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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie et de la technologie


NUMÉRO 025 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 20 mai 2022

[Enregistrement électronique]

  (1325)  

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bonjour à tous et à toutes.
    Je vous souhaite la bienvenue à la vingt-cinquième réunion du Comité permanent de l'industrie et de la technologie de la Chambre des communes.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le vendredi 13 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier l'objet de la partie 5, sections 15, 16 et 17 du projet de loi C‑19, Loi no 1 d'exécution du budget de 2022.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le jeudi 25 novembre 2021. Les députés et les témoins peuvent participer en personne ou au moyen de l'application Zoom. Ceux qui ont la chance d'être ici, à Ottawa, connaissent les règles sanitaires qui sont toujours en vigueur. Prière d'agir en conséquence.
    J'ai le plaisir de vous présenter nos témoins pour cette rencontre du Comité.
    Avant toute chose, je tiens à offrir mes excuses aux témoins et à les remercier de leur patience. En effet, un vote a retardé le début de cette rencontre, et cela ampute un peu le temps que nous aurons pour la rencontre d'aujourd'hui, puisque nous devons terminer à 15 heures pile. Je vous remercie de votre patience et de votre collaboration.
    À titre personnel, nous recevons de nouveau Mme Vass Bednar, directrice exécutive du Programme de maîtrise en politique publique dans la société numérique, de l'Université McMaster. Nous recevons, à Ottawa, Mme Jennifer Quaid, professeure agrégée et vice-doyenne à la recherche, Section de droit civil, Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Nous recevons aussi M. William Wu, associé, Concurrence, Antitrust et Investissements étrangers, chez McMillan.
    De l'Institut C.D. Howe, nous recevons M. Benjamin Dachis, vice-président associé, Affaires publiques. De l'Association du Barreau canadien, nous recevons Mme Elisa Kearney, deuxième vice-présidente, Section du droit de la concurrence et de l'investissement étranger, ainsi que M. Dominic Thérien, secrétaire, Section du droit de la concurrence et de l'investissement étranger. Enfin, d'Unifor, nous recevons Mme Kaylie Tiessen, représentante nationale, Service de la recherche.
    Je remercie tous les témoins d'être parmi nous.
    Madame Bednar, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    En plus de mon rôle de chef de file à l'Université McMaster, je suis l'une des plus ardentes défenseures de la réforme de la concurrence au Canada. J'ai contribué de façon modeste, mais significative à l'attention stratégique portée à ces questions par des éditoriaux d'opinion dans le Globe and Mail, le National Post, dans des recherches publiées par l'Université McGill et commandées par Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ISDE, dans diverses entrevues en balado et dans ma lettre d'information « Regs To Riches ».
    Je pense que je suis de retour ici pour discuter avec vous de la Loi d'exécution du budget parce que des gens s'agitent. Je ne parle pas des gens en général. Je parle des entreprises qui ont longtemps bénéficié de l'inertie de la politique sur la concurrence. Les suspects habituels ont perdu leur monopole sur cette conversation, ce qui signifie que les décideurs comme vous posent des questions vraiment importantes, en particulier sur la façon dont nous pouvons promouvoir des marchés plus dynamiques et équitables. C'est une bonne chose.
    C'est une bonne chose parce qu'un sondage Ipsos réalisé au début de cette année a révélé que la plupart des Canadiens, soit 88 %, disent que nous avons besoin de plus de concurrence et qu'il est trop facile pour les grandes entreprises de profiter des consommateurs. À mon avis, ce genre de réunion de dernière minute du Comité INDU, organisée avec un préavis très court, un vendredi avant une longue fin de semaine, en est un parfait exemple — les grandes entreprises qui cherchent à fausser un processus d'élaboration de politiques qui devrait aller de soi.
    Les modifications initiales à la Loi sur la concurrence qui sont actuellement contenues dans la Loi d'exécution du budget constituent un préalable indispensable à la réforme de la concurrence. De ce fait, malheureusement, elles sont aussi un peu un test. Elles permettent de déterminer si le Canada prend au sérieux la réforme de la concurrence. Pendant trop longtemps, cela n'a simplement pas été le cas.
    Si vous examinez les données disponibles, vous constaterez que les prix ont tendance à augmenter après les fusions, malgré ce que les entreprises prétendent avant la fusion. Le Washington Centre for Equitable Growth a récemment créé une base de données interrogeable d'environ 150 articles économiques. Bon nombre de ces études montrent que l'approche permissive des autorités américaines a entraîné une hausse des prix et une diminution de la concurrence.
    Il n'existe tout simplement pas de recherches canadiennes comparables, mais il y a beaucoup de choses que le Canada devrait apprendre des autres pays. Cela va au‑delà du fait de s'inspirer des idées de politiques et des modalités de leur mise en œuvre, il faut aussi voir cela comme une mise en garde au sujet du montant insensé des dépenses de lobbying — en général du fait des plus grandes entreprises de technologie — pour bloquer la modification des politiques antitrust. Une tactique répandue parmi les entreprises consiste à camoufler leurs points de vue par l'entremise de groupes de réflexion et d'universitaires de bonne réputation, ou même à créer des organismes fictifs conçus pour ressembler à des interventions locales authentiques, comme American Edge de Meta, ou le Connected Commerce Council d'Amazon et de Google.
    Revenons à la question de savoir si ces amendements initiaux nécessitent une étude plus approfondie ou s'ils devraient être conservés. L'excellent travail effectué par votre comité a déjà permis d'explorer en profondeur le défi de la fixation des salaires. Divers intervenants s'entendent pour dire qu'il faut s'attaquer à ce problème. Devons-nous déterminer si les sanctions administratives pécuniaires proposées, les SAP, sont simplement trop sévères ou dissuasives? Eh bien, il y a toute une documentation qui examine les effets dissuasifs des amendes dans la législation sur la concurrence et qui appuie ce qui se trouve dans la Loi d'exécution du budget. Devons-nous débattre de la question de savoir si l'affichage de prix partiels est utile pour les consommateurs qui sont trompés sur les prix de détail réels en raison de cette tactique de marketing trompeuse?
    Les changements proposés sont véritablement les plus faciles à réaliser. Nous ne devrions pas les examiner davantage à ce stade‑ci, car ils servent clairement l'intérêt public à un moment où les Canadiens subissent d'intenses pressions économiques. Ils amélioreront l'application de la loi. Ils ont été clairement annoncés dans un communiqué de presse de la ministre en février, ils sont conformes à l'analyse du Bureau de la concurrence et ils ont fait l'objet de discussions publiques approfondies, y compris devant ce comité. Conservons dans la Loi d'exécution du budget ces modifications encourageantes et attendues depuis longtemps. Vous devez montrer aux Canadiens que les dirigeants d'Ottawa les protégeront et créeront les conditions propices à l'innovation et à l'entrepreneuriat.
    Devrait‑on les étudier davantage? Oui. Nous pourrons étudier leur mise en œuvre. Nous pourrons débattre de la mécanique de cette mise en œuvre, et nous devrions appuyer davantage la recherche sur la dynamique de la concurrence au Canada, car nous en avons manifestement besoin. Nous n'avons plus besoin de manœuvres en coulisses ni de freiner la réforme.
    Certaines personnes vous ont dit que le fait d'inclure des modifications dans le projet de Loi d'exécution du budget est antidémocratique. Il est vrai que les projets de loi budgétaires omnibus sont des outils démocratiques imparfaits, mais il est possible de mieux protéger les Canadiens qui doivent faire face à la hausse du coût de la vie.
    Pouvons-nous discuter davantage des nuances de ces changements? Oui, et nous le ferons. Devrions-nous les laisser tomber tout de suite? Pas question. Il est impossible de justifier le statu quo en matière de concurrence au Canada, pourtant il perdure.
    Les intervenants qui s'agitent en coulisse pourront faire part de leurs préoccupations lorsque le gouvernement lancera une vaste consultation ouverte, inclusive et indépendante sur la concurrence plus tard dans l'année. Une telle consultation a été annoncée et appuyée par les parrains de la concurrence au Canada, comme le sénateur Howard Wetston, Lawson Hunter et d'autres.
    À ce moment‑là, les acteurs privés qui s'opposaient à ces modifications prometteuses — ces changements précoces, ces mesures préalables — pourront intervenir, au lieu de se cacher derrière leurs avocats ou de faire du lobbying en coulisse. Ils pourront expliquer publiquement pourquoi nous n'avons pas besoin de ces changements et convaincre les Canadiens. Ils pourront convaincre les Canadiens qu'il y a des cas où la fixation des salaires est parfaitement acceptable alors que le coût de la vie augmente. Ils pourront venir et convaincre les Canadiens que les SAP proportionnelles à la taille du délinquant ont un effet dissuasif beaucoup trop important. Ils pourront venir expliquer aux Canadiens pourquoi il est acceptable de cacher les prix réels aux gens qui magasinent en ligne.

  (1330)  

     C'est cela, la démocratie, et c'est ce dont nous avons besoin pour améliorer les lois canadiennes sur la concurrence.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Bednar.
    Je donne maintenant la parole à Mme Quaid pour cinq minutes.

[Français]

    Monsieur le président et honorables membres du Comité, cela me fait plaisir de comparaître devant vous à nouveau ce vendredi.
    La semaine dernière, nous avons eu de très beaux échanges au sujet des modifications à la Loi sur la concurrence, dans le cadre de votre étude sur les petites ou moyennes entreprises. Je me réjouis aujourd'hui de pouvoir poursuivre la discussion sur les modifications dans un contexte plus large.
    Je tiens à souligner également que le groupe de témoins que vous avez convoqués, dont je connais la plupart sur le plan personnel, sinon de réputation, est impressionnant. Vous bénéficierez sans doute des propos fort éclairants et stimulants de toutes et de tous.
    Je me présente pour ceux qui ne me connaissent pas. Je m'appelle Jennifer Quaid. Je suis professeure agrégée et vice-doyenne à la recherche à la Section de droit civil de l'Université d'Ottawa. Mes domaines d'expertise se trouvent principalement au carrefour du droit des affaires et du droit pénal: le droit pénal des entreprises, le droit de la concurrence, le droit anticorruption et les crimes économiques, le droit des affaires ainsi que le droit pénal général.

[Traduction]

    Je ne répéterai pas ce que j'ai dit la semaine dernière. J'ai déploré le recours à un projet de loi budgétaire pour apporter des modifications de fond à la Loi sur la concurrence. Mon opinion n'a pas changé à ce sujet. L'utilisation de la Loi d'exécution du budget comme procédure de modification accélérée, aussi bien intentionnée soit-elle, est une pratique devenue incontrôlable. Cela mine la légitimité des dispositions qui sont adoptées de cette façon, parce qu'il n'y a pas de temps pour débattre de leur bien-fondé, même s'il y a accord, et il n'y a pas de possibilité de mener un examen et de formuler des commentaires constructifs pour s'assurer que les dispositions fonctionnent comme prévu.
    J'y ai fait allusion la semaine dernière. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant, parce que nous sommes en retard et à court de temps, mais on peut prendre l'exemple de la partie XXII.1 du Code criminel, qui a été adoptée à la hâte et qui constitue un changement important au droit pénal. Nous récoltons ce que nous semons, parce que nous avons entendu la semaine dernière en cour des arguments qui laissent entendre que, contrairement aux intentions, il y a eu des arguments complètement différents. Je pense qu'il faut faire attention aux amendements précipités.
    Cependant, je veux être pragmatique aujourd'hui. Mes observations porteront sur la façon d'aller de l'avant dans les conditions tout sauf optimales dans lesquelles nous nous trouvons. J'ai pris à cœur le conseil qui m'a été donné par un collègue lorsque je rédigeais ma thèse de doctorat: « Attention, mieux est l'ennemi du bien. »

  (1335)  

[Français]

    Je passerai en revue la teneur des modifications proposées dans le but de souligner ce qui est bon, en dépit du fait que ces modifications auraient pu être meilleures si nous avions pu bénéficier de plus de temps et de consultations. Il va de soi que je partage avec vous des réflexions formées au cours d'une période intensive. En effet, vous nous avez fait travailler pas mal fort au cours des dernières semaines. Il se peut que je change d'avis ou que mes réflexions évoluent avec le temps.
    Sur les huit modifications proposées, il n'y en a qu'une qui n'est pas bonne. J'insisterai là-dessus. Il s'agit de la disposition qui propose l'ajout d'une infraction liée au fait de fixer des salaires et que l'on retrouve au paragraphe 45(1.1). Nous pouvons en discuter. J'ai beaucoup à dire à ce sujet. Je trouve qu'il y a énormément de problèmes, tant sur le principe — est-ce la solution aux problèmes envisagés? — que sur l'exécution même, c'est-à-dire le libellé de la disposition. Cela mérite beaucoup plus d'études.
    Pour le reste, je trouve que les modifications, même si elles ne sont pas parfaites, peuvent être adoptées sans qu'il y ait une catastrophe.

[Traduction]

    J'ajouterais que dans presque tous ces cas, les amendements, même s'ils sont imparfaits, pourraient être complétés, disons, par des conseils du Bureau de la concurrence et la publication de lignes directrices sur l'application de la loi. J'espère vraiment que cela se fera rapidement, car certains de ces changements auront besoin d'appui.
    Je vais procéder très rapidement et faire un bref commentaire de chaque amendement, mais bien sûr, je serai ravie d'en discuter en détail plus tard.
    L'augmentation de l'amende prévue à l'article 45, à la discrétion du tribunal, rend cette amende conforme aux autres dispositions importantes de la loi, soit les articles 46, 47 et 52, mais je tiens à prévenir le Comité qu'il y a une forte escalade des peines au titre des dispositions pénales de la loi, et je pense que cela mérite d'être examiné lors de la deuxième étape. Cela donne l'impression d'être élégant et symétrique, mais cela cache un problème plus important.
    Il y a ensuite les changements apportés aux SAP. Il y a eu beaucoup de débats à ce sujet. Mes amis de l'ABC auront beaucoup à dire là dessus. Disons que nous devons nous concentrer sur l'élément clé, c'est-à-dire que les ajouts se rapportent aux cas où nous dépassons le maximum. Je pense que cela restreint un peu nos préoccupations pour vraiment nous concentrer sur les cas où nous serions au‑dessus de ces maximums. Nous ne parlons pas des PME; nous ne parlons pas des petites entreprises. Nous parlons de grandes entreprises. Nous parlons de Facebook et consorts. Je pense qu'il faut mettre cela en contexte.
     Je reconnais qu'il y a des choses dont nous pouvons débattre, comme les paramètres.
    Pour ce qui est des prix partiels, oui, il y a certaines choses qui auraient pu être mieux faites, mais au bout du compte, le Bureau de la concurrence fait déjà respecter l'interdiction des prix partiels; le projet de loi est simplement plus précis. Je pense que nous pouvons laisser place à des modifications ou à des retouches. Je pense qu'il y a certaines choses qu'il faudra examiner, mais je pense aussi que les conseils du Bureau de la concurrence en matière d'application de la loi pourraient nous aider en attendant de pouvoir modifier la disposition comme nous l'entendons.
    De nouveaux facteurs ont été ajoutés à l'abus de position dominante, aux régimes de fusions et de collaboration civile en lien aux éléments de l'économie numérique comme la protection des renseignements personnels des consommateurs, la référence indirecte aux concurrents émergents et ainsi de suite. Le libellé est un peu plus précis que je ne le suis actuellement. Je ne pense pas que cela pose vraiment problème. Le Bureau de la concurrence tient probablement déjà compte de ces dispositions par l'entremise des dispositions omnibus qui figurent dans chacun de ces articles, et nous ne faisons qu'être plus transparents à ce sujet.
    Encore une fois, est‑ce le point final? J'en doute. En fait, je pense qu'au cours de la consultation, nous aurons probablement une discussion de fond sur la question de savoir si nous devons restructurer certains de ces cadres analytiques, mais à court terme, je ne pense pas que ce soit un gros problème. D'autres pays tiennent également compte de ces facteurs.
    Je vais aller très vite. Pour ce qui est du droit privé d'action, j'entends mes amis dire qu'ils craignent que cela puisse être utilisé comme moyen pour des concurrents insatisfaits de cibler de façon injustifiée des entreprises dominantes. Je ne suis pas certaine de partager leurs préoccupations, et j'aimerais savoir quel genre de preuve nous donne à penser que c'est vraiment un problème. Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'un droit privé d'action ne peut pas être considéré comme quelque chose qui diminue le rôle du commissaire de la concurrence, parce qu'il a encore un rôle important à jouer ici. Ce n'est pas une économie en matière d'application de la loi; c'est un complément.
    Pour ce qui est des modifications aux dispositions relatives à l'abus de position dominante, je pense qu'elles ont été proposées par le professeur Iacobucci, qui est très prudent au sujet de la modification de la loi, mais qui pense qu'il y a une lacune, et j'ai tendance à être d'accord avec lui. Encore une fois, ce n'est pas parfait, et peut-être que nous allons restructurer l'abus de position dominante de façon complètement différente après la consultation, mais pour l'instant, je ne crois pas que cela va créer un énorme problème à court terme, car les dossiers des procès pour abus de position dominante prennent du temps à être montés et analysés.
    En ce qui concerne l'anti-évitement général et les révisions à l'article 11, il s'agissait de deux demandes du commissaire de la concurrence, et je pense que nous devons garder à l'esprit que... Je ne peux pas substituer mon jugement à ce qu'il juge nécessaire. Le Comité pourrait peut-être lui demander des détails et des exemples pour étoffer la question. Y a‑t‑il un problème d'anti-évitement? Je ne peux pas me prononcer de façon factuelle sur la question de savoir si cela va trop loin ou si cela va poser un problème. Je suis sûre que mes amis de l'ABC auront d'autres choses à dire à ce sujet.
    Je veux conclure — et je sais que mon temps est écoulé — en disant que c'est la première étape. J'essaie d'être pragmatique et de vous donner des suggestions sur la façon de passer à la deuxième étape, qui est vraiment importante. Nous avons besoin de cette consultation; nous avons besoin d'une analyse de fond.

  (1340)  

[Français]

    Je ne peux pas souligner assez l'importance de tenir une consultation aussi large que possible.
    Il faut mettre à jour notre politique économique et notre Loi sur la concurrence, mais cela doit se faire dans une perspective qui permet de définir les grandes valeurs que nous cherchons à prôner par le truchement de notre politique économique. La mise en place d'une architecture de gouvernance robuste, surtout en matière de technologie numérique, et l'adoption de lois cohérentes ne pourraient pas se faire sans cette étape essentielle.
    Je vais m'arrêter ici. Je demeure à la disposition des membres du Comité pour répondre à leurs questions.
    Je vous remercie beaucoup, madame Quaid.
    Monsieur Wu, vous avez maintenant la parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité. Je m'appelle William Wu. Je suis partenaire au sein du groupe de la concurrence et des investissements étrangers chez McMillan, à Toronto.
    Près de 15 ans se sont écoulés depuis le dernier grand examen du droit et de la politique de la concurrence au Canada. Tout le monde ici serait sans doute d'accord pour dire qu'il est temps de revoir notre droit de la concurrence. À cet égard, je félicite le ministre Champagne d'avoir annoncé un vaste examen de la Loi sur la concurrence. Cette consultation devra être vaste et inclusive. Je pense que tout le monde ici est d'accord.
    Cela dit, je ne comprends pas trop bien pourquoi nous devons faire toutes ces modifications selon ce processus dès maintenant, alors que les consultations plus vastes auront lieu au cours des prochains mois, sauf erreur. En ce qui concerne la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage en particulier, dans le projet de loi même, cette disposition ne devrait entrer en vigueur qu'un an après la sanction royale de la Loi d'exécution du budget. On envisage déjà la nécessité de revenir sur cette disposition. Compte tenu du délai déjà prévu, je ne vois pas de raison contraignante pour appliquer tout de suite cette disposition particulière par le processus de réglementation.
    Quant à la substance de la disposition sur l'interdiction de maraudage et la fixation des salaires, je partage la préoccupation de M. Quaid, à savoir que le droit pénal n'est peut-être pas le bon instrument pour régler ce problème. Pour ce qui est de l'entente sur la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage, je pense que nous pouvons vraiment y voir une question de droit de la concurrence ou de droit du travail et de l'emploi. Dans la mesure où il s'agit d'une question de droit de la concurrence, le problème serait que les employeurs conviennent de ne pas se faire concurrence par leurs pratiques de recrutement ou de rémunération. Si c'est un problème, je dirais que le droit pénal, utilisé pour créer une interdiction explicite, est un instrument trop grossier.
    Il y a de nombreuses raisons légitimes et favorables à la concurrence pour lesquelles les employeurs pourraient vouloir discuter entre eux de leurs pratiques de recrutement et de rémunération. Je pourrai en parler plus en détail plus tard. Il est loin d'être évident que ce genre d'entente sera toujours préjudiciable pour les employés en les privant de meilleurs salaires ou d'occasions d'emploi. Dans ce contexte, étant donné qu'il peut y avoir des ententes préjudiciables d'interdiction de maraudage et de fixation des salaires, et qu'il peut y en avoir d'autres qui soient légitimes, l'application de la disposition actuelle de l'article 90.1 de la Loi concernant les pratiques pouvant faire l'objet d'un examen en contexte de droit civil constitue un cadre approprié du droit de la concurrence pour régler ces questions.
    Dans la mesure où l'on se préoccupe de la protection des travailleurs, et en particulier des travailleurs à petit salaire, cela relève traditionnellement plus du droit provincial du travail et de l'emploi que du droit de la concurrence. Je ferai valoir que le droit du travail et de l'emploi et les organismes de réglementation qui l'appliquent sont mieux équipés et ont plus de connaissances et d'expérience pour traiter de ces enjeux.
    Je m'arrête là pour l'instant, étant donné que nous avons peu de temps aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à vos questions. J'ai d'autres vues sur d'autres modifications, et en particulier sur la disposition relative aux prix partiels, dont je pourrai parler pendant la période des questions.

  (1345)  

    Merci beaucoup, monsieur Wu.
    Je donne maintenant la parole à M. Dachis.
    J'ai l'immense plaisir de travailler avec le Conseil de la politique de la concurrence de l'Institut C.D. Howe, qui est formé d'universitaires et de praticiens de haut niveau œuvrant en droit de la concurrence. Le Conseil est présidé par Elisa Kearney, que vous entendrez tantôt dans le cadre du rôle qu'elle joue à l'Association du Barreau canadien.
    La préoccupation centrale du Conseil est que la portée des changements à la Loi sur la concurrence et à la LEB, c'est‑à‑dire la Loi d'exécution du budget, ne correspond pas à l'engagement pris dans le budget de 2022 de mener de vastes consultations sur le rôle et le fonctionnement de la Loi sur la concurrence et de son régime d'application. Permettez-moi d'aborder certains des problèmes qui auraient pu se régler par une consultation sur les détails du projet de loi.
    Premièrement, les changements proposés à la Loi d'exécution du budget font que les sociétés sont désormais passibles de sanctions administratives pécuniaires, ou SAP, pouvant atteindre 3 % de leurs revenus bruts annuels à l'échelle mondiale. Les détails juridiques sont vraiment importants ici. La SAP qui serait de nature pénale plutôt que dissuasive serait en fait une sanction pénale. Le contrevenant allégué doit être jugé conformément aux critères de l'application régulière de la Loi selon l'article 11 de la Charte des droits et libertés. Ni la publicité trompeuse ni l'abus de position dominante qui entraînent ces lourdes peines ne sont des infractions criminelles.
    Le fardeau de la preuve pour la déclaration de culpabilité repose sur une norme moins rigoureuse de la prépondérance des probabilités. L'augmentation des amendes à imposer sur les revenus mondiaux de l'entreprise — c'est un élément essentiel — qui ne sont pas directement liés aux préjudices découlant de la pratique accroît considérablement la probabilité que les amendes soient jugées pénales et donc inconstitutionnelles.

[Français]

    Monsieur le président, c'est la deuxième fois que l'interprète vers le français mentionne qu'il y a des problèmes de son lorsque le témoin prend la parole.

[Traduction]

    Est‑ce mieux?
    Ce semble être un problème de réseau, mais si vous le pouvez, parlez un peu plus lentement, monsieur Dachis.
    Bien sûr. Je suis désolé.
    Avec des peines aussi importantes, il y aurait un risque de dissuasion excessive, et les entreprises pourraient hésiter à adopter des pratiques susceptibles d'être avantageuses pour les Canadiens. Ces amendes exposeraient le Canada à des risques pour sa réputation, étant donné qu'elles seraient à un niveau disproportionné pour les multinationales étrangères.
    Les risques de dissuasion excessive sont amplifiés par les changements à la Loi d'exécution du budget qui permettront aux parties privées de s'adresser au tribunal pour déposer une plainte d'abus de position dominante. Bien que les plaideurs n'aient pas alors la possibilité de recevoir eux-mêmes des dommages-intérêts, les défendeurs dans une affaire d'abus de position dominante intentée par des intérêts privés s'exposeront à une amende importante à payer au gouvernement. Cela va bien au‑delà du rôle approprié — et il y a un rôle approprié pour les poursuites d'initiative privée pour abus de position dominante — et cela risque de créer des « shérifs privés », où des plaintes déposées devant le tribunal par des concurrents pourraient entraîner des amendes disproportionnées imposées par le gouvernement aux parties.
    Quant aux ententes sur la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage, il y a de très bonnes raisons juridiques et économiques de s'y attaquer. Sur le plan économique, la fixation des prix et la fixation des salaires se ressemblent. Cependant, comme nous l'avons entendu à quelques reprises aujourd'hui, le libellé de la nouvelle modification est trop général et crée beaucoup d'incertitude.
     On ne sait pas trop si le terme « employé » englobe toutes les catégories de travailleurs. Il n'y a pas de définition d'« employeur » ni d'« employé » dans la Loi sur la concurrence. Étant donné la nature changeante de l'emploi, ainsi que les différentes définitions provinciales des relations employeur-employé, les modifications proposées pourraient profiter de consultations significatives des experts en droit de l'emploi œuvrant directement au gouvernement, par opposition à ce qu'un seul comité comme celui-ci ou un seul sénateur comme le sénateur Howard Wetston peut gérer par lui-même.
    Je peux aborder diverses approches de la fixation des salaires dans les questions, mais William Wu est un véritable expert en la matière, si bien que je m'en remets à lui en particulier.
    La dernière chose de substance est que l'indication de la vie privée comme caractéristique spécifique de la concurrence hors prix, indépendamment de la qualité du produit, soulève des questions précises. Si la protection de la vie privée est distincte de la qualité du produit, que cela signifie‑t‑il au juste? Les affaires de droit de la concurrence — les fusions, par exemple — vont-elles soulever un enjeu de protection de la vie privée même si les questions de concurrence ne posent par ailleurs pas de problèmes? Encore une fois, on aurait eu avantage à mener de plus vastes consultations sur la modification.
    Je conclus avec le problème fondamental, c'est‑à‑dire le processus. Les problèmes liés à la Loi d'exécution du budget nous rappellent des préoccupations semblables sur le processus qui ont accompagné les changements législatifs à la Loi sur la concurrence en 2009 via le processus budgétaire. Certaines des modifications proposées dans la Loi d'exécution du budget reflètent maintenant des correctifs législatifs destinés à redresser ce processus vicié. Mais l'application du même processus vicié débouche inévitablement sur une surcorrection et la nécessité d'apporter des modifications législatives plus tard, qui — chose plus importante — n'atteindraient pas l'objectif du gouvernement d'améliorer le fonctionnement de la Loi sur la concurrence.
    Qu'est‑ce que cela signifie, concrètement? L'exclusion de la section 15 de la Loi d'exécution du budgetserait la bonne approche. Si cela n'est pas possible, le comité devrait recommander que la date de proclamation pour toutes les dispositions — et pas seulement certaines — soit fixée à un an à compter de l'adoption. Le gouvernement doit aussi nous en dire plus sur ses plans de consultation, comme il l'a promis.
     Les changements proposés peuvent être vus de concert avec d'autres changements proposés qui feraient partie d'une deuxième étape rapide de l'examen de la Loi sur la concurrence. Il pourrait être imprudent de procéder directement à ces modifications, surtout celles qui pourraient être inconstitutionnelles, de les mettre en vigueur sans autre consultation. Nous pouvons régler les détails de la mise en œuvre des changements avant leur entrée en vigueur, quitte à repousser la proclamation.
    Ce sera tout pour ma déclaration d'ouverture. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
    Merci encore une fois de m'avoir invité à parler de ces choses‑là.

  (1350)  

    Merci beaucoup, monsieur Dachis.
    Nous passons maintenant à Mme Kearney, de l'Association du Barreau canadien.

[Français]

    Mme Kearney partagera son temps de parole avec M. Thérien.

[Traduction]

     Je m'appelle Elisa Kearney. Je suis la deuxième vice-présidente, Section du droit de la concurrence et de l'investissement étranger, de l'Association du Barreau canadien. Merci d'avoir invité l'ABC à discuter des changements proposés à la Loi sur la concurrence dans le projet de loi d'exécution du budget. Je suis accompagnée du secrétaire de la section, Me Dominic Thérien.

[Français]

    L'Association du Barreau canadien, ou ABC, est une association nationale qui regroupe plus de 36 000 juristes de partout au pays. Les principaux objectifs de l'ABC sont l'amélioration du droit et de l'administration de la justice, et c'est dans cette optique que nous sommes ici aujourd'hui au nom de la Section du droit de la concurrence et de l'investissement étranger.

[Traduction]

    À vous, madame Kearney.
    Pour commencer, disons que l'ABC croit fermement que les modifications proposées à la Loi sur la concurrence ne devraient pas être dans la Loi d'exécution du budget. Étant donné le rôle critique de la Loi sur la concurrence dans la promotion de marchés dynamiques et équitables, et étant donné l'importance de l'innovation, il faut des consultations significatives et rigoureuses pour être sûr d'atteindre les objectifs de politique qui sous-tendent les modifications proposées.
    L'ABC appuie le gouvernement dans son examen continu de la Loi sur la concurrence, mais estime qu'il faut continuer de modifier, d'étudier et de peaufiner les modifications proposées dans la LEB pour améliorer le fonctionnement de la loi et ne pas créer de conséquences défavorables imprévues.
    Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
    Dans le cas de l'abus de position dominante, nous craignons que les modifications de fond proposées ne soient trop générales et n'aient pour conséquence imprévue d'amoindrir en fait la concurrence. Ces préoccupations sont renforcées par les modifications à la LEB qui permettent aux parties privées de demander réparation. L'ABC craint que les concurrents se servent des menaces de poursuites privées et de lourdes pénalités pour dissuader les rivaux d'adopter une conduite susceptible de favoriser la concurrence et d'être avantageuse pour les Canadiens.
    En ce qui concerne les sanctions, la LEB propose de porter le montant des sanctions administratives pécuniaires pour les pratiques commerciales trompeuses et l'abus de position dominante à trois fois la valeur de l'avantage obtenu ou, si cet avantage ne peut être raisonnablement établi, à 3 % des revenus bruts mondiaux annuels. De l'avis de l'ABC, il n'y a pas de politique pour tenir compte des avantages venant de l'extérieur du Canada ou des ventes effectuées à l'extérieur du Canada lorsqu'il s'agit de déterminer la sanction appropriée. L'ABC est d'avis que toute tentative de lier une SAP à l'avantage dérivé ou aux revenus globaux devrait se limiter aux avantages et aux revenus produits au Canada.
    Comme on vous l'a dit, l'imposition de lourdes sanctions pour des comportements non criminels pourrait poser des problèmes constitutionnels. Nous craignons que des montants punitifs ne ternissent la réputation du Canada aux yeux des entreprises étrangères comme bon endroit où faire des affaires, ce qui aurait des effets négatifs sur l'économie canadienne.
    Mon collègue, Me Thérien, a quelques autres exemples.

  (1355)  

     On vous a déjà dit que j'aimerais traiter des modifications proposées pour la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage. La Loi d'exécution du budget étendrait l'infraction de complot criminel prévue à l'article 45 à ce genre d'ententes d'interdiction de maraudage et de fixation des salaires.
    L'ABC est d'avis que l'infraction criminelle pour les ententes de fixation des salaires et d'interdiction de maraudage n'est peut-être pas la façon la plus efficace d'améliorer le fonctionnement de la Loi. L'article 90.1 de la Loi prévoit déjà une procédure d'application non criminelle pour les ententes sur la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage, mais cet article n'a jamais été invoqué. Il y aurait moyen d'améliorer cette disposition pour qu'elle soit plus efficace, sans invoquer la responsabilité criminelle, pour laquelle, bien sûr, le fardeau de la preuve est plus compliqué et qui est donc plus difficile à plaider.
    Nous craignons que les modifications proposées, dans leur forme actuelle, soient à la fois trop et pas assez inclusives.
    En premier lieu, l'infraction proposée de fixation des salaires s'appliquerait essentiellement aux ententes concernant les conditions d'emploi. Le terme « conditions d'emploi » est sans aucun doute très large et ambigu, c'est le moins qu'on puisse dire.
    Si nous passons maintenant à l'infraction proposée d'entente d'interdiction de maraudage, je vais répéter ce qui a été dit tout à l'heure, à savoir que cela ne s'appliquerait qu'aux « employés », un terme non défini. Je suis d'avis que, compte tenu de la nature changeante des relations d'emploi dans l'économie canadienne, nous devrions nous demander si cette disposition est justifiée pour nous assurer qu'elle traduit vraiment les objectifs stratégiques du gouvernement.
    Nous voulons aussi attirer l'attention du Comité sur le fait qu'une infraction en vertu de l'article 45 entraîne essentiellement des conséquences collatérales importantes. Tout d'abord, nous parlons des risques de recours collectif, ainsi que des risques d'exclusion, de la perte de qualifications ou de disqualification pour les marchés publics. Ces questions n'ont pas été discutées. Il faudrait en débattre à fond avant de nous précipiter pour criminaliser les ententes sur l'interdiction de maraudage et sur la fixation des salaires, en vertu de l'article 45 dans le cadre du processus du projet de la Loi d'exécution du budget.

[Français]

    Cela conclut notre allocution d'ouverture.
    Nous serons heureux de répondre à vos questions.
    Nous vous remercions de nouveau de nous avoir invités à venir vous présenter nos préoccupations aujourd'hui.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à Mme Tiessen, d'Unifor.

[Traduction]

    Je m'appelle Kaylie Tiessen. Je suis économiste et analyste de politiques au service de recherche d'Unifor. Je suis ici pour discuter des changements initiaux tant attendus à la politique de concurrence du Canada qui figurent dans le projet de loi d'exécution du budget.
    C'est la troisième fois en un peu moins de deux ans qu'Unifor comparaît devant votre comité pour discuter du problème de la fixation des salaires au Canada. La première fois, c'était en 2020, soit lorsque notre président, avec deux dirigeants syndicaux locaux du secteur de l'alimentation sont venus demander au Comité de faire enquête sur les cas flagrants de fixation des salaires survenus dans le secteur lorsque les grands magasins d'alimentation ont tous annulé la prime de pandémie le même jour. La deuxième fois, c'était au printemps de 2021, c'est‑à‑dire lorsque j'ai comparu pour discuter de nos recommandations visant à renforcer la Loi sur la concurrence. Nous voulons améliorer les résultats pour les travailleurs et les consommateurs canadiens par une Loi sur la concurrence qui permettra la mise en place des conditions propices à une saine concurrence au pays.
    Je suis ici devant vous pour la troisième fois afin de vous rappeler quatre choses. Premièrement, la criminalisation des ententes de fixation des salaires et d'interdiction de maraudage est le strict minimum à faire pour favoriser une concurrence loyale sur le marché du travail au Canada. Deuxièmement, les ententes de fixation des salaires et d'interdiction de maraudage étaient autrefois considérées comme des infractions criminelles dans la Loi sur la concurrence. Troisièmement, deux cas flagrants de comportement anticoncurrentiel sur les marchés du travail ont été rejetés par les enquêteurs du Bureau de la concurrence — dans les 18 derniers mois — en raison du seuil élevé qu'exige le droit civil, et non pas parce qu'un agent de la concurrence a jugé que les mesures concernées n'allaient pas à l'encontre de la concurrence. Quatrièmement, les sanctions administratives pécuniaires sont censées être assez sévères pour décourager le comportement, plutôt qu'assez faibles pour être comptabilisées comme simple coût d'exploitation.
    Voyons plus en détail chacune de ces quatre questions séparément.
    D'abord, faire le strict minimum. La criminalisation des ententes sur la fixation des salaires et l'interdiction de maraudage n'est qu'un des nombreux changements nécessaires pour améliorer les résultats pour les travailleurs et les consommateurs par l'élimination des comportements anticoncurrentiels.
    Dans sa forme actuelle, la Loi sur la concurrence ne s'intéresse pas du tout aux effets d'un comportement anticoncurrentiel sur les travailleurs. Le Bureau peut intenter des poursuites en cas de comportements anticoncurrentiels qui touchent les travailleurs, dans le cadre de ses examens de fusions et peut-être par d'autres dispositions d'ordre civil, comme l'article 90.1 — dont on nous a déjà parlé aujourd'hui — qui traite des collaborations entre concurrents. Mais, jusqu'ici, nous n'avons trouvé aucune indication que le bureau ait mené une enquête sérieuse. C'est en partie parce que le seuil est trop élevé; il aurait aimé intenter des poursuites pour cela, mais il n'a pas pu. Cela signifie que le Canada pourrait autoriser des mesures qui abaissent artificiellement les salaires et les conditions de travail et diminuent le bien-être des travailleurs à l'échelle de l'économie, alors que nous n'avons même pas les outils pour voir si cela se produit. Une récente recherche du Département du Trésor a révélé que les comportements anticoncurrentiels sur les marchés du travail américains ont ralenti la progression des salaires de 20 %, c'est‑à‑dire qu'ils sont 20 % plus bas qu'ils ne l'auraient été en l'absence de tout comportement anticoncurrentiel.
    Deuxièmement, les ententes de fixation des salaires et d'interdiction de maraudage étaient auparavant des infractions criminelles en vertu de la Loi sur la concurrence. Ce n'est qu'à la suite d'un changement en 2009 que ces actions ont été reléguées au domaine du droit civil, où la Loi traîne et demeure inefficace contre le comportement anticoncurrentiel que je viens de mentionner. Nous sommes à la traîne pour ce qui est des droits des travailleurs dans le contexte du droit de la concurrence, et vous avez devant vous aujourd'hui la possibilité de corriger cela.
    Mon troisième rappel est qu'il y a deux cas récents qui ont été rejetés par les agents à la concurrence en raison du seuil de preuve élevé en droit civil. Le premier est que les magasins d'alimentation ont annulé en même temps, le même jour, la prime de pandémie, dont j'ai parlé tantôt, et dont nous avons parlé maintes fois aujourd'hui. Le deuxième est un recours collectif accusant les franchises de Tim Hortons en Colombie-Britannique de réduire artificiellement les salaires et les conditions de travail des travailleurs de l'industrie par des ententes d'interdiction de maraudage. Ces deux cas ont été rejetés en vertu du droit de la concurrence au cours des 18 derniers mois en raison du seuil élevé de preuve requise, et pas seulement parce qu'un fonctionnaire responsable de la concurrence a jugé que les mesures prises n'étaient pas anticoncurrentielles.
    Quatrièmement, les sanctions administratives risquent de devenir un simple coût d'exploitation. Le Bureau de la concurrence a dit vouloir éviter cette situation. Je suis d'avis que les sanctions administratives doivent être suffisamment sévères, pour décourager le comportement que la Loi vise à interdire, et non assez faibles, pour que les entreprises puissent tout simplement absorber le coût de la violation de la Loi.
    J'ai d'autres recommandations à faire au sujet de l'examen de la Loi sur la concurrence qui aura lieu plus tard cette année, et je me réjouis à la perspective de revenir ici pour toutes les exposer à votre comité.

  (1400)  

     Les travailleurs canadiens sont directement et indirectement touchés dans leur quotidien par la politique de concurrence du Canada. D'après mon expérience, le Bureau n'a pas le pouvoir nécessaire pour empêcher les comportements anticoncurrentiels qui pourraient avoir des conséquences négatives sur les salaires ou les conditions de travail au Canada.
    Merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup à tous nos témoins.
    Avant d'ouvrir la discussion, je dois informer mes collègues que, vu les retards, nous n'aurons que les deux premiers tours de questions.
    Sans plus tarder, nous allons commencer par M. Deltell, pour six minutes.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup à vous tous de participer à cette rencontre fort intéressante et extrêmement instructive, comme toujours. Cette réunion est plus courte que ce qui avait été prévu, mais il y a énormément d'éléments dont nous pouvons discuter. J'aimerais tout d'abord m'adresser à M. Thérien, de l'Association du Barreau canadien.
    Bonjour, monsieur Thérien. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
    Je vais reprendre les propos qui ont été tenus par votre collègue. Cependant, aux fins de la discussion, je vais m'adresser principalement à vous et en français.
    J'aimerais obtenir plus de détails sur un point. Dans votre présentation, vous avez parlé de l'incidence que ce projet de loi, si d'aventure nous l'adoptions ou l'amendions trop rapidement, pourrait avoir sur la réputation du Canada à l'étranger.
    Quelles sont vos préoccupations à ce sujet?
    Je vous remercie de la question.
    D'abord, le commentaire sur l'incidence potentielle que le projet de loi pourrait avoir sur la réputation du Canada est lié davantage aux questions visant le calcul de la sanction administrative pécuniaire qui pourrait être infligée en cas d'abus de position dominante, comme le propose le projet de loi.
    Essentiellement, la préoccupation touche le mode de calcul. La professeure Quaid l'a déjà mentionné, je pense. Il peut être difficile de calculer le bénéfice qui découle d'une pratique problématique. Le calcul prend en considération jusqu'à 3 % du revenu de l'entreprise, sans toutefois se limiter à des revenus qui seraient générés ou liés à des activités au Canada.
    La crainte concerne donc le calcul d'une amende. On peut certainement débattre de la nécessité d'augmenter la valeur utilisée pour le calcul, qui est limitée à 10 millions de dollars pour une première situation litigieuse. Toutefois, il est problématique d'avoir un nouveau plafond qui sera éventuellement calculé en tenant compte des revenus mondiaux, en fonction de l'entreprise qui serait visée par ce calcul. Nous croyons qu'il faut à tout le moins avoir une discussion pour mieux cibler ce dont on parle, notamment pour ce qui est de calculer le montant de la sanction selon un pourcentage de 3 % du revenu de l'entreprise.
    Je crois que la réputation du Canada pourrait être entachée si l'on commençait à avoir des calculs fondés sur l'ensemble des revenus mondiaux d'une entreprise sans qu'il y ait d'incidence pour les Canadiens.

  (1405)  

    Plusieurs témoins ont trouvé que les sanctions administratives pécuniaires étaient, dans certains cas, un peu démesurées. Nous sommes d'accord pour dire que, si quelqu'un agit illégalement, il faut qu'il paie.
    Cependant, à votre avis, compte tenu de ce que renferme la loi actuelle quant aux sanctions pécuniaires jugées trop élevées, risquons-nous d'avoir l'effet contraire, si nous excluons l'exemple que vous venez de donner concernant les revenus mondiaux et le calcul fondé sur un pourcentage de 3 % du revenu des entreprises?
    Je crois que la position de notre section et celle de l'Association du Barreau canadien sont, en fait, une combinaison. Je dois rappeler l'aspect un peu technique de la loi. Honnêtement, les plafonds sont également encadrés. Les nouveaux plafonds dont on parle ici sont des cas d'abus de position dominante et de publicités trompeuses. Il y aurait, selon nous, un débat à avoir si l'on veut effectuer de tels calculs sur les revenus pour publicités trompeuses. Nous ne sommes pas certains qu'il y ait des équivalences sur le plan de la publicité trompeuse dans d'autres pays.
    Il y a quand même un système de freins et contrepoids, si vous voulez, parce que le juge ou le tribunal a des critères à considérer, comme la durée de la pratique, les répercussions, ce qui est vraiment visé. Une enquête va certainement aider à limiter les plafonds.
    Le problème, ici, c'est la combinaison des nouveaux seuils et des recours privés en matière d'abus de position dominante. Sans reprendre ce qui a été fait et dit, cela soulève des questions importantes. Nous n'avons jamais vu cela au Canada. Ces entreprises pourront se plaindre, peut-être avec raison, et nous ne remettons pas cela en question. Toutefois, la sanction administrative pécuniaire qui pourrait être infligée ne va pas dans les poches de l'entreprise qui se plaint, cela va dans les coffres du receveur général du Canada. C'est un régime que nous ne comprenons pas. C'est nouveau et cela ne s'est jamais vu au Canada. Que se passera-t-il si ce genre de situation se produit? Quel genre d'incitatif cela donnera-t-il à des litiges potentiellement stratégiques?
    La combinaison du recours civil et des nouveaux plafonds, c'est ce qui nous préoccupe. Cela doit être examiné davantage.
     Serait-ce la première fois que cela se fait au Canada?
    Dans la lettre de l'Association du Barreau canadien, une note de bas de page rapporte ce qui pourrait être une situation semblable en lien avec la législation ontarienne sur les valeurs mobilières. Dans cet autre cas, cependant, le seuil maximum est de 1 million de dollars et, selon l'information dont nous disposons, cette mesure n'a jamais été invoquée.
    Avant d'introduire la notion de « shérifs privés », comme quelqu'un les a appelés, je crois, un débat s'impose sur ce qui va se passer quant à ce genre de litiges potentiellement stratégiques. Est-ce que l'argent qui aboutit dans les coffres du receveur général du Canada à la suite d'un recours privé est l'incitatif que l'on veut donner aux entreprises, ou veut-on plutôt leur donner droit à des dommages-intérêts? Il faut prendre le temps d'avoir ce genre de débat.
    J'aimerais poursuivre avec vous, monsieur Thérien, sur les conséquences directes pour la vie privée. Vous en avez parlé tout à l'heure, et d'autres témoins l'ont fait aussi.
    Dès qu'il est question de vie privée, nous avançons sur une glace très mince. Je pense que vous êtes le premier à le reconnaître, d'autant plus que la vie privée est sur la corde raide en raison des médias sociaux ces derniers temps.
    Compte tenu de ce qui se trouve dans le projet de loi actuellement, en quoi la vie privée pourrait‑elle être mise à mal?
    Je crois, monsieur le député, qu'il faudrait ajouter un critère à ceux permettant de déterminer l'existence d'effets anti-concurrentiels. Ne sachant pas si notre section a adopté une position ferme à ce sujet, je ne veux pas trop m'avancer sur cette question. Je vais donc me contenter de vous signaler ce problème et de vous inviter à poser des questions aux autres témoins.
    Malheureusement, monsieur Deltell, c'était tout le temps dont vous disposiez.
    Je vous remercie, monsieur Thérien.
    Monsieur Erskine‑Smith, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Monsieur Dachis, je pense que vous avez dit que la fixation des prix et la fixation des salaires sont économiquement semblables. Pourquoi la Loi les traiterait-elle différemment?
    La question des concurrents l'illustre bien. À l'heure actuelle, la Loi telle qu'elle est appliquée, suppose que la fixation des prix soit entre concurrents. C'est, en soi, un bond. La Loi proposée inclut tous les employeurs, et pas nécessairement les concurrents. Elle pourrait avoir une application beaucoup plus vaste que...

  (1410)  

    Pourquoi donc...? Pourriez-vous nous donner un exemple où des employeurs de secteurs très différents qui ne sont pas en concurrence entre eux pourraient vouloir s'entendre pour fixer les salaires?
    Dans le cas de l'interdiction de maraudage, par exemple... Prenons le cas d'un cabinet d'experts-conseils qui envoie quelqu'un travailler dans les locaux d'un client pour un mandat de trois, quatre ou cinq mois, pendant lesquels l'employé est attaché à ce client. Plutôt que d'obliger cette personne à négocier chaque fois un contrat individuel, le cabinet d'experts-conseils pourrait lui donner un emploi et l'envoyer d'un client à l'autre. Pour vouloir conclure cette entente, le cabinet d'experts-conseils devra avoir la certitude de ne pas perdre l'employé au profit de son client. Ce genre d'entente peut être avantageux pour toutes les parties, l'employé sachant qu'il ne passera pas d'un contrat à l'autre, tandis que...
    Vous parlez d'interdiction de maraudage. Parlons de fixation des salaires.
    Prenons le cas où la preuve de fixation des prix est telle que l'article 45 pourrait s'appliquer hors de tout doute raisonnable et, de la même façon, les salaires des travailleurs à faible revenu dans un secteur d'oligopole seraient diminués par entente entre les employeurs. Ne pensez-vous pas que cela devrait être traité de la même façon que la fixation des prix en vertu de la Loi?
    Cela revient à la définition d'« infraction objective ». Je vais certainement m'en remettre aux avocats pour cela...
    Passons à maître Thérien.
    Vous avez parlé de certaines craintes. Vous avez dit qu'il y a une norme au civil que nous pourrions l'améliorer.
     Je crois comprendre... L'ancien commissaire Pecman a déclaré publiquement, au sujet de la fixation des salaires en particulier, qu'il y a une échappatoire dans la Loi. Dans sa réponse à une lettre que je lui ai adressée, le commissaire Boswell a écrit que la preuve d'une diminution importante ou de la prévention de la concurrence constitue un seuil élevé.
    L'article 90.1 ne porte pas spécifiquement sur les salaires, bien sûr; il s'applique aux ententes d'achat en général. Ne pensez-vous pas qu'il devrait y avoir quelque chose de spécifique pour les salaires, comme auparavant et comme dans d'autres secteurs de compétence? Ne devrions-nous pas appliquer aux salaires un traitement spécifique et distinct?
    Ma réponse est à deux volets.
    Par le passé, nous avions cette interdiction générale qui criminalisait tout accord réduisant indûment la concurrence. Elle n'existe plus depuis les modifications de 2009. Le processus a été très long, si je puis dire. Le commissaire a commandé trois rapports d'experts à l'époque pour avoir des idées sur ce qui devrait être automatique et assorti d'une peine d'emprisonnement de 14 ans.
    Lorsque nous faisons une comparaison avec les États-Unis, les États-Unis répriment l'interdiction de maraudage et de sollicitation depuis 2010 dans le cadre de poursuites civiles. En 2016, ils ont donné des lignes directrices aux professionnels, en disant que la prochaine fois, ce serait un acte criminel. Ils ont porté leur première accusation criminelle en 2020. Votre comité n'est pas au courant, mais c'est dans notre lettre: dans les premiers procès aux États-Unis pour interdiction criminelle de maraudage et de fixation des salaires, ils ont été déboutés.
    Tout ce que nous disons, c'est qu'il serait...
    Ce n'est pas nécessairement la conséquence d'une mauvaise approche. Dans ces cas particuliers, cela pourrait bien être la conséquence de l'incapacité de s'acquitter du fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable.
    Je ne dis pas que la norme pénale est la bonne. Je ne comprends pas très bien pourquoi nous insistons sur la nécessité de régler le problème de la fixation des salaires.
    Je sais que M. Wu a exprimé l'avis que nous devrions traiter l'interdiction de maraudage en particulier — et je pense que la suggestion de M. Dachis allait dans le même sens — en contexte de droit de l'emploi, mais l'exemple déjà présenté au Comité concernait précisément la fixation des salaires, la réduction des salaires des employés à faible revenu et la communication entre employeurs d'un même secteur d'oligopole. Je ne comprends vraiment pas pourquoi ce n'est pas la même chose pour le faible revenu et le salaire minimum que pour le pain.

  (1415)  

    Je peux peut-être faire un commentaire.
    Je ne suis pas d'accord avec la perception du commissaire, qui estime ne pas avoir à faire la preuve d'une diminution ou d'un empêchement sensible de la concurrence. L'exemple particulier de la rémunération des héros d'épicerie découle d'une situation vraiment unique sur le marché du travail. Dans les circonstances, pratiquement tous les magasins autres que les chaînes d'épicerie étaient fermés. Dans ce contexte bien précis, on peut imaginer que les accords de fixation des salaires ont effectivement eu un effet anticoncurrentiel sur le marché du travail. Ces travailleurs n'avaient nulle part d'autre où aller pour trouver un autre emploi. Ils n'auraient pas pu obtenir ailleurs un autre emploi mieux rémunéré.
    Sur le marché du travail en surchauffe qu'on connaît actuellement, où le taux de chômage est extrêmement bas, l'accord entre employeurs pour fixer les salaires aurait, à mon avis, un impact limité sur le bien-être réel des employés, surtout pour les employés ayant des compétences professionnelles généralement transférables. Ces compétences peuvent être facilement transférées à un autre poste. L'autre employeur n'a pas besoin d'être dans le même secteur. Un employé d'épicerie utilisera probablement des compétences très similaires à celles d'une personne travaillant dans un autre contexte de vente au détail.
    Les concurrents visés par les accords de non-sollicitation ou de fixation des salaires sont ceux qui sont en concurrence pour les mêmes compétences professionnelles, plutôt que les concurrents sur le marché de l'offre.
    Mon temps est écoulé.
    L'article 90.1 me semble insuffisant. Si vous n'aimez pas le nouvel article 45 proposé, il serait très utile que vous envoyiez quelque chose au Comité pour lui donner une idée de ce à quoi il devrait ressembler, parce que j'aimerais trouver une solution. Si le droit pénal n'est pas la voie indiquée pour cela, je ne pense pas que l'article 90.1 suffise.
    Il serait utile que toutes les personnes intelligentes comme vous qui travaillent dans le domaine et réfléchissent à ces questions m'envoient des pistes sur ce que cet article devrait contenir. Il y a une faille dans la loi, actuellement. Si vous n'aimez pas la proposition actuelle, j'aimerais connaître l'alternative.
    Merci beaucoup, monsieur Erskine-Smith.

[Français]

    Monsieur Lemire, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Le Comité permanent de l'industrie et de la technologie a été saisi à plusieurs occasions de pratiques anti-concurrentielles, notamment en ce qui concerne les technologies des télécommunications, les grandes sociétés de technologie, et ainsi de suite. Nous avons également abordé ce sujet lors de notre étude sur la pénurie de main-d'œuvre touchant les petites ou moyennes entreprises.
    Nous avons entendu plusieurs témoignages au sujet de la diminution considérable de la concurrence, qui devrait faire l'objet d'un examen. Nous pouvons penser aux témoignages de Mme Vass Bednar, de Mme Jennifer Quaid et de M. Edward Iacobucci, qui ont tous parlé de fusion d'entreprises et de diminution des joueurs, situations de plus en plus présentes dans le marché. Nous avons aussi entendu des témoignages de Mme Robin Shaban et de Mme Yelena Larkin à ce sujet.
    J'aimerais que nous puissions tenir compte de leurs témoignages dans l'analyse que nous allons envoyer au Comité permanent des finances. Ces témoignages devraient peut-être aussi faire partie de nos recommandations.
    En 2020‑2021, notre comité a aussi fait une étude qui a permis de mettre en lumière le pouvoir d'un petit groupe d'épiciers qui s'étaient entendus pour réduire les primes liées à la COVID‑19. L'étude a permis de voir comment ces derniers pouvaient exercer un pouvoir plus grand quant à la vente d'une majorité d'aliments. Ces exemples sont loin d'être uniques, et cela soulève de plus en plus de préoccupations, car d'autres situations nous échappent.
    Le commissaire de la concurrence, M. Matthew Boswell, a choisi de ne pas poursuivre l'affaire, parce que la Loi sur la concurrence, dans sa version actuelle, considère que la fixation des salaires n'est pas un acte criminel. Seuls les accords conclus entre concurrents pour fixer le prix des marchandises sont considérés comme un acte criminel.
    J'aimerais poser ma question à Mme Tiessen, d'Unifor.
    Madame Tiessen, pensez-vous que les modifications apportées auront un effet dissuasif auprès des employeurs qui seraient tentés d'utiliser des pratiques maintenant définies comme étant anti-concurrentielles?

[Traduction]

    C'est une bonne question.
    Voyons voir. Je pense que le Comité a bien étudié la question. Nous connaissons la réponse du commissaire et son raisonnement pour ne pas étudier la question.
    Nous savons qu'il y a un problème de fixation des salaires. Quand nous avons comparu ici, la dernière fois, notre président a déclaré que si c'est quelque chose de si évident et que ces géants de la vente au détail pensent qu'ils peuvent s'en tirer, alors qu'est‑ce qui se passe d'autre que nous ne voyons pas, que nous ne savons pas et que nous n'arrivons pas à comprendre?
    Nous constatons que c'est considéré comme un coût inhérent aux affaires ou comme un risque inhérent aux affaires, soit parce que ceux qui utilisent cette stratégie s'en sortent sans conséquence — parce que ce n'est pas illégal et que les règles sont trop strictes pour en faire un acte punissable —, soit parce que les sanctions sont trop élevées. Il faut régler ce problème.
    Votre comité a recommandé l'an dernier, dans son rapport de juin 2021, d'apporter cette modification à la Loi sur la concurrence, et je pense qu'il est vraiment important d'aller de l'avant.

  (1420)  

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à Mme Quaid.
    Madame Quaid, nous comprenons votre questionnement relativement à l'inscription de la première étape de la modernisation de la Loi sur la concurrence dans une loi budgétaire. D'ailleurs, nous avons eu d'autres témoignages en ce sens aujourd'hui. Nous avons entendu des témoignages d'experts en matière de concurrence qui nous ont dit que la Loi sur la concurrence du Canada s'écartait de ce qui se faisait ailleurs dans le monde. Selon le ministre Champagne, ces changements sont le résultat de l'urgence d'agir quant aux géants numériques.
    Les dispositions telles qu'elles sont libellées dans le projet de loi C‑19 sont-elles adéquates et rendent-elles justice à l'intention première du ministre, selon vous?
    Je vais essayer d'être aussi brève que possible. C'était l'une des raisons pour lesquelles j'ai formulé ma déclaration d'ouverture différemment de l'autre fois.
    Je laisse ici de côté la question de l'infraction liée à la fixation de salaires, qui mérite une séance à part, à mon avis, lors de laquelle je serais heureuse de vous donner beaucoup plus de commentaires à ce sujet. Je mets également de côté le fait que je n'aime pas le recours à une loi budgétaire. Pour ce qui est des autres dispositions, je suis d'avis que ce sont des modifications qui ne surprennent pas et qui sont justifiables, étant donné le fait que nous tentons de nous rattraper.
    Je pense que ma perspective sera un peu différente de celles de certains de mes collègues sur le fait que nous ferons l'objet de critiques ou que notre réputation en souffrira. Dans le cadre de l'entente de consentement conclue avec Facebook, la sanction que nous avions infligée était de 9,5 millions de dollars, presque le maximum possible. Les États‑Unis ont pour leur part infligé une sanction de 5 milliards de dollars.
    Je pense que la possibilité d'augmenter le montant n'est pas problématique en soi. Nous sommes très en deçà des amendes infligées par des pays européens et les États‑Unis. Devons-nous aller aussi haut qu’eux? La réponse est non. Ce n'était là qu'un exemple.
    J'y réfléchissais cette semaine et vous reconnaîtrez que nous sommes en évolution. Je pense que notre reconnaissance graduelle constitue un pas intermédiaire. Par contre, je ne voudrais surtout pas que ce pas intermédiaire devienne permanent, car ce serait une erreur.
    Dans la mesure où nous ne pouvons pas y arriver d'un seul coup, nous voulons envoyer un message à la fois aux acteurs du marché, aux consommateurs, aux citoyens canadiens, aux entreprises quelles qu'elles soient et à nos partenaires internationaux. Je pense que c'est une bonne idée de faire au moins ces petits pas.
     J'ai cependant une réserve. J'estime, en effet, que le Bureau de la concurrence devrait publier rapidement des lignes directrices claires sur la mise en application qu'il envisage pour certains de ces éléments. Je ne suis pas persuadée que nous avons besoin de suspendre l'application des dispositions. Laissant de côté l'infraction liée à la fixation de salaires, je pense que nous pourrions aller de l'avant. Or, il serait vraiment important que le Bureau réponde à l'appel et qu'il encadre ces changements.
    Il est très important de comprendre que des modifications à la loi ne constituent pas une recette magique. Cela ne change pas une culture ou une mise en application. Cela ne change pas les choses. C'est pour cela que nous avons besoin d'encadrement par l'agence qui est responsable de veiller à l'application de la loi pour moduler et accompagner ces modifications. Le Bureau est très bon pour consulter. Il va proposer des lignes directrices auxquelles réagiront les gens, dont mes amis qui participent virtuellement à la présente réunion.
    Nous travaillons pour que cela soit bien fait. Je pense donc que c'est une erreur de croire que l'adoption d'une loi est quelque chose de magique. Ma réserve porte surtout sur cela, en plus du fait que je continue à ne pas aimer le recours à une loi budgétaire. À ces conditions, je suis prête à accepter le fait que nous avons peut-être besoin d'agir avec sévérité.
    Nous avons bien compris vos propos, madame Quaid.
    Je vous remercie, monsieur Lemire.
    Monsieur Masse, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Je m'excuse d'être arrivé un peu en retard à la réunion. Je participais à une tribune télévisée.
    Madame Quaid, en ce qui concerne l'affirmation selon laquelle les sanctions administratives pécuniaires ici ne se comparent pas à celles qui sont imposées aux États-Unis ou en Europe, quelle est la raison à cela? Les sanctions administratives pécuniaires ne seront pas automatiquement fixées au maximum. Elles seront fixées au seuil approprié, alors qu'est‑ce qui nous empêche de faire la même chose, surtout que notre marché est très intégré à celui des États-Unis, pour les produits et la fabrication, et pour d'autres types de normes?
    Nous sommes particulièrement mauvais pour protéger les consommateurs. Je vous donnerai l'exemple du secteur de l'automobile, à titre d'information. Nous ne bénéficions pas des mêmes protections que les consommateurs américains. Pensons à la Toyota Prius, aux émissions des Volkswagen et à toutes sortes d'autres choses, les Américains bénéficient d'une bien meilleure protection des consommateurs, et pourtant, les entreprises traitent le Canada comme une colonie.
    Pourquoi ne pas avoir au moins des sanctions administratives pécuniaires importantes dans notre arsenal au cas où nous aurions besoin de protéger les consommateurs?

  (1425)  

    Vous avez peut-être manqué ma déclaration préliminaire, mais nous parlons ici de choses bien concrètes.
    La modification apportée aux sanctions administratives pécuniaires constitue déjà un changement. Je ne prétendrai pas le contraire. Je pense que dans l'ensemble, c'est un bon changement. Je comprends les préoccupations de mes amis de l'Association du Barreau canadien et des cabinets privés. Il y a maintenant une incertitude là où il n'y en avait pas auparavant.
    Je pense qu'il faut nous rappeler deux choses. La première, c'est que ces calculs supplémentaires ne concernent que les montants qui dépassent les maximums actuels. Dans certaines circonstances, il ne sera pas nécessaire de dépasser les maximums actuels. En fait, j'aimerais que les sanctions puissent varier dans tous les cas, et pas seulement en deçà du seuil de 9 millions de dollars, parce que c'est déjà un montant énorme pour les PME. Je pense l'avoir dit la semaine dernière. Je pense qu'il faut garder à l'esprit que pour certaines entreprises, les sanctions variables sont vraiment le seul moyen de fixer une sanction adaptée. Les tribunaux canadiens n'ont pas l'habitude d'établir de leur propre chef un montant assez élevé. Je pense qu'il serait important d'établir une grille de référence.
    Oui, il y aura une période de transition, mais je ne vois pas d'inconvénient à faire augmenter les sanctions. Doivent-elles être aussi élevées qu'aux États-Unis et en Europe? Pas nécessairement. Je soulignerais deux choses. Nous avons une liste de facteurs aggravants et atténuants à prendre en compte pour déterminer le montant adéquat. Ces facteurs sont pertinents. Le montant n'est pas fixé aléatoirement et de façon arbitraire, contrairement à ce qu'on pourrait croire. L'autre chose que je voudrais souligner, c'est que pour la publicité trompeuse — mais pas pour l'abus de position dominante —, on ne peut imposer de sanctions administratives pécuniaires que si le défendeur n'est pas en mesure d'établir qu'il a fait preuve de diligence raisonnable. On est déjà dans la zone où l'on pourrait dire que sa conduite est moins justifiable.
    Je ne sais pas si vous avez besoin d'autres éléments de réponse, mais je m'arrêterai là.
    Non, cela m'aide.
    Je vois que M. Dachis voudrait intervenir. Tous ceux qui veulent répondre peuvent le faire. Je suis curieux.
    En toute honnêteté, votre critique concernant le fait que cette modification fasse partie du projet de loi d'exécution du budget est juste. C'est Paul Martin qui a été le premier à inclure des modifications législatives non budgétaires en matière d'immigration et sur quelques autres choses au projet de loi d'exécution du budget de 2006. Depuis, malheureusement, on voit ce type de modification dans les projets de loi d'exécution du budget, un peu comme dans le système américain.
    Quelqu'un d'autre souhaiterait‑il faire des commentaires sur les sanctions administratives pécuniaires et la situation?
    Le commentaire du sénateur Wetston sur le [inaudible] est très pertinent, il faut nous demander où se trouvent les limites du débat. Une chose était très claire dans son commentaire, c'est qu'il faut augmenter les sanctions administratives pécuniaires. Il y a consensus sur ce point. Il n'y a pas consensus, cependant, sur les montants appropriés.
    On débat abondamment du seuil de 3 % des recettes globales, à juste titre, mais il y a une disposition qui permettrait d'imposer des sanctions administratives pécuniaires équivalant à trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement anticoncurrentiel. C'est le genre de chose qui serait logique dans l'esprit du consensus exprimé par le sénateur Wetston. C'est ensuite que les choses deviennent un peu plus problématiques.
    Je vous remercie.
    Madame Bednar, pensez-vous que le Bureau de la concurrence est suffisamment bien structuré à l'heure actuelle pour pouvoir gérer les changements envisagés ici? Je serais curieux de savoir ce qu'il faudrait faire s'il y a lieu de le renforcer.
    Je pense que les récentes augmentations du budget du Bureau étaient les bienvenues. Je pense que le Bureau est reconnu pour prodiguer d'excellents conseils stratégiques. Le Bureau a vraiment présenté une réponse incroyable au sénateur Wetston.
    Mais si je peux mettre en contexte le travail de notre bureau par rapport à celui de ses homologues internationaux, aux fins de la discussion, notre réputation à l'étranger a semblé peser beaucoup dans la balance. Sur la scène internationale, nous ne nous démarquons pas vraiment en matière de concurrence. La réputation du Canada en matière de réforme de la concurrence n'est rien de moins qu'absolument humiliante. C'est très bien décrit dans un rapport récent du G7. Personne ne s'inspire de nous, parce que nous ne faisons rien.
    Encore une fois, il s'agit là de premiers pas nécessaires, mais je ne doute pas que le Bureau soit en mesure de s'y adapter, dans un contexte où d'autres réformes sont à prévoir.

  (1430)  

    Merci.
    Je reviendrai plus tard au témoignage d'origine.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, monsieur Masse.
    Monsieur Kram, vous avez maintenant la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici cet après-midi.
    Monsieur Dachis, dans votre déclaration liminaire, vous avez utilisé le mot « inconstitutionnel ». Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez que ce projet de loi pourrait être inconstitutionnel?
    Oui. Cela nous ramène à la question de la différence entre des sanctions et un moyen de dissuasion. Lorsqu'une amende est si élevée qu'elle dépasse largement tout bénéfice potentiel que l'entreprise peut tirer directement de l'activité, cela commence à être un autre type de pénalité. La Constitution offre une plus grande protection, et le fardeau de la preuve devient trop grand pour les entreprises.
    Tout dépendra des amendements. S'il y avait déjà un historique d'augmentation des sanctions, mais à un autre niveau, comme l'ABC l'a expliqué — nous parlons ici de choses liées aux revenus canadiens, et non aux revenus internationaux, qui, par définition, ne sont pas liés aux préjudices causés au Canada —, il y aurait peut-être une solution. Cependant, il y a dans ce cas un risque bien réel que la modification soit inconstitutionnelle et qu'elle plonge l'ensemble du régime d'application dans une grande incertitude. Je ne voudrais pas que le régime d'application de la Loi sur la concurrence du Canada soit plongé dans cette incertitude à cause d'une loi mal rédigée.
    Parlez-vous de l'article 11 de la Charte, qui traite des « affaires criminelles et pénales »? Dites-vous que ce projet de loi pourrait contrevenir à l'article 11 de la Charte ?
    Oui.
    Vous avez également mentionné que nous avons deux options. L'une serait de retrancher la section 15 du projet de loi. L'autre serait de prévoir une date de proclamation plus tardive. Avez-vous une préférence entre les deux?
    Je comprends tout à fait pourquoi le gouvernement hésiterait à retrancher la section 15 du projet de loi. Le temps est la ressource la plus précieuse à la Chambre des communes, et il serait très délicat d'ajouter un projet de loi au calendrier législatif, cela créerait de la congestion. Je comprends tout à fait que même si ce serait l'idéal, le gouvernement hésite à choisir cette voie.
    La décision de retarder la date de la proclamation présenterait quelques avantages.
    Le premier avantage, c'est que plutôt que de mettre tout de suite en place des outils applicables à tout tandis que nous avons d'autres obligations, cela nous donnerait la chance de nous prononcer sur les détails avant que le nouveau régime n'entre en vigueur. Cela nous laisserait le temps de bien digérer les changements.
    Cela permettrait également d'établir une certaine échéance pour la deuxième phase de réforme. Nous n'avons toujours pas de détails de la part du gouvernement quant à l'objet de cette réforme. Si le gouvernement reportait tout cela d'un an, nous aurions le temps d'analyser les modifications proposées et tout ce dont nous pourrions avoir besoin pour bien comprendre comment s'intègrent ces changements, que beaucoup de gens dans les domaines de la concurrence et de l'économie souhaitent, et trouver un compromis qui nous conviendrait à tous.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais maintenant me tourner vers nos deux témoins de l'Association du Barreau canadien.
    Votre organisation a envoyé une lettre au Comité il y a quelques jours. J'aimerais vous en lire un bref extrait. À la rubrique « Sanctions administratives pécuniaires », on peut lire: « Cette absence apparente de « traitement national » accordé aux entreprises étrangères pourrait aller à l'encontre des obligations qui incombent au Canada aux termes d'accords commerciaux internationaux. »
    Je me demande si vous pourriez préciser à quels accords commerciaux internationaux vous pensez que le Canada pourrait contrevenir et pourquoi.

  (1435)  

    Je peux répondre à cette question.
    Nous ne pouvons pas préciser quel accord commercial international pourrait être touché, selon nous, mais c'est le fait de traiter les entreprises étrangères de la même façon que les entreprises canadiennes qui pose problème. Si la disposition traite différemment les entreprises étrangères, comme on peut présumer qu'elles ont un revenu mondial plus élevé, alors elles pourraient se voir imposer des sanctions administratives pécuniaires plus élevées pour une conduite potentiellement moins préjudiciable au Canada.
    Cette affirmation repose sur certaines hypothèses. Bien sûr, il y a des entreprises canadiennes qui ont des revenus mondiaux élevés qui pourraient se trouver dans la même situation, mais je pense que le problème, c'est que si l'amende est établie en fonction des revenus mondiaux pour un préjudice causé au Canada, il y a un risque que les entreprises étrangères soient soumises à des sanctions plus élevées et donc, qu'elles soient traitées différemment des entreprises canadiennes.
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant Mme Lapointe pour cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Mes questions s'adressent à Mme Bednar. J'aimerais rebondir sur les questions soulevées par mon collègue, M. Erskine‑Smith.
    Je vous invite, madame Bednar, à nous faire part de vos réflexions en réaction à l'échange qui a eu lieu entre M. Erskine‑Smith et M. Dachis.
    Je pense qu'il convient de préciser qu'on observe ici la dynamique politique à l'oeuvre. Il y a consensus à la fois sur le fait que les gens veulent que des mesures soient prises à cet égard et sur le fait que ce devrait être une priorité politique depuis longtemps.
    Nous avons entendu diverses personnes ici, aujourd'hui. Il ne s'agit pas du « quoi », mais du « comment ». Il semble bien que dans toute cette discussion, c'est la première fois qu'on parle de la population, des gens ordinaires, pas des entreprises et des grandes sociétés étrangères. Je serais favorable à ce qu'on évalue plus attentivement comment articuler tout cela dans la loi, précisément, pour mettre cette mesure en oeuvre, afin que les gens soient à l'aise avec cela et que ce soit bien clair. Je ne voudrais pas que nous nous empressions d'aller de l'avant avec quelque chose qui ne serait pas bénéfique.
    Pour répondre aux autres questions, ne serait‑ce que sur les sanctions administratives pécuniaires envisageables, on suppose aussi, dans cette conversation, qu'on puisse faire la preuve d'une infraction en matière de concurrence au Canada et réellement infliger une amende à quelqu'un, à l'une de ces entreprises. Quand nous avons infligé une amende à Meta, puis à Facebook, comme dans l'exemple cité par la professeure Quaid, encore une fois, pour mettre cette amende en contexte, elle représentait moins d'une heure des revenus annuels de Facebook cette année‑là. Je mentionne ici l'un des problèmes des amendes, mais je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous en parler un peu plus.
    Pour moi, il est important d'essayer de rendre cette mesure vraiment pertinente pour les Canadiens ordinaires.
    La modification proposée à la Loi sur la concurrence, à l'article 257, crée une nouvelle infraction criminelle qui interdirait aux employeurs de comploter ou de conclure un accord ou un arrangement pour fixer, maintenir, réduire ou contrôler les salaires et les conditions d'emploi. Aidez-moi à comprendre: cette disposition aurait-elle été utile lorsque trois des principales chaînes d'épiceries canadiennes ont toutes arrêté le même jour de verser à leurs employés les salaires spéciaux accordés pendant pandémie?
    Je crois qu'elle aurait été utile, oui. Je trouve difficile, personnellement, d'expliquer rationnellement à quiconque, y compris à moi-même, qu'il y a des cas où la fixation des salaires peut être à l'avantage des travailleurs ou des consommateurs. Je pense que nous avons vu que les franchisés ont intérêt à pouvoir intervenir sur le marché du travail et que l'État a un rôle plus important à jouer à cet égard, que ce soit par le biais de la Loi sur la concurrence ou, comme on l'a dit plus tôt, par les lois du travail qui s'appliquent dans la province. C'est un sujet sur lequel il y a de plus en plus de recherches et de militantisme: le Canada pourrait adopter une approche plus globale et pangouvernementale pour atteindre les résultats escomptés en matière de concurrence. Il semble aussi que les provinces aient un rôle plus important à jouer cet égard, c'est certain.
    Pensez-vous que le fait que la nouvelle disposition crée une infraction criminelle, plutôt que d'ordre civil, aura un effet plus dissuasif?
    Oui, d'après moi, cela pourrait avoir un effet plus dissuasif. Nous parlons, encore une fois, en même temps des sanctions — les SAP, ou sanctions administratives pécuniaires. Nous voulons essentiellement que la Loi dissuade les mauvais comportements. Nous souhaitons que cela ne se produise pas en premier lieu et qu'il ne soit pas nécessaire de prendre des mesures et de porter des affaires devant les tribunaux.
    C'est un bon point.
    Vous avez fait allusion aux sociétés qui veulent éviter des changements importants à la Loi sur la concurrence, y compris certains changements décrits dans la Loi d'exécution du budget. Pourquoi pensez-vous que ces sociétés se mobilisent contre les modifications proposées?

  (1440)  

    Je pense que notre loi sur la concurrence est faible. J'ai beaucoup écrit à ce sujet. Il est difficile de faire entendre une cause. Nous ne réussissons pas souvent à gagner des causes. Nous avons du mal à faire entendre des causes. Il y a un énorme décalage par rapport aux attentes que les citoyens ordinaires semblent avoir. Je me fais souvent poser des questions par les médias, les gens, les personnes qui veulent apprendre, les collègues de la politique: « Dites-moi, je vois cette affaire qui se produit à nouveau à l'échelle internationale, avec cette grande entreprise technologique, ou dans l'univers numérique. Est‑ce que nous le faisons ici? Qu'est‑ce qui se passe ici? Qu'est‑ce que cela signifie? »
    Il y en a tellement que nous ne pouvons même pas envisager d'agir dans le cadre de notre loi actuelle. C'est la raison de certaines des recherches dont Robin Shaban vous a parlé lors de son témoignage. Nous pourrions notamment commencer à prendre des cas et à adopter une approche axée sur les données pour les intégrer à notre loi lors d'une consultation. Encore une fois, les Canadiens s'attendent à plus. Ils veulent plus en matière de concurrence, et je pense qu'ils en parlent tout le temps. Ils n'utilisent simplement pas la même terminologie que nous, en matière de droit de la concurrence.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, mesdames Lapointe et Bednar.
    Monsieur Lemire, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je voudrais aborder un autre sujet, soit la question de l'attribution des contrats publics sur la base du critère du plus bas soumissionnaire. Évidemment, cela comporte plusieurs risques et inconvénients aujourd'hui.
    Il ne faut pas oublier les répercussions potentielles de l'attribution des contrats publics sur la concurrence et sur les petites ou moyennes entreprises, qui ne peuvent probablement pas tenir compte d'une concurrence sur la base du prix. Les projets peuvent peut-être coûter moins cher à court terme, mais ils coûteront beaucoup plus cher à long terme. De plus, ces entreprises se priveront bien souvent de la capacité d'innover.
    Existe-t-il une solution de rechange qui pourrait à la fois assurer la qualité des projets et faciliter la participation des petites ou moyennes entreprises au processus d'attribution de contrats publics, une solution mieux adaptée pour ces entreprises sur le plan de la concurrence basée sur le prix?
    Je pose ma question à Mme Bednar, mais peut-être que d'autres témoins aimeraient également ajouter des commentaires à ce sujet par la suite.

[Traduction]

    Je vais volontiers donner l'occasion à d'autres témoins de répondre. Je suis désolée d'avoir dû quitter mon siège pour un moment.
    Le Bureau de la concurrence a publié, il y a quelques années, des conseils sur l'autosélection ou l'autodéclaration des personnes contre le truquage des offres. Il existe des recherches que je vais devoir ressortir, bien que j'aie des documents à ce sujet tout autour de moi sur mon bureau. Encore une fois, je pense que c'est quelque chose qui se produirait en dehors du cadre de la loi, mais c'est fondamentalement un résultat proconcurrentiel qui signale l'intention recherchée et aide les gens à y parvenir.
    Je pense que vous voulez savoir si une telle mesure profiterait également aux PME. Oui, je suis optimiste, et c'est la raison pour laquelle ce point figure dans le mémoire que Denise Hearn et moi-même avons soumis, qui est maintenant disponible en ligne et que vous avez mentionné, je crois. Donc, n'hésitez pas à y jeter un coup d'œil si vous le souhaitez.

[Français]

     Je vous remercie.
    Y a-t-il quelqu'un d'autre qui désire faire part de ses commentaires sur le principe de l'attribution de contrats publics?
    Si je peux me permettre, j'aimerais faire un très bref commentaire.
    Vous pouvez bien sûr le faire, monsieur Thérien.
    Je vous cède la parole.
    Je suis d'accord sur le fait que cette question ne concerne peut-être pas le projet de loi et ses amendements. Toutefois, je veux revenir sur un point que j'ai soulevé au sujet de la nouvelle infraction criminelle proposée en ce qui a trait aux accords de non-débauchage et de fixation des salaires. Il faut s'entendre sur le fait qu'à l'heure actuelle, les processus de disqualification relatifs à l'attribution de contrats publics vont faire en sorte qu'une personne qui est reconnue coupable de ces infractions perdrait la capacité d'obtenir des contrats publics au fédéral et au provincial, ici au Québec.
    Je fais un lien avec le commentaire que vous avez fait, mais je ne crois pas que ces questions aient été étudiées. Encore une fois, cela souligne le point qu'a soulevé Mme Quaid, qui dispose du temps nécessaire pour étudier ces questions.
    C'est évidemment l'un des objectifs.
    Je vous remercie, monsieur Thérien.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Lemire.
    Monsieur Masse, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse à Mme Tiessen. En ce qui concerne les sociétés qui abusent des industries canadiennes, notre histoire n'est pas bonne. En fait, dans le passé, vous aviez la possibilité de déduire en tant que frais professionnels une partie des SAP qui vous étaient imposées ou même des amendes et sanctions juridiques. Vous pouviez obtenir jusqu'à 50 %, et c'était comme un produit d'appel pour le déversement de pétrole dans les égouts — pour l'environnement — ou pour le défaut de nettoyage des ateliers, par exemple. Cela entrave et désavantage l'innovation et la main-d'œuvre canadienne.
    Que voyez-vous ailleurs sur ce plan? Je crains que, si nous n'avons pas les bons systèmes en place, les entreprises paient les amendes et les pénalités et ainsi de suite, du moment qu'elles y trouvent leur compte et peuvent se dédouaner.
    J'estime que c'est un point très important. Nous devons nous assurer que toutes les pénalités mises en place dissuadent les comportements que nous essayons de prévenir. Si nous n'avons pas de telles sanctions, il se produit des phénomènes comme ceux que nous avons observés dans le secteur de l'épicerie avec la fixation des salaires et l'annulation des indemnités de pandémie — les exemples que vous avez donnés.
    Cela concerne de nombreux domaines différents du droit canadien où, premièrement, la Loi doit être améliorée et, deuxièmement, l'application de cette loi doit également être améliorée, parce que la Loi en soi n'est qu'un des nombreux pas à franchir. Nous devons nous assurer d'appliquer la Loi, de la mettre à l'épreuve et de faire en sorte que les gens et les organisations soient pénalisés lorsqu'ils interagissent et adoptent ce comportement.

  (1445)  

    D'un autre côté, vous travaillez avec beaucoup d'employeurs progressistes qui apportent des améliorations à la sécurité sur le lieu de travail et font d'autres types d'investissements afin de créer une meilleure main-d'œuvre pour les concurrents canadiens. Si nous nuisons à ces entreprises, nous nuisons à celles qui consacrent de l'argent à de telles mesures. Elles réinjectent également de l'argent dans la main-d'œuvre et prennent toutes ces mesures. Il est déjà assez difficile de travailler à assurer la santé et la sécurité, entre autres choses, mais si d'autres entreprises font pire, est‑ce que cela ne met pas plus de gens en danger en plus de désavantager ceux qui sont plus progressistes?
    Absolument. Cela abaisse le degré de concurrence pour toutes sortes d'organisations qui essaient toujours de faire ce qu'il faut de concert avec leurs employés, avec leurs syndicats, avec les lois relatives à l'environnement, et la liste est longue. Si nous permettons ce genre de comportements inacceptables, il est plus difficile pour les bons acteurs de soutenir la concurrence sur le marché et d'améliorer l'économie et la société canadiennes en général.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de Mme Gray, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.
    Certains intervenants nous ont fait part de leurs préoccupations et ont souligné que les profonds changements apportés à la Loi sur la concurrence doivent faire l'objet de consultations plus approfondies qui garantiront l'atteinte des résultats recherchés. J'ai une question que j'adresse d'abord à l'Institut C.D. Howe, puis à l'Association du Barreau canadien et enfin à M. Wu.
    Estimez-vous qu'il y a eu une consultation suffisante sur les changements à la Loi sur la concurrence que nous voyons dans ce budget?
    J'aimerais d'abord entendre l'Institut C.D. Howe.
    Oh, je ne pense pas.
    Encore une fois, je reviens à la seule consultation publique que j'ai vraiment vue, qui était dirigée par le sénateur Wetston. Les efforts d'un seul sénateur ne devraient pas représenter la totalité de l'examen que nous faisons de la question, et les efforts d'un sénateur pendant peut-être six mois, tout au plus, ne devraient pas représenter la totalité de notre discussion sur certains changements très substantiels.
    Je reviens à certains des changements relatifs à la fixation des salaires, pour lesquels les consultations, par exemple, doivent permettre aux provinces de donner leur point de vue sur les relations entre employés et employeurs. C'est fondamental pour le genre de changements qui peuvent avoir des conséquences très importantes sur la vie des gens. Ce n'est qu'un exemple d'un groupe qui n'a pas participé à la consultation actuelle et qu'il faudrait inclure à l'avenir.
    Merci.
    J'aimerais maintenant entendre l'Association du Barreau canadien.
    Bien sûr. Merci de cette question.
    Nous sommes d'accord avec la réponse de M. Dachis. Il n'y a eu absolument aucune consultation sur les dispositions particulières que la Loi d'exécution du budget propose. Nous estimons que cette consultation est essentielle à un plus haut degré, ce qui implique une vaste consultation publique, mais nous croyons également — et je pense que tous les témoins sont d'accord — qu'il faut faire appel à une variété d'experts.
    Des témoins présents aujourd'hui nous ont parlé du droit commercial, du droit des franchises et du droit du travail, mais il n'y a pas eu de consultation avec les entreprises elles-mêmes. Non seulement nous estimons qu'il est nécessaire de consulter sur les questions plus générales, mais le diable se cache dans les détails d'une grande partie de ce projet de loi. Il est donc très important de mener aussi des consultations sur le libellé. Comme Mme Bednar l'a mentionné, c'est également au stade de la mise en œuvre qu'il faut s'assurer d'examiner cela de très près.
    Merci.
    Monsieur Wu, c'est à vous.
    Je vous remercie de votre question.
    Oui, je suis d'accord pour dire que la seule consultation jusqu'à présent est le processus de consultation du sénateur Wetston. Les mémoires soumis dans le cadre de cette consultation proviennent principalement d'observateurs et de praticiens du droit de la concurrence, de sorte que l'éventail de points de vue provient d'un ensemble relativement limité de parties prenantes, tandis que la consultation plus vaste et plus générale sur la concurrence qui est censée se tenir prochainement vise à inclure un plus grand éventail de parties prenantes. Je voudrais que les modifications qui nous sont proposées bénéficient également de cette consultation plus étendue.
    Brièvement, à propos du non-débauchage et de la fixation des salaires, la préoccupation qu'exprime M. Iacobucci dans son document de consultation est qu'il n'y a pas de conséquences financières aux comportements potentiellement nuisibles de fixation des salaires et de non-débauchage. Il pense qu'en droit de la concurrence, il devrait y avoir un mécanisme qui procure cette dissuasion financière.
    Je dois admettre que la dissuasion n'est pas seulement assurée par une disposition pénale. Il y a moyen de modifier l'article 90.1 pour le renforcer et lui donner un effet dissuasif, et cela peut faire partie du processus de consultation.

  (1450)  

    Excellent. Merci beaucoup.
    Il ne me reste qu'une minute, et j'ai une autre question.
    Craignez-vous que des conséquences involontaires ou imprévues puissent résulter de l'absence d'une étude approfondie de ces changements à la Loi sur la concurrence?
    Je vais demander à l'Institut C.D. Howe de répondre, puis nous verrons si nous avons le temps pour d'autres réponses.
    Ce serait bien si vous étiez bref. Merci.
    Oui, et nous n'avons fait qu'effleurer la surface de certains des changements. Nous n'avons même pas abordé la question de la compétence extraterritoriale des tribunaux en matière d'ordonnance de production de documents pour l'examen des fusions. Est‑ce que c'est exécutoire? C'est une tout autre question que nous devons aborder dans le cadre de la mise en œuvre de certains de ces changements.
    Encore une fois, je demande dans quelle mesure ces changements sont applicables. Les faire entrer en vigueur tout de suite sans vraiment y réfléchir est problématique.
    Est‑ce que mon temps est écoulé?
    Oui, malheureusement.
    Je rappelle aux témoins qu'ils peuvent toujours soumettre par écrit tout complément d'information qu'ils souhaitent porter à la connaissance du Comité.
    Pour notre dernière série de questions, je donne maintenant la parole à M. Dong, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je tiens moi aussi à remercier tous les témoins d'être venus aujourd'hui malgré un court préavis.
     J'aimerais demander à Mme Bednar, puis à Mme Tiessen, de nous faire part de leurs commentaires sur le volet consultation, car j'aurais pensé que pour tout ce qui se trouve dans la Loi d'exécution du budget, le ministère consulterait l'industrie et les intervenants avant de faire de telles suggestions.
     Selon vous, les consultations ont-elles été suffisantes ou non, et quel risque y a‑t‑il à ne pas donner suite à ces changements?
    Je vous remercie de votre question.
    Je pense que nous sommes nombreux à avoir une vision idéalisée de la manière dont les changements de politique peuvent être réalisés et des meilleures pratiques fondamentales. La réalité est que ces changements ont pris tellement de retard, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, que je pense qu'ils devraient être les bienvenus.
    Je dis cela parce que, depuis deux ans, alors que de plus en plus de gens écrivent sur la concurrence, posent des questions sur le fonctionnement de la Loi sur la concurrence et trouvent des façons dont elle ne fonctionne pas aussi bien que nous le pensons, de nombreux intervenants, de façon générale, se sont fait dire des choses comme: « En fait, la Loi sur la concurrence est parfaitement à la hauteur de la tâche. Elle est flexible. Elle peut faire face à tout. Elle est prête à fonctionner. Elle ne devrait subir aucun changement. » Ce sont maintenant souvent les mêmes voix dans les débats publics qui disent : « Oh! Nous devons vraimentmetttre la pédale douce et parler davantage. » Nous devons en effet parler davantage. Le public le souhaite.
    Quel serait le risque de ne pas aller de l'avant avec ces premiers amendements? Je pense que nous montrerions une fois de plus que nous ne prenons pas au sérieux les changements que subit la concurrence et que nous ne sommes pas prêts à prendre ces modestes mesures initiales en matière de protection de la vie privée des consommateurs, alors qu'elles nous permettraient de nous aligner sur les autres acteurs internationaux.
    Cela ne vient pas de nulle part, dans le débat plus général sur la concurrence. Avons-nous procédé à des consultations approfondies sur ce sujet, coché toutes les cases et frappé à toutes les portes pour en donner un aperçu à tout le monde? Pas encore, mais je pense que c'est ce que les souhaitentndent et ce que nous devons faire.
    Nous avons deux grandes discussions suconcurrence,ition en ce moment, et elles ne vont pas toujours de pair. L'une est d'ordre mécanique, et c'est le genre de discussion que nous avons en ce moment, mais l'autre est d'ordre philosophique et concerne la nature de la Loi, ce que nous en attendons et ce que les Canadiens en attendent. C'est une réflexion plus vaste et plus importante.
    Je vais céder le reste du temps à Mme Tiessen.
    Merci, madame Bednar, et merci beaucoup de votre question.
    Il y a eu quelques consultations à ce sujet, et la Loi a été mise à l'épreuve et s'est révélée insuffisante pour ce qui est de la fixation des salaires. Il faut donc corriger cela, et il faut le faire maintenant. Pouvons-nous mener d'autres consultations une fois ce changement effectué? Je pense que c'est vraiment important, et j'ai hâte de participer aux consultations supplémentaires qui auront lieu au cours de l'année prochaine.
    Le risque, je pense, de ne pas mettre en œuvre maintenant cette modification relative à la fixation des salaires est que cela traînera pendant des années, tout comme les modifications des règles sur les heures de travail ont traîné pendant des années, dans le cadre de la consultation à ce sujet. Les gens devraient-ils avoir une pause pour le repas de midi? Quand devraient-ils avoir une pause pour ce repas? Cela signifie que nous avons sans cesse la même discussion sur quelque chose que nous avons déjà décidé de changer.
    Nous devons procéder à ce changement maintenant, et nous pourrons discuter des autres changements par la suite. Si nous n'apportons pas ce changement, il risque de ne pas se produire.

  (1455)  

    Merci beaucoup de votre réponse.
    Je voudrais vous demander à toutes les deux ce que vous pensez de la modification qui porterait les sanctions administratives pécuniaires, ou SAP, à 3 % des recettes globales brutes. Quelle est votre opinion à ce sujet?
    Madame Tiessen, je me lance.
    Je veux aussi dire, au cas où je n'aurais pas été claire, que je n'ai pas de formation en droit et que je suis donc ravie de m'en remettre aux autres. Cependant, si nous avons des SAP, c'est d'abord, fondamentalement, pour avoir un effet dissuasif. Deuxièmement, c'est pour que les entreprises puissent être pénalisées proportionnellement à ce qui se passe. Encore une fois, le taux de 3 % est une nouveauté, et je pense que nous avons entendu des questions quant à savoir s'il devrait s'agir des recettes canadiennes ou des recettes internationales. C'est une question qui mérite d'être réglée.
    Les consultations à venir pourraient entraîner des changements ou des amendements supplémentaires, mais je pense que c'est important. J'aimerais beaucoup faire un graphique qui illustre nos SAP au Canada et les comparer à celles de nos pairs à l'étranger, puis nous pourrons avoir une autre discussion sur notre réputation à cet égard.
    Madame Tiessen, je vous laisse la parole, si vous avez quelque chose à ajouter.
    Je n'ai pas d'idée précise sur ce que devrait être le seuil. Je suis tout à fait d'accord pour dire que les SAP doivent être beaucoup plus élevées. J'aime l'idée qu'elles soient proportionnelles aux recettes ou aux bénéfices des entreprises dans le monde.
    Aujourd'hui, j'ai entendu à plusieurs reprises que ce changement nuirait à la réputation du Canada, mais je pense qu'en réalité, d'autres pays suivront cet exemple. Cette réflexion a lieu partout dans le monde. Nous devons nous assurer que nous dissuadons les comportements et que nous les punissons lorsqu'ils se produisent. Si nous agissons, d'autres pays feront de même.
    C'est très important. Nous sommes otages de cet argument selon lequel aucune société ne va plus jamais investir au Canada. Je ne pense tout simplement pas que ce soit vrai.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais beaucoup voir le graphique dont vous avez parlé, madame Bednar, alors si vous le produisez, n'hésitez pas à l'envoyer par écrit.
    Merci, monsieur le président.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Dong.
    Encore une fois, nous avons eu la chance de recevoir au Comité un groupe de témoins chevronnés.
    Je remercie tous les témoins qui se sont rendus disponibles si rapidement pour participer à notre réunion.
    J'aimerais maintenant rappeler à mes collègues que je dois rédiger une lettre à l'attention du président du Comité permanent des finances d'ici vendredi prochain.
    Vous aurez l'occasion de me faire part de toutes vos observations, de toutes vos recommandations et de toutes vos propositions d'amendements, que j'ajouterai à la lettre que je soumettrai à l'examen du Comité permanent des finances. Je vous prie d'envoyer ces renseignements assez tôt la semaine prochaine. Ces renseignements devront être traduits par le service de traduction avant d'être transmis au Comité permanent des finances.
    Je remercie une fois de plus les témoins. Je remercie également les greffiers, les analystes, les interprètes et le personnel de soutien.
    La séance est levée.
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