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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 083 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 novembre 2023

[Enregistrement électronique]

  (1620)  

[Français]

[Traduction]

    Soyez les bienvenus. Mes excuses, mais c'est le genre de chose qui arrive à la Chambre des communes et au Parlement. Nous commençons en retard.
    Les micros de tous les témoins ont été testés, et chacun sait qui il est.
    Commençons tout d'abord par ouvrir la séance. Bienvenue à la réunion no 83 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le 21 juin 2023, le Comité poursuit l'étude du projet de loi C‑40, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence et abrogeant un règlement, qui porte sur l'examen des erreurs judiciaires.
    La réunion d'aujourd'hui se fera en mode hybride, conformément au Règlement. Les députés peuvent donc y assister en personne ou à distance, par l'entremise de l'application Zoom.
    J'aimerais faire quelques rappels aux témoins et aux députés. Veuillez attendre que je nomme votre nom avant de commencer à parler. Pour les personnes qui sont en vidéoconférence, n'oubliez pas d'activer votre micro et veuillez le mettre en sourdine quand vous n'avez pas la parole.
    Pour ce qui est de l'interprétation, si vous regardez au bas de votre écran Zoom, vous pouvez choisir entre le son sans interprétation ou encore avec l'interprétation anglaise ou française. Veuillez faire votre choix maintenant. Les personnes qui sont ici dans la pièce peuvent faire la même chose avec leur oreillette.
    Je vous rappelle enfin que vous devez toujours vous adresser à la présidence. Les députés qui sont présents dans la pièce doivent lever la main pour demander la parole, et ceux qui utilisent Zoom doivent activer la fonction « lever la main ». Le greffier et moi ferons de notre mieux pour respecter l'ordre de parole, mais je vous remercie d'avance de votre patience et de votre compréhension.

[Français]

    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins que nous recevons pour la première heure de la réunion. En fait, deux périodes d'une heure étaient prévues, mais je pense que tous les témoins des deux groupes sont présents en ce moment.

[Traduction]

    On me propose donc de combiner les deux groupes. Si c'est possible, allons‑y, mais sinon, nous poursuivrons comme prévu.

[Français]

    Nous recevons en personne deux représentants du Barreau du Québec, soit Me Nicolas Le Grand Alary, qui est avocat au Secrétariat de l'Ordre et Affaires juridiques, et Me Nicholas St‑Jacques.
    Nous recevons également en personne M. James Lockyer, qui est avocat et membre du conseil d'administration d'Innocence Canada.

[Traduction]

    Sur Zoom, accueillons l'honorable Harry S. LaForme et M. Kent Roach, de la Faculté de droit de l'Université de Toronto. Ils témoigneront tous les deux par vidéoconférence. Ils feront leurs observations en même temps, comme les groupes qui sont ici en personne.
    Nous devrions sans doute commencer par les témoins, puisqu'il manque encore des gens.
    Quelques personnes ont levé la main.

[Français]

    Monsieur Fortin, vous avez la parole.
    Bonjour, madame la présidente. Je vous remercie d'avoir présenté les témoins.
    Serait-il possible de nous confirmer que les tests ont été faits et réussis pour les participants qui utilisent Zoom?
    Nous avons eu une heure pour faire les tests, alors ma réponse est oui.
    D'accord, mais ont-ils été réussis? J'ai seulement besoin que vous me le confirmiez. Dans le cas contraire, je vais vous demander d'arrêter. Cependant, si vous me dites qu'ils ont été réussis, ça va.
    Oui, ils ont été réussis.
    Nous allons réessayer avec M. Roach.

[Traduction]

    Si ça fonctionne, ça fonctionne, mais autrement, il n'y a rien que la présidence puisse faire. Les autres micros ont été testés et ils fonctionnaient tous.
    Une période d'au plus cinq minutes est réservée aux déclarations liminaires, après quoi nous passerons aux questions des députés.
    Oui, monsieur Caputo.
    Merci, madame la présidente.
    Je sais que vous en avez déjà parlé, mais je crois que nous devrions établir l'horaire de la réunion dès maintenant. Il me semble qu'il y a quelque chose qui cloche.
    Je sais que nous avons été retardés d'une heure par les votes, mais normalement, la réunion doit prendre fin à 17 h 30. Puisque la séance est ouverte, j'aimerais entendre la position de la présidence sur l'heure de levée de la séance.
    Nous avons les ressources nécessaires pour deux heures. Nous avons débuté à 16 h 19, ce qui nous mène à 18 h 19.
    Cela dit, si le Comité en décide autrement et qu'une motion m'est présentée, j'en tiendrai compte.

  (1625)  

    D'accord.
    Par souci de clarté, à quelle heure la présidence prévoit-elle prendre la pause entre les deux groupes?
    Je vais tâcher d'équilibre le tout de mon mieux.
     Qu'en dites-vous si nous commencions? De cette façon, nous pourrons consacrer tout notre temps aux témoins qui sont présents. Je crois qu'ils sont impatients. Nous verrons comment les choses vont aller.
    J'en suis conscient. Moi aussi je suis impatient.
    Je n'en doute pas.
    Je veux simplement éviter d'interrompre qui que ce soit pour savoir ce qui attend le reste des témoins, ce genre de chose. Je ne veux pas faire mon difficile, je veux seulement savoir ce qui va se passer pendant les 40 prochaines minutes.
    Faites-moi un peu confiance, monsieur Caputo, et nous verrons bien. Qu'en dites-vous?
    D'accord.
    Les cinq premières minutes sont pour l'honorable Harry LaForme.
    Monsieur LaForme, vous disposez de cinq minutes.
    Meegwetch de m'avoir invité à vous parler aujourd'hui et de l'intérêt que vous manifestez tous à l'égard de ce sujet important.
    Je m'adresse à vous de manière virtuelle à partir de mon domicile à Ancaster, en Ontario, sur le territoire traditionnel des Anishnawbes, la Première Nation des Mississsaugas de Credit.
    En tant qu'homme autochtone qui s'est trouvé à être juge pendant plus de 20 ans, je connais malheureusement trop bien les lacunes du système judiciaire qui peuvent conduire à des erreurs judiciaires. Pourtant, les consultations que nous avons menées à la demande de l'ancien ministre de la Justice Lametti ont révélé un point de vue différent.
    J'ai eu l'honneur de m'entretenir quatre fois avec feu David Milgaard au cours de ce processus où nous avons parlé à 16 autres personnes innocentées et à 215 personnes au total. Avec l'aide de la juge Westmoreland-Traoré et du professeur Kent Roach — qui, comme vous l'avez dit, comparaît avec moi aujourd'hui —, nous avons été guidés par la déclaration suivante, empreinte d'expérience et de sagesse de M. Milgaard: « Le système de justice a déjà laissé tomber une fois les personnes condamnées à tort. Il ne doit absolument pas les laisser tomber une fois de plus. » C'est de cela qu'il parlait.
    C'est dans cet esprit que nous avons préparé un rapport détaillé de 200 pages que la professeure Leonetti, de l'Université d'Auckland, a salué comme étant un plan de transformation qui, s'il était mis en œuvre, pourrait tirer des enseignements d'autres commissions dans d'autres pays et produire la meilleure commission qui puisse enquêter de manière proactive sur les erreurs judiciaires, jouer un rôle vital dans leur correction et contribuer à leur prévention.
    C'est un euphémisme de dire que je suis déçu du projet de loi C‑40. Je résumerai mes nombreuses préoccupations en trois grands thèmes qui sont également reflétés dans notre mémoire.
    Premièrement, il est essentiel que la commission soit aussi indépendante et qualifiée que possible. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C‑40 autoriserait la création d'une commission de cinq personnes qui n'aurait qu'un président à temps plein, lui-même ayant des responsabilités de premier dirigeant, et cette commission ne serait pas tenue par la loi de compter des représentants autochtones ou noirs en son sein. À mon avis, cela est manifestement inadéquat pour la tâche à accomplir. Les personnes autochtones et noires sont les plus exposées au risque de condamnations injustifiées et n'ont que peu de raisons de faire confiance au système. Je m'inquiète aussi de la lenteur et de l'opacité du processus de nomination par le Cabinet à la nouvelle commission. Nous avons proposé trois amendements pour élargir et renforcer la commission.
    Deuxièmement, le projet de loi C‑40 limite énormément le champ de compétences de la commission. L'exigence d'avoir fait l'objet d'une décision défavorable par une cour d'appel empêcherait la plupart des victimes d'erreurs judiciaires de demander l'aide de la commission. Je salue les observations du projet Innocence de l'Université de la Colombie-Britannique à cet égard. David Milgaard nous a dit de ne pas exclure la détermination de la peine du champ de compétences de la commission. Nous avons recommandé qu'une personne qui purge encore une peine fondée sur des faits erronés et inadéquats puisse présenter une demande à la commission. Je salue le mémoire de l'Association des femmes autochtones du Canada à cet égard. Les amendements 4 et 5 que nous proposons portent également sur ces préoccupations.
    Enfin, je crains que le projet de loi C‑40 ne produise pas le genre de commission proactive, systémique et indépendante que préconisent les personnes innocentées et bien d'autres. Le mandat de sept ans des commissaires ne devrait pas être renouvelable, car l'espoir de renouvellement et le spectre de non-renouvellement peuvent nuire à leur indépendance ou à leur perception raisonnable de celle‑ci. Un comité consultatif indépendant devrait examiner les candidats aux postes de commissaire et aider la commission. Le budget de la commission, y compris l'indemnisation, devrait être lié à celui du pouvoir judiciaire afin...

  (1630)  

    Il vous reste 30 secondes.
    Comme j'ai oublié de vous prévenir dès le départ, je ne vous en tiendrai pas rigueur, mais 30 secondes avant la fin des cinq minutes, je lève ce carton‑ci, puis celui‑là quand le temps est entièrement écoulé. De cette façon, je peux respecter le plus possible le temps de parole de tout le monde.
    Je vous remercie. Il vous reste 30 secondes.
    Très bien. Je vais m'arrêter ici alors, et j'aborderai le reste de mon intervention dans mes réponses aux questions.
    Je vous remercie.
    C'est parfait.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Les représentants du Barreau du Québec disposent de cinq minutes.

[Français]

    Bonjour. Je m'appelle Me Nicolas Le Grand Alary. Je suis avocat au Secrétariat de l'Ordre et Affaires juridiques du Barreau du Québec. Je suis accompagné de Me Nicholas St‑Jacques, qui représente le Barreau du Québec.
    Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner devant le Comité en lien avec le projet de loi C‑40.
    Tout d'abord, le Barreau du Québec tient à souligner qu'il appuie l'objectif du projet de loi qui consiste à remplacer le processus actuel d'examen des erreurs du système judiciaire par la mise en place d'un organisme indépendant. Toutefois, fort de son expérience dans le domaine de l'administration de la justice criminelle, le Barreau du Québec formule certains commentaires pour le bonifier. Principalement, nous souhaitons que les nouveaux processus mis en place par le projet de loi atteignent leur objectif de corriger les erreurs judiciaires de manière efficace et efficiente.
    Ainsi, le Barreau du Québec accueille favorablement la création de la commission indépendante d'examen des erreurs judiciaires. Nous avons toujours insisté sur la création d'un organe indépendant qui verrait à analyser les dossiers et à recueillir l'information afin d'accroître l'indépendance réelle et apparente de l'examen postérieur à la condamnation.
    J'aimerais maintenant aborder des commentaires plus particuliers.
    Le projet de loi prévoit que la commission doit fournir régulièrement au demandeur des mises à jour concernant sa demande. La commission peut fournir un avis ou des renseignements au demandeur ou à son représentant.
    Les demandeurs qui font une demande d'examen au motif d'erreur judiciaire sont souvent dans une situation vulnérable et peuvent être incarcérés. L'accès rapide aux avis et aux renseignements provenant de la commission est important. De plus, ces documents peuvent nécessiter une mise en contexte et une explication au demandeur. Nous sommes d'avis que les communications de la commission ne devraient pas être transmises uniquement aux demandeurs, et ce, afin d'éviter de leur faire subir des préjudices additionnels. Cette façon de faire permettrait de répondre à une incongruité entre les versions anglaise et française du projet de loi.
    Par ailleurs, le projet de loi prévoit ceci: « Si elle a des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a pu être commise ou si elle estime que cela servirait l'intérêt de la justice, la Commission peut mener une enquête relativement à la demande. » Le libellé actuel laisse entendre que la commission peut le faire, mais qu'elle n'en a pas l'obligation. Nous suggérons de modifier l'article que le projet de loi propose d'ajouter au Code criminel, afin d'y préciser que la commission « doit » mener une enquête lorsqu'elle a des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a pu être commise. Cela permettra d'atteindre l'objectif du projet de loi qui consiste à faciliter et accélérer la révision des dossiers.
    Le projet de loi prévoit aussi que, lorsque la commission transmet un avis indiquant qu'aucune enquête ne sera menée, l'avis doit également préciser le délai raisonnable dans lequel le demandeur et le procureur général peuvent lui transmettre des renseignements supplémentaires. Dans un souci d'équité procédurale, nous recommandons de préciser que les avis doivent comporter les motifs pour lesquels la commission a décidé de ne pas enquêter. Les demandeurs devraient connaître les lacunes de leur demande d'examen et avoir la possibilité de rectifier la situation.
    Je cède la parole à Me St‑Jacques pour d'autres remarques.
    En ce qui concerne le critère de l'intérêt de la justice, le projet de loi prévoit qu'au terme de son examen d'une demande, la commission prend une mesure de redressement lorsqu'« elle a des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire a pu être commise et qu'elle estime que cela servirait l'intérêt de la justice ». Le Barreau du Québec s'interroge sur la pertinence d'inclure le critère de l'intérêt de la justice afin de justifier l'octroi d'une mesure de redressement.
    En effet, nous craignons que ce critère désavantage certains demandeurs, notamment les Autochtones, les Noirs et d'autres demandeurs marginalisés. Parallèlement, les demandeurs qui ont été reconnus coupables de crimes graves ou qui peuvent sembler dangereux aux yeux du public pourraient ne pas obtenir justice même si une erreur judiciaire a été commise.
    Le Barreau du Québec considère que le critère de l'intérêt de la justice ne devrait pas être invoqué lorsque la commission conclut qu'une erreur judiciaire a pu être commise. Il devrait plutôt s'agir d'un motif additionnel utilisé au profit des demandeurs lorsque la commission n'arrive pas à conclure qu'une erreur judiciaire a pu être commise.
    Vous pouvez retrouver dans notre mémoire certaines autres de nos observations, notamment celles concernant la manière dont les demandes formulées sous le régime actuel peuvent être transmises à la commission et le choix du critère qui peut être utilisé pour ces demandes. Nous avons aussi des recommandations concernant les connaissances en matière de langues officielles que devraient posséder les commissaires qui seront nommés au sein de la commission.
    Finalement, le Barreau du Québec tient à réitérer l'importance de mettre en place les nouveaux processus prévus dans le projet de loi de manière efficace et efficiente, pour qu'ils portent des fruits. Cela contribuera à maintenir, sinon améliorer la confiance du public dans le processus d'examen des erreurs judiciaires et dans le système judiciaire.

  (1635)  

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Lockyer, vous disposez vous aussi de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci aux membres du Comité.
    La dernière fois que j'ai comparu devant le Comité, j'étais accompagnée de la regrettée Joyce Milgaard. C'était le 3 octobre 2001, le Comité se penchait sur la mise en vigueur des articles actuels du Code criminel qui régissent l'examen ministériel des demandes de révision de condamnation. Je suis retourné voir ce que nous avons dit ce jour‑là. Mme Milgaard a commencé par dire qu'elle était extrêmement déçue des propositions à l'étude. Elle était déçue parce que le pays a cruellement besoin d'une commission indépendante, c'est‑à‑dire indépendante du ministre et du processus ministériel.
    Aujourd'hui, il est enfin question de légiférer afin de créer une telle commission. Les regrettés Joyce et David Milgaard seraient fiers de savoir que ce projet de loi porte leur nom.
    Aux yeux d'Innocence Canada, la question des erreurs judiciaires devrait être non partisane. Peter MacKay a assisté à bon nombre des activités que nous avons organisées au fil des ans. Il y a de nombreuses années, Daniel Turp s'est joint à la délégation d'Innocence Canada, à laquelle participait Rubin « Hurricane » Carter, qui s'était rendue au Texas pour sauver la vie d'un Canadien condamné à mort. Elizabeth May a toujours été au nombre de nos sympathisants. Irwin Cotler et David Lametti, plus particulièrement, ont toujours été des partisans d'Innocence Canada, tout comme Jack Layton. Nous osons croire que le ministre actuel, M. Virani, l'est lui aussi.
    Nous militons depuis 30 ans et, pour nous, cette loi est la bienvenue. Il s'agit d'un changement immense pour le système de justice pénale, car elle crée un mécanisme de sûreté pour ceux qui ont été condamnés à tort.
    C'est difficile de trouver les améliorations que nous jugeons prioritaires parmi toutes celles que nous voudrions voir, mais je vais me limiter à quatre.
    Pour commencer, concernant la composition de la commission, nous croyons qu'il n'y a pas assez de commissaires. L'actuel Groupe de la révision des condamnations criminelles, qui examine les demandes de révision à la place du ministre, est composé de six avocats-conseils, d'un avocat adjoint et de trois avocats externes qui travaillent à forfait. On voit tout de suite que le nombre proposé de commissaires — un commissaire en chef et de quatre à huit de plus — ne sera jamais assez, car une fois la nouvelle loi en vigueur, le nombre de demandes va augmenter considérablement.
    Nous estimons ensuite que le texte devrait parler des peines. Selon nous, ce point est particulièrement important pour les Autochtones. Partout ailleurs, les peines font partie du mandat des commissions de révision des condamnations.
    Nous croyons en outre que la loi devrait dire explicitement que la commission a le pouvoir de suggérer des changements systémiques à la lumière des cas qu'elle étudie. Les commissaires seront merveilleusement bien placés, à notre avis, pour savoir ce qu'il faut changer dans le système pour éviter les futures erreurs judiciaires. Car il faut faire les deux: corriger les erreurs déjà commises et empêcher le plus possible qu'il y en ait d'autres.
    Enfin, nous sommes d'avis que les cours d'appel du pays ne font pas tout ce qu'elles pourraient faire pour éviter les condamnations erronées. Selon nous, les pouvoirs des cours d'appel devraient être redéfinis afin qu'elles soient désormais tenues de déterminer si les condamnations associées aux causes qu'ils entendent sont fondées. Présentement, ce n'est pas ce qu'elles font. Les cours d'appel sont des tribunaux de procédure et ne se penchent pas sur la notion de culpabilité ou d'innocence.
    Je vous remercie.

  (1640)  

    Nous vous en sommes très reconnaissants. Je vous remercie de votre attention.
    Nous devrons être concis, et nous allons passer aux questions. Chaque parti disposera de six minutes.
    Nous commencerons par M. Caputo, s'il vous plaît.
    Merci madame la présidente.
    Merci à tous de votre présence. Étant donné qu'il y a beaucoup d'informations à digérer, je ne sais pas combien de questions je parviendrai à poser, car vous avez tous des choses intéressantes à dire.
    Pour commencer, je dirai que tout le monde souhaite éviter les erreurs judiciaires. Fort de mon expérience de procureur et d'avocat de la défense, je connais les deux côtés de la médaille. Comme je pense l'avoir mentionné lors de la dernière séance, je suis encore hanté aujourd'hui par ce que je considère comme une erreur judiciaire, même s'il s'agit d'une affaire relativement mineure. Je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point. Étant donné que l'objectif est de s'assurer que la mesure législative soit efficace, mes propos visent à obtenir des éclaircissements.
    L'un des principaux aspects... Maître Le Grand Alary, c'est à vous que je poserai ma première question. Vous avez fait la distinction entre les expressions « peut procéder à une enquête » et « doit procéder à une enquête ». Or, il est question de la possibilité d'erreur judiciaire. Comme nous le savons, le mot « peut », en droit, est assez permissif. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il est possible qu'une erreur judiciaire ait été commise.
    À votre avis, où se situe le seuil? Il est parfois question de certaines décisions qui « constituent probablement », qui « peuvent constituer », ou qui « pourraient constituer » une erreur judiciaire. Pourriez-vous expliquer brièvement au Comité ce qu'il en est?

[Français]

    Je vais commencer, puis je laisserai Me St‑Jacques compléter ma réponse s'il le souhaite.
    L'idée, c'est que la commission doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a pu être commise. Il est donc nécessaire d'avoir ces motifs pour en venir à déterminer si c'est le cas.
    Notre proposition de remplacer le mot « peut » par le mot « doit » est plutôt en lien avec le pouvoir discrétionnaire de mener une enquête.
    Voulez-vous compléter ma réponse, maître St‑Jacques?
    Dans la mouture actuelle du projet de loi C‑40, au paragraphe 696.5(1) proposé, il est écrit: « Si elle a des motifs raisonnables de croire qu’une erreur judiciaire a pu être commise ou si elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice, la Commission peut mener une enquête relativement à la demande. » Ici, on n'en est pas au stade où on détermine s'il faut octroyer une mesure de redressement ou non. Il s'agit plutôt de déterminer si, dans son traitement, le dossier doit passer à l'étape de l'enquête et si la commission doit explorer davantage ce dossier.
    Ce que le Barreau du Québec propose, c'est de rendre obligatoire l'enquête, dans la mesure où la commission vient à la conclusion qu'« elle a des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a pu être commise ou si elle estime que cela servirait l'intérêt de la justice ». À ce stade, la commission a déjà à faire une certaine évaluation du dossier et elle a quand même le pouvoir discrétionnaire de déterminer si une enquête doit avoir lieu. Alors, à notre avis, la commission ne devrait pas avoir un pouvoir discrétionnaire supplémentaire pour déterminer si une enquête devrait être faite ou non.
    Par ailleurs, pour avoir lu plusieurs rapports d'enquête publiés par le Groupe de la révision des condamnations criminelles dans le cadre du régime actuel, je peux vous dire qu'il y a des enquêtes plus détaillées que d'autres. Le fait de rendre obligatoire l'enquête par la commission n'imposerait donc pas, à notre avis, un fardeau important. Certaines enquêtes seront plus simples et d'autres seront plus complexes, mais, à partir du moment où on a des motifs raisonnables de croire qu’une erreur judiciaire a pu être commise, il faut aller de l'avant.

[Traduction]

    Permettez-moi de vous interrompre un instant. J'ai une question complémentaire.
    La sonnerie est-elle en cours?
    Je n'en sais rien, mais je vois aussi que la lumière clignote.
    Pourquoi ne pas continuer? Je suis certaine que nous en saurons davantage par la suite.
    Si les membres du Comité sont d'accord, nous pouvons continuer jusqu'à ce qu'il soit temps d'aller voter. Si nous n'avons pas le consentement des membres du Comité, nous suspendrons nos travaux. Dites-moi ce que vous en pensez. À titre de présidente, je suis là pour écouter ce que les membres du Comité ont a dire.
    D'accord.
    Je comprends votre point de vue sur le caractère obligatoire de l'enquête fondée sur des motifs raisonnables. Ma question porte sur le seuil. J'essaie de faire la distinction entre le fait qu'il y ait des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a probablement eu lieu et le fait de croire qu'une erreur judiciaire a pu avoir lieu, et c'est sur cette distinction que j'aimerais connaître votre opinion. À mon avis, le fait qu'une erreur judiciaire a « probablement eu lieu » signifie qu'il y a une probabilité de 50 % plus un que ce soit le cas, soit la prépondérance des probabilités. C'est quelque chose comme ça. En revanche, le fait qu'une erreur judiciaire ait « pu se produire » peut signifier que c'est très peu probable pour certains, ou relativement probable pour d'autres. Comprenez-vous où je veux en venir?
    J'aimerais bénéficier de votre expertise en la matière.

  (1645)  

[Français]

    En effet, la distinction est importante. C'est justement un des éléments importants du projet de loi C‑40 par rapport à ce qu'on voyait précédemment.
    Présentement, dans l'état actuel des choses, pour qu'une erreur judiciaire soit reconnue et qu'une mesure de redressement soit ordonnée par le ministre de la Justice, il doit y avoir une certaine probabilité d'erreur judiciaire. On parlait tout à l'heure d'un seuil de 50 % plus un, soit d'une prépondérance des probabilités.
    Dans la mouture actuelle du projet de loi, on rabaisse justement ce critère au niveau d'une possibilité. Dans l'article 696.6 proposé, on parle de cas où « une erreur judiciaire a pu être commise ». Dans la version anglaise, on utilise le mot « may ». Dans la version française, il est question d'une possibilité raisonnable, en quelque sorte. On parle donc ici d'un critère beaucoup moins élevé.
    La raison pour laquelle on a abaissé le critère, c'est que ce n'est pas toujours facile d'établir une erreur judiciaire avec un degré de probabilité suffisant. On parle souvent ici de dossiers assez anciens où certains documents peuvent être difficiles à retracer, où les témoins peuvent être difficiles à rencontrer ou peuvent avoir des souvenirs imparfaits des événements, après tout le temps écoulé.
    C'est donc un peu ce qui explique ce changement.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    M. Maloney a maintenant la parole, pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Tout d'abord, je tiens à remercier tous les témoins non seulement d'être ici aujourd'hui, mais aussi d'avoir pris le temps de préparer les documents que nous allons examiner. Dans le cas du juge LaForme et de Me Lockyer, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur le sujet avant que cette mesure législative ne soit présentée, et je vous en remercie également.
    Monsieur LaForme, je commencerai par vous. J'avais quelques questions sur ce qui devait être la dernière série de points que vous comptiez soulever. Comme vous n'avez pas eu l'occasion de les présenter, je vous donnerai d'abord la possibilité de le faire et je vous poserai ensuite des questions.
    Je vous remercie.
    J'ai indiqué que le mandat des commissaires ne devrait pas être renouvelable. Je pense que c'est important.
    Le budget de la commission, notamment la rémunération des commissaires, doit être lié à celui des juges. C'est quelque chose que j'ai déjà mentionné. C'est quelque chose qui devrait être déterminé de manière indépendante. Je ne dis pas qu'il devrait être le même que celui des juges, mais que le budget de la commission et la rémunération des commissaires doivent être fixés de manière indépendante, comme c'est le cas pour les juges.
    Je pense également que l'examen parlementaire quinquennal doit être effectué indépendamment du travail de la commission. La commission devrait avoir le statut d'employeur distinct. L'un des problèmes que pose la situation actuelle est lié au rôle consultatif de la fonction publique auprès du ministre de la Justice. Nous déconseillons le recours à la notion d'« intérêt de la justice ». À titre de juge, je ne crois pas que cela devrait être une exigence, car je peux affirmer que la notion d'« intérêt de la justice » peut signifier bien des choses ou ne rien signifier du tout. C'est une expression qui, à mon avis, est inutile.
    Nous recommandons que la commission joue un rôle proactif et, comme l'a souligné James Lockyer, qu'elle se penche sur des questions d'ordre systémique et disciplinaire. Nous sommes d'accord sur ce point.
    En ce qui concerne le projet de loi C‑40, nous recommandons que, comme en Angleterre, la commission ait accès aux documents — ce qui est très important —, même si les services de police, les procureurs et d'autres intervenants revendiquent ce privilège. En effet, d'après ce que nous savons, c'est un privilège que les services de police et autres revendiquent le plus souvent possible. Nous pensons que la commission devrait être garante de ce privilège et qu'elle devrait pouvoir décider quels documents lui sont transmis.
    Comme nous l'avons indiqué, il y a certains aspects du projet de loi avec lesquels nous sommes d'accord.
    Cependant, il y a évidemment la question du statut des commissaires et du commissaire en chef. Étant donné qu'ils seront des fonctionnaires, ce simple fait nuit, à mon avis, à l'indépendance de la commission.
    Voilà mes observations.

  (1650)  

    Merci, monsieur le juge LaForme.
    Je suppose que lorsque vous remettez en question le mandat renouvelable de sept ans des commissaires, vous n'êtes pas en faveur d'un mandat plus long ou d'un poste permanent. Vous êtes en faveur d'un mandat unique.
    C'est exact.
    D'accord.
    Craignez-vous qu'il y ait de l'ingérence politique et que ceux qui sont chargés de nommer les commissaires... puissent prendre des décisions en fonction de leur conduite?
    En effet. Je pense que les commissaires chercheraient à faire renouveler leur mandat, ce qui pose problème.
    D'accord.
    En ce qui concerne l'examen parlementaire quinquennal, vous avez indiqué qu'il fallait prévoir une vérification indépendante. S'agit‑il d'un examen qualitatif du rendement des commissaires ou d'un examen du processus?
    Veuillez m'excuser, monsieur le juge LaForme. Pourriez-vous placer le micro entre votre nez et votre bouche?
    D'accord. Est‑ce que c'est mieux comme ça?
    Oui.
    Personnellement, je pense qu'il pourrait s'agir des deux. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire les deux, mais je pense qu'il s'agit surtout d'un aspect qualitatif.
    Monsieur Kent, avez-vous quoi que ce soit à ajouter?
    Je dois dire que je ne partage pas vos préoccupations quant au caractère renouvelable du mandat et à la possibilité d'ingérence politique. Je pense qu'il est utile d'avoir de l'expérience dans ce domaine, tout comme c'est le cas pour les juges...
    Je dois préciser que je ne crois pas que cette ingérence se traduira par une incitation sur le plan personnel ou quelque chose de semblable. Je pense simplement que le travail et les décisions des commissaires seront influencés par le fait qu'ils cherchent à voir leur mandat renouvelé, ce qui, à mon avis, n'est pas nécessairement souhaitable.
    J'ai simplement de la difficulté à trouver un lien entre le fait de constater une erreur judiciaire et le fait de voir son mandat renouvelé, mais peut-être que nous pouvons convenir de ne pas être d'accord.
    L'autre aspect que vous avez soulevé concerne l'exigence d'une décision défavorable d'une cour d'appel. Je crois comprendre que vous voulez dire que les demandeurs ne devraient pas avoir à épuiser tous les recours d'appel avant de présenter une demande.
    C'est exact.
    D'accord. Cela ne revient‑il pas à assimiler les commissaires à un tribunal, puisqu'ils sont appelés à revoir la décision d'un juge de première instance ou d'un tribunal inférieur?
    En fait, c'est seulement dans la mesure où on examine la situation, et ensuite on s'en remet au tribunal pour qu'il prenne une décision.
    N'est‑ce pas le rôle des cours d'appel?
    Certes, mais nous savons que les cours d'appel commettent des erreurs.
    Je suis tout à fait d'accord, mais je pense que vous, qui avez été juge de première instance et juge de cour d'appel, avez confiance envers le système, sachant qu'il comporte des lacunes, ce qui explique pourquoi nous sommes saisis de ce projet de loi. Je pense que vous conviendrez qu'il est nécessaire d'épuiser tous les recours en appel.
    Si je puis me permettre, car c'est important...
    Le temps alloué au député est écoulé, alors peut-être qu'un autre député vous permettra de finir votre réponse.
    Si je ne vous interromps pas, je ne serai pas en mesure de permettre à tous les partis de poser des questions.

[Français]

    Monsieur Fortin, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    Je voudrais approfondir certaines questions avec les représentants du Barreau du Québec.
    D'abord, je comprends que vous êtes d'accord sur le fait d'élargir les cas où il pourra y avoir une demande d'examen au motif d'erreur judiciaire. Plutôt que de se limiter aux cas où il y a probablement eu une erreur judiciaire, le projet de loi élargit la possibilité de demande d'examen aux cas où il a pu y avoir une erreur judiciaire.
    De plus, vous souhaitez que le libellé précise que la commission « doit », et non « peut », faire enquête à cette étape.
    Sur le fond, je suis assez d'accord sur cela, mais une question me vient à l'esprit: cela n'alourdira-t-il pas le processus? Il risque d'y avoir, me semble-t-il, un nombre de dossiers beaucoup plus élevé que ce qu'il y a présentement.
    J'aimerais entendre votre opinion là-dessus.
    En effet, c'est possible qu'il y ait une augmentation du nombre de dossiers. Je laisserai Me St‑Jacques compléter ma réponse.
    Le message clé qui se trouve en filigrane dans nos remarques et dans notre mémoire, c'est que cette commission doit avoir les ressources nécessaires pour faire ce travail. C'est sûr qu'il faut accorder un budget en conséquence et prévoir les ressources nécessaires pour mener à terme ces enquêtes. Comme Me St‑Jacques l'a dit, certaines enquêtes peuvent être plus simples que d'autres, en fonction des dossiers.
    Je vais laisser Me St‑Jacques vous donner un complément de réponse.

  (1655)  

    Comme je l'ai mentionné précédemment, le but n'est pas que les enquêtes soient obligatoires dans tous les cas. Il faut quand même que la commission ait des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a pu être commise, alors il faut que la commission ait reçu un minimum d'informations pour lui permettre de mener une enquête.
    À partir du moment où on a des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire a pu être commise, je pense que l'économie de la réforme actuelle doit mener vers une enquête obligatoire. Nous voulons justement éviter que certains cas d'erreur judiciaire ne soient pas révélés et corrigés. À partir du moment où on a des motifs raisonnables, je pense que l'enquête obligatoire va de soi.
    En ce qui concerne l'alourdissement du processus par le fait de recourir à cette commission, je ne crois pas qu'il sera très important. Comme je l'ai mentionné précédemment, il y a des cas où les enquêtes sont très simples. Pour avoir lu des rapports d'enquête publiés dans le cadre du processus actuel, je peux dire qu'il y a des cas où les enquêtes sont plus complexes.
    Je pense que cela répond à votre question.
    Maître Le Grand Alary, vous avez mentionné qu'il fallait avoir les ressources et les budgets nécessaires. Présentement, le projet de loi prévoit qu'on nomme de cinq à neuf commissaires. Est-ce que cela vous apparaît suffisant?
    Ne devrait-il pas être prévu de nommer davantage de commissaires et d'avoir deux commissaires en chef qui peuvent étudier des dossiers simultanément?
    Comme vous l'avez vu dans notre mémoire, nous n'avons pas pris position directement quant au nombre de commissaires. Je sais que nous le répétons beaucoup, mais, ce que nous voulons, c'est que la commission proposée soit efficace et efficiente.
    Il pourrait certainement y avoir plus de commissaires. Nous avons aussi soulevé l'idée d'avoir des bureaux régionaux, par exemple, pour qu'il y ait une proximité avec les demandeurs. Différentes mesures pourraient donc être mises en place, y compris la nomination de plus de commissaires, effectivement.
    En ce qui a trait aux délais, on nous dit que l'actuel processus d'examen peut durer de 20 mois à six ans, ce qui me semble énorme. Or, le projet de loi ne fixe pas de délai pour rendre une décision.
    Est-ce qu'il vous apparaîtrait opportun d'apporter des amendements au projet de loi afin qu'il prévoie certains délais qui devront nécessairement être respectés?
    Oui. Nous soulignons d'ailleurs cette question dans notre mémoire, notamment dans nos commentaires sur les avis indiquant qu'aucune enquête ne sera menée. Plusieurs dispositions que le projet de loi propose d'ajouter au Code criminel, notamment l'article 696.5, indiquent que la commission doit fournir une réponse dans un délai raisonnable ou que les parties doivent disposer d'un délai raisonnable pour répondre. Ce genre de délais devraient effectivement être chiffrés ou être définis plus clairement.
    Cela dit, nous n'avons pas de délais précis à suggérer. Me St‑Jacques pourra certainement ajouter des précisions au sujet de la longueur possible de ces délais.
    Effectivement, c'est une bonne piste de réflexion.
    Je vais plutôt m'adresser à M. Lockyer, à qui j'aimerais poser des questions semblables.
    Puisqu'on passerait d'un seuil de probabilité à un seuil de possibilité d'erreur judiciaire, davantage de cas pourraient être soumis à l'éventuelle commission. En outre, le Barreau du Québec demande que la commission soit obligée de faire enquête. Tout cela pourrait, à mon avis, créer un encombrement de demandes.
    Pensez-vous que ce sera effectivement le cas ou non? Si oui, comment peut-on se prémunir contre une telle situation?

[Traduction]

    Lorsque cette mesure législative entrera en vigueur, il y aura sans aucun doute un grand nombre de demandes. À en juger par l'expérience d'autres pays, le nombre de demandes a explosé au début, ce qui n'est pas surprenant.
    En ce qui concerne le nouveau critère, le critère de la probabilité la moins élevée dont nous devons maintenant ternir compte...
    Maître Lockyer, par souci d'équité envers tout le monde, je dois vous interrompre.
    Je demanderai à M. Garrison de commencer ses six minutes, et il lui revient de décider s'il souhaite vous laisser finir votre réponse ou s'il souhaite vous poser une autre question.

  (1700)  

    Merci, madame la présidente.
    Veuillez poursuivre.
    Je ne pense pas que l'application d'un critère moins élevé entraînera une augmentation du nombre de demandes. En revanche, cela entraînera une augmentation du nombre de demandes acceptées. À mon avis, cela ne peut être qu'une bonne chose. Si quelqu'un a été victime d'une condamnation injustifiée, cette personne a droit à un recours.
    Je pense qu'il est important de garder à l'esprit que les mesures de redressement qu'ils obtiendront ne seront pas finales. En effet, la commission ne fera qu'ordonner un nouveau procès ou un nouvel appel qui sera entendu par la cour d'appel provinciale.
    Innocence Canada appuie fortement le recours au critère de la probabilité la moins élevée. D'après notre expérience considérable, et nous avons déposé plus d'une quarantaine de demandes, nous pensons que l'emploi d'un critère de probabilité élevé a empêché certains cas d'erreurs judiciaires d'être portés devant les tribunaux.
    Merci, Maître Lockyer.
    Tout d'abord, je tiens à remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui. Vous faites tous un travail important dans ce dossier, certains d'entre vous depuis des dizaines d'années. Nous apprécions votre expertise.
    Les procédures de la Chambre des communes sont toujours quelque peu obscures, et elles ont particulièrement perturbé nos travaux aujourd'hui.
    J'aimerais revenir un instant sur les propos du juge LaForme. Vous avez indiqué qu'il fallait supprimer ou modifier l'exigence d'une décision défavorable d'une cour d'appel. Étant donné que nous n'avons pas encore reçu la traduction de votre mémoire, pouvez-vous m'expliquer davantage ce que vous proposez?
    Ce que je propose, c'est... En fait, on n'a pas besoin de se creuser la tête longtemps pour penser à des témoins experts qui ont amené des gens à plaider coupable à des infractions qu'ils n'avaient pas commises. Il y en a eu beaucoup. Cela se produit très souvent. Une cour d'appel ne toucherait jamais à ces affaires‑là. Les gens iraient simplement en prison, sans appel. Voilà les affaires auxquelles nous pensons. Je crois qu'elles seraient très nombreuses.
    En fait, je crois que la grande majorité des cas suivraient ce scénario. Par conséquent, si vous comptez sur une décision rendue par une cour d'appel, vous passerez à côté de la grande majorité des cas admissibles.
    J'ajouterais une petite précision, monsieur Garrison: seulement 23 des 87 affaires figurant dans la liste du Canadian Registry of Wrongful Convictions sont passées par le ministre. Comme l'a dit le juge LaForme, les huit victimes de Charles Smith — qui étaient principalement des jeunes femmes autochtones et racisées — ne pourraient même pas présenter de demande à la commission.
    En Angleterre, la commission peut, dans des circonstances exceptionnelles, entendre des causes sans décision de la cour d'appel. Selon nous, rien ne justifierait que la commission canadienne soit plus restrictive.
     Merci.
    Je vous remercie, professeur Roach.
    Maître Lockyer, pourriez-vous expliquer davantage pourquoi il serait important que la commission puisse aussi traiter des demandes relatives aux peines, et comment le projet de loi pourrait être modifié à cette fin?
    Je souligne, tout d'abord, que la commission canadienne serait la seule à ne pas traiter les demandes relatives aux peines.
    Si vous consultez les statistiques des diverses commissions — particulièrement les commissions d'Angleterre et d'Écosse, qui sont en place depuis plus de 25 ans —, vous constaterez qu'environ un sixième des renvois portent sur les peines. À titre d'exemple, depuis son établissement il y a 25 ans, la commission d'Angleterre a fait 834 renvois, parmi lesquels 85 environ concernaient une peine.
    Comme je l'ai signalé dans le mémoire d'Innocence Canada, les cours d'appel sont très peu disposées à s'ingérer dans les peines dans le cadre d'appels portant sur la peine. Elles choisissent, encore et encore, de respecter ce qu'a décidé le juge de première instance. C'est donc dire que le processus d'appel des peines ne fonctionne pas vraiment. Vous avez très peu de chances de gagner un appel lorsque celui‑ci porte sur la peine.
    Cette situation crée une ouverture pour la commission. En effet, si une personne a été condamnée à une longue peine d'emprisonnement, par exemple, il se peut qu'elle ait amélioré sa vie, sa situation dans le monde ou sa situation sociale depuis le début de son incarcération, et il serait tout à fait juste qu'elle puisse s'adresser quelque part pour demander un réexamen de sa peine. Un tel processus existe dans les autres juridictions, et je crois qu'il serait très utile ici, particulièrement pour les personnes qui ont tendance à écoper des peines les plus longues, c'est‑à‑dire les personnes autochtones et noires. Comme on le sait, ces groupes sont nettement surreprésentés dans nos prisons.

  (1705)  

    Si nous ajoutons des peines, peut-être par le biais d'amendements au processus de demande de révision, les mesures de redressement dont dispose la commission feront-elles également l'objet d'amendements? Devrions-nous pour autant ajouter que la commission peut effectivement formuler une recommandation sur la détermination de la peine? Je ne crois pas que ce soit dans la portée du projet de loi.
    La commission a actuellement la possibilité d'annuler des condamnations ou de les renvoyer à une cour d'appel. Si des peines sont introduites, la commission pourra se voir accorder le pouvoir de modifier des peines ou de les renvoyer à une cour d'appel. Les mêmes options seraient toujours valables.
    Cela n'est pas prévu dans la mesure législative à l'heure actuelle.
    Non, ça ne l'est pas, car la commission n'a pas juridiction en matière de peines. Elle ne peut pas examiner les demandes de peines.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie.
    Je vais accorder trois minutes à M. Van Popta et à Mme Dhillon, puis deux minutes à M. Fortin et à M. Garrison. Cela nous mènera à la fin de la séance.
    Est‑ce que je dispose de trois minutes?
    Oui.
    Je vais être bref.
     Je vous en prie.
    Merci à tous les témoins d'être là.
    Monsieur le juge LaForme, sous le nouveau régime, est‑ce que le fait pour un condamné de se voir accorder une mesure de redressement de cette commission pour la tenue d'un nouveau procès, par exemple, constituera toujours un recours extraordinaire? Je suis en train de lire le rapport dans lequel vous citez l'enquête de David Milgaard:
Le système de révision des condamnations au Canada est fondé sur la pensée que les condamnations injustifiées sont rares et que toute mesure de redressement accordée par le ministre fédéral est un recours extraordinaire. Un changement est nécessaire pour refléter la compréhension [...] du caractère inévitable des condamnations injustifiées [...]
    Ce ne sont pas vos propres paroles, monsieur le juge LaForme, mais vous les avez citées. Quels sont vos propres commentaires à ce sujet?
     Monsieur Roach, puis‑je vous demander d'aborder ce point?
    Oui.
    Le projet de loi continuerait d'exiger de la commission de tenir compte des nouvelles questions importantes qui n'ont pas été prises en compte par les tribunaux. Il en serait ainsi, même s'il n'y avait pas de décision d'une cour d'appel. Je doute que les commissions remettent en question les décisions d'un juge de première instance. La question est plutôt de permettre à l'accusé d'obtenir de nouveaux éléments de preuve lorsqu'il est incapable de les avoir au moment de sa condamnation ou, souvent, de sa détention. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons recommandé — et la commission anglaise l'a fait — qu'un accusé ait accès à des renseignements même si la police, les procureurs ou toute autre partie en revendiquent le privilège juridique.
    Il est question ici d'aider les gens à trouver de nouveaux éléments de preuve. L'une des raisons pour lesquelles M. Lockyer et tous les programmes de lutte contre les erreurs judiciaires appuieront la commission est que ceux‑ci n'ont pas de pouvoir public qui leur permet de contraindre la police, les procureurs et les experts en criminalistique à leur fournir les preuves qu'ils veulent et dont ils ont besoin.
    Voilà pourquoi cette mesure est très importante...
    Monsieur, il ne me reste que trois minutes, et je vais donc poser une autre question rapidement.
    Est‑ce que, selon vous, la présentation de nouveaux éléments de preuve qui n'étaient pas disponibles au moment du procès sera toujours une exigence? C'est bien ainsi que je comprends le régime actuel. Je suis en train de lire le rapport annuel de 2022, qui l'indique mot pour mot. Qu'en pensez-vous?
    Vous disposez de 30 secondes.
    Si nous manquons de temps et que l'un ou l'autre des témoins en a plus long à dire — je ne vais pas vous ôter du temps, monsieur Van Popta, ne vous inquiétez pas —, veuillez faire parvenir au Comité tout autre renseignement que vous souhaiteriez ajouter ou qui aurait pu être abordé aujourd'hui. Nous vous en serions reconnaissants.
    Il vous reste 30 secondes, monsieur Roach ou monsieur le juge LaForme.
    Selon le projet de loi et le libellé actuel du Code criminel, il doit y avoir « de nouvelles questions importantes ». Dans la plupart des cas, ce sera des preuves, mais dans certains cas, ce pourrait être un changement dans la loi. Si la peine a été prononcée et qu'un rapport Gladue ou un autre rapport présentenciel n'a pas été présenté en bonne et due forme, ces nouvelles questions pourraient être prises en compte.

  (1710)  

    D'accord, merci beaucoup.
    Madame Dhillon, allez‑y.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Bonjour et bienvenue à toutes et à tous.
    Je vais m'adresser tout d'abord aux représentants du Barreau du Québec.
    Il ne fait aucun doute que les condamnations injustifiées ont des conséquences vraiment graves sur ceux qui sont condamnés à tort, mais ces condamnations nuisent également aux victimes d'actes criminels.
    Pouvez-vous faire part au Comité de cas que vous avez vus, dans votre pratique, où de telles condamnations ont eu des conséquences sur les victimes d'actes criminels?
    Pour avoir représenté des personnes qui ont été injustement condamnées, je peux dire que les conséquences qu'elles subissent sont très importantes. On parle de conséquences psychologiques et de conséquences financières, par exemple. Ce sont des personnes isolées, mises à l'écart, qui sont souvent l'opprobre de la société.
    En ce qui concerne les victimes, je ne pourrais pas témoigner d'éléments précis. Par contre, je peux vous dire que, dans le régime actuel, les familles des victimes sont avisées de la situation lorsqu'une mesure de redressement est octroyée par le ministre de la Justice. C'est quelque chose que la commission pourrait faire également.
    Lorsqu'il y a eu erreur judiciaire, elle se doit d'être corrigée. Je pense que c'est important pour tout le monde, y compris les victimes et leur famille.
    Maître Le Grand Alary, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je dirais que c'est aussi une question de confiance dans le système de justice. Si la personne a été condamnée injustement, les victimes n'auront pas obtenu justice non plus.
    D'après vous, comment pouvons-nous garantir que cette nouvelle commission sera transparente envers le public?
    Je pense qu'il faut publiciser d'une certaine manière les décisions qui sont prises et, le cas échéant, les mesures de redressement qui sont ordonnées. Me St‑Jaques pourra donner des précisions en ce qui concerne la confidentialité ou non des dossiers.
    De manière générale, le projet de loi prévoit aussi un mécanisme de révision. De notre côté, nous proposons de donner à la commission le pouvoir de faire des recommandations pour améliorer le système et mieux gérer des problèmes systémiques.
    Il me reste quelques secondes pour poser une dernière question.
    Quelles leçons faut-il tirer des pays qui ont créé des commissions d'examen indépendantes similaires?
    Je pense que M. Lockyer en a parlé tout à l'heure. Effectivement, on a pu comprendre qu'il y avait des lacunes importantes dans les systèmes d'examen des erreurs judiciaires des autres pays. Lorsqu'on a institué des commissions indépendantes, on s'est rendu compte que plusieurs personnes admissibles ne faisaient pas de demandes ou encore que leurs demandes n'étaient pas traitées suffisamment en détail pour que les erreurs judiciaires puissent être reconnues.
    Le Royaume‑Uni est un exemple frappant où on a vu une augmentation du nombre de cas de reconnaissance d'erreurs judiciaires, alors que la situation était tout autre auparavant.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Fortin, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie encore une fois tous les témoins d'être des nôtres.
    Pendant les deux minutes dont je dispose, j'aimerais entendre les commentaires des représentants du Barreau du Québec.
    Dans la situation actuelle et selon ce que prévoit aussi le projet de loi, on se doit d'épuiser tous les recours possibles avant d'invoquer l'erreur judiciaire. Cela veut donc dire, entre autres, de se pourvoir en appel quand c'est possible de le faire. Or, souvent, les personnes qui sont victimes d'une erreur judiciaire n'ont pas les ressources financières pour utiliser ces recours. On sait qu'une audition en appel peut coûter très cher, surtout lorsqu'il s'agit de cas devant la Cour suprême.
    Qu'avez-vous à nous dire là-dessus? Cette exigence d'épuiser les recours avant d'invoquer l'erreur judiciaire ne prive-t-elle pas bon nombre de citoyens de leur droit à une révision judiciaire lorsqu'il y a erreur?
    Je vais répondre rapidement en premier et laisser Me St‑Jacques compléter la réponse par la suite.
    Vous avez lu notre mémoire. Comme vous pouvez le constater, nous n'avons pas de position directement là-dessus. Je dirais simplement que, selon mon point de vue, on doit éviter autant que possible de doubler les types d'audiences ou les recours. Effectivement, vous avez soulevé un élément très important en ce qui concerne les parties qui sont non représentées et la complexité de certaines procédures.
    Me St‑Jacques pourrait ajouter des commentaires à ce sujet.
    Effectivement, dans notre mémoire, nous n'avons pas pris position quant à cet élément précisément.
    Cela dit, comme l'a mentionné précédemment M. Lockyer, de même que d'autres intervenants, je crois, il pourrait y avoir une ouverture à l'idée que la commission puisse procéder à un examen dans certains cas. Faudrait-il que ce soit fait automatiquement? Ce n'est peut-être pas nécessaire, justement pour ne pas doubler les procédures d'appel. Cependant, le fait d'accorder ce pouvoir à la commission permettrait effectivement d'éviter des injustices.

  (1715)  

    Il me reste à peine quelques secondes.
    Si on éliminait cette exigence, de sorte que les gens qui pensent qu'une erreur judiciaire a été commise puissent demander un examen et que ceux qui doivent plutôt interjeter appel utilisent ce recours, est-ce que ce serait une solution intéressante et adéquate?
    Cela pourrait être une solution, mais il faudrait discuter davantage de la manière dont ce serait formulé.
    Cela prendrait plus que deux minutes.
    En effet.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Pour la dernière série de questions, nous entendrons M. Garrison.
    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Lockyer, je reviens à vous. Votre suggestion de modifier le champ de compétence de la cour d'appel m'a beaucoup intéressé. Cette mesure préventive réduirait le nombre d'affaires qui passent par tout ce processus et aboutiraient devant la commission. Je me demande si c'est bien compris dans la portée du projet de loi que nous avons sous les yeux. Cela dit, pouvez‑vous nous dire à quel point ce changement serait important?
    Dans certaines administrations, les juges des cours d'appel peuvent annuler des condamnations s'ils « sentent un malaise », comme ils le disent. Nos cours d'appel ne se donnent pas ce pouvoir, et seul un changement législatif permettrait de le faire. Nous l'avons proposé au ministre Lametti lorsqu'il examinait le présent projet de loi. Cela faisait partie des recommandations que le juge LaForme a présentées au ministre.
    Il faudra peut‑être y revenir une autre fois. Je tiens à ce que cette commission soit mise sur pied, et vous devrez bien sûr consulter les juges des cours d'appel si vous comptez changer leurs pouvoirs, ce qui n'a pas été fait.
    Puis‑je faire un dernier commentaire sur les victimes de crimes pour lesquels on a condamné une personne à tort? Il y a deux choses importantes à dire. D'abord, si une personne a été condamnée à tort, cela signifie que le coupable n'a pas été condamné. Donc, la victime du crime n'a pas obtenu justice.
    Par ailleurs, dans bien des affaires, les victimes de crimes se présentent au procès. Pas plus tard qu'en juillet cette année, deux hommes autochtones ont comparu devant le juge en chef de la Cour du Banc du Roi du Manitoba. Ces hommes, Brian Anderson et Allan Woodhouse, ont été acquittés pour un meurtre datant de 50 ans qu'aucun d'eux n'avait commis. Ce procès a eu lieu il y a seulement trois mois. La famille de l'homme qui a été tué était là, et c'était remarquable de la voir dans la même salle que les deux hommes qui, pendant 50 ans, étaient condamnés à tort pour le crime commis contre leur père ou leur oncle, selon le proche dont on parle.
    Les erreurs judiciaires ont des conséquences allant bien au‑delà des personnes condamnées à tort. Les victimes du crime sont aussi touchées de manière importante.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Lockyer.
    Sur ces derniers commentaires, je tiens à remercier tous les témoins de leur patience, cet après‑midi. Je vous remercie d'avoir témoigné par vidéoconférence ou en personne.
    Je répète que si vous avez d'autres informations dont nous aurions besoin, n'hésitez pas à nous les transmettre.
    Permettez‑moi de suspendre la séance une minute, le temps de faire les préparatifs pour accueillir le prochain groupe de témoins.
    Je vous remercie beaucoup.

  (1715)  


  (1725)  

    Nous reprenons la séance.
    M. Myles Frederick McLellan se trouve dans la salle. Je vous souhaite la bienvenue.
    Nous n'avons pas réussi le test de son de Mme Canoe. Je vous présente mes excuses.
    Nous accueillons Dunia Nur, présidente-directrice générale de l'African Canadian Civic Engagement Council, par vidéoconférence.
    Nous allons commencer par M. McLellan, qui représente l'Association canadienne de justice pénale. Vous avez cinq minutes pour présenter votre exposé.
    Je vous souhaite la bienvenue.
     Je vous remercie, madame la présidente. Merci aux membres du Comité. C'est un honneur et un privilège véritables d'être parmi vous.
    Nous défendons le principe de l'indemnisation dans le cas de condamnations injustifiées.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, notre point de vue est très clair. Nous appuyons sans réserve les recommandations du rapport rédigé par le juge LaForme et la juge Westmoreland‑Traoré, à l'exception de la recommandation 51. Nous allons en reparler sous peu.
    Cela dit, nous allons nous concentrer sur l'indemnisation. Je vais d'abord citer feu David Milgaard: « La lutte contre le gouvernement du Canada pour être indemnisé longtemps après ma disculpation et ma libération de prison me fait sentir comme si j'étais encore en prison. »
    Notre position est claire. Il est important et fondamental de faire sortir de prison les gens condamnés à tort ou les victimes d'erreurs judiciaires, mais il est aussi extrêmement important de prendre des dispositions pour les indemniser pour qu'elles puissent bel et bien rebâtir leur vie.
    L'indemnisation est un élément central des régimes de la plupart des pays du monde en vertu des obligations internationales convenues par les Nations Unies. Dans la foulée de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, deux traités multilatéraux ont été signés en 1966, et tous les pays les ont adoptés. Le Canada, ses provinces et ses territoires ont adhéré pour leur part, en 1976, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L'article 14.6 précise que tous les pays signataires, y compris le Canada, ont l'obligation de mettre en place un régime d'indemnisation pour remédier aux erreurs judiciaires.
    La plupart des pays du monde s'y sont conformés, mais pas le Canada. Nous avons tenté de le faire et nous avons toujours des directives fédérales, provinciales et territoriales. Elles guident nos cours dans ce qu'elles peuvent faire, et ces directives respectent ostensiblement le principe de l'article 14.6, mais dans les faits, ce n'est pas exactement ce que prévoit l'article 14.6.
    Ces directives ont permis l'octroi de vastes sommes en indemnisation au fil des ans: 10 millions de dollars ont été octroyés à David Milgaard, 6 millions de dollars à Steven Truscott, etc. Mis à part ces grandes sommes, seulement une indemnité a été accordée par année en moyenne depuis 1988. Rien n'est prévu pour la plupart des gens qui ont été condamnés à tort ou qui ont fait l'objet d'erreurs judiciaires.
    En fait, en 2006, Michel Dumont, qui est largement reconnu comme ayant été condamné à tort au Canada, s'est adressé aux Nations unies. Il s'est servi du protocole optionnel pour que le Comité des droits de l'homme force le Canada à respecter ses obligations internationales en matière de droits. Le comité était d'accord avec lui. Il a constaté que le Canada ne souscrivait pas à ses obligations et ne respectait pas les termes du pacte. Il a émis une directive pour que le Canada prenne des dispositions afin d'indemniser M. Dumont. Le Canada en a simplement fait fi et a refusé de s'y conformer.
    Cela dit, les autres formes d'indemnisation prévues s'inscrivent dans le cadre de litiges. Principalement, il est question de poursuites abusives, d'enquêtes négligentes et d'octroi de dommages-intérêts en vertu de la Charte. Par contre, il n'y a pratiquement pas de financement offert pour que les gens libérés de prison puissent intenter une poursuite, et la plupart des recours sont franchement inefficaces.
    La méthode assez largement acceptée consiste à prendre la question du point de vue des lois. Ce que nous demandons au Comité concernant le projet de loi  C‑40, c'est d'y ajouter une disposition qui permette l'indemnisation, selon le modèle des lois maîtresses élaborées à cet effet.
    Deux pays du Commonwealth disposent de telles lois. En 1988, le Royaume‑Uni a édicté la Criminal Justice Act, qui respecte étroitement l'article 14.6 du pacte international. Ce pays a été un ardent défenseur de l'indemnisation jusqu'à la modification de la loi en 2014. Il y a aussi les États‑Unis. Au total, 38 États ont des dispositions législatives qui prévoient une indemnisation. Ces dispositions varient beaucoup d'un État à l'autre, mais elles prévoient un recours accessible et transparent pour ceux qui demandent une indemnisation afin de rebâtir leur vie.

  (1730)  

    Merci beaucoup.
    Madame Dunia Nur, vous disposez de cinq minutes.
    Vous avez la parole.
    Merci beaucoup de m'avoir invitée. Je m'appelle Dunia Nur et je suis présidente de l'African Canadian Civic Engagement Council, ou ACCEC.
    J'aimerais commencer par souligner que je me joins à vous virtuellement depuis le territoire visé par le Traité no 6. Je reconnais l'histoire, les langues, les cérémonies et les cultures des Premières Nations, des Métis et des Inuits, qui considèrent ce territoire comme le leur depuis des temps immémoriaux, et j'éprouve un profond respect à leur égard.
    Étant d'ascendance africaine, je pense que la reconnaissance des traités est de la plus haute importance, car elle sert à rappeler les histoires douloureuses communes d'oppression qui ont laissé des cicatrices durables dans nos deux communautés. Il est important de reconnaître que le système d'apartheid établi dans le cadre du processus de colonisation sur le continent africain tire son modèle de l'oppression et de la colonisation des peuples autochtones de l'île de la Tortue. Ce système a été tragiquement reproduit dans l'esclavage et la colonisation des populations indigènes africaines en Afrique.
    Notre mandat consiste à protéger et à promouvoir la dignité et les droits des personnes d'ascendance africaine, et nous nous acquittons de ce mandat dans cinq domaines principaux, soit le développement des jeunes, l'accès à la justice axé sur l'égalité entre les sexes...
    Madame Nur, attendez un instant, s'il vous plaît.

[Français]

    Voulez-vous me dire quelque chose, monsieur Fortin?
    Madame la présidente, l'interprétation ne peut pas se faire, car la qualité du son n'est pas suffisante. C'est ce qu'on vient d'entendre sur le canal d'interprétation en français.
    De plus, je constate que la témoin parle tellement rapidement que, même si la qualité du son était bonne, j'imagine que cela poserait problème.
    Quoi qu'il en soit, la qualité du son n'est pas suffisante pour permettre une interprétation adéquate. Je crois que vous devriez consulter les interprètes à ce sujet, madame la présidente.

[Traduction]

    Je vais attendre un instant.
    Si les interprètes disent qu'ils ne peuvent pas faire l'interprétation, il n'y a pas grand-chose que je puisse faire à titre de présidente.
    Je vais demander au greffier de se renseigner.
    Je m'excuse. Est‑ce parce que je parle trop vite? J'essaie simplement de respecter le temps accordé.
    On nous indique que le son est de mauvaise qualité pour les interprètes. Il n'y a pas grand-chose que je puisse faire. Je vous présente mes excuses pour ce problème.
    Si cela ne vous dérange pas de nous envoyer ce que vous avez écrit, le Comité aimerait beaucoup avoir ce document.
    Il n'y a pas grand-chose que je puisse faire. Ce que je peux faire, c'est commencer la période de questions.
    Oui, monsieur Garrison.
    Merci, madame la présidente.
    Je pense que nous devons indiquer clairement à la témoin d'aujourd'hui que nous avons éprouvé ce problème à maintes reprises. Le problème ne vient pas d'elle. Bien souvent, les témoins se sentent responsables alors que, de toute évidence, le problème vient des dispositions techniques de la Chambre des communes. J'espère qu'elle et Mme Big Canoe ont été là assez longtemps pour l'entendre.
    Nous essayons de prendre des arrangements pour que les témoins reviennent quand le problème est réglé plutôt que de les laisser partir en leur demandant de remettre quelque chose par écrit. Je pense qu'il est très important que les témoins puissent comparaître.
    Mon dernier point dans ce rappel au Règlement, c'est que le problème dure depuis un an et demi et devient de plus en plus fréquent. C'est inacceptable. Il faut régler ce problème technique, car il a une incidence non seulement sur les privilèges des députés, mais aussi sur la capacité des témoins de nous livrer des témoignages dont nous avons grandement besoin. Nous ne pouvons pas continuer de faire comme si de rien n’était et continuer de laisser entendre que les témoins ou les députés font quelque chose de mal, alors que ce problème arrive à toutes sortes de personnes dans de nombreuses circonstances différentes.
    Comme je vous l'ai dit, madame la présidente, cela s'est produit lorsque j'utilisais le WiFi et quand j'utilisais un ordinateur connecté de la Chambre des communes. Ce n'est pas dû à quelque chose que font les témoins ou les députés. Il y a un problème, soit avec le logiciel, soit avec la connectivité entre le logiciel Zoom et la cabine d'interprétation, et il faut le résoudre. Nous ne pouvons pas continuer ainsi.
    J'en appelle vraiment à la présidence pour que nous n'organisions peut-être plus de réunions jusqu'à ce que ce problème soit réglé.

  (1735)  

    Monsieur Moore, je vois que vous levez la main.
    Merci, madame la présidente.
    Je ne m'étendrai pas sur le sujet, puisque M. Garrison a fort bien exposé le problème, mais c'est extrêmement embarrassant d'avoir... Je pense qu'il y a eu d'autres témoins qui n'ont pas pu comparaître. Or, nous les avons invités à participer à la réunion. Nous leur avons fourni l'équipement nécessaire pour le faire, puis, lorsque vient le temps de la réunion, ils ne peuvent pas y participer. Il doit y avoir une meilleure façon de procéder que de le faire en temps réel, car la situation est potentiellement embarrassante pour les témoins et, à mon avis, nous-mêmes.
    Je ne veux pas rater l'occasion de dire que je suis entièrement d'accord avec ce que M. Garrison a dit. Plutôt que d'attendre à la prochaine réunion, je pense que nous devons nous réunir en sous-comité pour déterminer pourquoi cela se produit et comment nous pouvons améliorer les choses. Devons-nous faire appel aux leaders parlementaires? Est‑ce un problème de ressources? Nous ne pouvons pas continuer ainsi.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je suis d'accord avec vous tous, et je pense que tous les membres ici présents le sont aussi.
    Pourquoi ne pas passer aux questions? M. McLellan est toujours avec nous.
    Je vais commencer par M. Caputo, pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je n'ai pas l'intention de soumettre M. McLellan à un feu roulant de questions pendant six minutes.
    Prenez le temps qu'il vous faut.
    Je suis d'accord avec mes collègues.
    Quand le NPD et le Parti conservateur sont sur la même longueur d'onde, on sait il y a...
    Une coalition.
    Des députés: Ha, ha!
    Quoi qu'il en soit, la situation doit changer. C'est inacceptable. Je suis d'accord avec mes collègues.
    Monsieur McLellan, ai‑je raison de dire que le témoignage que vous êtes prêt à fournir ne concerne que la rémunération? Est‑ce exact?
    À dire vrai, bon nombre de mes questions portent sur les aspects techniques du projet de loi, alors j'aimerais peut-être éclaircir une ou deux choses avec vous.
    Lorsque nous parlons des erreurs judiciaires et de la possibilité d'ordonner un redressement, les erreurs judiciaires peuvent prendre de multiples formes. Votre conception d'une erreur judiciaire peut différer complètement de celle de quelqu'un d'autre. Je pense à... Par exemple, si l'ADN permet de disculper quelqu'un, cette personne est, de toute évidence, innocente factuellement et légalement. Dans une autre affaire, toutefois, un autre facteur peut entrer en jeu, de sorte que les choses ne sont pas aussi claires. Comprenez-vous où je veux en venir?
    Absolument, et la question de l'innocence factuelle ou réelle est un véritable problème dans ce domaine du droit. L'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques n'exige pas l'innocence factuelle pour obtenir une indemnisation, mais de fait, les lignes directrices FPT adoptées par le Canada en 1988 l'exigent. Il y a donc une dichotomie entre ce que le Canada a instauré et ce que les Nations unies lui ont demandé de mettre en place.
    Dans leur rapport, le juge LaForme et la juge Westmoreland-Traoré recommandent qu'une loi soit adoptée en ce qui concerne l'indemnisation et qu'elle n'exige pas l'innocence factuelle. Dans une société démocratique libérale, c'est probablement la bonne façon de procéder. Un tribunal de première instance ne détermine pas l'innocence factuelle. Les tribunaux n'établissent pas l'innocence. On est coupable ou non coupable, alors il n'y a pas de déclaration d'innocence. Le fait d'imposer à quelqu'un, pour être admissible à l'indemnisation, l'obligation de prouver d'une façon ou d'une autre quelque chose qui n'a jamais été prouvé auparavant dans son dossier est un fardeau qui est problématique.
    Steven Truscott n'a jamais pu prouver son innocence et, par conséquent, il n'a jamais reçu l'indemnisation qui lui a été accordée lors de l'enquête publique.
    Je vois.
    Dans votre esprit, diriez-vous que quiconque se voit accorder un redressement en vertu de cette loi potentielle aurait droit à une indemnisation?
    Oui, ce serait l'élément déclencheur.
    D'accord. Merci.
    Je vais voir si mon collègue, M. Van Popta, a quelque chose à ajouter, car c'est tout ce que je voulais vous demander.

  (1740)  

    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie.
    En l'absence d'une loi à ce sujet, quel serait le critère ou le facteur déterminant pour calculer le montant d'une indemnisation financière? Est‑ce inscrit dans le droit civil? Qu'est‑ce qui le détermine?
    Comme je l'ai déjà indiqué, tout ce que nous avons, ce sont les lignes directrices fédérales, provinciales et territoriales de 1988, qui prévoient un plafond de 100 000 $ pour toute indemnité et qui indiquent également que seule la personne condamnée à tort a le droit de recevoir cette somme. Pour l'essentiel, ces lignes directrices ne sont que cela: des lignes directrices. Les tribunaux et les enquêtes publiques en ont fait fi, accordant des indemnisations beaucoup plus élevées que 100 000 $. Dans le cas de David Milgaard, ils ont accordé une indemnisation à Joyce Milgaard. De même, dans le cas de Steven Truscott, sa femme a reçu de l'argent parce que, pendant qu'il était en liberté sous caution, elle a dû changer de nom, déménager loin de chez elle et faire je ne sais quoi d'autre.
    Le système actuel est inapplicable. Tout ce que nous avons, à part les lignes directrices FPT, ce sont des litiges. Il s'agit de poursuites malveillantes, contre la Couronne, et il est très difficile de prouver la malveillance. Il y a des enquêtes négligentes. Le Canada est le seul pays de common law au monde où l'on peut poursuivre la police pour négligence. Il en est ainsi depuis 2007 et la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Hill c. Hamilton-Wentworth. En pareil cas, bien entendu, il faut d'abord être en mesure d'intenter la poursuite, disposer des fonds nécessaires pour retenir les services d'un avocat à cette fin et poursuivre la police. C'est une façon relativement prometteuse de procéder parce que, dans les 200 affaires qui ont été entendues et arbitrées depuis 2007, 28 % des demandeurs ont eu gain de cause. En fait, une grande part de responsabilité repose sur épaules de la police, et c'est souvent de ce côté que commencent les erreurs qui mènent à une condamnation injustifiée.
    Il est également possible d'obtenir des dommages-intérêts en vertu de la Charte si, en fait, une violation de la Charte a mené à une condamnation injustifiée. Il y a très peu de causes systémiques aux condamnations injustifiées qui ne sont pas, à la base, d'une violation de la Charte. Encore une fois, il faut retenir les services d'un avocat et intenter des poursuites, contre l'État cette fois. Ce dernier dispose de ressources illimitées pour défendre sa position, alors que les plaignants, en particulier ceux qui ont été condamnés à tort et qui ont récemment été libérés de prison, n'en ont pratiquement pas. Ce n'est donc pas une solution très appropriée.
    Madame la présidente, combien de temps me reste‑t‑il?
    Il vous reste 30 secondes.
    J'aimerais donner suite à la question de mon collègue, M. Caputo. Vous avez dit que si un redressement est accordé en vertu de cette loi, il devrait y avoir un paiement financier, mais le redressement pourrait consister à ordonner un nouveau procès. Je suppose que ce procès doit être couronné de succès.
    Effectivement. Au bout du compte, il faudra disculper quelqu'un.
    D'accord. C'est bon.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Madame Lattanzio, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Merci d'être avec nous, monsieur McLellan.
    J'ai quelques questions concernant la justice. Selon vous, quelles sont les répercussions des condamnations injustifiées sur la confiance du public à l'égard du système de justice canadien, et pourquoi est‑il si important de pouvoir rétablir cette confiance?
    C'est élémentaire. Tout le monde peut comprendre que si quelque chose survient et qu'on n'est pas en mesure d'aller travailler pendant une période relativement brève — comme trois ou six mois —, on ne peut peut-être pas effectuer un versement hypothécaire et payer son loyer et son camion. On va tout perdre en relativement peu de temps. Si on perd sa cause — et à tort parce qu'on n'aurait pas dû être accusé au départ —, alors la société canadienne admet que c'est quelque chose qui doit être corrigé.
    En 1995, Angus Reid a réalisé un sondage qui a essentiellement révélé — comme le juge LaForme l'indique dans son rapport — que 90 % des Canadiens appuient essentiellement l'indemnisation des victimes de condamnations injustifiées. C'était un sondage dûment effectué et enregistré. Cela ne me surprend pas. Les êtres humains éprouvent des sentiments les uns envers les autres. Nous savons que lorsque des gens sont lésés, il devrait exister un redressement pour réparer le préjudice.
    Après une condamnation injustifiée, il faut d'abord recevoir une aide immédiate pour se loger, mettre de la nourriture sur la table et s'établir, mais à long terme, il faut compenser les années qui ont été perdues en raison d'une incarcération injustifiée afin que quelqu'un puisse vraiment rebâtir la vie qu'il a perdue.
    Le projet de loi propose que le comité soit composé de commissaires qui sont à la fois des avocats et des non-juristes. Selon vous, l'ajout de cette diversité d'antécédents personnels et professionnels constitue‑t‑il une amélioration pour la Commission? Selon vous, est‑ce une idée ou une suggestion positive?

  (1745)  

    Bien sûr. Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous appuyons toutes les recommandations qui ont été faites, y compris celle consistant à faire en sorte que des Autochtones et des Noirs figurent parmi les membres de la Commission. Nous comprenons entièrement cette recommandation. Nous la jugeons excellente et nous l'appuyons.
    La seule recommandation que nous n'appuyons pas, c'est la recommandation 51, qui se trouve à la toute fin du rapport. Elle indique essentiellement — et j'ai participé aux consultations avec le juge LaForme, alors nous avons eu notre mot à dire à ce sujet — qu'il ne devrait pas y avoir d'indemnisation dans le projet de loi. Cela dit, le gouvernement fédéral devrait, en fait, instaurer une mesure législative en matière d'indemnisation selon le modèle qui lui a été proposé au cours des audiences.
    Ce que nous disons, et ce que je dis, c'est qu'il suffit d'ajouter une autre disposition du projet de loi pour créer une solution législative pour ceux qui sont condamnés à tort ou qui sont victimes d'erreurs judiciaires. Ajoutez un autre article. Mettez en place une loi qui permet l'indemnisation. Comme Mme Leonetti l'a mentionné dans un article sur le point de vue inspirant du comité du juge LaForme concernant les condamnations injustifiées et les erreurs judiciaires, il faut viser haut, mais encore plus haut. Faites de cette commission la première de cette nature dans le monde à offrir une indemnisation dans le cadre de la réparation accordée. Elle sera encensée à l'échelle internationale.
    La question, monsieur McLellan, portait davantage sur la composition de ce comité, qui comprendrait des avocats et des non-juristes. Selon vous, le fait d'avoir des gens qui ne sont pas avocats serait bénéfique. De quelle façon?
    La participation de profanes au processus fait intervenir l'humanité. De toute évidence, les esprits juridiques sont importants, mais le fait qu'il y ait des profanes... Le comité recommande également qu'une condamnation pénale n'empêche pas quelqu'un de faire partie de la Commission.
    Je pense qu'il est tout à fait acceptable que quelqu'un qui a été condamné en fasse partie, car cette personne connaît tout de la vie en prison et sait ce qu'une condamnation peut faire à la vie de quelqu'un. On purge sa peine du jour où elle est prononcée jusqu'au jour de sa mort. Ainsi, les gens qui possèdent ce genre d'expérience personnelle apportent une contribution très précieuse à la Commission, qui s'ajoute à celle des avocats, bien entendu.
    Contrairement au processus actuel, la Commission pourra faire de la sensibilisation de manière beaucoup plus proactive pour aider les demandeurs à présenter leur dossier. Quelle incidence cela aura‑t‑il sur le nombre de demandes reçues?
    Comme James Lockyer l'a indiqué plus tôt, il ne fait aucun doute qu'une fois que cette commission sera mise en place — que ce soit dans la forme prévue actuellement dans le projet de loi C‑40 ou modifiée comme demandé —, il y aura beaucoup de demandes. Bien des gens se prévaudront du processus pour essayer de voir ce que cette commission peut faire qu'une demande présentée au ministre de la Justice en vertu de l'article 696.1 ne pourrait pas accomplir, et je pense que c'est formidable.
    Encore une fois, la possibilité de recevoir ces demandes donnera à la Commission la possibilité de réparer, dans l'avenir, des torts qui n'auraient jamais dû se produire.
    Pensez-vous que nous disposons de suffisamment de ressources pour faire face à la hausse du nombre de demandes?
    Cinq autres commissions sont mentionnées dans le rapport du juge LaForme, et toutes sont financées, et bien financées, dans une large mesure.
    Si le financement n'est pas suffisant, il doit l'être. Il faut retourner au Parlement et s'assurer que le financement est adéquat.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Fortin, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur McLellan.
    Je vais poursuivre sur la lancée de ma collègue Mme Lattanzio et vous poser des questions sur la formation de la commission, plus précisément sur le fait qu'elle sera composée de juristes et de non-juristes. Il pourrait donc arriver, dans certains cas, que des non-juristes déterminent qu'il y a eu une erreur judiciaire. Cela m'apparaît un peu étonnant.
    N'avez-vous pas peur que cela mine la crédibilité de la commission?

[Traduction]

    Tout dépend — et nous n'avons pas cela — de la manière dont les membres de la commission prennent les décisions. Rien n'indique, par exemple, que l'ensemble du groupe doit prendre la décision. La plupart des commissions qui existent dans le monde se divisent en petits groupes de deux ou trois personnes, qui prennent une décision. La décision peut être prise à la majorité. Il peut s'agir d'une décision unanime des deux ou trois personnes en question lorsqu'il s'agit de déterminer la suite à donner à une affaire.
    On confère à ces personnes la capacité de corriger les erreurs judiciaires et c'est une cause très noble. Je ne crains donc pas particulièrement que les membres de la commission, qu'ils soient juristes ou non, ne fassent pas absolument tout ce qui est en leur pouvoir pour faire ce qui convient le mieux pour les personnes qui se présentent devant eux.

[Français]

    En effet, ils feraient sûrement leur possible, j'en suis convaincu aussi. Cependant, s'il s'agissait de déterminer si un médecin a commis une erreur médicale ou si un électricien a commis une erreur dans son travail, je voudrais entendre l'opinion des experts dans le domaine en question.
    Je ne me suis pas encore fait une tête là-dessus, mais cela m'étonne un peu que des non-juristes puissent déterminer qu'il y a eu une erreur judiciaire. Je suis moi-même juriste et je trouve cette façon de faire un peu étonnante. Je me demande dans quelle mesure le fait qu'un citoyen ordinaire voie des décisions être changées par des non-juristes peut miner la crédibilité de la commission.
    Si j'ai bien compris, vous n'avez pas d'inquiétudes à cet égard.

  (1750)  

[Traduction]

     Sans vouloir être impertinent, je dirais que ce n'est pas sorcier. Tout le monde sait... Au Canada, sept enquêtes publiques ont permis de déterminer les causes de condamnations injustifiées. Nous les connaissons tous. Tout le monde dans le domaine les connaît: erreur d'identification, faux aveux, informateurs jaloux, etc. Il existe six ou sept causes systémiques de condamnation injustifiée absolument bien établies. Il n'est donc pas irréaliste de demander aux membres de la commission qui sont des profanes de connaître ces causes et de les comprendre.
     Il leur suffit de lire les sept enquêtes publiques sur les condamnations injustifiées — et le Canada est réputé pour cela — et je vous garantis que ces profanes seront tout à fait qualifiés pour comprendre pourquoi les personnes se présentent devant eux et quelle est la cause de l'erreur du système de justice pénale qui a conduit à l'erreur judiciaire. Je n'ai aucun doute que ces personnes peuvent assumer cette tâche.

[Français]

    Je vais maintenant passer à un autre sujet, monsieur McLellan.
    Dans votre allocution d'ouverture, vous avez parlé du cas de Michel Dumont, qui a été acquitté par la Cour d'appel du Québec en 2001. La Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies a déterminé, en 2010, que ses droits avaient été bafoués par le Canada. Je n'irai pas dans le détail de tout ce dossier, mais il m'apparaît que M. Dumont aurait dû recevoir une indemnité de la part du gouvernement fédéral, ce qui n'a pas été le cas. Il l'attend toujours. Sa conjointe et lui, que j'ai d'ailleurs rencontrés, ont fait des pieds et des mains pendant des années pour régler la situation.
    Monsieur McLellan, le projet de loi ne devrait-il pas prévoir un processus d'exécution obligatoire des décisions même dans les cas où les décisions ont été rendues non pas au Canada, mais par des tribunaux internationaux dont les pouvoirs sont reconnus au Canada, comme la Commission des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies dans le cas de M. Dumont?

[Traduction]

    Je n'irais pas forcément dans cette direction. En fait, je n'y ai pas pensé, mais je n'irais pas dans cette direction. Les Nations unies disposent d'un protocole optionnel, auquel M. Dumont a eu recours pour en arriver là où il était. Malheureusement, le gouvernement du Canada n'a pas tenu compte de ce que le Comité des droits de l'homme des Nations unies lui demandait de faire. Ce qu'il faut retenir à propos de M. Dumont, c'est qu'il disposait d'un jugement au Canada sur lequel il pouvait s'appuyer pour demander une indemnisation. Le fait est qu'il n'y avait pas de recours pour lui au Canada, ce qui l'a poussé à faire cette demande hors du commun auprès des Nations unies.
    J'espère que dans tous les cas où les gens pensent qu'ils doivent s'adresser aux Nations unies... Ils disposeraient déjà d'une solution pour enclencher le mécanisme d'indemnisation dans le cadre de ce projet de loi. Ils auraient déjà été disculpés de sorte qu'ils auraient droit à une indemnisation au pays. Ils n'ont pas à se préoccuper de devoir s'adresser aux Nations unies. C'est un recours exceptionnel.

[Français]

    Dans ce cas-ci, un tribunal international, en l'occurrence la Commmision des droits de l'homme, a déclaré que les droits de cette personne avaient été bafoués et que le Canada devrait l'indemniser. Or, selon ce que je comprends, ce n'est pas une raison suffisante, à votre avis, pour inclure dans notre projet de loi sur les erreurs judiciaires des dispositions qui rendraient obligatoire l'indemnisation des victimes d'erreurs judiciaires.

[Traduction]

    Je n'hésiterais absolument pas à inclure dans le projet de loi quelque chose qui ferait en sorte qu'une personne reçoive une indemnisation à laquelle elle a droit en cas d'erreur judiciaire, peu importe de quoi il s'agit et où cela s'est produit. Je pense simplement qu'agir à l'échelle nationale, à ce stade, est probablement l'approche la plus appropriée.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à notre dernier intervenant pour aujourd'hui, qui dispose de six minutes.
    Allez‑y, monsieur Garrison.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence.
    Je pense que l'accent que vous mettez sur l'indemnisation est très important. À l'échelle locale, des erreurs judiciaires ont entraîné, par exemple, la perte de la garde d'enfants pendant une longue période. Cela a vraiment bouleversé des familles pendant longtemps. Certaines de ces choses ne peuvent pas être réparées avec de l'argent, mais l'argent est la monnaie que nous utilisons, si je peux m'exprimer ainsi.
     Je m'intéresse aux endroits où l'on accorde des indemnisations. Est‑ce que c'est déterminé par la commission, ou est‑ce un organisme distinct qui le fait au bout du compte?

  (1755)  

    À l'échelle mondiale, l'Union européenne et un grand nombre de pays — y compris la Chine, d'ailleurs, et des pays africains — prévoient une indemnisation dans le cadre de leurs lois sur les droits internationaux. Comme je l'ai mentionné précédemment, c'est le cas du Royaume-Uni, bien qu'en 2014 il ait imposé une composante relative à l'innocence factuelle, ce qui a réduit son efficacité à néant.
    Je me tournerais vers les États-Unis parce que, de toute évidence, c'est notre voisin le plus proche et qu'il le fait depuis très longtemps. Ce pays a commencé à adopter des lois sur l'indemnisation avant l'adoption du pacte international. Edwin Borchard, qui était professeur à Yale, a écrit un article en 1913, dans lequel il plaidait essentiellement pour que les gouvernements prêtent attention à cette question. C'est important.
     Trente-huit États et le District de Columbia ont mis en place des régimes d'indemnisation. Ils varient énormément. Il y a un État qui n'accorde que 5 000 $ par année et qui a un plafond de 25 000 $. Le Texas, en revanche, est très généreux. Il verse 80 000 $ par année pour chaque année d'emprisonnement injustifié, et 100 000 $ si vous êtes dans le couloir de la mort, mais c'est aussi un État qui applique la peine capitale — il exécute des gens —, donc si le Texas ne vous tue pas, il vous paiera.
     Il y a de nombreux exemples sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour élaborer nos mesures législatives et nous avons des lois types qui ont été créées à cette fin, pour leur adoption dans le projet de loi. Ce n'est pas quelque chose qui est hors de portée. Il est possible d'adopter de telles mesures et de viser haut pour qu'elles deviennent inspirantes, comme ce comité en est capable, je pense.
    Si j'ai bien compris comment les choses fonctionnent aux États-Unis, on a une sorte de tableau indiquant l'indemnisation qui s'applique dans une situation donnée. Est‑ce exact?
    Cela varie d'un État à l'autre. Il y a différents seuils d'admissibilité. Il y a des choses qui ne donnent pas droit à une indemnisation. Par exemple, dans certains États, si un individu a commis un crime qui n'a rien à voir avec la condamnation injustifiée, il n'a droit à aucune indemnisation.
    Il existe des délais de prescription, qui sont incroyablement difficiles à respecter, de sorte qu'une fois que vous avez été innocenté, vous disposez d'un certain temps pour intenter une action en réparation. Encore une fois, la priorité de la plupart des personnes qui sont libérées de prison, c'est de se nourrir et de se loger, de sorte que, souvent, le temps passe et elles perdent le droit de demander une indemnisation. Il est important de garder cet élément à l'esprit.
     Bien entendu, les montants diffèrent d'un État à l'autre. Comme je l'ai dit, certains sont très avares et d'autres ne le sont pas tant que cela.
     Je pense qu'il ne me reste probablement plus de temps, madame la présidente.
    Très bien. Merci beaucoup.
     Merci beaucoup d'avoir comparu devant le Comité cet après-midi. Je pense que vous avez probablement reçu votre juste part de questions.
    Cela a été un privilège. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Merci, chers collègues. Nous allons lever la séance pour aujourd'hui. S'il y a des choses à communiquer, nous pourrons voir ce qu'il en est la prochaine fois.

[Français]

    Je souhaite une belle soirée à tout le monde.
    Merci beaucoup.
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