. Par exemple, en mai, une importante conférence aura lieu à Vancouver sous le thème des «Affaires au sommet», où toutes ces questions seront examinées.

La question de l'innovation dans les processus, les produits et la commercialisation est importante pour toutes les entreprises, mais plus particulièrement pour celles des Premières nations et pour les collectivités tributaires du secteur des ressources naturelles.

Lors d'une présentation devant ce comité, M. Bob Dickson, d'Entreprise Autochtone Canada, avait présenté une mise à jour des activités de soutien à l'innovation d'Industrie Canada.

Pour sa part, le MAINC collabore avec l'«Équipe Canada» autochtone sur le tourisme au développement de créneaux touristiques autochtones, des normes de qualité et des stratégies de commercialisation; avec Ressources Canada et Industrie Canada, nous travaillons à améliorer l'accès au programme d'aide à l'innovation dans le secteur des ressources naturelles, y compris pour les économies traditionnelles du trappage et des aliments sauvages.

• 1555

Un autre important secteur de partenariat est celui qui vise à améliorer l'accès des Autochtones aux terres et ressources, autre domaine signalé dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Mon collègue, le sous-ministre adjoint aux Services fonciers et fiduciaires, M. Bob Watts, souhaiterait dire quelques mots à ce sujet.

M. Bob Watts (sous-ministre adjoint, Services fonciers et fiduciaires, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci.

Un autre aspect important de la collaboration concerne l'adoption de mesures pour faciliter l'accès des Autochtones aux terres et ressources. Comme vous le savez, les terres et les ressources sont de la plus haute importance pour nos Premières nations. Pour bien des collectivités, elles constituent le principal, et parfois même le seul, instrument de développement économique. Le MAINC en tient compte dans beaucoup de ses programmes.

Le programme de négociation de l'accès aux ressources, le PNAR, sert à financer les Premières nations en vue de mettre en valeur les ressources des réserves; de conclure des ententes de cogestion avec les gouvernements provinciaux et territoriaux; et de conclure des contrats de gestion et d'exploitation avec des entrepreneurs de l'extérieur, ainsi que d'autres arrangements.

En outre, le Programme forestier des Premières nations sert à financer des mesures adoptées par les Autochtones pour acquérir la capacité de gérer durablement les ressources se trouvant dans leurs réserves et de participer à des entreprises liées à l'exploitation forestière. Ce programme est géré en partenariat avec les Premières nations.

Pour l'avenir, nous envisageons l'élargissement du programme de négociation de l'accès aux ressources de manière à aller au-delà de la simple négociation. Nous continuerons de privilégier autant que possible les ententes de cogestion des ressources, et nous augmenterons les contributions en argent consacrées au développement des entreprises dans ce secteur. Nous avons un excellent exemple de ce type d'initiative dans la stratégie pour le Nord du 51e parallèle, actuellement en négociation dans le nord de l'Ontario.

La réussite de ces initiatives dépend de la formation, du développement des compétences et des transferts technologiques que prévoient les ententes. Avec l'Assemblée des premières nations et ses affiliés régionaux, nous avons entamé un processus visant à définir les besoins des collectivités des Premières nations en matière de renforcement des capacités, afin qu'elles puissent mieux gérer leurs propres terres et ressources.

L'une des dispositions de la Loi sur les Indiens qui avait pour but de protéger les Indiens et leurs terres a également eu l'effet, selon nous, de retarder le développement économique. Elle a entraîné des coûts administratifs et des délais dans la cession des terres des réserves, leur location à bail et l'aliénation des ressources naturelles. Elle limite également la capacité des personnes à hypothéquer le terrain pour lequel elles détiennent des certificats de possession. Avec l'Assemblée des premières nations et ses affiliés, les Services fonciers et fiduciaires examinent la pertinence de la Loi sur les Indiens et de certains règlements qui en découlent afin de voir s'il y aurait des possibilités de modifier certains éléments ou certaines politiques administratives en vue de permettre une meilleure gestion des terres des Premières nations.

Une initiative qui est à l'étude depuis un certain temps consiste en une loi sur la gestion des terres des Premières nations, laquelle éliminerait certaines des parties les plus archaïques de la Loi sur les Indiens et rendrait le contrôle des terres aux collectivités des Premières nations.

Merci beaucoup.

Mme Cynthia Williams: Monsieur le président, je sais que certains membres du comité s'intéressent également aux questions touchant le développement économique dans le nord du Canada. Mon collègue, M. Jim Moore, sous-ministre adjoint aux Affaires du Nord va nous parler brièvement des initiatives lancées dans cette région.

[Français]

Le président: Merci, madame.

M. James Moore (sous-ministre adjoint, Affaires du Nord, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Merci, monsieur St-Julien. Premièrement, je voudrais mentionner une initiative qui, nous le pensons, a le potentiel d'améliorer l'économie dans tout le territoire et également, nous l'espérons, dans la communauté autochtone.

[Traduction]

Le 24 février, l'honorable Paul Martin présentait son programme budgétaire de 1998 et annonçait que le gouvernement fédéral, en partenariat avec les gouvernements du Nord canadien et d'autres intervenants de la région, autochtones et non autochtones, s'engageait à élaborer pour le Nord une stratégie économique moderne qui reconnaîtrait la dynamique propre à la région et la nécessité de diversifier son économie.

Le secteur du programme des affaires du Nord du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien coordonnera, au nom du gouvernement fédéral, la préparation de cette stratégie. Nous prévoyons de faire appel à la compétence de plusieurs ministères fédéraux, mais surtout aux compétences des gouvernements du Nord, ainsi qu'à celles de nombreux intervenants dans les secteurs privé et public.

• 1600

Nous prévoyons que la stratégie sera dirigée et gérée essentiellement par les gens du Nord, principalement à partir de nos bureaux de Yellowknife, en collaboration avec les bureaux régionaux du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest à Whitehorse, et à Iqaluit, pour l'Arctique de l'Est.

Cette stratégie doit répondre aux besoins régionaux. Nous espérons qu'elle tiendra compte des diverses circonstances économiques qui prévalent dans les trois régions du Nord: le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, et le nouveau territoire de Nunavut, qui doit bientôt être créé.

Comme vous le savez sans doute, le pourcentage d'Autochtones dans ces trois territoires varie énormément. Il va de 25 p. 100 à 30 p. 100 dans le Yukon jusqu'à 50 p. 100 dans l'ouest des Territoires du Nord-Ouest. Bien entendu, la majorité, soit plus de 80 p. 100, se trouvent dans le territoire de Nunavut.

Au nord du 60e parallèle, notre mandat est un peu différent de ce qu'il est au sud de cette ligne. Nous continuons de gérer les ressources naturelles du Grand Nord. Nous espérons que ce mandat et ces responsabilités permettront une étroite collaboration avec notre clientèle. Peut-être pourrons-nous non seulement améliorer les régimes de gestion des ressources, mais également, par ces changements, stimuler le développement économique.

À mesure que nous procédons à l'élaboration de cette stratégie, on nous pressera certainement de faciliter un développement beaucoup plus rapide des ressources des territoires. Nous n'en sommes qu'au tout début de l'élaboration de la stratégie. Nous avons commencé à cerner les sujets de discussion exploratoires avec nos principaux partenaires des secteurs public et privé autochtones. Nous espérons pouvoir présenter un cadre de travail aux ministres à l'automne. Cela ira peut-être à l'hiver.

Je crois que c'est tout ce que j'avais à dire concernant la stratégie de développement. Je voudrais cependant ajouter quelques mots à propos des activités les plus importantes entreprises au nord du 60e parallèle en vue de stimuler l'économie de la région.

Sans m'étendre trop longuement, je vais vous donner quelques exemples. Il y a l'exploitation du diamant dans l'Arctique de l'Ouest. La mine de la Broken Hill Proprietary Company, dans les Territoires du Nord-Ouest, vient de conclure un accord socio-économique avec le gouvernement des Territoires. Elle a également signé des ententes de retombées économiques avec au moins deux groupes autochtones de la région. De fait, elle travaille avec quatre groupes autochtones.

Ces ententes de retombées économiques procureront des bienfaits importants, y compris des emplois. Dans certains cas, ces groupes pourraient obtenir d'autres avantages lorsque la BHP sera en pleine phase de production, c'est-à-dire à partir de l'automne 1998. Cette entreprise s'est engagée à dépenser environ 28 p. 100 de sa facture d'approvisionnement en matériaux de construction dans le Nord et en contrats avec des entreprises basées dans le Nord. Jusqu'ici, la facture totale s'est élevée à 150 millions de dollars. Le seul secteur du diamant présente donc d'excellentes opportunités.

La deuxième mine prévue est celle de Diavik Diamond Mines qui vient de terminer la phase de description du projet et de demande de permis. Cette compagnie a dépensé environ 80 millions de dollars en travaux préparatoires jusqu'ici, ce qui signifie une forte infusion d'argent dans l'économie locale. Elle a signé des accords de coopération avec le Conseil du Traité 11 des Dogribs et avec la North Slave Métis Alliance. Elle espère commencer l'exploitation de la mine dans trois ans, mais elle emploiera environ 600 personnes durant la phase de construction. Beaucoup de ces emplois seront offerts à des Autochtones de la région. Et cette compagnie également dépensera des sommes considérables pour l'achat de matériaux.

• 1605

Avec votre permission, j'aimerais vous donner encore un exemple. La compagnie de construction Nunavut dans l'Arctique de l'Est appartient à la Nunasi Corporation, une entreprise inuite du Nunavut, et à diverses sociétés régionales de développement appartenant à des Inuits. Le gouvernement fédéral a signé avec celle-ci un contrat en vue de la construction, de l'achat puis de la location à bail au gouvernement fédéral de logements et bureaux. Les travaux ont commencé en 1997, il y a environ un an. Ils suivent l'échéancier prévu, avec un budget d'environ 20 milliards de dollars, et 106 des 125 employés des chantiers sont inuits.

Voilà quelques exemples des importantes activités de développement économique au nord du 60e parallèle.

[Français]

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Moore. Madame Williams, s'il vous plaît.

Mme Cynthia Williams: En terminant, monsieur le président, j'aimerais remercier le Comité permanent de nous donner l'occasion de lui donner une mise à jour des contributions de notre ministère aux éléments de développement économique du plan d'action du gouvernement pour les questions autochtones.

Comme vous pouvez le constater, il y a beaucoup de choses qui se passent. Nous sommes encouragés par l'implication croissante des entreprises des provinces et territoires en tant que partenaires.

[Traduction]

Le partenariat offre d'excellentes occasions d'éliminer les barrières et de faciliter l'accès aux opportunités, particulièrement au niveau régional et local. Nous sommes très encouragés de voir augmenter la participation des entreprises et des autres paliers de gouvernement. Nous sommes ravis que le comité ait fait une place importante au développement économique. Monsieur le président, membres du comité, nous attendons avec impatience votre rapport et vos recommandations.

[Français]

Merci.

Le président: Merci, madame Williams.

Avant que nous commencions le premier tour de questions, j'aimerais expliquer aux jeunes étudiants du Canada que notre comité est composé de 16 membres actuellement, dont plusieurs siègent à d'autres comités ou à la Chambre des communes. Vous savez qu'actuellement, nous avons beaucoup de travail. Avant de commencer, nous allons faire un tour de table afin que les députés qui sont présents s'identifient et nous disent de quelle région du Canada ils viennent.

Monsieur Konrad.

[Traduction]

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Je m'appelle Derrek Konrad. Je suis député réformiste pour la circonscription de Prince Albert en Saskatchewan. C'est l'ancienne circonscription de John Diefenbaker.

Des voix: Oh, oh.

[Français]

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je m'appelle Claude Bachand et je suis député du Bloc québécois pour la région de Saint-Jean, qui se trouve à 25 milles au sud de Montréal.

[Traduction]

M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Je m'appelle Gordon Earle. Je suis député de Halifax-Ouest, en Nouvelle-Écosse.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Je m'appelle Bryon Wilfert, je suis député libéral pour la circonscription d'Oak Ridges, qui comprend Richmond Hill, Whitchurch-Stouffville et la partie nord de Markham.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Je m'appelle John Finlay, je suis vice-président du comité et je représente la circonscription d'Oxford, dans le sud-ouest de l'Ontario.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Je m'appelle Bernard Patry et je suis député fédéral de la circonscription de Pierrefonds—Dollard dans la région de Montréal. Je suis le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le président: Je m'appelle Guy St-Julien et je représente la circonscription d'Abitibi, dans la plus grande des 10 provinces du Canada. Je suis peut-être le seul au Québec au nord du 60e parallèle. Il y a dans ma circonscription 14 villages inuits, huit villages cris, trois villages algonquins. J'ai une population de 96 000 personnes et un territoire de 802 000 kilomètres carrés. Merci.

Nous allons passer au premier tour de questions. Nous allons commencer par l'opposition.

Monsieur Konrad, c'est à vous.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Merci. J'essaierai d'être bref.

En ce qui concerne le gouvernement des Autochtones, il y a le MAINC et l'APN. En Saskatchewan, nous avons le FSIN. Dans ma propre circonscription, il y a le Grand Conseil, les bandes et les Autochtones de Prince Albert. Cela fait beaucoup d'instances gouvernementales. Travaillez-vous seulement avec l'APN ou avez-vous des ententes à tous les paliers?

• 1610

Mme Cynthia Williams: Nous avons des ententes avec toutes les instances que vous avez mentionnées, jusqu'à la bande locale. Nous travaillons avec l'APN dans les dossiers nationaux, notamment dans les questions d'accès au capital, au commerce, et pour tout ce qui a une ampleur nationale. Au niveau régional, chacun de nos bureaux régionaux travaille en partenariat avec les organisations politiques et gouvernementales de la région. Dans le cas que vous avez mentionné, c'est le FSIN au niveau de la province, puis il y a les grands conseils au niveau sous-régional, puis la bande au niveau local, où nous avons des programmes comme celui des ODEC, que j'ai mentionné.

M. Derrek Konrad: Nous avons récemment débattu du projet de loi portant création du Nunavut, et je me demande si l'on prévoit redimensionner le MAINC en vue de couvrir les dépenses supplémentaires qu'entraîneront la gestion et la mise en place de ce nouveau territoire. Le cas échéant, quelles sont vos cibles de réduction en vue de dégager des fonds à d'autres fins?

M. James Moore: Merci de cette question. Nous déterminons actuellement la structure et l'effectif nécessaires pour assurer une présence raisonnable du MAINC dans le nouveau territoire du Nunavut. S'il doit y avoir une expansion du bureau régional d'Iqaluit—et j'imagine que ce sera le cas—il faudra la financer à même les ressources existantes. Autrement dit, nous prendrions une partie des ressources que nous avons à Ottawa dans le secteur du soutien au secrétariat du Nunavut, ainsi que des ressources du bureau de Yellowknife qui correspondent aux programmes de Nunavut et nous les intégrerions au nouveau bureau régional.

Autrement dit, nous ne prévoyons pas d'importantes augmentations de coût.

M. Derrek Konrad: Merci.

Me reste-t-il du temps?

[Français]

Le président: Oui, il vous reste une minute.

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Je cède la parole à mon collège.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Konrad.

Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: J'ai une question pour Mme Williams. Je crois comprendre que le budget d'assistance sociale est de 656 millions de dollars actuellement, en baisse de 15 millions de dollars. Personnellement, j'ai toujours demandé au ministre, quand il venait nous rencontrer, s'il ne serait pas possible d'inverser les programmes, c'est-à-dire de donner les 656 millions de dollars de l'assistance sociale au développement économique et d'affecter un budget de 50 millions de dollars à l'assistance sociale. On m'a répondu que ce n'était pas possible.

Puisque le budget de l'assistance sociale baisse, serait-il possible de prendre ces 15 millions de dollars et de les affecter au développement économique, ce qui, à mon point de vue, devrait permettre d'accélérer la baisse de la dépendance des gens envers l'assistance sociale? Est-ce que vous pouvez faire cela en cours d'année ou si les enveloppes sont fermées?

Est-ce qu'à la fin de l'année, on pourrait dire que les 15, 20 ou 30 millions de dollars économisés à l'assistance sociale seront affectés au développement économique? Je poursuis toujours le même but, à savoir d'accélérer la baisse de la dépendance des autochtones envers l'assistance sociale.

Mme Cynthia Williams: Je vous remercie d'avoir posé cette question, monsieur.

[Traduction]

Cette idée d'inverser les budgets de l'assistance sociale et du développement économique est précisément le but que nous visons mes collègues et moi. Je suis très heureuse de pouvoir dire que là où nous voyons une légère diminution du budget de l'assistance sociale, d'environ 15 millions de dollars, il y a eu une augmentation correspondante du budget du développement économique. J'espère que cette tendance se confirmera à l'avenir.

Je m'occupe de développement économique, mais aussi d'assistance sociale. Comme vous le savez, le plan d'action «Rassembler nos forces» contient un engagement à réformer le régime d'assistance sociale. Dans cette perspective, nous examinons sérieusement les possibilités nouvelles et originales d'utiliser des fonds de l'AS afin d'aider les gens à passer de l'assistance sociale au monde du travail.

• 1615

Globalement, nous cherchons précisément à convertir les dépenses d'assistance sociale en dépenses de développement économique. Chemin faisant, pendant que nous étudions la réforme de l'assistance sociale, voyons comment nous pouvons utiliser ces fonds pour soutenir des mesures actives, investir dans la formation, dans la création d'emploi, afin de permettre aux gens de quitter définitivement les rangs de l'assistance sociale en faveur de l'emploi productif.

C'est un objectif que partagent nos partenaires des Premières nations. Nous travaillons là-dessus en étroite collaboration avec l'APN qui partage très précisément notre objectif d'une réduction durable de la dépendance à l'égard de l'assistance sociale.

[Français]

M. Claude Bachand: Je reviendrai au deuxième tour.

Le président: Il vous reste encore du temps, mais on vous donnera plus de temps tout à l'heure.

M. Claude Bachand: Ma deuxième question étant un peu plus longue, je reviendrai au deuxième tour.

Le président: Merci.

Monsieur Earle, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président. J'ai une question pour Cynthia Williams.

À la page 4 de votre exposé vous parlez de l'expansion de 2 200 entreprises. Vous dites que cela a généré environ 10 000 emplois. S'agit-il d'emplois à temps plein ou à temps partiel? Ces emplois sont-ils durables et continueront-ils de créer d'autres emplois intéressants ou répondent-ils à des besoins ponctuels?

Mme Cynthia Williams: Ce chiffre est tiré du rapport annuel que nous présentent les ODEC au niveau local.

Ce sont des emplois à plein temps et à temps partiel; ils ont été créés dans le cadre des ODEC, c'est-à-dire dans le domaine du démarrage et de l'expansion des entreprises. Ce sont donc des emplois reliés à des activités commerciales.

Sont-ils durables? Bien entendu, cela dépendra de la viabilité des entreprises. Nous espérons, comme la collectivité j'en suis sûre, qu'il s'agit effectivement d'emplois de longue durée. Mais même si ce n'est pas le cas, ce qui compte avant tout, c'est que les gens acquièrent une expérience professionnelle. Donc, idéalement, ces emplois seraient permanents. Lorsque ce n'est pas le cas, nous espérons qu'ils serviront de pont ou de tremplin vers un emploi permanent.

M. Gordon Earle: Cela vaut-il également pour l'information de la page suivante, pour les 1 700 emplois directs et indirects que vous mentionnez ici?

Mme Cynthia Williams: Ces emplois-là ont été créés grâce au Fonds d'intégration. Là encore, nous demandons aux collectivités de nous faire des rapports sur la performance de ces entreprises un an plus tard.

Dans son exposé devant votre comité, M. Dickson a dit, je crois, que le taux d'échec des entreprises autochtones est inférieur au taux national. Nous pouvons donc espérer que ces emplois seront durables. Mais là encore, s'ils ne le sont pas, nous espérons qu'ils auront permis aux gens d'acquérir des compétences qui leur seront utiles dans la recherche d'un nouvel emploi.

M. Gordon Earle: J'ai maintenant une question pour le monsieur qui nous a parlé des terres et des ressources. Vous avez parlé de la gestion des terres des Premières nations et principalement des forêts, etc. Compte tenu des récentes décisions juridiques concernant l'exploitation forestière sur les terres publiques, avez-vous une stratégie pour ce domaine et y a-t-il des négociations en cours, ou vous occupez-vous principalement des terres des Premières nations? J'essaie d'y voir clair...

M. Bob Watts: Je peux vous donner une réponse partielle. Je vous remercie de la question.

Le programme sur la gestion des forêts des Premières nations porte à la fois sur les terres des réserves et sur la mise en valeur et la culture des forêts. Il permet également aux Premières nations d'entamer des négociations avec d'éventuels partenaires du secteur privé et des provinces pour l'exploitation et la cogestion des terres hors réserve. Il vise donc à la fois des terres de la Couronne et d'autres types de terres privées contiguës aux réserves.

M. Gordon Earle: En ce qui concerne l'exploitation minière, vous avez parlé de la stratégie dans le Nord. Ces activités génèrent-elles des redevances? Les Autochtones reçoivent-ils des redevances provenant des minerais ou gisements qui se trouvent sur les terres ancestrales?

• 1620

M. James Moore: Au nord du 60e parallèle, les redevances sont partagées entre les gouvernements des Territoires et le fédéral.

Les avantages qu'en tirent les Autochtones proviennent essentiellement des travaux d'exploration et de production pour lesquels on embauche des Autochtones, et peut-être des coentreprises avec des firmes autochtones, etc.

M. Gordon Earle: Mais y a-t-il des programmes de formation pour les Autochtones au-delà du travail non qualifié dans les mines? Y a-t-il des programmes de formation qui leur permettraient de jouer véritablement un rôle dans l'industrie?

M. James Moore: Tout à fait. Dans l'industrie du diamant, par exemple, il y a des programmes de formation à presque toutes les étapes de l'exploration et de la production minière, y compris dans des activités en aval très complexes, comme le triage et l'évaluation des diamants.

L'industrie se montre donc très attentive. Elle veille à ce qu'il y ait tout un éventail de programmes de formation disponibles afin que les Autochtones puissent participer à tous les niveaux de l'industrie.

Permettez-moi d'apporter une correction à ce que j'ai tout à l'heure. J'avais oublié que lorsqu'il y a eu règlement d'une revendication territoriale, il peut y avoir un versement de redevances aux Autochtones.

M. Gordon Earle: Merci.

Le président: Monsieur Finlay.

M. John Finlay: Merci, monsieur le président.

En divers endroits de votre exposé, par exemple à la page 1, vous mentionnez la Loi sur les Indiens et le fait qu'en interdisant le nantissement des prêts elle entrave l'accès aux capitaux. Vous le répétez à la page 5 à propos des instruments de financement des gouvernements des Premières nations, entre autres. Je crois comprendre que c'est là un des principaux obstacles à la participation de nos banques ou d'autres investisseurs canadiens dans les entreprises autochtones. Pouvez-vous nous mettre à jour là-dessus? Devrions-nous nous attaquer à la Loi sur les Indiens?

Des voix: Oh, oh.

M. John Finlay: Nous avons essayé, il y a deux ans, et nous sommes parvenus à faire quelque chose. Mais il nous faut pour cela la collaboration des Premières nations. Comment cela se présente-t-il?

M. Bob Watts: Je vous remercie de cette question. C'est une question tendancieuse lorsqu'elle est adressée à quelqu'un qui est chargé d'appliquer quotidiennement la plus grande partie de la Loi sur les Indiens.

Celle-ci constitue certainement une entrave au développement. Mais il y a une lumière au tableau. En collaboration avec les Premières nations, un certain nombre de banques ont établi des institutions conjointes de prêts ou examinent d'autres instruments financiers qui permettraient l'octroi de prêts de type hypothécaire tant pour le logement qu'à des fins commerciales sur les réserves. Nous en avons déjà quelques exemples dans le sud de l'Ontario. Ce n'est pas commun, mais nous espérons que cela fera tache d'huile.

Au cours des dernières années, nous avons travaillé avec un certain nombre de Premières nations en vue de préparer une loi sur la gestion des terres des Premières nations. Nous espérons pouvoir la présenter bientôt. Elle exempterait ces Premières nations des parties de la loi qui placent essentiellement leurs terres sous notre contrôle. Elles en seraient exemptées et le contrôle serait confié à la communauté.

Je crois que le moment n'est pas encore venu d'entreprendre une révision en profondeur de la loi et ses règlements. Les accords d'autonomie gouvernementale qui se négocient actuellement règlent directement certains de ces problèmes. Il y a donc de l'espoir.

Nous avons également entrepris avec l'Assemblée des premières nations et ses affiliés régionaux et locaux un processus d'examen des modifications législatives et réglementaires que souhaiteraient les Premières nations. Nous les préparerions ensemble et nous pourrions les présenter en vue de moderniser la Loi sur les Indiens ou d'exempter les communautés de ces parties de la loi qui constituent en fait un obstacle au développement, quel qu'il soit.

M. John Finlay: Merci.

Vous avez mentionné ces lois sur la gestion des terres des Premières nations. En existe-t-il déjà ou doivent-elles être adoptées par le Parlement?

• 1625

M. Bob Watts: C'est une loi qui devrait être approuvée par le Parlement. Depuis quelques années nous y travaillons en collaboration avec les Premières nations. Il y a d'abord eu un processus de consultation des collectivités autochtones en vue d'élaborer des codes, en collaboration avec les institutions financières, afin que celles-ci les jugent acceptables. Mais nous ne sommes pas encore à l'étape du dépôt devant le Parlement.

M. John Finlay: Nous n'avons encore rien vu. Ce comité n'a pas encore travaillé là-dessus.

M. Bob Watts: Il y a eu un projet de loi déposé à la Chambre sous l'administration précédente, mais il est resté en plan avec la convocation des élections.

M. John Finlay: Mais il me semble que ce serait là une solution pour permettre l'accès au crédit et encourager le développement économique des Premières nations. Ou suis-je trop optimiste?

M. Bob Watts: Non, je pense que c'est très important puisque cela permettrait d'utiliser les terres à des fins économiques, de rassurer les institutions financières et de donner à la collectivité la fierté de gérer ses propres terres.

M. John Finlay: J'ai une autre question. On a beaucoup entendu parler de micro-crédit dans les pays en voie de développement. Est-ce que c'est une option ou est-ce qu'on y a réfléchi pour les petites entreprises autochtones...?

M. Glen Bailey (directeur général, Direction générale des politiques économiques et programmes, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Je peux vous donner une réponse partielle. Un certain nombre de mécanismes permettent... Il existe des possibilités de micro-crédit pour les jeunes entrepreneurs. Entreprise Autochtone Canada a quelque chose en ce sens, et nous avons également réalisé un projet avec des sociétés autochtones de prêts, en vue d'offrir des prêts de démarrage ou des crédits à des petites entreprises lancées par des jeunes. Bien entendu, il y a le fonds d'intégration et Entreprise Autochtone Canada.

Pour ce qui est de votre question précédente, il convient peut-être de mentionner le groupe de travail sur le financement du développement économique autochtone. Dans ses recommandations, il suggérait la possibilité d'une non-participation volontaire.

C'est donc un sujet qui fait l'objet d'études et de débats au sein de la communauté autochtone. On examine la possibilité de... Je ne dirais pas qu'il y a nécessairement consensus, mais c'est une question à l'étude.

Nos travaux dans le cadre des discussions sur le financement que nous avons tenues avec les banques, à un niveau très technique, nous ont appris deux choses. Premièrement, les banques réexaminent de plus en plus leurs relations avec les emprunteurs. Par conséquent, si le nantissement physique demeure important à leurs yeux, les relations qu'elles ont établies avec les conseils de bande ou les sociétés de développement constituent aussi pour elles un élément important dans l'évaluation du risque.

Nous avons également essayé de trouver un certain nombre de mécanismes qui permettent au ministère et au gouvernement, du point de vue de l'administration de la Loi sur les Indiens et de ses répercussions sur les prêts bancaires, que nous examinons... Nous avons mis au point un certain nombre de produits. Au cours des prochains mois, nous espérons pouvoir les soumettre aux gestionnaires de banques locales pour qu'ils comprennent mieux de quoi il s'agit et ce que ces documents signifient pour eux. Cela leur permettra de mieux comprendre le risque que présentent certaines propositions. Les banques les ont jugés très utiles.

M. John Finlay: Merci.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bailey. Avant que nous continuions le deuxième tour, je voudrais demander à Mme Karetak, qui vient d'arriver, de se présenter. Nous avons aujourd'hui de jeunes étudiants et étudiantes du Forum pour jeunes Canadiens qui viennent de tous les coins du Canada, et chaque député s'est présenté. Voulez-vous faire la même chose, s'il vous plaît?

[Traduction]

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je suis députée de Nunavut, qui sera un nouveau territoire à partir du 1er avril 1999.

Bien que je sois un des plus petits membres du comité, j'ai la plus grande circonscription.

Des voix: Oh, oh.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Elle couvre presque 200 000 000 kilomètres carrés. Si vous regardez une carte, vous verrez que cela représente une grande partie du Canada.

Une voix: Presqu'un cinquième.

[Français]

Le président: Merci, madame.

Monsieur Konrad, vous avez sept minutes.

• 1630

[Traduction]

M. Derrek Konrad: Merci. Je ne sais pas s'il m'en faudra autant, mais nous verrons.

Ma première question concerne les marchés publics, dont vous parlés à la page 5. Il y est question de sensibilisation, de promotion des entreprises conjointes, de la participation des Autochtones, d'initiatives pour la mise en place d'entreprises conjointes de fournisseurs, et d'améliorer l'accès des Autochtones. Ce sont toutes d'excellentes idées. Est-ce que vous procédez en imposant cela aux gens par voie législative? Est-ce que vous les encouragez en les finançant? Ou faites-vous les deux à la fois? Comment procédez-vous?

Mme Cynthia Williams: Glen voudra peut-être apporter quelques compléments d'information à ma réponse.

Nous avons depuis 1996 une politique officielle d'approvisionnement auprès des entreprises autochtones. Les appels d'offres pour tous les contrats d'une valeur excédant 5 000 $ pour des services principalement destinés à des populations autochtones, sont d'abord adressés aux entreprises autochtones admissibles.

La politique stipule qu'une entreprise autochtone admissible peut aussi s'entendre d'une coentreprise. Un des effets positifs de cette politique a notamment été d'augmenter le nombre de coentreprises. Au sens de cette politique, une entreprise autochtone doit être au moins à 51 p. 100 entre les mains d'Autochtones.

Il existe donc une politique. Vous demandiez si nous procédions par voie législative. Non, mais le MAINC est chargé de la promotion de cette politique dans tout le secteur fédéral. Donc, depuis deux ans, nous travaillons avec les ministères, et nous les aidons lorsqu'ils préparent leurs plans annuels d'approvisionnement. Nous les aidons également à déterminer quels sont les contrats qui visent principalement une population autochtone.

La politique étant nouvelle, il y a encore beaucoup de chemin à faire. Elle représente une innovation totale pour beaucoup de ministères et nous avons passé la première année à l'expliquer. Mais je suis heureuse de pouvoir vous dire que les ministères ont acquis beaucoup d'expérience.

Au niveau ministériel, il y a eu plusieurs expériences très positives. D'ailleurs, au mois de mai, je présiderai une rencontre qui, pour la première fois, rassemblera tous les SMA des ministères qui pourront parler de leurs expériences et s'informer réciproquement. Voilà pour ce qui concerne le gouvernement.

Du côté des fournisseurs autochtones, nous avons aussi beaucoup travaillé avec eux pour les aider à acquérir les compétences et la capacité de répondre aux appels d'offres du gouvernement. C'est un système assez complexe qui prévoyait des adjudications publiques. Nous avons constaté que cela exigeait déjà des compétences complexes pour comprendre le contrat, voir de quoi il s'agit et comprendre les règles des marchés publics.

Au cours des deux dernières années, nous avons pu constater une augmentation du nombre de fournisseurs inscrits auprès des ministères, mais aussi une augmentation du nombre d'entreprises autochtones qui s'intéressent à ces marchés publics. Un contrat de marché public représente parfois à leurs yeux une première ouverture. Cela leur permet d'acquérir de l'expérience et d'améliorer leurs capacités pour décrocher d'autres marchés. C'était notre objectif jusqu'ici.

Dans le cas du MAINC, par exemple, avant la mise en place de cette politique, nos contrats avec des fournisseurs autochtones atteignaient environ 4,5 millions de dollars par an. Maintenant, nous approchons des 25 millions de dollars. La stratégie n'a pas été facile, mais elle nous a permis de beaucoup mieux connaître les fournisseurs autochtones. Pour un ministère comme le MAINC, qui est au service de la population autochtone, cela nous paraît très positif.

M. Derrek Konrad: J'ai une autre question, concernant l'accès aux communautés dont vous parliez plus tôt. Comment décidez-vous...? Je viens de Prince Albert. La ville de Prince Albert est aussi dans ma circonscription. Elle compte 40 000 habitants. Les routes qui y mènent depuis l'Est sont en piteux état. Comme j'habite à 85 milles à l'est, je sais de quoi je parle. Il y avait également quatre voies de chemin de fer—c'était un important tronçon ferroviaire—mais tout à coup, trois de ces chemins de fer ont fermé et le quatrième a été vendu à Omnitrax, à cause du manque d'activité. Nous n'avons donc plus qu'un seul chemin de fer et personne n'est satisfait. Je vous parle d'une ville de 40 000 habitants.

• 1635

Juste au nord-est de mon village, à 80 milles environ, il y a une localité de 1 000 habitants. On vient d'y construire un pont sur la Saskatchewan à un coût de 6 millions de dollars.

Pouvez-vous m'expliquer vos critères? Tenez-vous compte de la population? Tenez-vous compte de l'activité économique de la région ou de son potentiel économique? Quels sont vos critères? Quel est le rapport coûts-avantages? Comment décidez-vous si vous allez entretenir 100 milles de route conduisant à une localité de 1 000 habitants ou de 200 ou 300?

Mme Cynthia Williams: Je ne suis pas au courant de la route dont vous parlez, et je ne peux donc pas savoir si le projet a été financé par le MAINC ou s'il s'agit d'une route provinciale, mais je peux vous dire que dans la plupart des grandes immobilisations de notre ministère, il y a une procédure prévue au niveau régional. Des plans d'immobilisations sont préparés et tout grand projet doit être inscrit au plan régional. C'est dans ce cadre-là que sont établies les priorités.

Comme il y a toujours beaucoup plus de choses à faire qu'il n'y a d'argent pour les faire, il faut établir des priorités. Le budget des immobilisations n'est pas strictement réservé au réseau routier. Il doit aussi servir à la construction des écoles, des canalisations d'eau et d'égout, de tous les services de types municipaux sur les réserves. Tout cela est inclus.

Dans chaque cas on procède à une évaluation afin d'établir le rang de priorité du projet. Je ne peux rien vous dire du cas que vous avez mentionné, mais l'évaluation tient compte du plus grand nombre d'éléments possible. Les propositions de développement économique sont prises en compte, mais elles ne constituent pas le seul facteur. On tient compte également des autres activités locales. On regarderait aussi s'il y a d'autres moyens d'accès que cette route. Les plans sont établis au niveau de la région.

M. Derrek Konrad: Bien entendu, tous les habitants du village vont maintenant faire leurs courses ailleurs, depuis que c'est devenu si facile. Ils vont maintenant faire leurs achats à Nipawin ou à Prince Albert. Ce n'était pas tout à fait l'effet recherché.

Mme Cynthia Williams: J'espère qu'il y a aussi des entreprises qui vont s'y installer.

M. Derrek Konrad: Je veux dire par là que le développement ne va pas toujours dans le sens espéré. Quand vous vous lancez dans ces entreprises, êtes-vous sûrs qu'elles vont permettre de maintenir et de renforcer ce qui existe déjà?

Mme Cynthia Williams: Nous essayons certainement de tenir compte de tous ces éléments, des questions d'accès vers l'extérieur, mais surtout, vers l'intérieur. Comme je l'ai dit, nous espérons que beaucoup de commerces seront intéressés à aller se situer plus près de la réserve, s'il y a possibilité de...

M. Derrek Konrad: J'aurais encore une question, si le temps le permet, s'il vous plaît. C'est à propos du type de développement économique.

Quels pourcentages de ce développement sont-ils reliés au tourisme, à l'industrie, aux forêts et aux mines? Pouvez-vous nous dire combien de dollars, ou quel pourcentage du total, ou quelque chose de ce genre?

Mme Cynthia Williams: Je n'ai pas fait ce calcul.

M. Glen Bailey: Nous n'avons pas fait un calcul par secteur. Mais je dirais que dans le cadre du Fonds d'intégration—à vue d'oeil—la moitié des projets au moins sont reliés de près ou de loin au secteur des ressources. Surtout lorsqu'il s'agit de la population des réserves et du lancement de nouvelles entreprises, ce sont souvent des régions éloignées où les ressources jouent un rôle très important.

• 1640

Entreprise Autochtone Canada, plutôt que le MAINC, a fait du tourisme une de ses priorités et nous collaborons dans ce domaine. Il y a eu notamment le Musée culturel de Woodland, avec les Six Nations, qui attire beaucoup de gens à cette réserve. Il attire beaucoup de visites scolaires et de tourisme et il y a un projet de développement touristique en cours avec la ville de Brantford en vue de profiter de la présence de la réserve et de la possibilité de se renseigner à la source sur l'histoire des Autochtones au Canada.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Konrad.

J'aurais une faveur spéciale à demander. M. Wilfert voudrait parler et je voudrais vous demander si cela vous dérangerait qu'on lui donne la parole.

M. Claude Bachand: Est-ce que c'est une procédure habituelle?

Le président: Non, monsieur Bachand.

M. Claude Bachand: Vous me demandez de faire une exception?

Le président: Oui, s'il vous plaît.

M. Bernard Patry: Je pense que ça peut se faire.

M. Claude Bachand: Alors, dans ma grandeur d'âme, je vous accorde la permission de le faire, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Bachand.

Monsieur Wilfert, vous avez la parole.

[Traduction]

M. Bryon Wilfert: Merci, monsieur le président. Je remercie également mon collègue.

M. Claude Bachand: Je vous en prie.

M. Bryon Wilfert: Excusez-moi, mesdames et messieurs. J'étais absent, mais comme l'a dit le président, on ne vous fournit pas de patins à roulettes ici.

J'ai trouvé votre dernier commentaire très intéressant car il a trait à ce que j'allais vous demander. Vous avez parlé de Brantford et de tourisme. Dans tout l'exposé que vous nous avez lu, ainsi que dans le document «Rassembler nos forces» dont Tom a parlé, il est question de la base locale, de renforcer le développement économique à la base. Nous en arrivons donc à un de mes sujets favoris, le rôle des municipalités en tant que locomotives économiques et, bien sûr, le centre pour les affaires municipales autochtones à Ottawa qui est le fruit de la collaboration entre votre ministère et la Fédération canadienne des municipalités. En tant qu'ancien président de cet organisme, je tiens à insister fortement sur la nécessité de la collaboration, surtout entre les groupes et organismes autochtones et les autorités municipales. Et nous savons qu'il y a de nombreuses meilleures pratiques en cours.

Vous en avez mentionné une, en fait dans la propre circonscription du ministre, ce qui montre qu'il y a aussi de grands succès. Quand nous parlons de développement économique, nous parlons des provinces, d'une région, et nous tournons autour du pot, sans jamais le dire ouvertement. Toute politesse constitutionnelle mise à part, le fait est que pour établir des partenariats solides, il faut des données sur les besoins des collectivités, et ces données se trouvent bien évidemment dans les ministères du développement économique ou les centres municipaux. Il y a de nombreuses pratiques, y compris en Saskatchewan, en Colombie-Britannique, etc., où l'on fait ce genre de choses.

J'aimerais savoir dans quelle mesure vous participez à cela, jusqu'ici, et quel genre de possibilités vous voyez pour l'avenir.

Mme Cynthia Williams: Monsieur le président, je pourrais peut-être parler de notre relation avec la fédération canadienne des municipalités et Glen pourra vous donner quelques exemples d'initiatives lancées avec des municipalités.

Nous avons été enchantés lorsque la fédération, il y a un an et demi environ, a inauguré un certain nombre d'activités pour promouvoir les relations municipales autochtones. À ma plus grande satisfaction, un membre de mon équipe est allé travailler à la fédération sur ce dossier, ce qui nous permet d'explorer toutes ces possibilités et d'établir des ponts avec nos propres initiatives.

Je voudrais également souligner ce que vous disiez. Nous avons dit plus tôt que beaucoup d'entreprises—et dans les Premières nations, elles sont petites—servent les marchés locaux. La relation avec les communautés avoisinantes est donc essentielle. Nous avons d'innombrables exemples qui démontrent combien une bonne relation de travail entre la collectivité des Premières nations et les autorités municipales produit une situation où tout le monde est gagnant. Il me vient à l'esprit un certain nombre d'exemples. Nous sommes très heureux que la Fédération canadienne des municipalités ait fait de ce sujet une priorité et nous collaborerons avec grand plaisir avec elle.

M. Glen Bailey: Je voudrais simplement mentionner une association qui s'appelle CANDO, qui offre du soutien aux agents du développement économique des collectivités basés dans les localités autochtones. Avec un peu d'aide de notre part, elle a notamment élaboré un programme d'accréditation qui est offert dans plusieurs collèges communautaires au Canada.

• 1645

J'étais récemment à Edmonton où j'ai rencontré la personne responsable; elle m'a dit qu'il y a une association des agents du développement économique municipal qui n'a pas ce même type de programme de formation. Des discussions sont en cours pour voir si ce programme pourrait être adapté et servir à la formation des agents du développement économique municipal. Voilà un exemple intéressant des relations qui peuvent naître.

Dans ce domaine, nous sommes également en contact avec nos collègues d'Agriculture Canada pour rechercher des partenariats ruraux. Eux aussi cherchent des partenariats où tout le monde est gagnant. Ils ont notamment parrainé une série de foires rurales. Nous les encourageons à trouver le moyen de faire participer plusieurs collectivités à ces foires afin qu'elles commencent à jouer un rôle et à se percevoir davantage comme un ensemble.

Voilà le genre de possibilités que nous voyons pour l'avenir.

Le président: Monsieur Moore.

M. James Moore: Merci, monsieur le président.

Je voudrais ajouter que dans le Nord, dans le Yukon aussi bien que dans les Territoires du Nord-Ouest et j'imagine qu'il en ira de même bientôt pour le territoire de Nunavut—le développement économique est le fruit d'un solide partenariat des collectivités et municipalités dans l'ensemble du Nord. Dans l'Arctique de l'Ouest, par exemple, le gouvernement territorial a placé dans chaque municipalité et collectivité des agents du développement économique. Il y a donc aussi des liens très étroits dans cette région-là.

M. Bryon Wilfert: Je crois fermement aux vertus de la collaboration et à la possibilité de situations satisfaisantes pour tout le monde. Il est essentiel de ne pas considérer des entités séparées, mais plutôt de chercher à construire des ponts. Si on peut le faire à la base, on peut le faire partout.

[Français]

Merci, monsieur Bachand.

Le président: Merci, monsieur Wilfert.

Monsieur Bachand.

[Traduction]

M. Claude Bachand: J'allais poursuivre dans la même veine que M. Konrad. J'ai craint un instant que vous ne suggériez que l'on coupe la route ou fasse sauter le pont pour ne promouvoir le développement économique que dans une seule localité. Me voilà rassuré.

[Français]

Je voulais vous parler aussi du développement économique. À mon point de vue, il y a un volet du développement économique dont on ne parle pas souvent. On parle souvent du développement économique relié au secteur privé, mais je voudrais vous adresser une première question sur le développement économique relié au secteur public.

Je voudrais vous donner, entre autres, l'exemple du Nunavut, qu'on a abordé cette semaine, où l'on propose la création, assortie d'une formation, de 600 à 700 emplois autour de la nouvelle institution qu'est l'Assemblée législative du Nunavut, qui sera prête le 1er avril 1999. Je trouve que de 600 à 700 emplois sont un apport important dans une région comme le Nunavut, car cela peut faire augmenter la consommation. En effet, les gens devraient dépenser plus et cela pourrait amener la création de nouvelles entreprises reliées à cette hausse de la consommation. C'est donc un aspect important.

Je voudrais également connaître la stratégie du ministère des Affaires indiennes sur le fait que l'on confie de plus en plus aux communautés inuits ou autochtones la responsabilité de la conduite des affaires de l'État, puisqu'il y a des développements du côté de l'autonomie gouvernementale. C'est donc une chose extrêmement importante et je voudrais savoir si le ministère a développé une stratégie pour encourager cette prise en charge.

Naturellement, il ne faut pas aller à l'autre extrême et tomber dans une bureaucratie excessive, comme celle qu'on a déjà vue au fédéral, et faire en sorte que le secteur public devienne plus gros que le secteur privé. Il y a donc des limites.

Je sais qu'en ce qui concerne les communautés éloignées en particulier, les différents programmes étaient décidés à partir d'Ottawa. Mais maintenant, comme on veut décentraliser ces programmes, on va créer plus d'emplois du secteur public dans ces communautés-là.

Particulièrement en ce qui concerne le Nunavut, on veut aussi décentraliser le gouvernement, ce qui va faire en sorte que ces emplois-là vont se répartir sur l'ensemble du territoire, créant ainsi de la richesse. J'aimerais donc que vous nous expliquiez quelle stratégie vous développez concernant l'investissement par le secteur public.

• 1650

Pour ce qui est du secteur privé, j'aimerais avoir quelques renseignements. Monsieur Moore, vous avez donné l'exemple des mines de diamants. Moi, je vais vous donner l'exemple de Voisey's Bay. Il y a un village innu à quelques dizaines de kilomètres appelé Davis Inlet. Vous avez parlé tout à l'heure des possibilités de joint-venture ou de cogestion avec des entreprises privées sur des terres revendiquées par des autochtones.

Une chose m'a paru épouvantable quand je suis allé là-bas. J'y suis allé deux fois. J'ai vu que l'on demandait 80 millions de dollars pour déménager le village dans un endroit plus vivable. Pendant ce temps, Voisey's Bay était là, on brassait des milliards de dollars à la Bourse et il n'y avait rien qui revenait aux autochtones. Le ministère des Affaires indiennes a-t-il la possibilité de convaincre l'entreprise privée de partager ses gains sous forme de royautés, de création d'emplois ou autre chose? Quelle est votre capacité de convaincre l'entreprise privée de partager cette richesse, particulièrement sur des terres revendiquées?

[Traduction]

Un témoin: Merci, monsieur le président. Comme il est question du Nord, je répondrai avec plaisir. Ma collègue, Mme Williams, pourra peut-être ajouter quelques choses pour les régions au sud du 60e parallèle.

Tout d'abord, en ce qui concerne le développement économique découlant de la création d'institutions publiques, et du fait que le gouvernement de Nunavut recrutera environ 600 employés au cours des deux à trois prochaines années, on prévoit une décentralisation rapide d'un bon nombre de ces emplois dans les collectivités avoisinantes pour qu'Iqaluit ne soit pas la seule à en bénéficier. Vous avez tout à fait raison. Il y a là une forme de développement économique tout à fait réelle et nécessaire dans le cas de Nunavut, et les retombées pour les autres communautés seront presque immédiates. Et cela ne s'arrêtera pas à ces emplois. Il faudra construire des bureaux, des logements, et d'autres infrastructures pour accueillir ces employés. Il y aura d'autres retombées et gains de ce point de vue là.

En ce qui concerne la possibilité de convaincre le secteur privé en matière de développement économique, nous avons beaucoup de chance, d'une certaine manière, surtout dans l'Ouest de l'Arctique avec les diamants, puisque les collectivités autochtones sont très présentes. Le gouvernement du Territoire et les autres institutions publiques ont encouragé l'industrie à s'assurer que les Autochtones profitent également des activités d'exploration et d'exploitation. Et nous avons la preuve qu'ils en bénéficient effectivement. C'est donc là aussi un instrument viable qui semble donner de bons résultats dans bien des cas.

Une autre chose que je voulais mentionner à propos de Nunavut, c'est que nous avons fixé un objectif: avec l'aide d'un programme de formation, nous voulons que 50 p. 100 des employés recrutés à tous les niveaux de la fonction publique soient des Inuits. Ceux-ci saisissent les occasions de formation et d'apprentissage qui leur sont offertes. Mais il faut là aussi l'aide du gouvernement fédéral, et cela entraîne également une forme de développement économique dans le Nord.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Mme Cynthia Williams: J'aimerais dire quelques mots pour la région au sud du 60e parallèle. Je suis tout à fait d'accord avec le député. Le gouvernement est un des principaux employeurs dans les collectivités des Premières nations, et il ne faut surtout pas négliger l'importance des emplois du secteur public pour ces communautés. Cela ne changera pas.

Notre analyse... Vous demandiez quelle est notre stratégie. D'une part, nous continuerons de nous assurer que les personnes qui travaillent dans les institutions gouvernementales des Premières nations aient les compétences et les capacités nécessaires à une carrière dans la fonction publique—et en particulier je pense qu'il faut s'assurer qu'il y aura dans ces institutions une capacité de planification économique. Je commencerai donc par reconnaître avec vous l'importance du secteur public surtout, comme vous l'avez dit, dans les collectivités rurales et isolées.

• 1655

Cela dit, quand nous regardons vers l'avenir, nos analyses indiquent que la croissance des économies autochtones viendra du secteur privé. Les institutions gouvernementales ont été mises en place au cours des dernières années, et il était essentiel que les Premières nations aient des institutions solides, avec une bonne capacité; mais pour l'avenir, nous cherchons des possibilités de création de richesse et de développement économique durable. Nous estimons, d'accord avec les Premières nations, que ce développement devra venir du secteur privé, et c'est donc là que nous concentrerons notre attention à l'avenir.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Bachand. Merci, madame.

Nous allons passer à Mme Karetak-Lindell qui a la parole pour cinq minutes. Elle sera suivie de M. Earle pour terminer.

[Traduction]

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

Comme le disait M. Moore, il est vrai qu'une bonne partie du développement économique que nous espérons viendra du gouvernement du Territoire du Nunavut et de ses employés. Quand on crée des emplois dans une collectivité, on crée en même temps une demande de service et parmi ceux-là j'espère qu'il y aura des services bancaires. Il n'y a qu'une seule banque dans chacune des trois régions qui constituent le Nunavut, et les services à distance ne sont pas encore très répandus. La plupart des gens ne traitent pas avec des banques; ils ont donc souvent du mal à comprendre les initiatives portant sur l'accès au capital, par exemple.

Parlant d'accès à ces initiatives, c'est une question qui me préoccupe toujours au niveau local. Je trouve que nous ne facilitons pas suffisamment l'accès à ces fonds. Comment les gens peuvent-ils avoir accès à ces programmes de financement? Doivent-ils passer par les ministères territoriaux? Y aurait-il moyen de faire savoir aux gens où ils doivent s'adresser pour de tels programmes?

Autre chose: quelques organisations de ma circonscription ont écrit au ministre des Affaires indiennes pour essayer de lui présenter une demande. Elles ont aussi envoyé des copies conformes à mon bureau. Beaucoup d'initiatives visant les autochtones sont difficiles d'accès pour les organismes et compagnies inuits car elles s'adressent plus spécifiquement aux Premières nations. Où en est cette lettre au ministre demandant la création de programmes de financement plus spécifiquement adressés aux Inuits?

Merci.

Le président: Monsieur Moore.

M. James Moore: Merci, monsieur le président. Je vais au moins essayer de répondre à la première question.

Il y a au Nunavut diverses sources de financement pour le développement économique. Comme vous le savez, il y a notamment quatre sociétés inuites d'aide au développement économique des collectivités. Chacune est située dans une localité différente. Il y en a une à Iqaluit, une autre à Rankin Inlet, une autre à Cambridge Bay. La quatrième, qui dessert l'ensemble du territoire, se trouve également à Cambridge Bay. De manière générale, ces sociétés offrent de l'aide pour la création d'entreprises, les plans de formation, et l'accès au capital de développement.

• 1700

Notre ministère a également deux programmes, plus modestes, d'aide au développement économique autochtone. Ce sont le Fonds d'intégration et le Fonds de négociation de l'accès aux ressources. Il suffit de communiquer avec le bureau régional du MAINC à Yellowknife.

En outre, les Inuits et les habitants du Nunavut peuvent également s'adresser à Entreprise Autochtone Canada, qui est un programme d'Industrie Canada. Je n'ai pas beaucoup d'information à ce sujet, mais je peux essayer de vous en obtenir.

Il y a également un programme fédéral pour le développement de la petite entreprise, intitulé Développement des collectivités, accessible dans tout le Canada, y compris dans les collectivités inuites.

Et puis, il y a aussi toute une gamme de programmes disponibles auprès du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Je n'ai pas les détails ici, mais je m'engage à vous les donner.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Moore.

Mme Cynthia Williams: Je vous promets que je m'informerai sur ce qui est advenu de la lettre et que je transmettrai la réponse à votre bureau.

[Français]

Le président: Merci, madame.

Je donne la parole à M. Earle, puis nous terminerons avec M. Finlay.

[Traduction]

M. Gordon Earle: Merci, monsieur le président.

Nous avons parlé tout à l'heure d'une stratégie du développement économique pour le Nord, et vous avez mentionné l'exploitation minière. Je vous ai alors posé une question à propos des redevances. Je me demande s'il n'y aurait pas moyen de distribuer une partie des redevances provenant de l'activité minière aux collectivités autochtones qui n'en bénéficieraient alors pas seulement par la création d'emploi. Autrement dit, peut-on utiliser les redevances pour corriger un bon nombre des problèmes en matière de santé, de logement, et autres?

J'aimerais ajouter un autre élément à cette question. Dans le contexte de la stratégie pour le Nord, fait-on quelque chose pour assainir les sites contaminés par d'anciennes activités industrielles?

M. James Moore: Merci, monsieur le président.

Il y a peut-être bien d'autres possibilités de partage des ressources et des revenus avec les autochtones. Nous commençons à peine, mais nous explorons avec le gouvernement territorial des façons nouvelles de partager les ressources de manière à ce que les groupes autochtones bénéficient des retombées. Il est encore beaucoup trop tôt pour dire si nous aurons effectivement une nouvelle stratégie, mais nous y travaillons.

Deuxièmement, il est encore trop tôt pour savoir si l'assainissement des sites contaminés pourrait constituer un élément d'une stratégie de développement économique dans le Nord. Je dis qu'il est trop tôt parce que les priorités seront établies lorsque nous aurons eu la possibilité d'en discuter avec nos partenaires dans la région. Mais il se pourrait bien que l'on engage des dépenses supplémentaires dans ce secteur, dans le contexte d'une stratégie de développement économique. L'expérience a démontré que ce type d'activité peut avoir des retombées importantes sur la création d'emplois.

M. Gordon Earle: J'aimerais terminer avec ce sujet. Si j'ai posé la question, c'est parce que l'histoire nous a montré que très souvent nous exploitons les ressources d'une région, mais les avantages, les bienfaits durables de cette exploitation sont exportés loin de la région, par les compagnies privées ou par les gouvernements et servent à autre chose. Je crois qu'il est assez tôt dans cette phase de développement pour que nous puissions veiller à éviter cela et nous assurer que les avantages économiques provenant de l'exploitation des ressources sont réinvestis dans la région dans l'intérêt de la population.

Il me paraît également très important de réparer les dégâts laissés par l'exploitation de l'uranium, par exemple, afin que nous ne semions pas ce genre de traces tout au long du chemin. Je crois qu'il est très important d'en discuter dès le début si nous voulons véritablement agir en partenaires.

Merci.

Le président: Monsieur Finlay.

M. John Finlay: Merci, monsieur le président.

Nous savons que le chômage des jeunes est un problème dans tout le pays, mais il est encore plus important dans les réserves. Vous avez mentionné un certain nombre de programmes dans votre exposé, madame Williams. Pouvez-vous nous dire ce que vous faites pour lutter contre ce problème-là en particulier?

• 1705

Mme Cynthia Williams: Je vous remercie de cette question. Puisque nous préparons les économies viables de l'avenir, il nous faut aussi investir dans la main-d'oeuvre qui fera fonctionner ces économies. Par conséquent, nous estimons qu'un élément très important de toute stratégie de développement économique doit être l'investissement dans la jeunesse et l'acquisition des compétences par cette jeunesse.

Comme vous l'avez dit, les jeunes qui vivent dans les réserves font face à d'énormes difficultés. Le taux de chômage est de deux fois et demie plus élevé que la moyenne nationale pour les jeunes, moyenne qui est déjà plus élevée que la moyenne nationale générale. La difficulté est donc énorme.

Cela dit, il y a quelques résultats encourageants, comme je l'ai dit dans mon exposé, surtout en ce qui concerne la participation aux études postsecondaires. Les statistiques publiées par Statistique Canada la semaine dernière rappelaient encore une fois aux Canadiens le lien direct qui existe entre le niveau d'éducation et le succès professionnel. Le taux de chômage parmi les diplômés universitaires est beaucoup, beaucoup plus faible que parmi ceux qui n'ont pas terminé leur scolarité.

De ce point de vue là, les résultats des Premières nations au cours des deux dernières décennies sont absolument fantastiques puisque de moins de 1 000 diplômés au début des années 70 nous arrivons maintenant à presque 30 000 diplômés universitaires.

En ce qui concerne plus précisément les programmes du MAINC pour les jeunes, nous avons la chance de pouvoir participer à la Stratégie Emploi Jeunesse que le gouvernement fédéral a annoncée en 1996 et qui a pris effet en 1997. Dans le cadre de cette stratégie, nous avons mis en place trois programmes dont je voudrais vous parler brièvement.

L'un a pour objectif d'aider les écoles des Premières nations à mettre sur pied des programmes d'alternance études-travail. Ceux-ci ont connu un énorme succès dans les provinces, et nous souhaitons que les Premières nations puissent également en profiter. Ces programmes viennent de démarrer l'an dernier et 129 écoles déjà y participent ou sont en train de les mettre sur pied. Ainsi, à la fin de leur scolarité, les élèves auront un CV et une expérience de travail. Cela leur permettra aussi de mieux choisir leur métier.

Pour les plus jeunes, nous avons également organisé, avec de l'aide, des camps d'été en sciences et technologie. Nous savons que pour soutenir le développement économique des collectivités, il est important que les étudiants renforcent leur capacité en mathématiques et en sciences. Là encore, il semble y avoir un lien direct, et la participation des étudiants des Premières nations aux programmes postsecondaires dans ces matières est proportionnellement inférieure. Nous essayons d'y remédier, avec l'aide des Premières nations, et nous avons notamment organisé ces camps d'été.

Nous avons aussi le Programme d'expérience de travail pour les jeunes. Il correspond au programme national qui a été mis sur pied dans ce secteur. L'une des plus grandes difficultés pour les jeunes c'est d'avoir cette première expérience de travail. Ce qu'il peut y avoir de plus décourageant pour un jeune, c'est de se voir refuser cette expérience. Il est important de pouvoir agir rapidement après l'obtention du diplôme. Nous avons donc mis sur pied un programme qui facilite les placements et subventionne les salaires. Comme je l'ai dit, il correspond de très près au programme national.

Globalement, 15 000 jeunes des Premières nations ont participé à ces programmes mis en place il y a juste un peu plus d'un an. Cela indique une véritable volonté de participation de leur part. Dans tous les cas, nous avons obtenu les fonds et déterminé les secteurs d'action, mais il appartenait aux collectivités des Premières nations elles-mêmes de demander le financement et de mettre en place le programme. Nous espérons pouvoir continuer dans les années à venir à investir dans les jeunes.

M. John Finlay: J'ai encore une petite question complémentaire.

J'ai lu le document que les attachés de recherche nous avaient préparé, et il y est question de collectivités et d'organismes des Premières nations et inuits. Ces programmes que vous avez mentionnés, comme les camps d'été, sont-ils réservés aux Autochtones ou peuvent-ils également être ouverts à des jeunes des localités avoisinantes, par exemple?

• 1710

Mme Cynthia Williams: Cet argent est prévu pour les élèves des Premières nations, mais certaines localités ont réagi en aidant leurs élèves à participer à des programmes ouverts à tous.

Par exemple, un grand nombre d'universités offrent actuellement des camps d'été en sciences et technologie, mais c'est plus difficile pour les autochtones d'y participer puisqu'ils sont généralement plus éloignés des universités. Il y a aussi toutes sortes d'autres raisons qui font que la participation des Premières nations était plus faible.

Il y a des programmes dans les réserves, dont certains sont très intéressants, mais il y en a d'autres auxquels la communauté a demandé accès. Bien entendu, c'est intéressant pour tous les participants, tant des Premières nations que les autres, d'avoir la possibilité de rencontrer des gens avec qui ils n'auraient pas autrement passé une partie de leur été.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Finlay.

Je tiens à vous remercier, messieurs, de votre bonne connaissance du dossier. Madame Williams, je tiens aussi à vous remercier parce que vous maîtrisez très bien votre dossier et que vous avez une excellente connaissance des projets autochtones et des aspects économiques. Je tiens à signaler votre leadership et à vous en féliciter.

Merci, messieurs.

Mme Cynthia Williams: Merci beaucoup.

Le président: Nous allons suspendre la séance pour quelques minutes, et nous reprendrons à huis clos. On va prendre deux minutes pour respirer.

Merci beaucoup.

[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos].