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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 5 février 2024

[Enregistrement électronique]

  (1835)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à cette 32e réunion du Comité spécial de la Chambre des communes sur les relations entre le Canada et la République populaire de Chine. Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier les relations entre le Canada et la République populaire de Chine, en mettant l'accent sur la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique.
    Permettez-moi d'abord de rappeler quelques consignes à l'intention des témoins et des membres.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, ce qui signifie que les membres assistent à la réunion en personne ou à distance en utilisant l'application Zoom. Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous désigne par votre nom. Pour ceux qui assistent à la réunion par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone lorsque vous vous apprêtez à prendre la parole et mettez-vous en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
    Pour l'interprétation, les participants qui utilisent Zoom ont le choix entre le parquet, le français et l'anglais. Les réglages sont au bas de l'écran. Les personnes présentes dans la salle peuvent quant à elles utiliser leur oreillette et sélectionner le canal souhaité. Je vous rappelle que toutes les interventions doivent se faire par l'intermédiaire de la présidence.
    Les membres dans la salle qui souhaitent prendre la parole n'ont qu'à lever la main; ceux qui sont sur Zoom doivent activer la fonction « Lever la main ». La greffière et moi gérerons l'ordre des interventions du mieux que nous pourrons. Nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
    Je vous signale que ce soir, nous avons un remplacement. En effet, à la place de M. Cormier, c'est M. Serré qui sera avec nous, en mode virtuel.
    Avant d'entendre les témoins de notre premier groupe d'experts, je vais demander à la greffière de nous dire si nous avons reçu une correspondance d'intérêt pour la séance d'aujourd'hui.
    En ce qui concerne la motion qui a été présentée l'autre jour et la demande d'entendre la ministre des Finances, j'ai reçu une note indiquant que la vice-première ministre et ministre des Finances sera en mesure de comparaître le lundi 26 février, de 8 h 30 à 9 h 30.
    Merci de cette mise à jour. Je l'apprécie.
    La moitié de notre premier groupe d'experts est là. M. Nagy, qui est professeur agrégé principal à l'International Christian University et agrégé supérieur de recherche au Macdonald Laurier Institute, se présentera par vidéoconférence depuis Tokyo. Nous n'avons pas encore réussi à le joindre. Nous allons donc nous tourner vers Meredith Lilly, qui est professeure agrégée et titulaire de la chaire Simon Reisman en politique économique internationale à l'Université Carleton.
    Madame Lilly, vous avez cinq minutes pour nous livrer votre déclaration liminaire, puis nous passerons aux questions des membres du Comité.
    Monsieur le président, membres du Comité, merci de m'avoir invitée à comparaître.
    Comme le Comité se penche sur la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique, je me propose de focaliser mes observations sur les liens qui existent entre l'économie et la sécurité, en particulier en ce qui concerne les intérêts commerciaux internationaux du Canada dans cette région.
    Il est vital pour le Canada de s'engager dans la région indo-pacifique, car il s'agit de la zone économique qui connaît la croissance la plus rapide et la plus dynamique au monde. Cette région abrite 60 % de la population mondiale et est responsable de 40 % de la production économique de la planète. Cependant, une certaine correction de trajectoire s'impose. Conscient d'un contexte international de plus en plus dangereux et menaçant, le Canada doit travailler avec ses alliés pour relier ses intérêts économiques dans cette région à ses objectifs en matière de politique étrangère et de défense. Plus important encore, le Canada doit modifier ses intentions de diversification sur le plan commercial pour tenir compte de ses intérêts fondamentaux.
     Nos efforts de diversification dans la région indo-pacifique sont souvent présentés comme une réduction de notre dépendance à l'égard des marchés américains, mais cette approche n'est tout simplement pas étayée par la théorie ou par les faits. En réalité, si les entreprises canadiennes font du commerce international, elles le font d'abord avec les États-Unis. Cela est tout à fait logique puisque les États-Unis sont le seul voisin terrestre du Canada, la plus grande économie du monde et un pays qui a des cadres culturels, juridiques et réglementaires très similaires à ceux Canada.
    Ce n'est que lorsque les entreprises canadiennes se sentent à l'aise dans leurs échanges avec les États-Unis qu'un sous-ensemble d'entre elles se tourne vers d'autres marchés. Selon la version 2023 du rapport « Le point sur le commerce international du Canada » d'Affaires mondiales Canada, 46 % des grandes entreprises canadiennes n'exportent que vers les États-Unis, 50 % exportent vers les États-Unis et d'autres pays, et 4 % n'exportent qu'en dehors des États-Unis.
    Le recadrage de notre stratégie indo-pacifique sur les bases du commerce avec les États-Unis pourrait nous permettre de simplifier et de rationaliser notre approche pour l'avenir. Le Canada ne devrait rechercher des débouchés économiques dans les pays de cette région que s'ils sont compatibles avec ses intérêts commerciaux avec les États-Unis. Cela signifie que nous devons avoir une approche beaucoup plus stratégique et délibérée en ce qui a trait au commerce avec la Chine, tout en reconnaissant que la Chine est le partenaire commercial principal de l'ensemble des pays de cette région. Dans cette optique, je recommande au gouvernement de se focaliser sur quatre domaines.
    Premièrement, alors que les États-Unis agissent avec véhémence pour réduire les risques liés aux chaînes d'approvisionnement, le Canada se contente de réagir. Il est essentiel que le Canada travaille de manière plus proactive pour comprendre l'environnement des menaces et les conséquences potentielles que ces dernières peuvent avoir sur nos chaînes d'approvisionnement. Il faut que le Canada consacre davantage de ressources à la surveillance active et à l'application des lois canadiennes relatives à la sécurité et aux violations du travail forcé survenant dans la production des produits importés.
    Deuxièmement, le Canada a la possibilité de jouer un rôle de chef de file dans cette région, en particulier là où les États-Unis sont absents. Cette année, le Canada préside le Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP. Un certain nombre de pays ont demandé à en faire partie, notamment Taïwan et la Chine. Lors de l'examen de ces demandes, j'ai recommandé aux membres du PTPGP d'appliquer un ensemble de critères clairs, et de considérer notamment les antécédents des postulants en matière d'ouverture économique, de libéralisation des échanges et de réciprocité: l'entrée dans le PTPGP doit être conditionnelle à un bilan positif à ces égards. Il s'agit là de l'application d'une leçon que la Chine elle-même nous a enseignée quand, en 2021, elle s'est jointe à l'Organisation mondiale du commerce sans avoir réformé son économie.
    Troisièmement, le Canada ne doit pas hésiter à faire des choix difficiles en matière de politique étrangère par crainte de perdre l'accès au marché chinois. La Chine recherche l'autosuffisance depuis des décennies déjà et, tant que cela servira ses intérêts, elle continuera d'importer des produits agricoles, de la viande et des ressources naturelles du Canada. Toutefois, la Chine n'hésitera pas à fermer ses marchés aux produits canadiens pour les mêmes raisons, comme elle l'a fait en 2019 pour notre canola. L'Australie est beaucoup plus exposée aux mesures commerciales de la Chine à cet égard, mais elle continue de souscrire à l'alliance de sécurité AUKUS et de résister à la Chine lorsque cela est justifié.
    Enfin, le Canada doit être pertinent dans la région indo-pacifique, et je pense qu'il n'y parvient pas. Les pays de la région sont principalement intéressés par nos exportations énergétiques, en particulier par le gaz naturel liquide, ou GNL. Or, le gouvernement canadien actuel les a envoyés paître, ignorant les problèmes de sécurité très réels que cela pose pour des alliés tels que la Corée du Sud et le Japon. Parallèlement, les États-Unis sont devenus le premier exportateur mondial de GNL en 2023, contribuant dès lors à fournir aux alliés des solutions de rechange aux exportations d'énergie russes. Les États-Unis sont peut-être notre partenaire commercial le plus proche, mais nous sommes aussi des concurrents en matière d'énergie, et ils sont en train de nous enlever le pain de la bouche.
    Après avoir mal géré le dossier du pétrole et du gaz, le gouvernement ne peut pas répéter ces échecs dans le domaine des minéraux essentiels. Le gouvernement fédéral doit s'efforcer de rétablir la confiance des investisseurs étrangers à l'égard des produits énergétiques canadiens et utiliser ses pleins pouvoirs législatifs pour collaborer avec les provinces afin d'accélérer les processus réglementaires d'autorisation nécessaires et de prioriser leur adoption.
    Il n'y a pas de temps à perdre. Nous devons adapter nos efforts à la lourde conjoncture dans laquelle nous vivons.
    Monsieur le président, je serai heureuse de répondre aux questions des membres du Comité.

  (1840)  

    Merci, madame Lilly.
    Nous allons suspendre la séance un moment. Notre deuxième témoin, M. Nagy, est en ligne, mais nous devons d'abord vérifier la qualité du son. Nous allons suspendre la séance jusqu'à ce que ce soit fait.

  (1840)  


  (1845)  

    Nous reprenons nos travaux.
    M. Nagy est en ligne et prêt à nous parler.
    Je me demande s'ils ont trouvé un chasse-neige à Tokyo. Peut-être qu'ils ont emprunté le chasse-neige de Vancouver, qui sait?
    Stephen Nagy est professeur agrégé principal à l'International Christian University et chercheur principal au Macdonald-Laurier Institute. Il nous joint depuis Tokyo, où c'est déjà demain.
    Monsieur Nagy, vous disposez de cinq minutes pour nous livrer votre déclaration liminaire.
    Oui, il n'y a pas de chasse-neige à Tokyo; on utilise de l'eau pour enlever la neige.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de vous exposer ces idées et de parler de la paix et de la sécurité dans le cadre de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique. Mes observations porteront sur trois éléments particuliers. Je parlerai d'abord des contradictions, puis des priorités de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique et je terminerai avec la question de l'engagement minilatéral.
    J'aimerais donc souligner ce que je considère comme les nombreux aspects contradictoires de l'engagement du gouvernement actuel en ce qui concerne la façon dont nous envisageons la paix, la sécurité et les ressources dans la région indo-pacifique.
    En 2022, le gouvernement Trudeau a présenté sa stratégie tant attendue pour l'Indo-Pacifique, promettant que la mise en œuvre de cette dernière serait assurée par une enveloppe d'au moins 2,3 milliards de dollars canadiens sur cinq ans. Cette annonce a été faite au moment où notre ministre de la défense nationale de l'époque, Anita Anand, promettait que le Canada allait consacrer 4,9 milliards de dollars à la modernisation de notre défense aérienne nord-américaine. Parallèlement à cela, notre gouvernement a engagé des fonds pour ses objectifs en Europe, dont 2,6 milliards de dollars pour renouveler et étendre l'opération Reassurance, qui fait partie des mesures de défense et de dissuasion de l'OTAN en Europe de l'Est. Nous avons également annoncé des réductions dans le domaine de la défense. Ces positions contradictoires ont soulevé des questions gênantes: comment le Canada va‑t‑il maintenir sa politique étrangère et de défense dans la région indo-pacifique alors que les ressources sont réduites dans tous les domaines ou affectées à l'Ukraine?
    Comment pouvons-nous concrétiser nos priorités dans la région indo-pacifique en matière de politique étrangère et de défense? En fait, ces priorités sont vraiment remises en question. Je pense que ces positions contradictoires suscitent de vives inquiétudes chez nos alliés et partenaires quant à ce que nous tentons de faire dans la région indo-pacifique, au type de ressources qui y seront déployées et à notre capacité à assurer une présence diplomatique soutenue, significative et fructueuse.
    Mon deuxième point concerne nos priorités en Indo-Pacifique. Là encore, je pense très sincèrement que nous avons un peu trop dilué notre engagement dans cette région. Quelles devraient être les priorités du Canada en matière de défense dans le cadre de sa politique étrangère et de ses politiques de défense dans la région?
    Je suis particulièrement favorable à une limitation ou à un retrait de notre engagement dans l'océan Indien occidental et à une concentration de notre engagement en mer de Chine méridionale, en mer de Chine orientale et dans le Pacifique. Ces zones sont essentielles pour le Canada. Les lignes de communication maritimes qui traversent la mer de Chine méridionale, qui passent à l'intérieur et autour de Taïwan et qui traversent la mer de Chine orientale représentent un volume d'échanges commerciaux d'environ 4 500 milliards de dollars américains.
    Les principales économies de la région, qu'il s'agisse de la Corée du Sud, du Japon, de la Chine, de Taïwan ou des pays d'Asie du Sud-Est, sont vraiment les acteurs qui comptent le plus pour le Canada. Nous devons nous assurer que les lignes de communication maritimes restent sécuritaires et stables, et que le Canada peut circuler librement dans cette région.
    Le troisième point qui me semble important est la stabilité des chaînes d'approvisionnement, en particulier de celles des semi-conducteurs. Cela concerne les relations entre les deux rives du détroit. Il est crucial que nous trouvions des moyens efficaces de favoriser la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan afin de garantir que les semi-conducteurs puissent continuer à être exportés vers le Canada et, subséquemment, à employer des Canadiens.
    La Corée du Nord est également un acteur avec lequel nous devons trouver des moyens de travailler. J'y reviendrai, car la Corée du Nord continue de produire des armes de destruction massive, tant en quantité qu'en qualité.
    J'aimerais aussi parler de la Chine. Après tout, il s'agit du comité Canada-Chine. Je pense que nous sommes sur la même longueur d'onde. La Chine souhaite remodeler l'environnement et l'architecture de la sécurité dans la région, ainsi que la manière dont les règles y sont mises de l'avant. Il est dans notre intérêt le plus profond que l'ordre dans cette région soit fondé sur des règles. Nous avons un intérêt profond à nous opposer à la désinformation et à d'autres tactiques de remodelage de la région qui seront défavorables aux intérêts canadiens, notamment en ce qui concerne le commerce. Dans cette optique, nous devons soutenir nos partenaires clés tels que le Japon, la Corée du Sud, Singapour et d'autres.
    Quels sont les principaux outils de notre engagement? Je plaide ici en faveur de « partenariats minilatéraux ». Cela n'exclut pas les partenariats multilatéraux. Les partenariats minilatéraux sont des partenariats beaucoup plus ciblés et fonctionnels avec quatre ou cinq autres pays qui ont les mêmes idées que nous. Leur fonction particulière est de traiter d'enjeux précis susceptibles de permettre au Canada d'apporter une valeur ajoutée significative dans la région.
    Un bon exemple, bien sûr, est la participation aux discussions quadrilatérales sur la sécurité. Cela signifie que nous participons, selon les besoins, aux exercices maritimes des discussions quadrilatérales sur la sécurité — il pourrait s'agir d'exercices de recherche et de sauvetage, ou d'exercices d'aide humanitaire et de secours en cas de catastrophe — afin d'apporter une valeur ajoutée en fonction de nos ressources limitées.

  (1850)  

    Un autre bon exemple est la participation à l'accord de l'AUKUS. Je pense que la partie de l'accord de l'AUKUS relative aux sous-marins nucléaires est éloignée des intérêts canadiens, mais ses composantes relatives à l'intelligence artificielle et à l'informatique quantique sont des domaines où le Canada pourrait assurément contribuer, étant donné que nous avons déjà obtenu un budget pour la coopération dans ces domaines.
    Nous devons plaider pour...
    Monsieur Nagy, je suis désolé, mais vous avez dépassé les cinq minutes dont vous disposiez. Voulez-vous conclure rapidement pour que nous puissions passer aux questions?
    Je terminerai sur un point.
    Nous devons plaider en faveur de nouveaux partenariats minilatéraux, en nous concentrant sur des domaines névralgiques qui, je pense, intéressent le Canada, comme la désinformation. Une association intéressante pourrait inclure Taïwan, l'Australie, le Japon, la Corée du Sud et les États-Unis, et le travail pourrait se focaliser sur le repérage de la désinformation et sur la lutte à la désinformation dans la région.
    Le dernier point concerne la coopération minilatérale avec les îles du Pacifique sur les questions environnementales et, peut-être, sur les questions autochtones.
    Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Nous allons passer à notre premier tour de questions, en commençant par M. Kmiec, pour six minutes ou moins.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Lilly, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit concernant la nécessité d'être pertinent pour les pays de la région. Vous avez décrit certains des échecs de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique en la matière.
    Je vais citer un extrait du rapport de la Canada West Foundation. L'une des notes d'information qu'elle a publiées en ligne dit ceci:
De nombreuses études ont montré qu'une industrie d'exportation de GNL équivalente à 30 MTPA (millions de tonnes par an) en Colombie-Britannique injecterait environ 7,4 milliards de dollars dans l'économie canadienne sur 30 ans, tout en soutenant 65 000 emplois.
    Le rapport explique ensuite que les perspectives d'exportation se situent principalement en Asie et sur les marchés du GNL.
    Lorsque vous avez parlé des échecs, vous avez dit qu'il n'y avait pas de temps à perdre. Pensez-vous que nous avons raté notre chance d'exporter du gaz naturel liquide canadien sur les marchés asiatiques?
    Merci pour cette question.
    Je ne pense pas que nous ayons nécessairement raté notre chance, mais nous pourrions faire beaucoup plus. Nous avons renvoyé certains de nos alliés chez eux en leur disant qu'il n'y en avait plus pour eux et que nous n'allions pas bâtir d'autres infrastructures que celles prévues.
    Je me réjouis des réussites que nous avons obtenues, mais nous devons faire beaucoup plus. Les messages que le Canada envoie actuellement sont très contradictoires, et de nombreux pays se demandent pourquoi nous n'en faisons pas plus pour leur fournir le GNL dont ils ont besoin, en particulier dans le climat actuel.
    D'autres partenariats font le tour du Canada, essentiellement pour obtenir de l'énergie auprès de partenaires qui sont prêts à la leur vendre, y compris les États-Unis.
    Y a‑t‑il d'autres pays en‑dehors du Japon? Le Japon est l'exemple le plus courant cité d'un pays qui constituait dans le passé une opportunité pour le GNL canadien.
     Par l'entremise de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, notre pays pourrait‑il accéder à d'autres marchés qui pourraient utiliser notre approvisionnement en énergie comme source d'approvisionnement sûre?
    Je sais que la Corée était autrefois intéressée. Je ne sais pas si elle est passée à autre chose et si elle s'est tournée vers d'autres pays.
    Ces conversations ont lieu, et j'ai la chance, étant à Ottawa, d'être régulièrement invitée à discuter avec des diplomates étrangers ici. Le message qu'ils entendent constamment est que le Canada ne souhaite pas envisager cette option.
     Combien de fois demandent‑ils et se font‑ils rabrouer avant de passer à d'autres pays qui sont heureux de leur vendre leurs ressources? Je ne saurais le dire.
    Merci, madame.
    Monsieur Nagy, j'ai une question à vous poser. Vous avez parlé d'accords « minilatéraux ». Pourquoi ne pourrions-nous pas conclure un accord minilatéral avec, disons, le gouvernement du Japon pour exporter notre GNL vers ce pays? Ne serait‑ce pas une façon d'utiliser notre avantage comparatif, à savoir notre accès à la côte Ouest, pour exporter du GNL vers un pays comme le Japon? Ne devrions-nous pas et ne pourrions-nous pas conclure un accord minilatéral avec le gouvernement japonais pour l'aider à obtenir l'énergie dont il a besoin?

  (1855)  

    Merci beaucoup pour cette question.
    Lorsque je parle de minilatéralisme, je pense à des partenariats établis avec trois ou quatre pays pour répondre à un problème fonctionnel possible. Je pense que l'exportation de GNL vers le Japon constituerait un accord bilatéral. Dans ce cas d'accords bilatéraux, les avantages comparatifs pourraient résider dans la capacité du Japon à mettre au point les technologies nécessaires à l'exportation du GNL, et le Canada en serait le fournisseur.
    Je pense que vous avez légèrement mal interprété ce que j'entends par « minilatéral ». Je suis tout à fait d'accord, mais je pense que ce partenariat présente des avantages comparatifs et des intérêts communs. Le Japon pourrait aider le Canada à ouvrir des marchés pour ses ressources énergétiques en vue de leur exportation non seulement vers le Japon, mais aussi vers des partenaires clés de la région.
    Monsieur Nagy, je vais revenir sur le Plan d’action Canada-Japon de 2022. Six domaines ont été définis dans ce plan créé par Ottawa et Tokyo. Ces deux pays ont convenu de renforcer la coopération. Ces renseignements sont tirés de documents que vous avez rédigés, et je ne fais donc que les citer. Le quatrième point concerne la sécurité énergétique.
    Les exportations de GNL, en fournissant une énergie canadienne plus propre à un marché comme le Japon, n'aideraient-elles pas ce pays à répondre à ses besoins énergétiques tout en éliminant d'autres sources d'énergie provenant de zones de conflit ou en remédiant à sa dépendance excessive à l'égard d'autres pays qui ne sont pas des fournisseurs aussi sûrs que le Canada? J'ai pensé que le plan d'action auquel vous avez fait référence par le passé dans vos écrits pourrait également constituer la base de ces accords minilatéraux avec d'autres pays. Êtes-vous d'accord?
    Tout à fait, et je pense que le Canada a raté une occasion en raison de certaines de ses politiques environnementales. Nous n'avons pas pu exporter vers les pays qui dépendent de ressources énergétiques sûres, transparentes et stables, et le Canada pourrait le faire.
     Je pense que notre pays pourrait devenir une superpuissance énergétique, que ce soit grâce à ce plan d'action conjoint avec le Japon ou en travaillant avec trois ou quatre autres pays de la région pour mettre en place des chaînes d'approvisionnement stables en énergie et en minéraux essentiels. Nous pourrions ainsi garantir la stabilité de leur économie et veiller à ce qu'ils continuent de fournir les biens qu'ils fournissent au Canada et aux citoyens canadiens.
    Pour un pays comme le Japon, quelle est l'importance d'un approvisionnement énergétique sûr et stable?
    C'est essentiel. Ils ne disposent pas de ressources énergétiques locales et ils importent donc 90 à 95 % de leur énergie. Le fait de travailler avec un pays stable comme le Canada, qui dispose d'énormes ressources énergétiques, serait pour eux un atout majeur.
     Je préconise d'approfondir cette relation et d'utiliser notre énergie et nos ressources essentielles au profit des Canadiens et de devenir la superpuissance énergétique qui alimente la troisième économie de la planète.
    Merci, monsieur Kmiec.
    Nous passons maintenant à M. Oliphant, qui dispose de six minutes ou moins.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux de partager votre expertise avec nous ce soir.
    Madame Lilly, j'aimerais vous donner l'occasion de m'aider à comprendre l'idée selon laquelle nous de devons pas avoir peur de la Chine en tant que partenaire commercial, et d'expliquer votre commentaire sur l'utilisation du commerce comme une arme, comme l'a fait la Chine dans le passé. Vous n'avez pas utilisé ce mot, mais ce pays a utilisé le commerce comme une arme à plusieurs reprises dans ses interactions avec le Canada pour un certain nombre de produits, principalement des produits de l'Ouest canadien, mais pas seulement.
    Pourriez-vous me parler de l'idée d'ouvrir les marchés en reconnaissant la réalité de la Chine, tout en admettant que nous avons un passé problématique, et aborder toutes les autres questions que vous avez mentionnées, comme le travail et le travail forcé.
    Merci pour votre question.
    Ce que je voulais dire en affirmant que la Chine est le principal partenaire commercial, c'est que le Canada n'est pas le seul pays à devoir penser à ses propres intérêts commerciaux avec la Chine. La Chine est le principal partenaire commercial de tous les pays de la région indo-pacifique. Tout comme le Canada est très dépendant de son partenaire commercial bilatéral, les États-Unis, tous ces pays sont très dépendants de leurs relations commerciales avec la Chine.
    Il en va de même pour un accord comme le PTPGP. La position du Canada et du Mexique est très différente dans cet accord, car tous les autres pays du PTPGP ont des liens commerciaux très forts avec la Chine d'abord, et avec les États-Unis ou d'autres marchés en second lieu. Nous devons donc être conscients de la manière dont nous commerçons avec ces autres pays. Ils se comportent à notre égard de la même manière que nous nous comportons lorsque nous commerçons avec les États-Unis. Nous pensons tous à nos propres enjeux, et nous devons nous assurer que nos règles et comportements commerciaux en tiennent compte. Voilà pour le premier point.
    Deuxièmement, nous ne devons pas avoir peur de nous opposer à la Chine, en particulier lorsque l'intérêt national du Canada est en jeu. Nous savons que la Chine utilisera le commerce comme une arme contre le Canada. Je pense que la Chine continuera d'importer des produits canadiens lorsqu'elle le voudra, lorsqu'il sera dans son intérêt de le faire. Certains éléments indiquent que lorsque la Chine a interdit le canola canadien, ce n'était pas seulement à cause de la détention des deux Michaels. Il se trouve qu'à la même époque, la Chine a connu une récolte record de canola. Il était donc tout à fait opportun de réduire la quantité de canola canadien exportée vers la Chine à ce moment‑là.
    Je pense que nous devons agir de manière intelligente à cet égard et que nous ne devons pas sacrifier les objectifs de notre pays par crainte que la Chine ne réduise l'accès à son marché.

  (1900)  

    Vous avez mentionné que nous devrions établir des critères clairs en ce qui concerne le PTPGP et l'adhésion de nouveaux membres. Je pense que nous avons la réputation d'être très clairs, avec l'ajout d'une nature progressive à cet accord et les difficultés rencontrées par le Royaume‑Uni pour y adhérer.
    Selon vous, que pourrait‑on faire de plus que ce que nous faisons actuellement?
    Le Canada, qui occupe cette année le rôle de président, a une occasion unique d'aider à orienter cette conversation. L'adhésion de nouveaux membres au PTPGP se fait toutefois par consensus, et la réalité est que, si le Canada et d'autres pays sont très préoccupés par l'adhésion de la Chine, d'autres membres aimeraient que la Chine entre dans l'accord.
    Je pense que pour tenter de dépolitiser ces questions et de ne pas en faire uniquement une question liée à la Chine — faute de quoi la Chine en fera une question liée à Taïwan et ainsi de suite — nous devons appliquer des critères clairs sur des sujets comme la mesure dans laquelle les pays autorisent les investissements étrangers et la manière dont ils traitent les entreprises canadiennes au sein de leur économie. Le fait d'évaluer les demandes en se basant sur les résultats obtenus ou non et de ne pas retenir comme critères les promesses de changement de comportement pourrait permettre à un membre très important d'être accepté au sein du PTPGP.
    Merci.
    Je voudrais m'adresser à monsieur Nagy. Vous avez mentionné la Corée du Nord comme un pays avec lequel nous devons travailler. Vous êtes la première personne que j'entends dire cela depuis plusieurs années, et j'aimerais donc savoir ce que vous entendez par travailler avec la Corée du Nord.
    Je ne pense pas avoir dit cela. J'ai dit que nous devions travailler avec d'autres pays pour répondre au problème que pose la Corée du Nord. La réalité des armes de destruction massive et de la prolifération en Corée du Nord est un problème pour la région.
    Merci pour cette précision, car vous l'avez dit. Nous l'avons tous remarqué et des sourcils se sont levés autour de la table. Je voulais que vous précisiez ce point parce que je ne pensais pas que c'était ce que vous vouliez dire.
    Non, pas du tout.
    D'accord. Cette clarification était importante.
    Lorsque vous parlez de concentrer la Stratégie pour l'Indo-Pacifique dans certaines régions et pas dans d'autres, quels critères utilisez-vous pour prendre ces décisions? Selon vous, quels devraient être ces critères? Évidemment, il y a les intérêts et les valeurs du Canada, toutes ces choses que nous connaissons tous, mais vous avez parlé très spécifiquement de ciblage dans le cadre de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, qui, je pense, est déjà très ciblée. Quels sont les critères que vous avez utilisés pour suggérer la mer de Chine méridionale, etc.?
    Veuillez fournir une réponse brève, monsieur Nagy. Merci.
    Premièrement, le respect de la primauté du droit est essentiel pour déterminer avec quels pays nous voulons approfondir nos relations. Deuxièmement, il faut converger les intérêts stratégiques. Cela crée plus d'occasions de travailler avec des pays qui n'ont pas le même régime politique — par exemple, le Vietnam.
    C'est un défi. Comment concilier ces deux positions contradictoires? Si nous voulons une présence soutenue dans la région indo-pacifique — surtout, en Asie du Sud-Est et dans les environs —, nous devrons faire preuve d'une certaine souplesse dans la façon dont nous traitons avec des pays aux régimes politiques différents.
    Pour ce qui est des critères, des pays comme la Corée du Sud, le Japon et Singapour constituent clairement des priorités, mais nous devons prévoir une certaine souplesse pour nous assurer d'établir des partenariats avec des pays qui ne partagent pas le même respect pour la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit, comme le Vietnam. Je pense que c'est la seule façon d'avoir une présence soutenue et constructive dans une région hétérogène où il y a tant de régimes politiques différents.

  (1905)  

    Merci beaucoup, monsieur Oliphant.
    Nous passons maintenant à M. Bergeron, qui dispose de six minutes tout au plus.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Lilly et monsieur Nagy, merci d'être des nôtres ce soir. Je pense que vos commentaires sauront nous éclairer pour la suite des choses.
    Madame Lilly, ce que je vais soulever ici sera utile pour M. Nagy, qui n'a manifestement pas été en mesure d'entendre votre témoignage. D'entrée de jeu, vous avez décrit la situation de dépendance économique du Canada à l'égard des États‑Unis. Dans bien des cas, cette dépendance découle du fait qu'il est facile pour les entreprises canadiennes de faire affaire avec les États‑Unis. On choisit la voie de la facilité, même si, par le fait même, on tend à mettre tous ses œufs dans le même panier. Par conséquent, lorsque les États‑Unis adoptent des politiques plus protectionnistes, cela a nécessairement un impact sur notre économie et nos entreprises. Pour paraphraser un adage, quand les États‑Unis éternuent, le Canada est alité.
    Je ne sais pas si vous êtes tous deux d'accord avec moi, mais j'ai l'impression qu'un des objectifs non avoués de la Stratégie du Canada pour l'Indo‑Pacifique est de diversifier notre économie. Il y a eu plusieurs tentatives en ce sens dans le passé, d'abord pendant le règne de Pierre Elliott Trudeau, ensuite pendant celui de Jean Chrétien, puis pendant celui de Stephen Harper. Or, tous ces efforts n'ont pas été couronnés de succès, ou, du moins, du succès escompté.
    Madame Lilly, vous avez abordé en partie la question qui suit lorsque vous avez parlé de la nécessité de faire affaire avec divers pays signataires de l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Ma question s'adresse néanmoins à vous et à M. Nagy. Selon vous deux, comment cette stratégie indo‑pacifique peut-elle nous permettre de réussir là où nous avons si souvent échoué par le passé?
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    Comment la Stratégie pour l'Indo-Pacifique nous permettra‑t‑elle de réussir? Pour être honnête, je ne suis pas certaine que notre situation actuelle va changer. Plus de 75 % des exportations canadiennes sont aujourd'hui destinées aux États-Unis. Je ne suis pas sûre qu'il y aura beaucoup de changements à cet égard.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que la Stratégie pour l'Indo-Pacifique est présentée comme quelque chose qui est censé aider le Canada à diversifier ses échanges commerciaux. La réalité, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, c'est que les entreprises envisagent d'exporter vers la région indo-pacifique, l'Europe ou ailleurs seulement une fois qu'elles se mettent à exporter vers les États-Unis. Une petite minorité d'entre elles exportent ailleurs qu'aux États-Unis. À mesure que nous diversifierons nos marchés, nous ferons également plus de commerce avec les États-Unis. Voilà ce que feront nos entreprises.
    Ce n'est pas que le Canada soit paresseux, à mon avis. Cette situation se produit partout dans le monde. Dans toutes les régions du monde, on est plus susceptible de commercer avec ses voisins et les grandes économies. Il se trouve que notre voisin immédiat est la plus grande économie du monde. Il est donc tout à fait logique que nous procédions ainsi.
    Il est important que nous ayons des échanges commerciaux avec d'autres économies. Cela peut nous aider dans nos relations avec les États-Unis, car nous pouvons ainsi mettre en valeur le rôle que nous jouons ailleurs et montrer aux Américains en quoi nous pouvons leur être utiles.
    Je vais être honnête. Envisager le commerce avec la région indo-pacifique comme un moyen de prendre nos distances par rapport aux États-Unis n'est pas la bonne voie à suivre, et je doute que cela fonctionne.

[Français]

    Monsieur Nagy, qu'en pensez-vous?
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    Je suis d'accord avec Mme Lilly en ce qui concerne la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique. À mon avis, l'effort de diversification ne vise pas à nous amener à prendre nos distances par rapport aux États-Unis. Il vise plutôt à réduire la dépendance excessive envers le marché chinois. Nous avons vu des investissements en Asie du Sud-Est. Paul Thoppil, qui se trouve actuellement en Indonésie, est notre représentant commercial là‑bas. Nous avons ouvert un bureau à Manille. Nous allons probablement investir davantage de ressources à Singapour.
    Ce sont des éléments clés pour diversifier notre économie et prendre nos distances par rapport à la Chine. Cela ne signifie pas une séparation. Je tiens à être très clair à ce sujet. Cela signifie plutôt une diversification pour éviter la militarisation et la monopolisation potentielles du commerce par la Chine, ce qui pourrait nuire aux intérêts canadiens.
    Dans le contexte de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique, c'est très clair. Comment gérer notre relation avec les États-Unis et notre dépendance économique excessive à leur égard? Nous devrions nous servir du marché pour accroître notre compétitivité et pour comprendre comment diversifier nos activités, non seulement avec les États-Unis, mais aussi à l'intérieur des États-Unis, afin de créer plus de débouchés économiques pour les Canadiens.
    Je vais m'arrêter là. Merci.

  (1910)  

[Français]

     Cela va peut-être lancer un débat pour mon deuxième tour de parole.
    Monsieur Nagy, dans votre article paru en août 2021, « Why Does Canada Need an Indo-Pacific Strategy as Part of Its Foreign Policy? », vous préconisez une stratégie pour l'Indo‑Pacifique qui maximise les possibilités pour le Canada, tout en s'adaptant aux défis de la région, et qui crée une marque de commerce canadienne indépendante pour que le Canada ne soit pas perçu comme un partenaire secondaire des États‑Unis.
    C'est un peu le paradoxe de l'œuf et de la poule. Comment devons-nous diversifier notre commerce, et comment faire pour ne pas être perçus sur la scène internationale comme étant toujours alignés sur les États-Unis? Quelles seraient vos solutions?

[Traduction]

    Monsieur Bergeron, vos six minutes sont écoulées. Nous allons laisser de côté cette question pour l'instant et, au prochain tour, M. Nagy aura peut-être le temps de vous donner une réponse.
    Nous passons maintenant à Mme McPherson, qui dispose de six minutes tout au plus.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les deux témoins d'être des nôtres aujourd'hui et de nous faire profiter de leur expertise.
    Votre discussion ou vos commentaires sur la diversification m'intéressent. La semaine dernière, des témoins nous ont dit que même lorsque nous diversifions nos marchés, même lorsque nous faisons affaire avec d'autres pays de la région, nous continuons en fait de travailler avec la Chine en raison des relations étroites qu'elle entretient.
    J'examine ce contexte. Je pense aussi aux États-Unis, notamment à notre dépendance excessive à l'égard du commerce avec les États-Unis et à une éventuelle présidence de Trump, ce qui pourrait être extrêmement difficile pour nos relations commerciales à l'avenir.
    Que doit faire le Canada pour accroître cette diversification? Franchement, nous avons cette stratégie pour l'Indo-Pacifique depuis un certain temps déjà. À votre avis, cela a‑t‑il mené à une quelconque diversification jusqu'ici?
    Madame Lilly, je vais commencer par vous.
    Je vous remercie.
    Y a‑t‑il eu une diversification jusqu'ici? C'est difficile à dire. La difficulté tient en partie au fait que la Stratégie pour l'Indo-Pacifique a été officiellement lancée il y a un an. Bien que la ministre du Commerce et d'autres se plaisent à dire que le commerce canadien a atteint des sommets inégalés et que nous faisons des échanges commerciaux plus que jamais, la réalité est que nous savons pertinemment que l'augmentation des échanges commerciaux du Canada depuis 2020, c'est‑à‑dire depuis la pandémie, est le résultat de l'inflation, et non de l'accroissement du volume des échanges. C'est dans le rapport publié en 2023 par Affaires mondiales Canada — le rapport du ministère lui-même.
    Nous savons que la hausse des prix stimule l'augmentation des échanges commerciaux du Canada avec les États-Unis et d'autres pays. Lorsqu'on examine des chiffres, même pour une hausse de 2 milliards de dollars ou de 20 milliards de dollars, il faut d'abord se demander si c'est le résultat des prix ou de la multiplication des échanges commerciaux. Nous savons que le volume des échanges a diminué et ne s'est pas rétabli.
    Il y a deux ou trois mesures importantes que nous pouvons prendre. Premièrement, ce n'est pas parce que nous ne faisons pas beaucoup de commerce avec l'Indo-Pacifique que ces exercices ne sont pas importants, surtout s'ils nous aident à établir des relations à long terme pour d'autres raisons.
    Nous parlons de vouloir conclure un accord de libre-échange avec l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, ou ANASE, mais selon les évaluations d'Affaires mondiales Canada, si nous devions signer un accord, cela augmenterait les exportations commerciales du Canada de 2,7 milliards de dollars par année. C'est franchement une somme bien modeste quand on pense à la relation avec les États-Unis. Ces 2,7 milliards de dollars sont formidables, mais il ne s'agit tout de même pas d'un énorme volume d'échanges commerciaux. Si cela nous permet d'améliorer nos relations et si cela aide les deux parties — chacune aux prises avec un gros problème — à réfléchir à des façons de collaborer ensemble sans toujours penser à la Chine ou aux États-Unis, alors j'estime que c'est une bonne chose.
    Les puissances moyennes trouvent des façons de maintenir l'unité du système commercial mondial, où les deux grandes puissances ne sont pas nécessairement présentes ou ne sont pas aux commandes. Je pense que nous pouvons apporter une contribution très positive.

  (1915)  

    Je vous remercie.
    Monsieur Nagy, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Lorsque nous parlons de diversification du commerce, nous devons probablement envisager une approche sectorielle. L'Ouest canadien a des avantages comparatifs différents, avec des ressources énergétiques et agricoles qui sont certainement nécessaires dans toute la région, mais les services et autres produits pouvant être livrés au Canada pourraient mieux convenir à l'Asie du Sud-Est.
    Je pense que nous avons besoin d'une approche plus nuancée pour réfléchir à ce que nous entendons par diversification, mais nous avons aussi besoin d'un gouvernement fédéral qui va libérer certaines des ressources inexploitées qui existent au Canada.
    À l'heure actuelle, en ce qui concerne l'énergie, l'infrastructure de sécurité essentielle et les minéraux critiques, c'est un domaine qui intéresse beaucoup de pays de la région, mais ces derniers trouvent frustrantes les politiques actuelles du gouvernement fédéral parce qu'ils ne sont pas en mesure d'obtenir le genre de ressources permettant d'assurer une plus grande sécurité économique pour les partenaires de la région. Soyons très clairs: cela ne sert pas les Canadiens non plus.
    Je vous remercie.
    L'une de mes prochaines questions — et je vais peut-être commencer par vous, monsieur Nagy — concerne les risques pour les entreprises canadiennes. Nous avons parlé du travail forcé, et il y a eu quelques observations à ce sujet. Jusqu'à présent, la seule mesure législative qui a été présentée par le gouvernement canadien est le projet de loi S‑211, que le NPD n'a pas appuyé parce que nous pensions que c'était loin d'être suffisant. On nous a dit que d'autres projets de loi seraient présentés. Jusqu'ici, rien de tel n'a été fait.
    Quels sont les risques pour les entreprises canadiennes? Quels sont les risques que des marchandises issues du travail forcé se retrouvent dans nos chaînes d'approvisionnement, et que devrait faire le Canada pour y mettre fin?
    En général, je pense que des enjeux comme le travail forcé sont des questions d'ordre moral, mais je crois que les risques réels pour les entreprises canadiennes mettent en cause les chaînes d'approvisionnement, les voies de communication maritimes et, advenant un conflit cinétique dans la région, cela perturbera l'exportation de technologies essentielles, comme les semi-conducteurs, vers les secteurs manufacturiers au Canada.
    Permettez-moi de vous donner un exemple. Bien entendu, les semi-conducteurs sont à la mode, mais en réalité, ils sont destinés aux usines d'automobiles qui fabriquent des voitures au Canada et qui emploient des Canadiens. Si un problème dans le détroit de Taïwan ou dans la mer de Chine méridionale perturbe ces voies de communication maritimes, cela aura une incidence sur l'industrie automobile au Canada et sur les perspectives économiques des citoyens canadiens.
    Je pense que nous devons examiner la question plus en profondeur. Toutes les entreprises au Canada qui utilisent des produits de la région — minéraux critiques, lithium, semi-conducteurs ou petites pièces — seront touchées par un conflit quelconque à l'intérieur de la région.
    Je ne veux pas minimiser la question du travail forcé, car je suis d'avis que c'est vraiment important, mais malheureusement, je pense qu'il s'agit d'une question d'ordre moral que nous ne pouvons pas régler. Je le répète, nous devons réfléchir aux défis liés aux voies de communication maritimes et à la militarisation des chaînes d'approvisionnement.
    Je vous remercie beaucoup de cette question fort judicieuse.
    Merci, madame McPherson. Vos six minutes sont écoulées.
    Nous passons maintenant à M. Chong, qui dispose de cinq minutes tout au plus.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser une question à Mme Lilly.
    Étant donné que vous avez conseillé l'ancien premier ministre dans le dossier des affaires étrangères et du commerce international, j'aimerais vous poser une question sur les exportations de gaz naturel liquéfié.
    Comme vous le savez, il y a 15 ans, les États-Unis n'exportaient pratiquement pas de gaz naturel liquéfié. J'ai vérifié, et l'an dernier, ils en ont exporté environ 4 500 milliards de pieds cubes. Il n'est pas inconcevable que le Canada puisse en exporter autant, ce qui ajouterait près d'un demi-point de pourcentage au PIB, voire plus.
    Si vous travailliez dans le cabinet d'un premier ministre, quels changements législatifs, réglementaires et administratifs, c'est‑à‑dire liés à l'appareil gouvernemental, faudrait‑il apporter pour que nous puissions exporter 4 500 milliards de pieds cubes de gaz naturel liquéfié? Commençons peut-être par l'appareil gouvernemental.

  (1920)  

    Certaines de ces questions dépassent mes compétences. Je peux certainement parler de l'aspect commercial des choses et de certains des éléments réglementaires.
    Il est utile que tout le monde soit au même diapason. Cela concerne l'ensemble des ministères et des partenariats fédéraux-provinciaux, de même que les municipalités et les populations autochtones, car il faut veiller à ce que les Autochtones puissent également en bénéficier. Il est vraiment impératif que tout le monde rame dans la même direction. À mon avis, ce n'est pas ce qui se passe actuellement.
    Par ailleurs, je ne sous-estimerais pas l'importance du discours tenu aux plus hauts échelons. C'est vraiment important. Lorsque les premiers ministres reçoivent la visite de chefs d'État étrangers qui demandent du gaz naturel liquéfié et qu'ils affirment que nous avons abandonné cette exploitation et que ce n'est pas rentable, c'est incroyablement dommageable non seulement pour cette relation, mais pour le reste du monde, qui nous regarde aussi.
    Je sais que votre question porte précisément sur le gaz naturel liquéfié, mais l'autre préoccupation que j'ai à ce sujet, c'est que la même expérience et la même mentalité de tous ceux qui nous regardent seront alors transférées à l'approche actuelle du Canada en matière de minéraux critiques. Ils se disent: « Eh bien, ils ne peuvent pas construire ce pipeline et ils ont dû le vendre au gouvernement, en plus d'avoir annulé plusieurs projets de gaz naturel liquéfié. Maintenant, ils prétendent s'intéresser aux minéraux critiques parce que c'est le bon type d'énergie, mais nous sommes à peu près certains qu'ils ne pourront pas faire adopter tous ces processus réglementaires. » Il ne semble pas y avoir de sentiment d'urgence quant à la nécessité d'agir bien plus rapidement. Il est important que tous ces éléments aillent de pair.
    Ce sont là deux ou trois choses que je dirais du point de vue du commerce.
    Je remarque que, dans d'autres pays, les gouvernements participent beaucoup plus directement que nous aux importations et aux exportations de gaz naturel liquéfié. Le gouvernement allemand a directement ordonné la construction de six nouvelles installations de gaz naturel liquéfié, dont certaines ont déjà été mises en service. Il y a environ un mois, je crois, le gouvernement du Japon a ordonné à Mitsubishi de signer des contrats d'importation à long terme de gaz naturel liquéfié. Au Canada, il n'y a habituellement pas de relation étroite entre le gouvernement et le secteur pétrolier et gazier, comme c'est le cas à l'extérieur de l'Amérique du Nord.
    Je me demande comment nous pouvons amener le gouvernement et l'industrie à collaborer plus étroitement pour répondre, selon moi, aux intérêts stratégiques du Canada en matière de défense et de sécurité, c'est‑à‑dire pour acheminer davantage de gaz naturel liquéfié vers les marchés mondiaux, en particulier vers des alliés comme le Japon et l'Allemagne, et réduire la dépendance à l'égard d'États autoritaires pour ces approvisionnements énergétiques essentiels. Je me demande quels changements doivent être apportés à l'appareil gouvernemental, aux règlements et aux lois pour que nous puissions commercialiser nos produits aussi rapidement que des pays comme le Japon et l'Allemagne.
    Je pense que c'est en grande partie une question de volonté politique. J'ai été très impressionnée par la rapidité avec laquelle le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, M. Champagne, a fait preuve de volonté politique à l'égard des usines de batteries pour véhicules électriques. Nous avons constaté une évolution rapide des approbations réglementaires dans tous les ministères du gouvernement et une collaboration avec les provinces. Cela s'est produit très rapidement — à la vitesse de l'éclair, selon les normes canadiennes. Je pense donc que c'est tout à fait possible. Cependant, je suis d'accord: on ne semble pas avoir accordé la même priorité aux ressources naturelles.
    Merci, monsieur Chong.
    Nous passons maintenant à Mme Yip, qui dispose de cinq minutes tout au plus.
    Je vous remercie tous les deux d'être des nôtres ce soir.
    Madame Lilly, vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire que, contrairement aux États-Unis, qui ont pris des mesures pour réduire les risques liés aux chaînes d'approvisionnement, le Canada s'est contenté de réagir. Quelles mesures le Canada pourrait‑il prendre pour être plus proactif dans ce domaine?

  (1925)  

    Je pense que le gouvernement du Canada peut prendre un certain de nombre de mesures à cet effet. Mais tout d'abord, il faut avoir la volonté d'identifier les problèmes, et y mettre les ressources financières nécessaires. Le Canada a tendance à adopter une approche réactive, en ce sens qu'il s'appuie sur les rapports d'attestation volontaire concernant le contenu des importations en provenance de la Chine. Nous tendons à croire sur parole les exportateurs chinois, alors que nous devrions plutôt mener des enquêtes proactives afin d'analyser la provenance de ce type d'importations.
    Le Canada se doit notamment d'enquêter sur les contrats accordés à des entreprises qui sont liées à l'utilisation du travail forcé en Chine. L'année dernière, le Globe and Mail a publié un article — dont je n'ai pas encore eu l'occasion de vérifier la véracité — rapportant que les États-Unis étaient intervenus pour mettre fin à 1 300 livraisons en provenance de Chine pour cause de travail forcé. Par contraste, le Canada n'aurait effectué qu'une seule intervention en ce sens. Ces statistiques ne font tout simplement aucun sens; en matière d'importations chinoises, on compte une livraison au Canada pour dix livraisons aux États-Unis. Logiquement, le Canada aurait dû mener au moins 130 interventions. Si nous n'enquêtons pas sur les cas de travail forcé, nous n'allons rien découvrir. Nous ne pouvons pas nous contenter de croire aveuglément les rapports d'entreprises pour nous donner un portrait réel de la situation.
    Nous devons également réfléchir à un certain nombre d'autres mesures. Je rappelle d'ailleurs que le Canada et les États-Unis ont déjà mis sur pied une équipe d'enquête bilatérale pour étudier les chaînes d'approvisionnement. J'attends avec impatience de consulter les rapports de cette équipe concernant plusieurs aspects de la chaîne d'approvisionnement intégrée.
    Vous proposez donc que le Canada prenne des mesures avec plus de mordant?
    Tout à fait. Si le gouvernement du Canada se soucie réellement des enjeux dont nous venons de discuter, alors il doit poser des gestes concrets. Dans le cas contraire, nous devrions tout simplement arrêter d'en parler. Voilà ce que je pense sincèrement.
    Monsieur Nagy, vous avez proposé que le Canada établisse des accords minilatéraux pour aborder certains enjeux spécifiques, y compris la désinformation. Je crois que vous avez mentionné Taïwan et l'Australie comme partenaires potentiels dans ce domaine. De quelle manière le Canada pourrait‑il collaborer avec ces deux partenaires et d'autres pays du bassin indo-pacifique pour contrer la désinformation?
    Je vous remercie pour votre question, madame Yip.
    Tout d'abord, je crois que nous devons reconnaître Taïwan pour ce qu'elle est, c'est‑à‑dire une entité politique. Le Canada respecte la « politique d'une seule Chine », il me semble important de le rappeler. Taïwan, étant située en première ligne de la désinformation du régime chinois, et possédant de l'expérience en la matière, s'est dotée d'institutions pour y faire face. Ainsi, Taïwan est tout à fait en mesure de nous aider à contrer les campagnes de désinformation auxquelles nous sommes confrontés dans le cadre de nos relations avec la Chine.
    J'ai également parlé de la Corée du Sud, qui est confrontée à une entreprise de désinformation menée par son voisin du Nord.
    Je pense que le Canada aurait tout à fait avantage à tirer parti des différentes expériences vécues par ces pays qui doivent régulièrement faire face à de la désinformation. Nous devons nous en inspirer pour identifier les sources de désinformation et nous doter de moyens efficaces pour nous protéger. J'inclus l'Australie, car ce pays a dû bâtir sa propre stratégie de gestion de la désinformation en raison de relations difficiles avec la Chine au cours des dernières années. En résumé, voilà pourquoi je préconise la mise en place d'un partenariat entre le Canada, Taïwan, la Corée du Sud, le Japon, l'Australie et les États-Unis. Nous devons mettre en commun trois éléments: les stratégies de désinformation que nous avons identifiées, les processus de protection face à la désinformation, ainsi que la manière de sensibiliser nos populations à la désinformation présente sur le Web.
    En résumé, c'est ainsi que j'envisage la mise en place d'un partenariat minilatéral avec les pays et les entités politiques dont j'ai parlé.
    Je vous remercie.
    Je cède maintenant la parole à M. Bergeron pour deux minutes et demie.

[Français]

     Monsieur Nagy, je ne sais pas si vous vous souvenez de ma dernière question, mais le temps est maintenant venu d'y répondre.

[Traduction]

    Oui, je me souviens de votre dernière question.
     Honnêtement, je suis d'avis que le Canada aurait avantage à miser sur une image de marque axée sur ses avantages comparatifs. À l'heure actuelle, la Fondation Asie Pacifique du Canada mène des initiatives prometteuses en matière de technologies liées à l'agriculture en Asie du Sud-Est. Je pense que le Canada devrait également tabler sur ses autres avantages comparatifs, notamment l'éducation, l'énergie et les minéraux critiques. Le Canada doit forger une marque distincte, et se positionner dans cette région du monde en tant que fournisseur de services réputé pour sa fiabilité et son excellence. Nous devons nous distinguer des États-Unis, tout en maintenant des relations harmonieuses avec cet allié.
     Comme je l'ai dit, l'éducation, les minéraux critiques, les technologies liées à l'agriculture et les technologies liées à la lutte aux changements climatiques sont autant d'avantages clés qui permettront au Canada de se créer une image de marque gagnante en Asie du Sud-Est.

  (1930)  

[Français]

    Que diriez-vous de cette prétention selon laquelle le Canada aurait échoué à deux reprises à obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations unies parce que, dans les pays en développement, il est de plus en plus perçu comme une espèce d'extension des États-Unis sur un certain nombre de problèmes dans le monde, notamment le conflit israélo-palestinien?

[Traduction]

    Je pense que les relations entre le Canada et plusieurs pays se sont progressivement dégradées, car notre approche par rapport à divers enjeux n'est plus fondée sur des principes. Ce problème n'est pas tant lié aux États-Unis, mais bien au bilan qu'affiche le Canada pour les 15 dernières années.
     Vous avez mentionné le conflit à Gaza, qui constitue un exemple pertinent. Sur quels principes repose la position du Canada par rapport à ce conflit? Les pays en voie de développement perçoivent de moins en moins le Canada comme un pays neutre et indépendant sur ce genre d'enjeux. Nous ne sommes plus considérés comme un médiateur honnête entre les États-Unis et le reste du monde. Nous devons revenir à nos principes fondateurs et retrouver notre indépendance d'action, au lieu de nous aligner systématiquement sur les intérêts américains.
    Toutefois, soyons clairs sur un point: le Canada doit s'aligner sur les États-Unis dans de nombreux domaines, car nos économies sont étroitement liées. Par ailleurs, nos deux pays partagent de nombreux référents culturels, et respectent la primauté du droit. Par conséquent, je pense qu'il est tout à fait naturel pour le Canada de s'aligner avec son voisin du Sud sur un grand nombre d'enjeux.
    Je vous remercie, monsieur Bergeron.
    Je cède maintenant la parole à Mme McPherson pour deux minutes et demie, tout au plus.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Nagy, j'aimerais commencer avec vous.
    Vous avez affirmé que le travail forcé est une question d'ordre moral. Je me permets de revenir sur ce point. Je pense qu'il s'agit également d'une question d'ordre économique, car le reste du monde considère de moins en moins que notre pays est capable de défendre ses propres principes, comme vous l'avez dit.
    Madame Lilly, vous avez parlé du rôle que le Canada doit jouer au sein de l'ordre mondial. Je pense qu'il serait très dangereux pour nous d'abandonner nos responsabilités sur la question du travail forcé et des droits de la personne en général. Alors que la Chine continue de s'implanter de manière agressive en Afrique subsaharienne et en Amérique du Sud, le Canada ne cesse d'y perdre de l'influence. Cette situation n'est pas seulement problématique sur le plan éthique, mais pose un risque économique considérable pour notre pays.
    J'aimerais d'abord entendre Mme Lilly à ce sujet. Si le temps nous le permet, je serais heureuse de céder ensuite la parole à M. Nagy.
    Je pense qu'il s'agit évidemment d'une question à la fois morale et économique pour des raisons que nous connaissons tous. L'esclavage moderne et le travail forcé sont des réalités horribles, mais pour les pays qui les pratiquent, cela se traduit par une baisse considérable des coûts de production.
    Pour ce qui est des minéraux critiques par exemple, nous savons qu'une grande partie du cobalt est extraite par des enfants réduits en esclavage au Congo et dans d'autres pays d'Afrique subsaharienne. Cette forme d'exploitation est révoltante, et nous devons la combattre pour toutes les bonnes raisons. Toutefois, bien qu'il soit gênant d'en parler, je dois rappeler une réalité économique importante: la production de cobalt à bas coût réduit artificiellement son prix sur les marchés internationaux, ce qui désavantage le Canada. Je ne veux pas tout réduire à de simples enjeux économiques, mais nous devons prendre conscience que tout cela est lié.
     Il est essentiel pour nous d'aborder ce genre de problèmes, tant pour des raisons morales que économiques.
    Je vous remercie, madame McPherson.
    Chers collègues, il nous reste du temps pour deux séries de questions. Nous allons commencer avec M. Chong, pour cinq minutes tout au plus.
    Je pense que M. Seeback souhaite commencer.
    Monsieur Seeback, vous pouvez y aller.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     J'ai beaucoup de questions en tête, et il est difficile d'en choisir une seule.
    Madame Lilly, devrait‑on prioriser le PTPGP ou les accords de libre-échange ponctuels avec les pays de la région indo-pacifique? Est‑il préférable d'intégrer de nouveaux membres au PTPGP, ou de poursuivre des accords commerciaux ponctuels?

  (1935)  

    Ne vous inquiétez pas de manquer de temps, je vais répondre à vos questions en allant droit au but. Selon moi, nous devons laisser de côté les accords commerciaux ponctuels et miser sur le PTPGP. Comme le PTPGP est un traité de première génération, les pays signataires sont soumis à des normes particulièrement élevées. Nous devrions maintenir nos liens commerciaux avec les pays qui sont en mesure de respecter ces normes. Toutefois, je ne vois pas quel serait notre avantage de conclure des accords de libre-échange avec les pays qui ne respectent pas les règles du jeu.
    Je vous remercie.
    En ce qui concerne le commerce avec la Chine, quelle est, selon vous, la meilleure voie à suivre pour le Canada? Je sais que nous ne pourrons pas conclure un accord comme celui que les États-Unis ont obtenu lors de leur première phase de négociation. Toutefois, étant donné nos nombreux irritants commerciaux avec la Chine, et la capacité des Chinois d'imposer leurs clauses de manière unilatérale, quel serait le meilleur moyen d'obtenir un accord commercial le plus avantageux possible, si une telle chose est possible?
     Je ne suis pas certaine que nous sommes en mesure de remporter cette partie. Je pense bien franchement que la Chine continuera d'importer des produits canadiens tant et aussi longtemps que cela servira ses intérêts.
    À l'heure actuelle, le Canada est soumis au tarif NPF de l'OMC, qui est assez bas pour la plupart des produits. Nous pourrions conclure des accords commerciaux sectoriels très précis. De tels accords sont techniquement censés être illégaux aux yeux de l'OMC, mais les États-Unis n'en font qu'à leur tête, et cela semble leur réussir jusqu'à présent.
    Si la Chine le souhaite également, nous pourrions conclure des accords sectoriels dans des domaines précis comme l'agriculture, les produits carnés et les minéraux. Mais si la Chine refuse de s'engager dans cette voie, je pense que nous devrions maintenir le statu quo.
     Pour revenir rapidement sur la question du travail forcé, je sais que l'ACEUM contient des dispositions qui interdisent l'importation de produits fabriqués par le travail forcé. Les États-Unis ont dressé une liste d'entreprises à surveiller. Ainsi, dès que les Américains soupçonnent qu'une entreprise intégrée à leur chaîne d'approvisionnement a recours au travail forcé, les liens commerciaux sont rompus jusqu'à ce que les dirigeants de cette entreprise parviennent à prouver leur innocence.
    De son côté, le Canada n'a pas créé une liste semblable. Lorsqu'une situation paraît problématique, il incombe à l'ASFC de prouver que tel ou tel produit a été fabriqué au moyen du travail forcé.
    Si l'on me passe l'expression, il serait sans doute temps pour le gouvernement canadien de se déniaiser. Pourquoi ne pas nous inspirer du système américain, et exclure tout produit fabriqué au moyen du travail forcé de notre chaîne d'approvisionnement?
    S'il existe des preuves que le travail forcé constitue une pratique courante au sein de certaines régions bien précises, alors en effet, je préconise moi aussi la création d'une liste négative comme l'ont fait les États-Unis. Je connais la position du gouvernement canadien sur le sujet et je ne suis donc pas surprise qu'il hésite à mettre en place une telle liste. Cela dit, je suis d'accord avec vous, et je pense que le Canada aurait avantage à faire preuve d'un peu de maturité.
    Voilà qu'on entre dans le vif du sujet. Êtes-vous familière avec l'origine de cette liste des entreprises à surveiller établie par les États-Unis?
    Je suis familière avec la liste, mais j'ignore de quelle manière elle a été établie.
    Les États-Unis demeurent l'un de nos plus proches alliés. Ainsi, pensez-vous qu'il serait judicieux que le Canada envisage de se procurer la liste des entités dressée par les Américains? Cela me paraît une solution très simple au problème.
    Effectivement, il m'apparaît logique d'utiliser la liste américaine, ou du moins de suivre un processus similaire. Lors des négociations de l'ACEUM, le transbordement de l'acier chinois s'est avéré un véritable sujet de discorde entre le Canada et les États-Unis. Pour résumer l'affaire, les États-Unis craignaient que leurs importations d'acier transitent par le Canada.
    Nous ne pouvons pas nous permettre d'interrompre les exportations canadiennes destinées aux États-Unis en raison de préoccupations américaines. Par exemple, il est possible que des produits issus du travail forcé continuent de transiter par le Canada. Nous devrions tout faire pour éviter qu'une telle situation se produise, tant pour des motifs éthiques évidents que pour protéger directement nos intérêts.
    Votre temps de parole est presque écoulé.
    D'accord.
    En fait, comme il ne vous reste que quelques secondes à peine, nous allons passer au prochain intervenant.
    Je cède maintenant la parole à M. Fragiskatos pour cinq minutes tout au plus.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens d'abord à remercier nos deux invités de leur présence ici.
    Madame Lilly, j'ai trouvé votre présentation particulièrement intéressante. J'ai l'habitude de laisser aux témoins, s'ils le souhaitent, la possibilité de résumer leur principal argument et de formuler une recommandation qu'ils jugent essentielle pour le Comité et pour le gouvernement.
    Je suis conscient que je vous oblige probablement à répéter certains éléments de votre témoignage, mais comme beaucoup de choses ont été dites depuis, je voulais vous offrir cette possibilité.

  (1940)  

    Bien sûr. Merci pour votre question.
    S'il y a une chose que j'aimerais que le Comité retienne, c'est que la diversification de nos activités commerciales internationales passe avant tout par les États-Unis. Même si cette réalité semble une évidence, nous avons tendance à l'oublier. Toute forme de diversification du commerce doit se faire d'une manière qui ne nuit pas à notre relation privilégiée avec notre voisin du Sud.
    Nous devons également être beaucoup plus réalistes en ce qui concerne la résilience de nos chaînes d’approvisionnement, et l'interdépendance toujours plus importante entre la sécurité nationale et la sécurité économique. Le Conseil canadien des affaires a d'ailleurs publié un rapport à ce sujet. Si le monde des affaires est en train de prendre conscience de cette réalité, alors les décideurs politiques doivent également en prendre acte. Nous devons continuer de développer des relations commerciales avec les pays de la région indo-pacifique d'une manière cohérente avec tous les éléments dont j'ai parlé.
    Je sais que les chercheurs se demandent parfois avec une certaine inquiétude si les gens lisent réellement leurs articles. Je vois que vous avez publié en 2017 un article intitulé « How Demographic Transition Can Help Predict Canada-U.S. Trade Relations in 25 Years ». C'est un article très intéressant, et je tiens à vous rassurer que les gens consultent bel et bien vos travaux.
    Je sais qu'il s'agit d'une question très générale, mais pensez-vous que la compréhension de la démographie du Canada puisse éclairer notre réflexion concernant les relations sino-canadiennes?
    Oui, tout à fait. Je crois que nous sous-estimons trop souvent l'importance de la démographie et du vieillissement des populations. Selon plusieurs experts, l'économie de la Chine pourrait déjà être sur le point d'amorcer un déclin en raison de la population vieillissante de ce pays. Si l'on considère le profil démographique vieillissant de la Chine, c'est tout à fait logique.
    Par contraste, le profil démographique particulièrement dynamique du Mexique m'indique que ce pays connaîtra probablement une forte croissance économique. Par conséquent, le Canada aurait avantage à prendre conscience du potentiel de ce partenaire économique.
    Merci beaucoup.
    Permettez-moi de m'adresser à M. Nagy.
    La semaine dernière, monsieur Nagy, nous avons reçu un autre témoin venant de la Paterson School, M. Hampson, qui nous a dit de ne pas nous inquiéter à propos des pays BRICS. Il s'agit du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud, évidemment. L'alliance, si on peut l'appeler ainsi, a pris un peu d'expansion récemment. Il a dit de ne pas s'en inquiéter maintenant, mais que le Canada pourrait devoir s'en inquiéter dans cinq ans et planifier en conséquence. C'était son argument de base.
    Que pensez-vous d'un tel argument? Je pense que nous devons garder ces questions à l'esprit pour la suite des choses.
    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Je pense que l'élargissement du comité des BRICS vise à créer des solutions de rechange à la devise américaine, qui est l'une des monnaies de réserve mondiales, et à peut-être l'internationaliser un jour par l'entremise de l'amendement B.
    En réalité, cependant, si on examine l'hétérogénéité des BRICS et l'élargissement de ses membres, je ne pense vraiment pas qu'ils offrent le genre de fondement économique qui serait une solution de rechange viable au dollar américain comme monnaie de réserve mondiale dans 5 ou 10 ans. Peuvent-ils apporter des changements substantiels dans chacun de ces pays pour qu'ils soient plus fiables et plus stables afin de pouvoir créer une solution de rechange viable à la monnaie de réserve des États-Unis? C'est possible, mais il faut que beaucoup d'étoiles s'alignent pour que cela se produise.
    Alors que le Canada se tourne vers les BRICS et leur capacité d'être une solution de rechange viable à un système financier mondial dirigé par l'Occident ou les États-Unis, je pense que nous devrions être plus conscients de la manière dont les BRICS représentent l'hémisphère Sud ou les pays en développement, et du fait qu'ils pourraient avoir une position sur l'orientation de certains choix au sein des institutions internationales comme les Nations Unies.
    Je suis un peu plus pessimiste quant à la possibilité que les BRICS constituent une solution de rechange financière viable à l'ordre financier actuel dirigé par les États-Unis, tout en admettant qu'ils ont une influence accrue et qu'ils peuvent façonner l'hémisphère Sud, ce qui peut avoir une incidence sur l'engagement du Canada à l'échelle internationale.

  (1945)  

    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Voilà qui nous amène à la fin de notre premier groupe de témoins.
    Madame Lilly, je vous remercie de votre temps.
    Monsieur Nagy, ce doit être l'heure des poules là où vous vous trouvez en ce moment. Vous avez l'air étonnamment pimpant pour l'heure qu'il est chez vous. Vous pouvez aller déguster une bonne tasse de café ou autre chose et entreprendre le reste de votre journée.
    Merci à vous deux d'avoir comparu.
    Je vous remercie.
    Nous suspendrons la séance pendant que nous nous préparons à accueillir notre prochain groupe de témoins.

  (1945)  


  (1950)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Je souhaite la bienvenue à tous alors que nous accueillons notre deuxième groupe de témoins.
    Nous avons reçu un témoin de Tokyo dans le premier groupe, et maintenant, dans le deuxième groupe, nous accueillons une témoin de la Grande-Bretagne. Nous étirons beaucoup le calendrier et les fuseaux horaires ce soir.
    Nous recevons, par vidéoconférence, Cleo Paskal, chercheuse associée de la Chatham House du Royal Institute of International Affairs, à Londres, au Royaume-Uni; Ann Fitz-Gerald, directrice de la Balsillie School of International Affairs; ainsi que Deanna Horton, membre émérite de la Munk School of Global Affairs and Public Policy de l'Université de Toronto, qui témoigne à titre personnel par vidéoconférence.
    J'espère que les personnes qui témoignent par Zoom ont reçu les informations concernant l'interprétation si elles en ont besoin, ainsi que sur la fonction « Lever la main » et tout le reste. Vous êtes prêtes à commencer. Excellent.
    Madame Paskal, nous commencerons par vous. Vous disposez de cinq minutes.
    Je tiens à préciser que, ayant eu assez de la météo britannique, je suis maintenant à Miami.
    Vous venez de perdre le vote de sympathie.
     Des députés: Ha, ha!
     Le président: Tant mieux pour vous.
    Monsieur le président, distingués vice-présidents et membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui. Je vous remercie également de servir la démocratie. Vous formez un excellent comité, qui est fort inspirant.
    Je commencerai par expliquer de façon très générale comment, selon moi, le Parti communiste chinois, ou PCC, perçoit le monde. Avec cela à l'esprit, je formulerai quelques suggestions sur la façon dont le Canada pourrait s'impliquer dans un domaine précis.
    Pour comprendre les stratégies du PCC, il est utile de comprendre deux termes couramment employés dans les groupes de réflexion de la République populaire de Chine, ou RPC. Le premier est le pouvoir national global, abrégé sous la forme de PNG.
    Le groupe de réflexion de ce qui est l'équivalent d'un ministère de la Sécurité d'État en Chine décrit le PNG comme étant « la somme totale des pouvoirs ou des forces d'un pays dans les domaines de l'économie, des affaires militaires, des sciences et de la technologie, de l'éducation et des ressources, et de son influence ». C'est une définition très large adoptée par Pékin dans les années 1990. Les chercheurs de la RPC calculent obsessivement la note PNG de chaque pays. Comme l'a expliqué le capitaine Moreland, qui a servi d'agent de liaison de la Garde côtière américaine avec Pékin: « pour le Parti communiste chinois, le pouvoir national global exprimé sous la forme de note PNG est un objectif en soi et la poursuite du PNG justifie pratiquement tout ».
    Outre sa survie continue, le PCC veut principalement que la Chine soit le premier pouvoir national global du monde. Comme les notes sont relatives, il peut atteindre son objectif soit en surpassant ses concurrents, soit en réduisant leur pouvoir pour être comparativement en meilleure position.
    Pour accroître son propre pouvoir national global tout en diminuant celui des autres, la RPC recourt à une guerre sans restriction. C'est le deuxième terme de la RPC dont il faut se souvenir. En 1999, deux colonels de l'Armée populaire de libération, ou APL, ont écrit un livre portant le même nom. Ils y décrivent en détail une approche voulant qu'« aucune règle ne s'applique » quand on cible un ennemi. Cela ne signifie pas que les combats réels soient négligés. Les combats réels ne sont que l'une des nombreuses armes que la RPC utilise, guidée par des perceptions d'efficacité plutôt que par la moralité ou le droit.
    Le livre des colonels décrit en détail 24 guerres différentes, y compris la guerre juridique, que nous appelons guerre du droit, la guerre des médias et la guerre de la drogue. Par exemple, la guerre de la drogue peut consister à prendre le contrôle des chaînes d'approvisionnement médicales pour accroître son pouvoir national global par rapport à un pays qui dépend de nous pour ses produits pharmaceutiques, ou à inonder des pays cibles de fentanyl pour les affaiblir et réduire leur pouvoir national global de l'intérieur.
    Le Parti communiste chinois recourt à une guerre sans restriction pour accroître son pouvoir national global relatif. C'est le concept qui relie tout, que ce soit les îles artificielles de la mer de Chine méridionale, les nouvelles routes de la soie ou les efforts pour rendre les adolescents canadiens accros à TikTok.
    Qu'est‑ce que cela signifie pour l'engagement mondial du Canada? Premièrement, il faut admettre que tout bon plan, tout ce qui renforce la résilience et la sérénité d'un pays, sera perçu par Pékin comme une diminution de la note PNG de la RPC et sera probablement attaqué. Cela signifie que tout ce qu'on essaie de bâtir devrait inclure un plan pour le protéger et bloquer l'influence malveillante. Nous avons besoin d'une approche « bloque et bâtit ».
    Pour ce qui est de l'engagement du Canada, penchons-nous sur une région géographique précise, l'Océanie, y compris les îles du Pacifique. Il s'agit de la ligne de front stratégique contestée entre l'Asie et les Amériques. Si la Chine en prend le contrôle, elle peut isoler Taïwan, le Japon, la Corée du Sud et l'Australie, et repousser les États-Unis à Hawaï, comme le Japon impérial a tenté de le faire en contrôlant ses îles pendant la Seconde Guerre mondiale. À l'inverse, si les démocraties s'épanouissent, la région indo-pacifique demeurerait libre et ouverte. Les enjeux ne pourraient être plus élevés.
    Dans ce contexte, il y a essentiellement trois façons pour le Canada de s'engager à l'échelle internationale. Premièrement, il doit s'associer à des forums multilatéraux existants, comme le Forum des îles du Pacifique. Deuxièmement, il doit se joindre à un nouveau consortium assez tôt pour en façonner le développement dès le départ. Par exemple, c'est ce qui se serait passé si nous nous étions joints au Quad ou à l'AUKUS. Troisièmement, il faut agir bilatéralement, de peuple à peuple, en misant idéalement sur les forces propres au Canada.
    Bien que les trois aspects soient importants, il pourrait être utile de consacrer plus de temps aux relations bilatérales, même si elles sont souvent les dernières sur la liste. Cela montrerait aux partenaires que le Canada n'est pas seulement une version faible de l'Australie, mais qu'il a quelque chose de spécial à offrir.
    Par exemple, il existe des liens culturels et historiques entre les Polynésiens et certaines Premières Nations, en particulier les Haïdas. Les dirigeants des Premières Nations et des Inuits connaissent et comprennent les défis auxquels font face les communautés tissées serrées qui vivent dans des endroits relativement isolés, bien souvent avec des lois foncières communautaires complexes. Un programme d'échange de connaissances entre ces nations et les peuples de l'Océanie serait avant-gardiste et renforcerait la confiance et la résilience, ce que peu de gens, pas même le PCC, peuvent offrir.
    Le Canada a également l'avantage potentiel de la langue. Certaines îles du Pacifique parlent anglais et d'autres, français. Il y a peu de recoupements entre les analyses anglaises et françaises. Le Canada, en particulier le Québec, pourrait mettre sur pied un centre mondial d'excellence d'analyse océanienne bilingue qui pourrait accueillir des chercheurs invités de la région, ainsi que des États-Unis, du Japon, de l'Inde et d'ailleurs. En prime, les citoyens francophones pourraient étudier aux cycles supérieurs au Québec en payant le même taux que les Québécois. Des étudiants de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie étudient déjà au Québec. La proximité du Québec avec Washington et les Nations Unies à New York constitue également un avantage. C'est le genre d'approche qui peut expliquer au monde pourquoi on peut compter sur le Canada.

  (1955)  

    Le PCC ne cessera pas de tenter d'accroître son pouvoir national global, notamment en recourant à une guerre sans restriction. Pour que la démocratie continue de s'épanouir dans la région indo-pacifique et au‑delà, nous devons bloquer et bâtir, idéalement en utilisant les outils qui sont typiquement et merveilleusement canadiens.
    Je vous remercie, vous et les excellents interprètes.
    Merci, madame Paskal.
    Nous entendrons maintenant Mme Horton, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

[Traduction]

    Distingués membres du Comité, je vous remercie de m'offrir l'occasion de comparaître devant vous ce soir.
    J'aimerais traiter principalement de trois grands thèmes.
    Premièrement, même si l'annonce de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique a été bien accueillie par de nombreuses parties prenantes, le Canada devrait déployer tous les efforts nécessaires pour assurer sa mise en œuvre et même aller plus loin afin de retrouver sa réputation de partenaire fiable qui a perdu de son lustre.
    Deuxièmement, l’activité croissante des États asiatiques, y compris la Chine, dans l’Arctique signifie que cette région fait de facto partie de l’Indo-Pacifique. Le Canada devrait donc intensifier ses efforts pour y soutenir le développement et la sécurité.
    Troisièmement, le Canada devrait miser sur ses relations avec les principaux alliés des États-Unis dans le Pacifique Nord, soit le Japon et la Corée, et travailler avec eux non seulement dans l'Arctique, mais aussi en Asie du Sud-Est, où ils sont d'importants investisseurs, et tirer parti de leur longue expérience des relations avec la Chine.
    Mon premier point, c'est que le Canada a une longue histoire d'allées-venues en Asie. La Stratégie pour l'Indo-Pacifique pourrait effectivement être un changement générationnel, mais son budget est modeste, et il peut être difficile de continuer d'obtenir du financement dans une ère de compressions budgétaires. Le Canada devrait maintenir le cap et tirer parti d'autres relations pour avoir une plus grande incidence.
    Dans ce contexte, j'aimerais souligner que le Canada en fait très peu pour exploiter un de ses atouts les plus importants en Asie, soit son importante diaspora asiatique et les anciens étudiants des universités canadiennes. Ces bassins de capital humain se révéleraient sans doute inestimables si nous leur demandions de s'impliquer et de nous faire bénéficier de leurs connaissances sur les marchés, les normes commerciales, la culture et les politiques locales de l'Indo-Pacifique. Nos représentants à l'étranger sont probablement déjà en contact avec certaines de ces personnes talentueuses, mais le gouvernement du Canada devrait encourager et soutenir ces démarches.
    Mon deuxième point, c'est que de nombreux Canadiens seraient surpris de savoir à quel point les pays asiatiques s'intéressent à l'Arctique. La Chine s'est déclarée un État quasi arctique ayant comme priorité le développement de ce qu'on appelle la route de la soie polaire. Le Japon est actif depuis longtemps dans l'Arctique, notamment sur les plans des activités scientifiques, de la recherche polaire et de l'innovation. Compte tenu des changements climatiques et de la possibilité d'utiliser davantage le passage du Nord-Ouest, la Corée du Sud mettra également l'accent sur la construction navale. Tous s'intéressent à l'exploitation des minéraux, y compris les minéraux critiques.
    Comme l'a déclaré la directrice et fondatrice de la Munk School, Janice Stein, lors d'une conférence l'an dernier, l'Arctique sera « le prochain grand objet d'investissement du Canada ». Cependant, bien que cette région soit au centre des intérêts canadiens, les investissements nécessaires dans les infrastructures et la sécurité dans l'Arctique n'ont pas encore été faits de façon significative. À mon avis, il serait avantageux à long terme pour le Canada d'investir davantage dans des technologies comme la reconnaissance spatiale et les drones, et de s'associer à l'OTAN et à d'autres partenaires pour renforcer la défense et la résilience économique dans l'Arctique.
    Mon troisième point, c'est que les stratégies pour l'Indo-Pacifique sont sans doute apparues pour contrer l'influence croissante de la Chine en Asie. Le Canada s'est joint à la lutte après de nombreux autres acteurs. Je crois que pour obtenir un impact maximal de façon durable, le Canada devrait s'allier à d'autres pays démocratiques, en particulier à des alliés des États-Unis comme le Japon et la Corée du Sud. Le sommet trilatéral qui a réuni les États-Unis, le Japon et la Corée du Sud en août 2023 était vraiment sans précédent. Il ne fait aucun doute que ce degré accru de collaboration est en partie motivé par la volonté non seulement d'améliorer la communication et l'interopérabilité, mais aussi de partager davantage le fardeau.
    Les États-Unis font face à des défis sur tous les fronts et aimeraient sans doute que le Canada assume sa juste part du fardeau dans l'Arctique, car cela pourrait libérer des ressources essentielles pour d'autres entreprises dans l'Indo-Pacifique. En outre, le Canada devrait profiter de l'innovation technique et de l'expertise commerciale du Japon et de la Corée pour élargir les possibilités dans l'Arctique et l'Indo-Pacifique, particulièrement en Asie du Sud-Est.
    Le Canada possède une expérience substantielle dans le cadre de ses relations avec les États-Unis, le Japon, la Corée et la Chine. Dans le contexte de changements potentiels dans le leadership des États-Unis en Asie, le Canada serait bien avisé de renforcer ces relations avec le Pacifique Nord.

  (2000)  

    Je vous remercie beaucoup. Ce sera avec plaisir que je répondrai à vos questions.
    Merci, madame Horton.
    Nous passons maintenant à Mme Fitz-Gerald, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président et honorables membres du Comité.
    Le monde a profondément changé. Le modèle de multilatéralisme axé sur l'ordre fondé sur des règles auquel le Canada a adhéré au fil des ans a été miné par la rivalité géopolitique et un ensemble de règles selon lesquelles le vainqueur rafle tout. La question est donc la suivante: quelle est la nouvelle stratégie pour les économies moyennes? À mon avis, puisqu'il ne peut pas s'agir du même modèle de multilatéralisme, c'est un point qui demeure indéterminé et indéfini.
    Il y a une deuxième guerre froide, qui découle d'une intrication plutôt que du découplage observé pendant la guerre froide. Nous vivons dans un monde où le pouvoir va à celui qui possède et contrôle les données et la propriété intellectuelle, où les gens se battent pour la propriété intellectuelle et les données dans une arène définie par un marché intangible plutôt que tangible et où la démocratie s'effrite en raison du gain privé. Nous avons donc besoin d'une stratégie et d'une orientation politique adaptées à cette réalité, en particulier dans le cadre des relations futures entre le Canada et la Chine.
    Pendant le temps qui m'est accordé, j'aimerais souligner que cette position exige à la fois qu'on réduise les risques dans les domaines où nous pouvons intervenir et qu'on se découple dans les domaines où, en raison des règles, des valeurs et des normes, on doit limiter son intervention. La nécessité de continuer à commercer avec la Chine et à dialoguer avec elle dans le cadre de forums internationaux signifie que notre capacité d’atténuer les risques dépend entièrement de notre capacité à les comprendre.
    Lorsque nous pensons à la Chine, nous devrions, à mon avis, penser à la propriété intellectuelle, aux données, à l'intelligence artificielle, à la démographie et aux corridors maritimes et terrestres. Malgré les défis démographiques que rencontrent les modèles économiques et politiques actuels de la Chine, ce pays a foncé tête baissée dans le domaine de la propriété intellectuelle liée à la technologie et a imposé ses propres normes de gestion de données afin de tirer profit des avantages à long terme d'autrui. Le Canada doit être concurrentiel dans ce domaine très complexe en ajoutant de la valeur à la chaîne d'approvisionnement mondiale grâce à ses propres progrès technologiques protégés par la propriété intellectuelle. Il pourrait ainsi ouvrir le dialogue et négocier avec force avec la Chine, et demeurer un acteur économique sérieux dans ce nouveau contexte mondial.
    Les puissances mondiales ont admis les risques associés aux corridors maritimes étroits comme le détroit d'Ormuz et la mer Rouge. On s'emploie à établir d'autres corridors. Les États-Unis cherchent à obtenir le soutien de l'Arabie saoudite dans le cadre d'un nouveau partenariat concernant un corridor maritime et terrestre entre l'océan Indien et la Méditerranée, tandis que la Chine investit des milliards de dollars dans un nouveau corridor commercial médian la reliant à l'Europe. La concurrence relative au corridor transcontinental se poursuit également sur le continent africain.
    À mesure que ces nouvelles routes se développeront, et compte tenu des défis auxquels la Chine sera inévitablement confrontée dans le cadre de la négociation de son corridor médian avec l'Europe, la Chine surveillera la manière dont les tendances climatiques rendront certaines parties de l'Arctique habitables au cours des 25 prochaines années et, forte de ses navires et de ses brise-glaces, elle planifiera en conséquence. La Chine viendra donc au Canada avec ses propres idées de gouvernance des océans dans l'Arctique et négociera en fonction de ces idées. Par ailleurs, la Chine conservera sa capacité de perturber considérablement l'Amérique du Nord au moyen des données, de l'intelligence artificielle, de la propriété intellectuelle, du cyberespace et même d'algorithmes sur TikTok.
    Le fait que nous devions travailler avec la Chine, lui acheter des choses et collaborer avec elle dans des dossiers comme le climat rend le contexte géopolitique difficile et complexe. La situation est encore plus grave pour les économies moyennes comme le Canada, qui sont plus vulnérables face aux tactiques géopolitiques d'autres pays.
    Sun Tzu disait qu'en cas de doute, il fallait s'élever. Maya Angelou a dit que lorsqu'on est mieux informés, on agit mieux. En ce qui concerne la relation du Canada avec la Chine, je pense que toutes les routes mènent à une considération prioritaire: le renforcement des capacités nationales. Voilà qui nous oblige à être honnêtes quant à la capacité de notre fonction publique de fonctionner dans un marché intangible et à nous demander si nous avons ou non les institutions nécessaires pour défendre nos intérêts dans ce monde intangible. Cette priorité, à mon avis, est une condition préalable à la mise en œuvre de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique du gouvernement.
    Nous avons besoin de bilinguisme intellectuel au sein de la fonction publique nationale et du secteur de la sécurité afin que la science des données, les mégadonnées, les algorithmes, l'intelligence artificielle, les TIC, les grands modèles langagiers, les capteurs et les appareils — qui sont tous, selon moi, les principaux catalyseurs qui font fonctionner les technologies émergentes et transformatrices — constituent le langage et les connaissances normalisés dans l'ensemble du gouvernement. Cela permettrait au Canada de plaider fortement en faveur d'une fonction publique internationale dans ce domaine multidisciplinaire.

  (2005)  

    Dans le cadre des affectations que j'ai effectuées en Europe, en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient au cours des 18 derniers mois, il m'est apparu évident que nous avons du travail à faire pour rattraper notre retard à l'égard des réalités mondiales. Nous devons également disposer d'un solide cadre de gestion des océans afin d'être en position de force pour négocier avec la Chine quand elle commencera à construire des infrastructures et à instaurer des corridors maritimes dans l'Arctique. Enfin, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour optimiser la force de notre réseau d'enseignement supérieur — lequel demeure, selon moi, l'un des instruments de pouvoir nationaux les plus puissants ici, au Canada — et protéger ce mécanisme central de leadership éclairé et de propriété intellectuelle en adoptant des stratégies efficaces, pertinentes et convenues par les pouvoirs centraux, comme un solide cadre de sécurité de la recherche.
    En conclusion, j'admets qu'il s'agit d'un terrain complexe et d'un problème épineux. En qualité de professeure et de chercheuse en sécurité internationale, j'ai dû apprendre et adapter mes connaissances, mes recherches et ma pédagogie d'enseignement à ces réalités. Je terminerai en disant que nous devons tous apprendre, élaborer des mécanismes pour le renforcement des connaissances et des capacités, et chercher à nous améliorer.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous passerons maintenant aux questions.
    Nous commencerons par M. Chong, qui dispose de six minutes.
    Je ne sais pas si l'une de nos témoins possède de l'expertise ou des connaissances à ce sujet, mais depuis que la question des chaînes d'approvisionnement a été soulevée, je me demande si l'une d'elles connaît LOGINK, le système de gestion logistique des ports et des données de la République populaire de Chine, qui est maintenant utilisé dans le monde entier. Cinquante pour cent des équivalents de conteneurs de fret sont expédiés par l'entremise de ce système logistique contrôlé par la RPC.
    Je ne sais pas si l'une de nos témoins connaît ce système. Si ce n'est pas le cas, je passerai à d'autres questions.

  (2010)  

    Je connais bien son imposition et l'instauration de sa stratégie en Afrique. Ce système repose sur le développement des infrastructures et un modèle financier très prédateur.
    Peut-être pourriez-vous nous en parler brièvement, alors.
    D'après ce que je comprends, ce système a été créé il y a une vingtaine d'années, à l'initiative du ministère des Transports de la République populaire de Chine. Au départ, il n'était accessible qu'aux ports de la RPC, où il avait des utilisateurs, puis il s'est depuis répandu dans le monde entier. Apparemment, il compte un demi-million d'utilisateurs. Deux douzaines de ports à l'extérieur de la République populaire de Chine y sont maintenant rattachés, et 50 % du trafic mondial de conteneurs transitent maintenant grâce à la logistique des données de ce système.
    Certains ont laissé entendre que c'est un énorme problème. Je me demande si vous pourriez nous dire à quel point ce système pose un risque et s'il faut lui trouver une solution de rechange, étant donné que les perturbations de la chaîne d'approvisionnement découlant de la pandémie ont montré à quel point nous sommes vulnérables si nous dépendons d'un seul point de défaillance.
    C'est un peu comme un vecteur de menace renforcé, je dirais, parce que la RPC a rendu un système logistique fonctionnel pour les intérêts nationaux dans un monde numérisé axé sur les données. Elle établit des normes pour la gestion de l'intelligence artificielle, des données et des algorithmes qui rendent ce réseau fonctionnel, et il étend ses tentacules. C'est un problème parce que ces menaces et ces nouveaux vecteurs de menace sont difficiles à contourner puisqu'ils se propagent par l'entremise des données et des moyens numériques.
    Je pense que le Comité est bien au fait de la stratégie de la nouvelle route de la soie en Afrique. Il s'agit d'un engagement à long terme qui nécessite des reçus pour la technologie, la propriété intellectuelle et les infrastructures qui sont mises en place. La capacité numérique axée sur les données de ce système renforce d'autant cette relation.
    Selon moi, cela renforce le vecteur de menace plutôt que de le réduire, et illustre la nature financière prédatrice de l'arrangement logistique.
    Je vous remercie.
    Je pense que le président a indiqué que d'autres témoins voudraient intervenir à ce sujet.
    Vous pouvez y aller.
    Merci beaucoup.
    Je voudrais ajouter que j'ai vu une démonstration de Maersk, qui a évidemment son propre système.
    Je conviens entièrement qu'un de nos plus grands défis consiste à contrer l'activité de la Chine dans la sphère numérique. J'ai écrit à ce sujet. Je pense que le Canada devrait s'associer à d'autres partenaires, car nous ne pouvons agir seuls. Je pense que nous devrions également veiller à ce que les technologies numériques soient transmises dans le cadre de l'aide au développement, parce qu'à l'heure actuelle, ce ne sont souvent que les Chinois qui offrent ces technologies.
    Nous possédons une expertise considérable que nous pouvons partager. Je pense que cela devrait vraiment faire partie de ce que nous faisons non seulement en Asie, mais aussi dans d'autres régions de l'hémisphère Sud.
    Madame Paskal, vous avez la parole.
    C'est tout à fait conforme à l'approche en matière de pouvoir national global, dans le cadre de laquelle on essaie de s'infiltrer partout où on peut dans les systèmes. Ce que nous surveillons davantage, ce sont les grues à quai. La Chine possède une entreprise, ZPMC, qui détient environ 80 % du marché de la grue à quai dans les ports du monde entier. C'est maintenant chose connue que ces grues sont dotées de capteurs qui leur permettent d'espionner les marchandises militaires et peuvent potentiellement être contrôlées à distance.
    Nous savons qu'au cœur des systèmes apparemment mécaniques des ports pourrait se trouver un contrôle chinois. C'est symptomatique de la façon dont les entreprises chinoises se sont intégrées dans les infrastructures essentielles, dont celles relatives à l'eau, à l'électricité, à la circulation et à tout le reste, de toute évidence.
    La logistique fait partie du problème dont vous parlez. Même si on ne prend que les infrastructures portuaires physiques, elles peuvent être potentiellement télécommandées et être utilisées comme plateformes de collecte de renseignements.

  (2015)  

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Fragiskatos pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie toutes d'être ici.
    Madame Fitz-Gerald, commençons par vous. Dans votre exposé, vous avez utilisé le terme « intrication » en ce qui concerne la Chine. Pouvez-vous réexpliquer ce que vous entendez par là?
    Oui. J'utilise ce terme pour parler des interactions. Il n'y a pas de divorce et de découplage complets, mais des interactions sociales, économiques, politiques et militaires. C'est pourquoi j'ai suggéré l'adoption d'une stratégie à deux volets, caractérisée par l'atténuation des risques et le découplage, mais pour gérer cette approche, il faut connaître les risques que nous devons atténuer.
    Fondamentalement, quels sont ces risques, selon vous?
    Je crois qu'en ce qui concerne les risques, il faut examiner les principaux catalyseurs des nouvelles technologies transformatrices pour voir comment ils sont appliqués à la technologie existante afin de les améliorer davantage. Les technologies qui en résultent ont une double utilisation. Il faut en adopter le côté bénéfique, tout en se protégeant de l'aspect néfaste.
    À mon avis, nous manquons de cadres de gouvernance, de reddition de comptes, juridiques et éthiques pour gérer la technologie qui est créée, et nous n'avons pas de réponse à la question « Devrions-nous le faire? » au lieu de nous demander « Pouvons-nous le faire? ».
    Donnez-moi un exemple d'une technologie qui vous préoccupe particulièrement, étant donné que le Canada ne peut pas y arriver seul. Pardonnez-moi si je suis présomptueux, mais je pense que c'est ce que vous soutenez. Le Canada devra agir de concert avec d'autres pays. Quelle technologie vous préoccupe particulièrement?
    Par exemple, il y a la façon dont les dispositifs d'échange de données, les capteurs, l'intelligence artificielle et les grands modèles langagiers se conjuguent de différentes façons et selon différentes combinaisons pour produire des inventions et des innovations nouvelles. Les connaissances nécessaires pour élaborer des politiques et des lois qui encadrent ces développements sont essentielles. C'est pourquoi je mets l'accent sur le renforcement des capacités nationales qui favorisent le bilinguisme intellectuel.
    C'est fort intéressant.
    Il y a même des produits finaux qui devraient être adoptés. Ils sont excellents pour le climat, l'éducation supérieure et l'élimination des émissions de carbone et de la faim. Ce sont ces objectifs mondiaux qui nous unissent tous, qu'il s'agisse des domaines de la science, des technologies, de l'ingénierie et des mathématiques, des sciences sociales ou des sciences humaines. Cependant, sans les filtres de gouvernance appropriés pour gérer la transition des produits finaux, certains compromettent les objectifs mondiaux et passent complètement à côté. Certains ont un lien direct avec eux.
    Pensez-vous que la Stratégie pour l'Indo-Pacifique offre un cadre général pour que le Canada se joigne à d'autres partenaires et relève le défi consistant à offrir une réponse dont vous parlez?
    Le Canada doit avoir quelque chose d'assez puissant à apporter. Il est parfois préférable de s'interroger et de se concentrer sur trois choses pour avoir du poids à cet égard au lieu de s'éparpiller.
    À cet égard, j'aimerais mettre l'accent sur les forces armées. Ce n'est pas la première fois que le Canada est confronté à une époque où il ne peut pas développer une force conventionnelle dans tous les domaines militaires. Il doit se pencher sur la question et se concentrer sur des domaines précis afin d'avoir quelque chose à apporter à ses partenaires aux vues similaires et ne pas être tenu à l'écart où que ce soit.
    S'il est un domaine où nous excellons, c'est celui de l'enseignement supérieur. Les fondateurs de Google, de Meta et d'autres entreprises ont remercié publiquement le Canada de leur avoir fourni leur cadre de leadership. Si nous constituons une capacité militaire fondée sur nos grandes forces dans les domaines de la cybernétique et de l'intelligence artificielle et sur notre capacité de performer dans un monde axé sur les données et le numérique, alors nous aurions quelque chose à apporter, car ce domaine reste une priorité sur le plan des affaires étrangères et de la sécurité pour tous nos alliés aux vues similaires. De même, le réseau d'enseignement supérieur pourrait apporter beaucoup à la diplomatie scientifique, et nous pourrions contribuer à influencer les normes pour qu'elles fonctionnent dans le monde axé sur les données et le numérique.
    Je vous remercie beaucoup.
    Madame Horton, je dispose de peu de temps — environ une minute et demie, ou peut-être moins —, mais j'ai été très intéressé par le point que vous avez soulevé au sujet des diasporas.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la Stratégie pour l'Indo-Pacifique et sur ce que le Canada pourrait faire pour encourager la participation des diasporas à la mise en œuvre de cette stratégie dans son ensemble?

  (2020)  

    Dans ma réponse, je parlais en particulier des Canadiens qui sont déjà en Asie. Il y a de nombreux Canadiens dans tous les grands marchés. Mon expérience personnelle et celle d'autres personnes confirment que, contrairement à certains autres pays — que je ne qualifierais pas de concurrents — font avec de grandes diasporas, nous sommes loin d'en faire assez pour tirer parti des personnes déjà sur le terrain.
    Ce serait important pour aller de l'avant. Si nous voulons encourager d'autres investissements, nous avons besoin de plus de connaissances. Plus il y a de connaissances que nous pouvons utiliser sur place, mieux c'est.
    Je vous remercie beaucoup.
    Merci, monsieur Fragiskatos.
    Nous accordons maintenant la parole à M. Bergeron pour six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Je remercie les témoins d'être des nôtres ce soir. Dans le cas de Mme Paskal, je crois qu'il est même très tard chez elle.
    Madame Fitz‑Gerald, dans un article que vous avez écrit avec M. Jonathan Berkshire‑Miller et qui a été publié dans iPolitics, vous déclarez que le Canada continue d'être incertain quant à l'utilité de bien définir ses intérêts et qu'il n'a rien fait récemment pour les définir du point de vue d'une stratégie de sécurité nationale, d'une stratégie de défense ou d'une politique étrangère claire.
    D'aucuns vous diraient même qu'on a l'impression que le gouvernement du Canada a tendance à mettre la charrue avant les bœufs, qu'il est en train de travailler sur une politique de défense sans avoir défini de politique étrangère et qu'il a pondu une stratégie indo-pacifique avant même d'avoir défini sa politique étrangère. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Oui, je crois que, dans bien des cas, il met la charrue avant les bœufs. En ce qui concerne la stratégie en matière de politiques, différentes choses sont pertinentes pour différents pays et différentes cultures stratégiques. Pour établir des priorités et disposer de cadres, de stratégies et de documents conceptuels réalisables plutôt que relevant de simples aspirations, nous devons déterminer ce qui est à la base de toutes ces stratégies. Voilà pourquoi nous avons plaidé dans cet article en faveur de l'énonciation et de la codification des intérêts nationaux. Par exemple, une politique de défense vise essentiellement à protéger, à préserver, à promouvoir et à défendre ces intérêts.
    La codification et l'énonciation d'un intérêt national peuvent aussi renforcer le tissu social d'un pays, ce qui est terriblement important pour un pays diversifié comme le Canada. Il est extrêmement puissant de se rendre dans n'importe quelle région du pays et faire en sorte que les communautés puissent dire ce qui forme le cœur de la société canadienne. Je l'ai constaté en contribuant à l'élaboration des stratégies de sécurité nationale de nombreux autres pays.
    Je pense que le cadre de sécurité nationale est ce à quoi les autres cadres du gouvernement sont subordonnées. La sécurité nationale, comme le groupe de témoins précédent l'a souligné, va de pair ces jours‑ci avec la sécurité économique. La sécurité nationale, c'est presque tout. C'est l'outil macro-stratégique le plus important du gouvernement. Au cœur de tout cela, il y a quelque chose qui ne change pas et qui ne devrait pas changer au fil des différentes administrations politiques, quelque chose qui constitue l'ancre qui retient le navire dans les flots déchaînés: les intérêts nationaux. Il est important de tenir un dialogue à leur sujet, de les définir et de leur permettre de constituer les fondations des stratégies subséquentes.
    À l'heure actuelle, je pense que la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, le programme d'aide internationale féministe et d'autres initiatives — si on veut aller un peu plus loin — sont des rouages très importants du système, mais ce sont des rouages. Il devrait y avoir un système qui énonce les priorités et qui indique très clairement ce que le Canada ne fera pas actuellement.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Paskal, je m'attendais peut-être à vous entendre dire quelques mots dans la langue de Molière dans votre présentation d'ouverture, mais nous aurons probablement l'occasion de vous entendre parler français plus tard.
    Comme vous le savez sans doute, les membres du Comité se sont rendus à Washington il y a de cela quelques semaines pour échanger avec leurs homologues américains. Je pense que nous en sommes venus à la conclusion qu'il fallait poursuivre le dialogue avec eux et qu'ils viendront un jour ici, à Ottawa.
    Bien que chacun, selon moi, devrait garder chez lui les dossiers qui lui sont propres, un certain arrimage de nos stratégies indo-pacifiques est nécessaire. Sur la base des points de convergence et des points de divergence, diriez-vous que les deux stratégies indo-pacifiques sont complémentaires ou se font concurrence?

  (2025)  

     Merci.
    Je vais faire de mon mieux pour vous répondre en français. En fait, ça fait tellement longtemps que je n'ai pas eu la chance de parler en français que je manque de vocabulaire. Ça me gêne un peu, mais je vais faire de mon mieux, en vous présentant d'avance toutes mes excuses.
    Présentement, je suis en fait à Miami, à cause de la tempête qui a lieu à Londres, d'où je regrette de ne pas pouvoir vous parler.
    Vous posez une très bonne question. Il est évident qu'il y a beaucoup de synchronicité entre ces deux stratégies. Toutefois, tant le Canada que le Québec — qui est représenté partout dans la région indo-pacifique — peuvent prendre d'autres mesures qui sont complètement différentes pour offrir une sécurité aux pays de cette région, ce qui aiderait tout le monde dans le contexte.
    Lors du dernier tour, vous avez posé une question sur le siège que voulait le Canada au Conseil de sécurité des Nations unies, ce qui est un très bon exemple du problème qui nous préoccupe. Nous avons travaillé avec les Australiens et les Néo‑Zélandais pour essayer d'obtenir les votes des îles du Pacifique. Or, ces dernières ne veulent pas suivre les ordres de Canberra ou de Wellington, mais veulent plutôt que nous allions chez elles en personne pour dialoguer de manière amicale et leur expliquer qui nous sommes, ce qui est important pour nous et ce que nous entrevoyons de commun dans notre avenir.
    Il serait vraiment important de se rendre dans cette région, comme Canadiens ou comme Québécois, pour mieux comprendre la réalité de ses habitants et pour qu'ils voient en quoi le Canada diffère des États-Unis ou de la France. Il n'y a aucune raison valable de prendre un raccourci: il faut se rendre sur le terrain dans ces pays pour parler aux gens qui y habitent et les écouter.
    Merci, madame Paskal.

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron.
    Madame McPherson, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie toutes les témoins. La discussion est fort intéressante.
    Madame Paskal, j'aimerais donner brièvement suite aux propos de mon collègue, M. Bergeron.
    Ce que je retiens de votre témoignage, lorsque vous avez parlé des accords bilatéraux et de leur importance, c'est qu'il serait très utile que les parlementaires visitent la région et s'investissent dans la diplomatie parlementaire. Je suppose que ce serait très utile, et je sais que le Comité en parlera plus tard. Je vous remercie d'avoir soulevé ce point.
    Je voudrais aussi vous interroger toutes les trois sur l'idée des établissements postsecondaires et du rôle qu'ils jouent. Je pense que vous avez toutes abordé le sujet d'une manière ou d'une autre. En fait, j'ai rencontré plus tôt aujourd'hui les présidents des 15 plus grandes universités du Canada, et ils ont exprimé de réelles préoccupations au sujet de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique et de ses répercussions sur eux.
    Bien sûr, nous avons le concept que nous devons bloquer et bâtir. Mme Paskal en a parlé. Il y a l'idée du découplage par opposition à l'atténuation des risques, mais il y a aussi l'idée que nous voulons établir des relations lorsqu'elles sont utiles et nous aident à renforcer notre capacité nationale. Nous voulons établir des relations en travaillant avec les diplômés universitaires, en recrutant pour nos établissements postsecondaires et en effectuant de la recherche.
    Comment gérons-nous les relations? Comment pouvons-nous nous assurer que nos établissements postsecondaires sont en mesure de faire le travail que nous avons besoin qu'ils fassent, sans pour autant mettre en péril les intérêts de la population canadienne?
    Je commencerai par vous, madame Fitz-Gerald.
    C'est une excellente question. Si je puis me permettre un brin de provocation, je vous dirais que je comprends très bien pourquoi l'enseignement supérieur relève des provinces dans un système fédéral. J'estime toutefois qu'il s'agit d'un outil très puissant, un instrument pouvant contribuer à la puissance de notre nation, ce qui nécessite une orientation stratégique pancanadienne.
    Par exemple, je trouve incroyable que chaque université doive maintenant s'efforcer de s'adapter aux normes et aux règles en matière d'intelligence artificielle. C'est une perte de temps productif pour chacune des universités qui doit le faire de son côté. Il en va de même de notre stratégie pour la sécurité de la recherche. Encore une fois, il s'agit d'enjeux globaux qui nécessitent un solide cadre central et qui n'ont pas besoin d'être différenciés à l'échelle provinciale comme c'est le cas pour d'autres questions. Je pense que nous pouvons mieux exploiter notre capacité d'enseignement supérieur. À mon avis, dans le contexte d'une Grande-Bretagne de l'après-Brexit et d'un retour probable de la politique à la Trump au sud de la frontière, le Canada devrait attirer les meilleurs talents au monde.
    Pour la mise en place des cadres pouvant fonctionner dans un environnement d'enseignement supérieur au sein d'un monde numérique axé sur les données, ce qui nécessite notamment un alignement avec les systèmes d'immigration, il doit y avoir des discussions régulières sur une tribune centralisée.

  (2030)  

    Madame Paskal, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je veux souligner que nous avons des mains levées à l'écran.
    Ce serait certainement très utile. Pour ce qui est, par exemple, des îles du Pacifique, les États-Unis mènent la plupart de ces activités par l'entremise du East-West Center, qui est financé par les départements d'État et basé à Hawaï et dans le district de Columbia. Le Canada n'est pas considéré comme faisant partie de la région indo-pacifique, mais dans le contexte du East-West Center, nous pourrions sans doute accélérer notre engagement en trouvant le moyen d'emboîter le pas à certaines des organisations qui ont pavé la voie et qui ont déjà des réseaux en place.
    En revanche, la question des visas risque d'être fort problématique. Nous devons trouver de meilleures façons de faciliter l'octroi des visas. Si vous êtes à Palau, par exemple, le visa pour venir au Canada est délivré par le bureau canadien à Canberra, qui se trouve à huit heures de vol, un déplacement extrêmement dispendieux. Un grand nombre de questions d'ordre technique de ce genre doivent être réglées.
    Par ailleurs, les visites de parlementaires seraient incroyablement utiles parce que la démocratie est vraiment mise à mal. Dans un endroit comme les îles Salomon, où les élections ont déjà été retardées, il serait extrêmement bénéfique que des parlementaires viennent informer les protototalitaires que nous les surveillons de près en plus de rassurer ceux qui se battent pour la démocratie dans leur pays en leur faisant savoir qu'ils ont des alliés à l'étranger.
    Merci.
    Madame Horton, nous vous écoutons.
    Merci beaucoup.
    Je suis d'accord avec tout ce qui a été dit, mais je noterais également que des universités et des collèges communautaires se retrouvent souvent intégrés à des missions commerciales. Je pense que de nombreuses universités ont une présence forte dans la région indo-pacifique.
    J'ai donné la semaine dernière à l'Université de Toronto un cours où les étudiants se trouvaient en Inde. Grâce aux outils numériques à notre disposition et à un soutien accru du gouvernement — et je suis consciente qu'il s'agit d'une compétence provinciale —, il est facilement possible d'accroître le nombre de Canadiens qui étudient en Asie et de bonifier le soutien offert à cette fin.
    Il y a tellement d'Asiatiques qui étudient au Canada, alors que très peu d'étudiants canadiens optent pour l'Asie. Je pense qu'il serait préférable que les étudiants, plutôt que de se diriger vers l'Europe pour leur première année à l'étranger, aillent quelque part en Asie, car c'est là que se trouve l'avenir.
     Merci, madame McPherson, mais vous n'avez plus vraiment de temps
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour.
    Monsieur Seeback, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Nous parlons beaucoup de sécurité ici, et je veux donc citer rapidement l'une des sections de la Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique, où l'on indique que l'on pourra « apporter des contributions significatives à la sécurité [...] de la région et améliorer les relations du Canada en matière de défense et de sécurité [et] renforcer la collaboration de longue date du Canada avec le Groupe des cinq ainsi que sa contribution au groupe ». Il me semble qu'il y a quelques éléments qui, de toute évidence, ont été omis. Les deux qui me viennent à l'esprit ont déjà été mentionnés: l'AUKUS et le Quad.
    J'aimerais beaucoup entendre tous les témoins aujourd'hui à ce sujet, car je vois une grave erreur stratégique dans le fait que le Canada n'ait pas été sur le terrain dès le départ sur ces deux tableaux. Que pouvons-nous faire pour essayer de rectifier le tir?
    Je vais commencer.
    J'estime pertinent de préconiser la publication de l'Examen de la politique de la défense, un processus qui est censé suivre son cours, pour dégager certaines priorités. Je pense que nous devons être plus prévisibles pour nos alliés. Nous ne pouvons pas nous éparpiller dans différents secteurs liés à notre capacité conventionnelle, car celle‑ci a désormais une utilité limitée.
    Qui plus est, la capacité conventionnelle dont nous pouvons observer le déploiement au Moyen-Orient, en Afrique et dans d'autres parties du monde est fondée sur un modèle d'insurrection. C'est le même modèle d'insurrection que celui qu'on a pu voir dans les campagnes de Doha et de Malaisie, mais il s'agit ici de suivre le courant et de composer avec l'insurrection numérique.
    Notre capacité doit donc évoluer. Nous pouvons grandement contribuer à cette capacité du point de vue de la diplomatie militaire. À ce titre, vous vous souviendrez peut-être que cette capacité de diplomatie militaire nous a permis d'exercer une énorme influence à l'échelle planétaire à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Cette façon peu coûteuse d'avoir un impact colossal pourrait occuper une place de choix dans notre stratégie. Si cette capacité diplomatique pouvait être orientée vers l'intelligence artificielle et la cybernétique, nos alliés de l'AUKUS s'empresseraient de s'en prévaloir.

  (2035)  

    Est‑ce que l'une de nos deux autres invitées souhaiterait ajouter quelque chose?
    Comme j'ai répondu en premier la dernière fois, je vais laisser l'honneur à Mme Horton.
    Madame Horton, vous pouvez répondre.
    J'ajouterais simplement que le deuxième pilier de l'AUKUS a tout lieu d'intéresser le Canada, et que j'espère que des actions seront menées en ce sens. Je veux toutefois souligner que nous avons une grande capacité dans des domaines comme la formation et les activités non strictement militaires, comme cette diplomatie de défense dont on vient de parler. Ce sont là des secteurs de la défense qui ne nécessitent pas l'acquisition d'équipements militaires, un aspect qui semble particulièrement difficile pour le Canada. Même pour ce genre de choses, nous pouvons collaborer avec des partenaires.
    Je ne saurais trop insister sur l'importance de travailler en partenariat avec des pays asiatiques aux vues similaires. Nous ne pouvons pas faire grand-chose chacun de notre côté. Nous devons tous conjuguer nos efforts.
    Il aurait été formidable que nous nous joignions à Quad et à l'AUKUS. Cela nous aurait permis d'avoir un profil très différent dans la région.
    J'aimerais également soulever une considération dont nous n'avons pas encore traité, mais qui a une grande incidence sur notre profil de sécurité dans la région. Je parle de la relation du Canada avec l'Inde. La réunion du G20 en Inde a été très fructueuse. L'Inde entretient des relations de plus en plus étroites avec le Japon. Nous avons évidemment nos problèmes avec l'Inde, des problèmes qui ont une forte résonance... Au sein de la région indo-pacifique, l'Inde se retrouve en grande partie sur son terrain, ce qui est loin d'être le cas pour le Canada. Si notre pays a des problèmes avec l'Inde, ils vont forcément se répercuter sur ce théâtre également.
    J'ajouterais une chose au sujet de la sécurité. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, une grande partie des problèmes actuels sont liés à la guerre politique et à la corruption. Bon nombre de ces pays ont davantage besoin d'avocats que de navires de guerre. Il leur faut des spécialistes capables de s'en prendre au crime organisé chinois, d'analyser des dossiers financiers et de contribuer à cibler ceux qui bénéficient financièrement de tout cela.
    C'est le genre de choses que nous pourrions faire assez facilement. Nous pourrions dépêcher des experts de divers organismes et ministères du gouvernement canadien pour aider ces pays‑là à assainir leurs systèmes. Si nous ne le faisons pas, si nous ne pouvons pas nous débarrasser de la corruption ou du moins annihiler le plus possible la corruption chinoise, tout sera paralysé... et nous ne pourrons pas mettre en place quelque mesure constructive que ce soit.
    Comme votre temps est presque écoulé, je vais devoir vous remercier, monsieur Seeback.
    Nous allons passer à Mme Lalonde pour une période de cinq minutes.
    Merci beaucoup à nos témoins. Je me réjouis vraiment que nous puissions vous entendre.
    J'aimerais en savoir plus long relativement aux commentaires de l'une de nos invitées de ce soir. Je ne sais plus trop en fait si c'était Mme Horton ou Mme Paskal, mais j'espère que l'une ou l'autre d'entre vous pourra m'éclairer.
    La Stratégie pour l'Indo-Pacifique souligne expressément l'intention du Canada de renforcer son partenariat stratégique avec l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE). Quel est le rôle global de l'ANASE dans cette région du monde? Comment pourrions-nous améliorer cette relation?
    Je pourrais vous répondre avec plaisir, mais peut-être que Mme Horton souhaiterait aussi le faire?
    Nous vous écoutons, madame Horton.
    Merci beaucoup.
    Je pense qu'il est vraiment crucial de pouvoir compter sur l'ANASE. Nous constatons en effet que bon nombre de nos partenaires commerciaux se dotent d'une capacité de fabrication supplémentaire dans cette région du monde. Beaucoup d'entreprises ont une stratégie « Chine plus un », et c'est l'ANASE qui en bénéficie. Le Partenariat régional économique global est le plus important réseau commercial au monde à l'heure actuelle. On n'en parle pas beaucoup au Canada. La Chine en fait partie.
    La clé de voûte de tout cela est l'ANASE. Les caractéristiques démographiques des pays en question nous amènent à nous tourner dorénavant vers eux pour contribuer à notre croissance future. Il se passe beaucoup de choses emballantes là‑bas. Nous négocions avec l'ANASE, qui est l'un des éléments clés de notre stratégie indo-pacifique, notamment quant aux moyens à mettre en œuvre pour renforcer notre capacité d'action dans cette région.
    Si nous cherchons des façons de diversifier nos intérêts en Asie du Sud-Est, il va de soi que l'ANASE est un partenaire essentiel.

  (2040)  

    Comme il est toujours bon de confronter nos idées, je vais vous présenter un portrait peut-être un peu différent concernant l'ANASE. Je vais m'attarder davantage à l'aspect sécurité, plutôt qu'aux considérations économiques.
    Du point de vue de la sécurité, l'ANASE ne peut pas être plus solide que son maillon le plus faible, et certains de ses États membres ont déjà grandement mis cette sécurité en péril. Ainsi, le Cambodge a pour ainsi dire aidé la Chine à établir une base là‑bas.
    Des diplomates français m'ont décrit la situation comme étant le brouillard de l'ANASE. On se rend dans la région, on ne sait pas au juste ce qui se passe et on ne peut pas vraiment entrevoir l'avenir ou la voie à suivre. Cela ne veut pas dire qu'il faut carrément y renoncer. Cela signifie simplement que, si nos ressources sont limitées, nous ne serions pas nécessairement bien avisés de consacrer beaucoup de temps à l'ANASE en croyant qu'il va ressortir une formidable stratégie de tout cela. Je dirais la même chose au sujet du Forum des îles du Pacifique.
    Les opérations chinoises visant la pénétration, l'infiltration et l'ingérence sont très avancées dans la région. J'estime pour ma part qu'il serait logique de procéder — en plus de tout le reste — à une évaluation à partir de la base. Il faut parler aux gens sur le terrain et écouter ce qu'ils ont à dire pour savoir ce qui se passe réellement. Les bureaucrates qui finissent par se retrouver à l'ANASE ou au Forum des îles du Pacifique ne sont pas nécessairement représentatifs de leurs gouvernements nationaux respectifs ou encore de la politique et de la dynamique qui façonnent les réalités de ces pays à l'interne.
    Merci beaucoup.
    Madame Fitz‑Gerald, voulez-vous ajouter quelque chose?
    J'aimerais ajouter une chose, si vous me le permettez.
    Ma perspective se situe sans doute au centre des points de vue exprimés par les deux intervenantes qui m'ont précédée. Comme je l'ai indiqué sans équivoque, je juge largement inefficace le modèle de multilatéralisme fondé sur des règles. Cela dit, l'ANASE se distingue de la plupart des organisations régionales et multilatérales du fait de la grande importance qu'elle accorde à la science, à l'innovation et à l'enseignement supérieur. Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles le Royaume-Uni a inscrit l'obtention du statut d'affilié à l'ANASE au rang de ses grandes priorités en matière de sécurité dans la région.
    J'estime important d'avoir accès à cette tribune. Il est en effet indispensable de pouvoir participer aux échanges internationaux concernant les différentes normes, y compris celles applicables à l'intelligence artificielle et à la gouvernance des données. Il est selon moi primordial d'avoir accès à ces discussions.
    Si vous le souhaitez, madame Lalonde, vous avez encore le temps de poser une très brève question.
    J'aimerais en fait que chacune de nos invitées nous indique comment selon elle nous pourrions résumer nos échanges d'aujourd'hui.
    Nous allons peut-être leur laisser une courte période pour ce faire à la toute fin de la séance, car votre temps est écoulé, madame Lalonde.
    Sur ce, nous allons passer à M. Bergeron. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Mesdames, certaines d'entre vous ont ébranlé un peu nos certitudes, en y allant d'arguments qui sont un peu contre-intuitifs, par exemple lorsqu'on dit que l'Arctique devrait être au centre de nos préoccupations en ce qui a trait à notre stratégie indo-pacifique.
    La plupart des gens s'imaginent que toutes les terres en Arctique sont revendiquées, que la souveraineté des États est bien établie sur chacune des parcelles de l'Arctique, et qu'il ne peut donc pas y avoir de revendications de la part d'autres États de l'Asie-Pacifique. Or, je comprends que cela va bien au-delà de la question de revendication, puisqu'on parle de recherches scientifiques, notamment.
    Diriez-vous — je lance un pavé dans la mare — que le fait que notre principal allié, la principale puissance économique et militaire mondiale, ne reconnaît pas la souveraineté canadienne sur l'Arctique et le fait que le Canada est si peu capable d'assurer la défense du territoire constituent d'importants écueils auxquels il nous faudra faire face?

  (2045)  

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de cette excellente question.
    Je pense que le Canada et les États-Unis ont accepté le fait qu'ils sont en désaccord au sujet de certaines questions de souveraineté. Nous semblons capables de collaborer et de coopérer sans nous être entendus sur les limites territoriales proprement dites.
    Sauf erreur, les États-Unis ne sont pas signataires de la Conférence des Nations unies sur le droit de la mer. Cependant, j'aimerais réitérer ce que j'ai dit plus tôt. La contribution des États-Unis est évidemment essentielle pour la protection de l'Arctique. Nous reconnaissons l'importance du NORAD. Nous commençons enfin à en faire plus pour soutenir le NORAD, mais nous devons vraiment intensifier notre collaboration non seulement avec les États-Unis, mais aussi avec les autres partenaires que j'ai mentionnés. En effet, même si ces autres pays ne revendiqueront aucun territoire, ils sont en mesure de contribuer au développement de l'Arctique.
    Nous devons aussi contrer... N'oubliez pas que la Russie s'intéresse également de près à l'Arctique, et ce, pour des raisons évidentes. Il en va de même de la Chine. Ce sont les autres États comme nous qui devront veiller à ce que l'Arctique soit protégé et mis en valeur lorsque cela est justifié.
    Nous avons le temps pour une très brève réponse de Mme Paskal, si elle en a une pour nous.

[Français]

    Merci.
    C'est non seulement une question juridique, mais aussi une question d'application de la loi.

[Traduction]

     C'est la grande question. Vous pouvez avoir toutes les lois que vous voulez, mais si vous êtes incapable d'en assurer l'application, elles ne servent à rien. Comme je l'ai mentionné, la Chine livre la guerre du droit en s'efforçant de mettre à mal les règles et les régimes internationaux, comme nous avons pu le constater dans l'affaire de l'atoll de Scarborough.
    On ne peut pas se contenter d'avoir une loi pour protéger la souveraineté. Nous devons avoir les moyens de la faire respecter. La flotte de brise-glaces américains patrouillant dans l'Arctique est en très piteux état.

[Français]

Comme vous l'avez mentionné, le Canada n'a vraiment pas ce qu'il faut pour se défendre. La Russie et la Chine, ensemble, sont beaucoup plus puissantes, et elles vont se servir de cet avantage si c'est dans leur intérêt de le faire.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame McPherson, vous avez la parole pour une période de deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
    Je vais offrir un peu de temps de parole à Mme Fitz‑Gerald.
    Vous avez piqué ma curiosité en indiquant que la Stratégie pour l'Indo-Pacifique et notre Politique d'aide internationale féministe ne sont que des rouages qui doivent faire partie d'une politique étrangère plus vaste. Ce n'est pas d'hier que je fais valoir qu'en privilégiant nos relations commerciales au détriment de nos relations aux fins de la diplomatie et du développement, nous faisons en sorte qu'il devient plus difficile de maintenir nos liens commerciaux.
    La Stratégie pour l'Indo-Pacifique prévoit certaines actions aux fins du développement et de l'investissement dans FinDev Canada. Je me demande si nous visons juste et, dans le cas contraire, je m'interroge sur ce que nous devrions faire pour bonifier notre politique étrangère dans le sens que vous venez d'évoquer.
    C'est une excellente question.
    Selon moi, les bonnes stratégies s'articulent autour d'objectifs clairs et réalisables, de préférence à une longue liste de visées idéalistes. La Stratégie du Canada pour l'Indo-Pacifique se distingue positivement des autres de par sa portée plus étroitement définie et sa teneur plus approfondie. Je pense qu'il persiste toutefois une grande incertitude quant aux moyens à utiliser pour mettre en œuvre cette stratégie. C'est pour cette raison que je disais que la réalisation de certains des objectifs de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique doit absolument passer par un effort national de renforcement des capacités visant notamment à nous rendre mieux aptes à bien saisir ces nouveaux vecteurs de menace qui entrent en jeu au sein d'un environnement numérique fortement axé sur les données.
    En ce qui concerne la défense, l'ancien chef d'état-major de la défense a lui-même récemment affirmé à Ottawa que les Forces armées canadiennes n'ont pas la capacité voulue pour répondre aux menaces auxquelles le pays est confronté en ce moment. Les résultats de l'Examen de la Défense nous guideront grandement quant à la façon de mettre en œuvre les dispositions de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique qui sont liées à la défense et à la sécurité.
    Cette stratégie nous offre un ouvrage de synthèse fort précieux pour combiner les différents leviers socioéconomiques et de sécurité, mais j'estime qu'il convient de peaufiner davantage les divers outils de mise en œuvre, comme l'enseignement supérieur, l'évolution de notre défense et les priorités commerciales.

  (2050)  

    Comme je l'ai indiqué, je dirais qu'il est également essentiel que le développement et la diplomatie en fassent partie.
    Oui, absolument.
    Merci.
    Merci, madame McPherson.
    Nous avons deux périodes de cinq minutes et deux autres de deux minutes et demie pour conclure cette partie de la réunion.
    Nous allons commencer par M. Chong.
    J'ai une question au sujet de nos ports. Le plus grand port du Canada est celui de Vancouver, le phare, pour ainsi dire, de notre commerce mondial. C'est aussi un port indo-pacifique.
    L'an dernier, la Banque mondiale et S&P Global Market Intelligence ont classé le port de Vancouver 347 e sur 348 ports mondiaux au chapitre de l'efficacité et l'ont classé bon dernier parmi tous les grands ports de sa taille. L'un des piliers de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique est l'expansion du commerce du Canada dans la région indo-pacifique. Comment diable sommes-nous censés y parvenir si nous devons compter sur des ports comme celui de Vancouver, qui, je le répète, se classe au 347e rang sur 348 ports mondiaux?
    Je suis entièrement d'accord avec vous, mais j'irais même jusqu'à dire que les ports doivent également être interopérables. S'ils ne sont pas à la fine pointe et axés sur les données, l'interopérabilité n'est pas possible, ce qui mine nos relations avec notre plus grand allié.
    Il y a quelques années, l'ambassadrice des Pays-Bas est venue me voir. Elle était mécontente à la suite de la signature d'un accord entre le port de Rotterdam, qui est l'un des principaux ports de conteneurs au monde et une des portes d'entrée de l'Europe du Nord, et le port de Vancouver. L'administration néerlandaise du port de Rotterdam essayait de respecter cet accord bilatéral et d'entrer en contact avec le port de Vancouver. Elle n'a pas réussi à communiquer avec qui que ce soit au port canadien dans le cadre de cet accord, si bien qu'elle a contacté le gouvernement néerlandais pour lui demander s'il pouvait essayer de faire bouger les choses là‑bas et obtenir une rencontre. L'ambassadrice a contacté un certain nombre de personnes, dont moi.
    J'ignore ce qui s'est passé ensuite, mais lorsque j'ai vu le classement mondial de S&P cette année, j'ai pensé qu'il n'était pas surprenant que notre port soit si mal classé. Le port de Rotterdam aurait beaucoup à offrir au port de Vancouver sur le plan des meilleures pratiques, des gains d'efficacité, et ainsi de suite. Il se trouve dans un environnement très complexe et difficile et se classe parmi les 10 ou 15 premiers ports mondiaux en volume.
    Je n'en reviens pas des défis à relever, alors que le gouvernement tente de mettre en place un pilier de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, mais que nous avons un port qui arrive à l'avant-dernière place des classements mondiaux.
    Je vous recommande vivement de lire les témoignages obtenus dans le cadre de la commission Cullen. Le port de Vancouver est connu pour être fortement compromis. Il est considéré comme un risque pour la sécurité, même pour les Américains, en raison de ce qui y transite. Il est avantageux pour les acteurs malveillants que le port fonctionne mal pour les transactions propres. Je voudrais...
     J'ai lu le rapport, et j'ai été scandalisé par les preuves de blanchiment d'argent et de trafic de stupéfiants au port. Lorsque j'entends que le service national de renseignement criminel du gouvernement canadien a estimé l'an dernier que 133 milliards de dollars sont blanchis chaque année dans l'économie canadienne, soit l'équivalent de près de 6 % de notre PIB, je m'interroge. Comment en sommes-nous arrivés là? Il s'agit surtout de blanchiment d'argent international, qui passe en grande partie par des ports comme Vancouver. D'une certaine manière, le problème semble presque insurmontable lorsque nous cherchons une façon de l'aborder.
    J'ai une deuxième question rapide. Le gouvernement a récemment annoncé une nouvelle politique sur la sécurité de la recherche. Il a publié deux listes, une sur les domaines de recherche en technologies sensibles, et l'autre sur les organisations de recherche nommées, dont beaucoup se trouvent en République populaire de Chine. J'aimerais que les témoins nous disent s'il s'agit d'une bonne méthode, ou s'il y a des lacunes dans ce qui a été annoncé récemment.
    Je vais laisser mes collègues commencer, puisque j'ai pris l'initiative en réponse aux dernières questions.

  (2055)  

    Madame Horton, vous n'avez pas eu l'occasion de répondre à la dernière question. Voulez-vous commencer?
     Il y a de nombreuses façons d'aborder ce problème. J'ignore si l'une d'entre elles aura l'effet escompté ou si certaines mesures arrivent trop tard.
    Ce qui me préoccupe, c'est que la Chine reste la deuxième économie mondiale et qu'elle dispose de capacités de recherche très impressionnantes. J'espère que nous pourrons trouver un moyen d'orienter nos chercheurs dans la bonne direction tout en nous protégeant.
    Soit dit en passant, en tant que Britanno-Colombien et ancien membre du comité des transports, je suis très conscient des problèmes qu'il y a au port de Vancouver. Il y a eu d'importants changements de direction au cours de la dernière année. Il vaudrait la peine, le moment venu, de faire venir certains de ces dirigeants pour voir ce qu'ils admettent et sont prêts à faire.
    C'est un bon point.
    Monsieur Oliphant, vous avez la parole cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins de leur travail et de leur aide aujourd'hui.
    Je commencerai par Mme Horton. Je vous remercie de votre témoignage.
    Vous avez écrit que le Canada devra tirer parti de son incidence limitée en maximisant la complémentarité de ses partenaires. Dans le cas de la Stratégie pour l'Indo-Pacifique, il est évident que nous ne pouvons pas tout faire. Nous devons cibler nos efforts, et il y a une certaine concentration de ce côté.
    Un des témoins du premier groupe a dit plus tôt ce soir que nous ne devrions pas échanger autant — je ne savais pas exactement de quoi il parlait — avec le Vietnam parce que le pays ne répondait pas aux normes de relations diplomatiques canadiennes, et que nous devrions cibler d'autres pays ayant des démocraties plus dynamiques. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Est‑ce la bonne façon d'élaborer une stratégie ou y a‑t‑il des façons plus pragmatiques de procéder?
     Je vais prendre la parole lors d'un événement qui aura lieu dans quelques semaines à Toronto, étant donné que la ministre Mary Ng emmène une délégation au Vietnam.
     Vous pouvez examiner les tendances en matière de commerce et d'investissement. Ayant travaillé au Vietnam, je sais que c'est bel et bien un pays communiste, mais qui présente des occasions réelles pour le Canada. Je pense qu'il sera difficile de trouver une démocratie parfaite. Cela n'existe pas. Les gens citent Singapour. Pourtant, c'est loin d'être une démocratie parfaite.
     Je pense que nous devons être prudents quant au choix de nos partenaires, mais devons toujours voir les occasions qui s'offrent à nous. Le Vietnam a signé l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP. Il a procédé à de nombreux changements à cette fin. Le pays est beaucoup plus ouvert que la Chine et plus disposé à travailler avec des pays comme le Canada. Il s'agit d'un peuple extraordinaire doté d'une grande fibre entrepreneuriale, et je pense que nous devrions être là‑bas. De plus, comme nous avons une diaspora vietnamienne, je pense que nous avons un avantage par rapport à d'autres pays, et que nous devrions aussi en profiter.
    Je vous remercie. Je voulais un peu rectifier le tir, et vous l'avez fait.
    Je pense que nous devons être sensibles. Je pourrais vous raconter une longue histoire, dans laquelle je n'entrerai pas, mais qui est intéressante. Quoi qu'il en soit, c'est pour une autre fois.
    Pour ce qui est des autres témoins, j'aimerais faire suite aux propos de Mme Lalonde sur ce que vous aimeriez résumer ici. Nous pouvons obtenir deux ou trois résumés. Si nous voulons maximiser stratégiquement les atouts et les ressources du Canada dans la région indo-pacifique, quelles seraient les deux ou trois principales priorités, selon vous?
    Voulez-vous choisir la personne qui répondra en premier?

  (2100)  

    Commençons par Mme Fitz-Gerald, qui nous a conduits ici.
    Y a‑t‑il deux ou trois choses que nous devrions savoir sur la façon dont nous pourrions élaborer une stratégie — soyez précise — pour restreindre notre champ d'action, puisque nous ne pouvons pas tout faire continuellement?
    Je pense qu'il est possible d'élaborer un document secondaire axé sur l'exécution et l'établissement de priorités, qui comporte peut-être un élément temporel. Il établirait ce qui va se passer à court et à moyen terme et ce qui va préparer le terrain des aspirations à moyen et à long terme.
    Je pense que la diplomatie scientifique recèle un potentiel énorme, et la question du cadre de recherche a été soulevée au Canada. Au lieu de nous contenter de pointer du doigt des institutions, nous pourrions mettre en place un cadre stratégique autour de ce genre de choses et faire beaucoup de travail à partir de la base et vers le haut, en utilisant nos très bonnes relations entre les organisations universitaires et les organisations de la société civile.
    Enfin, en tant que professeure de sécurité nationale, je dirais que la diplomatie de défense et de sécurité est essentielle. J'ai étudié attentivement les tendances du Canada dans le passé et l'influence que nous avons eue. J'ai travaillé de nombreuses années comme conseillère en matière de sécurité du gouvernement britannique, et j'estime que nous avons surpassé l'incidence que le gouvernement britannique a eue pendant les années où nous avons maintenu un niveau élevé de coopération militaire et de sécurité.
    Je sais que mon temps est écoulé.
    C'est exact.
    Nous allons maintenant accorder deux minutes et demie à M. Bergeron, puis deux minutes et demie à Mme McPherson. J'aimerais ensuite donner aux témoins, qui ont été très généreux de leur temps, environ une minute chacun pour nous faire part de leurs dernières réflexions.
    La parole est à vous, monsieur Bergeron. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Madame Fitz‑Gerald, j'aimerais revenir sur l'Arctique, puisque vous n'avez pas eu l'occasion de répondre à ma question. Souhaitez-vous le faire?

[Traduction]

     Si je me souviens bien, il s'agissait des priorités dans l'Arctique.
    Mon avis repose sur les bases industrielles militaires en Extrême-Orient et sur l'équipement de brise-glace que nous y voyons. Je prévois que des pays comme la Chine auront des négociations difficiles avec l'Europe sur l'extension du corridor médian... La Chine sera à notre porte, et ne tardera pas à essayer de négocier un accès à l'Arctique.
    Je pense que le Canada est très bien placé pour jouer un rôle de chef de file en matière de gouvernance des océans. Si nous disposions au minimum d'un cadre de gouvernance des océans — au mieux d'une stratégie pour l'Arctique, qui serait suivie d'un cadre de gouvernance des océans —, non seulement nous serions prêts pour ces négociations probablement difficiles, mais en plus, nous aurions de l'influence pour que ce cadre de gouvernance obtienne plus d'appui dans le cercle arctique. Je pense que c'est là que le Canada peut réellement changer la donne.
    La relation avec le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, ou NORAD, est très forte et sous-estimée. Même en mettant de côté les questions de souveraineté, je pense que si nous pouvons utiliser la technologie et la propriété intellectuelle pour surveiller chaque kilomètre carré de notre région arctique, cela peut apporter de nombreux avantages économiques au Canada, surtout si nous parvenons à un accord plus large sur un cadre de gouvernance des océans.

[Français]

    Me reste-t-il du temps de parole, monsieur le président?

[Traduction]

    Votre temps est presque écoulé, monsieur Bergeron. Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer à Mme McPherson.
    Les deux minutes et demie passent très vite.
     J'avais une question similaire à celle du président. La Stratégie pour l'Indo-Pacifique est en place depuis un an. J'aimerais que tous les témoins nous disent si elle fonctionne bien et si elle permet d'atteindre les objectifs souhaités.
     Je commencerai par vous, madame Fitz‑Gerald.
    En tant que professeure de défense, de sécurité et de sécurité nationale, j'attends de voir le déploiement de la politique de défense et une mobilisation importante à ce chapitre.
    J'aimerais que de bonnes organisations, comme la Fondation Asie Pacifique, aient le mandat et les moyens de favoriser les interactions entre les deux régions, de lancer les produits et d'aider les interactions entre les grandes institutions universitaires canadiennes et nos homologues de la région.
    Ce serait une victoire facile et rapide, et nous disposons d'une excellente organisation pour jouer ce rôle.

  (2105)  

     Allez‑y, madame Horton.
     Je suis moi aussi favorable à la Fondation Asie Pacifique du Canada.
     Il est trop tôt pour le dire. Il y a eu beaucoup de participation accrue. Toutefois, si l'on en juge par les expériences précédentes, c'est au fruit que l'on jugera l'arbre. Nous ne savons pas encore combien de temps elle va durer et si elle sera sur pied sous les administrations futures. Nous avons tendance à nous désintéresser. Espérons que le Comité pourra aider la situation et continuer à faire bouger les choses.
    C'est à votre tour, madame Paskal.
    Vu de la région, ce qui s'est passé avec l'Inde a été un très gros revers pour le Canada. Il ne faut pas sous-estimer l'influence de l'Inde dans les forums multilatéraux. Indépendamment de l'incident et de la qualité de la stratégie, ce qui s'est passé avec l'Inde a été un véritable recul.
     Il y a un manque certain d'urgence de la part du Canada. C'est peut-être dû au fait qu'Ottawa est loin du Pacifique. Cependant, lorsque vous êtes dans le Pacifique — et je pense que l'autre témoin a également passé du temps là‑bas —, vous pouvez sentir que quelque chose se trame. Rien ne nous prépare, par exemple, à ce qui pourrait arriver à Taïwan. On espère qu'il ne se produira rien, mais il faut au moins avoir un plan.
    Je vous remercie.
    Très bien. Pour conclure, vous avez une minute chacun pour nous faire part de vos réflexions, des sages paroles que vous aimeriez nous laisser ou des choses auxquelles nous devrions penser. C'est à vous de choisir.
    Nous commencerons par vous, madame Paskal, puis nous passerons à Mme Horton et à Mme Fitz-Gerald.

[Français]

     Premièrement, il faut absolument que j'essaie de parler français un peu plus souvent. C'est évident.
    Deuxièmement, il faut travailler sur la question de la corruption. Sinon, on aura vraiment de la difficulté à faire des progrès sur quoi que ce soit. Si on travaille là-dessus, ça va changer la perception du Canada dans la région. Beaucoup de pays et d'organisations veulent s'y attaquer, mais n'ont pas les ressources nécessaires. Je ne sais pas pourquoi, mais l'Australie, par exemple, ne fait rien du tout à ce sujet.
    S'il y a donc un élément autour duquel tout se joue, c'est la corruption en provenance de la Chine. Ça change toutes les dynamiques géopolitiques et géoéconomiques dans la région.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Madame Horton, allez‑y, je vous prie.
    Merci beaucoup.
    Le Canada est une économie de services. Nous nous concentrons beaucoup trop sur les biens et nous avons une expertise de ce côté. Nous avons d'excellentes sociétés de services financiers, d'assurance-vie et autres, qui sont très actives en Asie.
     D'après mes études sur les Canadiens en Asie, du côté des entreprises et des outils analytiques, nous avons beaucoup d'excellentes entreprises technologiques qui sont très actives là‑bas. Soutenons-les. Continuons à travailler dans le Pacifique Nord, au Japon et en Corée. Cela nous donnera un équilibre, un pouvoir et un effet de levier supplémentaires en Asie. Nous ne pouvons pas faire cavalier seul.
     Madame Fitz-Gerald, allez‑y, je vous prie.
    Merci beaucoup.
    Je répéterai simplement que nous sommes plus performants lorsque nous sommes mieux informés. Si nous voulons réduire les risques et nous scinder, ce qui est nécessaire pour mettre en œuvre notre Stratégie pour l'Indo-Pacifique, nous devons nous concentrer sur ce qui se passe dans notre pays et à l'étranger. À l'échelle nationale, il est absolument fondamental de renforcer les capacités nationales pour opérer sur un marché intangible. À l'heure actuelle, environ 92 % de l'indice S&P 500 représente des actifs intangibles. C'est dire à quel point nous sommes présents sur ce marché.
    Enfin, les bonnes stratégies ont des objectifs spécifiques, car on ne peut pas gérer ce que l'on ne peut pas mesurer. Les bonnes stratégies s'appuient également sur les forces existantes. Deux des forces existantes du Canada sont le système d'enseignement supérieur et notre capacité militaire, de défense et de diplomatie scientifique. J'encourage le Comité à envisager de continuer à renforcer ces atouts.
    Je vous remercie de votre attention.

  (2110)  

    Nous tenons à remercier nos témoins. La séance a été fascinante.
     Nous allons suspendre un instant pour permettre aux témoins de partir. Nous poursuivrons ensuite avec les travaux du Comité.
    La séance est suspendue.

  (2110)  


  (2110)  

    Reprenons.
    Je pense que le premier point à l'ordre du jour, pour cette partie de notre réunion, est le plan de travail.
    Nous venons de terminer la troisième réunion. Nous pourrions avoir jusqu'à sept réunions au total. Les documents distribués ces derniers jours contiennent de nombreuses informations sur ce qui pourrait constituer ces réunions. Nous savons que le 12 février, dans une semaine, nous recevrons l'ambassadeur du Japon, les groupes d'entreprises indo-pacifiques, et ainsi de suite.
     Il s'agit simplement d'une prise de température pour s'assurer qu'au cours des réunions à venir, nous avons la possibilité d'obtenir des réponses aux questions auxquelles nous devons répondre afin d'élaborer un rapport valable et utile.
     Y a‑t‑il des commentaires sur le plan de travail? Sommes-nous prêts à tenir sept réunions au total?
    Nous avions un excellent groupe de témoins aujourd'hui.
    Oui, c'est tout à fait vrai.
     Y a‑t‑il d'autres réflexions à ce sujet?
    Tout va bien.
    D'accord.
    Madame McPherson, je pense que vous voulez parler des voyages. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? J'ai compris votre question un peu plus tôt, et M. Bergeron aussi, si ma mémoire est bonne.
    J'aime bien amuser M. Bergeron. C'est surtout pour cela que je suis ici.
    Un député: Oh, oh!
    Mme Heather McPherson: Je sais que la date limite approche. Je ne sais pas si c'est possible. Est‑ce le cas?
     Sommes-nous à huis clos?
    Non, nous sommes en séance publique.
     Oh, je suis désolée. Eh bien, je vais cesser de jeter un regard accusateur à certains membres de notre comité.
    Je pense qu'il serait fantastique que...
    J'invoque le Règlement.
    Je vous écoute, monsieur Oliphant.
    Notre séance de travail est-elle normalement publique? Je croyais que les travaux du Comité se déroulaient toujours à huis clos.
     Nous les faisons à huis clos lorsque nous devons examiner des ébauches d'études. Nous ne faisons que prévoir ce qui s'en vient.
     Je demanderais qu'à l'avenir, nos travaux du Comité se déroulent à huis clos. C'est la tradition de nos comités partout, parce que nous avons des discussions de ce genre. Je pense que nous établissons un précédent dangereux.
    Les réunions de travail devraient se dérouler à huis clos. Cela nous permet d'avoir des discussions comme celle‑ci plus facilement.
    Permettez-moi de répéter qu'à mon avis, il serait très utile que le Comité se déplace. La diplomatie parlementaire a de la valeur, comme les témoins de ce soir l'ont clairement démontré. Les parlementaires jouent un rôle important dans la région, en particulier alors que nous nous efforçons d'établir davantage de relations dans la région.
    J'aimerais que l'on présente une proposition, s'il semble judicieux que la greffière et les analystes y consacrent leurs efforts à ce moment‑ci.
    Très bien.
    Oui, monsieur Oliphant.
    Étant donné que nous ne sommes pas à huis clos, je pense qu'il serait utile de faire un tour de table pour savoir quels partis souhaitent préparer un voyage et savoir si les whips de partis sont disposés à nous permettre, en tant que comité international, de voyager.
    De ce côté de la table, le Parti libéral serait ravi d'essayer de préparer un plan de voyage, car nous sommes d'avis qu'il est essentiel que les parlementaires voyagent, ce qui est d'autant plus vrai pour les comités comme le nôtre.
    Très bien.
    Commençons par ce côté, en allant vers l'autre bout.
    Allez‑y, madame McPherson.

  (2115)  

    Je pense avoir été très claire. Il s'agit d'un rôle clé de notre comité. La diplomatie parlementaire est un aspect clé de notre rôle.
    Les néo-démocrates seraient très favorables à un voyage dans la région.
    Monsieur Bergeron, vous avez accompagné plusieurs d'entre nous à Taïwan, et cela a certainement été très fructueux.
    Le Bloc serait‑il d'accord pour que le Comité entreprenne un voyage?

[Français]

     Absolument, monsieur le président. Je crois que la diplomatie parlementaire est un outil dont le gouvernement devrait pouvoir profiter pour exercer son influence à l'étranger. Je pense qu'il y a beaucoup à apprendre des contacts avec des intervenants au-delà de nos frontières. À ce comité, tout comme au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, il est hautement de mise que les parlementaires puissent prendre part à des missions.
    J'aimerais aborder deux choses en lien avec ce que j'évoquais durant mon intervention. D'une part, y a-t-il du nouveau quant à nos homologues américains pour ce qui est d'une éventuelle visite à Ottawa? D'autre part, le Comité a-t-il toujours l'intention de relancer le ministère concernant le rapport sur Taïwan?

[Traduction]

    Concernant le premier point, nous n'avons pas eu d'autres discussions avec nos collègues de Washington. Le manque d'harmonisation entre les plans américain et canadien pour la région indo-pacifique est peut-être une indication qu'il serait pertinent, dans le cadre de cette étude, d'inviter le président du comité américain à titre de témoin pour discuter du plan américain et des possibilités d'intégration. Cela a été soulevé lors des discussions à Washington. Donc, je pense que ce serait utile.
    Chers collègues, j'aimerais savoir si l'idée d'inviter des représentants du comité spécial américain à comparaître au Comité pour avoir une discussion plus officielle, comparativement à la réunion plus informelle que nous avons eue à Washington, vous intéresse. Je n'en sais rien. Je vais regarder autour de la salle pour voir si cela fait consensus.
    Allez‑y, monsieur Oliphant.
    Cela fait consensus, mais pour le moment, j'aimerais m'en tenir à la question du voyage, simplement parce que j'aimerais sortir d'ici. Nous avons déjà discuté de la question, en général, et je pense que tout le monde trouvait que c'était une bonne idée.
    En effet. Très bien.
    Allez‑y, monsieur Bergeron.

[Français]

     Qu'en est-il du rapport sur Taïwan?

[Traduction]

    Il s'agirait de convoquer de nouveau les fonctionnaires pour voir où nous en sommes par rapport à nos recommandations. Est‑ce à cela que vous pensez?
    J'y reviendrai.
    D'accord; c'est bien.
    Monsieur Kmiec, vous avez la parole.
    Sans parler au nom de mon whip — parce que je l'ai déjà fait, à titre de président du caucus, et les choses ont bien tourné pour moi — je dirais d'abord, concernant les voyages en Asie, qu'il s'agit d'assez grandes distances. Par conséquent, ces voyages devraient à tout le moins avoir lieu lorsque le Parlement ne siège pas. Je pense qu'il faudrait uniquement voyager en juillet et en août, de sorte que nous ne risquerions pas de manquer des jours de séance de la Chambre. Voilà pour la première partie.
    En outre, comme il s'agit de longues distances, les coûts, l'hébergement et les vols, notamment, sont d'importants facteurs à considérer pour tout voyage envisagé par le Comité à l'avenir.
    On serait porté à penser, étant donné l'étendue de la région indo-pacifique, qu'il serait pertinent d'accorder la priorité à certains endroits clés à visiter. Ce n'est qu'une simple observation.
    Ou nous pourrions diviser...
    Pardon. Je suis désolé, monsieur Bergeron.

[Français]

    J'ai une autre proposition à faire sur la base d'une expérience que j'ai vécue lorsque je faisais partie du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Lors d'un voyage effectué dans le cadre d'une étude des liens entre le Canada et le monde arabo-musulman, nous avions divisé le Comité en deux de façon à nous permettre de couvrir davantage de territoire. Une partie du Comité était allée en Afrique du Nord et au Proche‑Orient, tandis que l'autre était allée au Moyen‑Orient et en Extrême‑Orient, ce qui permettait effectivement de maximiser l'efficacité du Comité.

  (2120)  

[Traduction]

    Étant donné que l'échéance pour les propositions de voyage des comités approche, je me demande si nous pourrions nous informer de l'intérêt à cet égard auprès de nos whips respectifs. Cela vous semble‑t‑il raisonnable à ce moment‑ci?
     Des voix: D'accord.
    Très bien.
    Nous avons le calendrier. Je pense qu'il est entendu que nous aurons sept réunions. Nous avons entendu que la vice-première ministre et ministre des Finances comparaîtra le 26 de ce mois, de 8 h 30 et 9 h 30. Rappelons-nous évidemment que nous manquerons plusieurs lundis en raison des nombreuses semaines de relâche au cours de la session du printemps.
    Y a‑t‑il d'autres points à aborder?
    Monsieur Bergeron, la parole est à vous.

[Français]

    Je reviens sur la question de Taïwan.
    Il me semble que, lors de l'une de nos premières réunions l'automne dernier, nous avions discuté du fait que nous étions interloqués — pour ne pas dire autre chose — par l'absence de réponses détaillées — disons-le comme cela aussi — du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international sur un certain nombre de recommandations fort pertinentes et intéressantes que nous avions formulées à l'égard de Taïwan.
     Je pense par exemple à une réponse qui se limitait à dire que le ministère prenait note de nos recommandations. Au-delà du fait de simplement « en prendre note », la conjoncture a-t-elle fait que la réflexion au sein du ministère a évolué?
    Je pense que l'ensemble des membres du Comité avaient exprimé un certain intérêt à revenir sur la question du rapport sur Taïwan. La question est de savoir quelle forme pourrait prendre ce retour sur ce rapport et de mettre cela en œuvre à un moment donné.

[Traduction]

    Je pourrais parler de l'expérience d'autres comités qui ont été saisis d'une motion visant à convoquer de nouveau des fonctionnaires pour examiner la réaction et les mesures prises à la suite d'un rapport.
    Monsieur Oliphant, avez-vous un commentaire?
    Je pense simplement que, techniquement, le rapport est terminé. Le gouvernement a présenté une réponse, et le Parlement a l'occasion de l'examiner dans le cadre d'un débat sur une motion d'adoption. Notre leader à la Chambre ne voudrait pas qu'on le dise, mais l'opposition présente souvent des motions d'adoption, sur une base régulière, ce qui a pour effet d'interrompre, très régulièrement, les affaires du gouvernement. Parfois, elles sont parfaitement absurdes, comme nous le savons tous, mais si quelqu'un n'est pas satisfait de la réponse du gouvernement, nous pouvons certainement avoir un débat d'adoption.
    Je ne connais pas le calendrier et j'ignore si cela a été adopté ou non, mais le Règlement prévoit la tenue d'un débat d'adoption d'un rapport si les gens souhaitent examiner la réponse du gouvernement.
    Madame la greffière, je ne sais pas si c'était dans une motion ou non, mais je constate que nous avons convenu de tenir une réunion sur Taïwan après la conclusion de cette étude et d'inviter de nouveau M. Harry Tseng, le délégué commercial, à venir nous parler. Depuis, évidemment, des élections ont eu lieu, et divers autres points pourraient nécessiter une mise à jour.
    Nous en avons discuté et aucune motion n'a été présentée. Je ne sais pas si c'est nécessaire, mais cette étude nous tient certainement très occupés.
    Nous pourrons réexaminer la pertinence de tenir une séance de suivi sur Taïwan lorsque nous aurons terminé cette étude. Êtes-vous d'accord?

[Français]

     Oui, monsieur le président.

[Traduction]

    Très bien.
    Je suis d'accord moi aussi. Je pense tout simplement que cela ne doit pas figurer dans le rapport. À mon avis, il est toujours bien d'avoir une mise à jour sur Taïwan.
    Très bien. Avant de conclure, y a‑t‑il autre chose à aborder?
    Chers collègues, votre niveau d'énergie a été formidable malgré l'heure tardive. Ce fut une excellente séance.
    Je tiens à remercier notre greffière, nos analystes, nos interprètes et le personnel parlementaire et administratif.
    La séance est levée.
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