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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 015 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 4 avril 2022

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Nous entamons notre étude sur le maintien en poste et le recrutement dans les Forces armées canadiennes.
    Pour commencer, nous accueillons Paxton Mayer, doctorante en affaires internationales à la Norman Paterson School of International Affairs de l'Université Carleton; et le professeur Alan Okros du département des études de la défense, au CMR.
    J'invite Mme Mayer à faire sa déclaration préliminaire de cinq minutes, puis nous passerons directement à M. Okros.
    Encore une fois, merci de votre patience.
    Chers collègues, je propose de finir 10 minutes plus tard, si cela vous convient. J'espère que cela convient également à nos témoins.
    Allez-y, madame Mayer.
    Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner dans le cadre de votre étude sur les questions de recrutement et de maintien en poste dans les Forces armées canadiennes.
    Mon témoignage, en plus de mon mémoire et des documents de référence fournis, donne mon point de vue sur les raisons pour lesquelles les Forces armées canadiennes ont de la difficulté à recruter du personnel et à le maintenir en poste, ainsi que sur les changements organisationnels et de perception par le public que les FAC devraient adopter pour faire face à ces défis.
    Au cours des deux dernières années, l'intolérance, le harcèlement et les abus constatés au sein des FAC à l'égard des femmes, des minorités visibles et de la communauté LGBTQ+ ont régulièrement fait l'objet de mentions dans les médias et ont donc éclaté au grand jour. Cela a certainement nui aux aspects recrutement et maintien en poste. Cependant, même avant cette vague de mauvaise publicité, les FAC éprouvaient déjà de la difficulté à recruter et à maintenir leur personnel. Ce n'est pas un problème récent.
    Je crois savoir que les FAC ont tenté de changer cette image publique à coups de publicités en ligne moussant leurs progrès en matière de diversité. Même s'il est vrai que ces publicités montrent plus de femmes et de membres des minorités visibles que par le passé, elles ne parlent toujours pas d'inclusion. La plupart d'entre elles mettent l'accent sur une seule personne à la fois et elles montrent rarement cette personne ayant des contacts positifs avec les autres, pas plus qu'elles ne montrent la vie de la personne en dehors de son travail. Ces publicités ont échoué dans le passé, car elles ne disent pas que ces personnes appartenant à des groupes de diversité sont respectées et incluses au sein des FAC, qu'elles sont libres d'être elles-mêmes et capables d'atteindre un certain équilibre travail-vie personnelle.
    Bien sûr, ces publicités ne donneraient des résultats et ne seraient conformes à l'éthique que si elles dépeignaient la réalité des FAC. On soupçonne fortement depuis de nombreuses années — et cela a été prouvé récemment hors de tout doute —que c'est faux.
    Au lieu de miser sur ce genre de publicité, les FAC et ceux de qui elles relèvent, dont le ministre de la Défense et le premier ministre, doivent admettre publiquement leurs manquements et créer une stratégie en bonne et due forme pour veiller à ce que ces manquements ne se reproduisent plus jamais. Les FAC ont besoin d'un changement de culture organisationnelle. La mise en œuvre de cette stratégie doit tenir compte du fait qu'il pourrait y avoir une résistance à ces changements au sein de l'organisation. Il faut apporter un appui aux militaires, par leur hiérarchie et en dehors, pour les accompagner dans leur cheminement tandis qu'ils passent de la résistance à l'idée d'adhérer à ce changement.
    Enfin, dans leurs examens du recrutement et du rendement, les FAC devraient prévoir un mécanisme en vertu duquel les candidats à l'engagement pourraient refuser d'effectuer des tâches et où les FAC pourraient exclure les militaires en poste qui créent un milieu de travail non sécuritaire ou qui ciblent négativement certaines personnes. Ce n'est pas parce que les FAC ont de la difficulté à recruter et à maintenir en poste des militaires qu'elles devraient réduire leurs attentes sur ce plan. Après tout, comment les Canadiens peuvent-ils compter sur les FAC pour assurer la sécurité des Canadiens et de leurs alliés si les FAC ne peuvent même pas assurer la sécurité de leurs membres, même dans les zones non conflictuelles?
    De plus, le processus de recrutement des FAC est extrêmement inefficace et manque de transparence. Cela dissuade les candidats potentiels, même s'ils n'ont pas été dissuadés par les autres lacunes des FAC. Par exemple, le processus de recrutement peut prendre plus d'un an. Sa durée moyenne est d'environ 200 jours. Sur son site Web sur les carrières et le processus de demande, les FAC s'attendent à ce qu'un diplômé universitaire, voire un médecin, soumette sa candidature sans connaître les exigences, les avantages salariaux de l'emploi ou le processus de recrutement et l'échéancier. Ces problèmes expliquent également en partie pourquoi les FAC ont eu de la difficulté à retenir leurs personnel.
    Je dirais que les défis des FAC en matière de maintien en poste des effectifs tiennent au fait qu'il existe de nombreuses possibilités plus intéressantes ailleurs pour les militaires d'expérience, comme auprès d'employeurs ne demandant pas à leurs employés de travailler dans des zones de conflit, ne s'attendant pas à ce que leurs employés se déplacent d'un bout à l'autre du pays et ayant ont les actifs et les budgets nécessaires pour offrir à leurs employés des salaires et du matériel concurrentiels.
    Une autre difficulté vient compliquer davantage l'atteinte des objectifs de recrutement et de maintien en poste des FAC: de nombreuses familles comptent maintenant sur deux revenus. Quand un des conjoints doit déménager dans un endroit éloigné pour son travail, il devient pratiquement impossible pour l'autre de trouver un emploi, et encore moins d'avoir une certaine indépendance professionnelle. De plus, les enfants des membres des FAC trouvent difficile de changer constamment d'école et de se faire de nouveaux amis. Les FAC doivent envisager de garantir aux membres des FAC la possibilité de rester dans un seul endroit pendant une période prolongée et d'offrir des dispositions plus souples aux familles. Il faut ensuite faire connaître ces possibilités aux militaires actuels et potentiels.
    Les FAC, le gouvernement du Canada et, bien sûr, les Canadiens doivent comprendre que les FAC sont en concurrence avec des sociétés privées et même avec d'autres organismes gouvernementaux pour la recherche de talents, mais qu'elles manquent de ressources pour remporter la partie. Pour alléger ce problème, il faut donner aux FAC les moyens d'augmenter leur budget salarial, de créer un milieu de travail accueillant et aidant et de trouver de nouvelles façons de travailler qui procurent plus de stabilité aux militaires et à leurs familles.
    En conclusion, les FAC ont de multiples défis à relever afin d'améliorer le recrutement et le maintien en poste. Au bout du compte, je crois que les Canadiens choisiront de travailler pour une organisation en laquelle ils ont confiance, qui est transparente en ce qui a trait au potentiel et aux possibilités de carrière, qui offre un environnement sécuritaire, diversifié et accueillant, et qui appuie ses employés. Malheureusement, les FAC n'en sont pas là, même si je crois qu'elles pourraient y parvenir à condition qu'elles s'efforcent de façon générale à instaurer un changement organisationnel.
    Merci de votre temps. Je l'apprécie vraiment.
    Merci.
    Allez-y, monsieur Okros.
    J'ai le plaisir de fournir des commentaires au Comité sur le recrutement et la rétention des effectifs dans les FAC. Je vous parle depuis Toronto, et j'ai produit ma reconnaissance du territoire traditionnel dans ma soumission écrite. Mes commentaires seront en anglais.
    Je travaille dans les domaines de la recherche, des politiques et de la prestation en lien avec le recrutement et à le maintien des effectifs aux FAC depuis que je fais du recrutement, à la fin des années 1970. Il y a quelques années, j'ai mené des recherches sur la future cohorte de jeunes afin d'éclairer la prise de décision dans les FAC et je contribue aux initiatives de changement de culture.
    Pour commencer, et comme Mme Mayer l'a souligné, deux facteurs récents ont été importants pour les FAC. [Difficultés techniques]... le débit de formation initiale, ce qui a entraîné une pénurie de membres qualifiés dans les FAC. Et puis, la publicité négative sur le harcèlement sexuel a entraîné une certaine baisse du nombre de femmes demandant à s'engager. Il n'y a pas de solution miracle pour corriger l'un ou l'autre de ces problèmes du jour au lendemain, même si les deux sont au cœur des préoccupations des hauts gradés.
    Plus généralement, les FAC sont confrontées à des tendances à long terme qui rendent le recrutement plus difficile. La bataille pour les talents exige que les FAC élargissent le bassin de candidats. Trois facteurs se recoupent et sont importants. Le premier est la diversité croissante de la société canadienne et la diminution de la proportion d'hommes blancs hétérosexuels dans le bassin de recrutement traditionnel des FAC. Le deuxième est qu'un certain nombre de jeunes gens entrent sur le marché du travail sans avoir les connaissances professionnelles ou les aptitudes à la vie quotidienne requises. Les employeurs se font une concurrence féroce pour recruter les diplômés de l'enseignement postsecondaire, et le pourcentage de ces diplômés qui sont des hommes blancs hétérosexuels diminue plus rapidement que dans l'ensemble de la population. Le troisième facteur est l'urbanisation croissante et le nombre de jeunes adultes qui cherchent à vivre dans les grandes villes. Et beaucoup de ceux qui le font, viennent de milieux divers et sont bien éduqués. Rejoindre la force régulière signifie quitter ces villes, c'est pourquoi la démographie des Réserves diffère de celle de la force régulière.
    Nous nous heurtons ensuite au fait que les FAC n'offrent pas une seule catégorie d'emploi, mais une centaine, et que de nombreux Canadiens n'ont qu'une connaissance superficielle de la vie militaire, ont des raisons différentes de s'engager et se posent une myriade de questions. Le recrutement est une activité personnelle intense où les FAC et le candidat tentent d'évaluer la bonne adéquation.
    Les FAC doivent donc attirer des Canadiens plus talentueux, plus instruits et plus diversifiés; elles font face à une concurrence féroce de la part d'autres employeurs et des lumières des grandes villes; elles doivent investir dans l'expansion de leurs capacités à attirer, informer et sélectionner les bonnes personnes.
    En ce qui concerne le maintien en poste du personnel, j'aimerais souligner que les FAC ont un taux d'attrition inférieur à celui de la plupart de nos alliés. Si les problèmes liés à la COVID et au harcèlement sexuel ont probablement joué un rôle dans le départ de certains membres, les principaux facteurs restent les mêmes depuis de nombreuses années. L'un des principaux est la difficulté de concilier travail et vie personnelle. Les FAC exigent beaucoup des individus, et exerce des pressions sur leurs familles.
    Les exigences liées aux opérations et aux déploiements, à la participation à des stages hors de la base et aux déménagements un peu partout au pays sont importantes. Le jonglage constant du temps et de l'attention peut devenir trop lourd, tout comme les problèmes des partenaires qui manquent de stabilité pour poursuivre leur carrière, les frictions liées au déménagement, à la recherche de nouveaux services de santé pour la famille, à l'inscription des enfants à des équipes sportives, etc. Les FAC offrent en fait une plus grande stabilité géographique que ses homologues américains ou australiens, mais ces pays investissent davantage dans les systèmes de soutien familial, alors que les membres des FAC et leurs familles doivent davantage se débrouiller seuls.
    L'armée britannique a un slogan: on recrute le soldat, et on maintient sa famille dans le giron. Les décisions fiscales ont rendu cet objectif plus difficile à atteindre, et certaines politiques reflètent encore l'hypothèse que chaque membre ayant des enfants peut compter sur une épouse au foyer à temps plein pour s'occuper d'eux.
    En outre, l'attention ne doit plus se porter sur le nombre de personnes qui quittent les FAC, mais sur les personnes qui les quittent. De graves problèmes se posent lorsqu'il s'agit davantage de femmes, de personnes issues de la diversité ou de milieux culturels différents, surtout lorsqu'elles le font parce qu'elles ne peuvent pas atteindre leur plein potentiel. Le fait de savoir qui est promu et qui est freiné dans sa carrière est un facteur important.
    Enfin, je dirai que la question clé pour le gouvernement n'est pas le nombre de personnes en uniforme, mais les capacités que les FAC peuvent générer et maintenir. Comme on l'a démontré au cours des deux dernières années, les FAC disposent d'une grande souplesse pour répondre à des tâches uniques, mais il y a des limites; répondre à ces demandes à un coût. Une partie de ce qu'il faut faire pour résoudre les problèmes de recrutement et de rétention incombe en fait au gouvernement et non à la direction de la Défense. Celle-ci a besoin d'une plus grande prévisibilité, soit d'un financement permettant une plus grande flexibilité.

  (1545)  

    Les questions clés sont donc les suivantes: qu'est- ce que les Canadiens veulent que leurs militaires soient capables de faire, et qu'est-ce que le gouvernement est prêt à investir pour s'assurer qu'ils le peuvent?
    L'invasion de l'Ukraine par la Russie a attiré l'attention sur les contributions du Canada à l'OTAN, mais nous sommes sur le point d'entrer dans la saison des inondations, suivie de la saison des feux de forêt, puis de celle des tempêtes de glace ou des tempêtes de neige potentielles, et les Canadiens veulent toujours que nous fassions plus que de porter les bérets bleus symboliques de l'ONU.
    Je suis impatient de répondre à vos questions.

  (1550)  

    Merci, monsieur Okros.
    Madame Kerry-Lynne Findlay, vous avez six minutes.
    Je remercie les deux témoins de leur présence. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre témoignage.
    Monsieur Okros, quels sont les facteurs qui font que ceux qui partent ne sont pas aptes au service militaire? Comment sont-ils sélectionnés? Le savez-vous?
    Il y a deux volets à cela. Certains sont bien sûr sont obligés de quitter le service parce qu'ils ne correspondent pas aux besoins des Forces armées. Cela se produit habituellement entre la première et la troisième année. Parfois, c'est parce qu'ils sont incapables de répondre aux exigences de formation ou de rendement. Parfois, c'est à cause de leur conduite professionnelle. Nous avons récemment entendu parler dans les médias de jeunes recrues qui ne se sont pas comportés professionnellement sur la côte Ouest. Les FAC peuvent prendre des mesures correctives, essayer d'aider ces gens à comprendre les valeurs, les normes et les comportements en vigueur, mais il arrive que les gens ne parviennent pas à s'adapter et qu'ils doivent partir.
    L'autre raison, bien sûr — comme je l'ai dit — est qu'un grand nombre de Canadiens connaissent assez mal les forces armées. Le système de recrutement essaie d'informer les futures recrues, mais une fois que les gens sont enrôlés et qu'ils ont découvert ce qu'est vraiment la vie militaire, ce en quoi consiste, par exemple, le camping militaire ou une navigation au large, dans l'Atlantique Nord — qui n'a rien à voir avec une sortie de canot sur le lac Ontario — certains se rendent compte que cette vie ne leur convient pas.
    Et puis, pour ceux qui ont dépassé cette période d'adaptation initiale, les véritables raisons de quitter les FAC sont liées à l'équilibre entre le travail et la vie personnelle et à toutes les pressions qui s'exercent sur les familles.
    Je vous remercie de votre témoignage à ce sujet, car il brosse un tableau assez clair de la situation. Je sais que cette vie exige beaucoup des familles, même en temps de paix. Dans la marine, par exemple, des gens sont déployées durant de longs mois.
    À votre avis, qu'est-ce qui attire surtout les gens qui veulent s'engager? Quel est le principal attrait pour les recrues? Une chose qui me vient à l'esprit, c'est que nous avons réussi à attirer des Canadiens pendant la guerre en Afghanistan. Il devait y avoir quelque chose qui les motivait dans le fait que nous étions présents sur un théâtre de guerre.
    Je dirais que les gens s'engagent pour diverses raisons. Certains sont attirés par les qualifications offertes, la possibilité de faire des études supérieures, d'améliorer leurs compétences professionnelles et leurs qualifications. Certains sont attirés par l'aventure et le voyage. Il y a des gens qui veulent se mettre au défi.
    Je suis d'accord pour dire qu'un certain segment de la population canadienne s'est joint quand le Canada participait activement aux opérations de combat en Afghanistan, mais il faut aussi reconnaître qu'une autre partie de la population n'était pas attirée par ce genre d'activités et donc par les annonces de recrutement diffusées à l'époque.
    C'est un défi pour un militaire. Les gens ont de multiples raisons différentes de s'engager.
    L'une des questions soulevées, professeur, est de savoir si les normes relatives à l'universalité du service devraient être modifiées, surtout pour pouvoir recruter des gens ayant des compétences spécialisées pour lutter contre les cybermenaces, par exemple. Qu'en pensez-vous?
    À mon avis, il serait utile de revoir l'universalité du service et son application. Cela peut, à l'occasion, être un obstacle à l'enrôlement, et peut aussi inciter des militaires à quitter l'armée, malgré les compétences et l'expérience très précieuses qu'ils y ont acquises.
    Le défi pour les militaires, pour en revenir à la Marine, c'est la proportion de temps qu'ils doivent passer en mer et sur terre. Plus il y a de gens en uniforme qui ont des limitations quant au type de travail qu'ils peuvent faire, moins il y en a qui doivent passer plus de temps aux déploiements et opérations loin de chez eux. Les militaires ont de la difficulté à parvenir à un juste équilibre.
    En ce qui concerne les Canadiens de diverses origines, j'aimerais savoir si vous croyez que nos forces armées savent s'y prendre pour les attirer.
    Je vais répondre, et peut-être que l'autre témoin pourra vous donner son point de vue également.
    Je conviens que les militaires se sont efforcés de le faire, mais je crois qu'ils ont eu du mal à faire passer le message. Il est difficile de rejoindre les communautés. Il faut des communications très ciblées, personnalisées et spécialisées pour s'assurer que les recrues s'enrôlent en connaissance de cause, mais aussi que leurs familles et leur entourage comprennent leur décision et les aident à faire le bon choix. La publicité générale courante et, en toute honnêteté, celle qui se limite aux matchs de hockey ou de football, ne rejoignent pas tous les Canadiens. Il faut mettre en place des stratégies pour communiquer avec les différentes communautés et leur fournir des informations exactes.

  (1555)  

    Il ne me reste pas beaucoup de temps. Quelle est le taux d'attrition normal pour les Forces canadiennes et quelle est la moyenne de l'OTAN? Le savez-vous?
    Le taux des Forces armées canadiennes se situe entre 6 et 7 %. Parmi les alliés de l'OTAN, il fluctue entre 8 et 10 %, et il est même plus élevé pour certains. Par exemple, pour le Marine Corps des États-Unis, c'est plus de 10 %, et c'est prévu. D'autres armées sont habituées à ce qu'un plus grand nombre de jeunes se joignent à leurs rangs pour les quitter au bout de deux ou trois déploiements. Elles ont un système différent où il s'agit d'attirer les gens, les former en un tournemain, les faire travailler presque aussitôt et puis les laisser partir, contrairement au système de nos forces armées à nous.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Monsieur Okros, pourriez-vous nous dire, pour la gouverne du groupe et de tous ceux qui nous écoutent, ce que l'on entend par universalité du service?
    Volontiers. L'universalité du service exige que tous les militaires soient en mesure de respecter une série de normes principalement physiques qui leur permettent de se déployer dans un vaste éventail d'environnements et de s'acquitter de toute une gamme de tâches. Il s'agit d'un ensemble commun de normes qui s'applique à tous ceux qui portent l'uniforme. Ainsi, par exemple, ceux qui ont des problèmes de santé ont de la difficulté à satisfaire aux critères de l'universalité et finissent souvent par être libérés.
    Merci beaucoup.
    Madame Lambropoulos, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins d'aujourd'hui.
    Je vais commencer par M. Okros, dans le même ordre d'idées que ce que mes deux collègues viennent d'aborder au sujet de la notion d'universalité du service. Vous avez également parlé des changements climatiques au début de votre témoignage. Nous sommes sur le point de vivre des inondations, des feux de forêt et d'autres catastrophes auxquelles nous ne pensons plus tellement depuis que l'Ukraine et l'OTAN accaparent notre attention.
    Supposons que les Forces canadiennes s'y prennent différemment et essaient de retenir ou du moins de recruter du personnel pour une catégorie de missions complètement différentes, pour des phénomènes naturels et autres événements qui se produisent au pays, afin d'aider à protéger les Canadiens. Voyez-vous un avantage à changer d'approche de manière à recruter spécifiquement des gens qui ne sont pas nécessairement portés à combattre à l'étranger, mais qui pourraient rendre service à leur pays en prêtant main forte, en cas d'inondation, par exemple?
    Je dirais essentiellement que oui, je pense qu'il vaut la peine d'envisager une telle approche. Il y a d'autres pays qui font cette différence entre les recrues, renforçant par là leur capacité d'intervention nationale. Ces personnes se retrouvent soit dans l'armée, mais avec des conditions de service différentes, soit dans une organisation distincte.
    À présent que les Canadiens commencent à reconnaître la prolifération de phénomènes météorologiques qui ne se produisaient soi-disant qu'une fois par siècle autrefois, je pense que nos forces armées seront appelées à intervenir plus souvent. C'est en partie la raison pour laquelle j'ai dit qu'il nous faut décider ce que nous voulons qu'elles fassent, car elles sont structurées pour accomplir ce qu'on leur demande, mais il leur arrive de devoir répondre à ces besoins ponctuels.
    D'autres modèles pourraient permettre au personnel de s'occuper exclusivement du contexte national. On pourrait envisager de restructurer les réserves, etc., mais il s'agit d'un système militaire complexe, et il faut donc l'étudier comme il faut, au lieu d'opter pour des solutions éphémères qui peuvent avoir des conséquences imprévues.
    Merci beaucoup.
    Madame Mayer, vous avez beaucoup parlé de la nécessité de recruter des Canadiens diversifiés — plus de femmes — pour changer la culture de l'organisation.
    Je me demandais si vous pouviez nous parler un peu des changements que nous pouvons apporter au niveau gouvernemental pour pouvoir constater une différence dans les Forces armées canadiennes. C'est une organisation pour ainsi dire autogérée, qui n'aime pas nécessairement recevoir des ordres des politiciens. Comment pouvons-nous contourner ce problème?

  (1600)  

    Je dirais pour commencer que le gouvernement et la surveillance civile devraient prendre davantage position et fournir des conseils aux Forces armées canadiennes. C'est notre responsabilité.
    Cela dit, le meilleur outil de changement au sein de l'organisation réside dans la création d'alliances, mais il faut aussi qu'elle renonce à faire figure d'un spectateur innocent à l'égard de ces questions. Si nous améliorons la formation pour mieux sensibiliser les gens au harcèlement et aux abus, leur apprendre à remarquer ce genre de comportement et à dire et faire ce qu'Il faut dans chaque cas, toutes les personnes qui appliqueront ces enseignements pourront peu à peu changer la culture organisationnelle.
    Malheureusement, cette approche exige beaucoup de leadership. Au sein des Forces armées canadiennes — et même à l'extérieur, dans le cadre de la surveillance civile —, nous constatons qu'il n'y a pas beaucoup de reddition de comptes. À mon avis, le gouvernement devrait faire preuve de responsabilité, assumer les erreurs et pousser nos forces armées à apporter ces changements. Ce sont les gestes les plus importants qu'il peut poser de son côté,
    J'ai une autre question, parce que vous avez parlé de la concurrence entre les Forces armées canadiennes, les entreprises et le reste de l'économie canadienne.
    Que doivent faire nos forces armées exactement pour attirer plus de personnes instruites et talentueuses?
    Le premier point que j'aimerais soulever est le processus de recrutement lui-même. À l'heure actuelle, lorsqu'une personne détenant un diplôme universitaire postule un emploi d'officier dans les Forces armées canadiennes, on ne lui demande même pas son curriculum vitae. On se contente d'obtenir quelques simples renseignements personnels et on lui demande d'indiquer les trois postes qu'il préfère. On lui dit que quelqu'un communiquera lui et lui fera passer un test pour voir s'il est vraiment qualifié pour ces postes.
    Dans le secteur privé, voire au gouvernement, ce même diplômé doit présenter une demande complète et répondre à un tas de questions préliminaires. Le candidat a vraiment l'impression de franchir toutes les étapes du processus. Dans les Forces armées canadiennes, il n'y a pas de processus comme tel, et elles gaspillent des ressources précieuses en confiant cette simple formalité à des agents, alors qu'elle pourrait être automatisée. Elle ne fait qu'allonger les démarches.
    Les sociétés privées embauchent des employés dans les mois qui suivent, alors que dans les Forces armées canadiennes, il faut compter un an ou plus. La formation peut elle aussi prendre plus d'un an. Pour faire concurrence aux sociétés privées, nos forces armées doivent accélérer le processus de recrutement et expliquer clairement aux candidats les exigences du poste, quelle sera la solde et le processus.
    Vous avez également parlé un peu du...
    Madame Lambropoulos, je suis désolé, mais votre temps est écoulé.
    Merci beaucoup.
    Madame Normandin, vous avez six minutes.

[Français]

    Je remercie beaucoup les deux témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Mes questions sont de nature générale et elles s'adressent à Mme Mayer et à M. Okros.
    On parle beaucoup des personnes qui quittent les Forces canadiennes, mais j'ai l'impression que l'on ne parle pas nécessairement beaucoup de celles qui y demeurent.
    On peut penser que plusieurs choisissent de rester dans les Forces canadiennes parce qu'elles aiment ce qu'elles font, mais est-il possible que certaines y demeurent parce qu'elles n'ont pas d'autre choix?
    Le fait que des militaires sont malheureux dans leur travail peut-il contribuer, dans certains cas, au climat toxique au sein des Forces canadiennes?

[Traduction]

    Je ne sais pas à qui de nous deux s'adressait la question, mais je vais commencer par celle-ci, si vous le voulez bien.
    Tous les employeurs ont des problèmes avec les employés qui choisissent de rester. Cependant, je dirais que la majorité de nos militaires acquièrent des compétences professionnelles utiles qui peuvent leur permettre d'occuper un autre emploi s'ils décident de quitter l'armée. Je ne pense donc pas que la crainte de ne pas pouvoir obtenir un autre emploi soit la raison qui les empêche de partir. Les gens ont tendance à conserver leur emploi pour pouvoir toucher la pension dont ils rêvent.
    En règle générale, je pense que la grande majorité de ceux qui portent l'uniforme sont là tout simplement parce qu'ils veulent y être. C'est le principal commentaire que je ferais à ce sujet.

  (1605)  

[Français]

    Avant de passer à une autre question, je vais vous céder la parole, madame Mayer.

[Traduction]

    J'allais justement dire que je suis d'accord. J'examinais la planification ministérielle, et seulement 65 % des militaires trouvent qu'il s'agit d'un milieu de travail positif. Ce négativisme reflète peut-être l'humeur de gens qui restent dans les Forces armées à contrecœur ou qui ne veulent pas continuer à y travailler.
    Je suis d'accord. Je crois qu'une fois qu'on a acquis suffisamment d'expérience dans les Forces armées canadiennes, il y a une multitude d'options sur le marché du travail si on souhaite partir.

[Français]

    Madame Mayer, au début de votre allocution, vous avez dit qu'il faudrait retirer les membres qui contribuent à l'environnement de travail hostile qui règne dans les forces armées.
    À votre avis, ces processus de retrait sont-ils, d'une part, efficaces, et, d'autre part, connus des membres des forces?

[Traduction]

    Oui, mais il faudra beaucoup de formation, beaucoup de sensibilisation et beaucoup d'entretiens avant de pouvoir susciter et maintenir un changement organisationnel durable. Les militaires qui refusent de changer devront éventuellement être destitués, ce qui est difficile à l'heure actuelle. Ce serait principalement pour les nouvelles recrues; ce serait indiqué dans leur contrat ou dans le cadre d'un examen de la gestion du rendement, leur rappelant à quel point il est précieux d'avoir un milieu de travail positif et inclusif. Il s'agirait ensuite de mesurer leur rendement en fonction d'indicateurs qui montrent qu'ils participent à cet environnement diversifié et inclusif.
    Je pense que ce serait la principale façon de renvoyer au fil du temps les militaires qui refusent de changer et qui ne contribuent en rien à créer un milieu de travail sûr et inclusif.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Madame Mayer, vous avez mentionné que les gens ne savaient pas toujours dans quoi ils s'embarquaient au moment de s'enrôler dans les forces armées, notamment parce que les publicités pouvaient être un peu trompeuses.
    Ne devrait-on pas mettre davantage l'accent sur un accompagnement à l'entrée pour cerner les points forts de la recrue et lui offrir un parcours spécialisé qui corresponde vraiment à son potentiel?

[Traduction]

    Oui. Je conviens qu'il faut plus d'information sur certains postes. Les Forces armées canadiennes ont des spécialistes du recrutement pour parler avec les candidats, qui peuvent poser des questions. L'ennui, c'est qu'ils ne savent pas lesquelles poser. Le site Web des Forces armées canadiennes est très général à bien des égards, et je pense qu'il manque beaucoup d'information. Il serait utile d'y afficher plus de renseignements sur chaque emploi.
    Comme l'a dit M. Okros, il y a tellement de postes différents et tellement d'exigences professionnelles différentes au sein des Forces armées canadiennes que le fait de n'avoir que des pages générales sur les soldes, par exemple, ne répond pas vraiment aux questions sur un emploi en particulier. Il serait utile de fournir des réponses pendant le processus de recrutement, voire à l'aide d'une Foire aux questions.
    Il faudrait toutefois que les Forces armées canadiennes recueillent plus de données sur leurs recrues, plus de données sur leurs employés et des données ventilées... [Difficultés techniques] ... les gens ont eu des surprises une fois qu'ils se sont enrôlés. Ils ne s'étaient pas aperçus que tel ou tel poste comportait telles ou telles tâches. Par conséquent, je pense qu'il faut plus de communication, et l'agent de recrutement pourrait sans doute être un bon point de départ.

[Français]

    Les forces armées savent-elles qui elles recrutent? Leur offre est-elle suffisamment précise?
    Les publicités sont-elles assez ciblées?

  (1610)  

[Traduction]

    Je dirais que non, surtout compte tenu de ce qui s'est passé avec l'entraînement sur la côte Ouest il y a quelques semaines. Je ne pense pas que le processus de recrutement, surtout au début, soit suffisant pour éliminer d'emblée les candidats qui ne sont pas qualifiés pour le poste. On peut allègrement cliquer sur des cases comme « médecin » et « professionnel de la santé » sans avoir la moindre preuve d'être qualifié, y compris...
    Hélas, nous devons en rester là.
    Madame Mathyssen, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de leur présence aujourd'hui.
    Au cours de la dernière législature, j'ai siégé au Comité de la condition féminine, et nous avons étudié l'inconduite sexuelle dans l'armée. Nous avons entendu le major Kellie Brennan, qui a dit que le général Vance était « intouchable ». Malheureusement, la semaine dernière, il a été absous des accusations criminelles qui pesaient sur lui. La réponse du juge en cause a été très décevante, du moins à mon avis.
    Qu'il s'agisse d'un premier ministre, d'un ancien ministre, d'un juge, à l'interne au sein des Forces armées canadiennes ou à l'externe dans les tribunaux civils, on a l'impression qu'il n'y a ni reddition de comptes ni changement de culture. Il y a certainement une volonté, et je crois que la nouvelle ministre et le général Eyre ont beaucoup parlé de leur désir de changement. Pour ce qui est du recrutement et du maintien en poste, comment peuvent-ils faire abstraction des échos qui subsistent dans les médias?
    Ma question s'adresse aux deux témoins.
    Madame Mayer, voulez-vous commencer?
    Ils ne vont pas s'effacer de sitôt. Depuis deux ans, les médias font état de tous les problèmes de harcèlement et d'exclusion au sein des Forces armées canadiennes. Il doit y avoir une approche descendante, où les dirigeants, y compris civils, doivent assumer la responsabilité et forcer le changement. Je pense qu'il y a aussi une approche descendante en ce qui concerne les pratiques d'embauche, le type de formation requis et les évaluations du rendement.
    À ce sujet, je recommanderais un processus d'évaluation du rendement à 360 degrés, dans le cadre duquel tout superviseur obtient de l'information de ses subordonnés, de ses collègues superviseurs et des échelons supérieurs de la hiérarchie. J'espère que quelqu'un d'aussi problématique ne deviendra plus intouchable à l'avenir, car il ne serait pas embauché au départ pour occuper un poste de direction.
    Mon bref commentaire, si vous me le permettez, c'est que la population canadienne, nos parlementaires et nos forces armées doivent reconnaître l'existence de problèmes hérités du passé. Il suffit de songer aux allégations qui ont été faites contre certaines personnes depuis des décennies. C’est une question qu’il faudra régler, car les normes n’étaient pas claires et celles qui l’étaient n’ont pas toujours été appliquées comme il faut.
    Il importe de tenir compte du moment où les événements se sont produits, ainsi que des politiques et de l’approche adoptées à l'époque. À mon avis, il serait utile d'en parler lors des séances d’information technique sur les initiatives qui seront mises en place désormais.
    Je crois que Mme Mayer a parlé de plusieurs questions que la haute direction a maintenant reconnues et qui sont à l'étude. Quant à savoir si ces efforts vont aboutir au degré de changement de culture que les gens ont hâte de voir, il s'agira de surveiller les choses de près.
    Merci.
    Monsieur Okros, vous avez dit que d'autres pays ont des systèmes de soutien familial plus nombreux que nous, mais ce n'était qu'une brève allusion.
    Pouvez-vous nous donner plus de détails et des exemples précis de ces systèmes de soutien familial?
    Cela dépend du pays, mais il y a plus de services qui sont offerts, comme aider les membres de la famille à trouver un médecin généraliste, parmi d'autres exemples que j'ai cités.
    Autre exemple, dans le système américain, les familles peuvent faire appel à leur régime de santé militaire pour certains services. Les Australiens offrent des services d’aiguillage de sorte que quand le militaire est affecté à un autre État du pays, sa famille n’a pas à se débrouiller toute seule ou à se retrouver sur une longue liste d’attente pour avoir accès à un médecin de famille. Il y a des services d’aiguillage et des réseaux pour l’emploi des conjoints et même des installations récréatives à leur disposition dans les bases. Beaucoup de parents ont de la difficulté à inscrire leurs enfants à des cours de natation.
    D’autres pays offrent davantage de services de ce genre. Ils étaient disponibles autrefois dans les bases et les escadres canadiennes, mais les compressions budgétaires sont venues les couper au fil du temps. Quant au logement familial, comme je l'ai dit, il y a des endroits où d’autres pays offrent un soutien aux familles que les militaires canadiens ont dû réduire faute de fonds à cet effet. Les Forces armées canadiennes ont plutôt tendance à estimer que le militaire qui occupe un logement de l'État vit tout seul.

  (1615)  

    Au Comité de la condition féminine, nous avons entendu des femmes parler du manque de soutien pour le logement et pour la garde d’enfants. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Volontiers. Dans la plupart des cas, les services de garde d’enfants, surtout après les heures de travail et les fins de semaine, sont le genre de services qui doivent être fournis, surtout que lorsqu'on est en déploiement, il n'y a pas moyen d'inscrire ses enfants dans une garderie conventionnelle avec un horaire normal.
    On s'est efforcé de fournir une partie de ces fonds, mais, une fois de plus, certains de nos alliés se montrent beaucoup plus généreux que nous, sachant qu’en soutenant la famille, ils aident la personne en uniforme à faire son travail. Elle pourra se déployer ou s’entraîner sans avoir à se soucier de ce qui se passe à la maison. Autrement, elle se lassera de devoir jongler avec des tas de pressions et elle finira par abandonner.
    Il y a des domaines où l’on pourrait accroître le soutien aux familles, ce qui aurait une incidence directe sur la rétention.
    Merci, monsieur Okros.
    Chers collègues, nous avons 20 minutes et 25 minutes pour les questions.
    Monsieur Motz, vous pourriez peut-être commencer. Vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Monsieur Okros, combien de personnes s'adressent-elles aux Forces canadiennes chaque année pour postuler comme recrues?
    Je regrette, mais mes chiffres ne sont pas à jour. Je pense que ce sont les responsables du système de recrutement qui devraient vous fournir ces informations techniques.
    D’accord.
    On parle de recrutement et de rétention. Environ combien de recrues réussissent le processus de recrutement? Y a-t-il un pourcentage que l’un ou l’autre d’entre vous peut nous donner de ceux qui présentent une demande et de ceux qui sont retenus?
    Je dirais rapidement que le processus de recrutement se déroule à plusieurs niveaux. Mme Mayer a parlé de ce que l'on retrouve en ligne quand on entre dans le site.
    Il y a une raison à cela, car les Forces armées canadiennes doivent atteindre un certain stade pour pouvoir procéder à des formalités comme l'obtention de la cote de sécurité, l'examen médical, etc. C’est un processus aux multiples étapes qui traîne en longueur, et les taux de réussite varient, selon qu'il s'agisse d’hommes ou de femmes. Par exemple, le pourcentage de femmes qui ont réussi à se faire inscrire sur une liste d’attente et à se faire enrôler est traditionnellement plus petit. C’est un aspect qui est à l'étude chez les militaires.
    Ensuite, le taux de réussite dépend aussi de la nature de la profession ou du métier à exercer. Il y a certaines professions... celle de pilote est un exemple évident. Il y a toutes sortes de gens qui aimeraient être pilotes et acquérir la formation rémunérée que l’organisation va leur donner dans le domaine. Par conséquent, la demande est beaucoup plus forte et concurrentielle pour les pilotes par rapport à des métiers moins attrayants, mais les taux de réussite varient.
    Je suis désolé, monsieur Okros. Pour gagner du temps, je vais continuer.
    Ma collègue, Mme Lambropoulos, en a parlé. Pensez-vous que les Canadiens se joignent aux rangs des Forces canadiennes pour jouer le rôle de gardiens de la paix, de défenseurs de la sécurité nationale ou d’intervenants civils en cas d’urgence nationale? Est-ce une des raisons pour lesquelles nous avons un problème de recrutement et de rétention, parce que les gens ne s’inscrivent pas pour des interventions d'ordre civil ou d'intérêt national?
    Vous avez parlé des Américains et de leur Garde nationale. Est-ce une solution que nous devrions envisager sérieusement pour que ceux qui veulent faire partie de nos forces armées ne soient pas privés de la responsabilité de s’occuper de questions nationales, comme une garde nationale ou des intervenants d’urgence civils, et qu'ils aient en fait deux responsabilités distinctes?
    Je pense que l'idée a du mérite, et je crois vous avoir entendu tous les deux le dire tout à l’heure.

  (1620)  

    Je dirais rapidement que ce genre d’options ont beaucoup plus de conséquences en ce qui concerne les décisions structurelles internes prises par les militaires, comme l’endroit où les ressources sont investies, la nature de la formation, etc.
    À mon avis, cela n’aurait pas une grande incidence sur le recrutement. Je reviens à ce que j’ai dit, soit que de nombreuses personnes qui présentent une demande d’enrôlement ont une compréhension très limitée de ce qu’est réellement l’armée ou de ce qu’elle fait. Comme je l’ai déjà dit, les gens y adhèrent pour toutes sortes de raisons. Habituellement, ils y sont pendant environ 12 à 18 mois quand ils commencent à se rendre compte de ce qu’ils ont fait et des options et répercussions. Ça m'étonnerait qu’ils sachent faire la distinction quand ils sont encore des candidats civils.
    C'est bon. J’allais vous demander quel est le niveau de scolarité de la recrue moyenne. Il est peut-être limité, puisque ces personnes n'ont pas su faire les recherches pertinentes.
    J’ai une dernière question. Je ne sais pas combien de temps il me reste.
    Quelle est la durée moyenne du recrutement? Selon un rapport publié en 2016 par le vérificateur général, ce serait 200 jours. Le temps de recrutement moyen était de 200 jours. Qu'en est-il maintenant, madame Mayer ou monsieur Okros?
    Nous allons devoir en rester là. Je suis désolé, mais nous devons respecter...
    Je suis sûr que vous...
    S’enrôler dans l’armée, c’est un peu comme faire de la politique. On ne sait pas vraiment dans quoi on s'embarque tant qu'on n'y goûte pas.
    Une voix: Vrai.
    Oui. Je crois que tout le monde est d'accord.
    Heureux de vous revoir, monsieur Gaheer. Vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d’avoir pris le temps de nous rencontrer. Ma première question s’adresse au professeur Okros.
    Vous avez parlé un peu du taux de maintien de l’effectif des Forces armées canadiennes et vous avez dit qu’il était en fait supérieur à celui de nos alliés de l’OTAN. Je suis pourtant persuadé qu’il y a des choses qu’ils font mieux que nous. Lesquelles et que pouvons-nous apprendre d’eux?
    Pour ce qui est de la rétention ou maintien en poste, c'est le soutien familial qui se dégage surtout à mon avis, car c'est vraiment une des principales raisons pour lesquelles les gens partent plus tôt qu’ils ne le voudraient.
    Les divers pays ont des stratégies et des approches différentes pour régler les problèmes. Certains essaient d’offrir une plus grande stabilité géographique, ou s'efforcent à tout le moins de garder les gens près de chez eux pendant les premières années, le temps de les laisser s'adapter. Cela varie considérablement. Il est toutefois très difficile pour le Canada d’essayer de suivre certains de ces modèles, ne serait-ce qu'en raison de la dispersion géographique de nos forces dans l’ensemble du pays. En somme, j'estime que nous pourrions surtout nous pencher sur le soutien familial pour encourager le maintien en poste.
    C’est très bien. Merci.
    Ma question s’adresse aux deux témoins. Professeur, vous avez parlé un peu de la campagne de publicité et dit que les vidéos sont diffusées principalement pendant les matchs de hockey ou de football. Comment se déroule la campagne de publicité des Forces armées canadiennes? Comment s'arrangent-elles pour attirer un plus grand nombre de Canadiens?
    Madame Mayer, voulez-vous commencer?
    Volontiers.
    Le problème, c’est que cela ne plaît pas beaucoup à l’ensemble de la population. Comme l’a dit M. Okros, ce genre de campagne n'atteint pas directement toute la diversité démographique du Canada. Pour ce qui est de la commandite de certains sports, par exemple le baseball, la population est plus âgée, blanche et masculine. Comparez cela à la NBA, disons, où la population est au moins plus jeune. Ce serait plus efficace, par exemple. De plus, les annonces montrent souvent un poste très intéressant et cela pourrait avoir une incidence sur la rétention, surtout dans cette fourchette d’un à trois ans, lorsque les gens s'aperçoivent qu'il ne s'agit pas de piloter des hélicoptères à longueur de journée. Être membre des Forces armées canadiennes, c’est beaucoup plus.
    Si vous me permettez de poursuivre rapidement sur ce sujet, nos forces armées ont reconnu ces problèmes et se sont mobilisées, notamment en se tournant vers les médias sociaux. Elles sont actives sur TikTok, car elles ont reconnu les canaux appropriés pour rejoindre les jeunes en particulier. Le défi que pose le recours aux médias sociaux pour être concurrentiel dans ce domaine, c’est le travail intensif que cela exige. Encore une fois, nous nous retrouvons dans la situation difficile où on ne dispose pas du personnel nécessaire pour faire le travail intensif qu'il faut pour diffuser des messages spécialisés dans ces médias. À mon avis, les Forces canadiennes en sont conscientes et cherchent à trouver de nouvelles approches, mais elles ont besoin de ressources pour y arriver.
    C’est très bien. Cela m’amène à ma prochaine question concernant les médias sociaux et les technologies de recrutement numériques. Madame Mayer, vous en avez parlé, mais avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?

  (1625)  

    Vous voulez dire sur le recours aux médias sociaux?
    Oui.
    Nos forces sont sur TikTok, YouTube, Facebook et Instagram, et diffusent plus de publicités destinées aux jeunes, en particulier, et à des groupes démographiques plus diversifiés. Cependant, je dirais moi aussi qu’il s’agit d’un problème de ressources à ce stade-ci. Il est très difficile de soutenir la concurrence dans des marchés numériques de la sorte avec seulement un ou deux employés pour s'occuper des médias sociaux.
    Nous allons devoir nous arrêter là, malheureusement.
    Madame Normandin, vous avez une minute et demie.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Pour être en mesure de régler les problèmes liés au recrutement et à la rétention dans l'armée, il faut bien définir les problèmes existants. Or on entend beaucoup parler d'une espèce de code du silence dans l'armée, de sorte qu'il est assez difficile d'obtenir de l'information précise des militaires au sujet des problèmes qui ont cours.
    Le fait que le code du silence empêche d'avoir la bonne information est-il conforme à la réalité?
    Cela peut-il nuire aux changements qu'il faudrait apporter dans l'avenir en ce qui a trait au milieu de travail hostile?

[Traduction]

    Le code du silence a des effets négatifs sur nos forces armées à ce stade, au lieu de positifs, comme il était prévu. Je recommanderais de mener des sondages ou des entrevues de départ auprès des militaires qui abandonnent l'armée, que ce soit juste après l’instruction de base ou après 20 ans de service. Dans le cadre de ces sondages, j’essaierais de décortiquer ce code du silence en posant des questions précises, par exemple: Vous êtes-vous senti soutenu du point de vue médical? Vous a-t-on aiguillé vers un professionnel de la santé? Aviez-vous des services de garde?
    Il s'agirait de rendre les questionnaires faciles à remplir et obligatoires dans la mesure du possible.
    J’aimerais faire une brève observation. Je pense que le Comité pourrait tirer profit d’un mémoire technique sur la recherche qui est effectuée sur les sondages actuels et les données recueillies. Certains de ces renseignements sont disponibles. Les hauts dirigeants en ordonnent la collecte et on les tient au courant des résultats.
    Malheureusement, nous allons devoir en rester là. Je suis sûr que vous y reviendrez, monsieur Okros.
    Madame Mathyssen, vous avez une minute et demie.
    Auparavant, les budgets de recrutement étaient plus importants. Vous avez parlé d’aller là où se trouvent les gens, les jeunes dans les médias sociaux, mais il fut un temps où on envoyait des recruteurs dans les collectivités rurales, éloignées, nordiques et autochtones, ce qui ne semble plus tellement être le cas. Devrait-on envisager un retour à ce genre de recrutement dans les collectivités des Premières Nations?
    Je dirais rapidement que oui. Comme vous l’avez dit, le problème revient encore une fois aux décisions relatives aux ressources qui ont dû être prises à certaines étapes. La répartition de la structure des forces pose des défis importants. Combien de personnes voulez-vous avoir qui sont effectivement déployées et qui mènent des opérations par rapport à celles que vous voulez avoir dans le système de recrutement et de formation, etc.?
    Ce sont des décisions constantes que les hauts dirigeants doivent prendre, et c’est pourquoi j’ai dit qu'il leur faut soit plus de prévisibilité pour pouvoir affecter les ressources aux bons endroits, soit miser sur la souplesse, car ils n'ont pas eu de souplesse, au détriment. des processus de recrutement.
    Nous allons devoir en rester là.
    Monsieur Dowdall, vous avez quatre minutes. Bienvenue au Comité.
    Merci beaucoup.
    Je profite de l'occasion pour remercier nos témoins d'avoir pris le temps de comparaître. Avant d'être député, j'ai eu la chance d'être le maire du canton d'Essa, où se trouve la plus grande base d'entraînement, celle de Borden. Il y a toujours beaucoup de militaires dans le coin.
    J'ai relevé tantôt un commentaire important qui portait sur le mode de vie. Les choses ont vraiment changé au fil des ans, surtout à l'heure actuelle. Les militaires qui vivaient auparavant sur la base résident maintenant en ville, et ils ont eu une augmentation pour pouvoir s'acheter une maison. L'ennui c'est qu'une maison de taille moyenne coûte 800 000 $. Je me demande si les gens en tiennent compte lorsqu'ils décident de s'enrôler dans l'armée.
    Et c'est comme vous l'avez dit pour le conjoint, l'importance de participer à des sports ou d'enseigner le hockey à nos enfants, toutes ces activités... Ils font maintenant partie de notre collectivité. C'est vraiment différent. Je me demande si c'est l'une des raisons pour lesquelles on ne reçoit pas tellement de demandes.

  (1630)  

    J'allais simplement faire un bref commentaire sur la question de la rémunération et sur celle du logement qui en découle. À l'heure actuelle, il n'y a qu'une seule page sur le site Web des Forces armées canadiennes où il est question de rémunération, et la seule information qui y est affichée, c'est que la solde au niveau débutant se situe entre 33 000 et 64 000 $. Oui, je crois absolument qu'il faut fournir plus d'information sur la rémunération pour que les demandeurs aient la certitude de pouvoir se payer une maison à l'avenir.
    Merci.
    J'ai un autre commentaire. J'ai également eu la chance, au cours de la séance précédente, de siéger à ce Comité. J'ai participé à l'étude sur l'inconduite sexuelle dans l'armée. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'en être témoins. En ma qualité de député d'une circonscription où il y a une base, je dois dire à quel point j'ai été déçu par l'obstruction systématique exercée par le gouvernement à l'époque où nous avons entendu les témoins, et par le fait de ne pas avoir pu arriver à une conclusion. Je veux simplement... Pensez-vous que ce comité a contribué d'une façon ou d'une autre à augmenter le nombre de personnes qui pourraient vouloir joindre les rangs aujourd'hui?
    Je crois que le comité en question a montré que les députés prennent cette question au sérieux, même si certains ne se sont pas montrés aussi responsables qu'on aurait pu le souhaiter. Personnellement, la spectatrice que j'étais n'en est pas sortie moins révoltée à l'égard du harcèlement sexuel qui se produisait dans les Forces armées canadiennes. En fait, personne n'a voulu en assumer la responsabilité lors des nombreuses réunions.
    On pourrait peut-être recommander au gouvernement de rédiger des politiques sur la surveillance civile et sur ce que les parlementaires devraient faire. Une politique officielle normalisée éliminerait peut-être une partie de l'influence politique.
    Je dirais rapidement que ceux qui suivent régulièrement les audiences des comités sont tout à fait capables de reconnaître les différentes politiques, les différents partis et leurs diverses contributions, comme s'ils assistaient à une pièce de théâtre.
    Monsieur Dowdall, vous avez 30 secondes.
    Rapidement, pensez-vous que le manque d'infrastructure pourrait être une autre raison pour laquelle les gens ne veulent pas s'impliquer? Par le passé, mes bureaux ont été la scène de piquetage en signe de protestation contre l'achat d'équipement pour les militaires. Cela a décidément changé depuis l'invasion. Les choses semblent changer.
    Pensez-vous que ça pourrait empêcher les gens d'aller chercher ailleurs une fois qu'ils auront acquis des connaissances?
    Malheureusement, la réponse à cette importante question devra être reportée à un autre moment.
    Nos quatre dernières minutes sont pour Mme O'Connell.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les deux d'être ici.
    Monsieur Okros, vous avez donné l'exemple du Royaume-Uni, où les choses se passent bien en ce qui concerne l'unité familiale et le soutien.
    En plus du Royaume-Uni, y a-t-il un autre pays qui s'en tire bien et dont le Canada devrait s'inspirer pour les questions de recrutement et de maintien en poste? Le genre d'approche ultra masculine aux forces armées n'est pas l'apanage du Canada et l'inconduite sexuelle... [Difficultés techniques]. Vous avez travaillé un peu aux États-Unis sur la politique « ne rien demander, ne rien dire ». Elle n'a rien d'exclusif. C'est certainement un secteur très macho, alors comment peut-on éliminer non seulement les stéréotypes, mais aussi la réalité de ce qui se passe et les problèmes systémiques?
    Y a-t-il des pays qui reconnaissent les dommages que cela a causés et qui ont fait des progrès importants, ou qui ont pris des mesures vraiment stratégiques que l'un ou l'autre d'entre vous pourrait nous décrire? Il faudra un certain temps pour que le système s'imbibe de tout cela, mais y a-t-il selon vous un pays qui a fait beaucoup de choses positives à cet égard et qu'il s'agirait d'imiter?

  (1635)  

    J'ai deux brèves observations, si vous me le permettez. Premièrement, en ce qui concerne la rétention, nous avons mentionné la question du logement. Je me tournerais vers les Australiens et leurs politiques en matière de logement. C'est un aspect que j'examinerais.
    Deuxièmement, en ce qui concerne le harcèlement sexuel, le Groupe des cinq examine ces mêmes questions simultanément. Le Canada est perçu comme un chef de file selon le consensus général des autres pays membres. Notre pays s'est montré plus disposé à faire preuve d'ouverture à ce sujet et à remettre les choses en question.
    Compte tenu des stratégies avancées au cours de la dernière année — Mme Mayer en a mentionné quelques-unes —, comme les nouvelles annonces de politiques sur l'importance de l'inclusion et de l'importance du caractère, et les domaines dont les hauts dirigeants parlent en ce qui concerne l'orientation à prendre, les Forces armées canadiennes dirigent le Groupe des cinq. Ils surveillent tous la façon dont tout cela fonctionne.
    Madame Mayer, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Non, je pense que c'est tout.
    D'accord.
    Je voulais aussi parler du recrutement et des expériences culturelles. Je l'ai déjà dit au Comité, et mes collègues l'ont peut-être déjà entendu. J'ai déjà fait de la politique municipale. Nous avons quelque chose de semblable... [Difficultés techniques] ... les pompiers, les nouveaux agents de police qui reflétaient la diversité de notre collectivité, car de nombreux néo-Canadiens, et certainement leurs parents, considéraient que certaines de ces institutions ne convenaient pas et qu'elles ne devraient pas accueillir leurs enfants. J'imagine que dans certaines cultures et dans certains pays, les Canadiens qui sont maintenant... [Difficultés techniques] ... ont des défis importants à relever.
    Y a-t-il quelque chose qui se fait dans les pays pour dissiper cette perception erronée des avantages de s'enrôler dans les Forces armées canadiennes qui ressort de cet exemple?
    Brièvement, c'est reconnu et il y a des efforts, mais c'est la raison pour laquelle j'ai dit qu'il fallait vraiment des communications ciblées pour certaines communautés. Il y a différentes raisons pour lesquelles leurs membres sont réticents à se joindre aux forces armées.
    Encore une fois, nous en revenons à tout ce que cela exige sur le plan du temps, des efforts, de l'argent et, surtout, des gens. C'est pourquoi nous n'avons pas fait autant que nous aurions dû faire.
    Madame Mayer, voulez-vous terminer par une brève déclaration?
    Voulez-vous dire une brève déclaration à ce sujet?
    Oui.
    Nous avons besoin de ressources pour vraiment discuter et communiquer avec ces communautés.
    Je pense que le changement organisationnel qui doit se produire aura également des répercussions à ce chapitre. Même si quelqu'un compte travailler pour les Forces armées canadiennes à un moment donné, il en sera dissuadé dès qu'il entendra parler de tout le harcèlement qui s'y passe envers les minorités visibles, les Autochtones, les LGBTQ+ et les femmes.
    Merci.
    Avant de suspendre la séance, je tiens à remercier Mme Mayer et M. Okros au nom du Comité. Vous avez certainement lancé notre étude dans une direction très positive. C'était très utile. Je vous remercie de vos observations réfléchies.
    Sur ce, chers collègues, nous allons suspendre la séance le temps de changer de groupe de témoins.

  (1635)  


  (1640)  

    Nous voilà prêts à reprendre.
    Pour la deuxième heure, nous accueillons Andrea Lane, scientifique de la défense au Centre de la recherche opérationnelle et de l'analyse, Recherche et développement pour la défense Canada, et Madeleine Nicole Maillette.
    J'invite maintenant les deux témoins à faire une déclaration de cinq minutes, en commençant par vous, madame Lane.
    Je suis une scientifique de la défense, mais je comparais à titre personnel. Par conséquent, je ne suis pas vraiment en mesure de commenter directement la politique actuelle, sauf dans la mesure où elle touche mes recherches. Je suis également la fière épouse d'un marin.
    Si je peux commencer par ce que je considère comme le facteur clé qui rend le recrutement et le maintien en poste si difficiles au sein des Forces armées canadiennes, c'est que celles-ci n'ont pas une culture qui leur soit propre, mais plutôt un millier de microcultures différentes. Chaque service, chaque profession a un ensemble particulier de traditions, d'exigences, d'habitudes et de vocabulaire qui lui sont propres, et qui sont souvent en contradiction avec ceux des autres professions.
    Une campagne de recrutement qui attire quelqu'un vers une profession très physique, agressive et identitaire comme l'infanterie pourrait fortement décourager quelqu'un qui est intéressé à devenir technicien en recherche et sauvetage. Il est facile de déterminer quels comportements universels sont nuisibles, comme la consommation excessive d'alcool ou le harcèlement sexuel. Il est plus complexe de comprendre le pourquoi des exigences traditionnelles, mais non éprouvées, comme une bonne musculature du haut du corps pour pouvoir accéder à certaines professions, et comment ces exigences peuvent être discriminatoires à l'égard des femmes. Il faut donc des recherches sensibles et des solutions au niveau de l'unité.
    Cela m'amène au deuxième défi, qui est la tension entre l'individualité et l'universalité. En cherchant à se faire plus accueillantes pour les personnes qui ne correspondent pas au moule traditionnel d'un Canadien de souche vivant en milieu rural avec une épouse au foyer, les Forces armées canadiennes ont établi des politiques sur la tenue vestimentaire et la toilette, le congé parental, l'affectation, les couples en service, etc., qui sont toutes conçues pour aider les militaires qui ont des besoins personnels et familiaux différents.
    Malheureusement, les politiques qui profitent à certains sont perçues par d'autres comme les désavantageant ou affaiblissant un aspect fondamental de la culture militaire, qui est l'universalité du service, un concept qui rappelle que le soldat ne laisse pas d'être un soldat. Même lorsque les dirigeants reconnaissent que l'universalité a toujours été un code pour désigner les hommes anglophones de race blanche, on craint vraiment qu'au-delà d'un certain point, les adaptations individuelles ne détruisent l'esprit de corps qui, pour certains, est au cœur de leur service militaire.
    Il s'agit d'un changement de culture, mais plus précisément d'une transition économique. Au cours des décennies précédentes, les Canadiens qui se sont enrôlés ont accepté une perte d'autonomie au profit d'une carrière susceptible de subvenir aux besoins de toute une famille avec un seul revenu. C'est une carrière où on déménage fréquemment, mais où le logement était disponible et subventionné, et où les enfants passaient d'une école à la suivante, mais rencontraient de vieux camarades dans les écoles des bases partout dans le monde. La situation est devenue radicalement différente. La plupart des familles ont un double revenu par choix ou par nécessité, et de nombreuses bases sont situées dans des endroits où il est difficile pour les conjoints de trouver un emploi intéressant et rémunérateur. Les coûts des logements ont monté en flèche, et les militaires qui déménagent fréquemment sont à la merci du marché, tandis que d'autres qui restent au même endroit réalisent d'importants profits.
    Les avantages d'être militaire ne l'emportent plus sur la perte d'autonomie et la tension familiale grave qu'elle peut créer. Les politiques de soutien à l'individualité ne peuvent être que limitées quand les forces armées font face des problèmes structurels et économiques qui sont enracinés dans l'ensemble de la société canadienne.
    Enfin, le troisième défi réside dans les preuves. Nous savons, d'après des recherches antérieures, que les femmes et les autres minorités font face à un large éventail d'obstacles dans des institutions toutes faites pour les hommes de race blanche, comme les Forces armées canadiennes. Ce que nous ne savons pas, c'est comment régler ce problème dans le contexte militaire. Par exemple, si les femmes sont perçues comme autoritaires, stridentes ou peu aimables lorsqu'elles s'affirment, cela peut faire d'elles un leader moins efficace. Comment peut-on démystifier les effets du sexisme et la réalité selon laquelle la plupart des femmes militaires dirigeront des hommes pendant la majeure partie de leur carrière? Comment distinguer une femme qui est une médiocre leader d'une femme qui subit les effets corrosifs du sexisme de la part de ses subordonnés?
    Chaque décision de promotion dans les forces armées est remarquée, discutée et disséquée sur les médias sociaux et fera l'objet de rumeurs et de griefs. Il est donc essentiel d'être transparent au sujet de ce qui se passe lorsque les gens sont promus ou non. En ce qui concerne le changement de culture, nous ne savons pas à quoi ressemblent les pratiques exemplaires, car la guerre est une condition expérimentale très difficile à reproduire. Tous les chercheurs et les décideurs qui veulent changer les mauvais aspects de la culture des Forces armées canadiennes — le sexisme, l'inconduite sexuelle, le racisme, l'homophobie, la pensée de groupe, l'anti-intellectualisme et le copinage — se heurtent au même argument: « Voilà ce qui a fonctionné dans le passé. Comment puis-je savoir que vos suggestions ne vont pas entraîner la mort de gens? » La réponse véridique, c'est que je l'ignore.
    Ce que je sais, c'est que les Forces armées canadiennes manquent désespérément de personnel. Les scandales d'inconduite sexuelle ont ébranlé la confiance des Canadiens envers leurs militaires et la confiance des militaires envers leur leadership. À mesure que la société canadienne devient plus polarisée et que la confiance envers les institutions diminue encore plus, les Forces canadiennes doivent s'adapter pour survivre. Une des façons de s'y prendre consiste à apporter des changements prudents, transparents et fondés sur des données probantes sur le plan de la culture, de la formation et des promotions.
    Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions sur tout ce que j'ai présenté ou sur tout autre aspect du recrutement, du maintien en poste et du changement de culture.

  (1645)  

    Merci, madame Lane.
    Nous passons maintenant à Mme Maillette. Vous avez cinq minutes.
    Je tiens à remercier ce groupe de témoins de m'avoir permis d'être la voix de plus de 200 soldats actifs.
    En discutant avec d'autres anciens combattants, j'ai appris qu'il y avait de plus en plus de discussions au sujet de la radicalisation vers l'extrémisme violent au sein des forces armées canadiennes. J'ai donc rencontré des soldats, des caporaux et des caporaux-chefs des forces régulières et je leur ai posé deux questions. D'abord, si vous savez que vous travaillez dans un environnement hostile, qu'est-ce qui vous y retient? Ensuite, quels comportements considérez-vous comme étant hostiles?
    Depuis août 2021, j'ai reçu près de 200 signalements de comportements hostiles, qui s'ajoutent à ma propre expérience à la BFC Borden. J'ai été témoin du rabaissement de soldats de rang inférieur à l'extérieur de l'environnement militaire. Cette situation a une incidence non seulement sur la rétention de nos militaires, mais elle peut aussi les pousser à des accès de violence ou à accepter les mauvais traitements comme partie intégrante de l'entraînement.
    Voici quelques-unes de mes conclusions.
    Premièrement, l'absence de réponse immédiate de la part d'un officier de rang supérieur témoin de commentaires inappropriés de la part d'officiers de rang intermédiaire à l'endroit de soldats de rang inférieur envoie simplement un message aux deux parties que ce comportement non professionnel est considéré comme acceptable.
    Par exemple, en ce qui concerne le problème de logement en établissement, on entend des commentaires du genre : « Avez-vous songé à abandonner votre entente de garde exclusive? Il vous serait ainsi plus facile de trouver un endroit où vivre. » Pour ce qui est des blagues, il y a la question suivante : « Êtes-vous en train de me jouer le jeu de l'Autochtone? » ou « Eh bien, j'espère que nous ne découvrirons pas de tombes anonymes sur notre base. » En ce qui concerne l'avancement, on pourrait entendre des remarques comme : « C'est du racisme parce que vous n'avez été promu que parce que vous êtes une femme, une personne gaie ou minoritaire. » En ce qui concerne le fait de pouvoir assister à des funérailles familiales, on pourrait entendre : « Eh bien, cette personne n'est pas assez importante pour que je vous accorde le temps dont vous avez besoin pour faire votre deuil ».
    Les données indiquent qu'aucun officier commissionné ayant entendu ces commentaires n'a reconnu à quel point ils étaient inappropriés. Cette absence de réponse immédiate envoie le message que les militaires ont le plein contrôle de la famille d'un soldat, de son droit de faire le deuil d'un membre de sa famille et de l'identité raciale d'une personne.
    Deuxièmement, au cours des deux dernières années, quelques caporaux-chefs ont cerné des problèmes moraux au sein de leurs escadrons ou divisions. De leur propre chef, ils ont communiqué avec des officiers commissionnés afin de présenter des solutions à ces problèmes et, en réponse à leurs suggestions, ces caporaux-chefs ont été menacés d'une accusation de sédition et de trahison, en particulier s'ils persistaient à soulever ces problèmes. La crainte de représailles se trouve dans toute la correspondance que j'ai reçue. Il faut énormément de courage pour parler à qui que ce soit dans l'armée ou ailleurs. Un code du silence est imposé à tous les soldats de la Défense nationale. L'on peut constater qu'il s'exerce un contrôle par la peur dans 100 % des données que j'ai recueillies.
    Troisièmement, il y a le changement évident au sein de la hiérarchie militaire, de son ancienne forme pyramidale à une répartition de plus en plus étendue selon les grades. Le changement du ratio des grades supérieurs par rapport aux grades inférieurs entraîne une concurrence féroce entre pairs, en particulier lorsqu'une mesure d'avancement est en jeu. La microgestion devient beaucoup plus évidente parce qu'elle se caractérise par des commentaires de microagression, l'absence d'une répartition appropriée des tâches, le rabaissement, l'ostracisation et le passage sous silence délibéré des comportements inconvenants. La microgestion est également propice au développement d'environnements toxiques.
    Quatrièmement, le processus de règlement des griefs au MDN est inadéquat. Après avoir discuté avec des gens qui travaillent dans ce service, j'ai constaté que la majorité des plaintes sont considérées comme inutiles ou non fondées, ou qu'elles sont simplement classées comme des « questions de droits de la personne », ce qui veut dire qu'on ne tient carrément pas compte du grief d'un soldat. Par conséquent, ce soldat est obligé de financer son propre grief.
    Cinquièmement, le service médical sait exactement où se trouvent ces environnements toxiques. Ses représentants ont confirmé à bon nombre de mes contacts qu'ils connaissent les services où surgissent des problèmes de santé mentale. Cependant, comme ils n'ont aucun pouvoir sur les autres sections militaires, leur solution consiste à prescrire des médicaments à ces personnes, qui n'ont pas d'autre choix que de retourner dans ces milieux de travail toxiques.

  (1650)  

    Il s'agit d'une menace interne à la sécurité du public, parce que certaines personnes m'ont dit avoir avisé leur supérieur qu'elles ne s'étaient pas bien adaptées au nouveau médicament et qu'elles auraient besoin de temps pour s'y adapter. On leur a refusé le droit de prendre des congés de maladie. Le sentiment d'anxiété associé à leur incapacité de se concentrer entièrement sur leur travail a accru le niveau de peur associé au fait de causer la mort d'un collègue.
    Madame Maillette, je suis désolé de vous interrompre. Pourriez-vous conclure le plus tôt possible, s'il vous plaît?
    D'accord.
    En conclusion, la rétention ne fonctionne que lorsque les comportements toxiques sont maîtrisés. Il est également important de comprendre que la toxicité entraîne une radicalisation vers l'extrémisme violent.
    Merci.
    Monsieur Motz, veuillez commencer votre tour de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de leur présence. Vous avez toutes les deux des perspectives très uniques, si je peux m'exprimer ainsi, sur les Forces armées canadiennes, tant du point de vue des membres des forces armées que de celui des membres de leur famille. J'aimerais vous poser quelques questions.
    Je vais commencer par vous, madame Lane. Votre mari, vous l'avez dit, est officier de la marine en ce moment. Il est dans la marine. Ferait-il de nouveau ce choix? Voudriez-vous qu'il refasse ce choix s'il pouvait recommencer, compte tenu du contexte militaire actuel?
    J'hésite à parler en son nom, mais je pense qu'il referait le même choix. Il a eu une carrière très enrichissante malgré les hauts et les bas.
    Voudriez-vous qu'il refasse ce choix?
    Je pense que oui, mais je reconnais que cela a été difficile. Cela a eu des répercussions non seulement sur ma carrière, mais aussi sur la vie de nos enfants. Il est important de voir son conjoint satisfait et heureux dans son travail. Pour lui, cela s'est passé dans la marine. Je ne pense pas que ce soit le seul endroit où il serait heureux, mais s'il me disait qu'il referait le même choix, je l'appuierais.
    Merci.
    Madame Maillette, vous avez servi dans les Forces et nous vous en remercions.
    Si vous deviez retourner en 1980 aujourd'hui en 2022, le feriez-vous?
    En 2022...? Non.
    Pourquoi pas?
    À cause de mes contacts avec les soldats en ce moment, je vois à quel point l'environnement est plus toxique aujourd'hui qu'à l'époque.
    Comme pays, nous sommes certes conscients de certains des défis qui se posent au sein des forces armées.
    Au cours de la pause, nous avons souligné à quel point ce comité est formidable, en ce sens que nous avons un objectif et un intérêt communs, soit la sécurité nationale du Canada, c'est-à-dire la capacité de nos militaires de défendre notre pays, d'avoir les outils nécessaires pour le faire, maintenir en poste et recruter des gens et relever les défis qui s'y rattachent. Ensemble, nous avons reçu des recommandations par le passé, au fil des ans, que ce soit au cours des six dernières années, pour certaines d'entre elles, ou même au cours des 10 ou 15 dernières années.
    Il y a des aspects de l'armée qui doivent être corrigés. Que devons-nous faire?
    Pour répondre aux deux questions, l'une de votre point de vue, madame Maillette, et l'autre de votre point de vue, madame Lane... Je pourrais vous poser la même question, madame Lane. Vous avez été réserviste. Souhaiteriez-vous maintenant vous joindre aux Forces canadiennes en tant que membre régulier en 2022?

  (1655)  

    Oui, j'ai été brièvement dans la force de réserve au Royaume-Uni. Personnellement, je ne voudrais pas me joindre à la réserve pour le moment, mais je serai heureuse de répondre à vos questions qui portent davantage sur mes recherches professionnelles.
    C'est ce que je veux dire, que notre rôle ici est d'essayer d'améliorer nos forces armées, de découvrir pourquoi les gens ne restent pas dans les forces armées et pourquoi nous ne pouvons pas recruter des gens en nombre suffisant. Il nous en manque au moins 7 500 dans l'ensemble — j'ai entendu dire qu'il en manque jusqu'à 10 000 — en ce qui concerne les FAC, la marine et la force aérienne, etc. Nous éprouvons des problèmes d'inconduite. Comment pouvons-nous régler le problème?
    Vous êtes toutes les deux des universitaires et vous avez fait de la recherche. Comment pouvons-nous réparer ce qui ne fonctionne pas de manière à continuer d'appuyer ceux qui se mettent au service de notre pays dans l'honneur et nous occuper de ceux qui n'en ont peut-être pas fait autant?
    Puis-je répondre à cette question?
    Vous pouvez répondre toutes les deux.
    Je fais de la recherche quantitative. Je cherche toujours des données qui me surprendront. Ce que je ferais à l'heure actuelle, c'est obtenir l'autorisation d'étudier les documents médicaux et de déterminer où se trouvent les environnements toxiques. En connaissant le nombre de soldats médicamentés et en vérifiant leurs médicaments, nous pourrions découvrir où se trouvent les environnements toxiques — dans quel escadron ou division — et nous saurions alors davantage par où commencer.
    La parole est à vous, madame Lane.
    Ma réponse serait légèrement différente. Je commencerais par une discussion avec l'ensemble des Canadiens sur ce que nous considérons comme le rôle futur des Forces armées canadiennes et sur la façon de l'adapter à ce que nous prévoyons que les Canadiens décideront à l'avenir.
    Bon nombre des défis auxquels les FAC sont confrontées à l'heure actuelle — et, comme vous l'avez dit, depuis 15 ou 20 ans — sont liés aux défis que le Canada dans son ensemble doit relever en ce qui concerne ce que nous sommes comme pays, qui nous considérons comme nos alliés, ce que nous considérons comme notre histoire et comme notre avenir. Pour de nombreux Canadiens, tout cela a beaucoup changé. Nous avons vu l'influence perturbatrice de la présidence de Trump aux États-Unis et la façon dont les Canadiens percevaient cette relation traditionnellement très amicale avec les États-Unis. Avec l'invasion de l'Ukraine, nous constatons maintenant que la politique étrangère de l'Allemagne se modifie.
    De nombreux Canadiens réévaluent le sentiment de sécurité et de paix que nous vivons en grande partie depuis la fin de la guerre froide, et les FAC jouent un rôle important à cet égard...
    Malheureusement, M. Motz ne vous a pas laissé suffisamment de temps pour nous en dire davantage sur cette question importante.
    Monsieur May, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'être ici pour lancer cette étude.
    Mes questions s'adressent à Andrea Lane. Je vais m'en tenir à votre recherche. Vous avez écrit au sujet du sexe des membres des forces armées — en particulier dans les rôles de combat — et du lien que l'on établit généralement entre la masculinité et le métier de soldat. Vous avez également souligné le lien entre la nécessité de renforcer la masculinité des soldats et le renforcement des aspects les plus négatifs de la masculinité, que nous appellerions maintenant, peut-être, la masculinité toxique.
    En quoi cela influence-t-il les problèmes que nous constatons dans les forces, y compris l'inconduite sexuelle et les diverses formes de discrimination?

  (1700)  

    Je vous remercie de cette question. Je vais faire de mon mieux pour y répondre, mais je dois dire que c'est extrêmement complexe.
    Je devrais souligner qu'il y a une distinction entre ce que vous avez correctement identifié comme étant la masculinité toxique et la masculinité en général, et aussi entre la masculinité toxique et les hommes. Certains effets de la culture du genre des FAC sont simplement dus au fait qu'il y a beaucoup d'hommes dans les FAC, et que c'est une institution qui a toujours été bâtie autour des hommes. Certains de ces effets sont neutres ou même bénéfiques. En tant que femme qui travaille dans le milieu de la défense, je dis parfois à la blague que sauf d'entendre constamment parler de sports, les caractéristiques masculines négatives de ma journée de travail ne sont pas si extrêmes. Cependant, il y a ce lien particulier entre une idée très physique de ce que c'est que de devenir un homme, ce genre de robustesse, et l'agressivité qui est parfois cultivée même dans la société canadienne, mais particulièrement dans l'entraînement militaire. Il y a un aspect de dominance, et parfois même de domination sexuelle, qui peut être intégré dans ces trames narratives, parfois même involontairement.
    On le voit aussi dans la culture populaire. Le héros d'un film de guerre a souvent du succès auprès des dames, par exemple. Si l'on n'y réfléchit pas de façon critique, on ne se rend pas compte de l'intrigue romantique dans le film. Pouvons-nous reconnaître qu'il est extrêmement hétéronormatif d'associer la masculinité à des prouesses sexuelles hétérosexuelles et ce genre de choses?
    Il est très difficile de démêler tout cela, les aspects positifs ou neutres de la masculinité et des hommes, de la masculinité toxique et de la façon dont elle influe sur le harcèlement sexuel dans l'armée, parce que ce que nous visons essentiellement, c'est l'identité fondamentale des militaires. Il y a une fière tradition d'être extrêmement en forme et extrêmement résilient physiquement, surtout au sein des unités de combat de l'armée de terre. Il est très difficile de dire qu'une partie de cette fanfaronnade est nuisible à vos collègues féminines parce qu'elles se sentent exclues, ou qu'elles se sentent menacées, sans aussi menacer l'essentiel de ce que cela peut signifier pour ces militaires d'être des hommes et des soldats.
    Je pense que sur le plan sociétal, nous expliquons très mal à quoi ressemble la masculinité positive, et nous avons même de la difficulté à en discuter. Parfois, mes collègues des FAC me disent : « Je ne tripote pas les femmes. Je ne fais pas de blagues sexistes, mais suis-je toxique? Suis-je un homme toxique simplement parce que je suis un homme dans l'armée? » La réponse est non, bien entendu, mais il est très difficile de discuter d'une chose aussi grave que le harcèlement sexuel et l'inconduite sexuelle sans en faire une affaire personnelle, presque involontairement.
    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. Sinon, je suis désolée.
    Non, c'est parfait. C'est fantastique. J'allais intervenir, puis j'ai pensé qu'il était beaucoup plus sensé de vous entendre à ce sujet que de m'entendre moi, pour être honnête.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé de culture et vous avez dit, à juste titre, que ce serait simple s'il n'y avait qu'une seule culture, mais il y en a plusieurs. Ce serait le préambule de ma prochaine question. Les efforts visant à changer la culture pourraient-ils améliorer la capacité des femmes et des groupes diversifiés de réussir au combat, par exemple, en créant un environnement où les gens sont évalués uniquement sur leur capacité à accomplir les tâches d'un soldat et non sur leur capacité à se conformer aux codes masculins traditionnels?
    En tant que chercheuse, bien sûr, je dirai qu'il faut plus de recherche, mais il faudra déterminer, d'une part, les aspects traditionnels des tests physiques qui sont nécessaires pour faire la différenciation entre les rôles de combat et, d'autre part, ceux qui nous viennent en quelque sorte d’une évaluation militaire plus traditionnelle de ce que signifie être soldat. Il y a certainement des aspects de capacité physique de base dans les emplois dans l’infanterie ou les armes de combat, par exemple. On n'y échappe pas. Il faut être capable de soulever des poids au-dessus de sa tête et faire toutes sortes d’autres choses qui pourraient poser un défi pour certaines femmes. La différence est qu'il n'y a pas eu d'évaluation complète de la nécessité de toutes les exigences.
    Pour savoir quels éléments de la tradition militaire sont nécessaires et lesquels ne sont que traditionnels en quelque sorte, il faut des recherches assez honnêtes. Je dis « honnête » parce qu'il arrive que les réponses recueillies déçoivent les gens comme moi, qui défendent ardemment les femmes dans les armes de combat, par exemple. Si la recherche révèle qu’être capable de soulever 65 livres au-dessus de sa tête est une condition d'emploi, je n’aimerai pas nécessairement cette réponse. Pour que la recherche soit objective et traite les militaires avec équité, il faut être prêt à découvrir des choses que les défenseurs et les chercheurs ne veulent pas nécessairement découvrir.

  (1705)  

    Nous allons malheureusement interrompre votre réponse ici.

[Français]

    Madame Normandin, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins de leur allocution d'ouverture.
    Madame Maillette, les changements de culture dans l'armée peuvent prendre du temps. Cependant, les personnes que vous avez rencontrées ont-elles proposé des solutions à court terme pour améliorer le recrutement et la rétention dans les forces armées?
    On a effectivement proposé des solutions pour améliorer le recrutement. Pour ce qui est de la rétention, il serait important de rétablir l'indemnité différentielle de vie chère, qui a été annulée et qui n'a pas été réexaminée depuis 2009. Cela aiderait les militaires, qu'il s'agisse de simples soldats ou de caporaux-chefs, sur le plan financier.
    Bien entendu, l'installation de logements familiaux sur les bases est très importante. On pourrait, par exemple, y installer de petites roulottes ou de petites maisons modulaires.
    Il y a beaucoup de discussions entourant la mutation des militaires, mais elles n'incluent jamais les membres de leur famille. Aujourd'hui, dans plusieurs endroits, une famille doit avoir deux salaires pour être à l'aise financièrement. Il faudrait donc tenir compte de la famille, comme d'autres témoins l'ont déjà dit.
    Les soldats qui commencent au bas de l'échelle éprouvent aussi des difficultés. Ces soldats, lorsqu'ils suivent des cours dans des établissements militaires, doivent payer leur logement et leur nourriture, en plus de devoir assumer des frais liés à un appartement qu'ils doivent quitter pour leur formation. Une somme de 700 $ par mois, ce n'est pas beaucoup pour payer les frais liés à un appartement.
    Si l'on pouvait apporter des changements dès maintenant pour régler ces quatre aspects, cela pourrait changer la donne.
    Vous avez parlé de l'incidence sur la famille.
    Puisque vous avez déjà été militaire, pouvez-vous nous dire si les forces armées ont changé leur façon de faire en ce qui concerne la famille ou la situation est-elle la même que celle qui avait cours il y a plusieurs années?
    M. Okros en a justement parlé. À l'époque où j'étais militaire, des ressources étaient prévues pour les familles. Lorsqu'un militaire était muté, on prenait soin de sa famille. Cela est de moins en moins le cas de nos jours. Aujourd'hui, c'est le soldat que l'on mute, et non la famille. La façon de faire a certainement changé depuis 1980.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vais maintenant parler du changement de culture. Nos deux témoins pour cette deuxième heure sont des chercheuses. Elles savent que, pour bien cerner les problèmes et y apporter les bonnes solutions, il faut établir le bon diagnostic. Toutefois, les chercheurs éprouvent des difficultés lorsqu'ils mènent des études visant à comprendre les problèmes ayant cours dans les forces armées.
    Madame Maillette, vous aviez déjà commencé à en parler. Pouvez-vous continuer sur votre lancée?
    Le premier problème a trait à la cote de sécurité dans les forces armées. La cote de sécurité habituelle des chercheurs universitaires leur donne accès à des renseignements classifiés confidentiels. Cependant, une cote de sécurité de niveau secret ou très secret leur donne accès à beaucoup plus d'information. Si des personnes veulent accéder à des documents portant la mention « Protégé A », elles n'auront pas accès à toute l'information, car ces documents seront caviardés. En effet, ces documents ne sont accessibles qu'aux personnes ayant une cote de sécurité de niveau confidentiel.
    Il y a un deuxième problème. Lors de son entraînement de base, on apprend à un soldat, ou à un officier non commissionné, qu'il ne faut jamais, au grand jamais, contredire une personne ayant un rang plus élevé que le sien. Cela est inculqué aux recrues dès la première journée d'entraînement.
    Si c'est un chercheur universitaire qui lui pose des questions, le soldat le considérera immédiatement comme un officier. La réponse qu'il donnera ne contredira pas ce que le chercheur demande. Celui-ci n'obtient donc pas vraiment de réponses adéquates.

  (1710)  

    On a mené des études sur la question du milieu toxique dans les forces armées. Savez-vous qui étaient les chercheurs et qui étaient les répondants?
    À ma connaissance, il y a eu plusieurs études sur les circonstances pouvant mener à un milieu toxique, mais elles étaient menées, dans plusieurs cas, par des chercheurs qui étaient des officiers. Bien entendu, lorsque la recherche est faite par un officier, le soldat va s'assurer de ne pas contredire ce dernier. Il donnera la réponse qui est attendue.
    Certaines recherches contenaient des données valables, mais celles-ci étaient généralement superficielles. Pour avoir des données plus approfondies, il faut d'abord trouver des personnes à interroger et, par la suite, avoir accès à des données pour analyser leur témoignage.
    Que pouvons-nous faire pour trouver ces répondants et avoir une meilleure image de ce qui se passe sur le terrain?
    Pour que les réponses soient plus fiables, il faudrait que ce soit des caporaux-chefs qui posent des questions à des soldats, à des caporaux et à des caporaux-chefs. Il faudrait donc se limiter à ce groupe, qui serait beaucoup plus en mesure de donner des réponses fiables.
    Pour ce qui est des sergents et des adjudants, il faudrait que le chercheur ait le même grade que celui des personnes interrogées. Ce devrait être la même chose pour les officiers.

[Traduction]

    Madame Mathyssen, vous avez six minutes, s'il vous plaît.
    Merci.
    Un des témoins du groupe précédent a parlé des entrevues de sortie et de la façon dont elles se font.
    Madame Maillette, vous parliez de ces données. Sans l’influence des membres actifs des forces armées, ceux qui étaient déjà sortis du système, cela vous donnerait-il de meilleures données, vu que la personne interviewée n'aurait pas à prendre garde de « ne pas contredire l'officier de rang supérieur »? Est-ce que c’est ce que je pourrais en déduire?
    Puis-je vous le dire personnellement?
    Absolument.
    Que je le veuille ou non, cette contradiction est solidement ancrée en moi. J'ai une peur terrible de contredire quiconque aurait, selon ma perception, un rang supérieur au mien, et j’ai été absente...
    Même après le service...?
    Oui, après le service.
    Compris.
    Pourriez-vous, toutes les deux, je suppose, nous expliquer le cas du logement? Nous avons aussi entendu beaucoup parler de cette infrastructure et des mesures de soutien qui sont nécessaires pour ce qui est du coût du logement et de la disposition, aujourd'hui abolie, relative au logement.
    On nous a aussi parlé des garderies. J’en ai entendu parler surtout par des officiers, des parents, qui sont en service. Bien des gens croient que le logement est fourni dans les bases et qu’il y avait aussi des casernes. Qu’est-ce qui existait jadis, et comment et quand cela a-t-il changé?
    Je peux répondre à cette question pour la BFC Borden. La BFC Borden a détruit un nombre extraordinaire de vieux logements familiaux depuis 10 à 15 ans. Et cela pose un problème de logement pour les soldats. Les infrastructures comme les réseaux d’aqueduc et d’égout sont toujours en place, mais pas les maisons. Ce ne serait rien d'y installer des roulottes ou des maisonnettes.
    L’un des problèmes fondamentaux est qu’il y a eu un changement des modalités selon lesquelles le logement est fourni par les forces armées: il est maintenant considéré comme un avantage imposable selon les règles du Conseil du Trésor. Auparavant, les Forces armées canadiennes, les FAC comme on dit, pouvaient fournir un logement subventionné, mais c'était considéré comme un avantage imposable, si bien que le logement des FAC devait être offert aux taux du marché. Vous pouvez imaginer, comme pour n’importe quel propriétaire institutionnel, qu’il est très difficile de maintenir un parc de logements à des taux du marché intéressants pour les familles.
    L’autre changement concerne les attentes pour ce qui est de la vie de famille. J'habite une maison qui a été construite au début des années 1970, comme certains logements familiaux des FAC. La plupart de mes amis qui vivent en dehors de la ville dans de grandes maisons plus modernes la qualifient de jolie petite maison. Ce qui se passe est en partie un aspect économique de la fiscalité, qui rejoint en partie les attentes des personnes pour ce à quoi ressemble le logement.

  (1715)  

    Je sais certainement ce qu'il en est. Nous avons une foule de ces casernes, de petites maisons individuelles, à London, où nous avions jadis la caserne Wolseley. Je peux me représenter la situation exactement.
    J’ai siégé au Comité de la condition féminine, qui a publié un rapport sur l’inconduite sexuelle dans l’armée. Beaucoup de témoins ont parlé des femmes qui quittent les FAC ou qui, bien sûr, ne s'enrôlent même pas. Une des recommandations du rapport engageait le gouvernement du Canada à publier une stratégie, assortie de paramètres de rendement clairs, pour attirer, promouvoir et retenir les femmes et les membres des minorités dans les Forces armées canadiennes. Cela comprenait des mesures comparatives des nombres de femmes et des minorités selon le métier, la classification et le rang; la durée du service et le rang; les postes de commandement et la durée de tout ce service.
    Appuyez-vous la recommandation préconisant l'uniformité de ces rapports à transmettre par la suite au Parlement?
    Cela s’inscrit dans la politique actuelle.
    Je peux dire, en tant que chercheuse sur ce genre de question, qu’il est toujours préférable d’avoir plus de données et que les données désagrégées sont l’étalon-or. Savoir pourquoi les femmes pilotes au-dessus du rang de brigadier-général, par exemple, quittent les forces, ou savoir pourquoi les soldats de sexe masculin d’origine pakistanaise partent, voilà des points de données importants. Que nous comprenions ou pas ce que nous observons dans une période de référence d’un an à cinq ans, lorsque nous commençons à voir les tendances qui se dégagent des données désagrégées, nous arrivons à voir vraiment ce qui se passe.
    Votre collègue, Mme Normandin, a posé une question au sujet des difficultés que pose la collecte de ces données de recherche. L’une des difficultés est que, particulièrement en ce qui concerne l’inconduite sexuelle, si l'on demande à 15 femmes comment améliorer leur séjour dans les FAC, on reçoit 15 réponses différentes, qui sont toutes valides et toutes assorties de recommandations de politiques, mais souvent, ces recommandations sont complètement disparates. Il est très difficile de reconstituer des renseignements vraiment personnels sur les expériences, les peurs et les espoirs individuels et de recommander des politiques à cet égard, car toutes diront que c’est la dernière chose qu’elles veulent.
    Mme Maillette opinait du bonnet; je suppose donc qu’elle est d’accord.
    Bien; nous n’aurons pas à le lui redemander.
    Chers collègues, la présidence se trouve dans le même dilemme, c’est-à-dire que nous avons pour 25 minutes de questions à comprimer en 20 minutes. Si nous limitons notre tour de cinq minutes à quatre minutes — quatre, quatre, un, un, quatre et quatre —, nous y arriverons peut-être.
    Monsieur Dowdall, allez-y pour quatre minutes, je vous prie.
    Je saisis l’occasion pour remercier nos témoins d’aujourd’hui et revenir à la question de ma collègue. J'ignore si vous étiez là pour la première partie, mais la BFC Borden se trouve dans ma circonscription et j’y ai été maire. Nous avons donc souvent travaillé avec le commandant de la base aux enjeux sociaux qui mettaient en cause la conjointe ou le conjoint. Comme je l’ai dit, nous avons mis en place un service d’autobus pour aller en ville, parce que beaucoup ne pouvaient se permettre qu’une seule voiture. J’ai entendu dire plus tôt qu’il peut être difficile de trouver de l'emploi dans la région. Pour ce qui est du logement, et je l’ai dit la dernière fois au sujet de son coût, nous sommes déjà très en retard et nous avons ces préoccupations. Je l’ai dit la dernière fois.
    Comment pouvons-nous agir concrètement, tout de suite, sans grands débats, politiquement ou autrement, pour espérer changer ce qui se passe là-bas et venir en aide aux gens qui sont frustrés ou qui font partie de l’organisation aujourd'hui, et même aux anciens combattants, dont un grand nombre vivent des temps difficiles. Que pouvons-nous faire dès maintenant qui pourrait être la solution la plus facile pour prendre le dessus?
    Puis-je parler pour les soldats et ce qu’ils ont demandé?
    Le président: Certainement.
    Mme Madeleine Nicole Maillette: Les soldats m’ont demandé un examen et le rétablissement de l’indemnité différentielle de vie chère, ce qui serait utile tout de suite. Plus de 200 soldats m’ont dit la même chose.

  (1720)  

    Aviez-vous quelque chose à ajouter, madame Lane?
    Le problème avec l’indemnité différentielle de vie chère, c’est que le taux de base est pour Ottawa. Or, tous ceux d’entre nous qui se sont trouvés sur le marché immobilier d’Ottawa savent qu’il a connu une croissance phénoménale ces dernières années. Par conséquent, tout ce qui est lié à la vie à Ottawa est sans rapport avec le coût de la vie à Ottawa. J’ai entendu parler de réticences à accepter une affectation au quartier général et à d’autres établissements à Ottawa, car si l'on déménage de Wainwright, de Petawawa ou d’Oromocto, par exemple, l’argent tiré de la vente de sa maison est loin d'être suffisant pour en acheter une à Ottawa.
    Quelle est donc la solution? C’est compliqué. Je pense qu’il est important de signaler que, comme il y a beaucoup de perdants sur le marché immobilier, tout le monde a des collègues et des amis qui sont gagnants. Lorsque le déménagement de sa famille a entraîné une perte financière et qu'on entend parler de quelqu'un dont le déménagement lui a rapporté 300 000 $, cette disparité entraîne un nombre extraordinaire de griefs au sein de l'armée. C’est donc une question de rétention et de moral. J’ai bien peur de ne pas avoir de solution.
    J'ai une autre question.
    Selon vous, dans nos efforts de recrutement, en faisons-nous assez, peut-être sur le plan de l’éducation, avec les parents et les collectivités pour comprendre ce que signifie l'enrôlement dans les FAC? Commençons-nous assez tôt, comme dans les écoles, et présentons-nous vraiment sous leur meilleur jour les différents aspects et les différentes carrières qui peuvent en découler?
    Répondez très brièvement, je vous prie.
    Au Royaume-Uni, il y a plus d’interaction avec les écoles, mais je devrais signaler que dans tout le pays il y a de très nombreuses réactions viscérales, positives ou négatives, à l’idée que l'armée aura affaire aux écoles. Il faudrait probablement reconnaître qu’il n’y a pas de solution nationale. L’intérêt pour la chose et le désir d’avoir ce genre d'intervention des militaires varient du tout au tout d’une région à l’autre, et pourraient être une question d’unité nationale.
    Oui, il y a d’autres pays qui le font. Je ne suis pas sûre que je recommanderais cela comme solution canadienne en particulier.
    Merci, monsieur Dowdall.
    Monsieur Fisher, allez-y pour quatre minutes, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos deux témoins de leur présence.
    Madame Lane, vous avez dit et répété que c’est complexe et compliqué. Je vous comprends tout à fait. Votre commentaire au sujet des 15 personnes qui répondent à 15 questions au moment de leur départ et qui vous donnent 15 réponses différentes en dit long sur la complexité de tout cela.
    Madame Lane, j’aimerais parler de l’universalité du service ou, plus particulièrement, peut-être de la modernisation de l’universalité du service. Chez nos alliés de l’OTAN, l'universalité du service est-elle plus stricte, plus rigide? Est-ce que cela a eu des conséquences positives sur la rétention et le recrutement ailleurs dans le monde?
    Je ne connais pas assez bien les pays de l’OTAN en général. Je peux parler de deux ou trois pays qui ont investi différemment là-dedans dans le contexte de leur service militaire.
    Par exemple, Israël a un programme où le service militaire est obligatoire. Parce qu’il a la responsabilité d’accepter essentiellement tous les citoyens, il a dû imposer le service militaire à des personnes qui sont neurodivergentes, par exemple, des personnes qui souffrent du spectre de l'autisme, et il a trouvé moyen de faire participer de façon significative des personnes neurodivergentes dans son armée.
    Aux États-Unis, on se soucie davantage des anciens combattants blessés, en particulier lors des conflits d'Irak et d'Afghanistan. Le Canada offre quelques moyens aux personnes qui ont été blessées de continuer à servir. Je suis d'avis que c’est la meilleure façon de voir comment nous pouvons étendre ces exemptions, particulièrement lorsque nous voulons faire du recrutement dans des professions non traditionnelles comme celle de cyberopérateur. Comment pourrions-nous établir un lien entre la promotion et la supervision? Pourrions-nous peut-être envisager de démêler ces éléments pour qu'il soit possible de maintenir son emploi sans nécessairement avancer d’une manière traditionnellement perçue comme « militaire », en prenant un travail de supervision, par exemple, mais plutôt de conserver son poste de cyberopérateur à son ordinateur ou ailleurs?
    Je suis désolée de simplifier un peu le problème, mais il y a certainement d’autres pays qui ont élargi la définition de « servir ». Souvent, cela découle d’un service national ou d’une version semi-conscrite du service militaire.

  (1725)  

    En tout cas, avec une centaine et quelques types d’emplois et le désir ou le besoin de faire participer à nos forces militaires des Canadiens d'origine plus diversifiée et peut-être des personnes handicapées, je pense que c’est quelque chose qui... Diriez-vous que c’est peut-être une voie d'avenir?
    Oui, et encore une fois, je pense que mon collègue, M. Okros, a signalé que les gens qui ne pourraient pas, par exemple, être déployés se trouvent en quelque sorte à prendre la place de personnes qui peuvent l'être et qui pourraient avoir besoin, pour des raisons familiales, d’un congé à la maison, ne pas être en mer, par exemple.
    Toutes ces choses sont de bonnes idées en principe. Je déteste avoir l'air de radoter, mais le deuxième et le troisième ordre a une incidence sur ce que signifie avoir au sein des FAC une population qui ne peut vivre ailleurs qu’à Toronto, par exemple, et ne peut pas être détachée à Wainwright ou à Oromocto. Je n’aime pas m’en prendre à Wainwright, mais c’est le premier endroit qui me vient en tête. Il y a toutes sortes d’autres effets d'entraînement à prendre en compte avant le recrutement. Par exemple, je pense qu'un bon moyen pourrait être un programme pour soumettre à un test bêta les recrues qui auraient diverses déficiences cognitives ou physiques.
    Je suis désolé. Le temps de parole de M. Fisher est écoulé. Il lui reste une seconde. C'étaient d'excellentes questions.
    Mme Normandin vous montrera maintenant comment poser une question et obtenir de l'information étonnante en une minute.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Comme nous le savons, plusieurs militaires qui quittent les forces se retrouvent dans la fonction publique ou dans le secteur paramilitaire.
    Cela a-t-il une incidence sur ces milieux, étant donné la culture ayant cours dans les forces, où l'environnement de travail peut être toxique?
    Cette culture se transpose-t-elle dans d'autres milieux par la suite?
    Votre question m'est-elle adressée?
    Je n'ai pas le droit de parler de mon travail ni de dire où je travaille et ce que je fais.
    Par contre, je peux dire que cette culture développée dans les forces se transpose effectivement dans d'autres milieux. Les postes qui mettent les gens dans une certaine position d'autorité attirent les officiers à la retraite. La culture militaire commence donc à se propager dans la fonction publique et nous commençons à en observer certains aspects, dont le code du silence.
    Nous voyons d'autres choses, mais je ne peux pas en discuter, car je n'ai pas le droit de le faire.

[Traduction]

    Madame Normandin, vous m'avez donné raison.
    Madame Mathyssen, vous avez une minute. C'est un défi.
    Je me demande si je vais réussir à le relever.
    Madame Lane, vous parliez des pays où le service militaire est obligatoire. Pour moi, le service militaire est une longue carrière, et une seule. J'ai souvent entendu dire que beaucoup d'entreprises essayaient d'entrer en contact avec les militaires pour démontrer ce que pourrait signifier l'évolution du service. Ils montrent ce qui est enseigné et comment cela débouche sur une carrière différente et différentes étapes.
    Le gouvernement canadien devrait-il se concentrer davantage sur ce regroupement dans le secteur privé?
    Il y a déjà pas mal d'initiatives en cours pour faciliter la transition des anciens combattants. En particulier, la fonction publique, où je travaille maintenant, accorde une priorité d'embauche aux anciens combattants. Selon moi, il y aurait peut-être davantage à faire pour mieux sensibiliser le privé aux compétences que peuvent apporter les membres des FAC.
    Honnêtement, je pense que les anciens militaires sont eux-mêmes les meilleurs porte-parole. Souvent, il y a des réseaux individuels créés par des retraités des FAC, où un tel a été embauché et où vous vous laissez attirer. Ce n'est pas comme si les retraités des FAC avaient eux-mêmes besoin d'aide pour acquérir ces compétences, mais plutôt que les civils doivent peut-être mieux maîtriser les leurs.
    De façon plus générale, c'est que les Canadiens ne savent pas grand-chose de leurs forces armées en général.

  (1730)  

    Merci. Malheureusement, c'est tout à fait vrai.
    Madame Findlay, vous avez quatre minutes.
    Je ne sais pas trop lequel d'entre vous pourra répondre à cette question: Quel est le niveau de scolarité de la recrue moyenne? Le savez-vous?
    La plupart des 200 personnes qui ont répondu ont terminé leurs études secondaires, ce qui est différent de jadis. Un grand nombre ont fait une première année de collège ou d'université.
    Connaissez-vous la proportion d'hommes et de femmes chez les recrues?
    C'est égal: hommes et femmes.
    Connaissez-vous la proportion d'Autochtones chez les recrues?
    Non, je suis désolée. Je ne sais pas.
    À votre avis, les Canadiens entrent-ils dans les Forces canadiennes pour jouer le rôle de gardiens de la paix et livrer combat au besoin, ou pour lutter contre les changements climatiques?
    Les gens à qui j'ai parlé veulent être des gardiens de la paix. En ce qui concerne les changements climatiques, si leur travail peut rendre service, alors oui, ils en seront. Autrement, non, ils ne seront pas là. Ils préféreraient être gardiens de la paix.
    Ils n'ont pas de formation spécialisée en changement climatique, n'est-ce pas?
    Lorsqu'ils sont déployés pour ces services, me dit-on, ils finissent souvent par se limiter à garder les choses en ordre, parce qu'ils n'ont pas de formation en lutte contre les incendies ou en gestion des inondations, en particulier. Est-ce exact?
    Désolée. Je ne peux répondre à cette question. Je l'ignore.
    Quels types d'incitatifs offre-t-on et faudrait-il offrir, selon vous, pour inciter les gens à s'enrôler? Un meilleur soutien des familles semble en être un.
    C'en est un. Un autre serait une nouvelle façon de faire reconnaître dans certaines fonctions universitaires l'instruction donnée au soldat. Dans certaines régions, l'instruction militaire n'est pas reconnue du tout, ce qui pose un problème pour certains soldats qui veulent pousser leurs études.
    Certains membres des forces armées... J'en ai vu beaucoup qui ont obtenu un haut niveau d'instruction grâce au soutien des forces armées. N'est-ce pas exact?
    Oui, c'est exact. Cependant, il arrive que la fonction publique ne reconnaisse tout simplement pas une partie de l'instruction qu'ils reçoivent dans le cadre de leur formation militaire.
    Votre témoignage m'a un peu troublée. Vous avez dit que le congé de deuil est insuffisant. Qu'entendez-vous par là?
    Les gens qui ont perdu un proche n'ont-ils pas eu droit à un congé pour faire face à cette situation? Est-ce de cela que vous parlez?
    C'est exactement ce que je dis.
    Quel genre de raison leur a-t-on donnée?
    La politique militaire est très précise au sujet du genre de congé de deuil à accorder ou à refuser.
    Mettons que vous perdez une tante, qui vous a servi de mère pendant 20 ans. Parce qu'elle est une « tante », vous n'avez pas droit au congé de deuil, même si vous la considériez comme votre mère.
    Si j'ai bien compris, les cas individuels ne sont pas considérés. C'est comme une grille. Soit vous entrez dans la case, soit vous n'y entrez pas, ce qui est extrêmement impersonnel et ne favorise pas un milieu de travail heureux.
    C'est bien ce que vous dites?
    C'est exactement ce que je dis.
    Merci, madame Findlay.
    J'aimerais une précision. Vous avez dit que le pourcentage d'hommes et de femmes recrutés était égal. Pourtant la composition des forces n'est clairement pas égale pour les hommes et pour les femmes. Pourriez-vous clarifier ce point, s'il vous plaît?
    Non, c'est évidemment... Le recrutement individuel — masculin et féminin — n'est absolument pas égal. Je pense que je répondais que les hommes et les femmes ont le même niveau de scolarité.

  (1735)  

    Merci de la précision.
    Madame Lambropoulos, à vous les quatre dernières minutes.
    Merci, monsieur le président. Je ne crois pas que je vais utiliser toutes les quatre minutes.
    J'ai retenu du témoignage de Mme Lane que... Nous avons parlé des avantages familiaux et dit que les FAC ne tiennent pas nécessairement compte de ce que de nombreuses familles canadiennes ont maintenant deux revenus, plutôt qu'un seul, par choix ou par nécessité. Quels changements apporteriez-vous aux avantages offerts aux familles?
    J'ai aussi été frappée d'apprendre que les militaires sans famille ne voient peut-être pas les changements dont les familles profitent beaucoup. Selon vous, qu'est-ce qui serait juste pour ceux qui n'ont pas de famille? Quels types d'avantages pensez-vous qu'il est nécessaire ou important d'inclure?
    Strictement selon mon opinion personnelle en tant que chercheuse et épouse, et non en tant qu'employée du ministère de la Défense nationale, je pense qu'une chose qui pourrait changer radicalement la façon dont les conjoints peuvent s'accommoder de la vie militaire — et augmenter du même coup le recrutement auprès des minorités ethniques et des néo-Canadiens — serait de ramener des établissements des FAC dans nos grandes villes, comme avant les diverses fermetures de base des années 1990, je crois. Les endroits où l'on vit au Canada — surtout pour les jeunes, les Blancs, les néo-Canadiens et les travailleurs du domaine des technologies — ne sont pas nécessairement nos principales installations militaires, si bien qu'il y a une coupure là. Un jeune ambitieux en couple qui veut entrer dans l'armée trouvera pénible de déraciner toute sa vie pour aller vivre dans une petite ville d'une autre province, dans une collectivité rurale qu'il n'a jamais vue. Cela ferait d'une pierre deux coups.
    Quant à l'équité, je pense que toutes les politiques favorables à la famille pourraient aussi être « favorables à la personne » également au niveau de la possibilité de prendre congé, par exemple, que ce soit pour s'occuper d'un nouveau-né, pour faire des études de maîtrise ou pour voir aux soins d'un aîné. Tous les Canadiens et tous les membres des FAC vivent des situations où ils pourraient profiter d'un peu de souplesse institutionnelle. Aujourd'hui, nous avons des politiques conçues pour les familles, évidemment, parce que c'est une grande préoccupation, mais pour rejoindre les personnes qui n'ont pas nécessairement de famille au sens traditionnel — pour accorder ces options de congé, par exemple, aux parents, aux frères et sœurs ou aux êtres chers dans différents contextes — ce serait une façon de rendre les politiques un peu plus équitables, à mon sens.
    Personne ne veut vraiment avoir beaucoup de sympathie pour la personne célibataire sans enfants qui est frustrée d'avoir à prendre les fins de semaine pour que ses collègues puissent... La réalité, c'est que de plus en plus de personnes choisissent de rester sans enfants ou de vivre dans des relations qui n'ont rien à voir avec des mariages traditionnels. Or, nous devons valoriser leurs contributions également, et nous pencher sérieusement sur leurs préoccupations. Il y a place à l'amélioration, je pense.
    Merci beaucoup.
    Je vais céder le reste de mon temps, monsieur le président.
    Vos 40 secondes feront bien l'affaire de M. Fisher.
    Je vous remercie beaucoup, madame Lambropoulos. Je vais prendre ces 40 secondes avec Mme Lane, si vous me le permettez.
    Quelles sont les incidences de l'agression russe pour le recrutement? Je suis de l'époque de Top Gun, qui a fait exploser le recrutement aux États-Unis . Est-ce que cela le ralentit ou l'améliore au Canada?
    Cela reste à voir. Comme l'a dit M. Okros, il y a toutes sortes de raisons pour s'enrôler dans les FAC. Pendant le conflit en Afghanistan, nous avons vu la bosse représentant les personnes qui voulaient vraiment servir leur pays dans le cadre d'opérations de combat. Je pense que nous pouvons nous attendre à une montée d'intérêt pour les carrières dans les Forces armées canadiennes, et si les projets d'approvisionnement attendus se concrétisent, la nouvelle trousse est toujours une chose intéressante à promouvoir dans les annonces de recrutement et ce genre de choses. Je ne sais pas si le F-35 compte pour un « top gun » ou pas.
    Oui, je soupçonne qu'il y aura une augmentation de l'intérêt pour les FAC, mais il reste à voir si elle se traduira effectivement par une augmentation du recrutement. Qui plus est, les gens qui souhaitent s'enrôler dans les FAC à cause de la guerre en Ukraine sont-ils susceptibles de rester dans les FAC après la guerre? Cela aussi, c'est une autre question.

  (1740)  

    Merci, monsieur Fisher. Vous venez de ruiner tous les films Top Gun pour moi et probablement pour tous les autres membres du Comité. Bonté divine!
    Sur ce, je tiens à vous remercier toutes les deux. Vous avez été des témoins extraordinaires. Vous avez certainement contribué à lancer de façon positive notre étude sur le recrutement et la rétention et vous avez toutes les deux exposé les complexités auxquelles font face le gouvernement, les services militaires et, en fait, la société canadienne. Encore une fois, merci à vous deux de l'heure que vous nous avez consacrée. Cela a été extrêmement utile.
    Sur ce, la séance est levée.
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