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SRSR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la science et de la recherche


NUMÉRO 069 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 4 décembre 2023

[Enregistrement électronique]

  (1610)  

[Traduction]

     Bienvenue à la 69e réunion du Comité permanent de la science et de la recherche.
    Conformément au Règlement, la réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride. Ainsi, les membres du Comité y participent en personne, dans la salle, ou à distance, à l'aide de l'application Zoom.
     J'aimerais énoncer quelques règles pour la gouverne des participants en mode virtuel. Vous pouvez vous exprimer dans la langue officielle de votre choix. Des services d'interprétation sont à notre disposition pour cette réunion. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir le parquet, l'anglais ou le français. Si l'interprétation est interrompue, veuillez m'en informer immédiatement, et nous veillerons à ce que le service reprenne adéquatement avant de recommencer les discussions.
    Pour les membres du Comité qui sont venus en personne, veuillez bien vouloir attendre que je vous aie nommément accordé le droit de la prendre. Lorsque vous parlez, veuillez vous exprimer lentement et clairement, pour faciliter la tâche à nos interprètes. Lorsque vous n'avez pas la parole, veuillez mettre votre micro en sourdine afin d'éviter que nos interprètes ne subissent des blessures aux oreilles.
    Pour le bon déroulement de la réunion, j’invite tous les participants à adresser leurs commentaires à la présidence.
    Je pense qu'on peut commencer. Conformément à l'alinéa 108(3)i) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 18 septembre 2023, le Comité reprend son étude sur l'intégration du savoir traditionnel et des connaissances scientifiques autochtones à l'élaboration des politiques gouvernementales.
    Maintenant, j'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    Nous accueillons les témoins suivants: M. Mark Bonta, géographe, qui arrive de la Pennsylvanie; Kyle Bobiwash, professeur adjoint; Jared Gonet, candidat au doctorat, Biologie de la conservation; Brenda Parlee, professeure, chaire UNESCO, Université de l'Alberta, qui se joint à nous depuis la Saskatchewan.
    Chaque témoin disposera de cinq minutes pour faire une déclaration d'ouverture. Viendront ensuite les questions des membres du Comité.
    Nous allons commencer par M. Bonta, pour cinq minutes.
    Je vous remercie. C'est un grand honneur pour moi d'être ici.
     Je discutais justement avec un collègue à propos du fait que je pouvais imaginer être invité à comparaître devant un comité parlementaire aux États-Unis. Je suis réellement impressionné.
    Les députés ayant consulté le mémoire que j'ai présenté savent que je ne suis pas un spécialiste du Canada. Je me suis rendu au Yukon et dans l'Arctique, mais en tant que chercheur, je m'intéresse avant tout aux pays tropicaux. Je possède ainsi une expérience considérable du Honduras, du Mexique, et surtout de l'Australie.
     Je vais maintenant aborder des sujets que vous avez probablement déjà étudiés ici. Je précise que mon champ d'expertise recouvre tant la géographie que la philosophie.
    Comme bien d'autres chercheurs universitaires, je m'intéresse principalement aux différentes manières d'opérer une synthèse entre les connaissances traditionnelles autochtones et les connaissances scientifiques occidentales. Les expériences de chaque pays à cet égard sont très diversifiées.
    Sans plus tarder, permettez-moi d'exposer quelques idées à ce sujet.
    À mon avis, les connaissances traditionnelles autochtones comme la science occidentale ne constituent pas des systèmes de connaissances monolithiques en soi. À titre de géographe, mon savoir se situe à la croisée des sciences sociales et des sciences naturelles. Les géographes divergent sur plusieurs principes fondamentaux, et même sur des concepts de base tels que la nature du temps et de l'espace. J'insiste donc sur le fait que les sciences occidentales et les connaissances autochtones ne sont pas monolithiques; il faut toujours les étudier dans toutes leurs nuances.
    L'objectif de tout chercheur est de tendre vers la vérité, mais cette vérité est bien trop souvent sujette à des interprétations politisées. Nous devons donc demeurer réalistes et vigilants lorsque nous nous engageons dans un tel processus de recherche des différents modes de connaissances.
    J'ai couché par écrit plusieurs de mes réflexions sur les connaissances traditionnelles autochtones. J'insiste notamment sur le fait que, bien que les connaissances autochtones peuvent être rassemblées au sein d'un même corpus, elles doivent être testées de manière empirique sur le terrain. Il ne s'agit pas seulement de connaissances théoriques dont les aînés sont les dépositaires; elles comportent également un aspect expérimental. Je pense que plusieurs d'entre vous comprennent ce que j'essaie d'expliquer.
    Ces connaissances traditionnelles autochtones comportent également un aspect éclectique. Il m'est arrivé par exemple de travailler avec un chaman au Mexique. Bien que faisant partie d'un groupe autochtone dépositaire d'un certain savoir ancestral, ce chaman est également parvenu à acquérir des connaissances de manière autodidacte. Le savoir n'est donc pas un objet statique appartenant au passé, il évolue constamment et varie en fonction des différents groupes humains et des différents lieux géographiques.
    Comme je l'ai dit, mon objectif est d'opérer une sorte de synthèse entre différents systèmes de connaissances. La science humaine hybride qui en découle nous permettra d'aborder différents enjeux et problèmes persistants auxquels nos sociétés sont confrontées. En ce qui concerne la lutte aux changements climatiques, par exemple, nous pourrions nous inspirer de connaissances autochtones. Nous devrions puiser dans différents savoirs afin de créer en quelque sorte une nouvelle science. Il ne s'agit pas simplement de dialoguer avec les peuples autochtones, mais d'étudier en profondeur la manière dont leurs connaissances peuvent enrichir la science.
     J'ai bien conscience que tout ce que j'ai dit jusqu'à présent peut paraître plutôt abstrait et général.
    J'ai eu l'occasion d'écrire à propos de ces thématiques dans le contexte du Territoire du Nord en Australie. Il s'agit en effet d'une région qui a permis à la communauté scientifique de réaliser de grandes avancées. Les communautés autochtones de cette région sont propriétaires des terrains, et elles ont l'habitude d'embaucher des chercheurs de différentes disciplines. J'ai moi-même fait partie d'une équipe de chercheurs chargée d'étudier les rapaces cracheurs de feu, ce qui a mené à des découvertes dans le domaine de la gestion des incendies et de la restauration des terres. Il s'agit également d'une chance inouïe de pouvoir... Les chercheurs ont ainsi l'occasion de mettre en commun leurs découvertes et d'approfondir leurs connaissances. Le savoir hybride ainsi créé va bien au‑delà de chaque discipline scientifique prise de manière indépendante.
     J'aurais encore bien des choses à dire, mais il me reste trop peu de temps. Cinq minutes, c'est très court.
    Je conclurai ma présentation en vous rappelant que mes travaux actuels portent sur la communication inter-espèces chez les oiseaux. On sait que les oiseaux sont capables non seulement de communiquer entre eux, mais également avec d'autres espèces animales, dont l'humain. Les oiseaux ont développé au fil du temps leur propre langage, et il est possible pour les humains de leur parler. Je pourrais vous fournir des exemples très précis à ce sujet. Voilà sur quoi portent entre autres nos travaux en Australie. Bien entendu, les ornithologues étudient eux aussi ce sujet, et sont en train d'en tirer des enseignements intéressants.

  (1615)  

    Je vous remercie.
    Merci beaucoup de votre témoignage. J'espère que nous pourrons aborder une partie du reste dans les questions et réponses.
    Monsieur Bobiwash, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Français]

    Monsieur le président, membres du Comité, je vous remercie de l'invitation.
     Au fil de mes expériences dans les communautés autochtones, les services publics et les milieux universitaires, comme professeur ou comme étudiant, la facilitation des savoirs et des sciences autochtones dans le cadre du système scientifique canadien devient, de plus en plus, ce qui guide ma carrière et ma vie.

[Traduction]

    L'intégration ou le maillage du savoir autochtone et de la science autochtone devient de plus en plus une priorité dans le monde. Les défis à relever sont nombreux: la conservation de la biodiversité planétaire, l'atténuation des changements climatiques ou à l'adaptation à ceux‑ci, l'établissement d'une économie carboneutre, la sécurité et la souveraineté alimentaires. Ainsi, tout ce que nous pouvons faire pour nous doter de moyens et d'infrastructure pour favoriser l'intégration et le financement de la science autochtone aidera le Canada à adopter des politiques et des cadres décisionnels éprouvés qui optimiseront l'utilisation du savoir de ceux et celles qui sont souvent les plus proches de la nature et qui composent depuis le plus longtemps avec bon nombre des phénomènes et des systèmes que nous souhaitons étudier.
    Comme le Comité l'a entendu, la science autochtone est un système de connaissances localisé qui répond aux besoins des populations locales et qui améliore nos relations et nos responsabilités les uns envers les autres, entre humains, entre espèces ou dans des paysages particuliers, mais au‑delà de cela, la science autochtone se fonde sur des indicateurs et des valeurs distincts.
    Chez les Anishinabes, le peuple auquel j'appartiens, nous avons divers enseignements, comme les enseignements des sept grands-pères, ou des principes comme le concept de la septième génération qui aident non seulement à orienter nos décisions et le développement scientifique d'aujourd'hui, mais aussi à évaluer la qualité de nos observations scientifiques et de nos décisions pour l'avenir des générations à naître et même de leurs enfants.
    Au Canada, nous avons des chercheurs parmi les meilleurs au monde en santé, en gestion des ressources naturelles, en ingénierie, en biologie de conservation et dans bien d'autres domaines. Pourtant, malgré une interaction plus importante que jamais avec la science grâce à la technologie et aux produits de la science, les plus jeunes générations de Canadiens sont exposées à une espérance de vie plus courte, à une plus grande insécurité économique, à de plus grands risques pour la vie et la subsistance à cause des changements climatiques. Ils risquent par ailleurs, et cela m'interpelle tout particulièrement, de vivre dans des écosystèmes et des environnements moins diversifiés, moins beaux et moins résilients.
    La science autochtone ne résoudra pas les problèmes à elle seule. Cependant, c'est en créant des mécanismes qui font place à la science autochtone et à l'autodétermination dans la science que nous pourrons accroître la rigueur de nos approches scientifiques actuelles. Nous pouvons améliorer la transparence et la confiance envers notre science et les décisions qui en découlent. Nous pouvons aussi trouver de meilleures façons de mettre en œuvre, de diffuser, de mobiliser et de traduire la science pour les divers intervenants et les titulaires de droits.
    Grâce à diverses mesures comme l'établissement de priorités scientifiques par les Autochtones et l'évaluation scientifique autochtone, nous pouvons favoriser des initiatives scientifiques et un financement qui contribueront au bien-être des gens sur le plan personnel, économique ou sociologique, encore une fois. Du même coup, nous pouvons renforcer le sentiment ou l'idée que les investissements dans les sciences de toutes sortes, autochtones et non autochtones, amélioreront la vie des gens, leurs environnements et leurs milieux de travail.
    La science et la technologie mises au point par les nations autochtones sont déjà intégrées à nos systèmes scientifiques, ainsi qu'à nos économies nationale et mondiale, qu'il s'agisse d'améliorer notre capacité de surveiller la glace en mer ou les changements environnementaux ou de fournir aux phytogénéticiens des caractères végétaux modernes pour développer de nouveaux cultivars résistants à la sécheresse ou aux agents pathogènes.
    Cependant, une grande partie de ce travail n'est pas reconnu et, surtout, il est sous-financé. C'est cet éternel manque de financement qui mine l'efficacité de nos stratégies et de nos systèmes scientifiques. Si les professeurs comme moi ont la chance de pouvoir consacrer du temps aux questions fondamentales associées à l'agriculture durable ou à la conservation bénéfique des insectes, nombreux sont les éducateurs et détenteurs de savoir dans nos collectivités qui ne bénéficient pas du même soutien financier pour continuer de développer et de renforcer leurs systèmes de savoir locaux.
    De même, bien qu'il y ait toujours place à l'amélioration, le financement et les ressources consacrés à la formation de la prochaine génération de scientifiques (nos étudiants de premier et deuxième cycles) sont accessibles de diverses façons dans le milieu universitaire, tandis qu'au sein des communautés autochtones, il est beaucoup plus difficile d'avoir accès à du financement pour la prochaine génération de détenteurs du savoir, souvent en raison de la structure des programmes ou des mécanismes de financement.
    Outre ces problèmes, que je considère comme relativement faciles à résoudre, il y a des défis de plus grande envergure, qui nécessiteront une collaboration entre le Canada, les provinces et les territoires, le milieu universitaire, les communautés autochtones et l'industrie. Un détenteur du savoir autochtone ou un scientifique autochtone a besoin d'un réseau de structures de soutien et de sensibilisation toute sa vie durant, il doit bénéficier d'un espace éthique où les connaissances scientifiques et autochtones peuvent s'entremêler, interagir et être enseignées en parallèle, au besoin, pour donner lieu à des politiques plus éclairées.

  (1620)  

     Il faudra déployer des efforts considérables de manière concertée pour soutenir le développement professionnel de tous les acteurs de l'écosystème scientifique, que ce soit les personnes qui recueillent les données, les décideurs qui utilisent ces données ou encore les enseignants en sciences dans les écoles et les communautés.
    Le travail accompli par le Groupe interministériel fédéral sur les sciences, les technologies, l'ingénierie et les mathématiques autochtones du Canada (Groupe STIM‑A) ne soutient pour l'instant qu'une fraction des efforts en question. Le Groupe STIM‑A...
    Malheureusement, je dois vous interrompre. Je voulais vous laisser placer une dernière phrase. Merci de votre présentation.
    Nous sommes dans les délais.
    Je cède la parole à M. Jared Gonet, qui se joint à nous par vidéoconférence.
     Merci, mesdames et messieurs, de prendre le temps d'écouter mon point de vue et celui de plusieurs autres témoins sur ce sujet important.
    Je suis un membre des Premières Nations. Je possède des liens familiaux étroits avec la Première Nation Carcross Tagish et la Première Nation Taku River Tlingit. Les membres de ma famille se trouvent un peu partout entre Fort Liard et Whitehorse, mais j'appartiens officiellement à la Première Nation Taku River Tlingit.
    Mes études doctorales portent sur les liens possibles entre les efforts de conservation et le savoir traditionnel autochtone. J'étudie sous différents angles la contribution que pourrait apporter ce savoir à la science.
    Le contexte est important. Par exemple, votre travail s'inscrit dans le parcours vers la réconciliation, auquel nous aspirons tous, mais les nations autochtones, elles, veulent mettre de l'avant leurs propres systèmes de savoir. La réconciliation va de pair avec la reconnaissance de la vérité telle que l'expérience vécue par mes grands-mères dans les pensionnats, et celle de ma mère. L'une d'elles est restée dans un de ces établissements pendant 14 ans.
    Voici ce qu'a écrit l'autrice tlingite Ernestine Hayes:
Les premiers habitants se sont fait dire de parler la nouvelle langue et de porter les nouveaux vêtements. On leur a dit de récolter les richesses de l'océan au nom du profit au détriment de l'équilibre. On leur a dit que les poissons formant le peuple des saumons étaient en fait des choses.
    En raison du passé récent, la transmission du savoir traditionnel autochtone se bute à un manque de confiance. Pour remédier à ce problème, je recommande d'encourager les peuples autochtones à transmettre leurs connaissances conformément à leurs lois, ainsi que de les aider à préserver ces connaissances au niveau des communautés, comme le préconise l'une de mes mentores, l'aînée Norma Kassi.
    Il sera difficile de comparer directement la science et le savoir traditionnel autochtone étant donné que celui‑ci constitue un système composé de diverses éthiques, philosophies, lois et modes de relation avec les espèces non humaines. Les détenteurs du savoir font partie de ce système et peuvent guider les personnes qui souhaitent mieux intégrer les éléments autochtones dans la science.
    Je recommande d'accepter que le savoir autochtone soit mis de l'avant par les autorités au sein des collectivités autochtones. Les politiques et les lois doivent octroyer aux aînés le rôle de conseillers et reconnaître leur sagesse. Elles doivent aussi — M. Bobiwash vient de le mentionner — soutenir la mise en place d'un espace qui fera naître la prochaine génération de détenteurs du savoir, comme le propose le mentor Mark Wedge, aîné du clan Deisheetaan de la Première Nation Carcross Tagish. Les gardiens des terres et les aires protégées et de conservation autochtones sont des questions importantes.
    Il existe de nombreuses visions du monde au sein des nations autochtones. La terminologie est donc très importante. Par exemple, dans plusieurs régions du Yukon, ce qu'on appelle la planification des relations, et non pas la planification de la gestion, est amorcée. Cette pratique aide à maintenir les liens avec nos frères non humains sur le plan émotionnel, spirituel, mental et physique. Chez moi, dans le sud du Yukon, nous devons maintenir ces relations dans l'esprit des lois qui prônent le respect, le partage et la bienveillance. Cela fait partie des changements systémiques apportés pour intégrer davantage le savoir traditionnel autochtone dans les politiques.
    La matriarche du clan Ishkahittaan Edna Helm, de la Première Nation Carcross Tagish a bien décrit la vision du monde du peuple tlingit de l'intérieur des terres. Il faudrait, selon elle, considérer les caribous comme nos protecteurs, et non pas l'inverse. Une autre application concrète de la vision du monde des Premières Nations est revendiquée par Joe Copper Jack. Selon ce défenseur des droits de ceux qui ne peuvent pas se faire entendre, les caribous devraient être assis à la table lors des discussions portant sur les décisions qui les touchent, sur les futures générations ou sur d'autres questions pertinentes.
    Les peuples autochtones voient souvent le monde de manière holistique selon laquelle nous sommes tous des membres égaux d'un vaste réseau de la vie dont nous devons honorer les dimensions spirituelles et émotionnelles, selon ce que me disait souvent un aîné du clan Daḵlʼaweidí, fe Norman James. Cette philosophie est également inscrite dans un document intitulé Together Today for Our Children Tomorrow qui avait été présenté au premier ministre Pierre Elliott Trudeau en 1973 et qui a déclenché le processus des traités au Yukon. Je recommande que les politiques reconnaissent l'amour qui imprègne ce document et qu'elles rendent hommage à la grande équité entre nous et les autres parties des terres et des eaux.
     Une aînée du Yukon aujourd'hui décédée, Virginia Smarch, disait que nous faisions partie des terres et des eaux. Bon nombre des membres des Premières Nations croient que c'est littéralement le cas et que la destruction des terres et des eaux provoquerait la destruction du savoir traditionnel autochtone et de l'espèce humaine. Nous nous efforçons d'enseigner aux autres comment agir en harmonie avec les terres et les eaux. Au Yukon, l'initiative How We Walk with Land and Water a d'ailleurs été mise en place. Par conséquent, je recommande que la souveraineté des Autochtones sur les terres et les eaux soit reconnue et que de véritables pouvoirs décisionnels sous forme de cogestion ou de processus relationnels communs participent à l'intégration du savoir traditionnel autochtone dans les politiques du gouvernement ainsi qu'à l'orientation que ce dernier peut leur donner.
     La réconciliation va également de pair avec la guérison pour que survive le savoir traditionnel autochtone haa kusteeyi des Tlingits, dan’ke des Tutchones du Nord et des Tutchones du Sud, tr’ehude des Hans, ou Tr'ondëk Hwëch'in, et dene k’éh de Kaskas. Je viens d'énumérer les noms donnés au savoir traditionnel autochtone au Yukon et à certains endroits en Colombie-Britannique. Ce savoir, tout comme les nombreux autres au Canada, doit orienter les politiques en vue d'instaurer une société plus juste et plus durable.
    Merci.

  (1625)  

     Merci.

  (1630)  

    Merci de votre témoignage.
    Nous passons à Mme Parlee pour la dernière déclaration de cinq minutes.
     Merci de me donner l'occasion de m'entretenir avec vous aujourd'hui.
    J'aimerais d'abord reconnaître que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel et non cédé de la nation algonquine.
    Je suis une professeure non autochtone à l'Université de l'Alberta, sur le territoire du Traité no 6 et sur le territoire des Métis. Comme cela a été mentionné, je suis cotitulaire d'une chaire UNESCO avec Danika Billie Littlechild et Mariam Wallet Aboubakrine. En collaboration avec plusieurs autres partenaires fantastiques, nous dirigeons le projet Arramat. Cette initiative de six ans financée par les trois organismes subventionnaires canadiens soutient la recherche menée par des Autochtones sur la biodiversité, la conservation, la santé et le bien-être.
    Depuis plus de 25 ans, je mène des recherches au Canada et à l'étranger dans un domaine au croisement du savoir traditionnel, de la science et de la gestion des ressources naturelles. Aujourd'hui, je vais vous faire part de mes réflexions en reconnaissance des nombreux peuples autochtones avec lesquels j'ai travaillé au fil des ans.
    Il est impossible de parler des liens entre la science et le savoir traditionnel autochtone sans souligner la représentation inéquitable qui saute aux yeux dans les établissements postsecondaires et dans les gouvernements. Des préjugés importants, notamment dans la région Nord des provinces, empêchent certaines personnes d'avoir accès aux ressources nécessaires pour produire des connaissances et se faire entendre par des instances gouvernementales, tel le Comité. Le simple fait que ce soit moi qui prenne la parole aujourd'hui, et non pas de grands chercheurs autochtones du Nord tels que Nicole Redvers ou des figures publiques telles que Herb Nakimayak, du Conseil circumpolaire inuit, démontre la présence au Canada de préjugés dérangeants voulant que les connaissances soient plus ou moins importantes selon la personne qui les possède.
    Un stéréotype répandu veut que le savoir traditionnel autochtone soit détenu par les aînés et qu'il provienne d'un passé lointain. J'ai eu pourtant l'honneur de constater que le savoir traditionnel autochtone est issu de relations profondes avec la nature. Ces relations à la fois physiques et spirituelles existent encore aujourd'hui. Le savoir est généré, conservé et transmis de diverses manières au sein des communautés et d'une communauté à l'autre. Sa pertinence est bien réelle, aujourd'hui que jamais, particulièrement pour les jeunes, qui ont souvent du mal à trouver leur place.
    Comme cela a été mentionné récemment lors d'un camp scientifique et culturel organisé par la Première Nation des Dénés Łutsel K'e dans les Territoires du Nord-Ouest, les jeunes veulent apprendre et parler dans leur langue et acquérir des connaissances et des compétences autant auprès des aînés qu'auprès des scientifiques. Les jeunes Autochtones peuvent nous en apprendre beaucoup sur la mise en place d'espaces et d'occasions d'apprentissage culturellement sécuritaires. Consultons-les.
    Nous devons diriger notre attention là où les choses ont mal tourné et qui vont toujours terriblement mal. Les sciences conventionnelles ont créé au lieu de régler de nombreux problèmes environnementaux. Les connaissances conflictuelles sur les risques associés à l'exploitation des sables bitumineux sur le territoire des Cris, des Dénés et des Métis en Alberta en sont un parfait exemple. La disparition des troupeaux de caribous dans le Sud de l'Alberta, qui a fait la une des journaux, met en évidence le large fossé entre les sciences et les politiques en Alberta et au Canada. Il aura fallu le leadership et le courage des communautés autochtones pour faire apparaître quelques lueurs d'espoir pour le caribou et la population.
    J'aimerais mentionner par ailleurs quelques réussites du côté de la coproduction et de la cogestion des connaissances, notamment le travail collaboratif de surveillance à long terme effectué par les biologistes et les communautés inuvialuites dans la mer de Beaufort. Grâce au travail acharné et à l'expertise de chasseurs comme Frank Pokiak et de scientifiques dévoués — soulignons que la plupart sont des femmes —, le programme produit depuis plus de 40 ans des données sur la santé des bélugas qui suscitent l'envie de plusieurs gouvernements dans le monde.
    Qu'est‑ce qui fait la différence entre une réussite et un conflit? Les facteurs sont nombreux. Il y a d'abord le respect pour le savoir traditionnel autochtone, mais aussi la mise en place d'accords légaux solides avec les gouvernements qui respectent les droits territoriaux et les droits liés aux ressources des Autochtones. La réussite des programmes dépend également des efforts déployés dans les communautés par de petits groupes tels que les comités de chasseurs et de trappeurs — gérés eux aussi par de jeunes femmes énergiques —, dont les efforts manquent cruellement de reconnaissance et dont le travail est sous-financé de façon chronique. Le soutien du gouvernement fédéral au programme de Gardiens autochtones est un formidable pas en avant, mais la recherche menée par les Autochtones demanderait davantage de ressources.
    Ces problèmes ne se régleront pas tout seuls. Pourquoi les Autochtones au Canada, particulièrement ceux qui vivent dans la région Nord des provinces, n'ont-ils pas accès à l'eau potable, à des logements sécuritaires et abordables, à des aliments et à un environnement sains de même qu'à des emplois bien payés? Nous parlons de droits fondamentaux. Mettons en œuvre les appels à l'action de la Commission de la vérité et réconciliation, appliquons les dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et respectons les engagements à l'égard des changements climatiques et ceux pris dans le cadre mondial pour la biodiversité.

  (1635)  

     Unissons nos efforts pour mettre en place et maintenir des communautés et des environnements sains où nous sommes fiers de vivre.
    Merci beaucoup.
    Nous passons à la série de questions de six minutes. Monsieur Soroka, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins de votre patience.
    Comme vous venez de l'Alberta, madame Parlee, je vais m'adresser à vous en premier.
    Selon votre expérience dans la gestion des ressources naturelles dans les communautés, quelle est selon vous la manière la plus efficace d'inclure les perspectives autochtones dans les efforts de conservation?
    Merci beaucoup pour cette question.
    Je pense que j'ai soulevé deux éléments principaux dans ma présentation, notamment la reconnaissance de la valeur des systèmes de savoir traditionnel autochtone et le respect mutuel entre les scientifiques et les détenteurs de savoir traditionnel autochtone.
    J'estime que ce qui cause bon nombre des conflits que nous observons ou qui empêche d'établir des relations saines et solides entre les scientifiques et les détenteurs de savoir traditionnel autochtone est la persistance des conflits concernant les droits territoriaux et les droits liés aux ressources, qui sont souvent en filigrane des discussions. Tant que ces différends ne seront pas réglés, nous resterons bloqués au stade des conversations épistémologiques.
    Il y a d'autres facteurs importants. Je travaille par exemple avec la Première Nation crie Mikisew et la Première Nation des Chipewyans d'Athabasca. Nous avons financé au cours des cinq dernières années un grand nombre de projets de gestion de ressources au niveau des communautés qui reconnaissent l'importance pour les peuples autochtones de mener leurs recherches selon leurs propres méthodes, de transmettre leur savoir à leur manière et de recruter les capacités nécessaires au niveau local. Le sous-financement chronique d'un grand nombre de communautés et les lacunes et les besoins — par exemple pour l'implication des jeunes — criants nous obligent à mener une bataille incessante dans la vaste majorité des cas.
    Encore une fois, la reconnaissance des droits territoriaux et des droits liés aux ressources est primordiale. Ces problèmes ne touchent pas uniquement les communautés des Premières Nations ou les communautés métisses de l'Alberta. Ils touchent tous les Albertains et tous les Canadiens. J'estime donc que si nous les réglons ensemble, non seulement les communautés autochtones en profiteront, mais aussi l'ensemble de la population.
    Merci de votre réponse.
    Je vais passer au témoin suivant.
    Monsieur Gonet — ou devrais‑je vous appeler docteur —, comment les pratiques traditionnelles autochtones contribuent-elles aux efforts de conservation modernes selon les études que vous avez menées?
    Vous brûlez les étapes. Je n'ai pas encore obtenu mon doctorat, mais j'espère l'obtenir bientôt.
    Comment les pratiques traditionnelles autochtones contribuent-elles aux pratiques de conservation? Une chose qui fonctionne vraiment — je siège à un conseil de gestion du caribou depuis plusieurs années — et qui permet de rallier des personnes de divers horizons, c'est lorsque nous nous concentrons d'abord sur ce que nous voulons préserver et protéger.
    J'ai mentionné l'exemple des caribous à la table des discussions. Il faut toujours revenir à ce qui serait le mieux pour les caribous. Nous devons réfléchir ensemble à ce qui serait la meilleure solution pour, par exemple, les terres et les eaux. Nous allons le déterminer ensemble, car nous reconnaissons tous que la survie de l'espèce humaine nécessitera des terres et des eaux saines.
    Pourriez-vous nous donner des exemples de difficultés à surmonter pour intégrer ces pratiques aux stratégies de conservation traditionnelles?
    Le plus important défi est l'éducation culturelle. Nous, les Premières Nations, devons nous consacrer corps et âme à l'éducation culturelle pour faire comprendre aux autres notre vision du monde.
    Les gens se rabattent vraiment sur le libellé des politiques et des lois. Voilà qui peut entraîner beaucoup de difficultés étant donné qu'elles sont toutes rédigées actuellement dans une perspective eurocentrique et occidentale, puisque c'est ainsi depuis longtemps.
    Je vous remercie.
    J'essaie de donner la parole à tout le monde et de poser une question à chaque témoin.
    Monsieur Bobiwash, en ce qui concerne votre cours sur les enjeux autochtones et les systèmes alimentaires, quelles sont les principales leçons que vous tireriez de l'intégration des perspectives autochtones aux politiques agricoles?
    Je vous remercie de la question. Je pense qu'il est important d'en parler.
    Ce cours compte beaucoup de participants non autochtones qui proviennent de nombreuses familles d'agriculteurs de longue date. Encore une fois, pour faire suite à ce que M. Gonet a mentionné, je développe un peu de compétences culturelles autochtones. Mais en plus, je renforce leur capacité et leur donne les moyens de commencer à développer, à partir de leur expertise, leurs connaissances de leurs exploitations agricoles familiales, et en tant que résidants du Manitoba... Je les amène à vraiment réfléchir à l'intégration de valeurs autochtones — la façon d'envisager les relations écologiques qu'entretiennent des plantes, des animaux ou des réseaux hydrographiques avec nos installations agricoles —, ce qui correspond en fait à des pratiques de gestion exemplaires que tous les agriculteurs intègrent déjà. Il n'y a pas que le carburant ou la productivité agricole d'une exploitation agricole. Il faut aussi s'attarder à la façon d'obtenir des avantages supplémentaires, notamment par la gestion de l'habitat riverain, la gestion plus efficace des éléments nutritifs ou même la création des systèmes agricoles qui servent en fait d'habitat aux espèces en voie de disparition ou en péril.
    Il s'agit vraiment de miser sur le point de vue unique que beaucoup de ces étudiants tirent de leur expérience pour façonner des perspectives nouvelles et uniques qui pourraient favoriser le développement autochtone en agriculture.

  (1640)  

    Je vous remercie.
    Il était formidable d'obtenir ces réponses. Je vous remercie de vos questions.
    La parole est maintenant à Mme Jaczek, qui a six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leurs témoignages. Vous savez que nous avons entendu beaucoup de déclarations très intéressantes sur le bien-fondé d'intégrer le savoir autochtone à ce que nous appelons la « science occidentale » dans l'élaboration des politiques gouvernementales. Je pense que la plupart des membres du Comité sont absolument convaincus que nous devons procéder ainsi.
    C'est ce sur quoi j'aimerais vraiment m'attarder. Quels sont les moyens pratiques d'y arriver?
    Madame Parlee, vous avez parlé de la sous-représentation au sein du corps professoral et du gouvernement. C'est évidemment quelque chose qui doit être examiné du côté des universités. Vous avez également mentionné le programme de gardiens autochtones. Vous pourriez peut-être le décrire et nous dire pourquoi, selon vous, il connaît un tel succès.
    Je vous remercie.
    Le programme de gardiens autochtones forme un réseau incroyable de communautés autochtones qui est soutenu par différentes sources de financement, mais qui est rendu possible grâce au travail acharné de nombreux membres de l'Initiative de leadership autochtone. Les « gardiens » assurent une surveillance à certains égards et mènent des recherches continues fondées sur des données probantes pour recueillir des données sur les questions qui importent aux communautés. Peut‑on boire l'eau? Peut‑on manger le poisson? Comment peut‑on maintenir des ressources qui assurent la sécurité alimentaire? Cependant, il faut aussi prendre en compte la souveraineté, l'identité des communautés, leur attachement à la terre, et la façon de le préserver au fil du temps.
    Le programme comporte aussi un volet social et culturel à bien des égards. Les communautés ont l'occasion de bâtir, d'enseigner et de créer des occasions d'apprentissage pour les jeunes. Il y a aussi des programmes de gardiens qui visent à sensibiliser la population. Le programme de gardiens dirigé par Iris Catholique dans la Première Nation des Dénés de Łutsel K'e, par exemple, dans le parc national Thaidene Nëné, vise également à sensibiliser les non-Autochtones de la région à la culture dénée.
    Le programme comporte de nombreuses dimensions différentes, et je pense que c'est cette approche holistique qui en assure la réussite.
    Le programme a‑t‑il été financé par le gouvernement fédéral, dans ce cas?
    Le gouvernement fédéral a déjà pris des engagements à l'égard du programme de gardiens autochtones, mais ce sont des bagatelles quand on pense aux besoins et aux nombreuses possibilités d'apprendre auprès des Autochtones.
    Vous recommanderiez donc d'élargir la portée de ces programmes.
    C'est exact.
    Monsieur Bonta, vous avez de l'expérience en Australie. Nos analystes nous ont fourni des renseignements sur ce que l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont fait plus particulièrement. Ils ont mentionné des choses comme des lignes directrices sur la protection par un brevet et ce genre de chose.
    Étant donné que vous avez travaillé à tellement d'endroits différents, pourriez-vous nous parler de votre expérience et nous dire ce que font les autres pays, et ce dont le gouvernement canadien pourrait s'inspirer en particulier?
    D'après nos différentes expériences...
    Pouvez-vous attendre un instant, monsieur Bonta?
    Je suis désolé que nous soyons encore interrompus, mais les lumières clignotent. Je vais voir si nous avons le consentement unanime pour poursuivre la discussion. Nous avons 30 minutes. Nous pourrions voter virtuellement.
    Il s'agit d'une motion de clôture à la Chambre.

  (1645)  

    Qui a proposé cette motion? S'agit‑il d'une motion de clôture du gouvernement libéral?
     Le président: Je ne sais pas qui en a fait la proposition.
     M. Corey Tochor: Nous devrons y retourner.
    Il semble que les conservateurs quittent la salle. Puisque nous n'avons pas le consentement unanime, nous allons malheureusement devoir obtenir la réponse par écrit, monsieur Bonta. Je suis désolé de l'interruption.
    J'espérais que nous puissions avoir un autre tour. Je présente également mes excuses aux députés du NPD et du Bloc.
    Normalement, notre comité travaille avec une meilleure collaboration, mais malheureusement, nous allons devoir suspendre la séance jusqu'à la fin des votes.

  (1645)  


  (1725)  

    Nous allons reprendre nos questions. Je pense que Mme Jaczek et M. Bonta avaient eu environ une minute et demie.
    Je suis désolé de l'interruption. Poursuivons pour que nous puissions au moins terminer ce tour.
    Monsieur Bonta, vous pourriez dire une chose qui pourrait être utile au gouvernement du Canada, à la lumière de votre expérience en Australie.
    Je pense que les groupes de rangers, sous leur forme actuelle, connaissent un énorme succès dans le Territoire du Nord. Je vous recommande fortement de vous inspirer du Northern Land Council et de Land and Sea. Ce sont des rangers autochtones qui cherchent à restaurer le paysage à ce qu'il était avant 1788 — avant l'arrivée du capitaine Cook — grâce à la gestion des incendies et à beaucoup d'autres aspects, mais aussi avec la protection des sites sacrés. Ces peuples autochtones travaillent ensemble d'une façon que je n'ai jamais vue ailleurs dans le monde. Cependant, ils ont certainement plus de pouvoir qu'aux États-Unis, et même dans des endroits comme le Mexique. Ils sont propriétaires des terres, et il est possible d'y aller sur invitation seulement.
    Cela dit, ils se sentent incroyablement... Avec eux, le processus de publication prend de nombreuses années. Mais pour les plus anciennes sociétés du monde, qui comptent en fait 40 000 à 50 000 années de savoir ininterrompu... C'est plus que tout ce que j'ai jamais vu. C'est peut-être un autre modèle à envisager d'endroit qui a manifestement été colonisé de la même source.
    Il n'y a pas grand-chose à ajouter.
    Si vous vous intéressez à la propagation du feu, je peux toujours vous transmettre l'information. Nous essayons activement de publier des témoignages plus poussés, mais nous avons été interrompus pendant la COVID. Il faut beaucoup de temps pour négocier les permissions. Nous les avons, mais il nous reste à les obtenir sur le plan légal, essentiellement. Les gens sont très heureux de partager le savoir accessible — mais pas secret — sur les oiseaux qui propagent le feu, leur raison de le faire, leur manière de procéder, et ainsi de suite.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Blanchette-Joncas.

[Français]

     Monsieur Blanchette‑Joncas, vous disposez de six minutes.
    Je salue les témoins qui sont avec nous dans le cadre de l'étude d'aujourd'hui.
    Monsieur Bonta, selon votre expérience en Amérique du Sud, comment les gouvernements sud-américains intègrent-ils les connaissances de leurs populations autochtones dans leurs politiques gouvernementales?

[Traduction]

    Je peux parler du Mexique. J'y ai réfléchi. C'est un pays où le colonialisme espagnol consistait à mettre les gens dans des « pueblos ». C'était une façon très différente de coloniser.
     Pour ce qui est de l'identité mexicaine et de l'identité « mestizo », ou métisse, il y a bel et bien des tensions à l'égard du savoir autochtone. Mais si vous regardez ce qui s'est passé à Oaxaca, vous constaterez encore une fois que ces gens ont un contrôle absolu de leurs « municipios », ou municipalités. C'est un autre pays où l'incorporation directe des connaissances autochtones atteint le seuil, selon moi.
     J'aimerais que nous cessions d'utiliser le terme ornithologie ethnique — une discipline que je pratique depuis longtemps —, et que nous parlions simplement d'ornithologie en intégrant les gens au cœur du processus. Une grande partie des découvertes et des apprentissages sur les oiseaux concernent à la fois l'ornithologie occidentale et l'ornithologie ethnique. Lorsqu'il y a une collaboration au Mexique, ces groupes doivent la plupart du temps donner leur autorisation.
    J'ai un autre commentaire à ce sujet. J'ai vu un hôpital, et je me suis dit que j'aimerais voir une université ici, dans le nord. Cet hôpital est situé dans une région autochtone. On peut y entrer et faire un choix entre des praticiens autochtones, religieux, catholiques, ou occidentaux pour le traitement du cancer ou de n'importe quoi d'autre. Tout est réuni dans le même hôpital. Le personnel médical mexicain aux pratiques occidentales apprend les méthodes autochtones, et inversement. Il y a trois ou quatre centres de ce type au Mexique. Je n'avais jamais rien vu de tel, mais au Mexique, la médecine autochtone est prisée au point où tout le monde la demande.
    C'est ma vision. Il y a des pays où on a brisé les barrières, où la médecine autochtone est sur un pied d'égalité. Tout n'est pas réuni à un seul endroit où il faut aller pour obtenir ce savoir. C'est plutôt universel.
     Je peux en effet en dire plus sur le Mexique.

  (1730)  

[Français]

    Merci, monsieur Bonta.
    Vous avez parlé de croyances et de spiritualité. Certains témoins, lors de nos dernières rencontres, ont mentionné que ces aspects font partie du savoir autochtone.
    J'aimerais comprendre comment on peut distinguer une croyance d'une connaissance. Comme on le sait, il y a une méthode scientifique dans le cas de la science occidentale, mais comment fait-on pour le savoir autochtone? Y a-t-il un processus de validation pour distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux?

[Traduction]

    Je n'ai pas entendu l'interprétation.
     Une voix: Attendez une minute, monsieur le président. Il y a eu un problème.
     Le président: J'ai interrompu le chronomètre.
     Nous pouvons maintenant entendre l'interprète.
     M. Mark Bonta: Je ne l'entendais pas la première fois.
    Pourriez-vous répéter la question?
     Nous allons recommencer. J'ai arrêté le chronomètre.

[Français]

     Je vais demander à Mme Parlee de répondre, et M. Bonta pourra répondre ensuite.

[Traduction]

     Si vous reposez la question, je ne la déduirai pas de votre temps, puis le témoin pourra poursuivre.

[Français]

    Je vais répéter la question.
    Vous avez parlé des croyances spirituelles qui peuvent découler du savoir autochtone. Alors, voici ma question: de quelle façon peut-on distinguer une croyance d'une connaissance? Y a-t-il un processus de validation pour le savoir autochtone?
    Dans la science occidentale, il y a la méthode scientifique et un processus, mais, pour ce qui est du savoir autochtone, comment peut-on distinguer la spiritualité de la connaissance pour s'assurer d'avoir une connaissance définie et, surtout, démêler le vrai du faux?

[Traduction]

    Je vous remercie.
    C'est une question fondamentale. Même dans le savoir occidental, je pense que nous aimons affirmer ce qui est vrai parce que nous procédons à un examen par les pairs et que nous avons tout ce processus, mais en réalité, une grande partie de ce qui est publié n'est pas véridique. Beaucoup de choses sont contestées.
    Dans les études du savoir autochtone, qui sont fondées sur ce que vous avez entendu, une chose peut être plus empirique et avoir de l'importance. Disons que nous voulons accompagner des gens sur le terrain et faire des comparaisons, des groupes de personnes vont à l'extérieur, identifient des plantes, puis déterminent leur utilité ou le rôle que jouent les oiseaux. Différentes personnes se réunissent et en parlent. Elles en discutent, ne sont pas d'accord, puis s'entendent sur la réponse.
    Comme l'a mentionné mon collègue, c'est un processus très dynamique. C'est en train de se produire. Les gens acquièrent de nouvelles connaissances.
     Je pense que c'est lié de près à ce qui vous intéresse. C'est une chose à laquelle les néophytes devraient être plus favorables, parce que nous faisons la même chose en tant que scientifiques. Nous nous réunissons, nous procédons à des évaluations par les pairs et nous faisons tout ce processus.
     J'espère que cela répond à votre question dans une certaine mesure. Il serait très long d'expliquer en quoi consiste la vérité et le savoir.

[Français]

    Madame Parlee, je vais vous donner l'occasion de répondre aux mêmes questions. Nous avons parlé du processus scientifique et, justement, vous êtes également titulaire d'une chaire de recherche.
    J'aimerais surtout que vous nous disiez comment on peut réellement distinguer la connaissance de la spiritualité.

  (1735)  

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je serai brève, afin de donner la possibilité d'entendre d'autres témoins. Je pense qu'avant toute chose, il est important d'établir les différences et les similitudes entre le savoir autochtone et la science.
    Pour répondre à votre question, il existe de nombreuses similitudes. Par exemple, si mon collègue Joseph Catholique, un chasseur de caribous, se rend sur le terrain, il voit 10 caribous. Le scientifique qui se rend sur le terrain voit aussi 10 caribous. Il s'agit là d'un savoir fondé sur des preuves. Si Joseph Catholique se rend sur le terrain année après année et que le scientifique n'y va qu'une fois tous les cinq ans, le niveau d'approfondissement et de détail du savoir autochtone est considérablement plus élevé comparativement à celui de la science. Les connaissances autochtones s'inscrivent dans une longue durée, ce qui leur confère une certaine crédibilité.
    Nous pouvons observer des conflits entre la science et le savoir autochtone au sujet de questions fondamentales, comme le nombre de caribous et la dynamique des populations. Je dis parfois que le savoir autochtone est mieux que la science, en ce sens qu'il a également un lien spirituel. Les gens comprennent la migration des caribous et la dynamique des populations en se fondant sur des preuves, mais aussi grâce à ce lien spirituel.

[Français]

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Cannings, vous avez la parole. Vous avez six minutes.
    J'aimerais que nous puissions passer la journée ici, car c'est très intéressant.
    J'aimerais d'abord m'adresser à M. Gonet.
    Vous avez parlé des systèmes de savoir autochtone qui invoquent une relation entre l'être humain et la nature, représentée par exemple par le caribou ou le saumon. J'aimerais avoir un exemple de la façon dont cela pourrait fonctionner lorsqu'il s'agit d'utiliser les connaissances autochtones pour nous aider à élaborer des politiques.
    Lorsque j'étais au Yukon, dans les années 1980, j'ai mangé du saumon quinnat à Mayo. À l'époque, le saumon quinnat était abondant, semble‑t‑il, mais ce n'est certainement pas le cas aujourd'hui.
    J'aimerais que vous nous donniez un exemple de la façon dont les connaissances autochtones pourraient aider à mieux gérer la relation entre le saumon et les gens dans le réseau hydrographique du fleuve Yukon.
    Je vous remercie.
    Je sais que l'on vient de créer un comité sur le savoir autochtone du Yukon dans le cadre du Yukon River Panel. Ce comité réunit des aînés et des détenteurs de connaissances pour faire comprendre aux gens à quel point le saumon est important pour les populations autochtones.
    C'est une partie de ce que perd la science ou les formes dominantes de la science. En effet, les scientifiques autochtones et les détenteurs de connaissances autochtones sont parfaitement conscients de l'importance du saumon pour la culture et la population, et ils peuvent en tenir compte dans le processus de prise de décision. Le fait qu'en perdant le saumon, nous perdons aussi une partie de notre identité et de notre santé a une incidence beaucoup plus importante sur les processus.
    Je m'arrêterai ici pour l'instant. Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    J'aimerais poser la même question à Mme Parlee.
    Vous avez mentionné un autre exemple, à savoir que les populations de bélugas se portent bien dans la mer de Beaufort. J'aimerais savoir en quoi l'utilisation du savoir autochtone dans les décisions stratégiques concernant la gestion d'espèces comme les bélugas, si on peut utiliser cette terminologie, est différente de la méthode scientifique occidentale habituelle qui consiste à se rendre sur le terrain pour dénombrer les populations, calculer un niveau auquel on peut l'exploiter et observer ensuite l'évolution de la situation.
    Je disais tout à l'heure qu'il existe un programme de surveillance à long terme auquel participent les collectivités inuvialuites, qui le dirigent également. Pendant plus de 40 ans, on a recueilli des données, notamment sur le mercure, par exemple.
    Ce programme a été conçu pour répondre à des enjeux fondamentaux qui étaient importants pour les collectivités. Les bélugas sont essentiels à la sécurité alimentaire de la région, ainsi qu'à la culture et aux moyens de subsistance des collectivités. Le type de recherche scientifique effectué vise donc à répondre à des questions fondamentales liées à la santé, à l'alimentation, à la culture et aux moyens de subsistance des populations, ce qui est différent, selon moi, de nombreux autres programmes à vocation scientifique.
    L'autre différence fondamentale réside dans le fait que les autres types d'indicateurs et de connaissances qui sont collectés en même temps sont beaucoup plus holistiques que le sont ceux collectés dans le cadre de nombreux autres programmes de surveillance à vocation scientifique, qui ont une approche beaucoup plus étroite.
    Enfin, il y a la mesure dans laquelle le travail de surveillance et de recherche lui-même est intégré dans des processus importants sur le plan culturel comme la chasse et la pêche, et dans lesquels le processus lié à la recherche scientifique, à l'accumulation de connaissances et à la coproduction de connaissances est utile et bien ancré dans les collectivités, notamment chez les jeunes.

  (1740)  

    J'aimerais brièvement m'adresser à M. Bobiwash.
    Il s'agit toujours de la même question. Comment intégrer le savoir autochtone à la science occidentale? Mes lectures m'ont appris que vous étudiez les pollinisateurs. Vous avez travaillé sur des questions relatives à la pollinisation des bleuets. Vous avez travaillé dans des vignobles dans l'Okanagan, un endroit qui me tient beaucoup à cœur.
    Comment pouvez-vous intégrer vos systèmes de savoir autochtone dans ces questions?
    Je vais même souligner que j'ai travaillé avec le frère du député, Syd, du Service canadien de la faune, dans le cadre de certains travaux sur la pollinisation.
    Une chose qui me semble très importante, c'est que… Encore une fois, nous pouvons avoir des notions et des points de vues occidentaux sur la biodiversité qui s'appuient sur la taxonomie usuelle ou sur des domaines comme la génétique et la phylogénétique. Dans une grande partie de notre travail, nous tentons d'expliquer certains des facteurs qui font en sorte que certaines espèces se trouvent ou ne se trouvent pas dans un endroit donné et que certaines espèces sont en mesure de fournir une sorte de service écosystémique, et encore une fois, nous utilisons des approches conceptuelles très occidentales pour comprendre les différents milieux.
    Les connaissances et les sciences autochtones nous fournissent d'autres hypothèses, d'autres types de données, d'autres façons de caractériser les milieux, d'autres façons de caractériser la biodiversité et les relations que, par exemple, les pollinisateurs peuvent avoir avec les fleurs ou que le caribou peut avoir avec certaines zones d'alimentation ou, de la même façon, que les bélugas peuvent avoir avec certains milieux donnés.
    Il est donc très important de tenir compte de ces connaissances.
    Je vous remercie de ces renseignements.
    Je vous remercie, monsieur Cannings.
    Il reste suffisamment de temps pour accorder trois minutes aux conservateurs, trois minutes aux libéraux et une minute et demie chacun au NPD et au Bloc. Cela nous permettra d'atteindre les 60 minutes prévues. Bien entendu, cela fait plus de 60 minutes, mais cela permettra au moins de rendre cette partie de l'étude plus équitable.
    La parole est maintenant à M. Tochor. Il a trois minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président. Je remercie également les témoins.
    Il est regrettable que nous ayons dû nous arrêter pour la motion de clôture. Nous devons également traiter un autre point avant de vous poser d'autres questions.
    La situation a évolué et nous avons déposé un avis de motion vendredi dernier. Je propose donc ce qui suit:
Étant donné la décision d'Openmind Research Institute de s'associer à Huawei, compte tenu des risques que l'IA avancée tombe entre de mauvaises mains, étant donné les risques que représente la République populaire de Chine, qui ont atteint un niveau tel que le directeur du SCRS a déclaré publiquement que « tout ce qu'ils font dans nos universités et dans les nouvelles technologies, cela retourne dans un système très organisé pour créer des applications à double usage pour les militaires », et étant donné que ce comité a reçu des témoignages d'experts qualifiant cela de « menace existentielle » pour le Canada, alors que le ministre de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie échoue systématiquement à protéger de façon proactive les Canadiens contre les risques que posent les entreprises ayant des liens avec le régime communiste chinois comme Huawei, tout en affirmant que « l'engagement de notre gouvernement à l'égard de la sécurité de la recherche a encore été confirmé », le Comité de la science et de la recherche fait part à la Chambre de sa profonde inquiétude à l'égard de ce partenariat.
    Je demande un vote rapide avant de revenir aux témoignages.

  (1745)  

    Nous sommes saisis d'une motion aux fins de discussion.
    Monsieur Cannings, vous avez la parole.
    J'aimerais seulement formuler un bref commentaire.
    Ce que je voudrais… La motion indique que nous avons lu cela dans le journal et que nous devrions exprimer notre déception ou quelque chose de ce genre. Cette situation dans laquelle un chercheur mène des recherches ouvertes sur l'intelligence artificielle auxquelles participe aussi Huawei est un exemple d'une chose que je n'ai cessé de mentionner au cours de notre étude, mais nous n'avons jamais entendu de témoignages sur la question, semble‑t‑il.
    J'aimerais beaucoup modifier la motion pour indiquer que nous voulons demander à ce chercheur de comparaître devant le Comité afin qu'il nous explique en quoi consiste son travail et comment il a obtenu la participation d'Huawei. Je pense que c'est très important pour notre étude. Nous pourrons ensuite décider d'exprimer notre déception ou autre chose, une fois que nous en saurons plus.
    Je demande donc que la motion soit modifiée pour demander à ce chercheur de comparaître devant le Comité.
    D'accord. Nous sommes actuellement saisis d'un amendement. Nous pouvons donc parler de cet amendement.
    J'ai vu que Mme Rempel Garner avait levé la main en premier, puis M. Tochor et enfin M. Turnbull.
    Je présume que mon intervention vise à demander des éclaircissements à M. Cannings.
    Lorsqu'il parle de l'étude ou qu'il veut que quelqu'un parle d'une question donnée dans le cadre de l'étude, parle‑t‑il de l'étude en cours? Par votre entremise, monsieur le président, puis‑je lui demander des éclaircissements à ce sujet?
    Je suis désolé. Je voulais parler de l'étude sur la question de la recherche impliquant la Chine.
    Nous avons peut-être terminé la partie concernant les témoins, mais je propose de demander à ce chercheur de comparaître devant le Comité pour ajouter son témoignage à cette étude, car nous n'avons pas encore produit le rapport. Je pense que ce serait un ajout précieux, car nous en avons parlé, mais nous n'avons jamais entendu de témoignage direct sur la question.
    Je n'ai pas encore terminé.
    La parole lui a été donnée.
    Oui, mais je demandais simplement des éclaircissements par votre entremise.
    Dans ce cas, j'aimerais formuler un sous-amendement à l'amendement de M. Cannings.
    Je suis d'accord avec sa suggestion, mais je modifierais l'amendement pour que le témoin soit invité à comparaître avant le 15 décembre 2023.
    D'accord. Je vois qu'il fait signe qu'il est d'accord.
    La parole est à M. Tochor, puis à M. Turnbull.
    Nous voterons pour l'amendement de M. Cannings à la motion et pour le sous-amendement.
    Je tiens à informer nos témoins que nous disposons de ressources jusqu'à 19 heures. Si vous êtes libres, veuillez rester, car nous aimerions avoir une série de questions complète avec vous sur les enjeux qui n'ont pas encore été abordés.
    J'aimerais simplement préciser que je pense qu'il s'agit d'un excellent amendement, et je demanderais un vote sur l'amendement.
    Monsieur Turnbull, vous avez la parole.
    Malheureusement, vous ne pouvez pas simplement demander un vote, car il y a une liste d'intervenants.
    J'aimerais simplement savoir pourquoi les conservateurs ont remis cette motion à l'étude, étant donné que l'ordre du jour prévoit du temps pour les travaux du Comité juste après les témoignages de nos invités, qui nous consacrent aujourd'hui un peu de leur temps précieux. Je trouve cela troublant, car nous avons prévu du temps pour discuter de ces questions et il est donc absurde de gaspiller le temps précieux que nous avons avec nos témoins. Cela interrompt l'étude en cours, et nous avons déjà réservé du temps pour discuter de motions comme celle‑ci.
    La motion me pose quelques problèmes, mais je suggère au Comité d'ajourner le débat sur cette question et d'y revenir dans le cadre des travaux du Comité une fois que nous aurons posé toutes nos questions aux témoins et que nous aurons eu le temps d'écouter leurs précieux témoignages.
    Je propose donc d'ajourner le débat.
    C'est une motion dilatoire, et nous allons donc passer au vote sur l'ajournement du débat.
    (La motion est adoptée par 7 voix contre 4.)
    Le président: Nous revenons maintenant aux témoins. La parole est à M. Tochor, qui a environ deux minutes et demie.

  (1750)  

    Oui, et j'aimerais en savoir un peu plus sur les oiseaux qui parlent aux humains et sur les humains qui parlent aux oiseaux, afin de mieux comprendre cette notion.
    Ces dernières années, grâce aux outils plutôt avancés dont nous disposons, de nombreuses recherches en ornithologie nous ont permis de comprendre qu'il existe chez les oiseaux des systèmes de communication évolués au sein d'une même espèce et entre espèces. On a toujours pensé que l'on pouvait communiquer avec eux ou qu'il y avait des échanges.
    Je pense que le meilleur exemple que je puisse donner est celui d'un oiseau de l'Afrique de l'Est qui s'appelle le grand indicateur. Il a un type de langage — les anthropologues qui l'étudient le disent — et il cherche du miel, mais il utilise les humains à cette fin, et vice versa. Plusieurs études ont montré que les Hadza, qui sont une population de chasseurs-cueilleurs en Tanzanie, ont un type de langage qui leur permet de communiquer avec les oiseaux. Les oiseaux viennent à eux et, essentiellement, les guident jusqu'à l'endroit où se trouve le miel.
    À titre d'information, comment parlent-ils? À quoi cela ressemblerait‑il?
    Ce serait des sifflements, des cris d'oiseaux plutôt que des paroles humaines. Chose intéressante, ils ont découvert que ce langage n'est utilisé qu'entre les humains et les oiseaux. Les oiseaux ne l'utilisent pas entre eux. Il y a une grammaire, pour ainsi dire, une composante directionnelle. Le miel se trouve à un certain endroit et l'oiseau en informe l'humain. L'humain le suit. Il trouve le miel. L'oiseau a besoin de l'homme pour extraire le miel de l'arbre, puis il mange les rayons. Il existe de nombreux documentaires sur le sujet. Au fil des ans, les méthodes utilisées quant aux enregistrements et à leur analyse ont évolué, ce qui nous a permis de comprendre.
    Un autre exemple est celui des mésanges, des oiseaux très communs, et des mésanges bicolores. Ces oiseaux ont des systèmes de communication beaucoup plus évolués qui fonctionnent d'une espèce à l'autre également.
     Il semblerait qu'en Australie, les oiseaux communiquent certaines choses. Je reviens toujours à l'exemple des animaux de compagnie. Les études sur les oiseaux de compagnie portant sur les perroquets ou les oiseaux en captivité, comme les corbeaux, révèlent l'existence de systèmes de communication évolués. C'est quelque chose qui se passe certainement.
    Puisque je n'ai presque plus de temps, je vais poser une brève question sur les oiseaux et les abeilles. Est‑ce qu'ils se parlent?
    Des députés: Ha ha!
    Non.
    Merci.
     Nous allons maintenant passer à Mme Diab, qui dispose de trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Permettez-moi d'abord de remercier les témoins de leur présence.
    J'ai une observation à faire. Ce n'est habituellement pas le cas, mais, monsieur Bonta, vous venez de me ramener cinq décennies en arrière, à l'époque où j'étais petite. Je me souviens de mes grands-parents au Liban et des personnes âgées et des gens là‑bas qui me disaient qu'ils pouvaient parler aux oiseaux et que les oiseaux leur parlaient et qu'en conséquence, il y avait quelque chose. Je vous remercie de ce témoignage. Ce n'est pas un sujet dont on entend parler dans ce pays, ou en tout cas dans le milieu dans lequel nous sommes, mais je me souviens maintenant que cela existe et vous avez des renseignements à ce sujet. Je pense que c'est très utile pour nous.
    Allez‑y.
    Je voudrais seulement souligner que si vous parlez à vos animaux de compagnie, il n'y a pas vraiment de différence. Les oiseaux ont les mêmes capacités cognitives que les mammifères que nous connaissons. Si vous êtes ornithologue amateur, si vous observez les oiseaux, vous pouvez les attirer. Les chasseurs le savent. L'une des choses qui me préoccupent au sujet du savoir autochtone, c'est que nous devons comprendre que c'est quelque chose que nous pouvons aussi apprendre. Je pense que bien des gens qui passent du temps près de la nature le savent. Je parle des animaux domestiques parce que vous pouvez voir le tout de près — les activités de votre chat de maison. C'est dans ce cadre que nous avons le privilège d'avoir ce type de communication. Bien sûr, il s'agit d'un type de langage bien différent.
     Il y a aujourd'hui énormément de documents sur le sujet, qui est donc manifestement pris au sérieux. Nous pouvons alors revenir en arrière et examiner de nouveau ces anciennes croyances traditionnelles au Liban.
    Je vous remercie.
     Puisque je n'ai pas beaucoup de temps, j'ai une brève question à vous poser, monsieur Gonet.
     Je pense que vous êtes presque docteur et que vous collaborez avec l'Université du Yukon. D'après vous, quel rôle les établissements postsecondaires dirigés par des Autochtones, comme l'Université du Yukon, peuvent-ils jouer pour mieux faire en sorte que le savoir autochtone soit pris en compte dans l'élaboration des politiques gouvernementales?

  (1755)  

    Je vous remercie de la question.
    Il est certain qu'ils peuvent apporter une excellente contribution. Je sais que Margaret Kovach, une grande spécialiste au Canada, a mentionné que pour que le savoir autochtone soit vraiment vivant, il doit exister dans plusieurs endroits et il doit être renforcé. L'université peut aider au financement des chercheurs autochtones. Elle peut mettre en valeur les détenteurs du savoir autochtone et dire que ce sont les spécialistes de ces systèmes de connaissances.
    À titre d'exemple, nous venons de parler de la communication animale. J'ai rencontré plusieurs aînés qui ont communiqué avec des animaux ou qui disent avoir communiqué avec des animaux, comme le montrent les exemples qui ont été donnés ici.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de M. Blanchette-Joncas, qui dispose d'une minute et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président. Je vais procéder rapidement.
    Madame Parlee, tout à l'heure, vous avez dit qu'il pouvait y avoir des conflits entre le savoir occidental et le savoir autochtone. Qu'est-ce que le gouvernement doit ou peut faire dans l'élaboration de politiques publiques, quand ces savoirs entrent en conflit?
    Comment peut-on les distinguer? Doit-on accorder la priorité à l'un plutôt qu'à l'autre? Comment procédez-vous?

[Traduction]

    Je pense qu'il est important de souligner qu'il y a des conflits entre les scientifiques et qu'il est important de tirer des leçons sur la façon dont nous réglons ces conflits. Le savoir est politique et il est aussi fondé sur des faits et des données. Il s'agit d'en tenir compte et de rendre ces valeurs sociopolitiques transparentes quant à l'origine du savoir et à son importance. Je pense que c'est une façon de s'attaquer au problème.
    Parmi les exemples de conflits entre les savoirs, citons le cas de l'emblématique population d'ours polaires. Il y a des conflits entre certains scientifiques et les systèmes de connaissances des Inuits et des Inuvialuits et c'est en partie lié aux types de données que l'on compare.
     Lorsque nous examinons plus en profondeur ce qui est à la base des connaissances, nous constatons que les gens examinent des indicateurs différents — des échelles de temps différentes ou des sous-populations différentes, par exemple. Nous devons être très prudents lorsque nous supposons que la science a le monopole de ce qui est juste et que nous n'intégrons le savoir autochtone que lorsque c'est commode.
    Très bien. Merci. Une minute et demie, c'est vite passé.
    Nous passons maintenant à M. Cannings, qui dispose d'une minute et demie.
    Merci.
    Je me tourne vers M. Bonta. Je vous donnerais peut-être une minute pour en dire plus au sujet de la synthèse des systèmes de connaissances dont vous avez parlé.
     D'après ce que j'ai compris, nous ne devrions pas essayer d'intégrer le savoir autochtone dans la science occidentale et de l'y assimiler, mais nous devrions créer un nouveau système de connaissances à partir des deux, ou de plusieurs éléments.
     Concernant les questions relatives au changement climatique, en un sens, en tant qu'êtres humains... Au cours de ma carrière de géographe... Dieu merci, nous commençons enfin à considérer la Terre comme quelque chose... Les gens comprennent des choses qui, il y a 20 ans, étaient très ésotériques et disposent de ce cadre, non pas pour intégrer ces voix, mais, essentiellement, pour centraliser le tout et discuter, en préservant les connaissances et les traditions distinctes, et ainsi de suite.
     C'est le cas dans de nombreux pays et je pense même que c'est le cas dans le monde entier. Je ne vois pas pourquoi nous ne le ferions pas et c'est la raison pour laquelle je m'intéresse à l'hybridation, dans un sens, pour certains sujets, certains objectifs et certains contextes de recherche appliquée, mais dans le cas du changement climatique, nous devrions certainement... Nous devrions même avoir des revues qui vont au‑delà de ce que nous avons, avec la séparation de toutes les disciplines. Les scientifiques ne se parlent même pas.
    Nous savons très bien qu'il n'y a pas de science à proprement parler, alors si nous pouvons aller plus loin, les gouvernements pourraient sans aucun doute jouer un rôle de premier plan à cet égard.

  (1800)  

    Merci.
     Je remercie tous les témoins d'avoir participé à cette partie prolongée de notre réunion. Merci pour votre incroyable patience, mais surtout pour les connaissances que vous nous avez transmises et qui nous seront très utiles dans le cadre de notre étude. C'est une étude très intéressante et stimulante et je vous remercie tous d'avoir accepté de témoigner aujourd'hui.
    Je pense que je vais suspendre la séance. Nous pouvons avoir des discussions en aparté pour déterminer ce que nous aimerions faire du reste de la réunion. Je vais donc suspendre la séance un instant.
    Je remercie à nouveau les témoins. Vous pouvez enfin partir.

  (1800)  


  (1800)  

    Merci à tous de votre patience pour cette partie de la réunion.
     Il appartient au Comité de décider si nous poursuivons nos travaux à huis clos ou si nous levons la séance.
    Allez‑y, monsieur Turnbull.
    Je suis assez ambivalent, mais puisqu'il est écrit « à huis clos » dans l'avis de convocation, je propose que nous poursuivions la réunion à huis clos.
     D'accord, nous allons passer à huis clos, puis nous reprendrons la discussion.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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