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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine


NUMÉRO 030 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 11 décembre 2023

[Enregistrement électronique]

  (1540)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 30e réunion du Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine de la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre de renvoi du 16 mai 2022, le Comité se réunit pour étudier les relations entre le Canada et la République populaire de Chine. Aujourd'hui, la réunion portera plus particulièrement sur la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, la BAII.
    Je vais commencer par donner quelques consignes aux témoins et aux députés.
    La réunion se déroule en mode hybride. Des députés y participent en personne et d'autres y participent à distance, au moyen de l'application Zoom.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous nous joignez par vidéoconférence, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour l'activer. Désactivez‑le quand vous avez terminé votre intervention.
    Pour accéder aux services d'interprétation dans l'application Zoom, vous pouvez sélectionner le parquet, l'anglais ou le français au bas de votre écran. Si vous êtes dans la salle, utilisez l'oreillette qui a été mise à votre disposition et sélectionnez le canal voulu. Nous vous demandons de garder une bonne distance entre l'oreillette et le microphone pour éviter les bruits parasites fort désagréables pour les interprètes.
    Les députés dans la salle doivent lever la main pour demander la parole. Si vous utilisez l'application Zoom, utilisez la fonction de main levée. La greffière et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l'ordre d'intervention. Nous vous remercions à l'avance de faire preuve de patience et de compréhension à cet égard.
    Sur ce, je souhaite la bienvenue aux députés qui nous font l'honneur de leur visite. M. Liepert, le député de Calgary, se joint à nous aujourd'hui, de même que M. Van Popta, le député de Langley—Aldergrove, la circonscription voisine de la mienne, Fleetwood—Port Kells. M. Van Popta est ici en remplacement de la députée Lantsman.
    Notre premier témoin sera M. Bob Pickard, qui se présente à titre personnel. Apparemment, il n'en est pas à sa première visite sur la Colline ni dans cet édifice, mais nous aurons les détails à un autre moment.
    Monsieur Pickard, vous disposez de cinq minutes pour nous livrer votre déclaration liminaire.
    Je commencerai par remercier le président et les membres du Comité de me donner la parole afin que je puisse parler de mon expérience au sein de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, qui fut pour moi traumatisante et dramatique et, dois‑je ajouter, qui a fait résonner une fibre très patriotique en moi. J'ai eu le sentiment en effet que notre adhésion à cet organisme ne rapporte rien de tangible à notre pays, et qu'elle ne nous permet d'aucune façon d'expliquer avec fierté aux gens d'ici les avantages que nous pourrions tirer de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures.
    En 2013, Xi Jinping a proposé de créer la BAII et, une décennie plus tard, la communauté internationale ne connaît pas vraiment cet organisme. Souvent, ce qui est connu publiquement à son sujet est vaguement associé aux politiques controversées et sans cesse plus agressives de la République populaire de Chine, la RPC, et notamment à l'initiative la Ceinture et la Route.
    C'est dans ce contexte qu'on m'a demandé mon aide pour établir un profil et créer une image publique positive de la BAII. On m'a offert le poste de directeur général des communications mondiales à la fin de 2021, peu de temps après la libération des deux Michael.
    J'avais auparavant occupé des postes de direction au sein de sociétés de relations publiques, dont Edelman et Burson-Marsteller, et je comptais notamment 16 années d'expérience dans la région Asie-Pacifique. J'étais donc bien placé pour aider la BAII dans ses communications. Toutefois, avant de signer mon contrat, j'avais certaines inquiétudes concernant une possible influence indue du gouvernement de la RPC dans les affaires de la Banque.
    J'ai été rassuré, dans une certaine mesure, par la manière dont la structure de gouvernance de la BAII était présentée dans les publications officielles. La présence de pays occidentaux sur la liste des actionnaires, y compris mon propre pays, le Canada, a aussi contribué à dissiper mes inquiétudes.
    J'ai rapidement réalisé, après mon entrée en fonction, qu'il y avait un monde entre la structure de pouvoir au sein de la BAII et la rhétorique. J'ai aussi constaté que des pays du G7 respectés et qui ont une bonne réputation, comme le Canada, servent de faire-valoir pour attirer des investissements occidentaux et éviter les conséquences adverses sur le plan politique de la part des autorités américaines à Washington.
    À l'intérieur de la Banque, des membres du Parti communiste chinois, le PCC, occupent de nombreux postes clés à tous les échelons et détiennent le pouvoir. M. Jin, le président de la Banque et lui-même ardent militant du PCC, énonce souvent la politique du gouvernement chinois comme s'il s'agissait de la sienne.
     Il est le porte-parole de la Banque, et je lui ai conseillé de communiquer son point de vue en tant que dirigeant d'une organisation multilatérale et de s'abstenir de répéter le discours du gouvernement chinois.
    Même si j'étais en principe responsable de toutes les communications mondiales de la Banque, j'ai bientôt découvert que le bureau de M. Jin, sous l'emprise de membres du PCC, intervenait directement dans l'élaboration de communiqués de presse destinés au marché intérieur chinois qui étaient bien différents de ceux diffusés en anglais aux interlocuteurs étrangers.
    La conception de messages publics visant à dissocier la BAII de la très controversée initiative la Ceinture et la Route — le projet phare et prioritaire d'expansion géopolitique de Xi Jinping, comme nous le savons — était considérée comme une priorité absolue. Le président Jin m'a directement demandé de m'atteler à cette tâche. Toutefois, en coulisses, les liens entre ces deux initiatives de la RPC étaient beaucoup plus étroits et inextricables qu'on a voulu me le faire croire.
    Dans mon propre service, une personne du PCC a été promue mon assistante. Imaginez la situation. J'ai découvert qu'en secret, elle relevait directement du membre du parti le plus haut placé dans le bureau de M. Jin.
     Cet arrangement était loin de respecter la structure hiérarchique officielle de la Banque. Des espions rapportaient directement aux membres du Parti communiste ce qui se passait, y compris toutes mes rencontres avec des journalistes et des dirigeants de la société civile.
    Fait intéressant, en 2022 — j'étais en poste depuis quelques mois —, la présence du PCC dans le bureau du président du BAII a été renforcée par l'arrivée d'un nouveau collègue dont personne ne semblait connaître la description de poste, si ce n'est qu'il était, murmurait‑on, « le nouvel homme du parti ».
    Quelques mois plus tard, le bureau de M. Jin a été réaménagé. Des serrures de sécurité ont été installées pour faciliter le contrôle de l'accès de tout le personnel de la BAII.

  (1545)  

     Les vice-présidents de la Banque, dont aucun n'était chinois, devaient sonner pour entrer dans le bureau. Cela a suscité beaucoup de mécontentement en interne.
    Ce cloisonnement du président cadre tout à fait avec la procédure voulant que les informations qu'il reçoit et les questions sur lesquelles il se prononce soient filtrées par les deux membres du PCC dont les bureaux à l'intérieur de cette bulle sont physiquement les plus proches du sien.
    Dorénavant, ces deux piliers du Parti communiste sont impliqués de très près dans presque tout ce que voit, dit ou fait M. Jin, le président de la BAII. Pourquoi suis‑je au courant? Je suis au courant parce que le service des communications, dont j'étais responsable, était situé à côté du bureau de M. Jin.
    Monsieur Pickard, vos cinq minutes sont écoulées. Je suis certain que vous avez encore des choses à dire, et vous allez pouvoir le faire en répondant aux questions qui vont vous être posées, qui…
    Monsieur le président.
    Monsieur Cormier, vous avez la parole.
    Le service des technologies de l'information m'a demandé de faire une vérification. M'entendez-vous?
    Oui, nous vous entendons.
    D'accord. Merci.
    Et nous pouvons aussi vous voir. Tout va bien.
    Monsieur Seeback, les six premières minutes sont pour vous.
    Monsieur Pickard, je vous propose de reprendre là où vous vous êtes arrêté pour que nous puissions entendre l'intégralité de votre déclaration.
    J'avais presque terminé. Je vais aller le plus rapidement possible. Je vous remercie.
    Ce qu'il faut comprendre, le point clé, c'est que le bureau du président de la BAII a des pouvoirs extraordinaires, même dans le contexte d'un organisme multilatéral. C'est une structure très autoritaire. Ce bureau est cloisonné physiquement et il est contrôlé par des membres haut placés du Parti communiste.
    L'obéissance aveugle, si je puis dire, aux ordres du bureau du président est la vertu la plus valorisée au sein de la BAII. La liberté d'expression ou la pensée indépendante ne sont aucunement prisées, ce qui est en soi assez singulier dans un organisme multilatéral.
     Vous devez réaliser que même si la BAII clame à qui mieux mieux qu'elle est apolitique et indépendante, l'atmosphère dans les bureaux de Pékin est tout autre. C'est une instance politique, à la solde du PCC. La BAII est très différente de ce qu'elle prétend être, et cela a contribué à créer une culture toxique au sein de l'organisme.
    Lorsque j'ai présenté ma démission pour la première fois en mai, j'ai parlé de mes préoccupations concernant l'influence évidente, profonde et omniprésente du PCC dans les activités d'exploitation courantes de la Banque et son impact toxique sur la culture. M. Jin, le président, ne l'a pas acceptée. Il a réussi à me convaincre de ne pas démissionner, et j'ai été plutôt surpris de voir que la Banque n'a pas cherché à nier ou à confirmer mes allégations ou mes préoccupations quant à l'influence du PCC. On m'a simplement informé que le bureau du président préférait que je m'abstienne de parler du sujet tabou du PCC.
    J'ai de nouveau présenté ma démission en juin, et elle a été acceptée après mon départ précipité vers le Japon. La Banque a commencé à m'attaquer personnellement. Les journalistes qui ont couvert la nouvelle de mon départ, y compris certains que j'avais connus longtemps avant de me joindre à la Banque, m'ont averti que les cadres de la BAII menaient en aparté une campagne de dénigrement à mon endroit. Cela se passait bien avant l'enquête de la Banque. Sur Twitter, des centaines de robots pro-PCC m'ont insulté et on m'a traité d'espion américain, de suprémaciste blanc, de néo-colonialiste ou de fomentateur d'un infâme complot du gouvernement canadien visant à embarrasser la Chine. C'est ce qui m'amène à donner les précisions suivantes.
     Lorsque j'ai annoncé que je quittais la Banque, je n'ai pas demandé au gouvernement du Canada d'intervenir. Jamais. J'ai agi de ma propre initiative, parce que c'est ce que ma responsabilité morale et mon devoir patriotique me commandaient de faire. J'ai toutefois offert ma pleine collaboration. J'ai participé à l'examen mené par le gouvernement du Canada et j'ai fourni de l'information au ministère des Finances à ce sujet. Je constate d'ailleurs que plusieurs éléments de l'examen approfondi reflètent les préoccupations que j'ai exprimées au ministère des Finances relativement à la transparence de la gouvernance, à la compétence en gestion et à l'adéquation de la culture professionnelle au sein de la Banque.
    En conclusion, lorsque M. Xi a proposé la création de la BAII, il était un dirigeant relativement nouveau, encore perçu comme un réformateur potentiel qui pourrait s'inscrire dans la lignée de Deng Xiaoping, arrivé au pouvoir en 1978. Malheureusement, la Chine est aujourd'hui aux mains d'un dictateur autoritaire, adepte du maoïsme.
    Après tant d'ingérences politiques, les choses semblent très différentes de ce qu'elles étaient à ce moment. Nous avions tous bon espoir qu'un investissement dans une institution multilatérale chinoise nous ouvrirait une fenêtre sur le développement en Asie. Malheureusement, nous nous retrouvons avec une banque qui est sous l'emprise de la Chine, qui est la seule à profiter des avantages géopolitiques découlant des prêts de la Banque.

  (1550)  

    Monsieur Pickard, je voulais vous donner du temps de parole, mais j'ai aussi des questions à poser.
    Oui, je vous écoute.
    La première chose que je veux savoir concerne votre affirmation selon laquelle le Canada n'a tiré aucun avantage tangible de sa participation. Selon ce que vous en savez, est‑ce qu'une partie de l'argent que le Canada a investi dans la BAII lui a été remboursée?
    Non, pas à ce que je sache, mais je ne connais pas les détails de ces opérations financières. Je n'ai emporté aucun document de la BAII quand je suis parti, et je n'ai donc pas accès à ce genre d'information maintenant.
    Connaissez-vous la loi sur le renseignement national adoptée par la RPC en 2017?
    Non, je ne connais pas de loi qui porte ce titre. Je sais comment les choses fonctionnent en Chine, mais c'est une déclaration générale.
    Cette loi oblige les personnes, les organismes et les institutions à coopérer avec les services de sécurité et de renseignement de la RPC dans la conduite d'un vaste éventail d'activités de renseignement. Elle s'applique à tous les citoyens chinois. Est‑ce que vous pensez que ce que vous avez observé au sein de la BAII cadre avec la loi sur le renseignement national?
    Certainement. C'est une question de première loyauté. J'imagine que cette responsabilité revient aux 30 à 40 % de Chinois au sein du personnel de la Banque, parmi lesquels se trouvent beaucoup de membres du PCC, bien entendu.
    Si vous revenez aux commentaires que vous avez formulés au sujet de la Banque, de sa structure, de la rhétorique du PCC et toutes ces choses, est‑ce que le fait que les gens étaient contraints d'agir d'une certaine façon à cause de cette loi résoudrait la quadrature du cercle, pour ainsi dire, concernant la manière dont les choses se passaient?
    Essayez de donner une réponse courte, monsieur Pickard.
    D'accord.
    Je crois que oui. Ce que j'ai vécu correspond à ce que vous décrivez.
    Merci.
    Merci, monsieur Seeback.
    Nous passons maintenant à M. Fragiskatos. Vous disposez d'environ six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Pickard, d'être des nôtres aujourd'hui.
    Vous avez abordé différents sujets dans votre déclaration liminaire et dans votre réponse aux questions précédentes. Pourriez-vous nous donner un résumé de vos principales allégations?
    J'ai vu les reportages dans les médias et je pense avoir une bonne idée de ce dont vous parlez. Toutefois, j'aimerais que votre témoignage devant le Comité permette aux membres de comprendre la nature plus précise de vos allégations à l'égard de la BAII.
    J'allègue que le Parti communiste chinois exerce une influence indue dans les activités courantes de la Banque. Cela s'applique aux postes clés à la Banque, aux décisions concernant les dépenses discrétionnaires, l'approbation de projets importants, aux projets prévus au budget… Un large éventail de choses concernant les activités courantes de la Banque sont approuvées par le conseil d'administration ou la direction, mais ce processus n'est rien de plus qu'une formalité. Les décisions ne relèvent pas d'eux. Le bureau du président dispose en fait d'une capacité décisionnelle assez vaste au sein de la Banque.
    Je vous rappelle que j'étais responsable du service des communications. C'est le point de vue que j'avais sur les affaires de la Banque. Presque tout ce que j'ai fait approuver pour mon service — que ce soit un déménagement au 10e étage, l'ouverture d'un studio de radiodiffusion, des hausses de budget, l'embauche de six nouveaux employés, des embauches hors cycle — a exigé une décision du bureau du président, et non de la direction ou du conseil d'administration de la Banque.
    C'est votre principale allégation.
    Ma principale allégation est que cela a créé une culture toxique au sein de la Banque. Les gens sont au courant de l'existence d'un réseau souterrain de relations, qui fonctionne un peu comme la clique des élèves populaires à l'école. J'ai été mis en garde contre le pouvoir des membres du Parti communiste chinois, qui sont de mèche et qui forment une classe privilégiée à l'intérieur de la Banque. C'est un climat qui nuit à la liberté d'expression et qui gangrène la culture.
    Quand je suis entré en fonction à la Banque, on m'a parlé d'une crise d'intimidation. La Banque travaillait à un programme de lutte à l'intimidation à ce moment, et nous en sommes venus à parler d'environnement de travail respectueux après mon arrivée. Les services les plus touchés par les problèmes d'intimidation étaient ceux qui étaient dirigés par des membres du Parti communiste.

  (1555)  

    Je n'ai aucune intention de me quereller avec vous, et je m'en voudrais de vous donner cette impression avec ma prochaine question.
    Aucun souci.
    Quels éléments de preuve précis avez-vous pour étayer vos allégations?
    Je vous demanderais d'être précis. Quels éléments de preuve pouvez-vous nous donner? Sur quels éléments concrets vous appuyez-vous?
    Avez-vous des éléments de preuve électroniques ou matériels?
    Tout d'abord, j'ai quitté la Banque de mon propre chef et pour mes propres raisons, et je ne me sens donc pas obligé de fournir une preuve documentaire détaillée de ce que j'ai observé. Je suis un témoin oculaire. J'ai des opinions. J'ai vu des choses, et je parle de certaines de ces choses. Je n'ai pas prêté serment aujourd'hui, mais je le ferais sans hésitation.
    On me demande sans arrêt où sont les preuves documentaires. Si j'avais sorti ces documents de la Banque, soit je serais écroué dans une prison chinoise, soit je ferais l'objet de poursuites sérieuses.
    Je peux vous donner un compte rendu ouvert et transparent de tout ce que j'ai vu et vécu. Je vous ai remis des exemples d'études de cas. J'ai publié une rubrique dans The Economist. J'ai participé à beaucoup d'entrevues durant lesquelles j'ai raconté différentes anecdotes.
    Si vous cherchez une pile de documents qui portent un tampon « Confidentiel » illustré avec un marteau et une faucille, ce n'est pas à moi qu'il faut les demander.
    D'accord.
    Vous dites que vous avez vu certaines choses.
    Oui. J'ai vu des choses.
    Tout d'abord, il y a eu une décision concernant les pays que le président de la Banque devait approcher lors du sommet de l'Asie centrale, auquel Xi Jinping devait aussi participer.
    L'an dernier, au moment où j'ai quitté la Banque, une décision a été prise concernant les endroits où le président se rendrait et ce qu'il dirait durant ses visites. C'était clair à mes yeux qu'il y avait des calculs géopolitiques derrière tout ça et que c'était une opération pour mousser les intérêts de la Chine. Les photographies n'ont pas été publiées. Le président de la Banque, M. Jin, a rencontré des leaders mondiaux non pas comme représentant de la BAII, mais comme représentant de la République populaire de Chine. J'ai empêché leur diffusion en interne parce que je pensais que ce ne serait pas à l'avantage de la Banque, un organisme multilatéral, si son président assistait à des rencontres comme représentant de la Chine.
    J'ai reçu l'ordre de publier un message de condoléances sur le site Web d'un organisme multilatéral quand Jiang Zemin, un ancien dirigeant de la Chine, est décédé. Notre service s'est opposé. Nous ne pensions pas que ce serait à propos parce que la reine Elizabeth venait de mourir et que nous n'avions pas publié de message de condoléances pour elle.
    Monsieur Pickard, je suis désolé de vous interrompre. Je suis certain que vous aurez l'occasion de poursuivre sur ce thème lors des tours suivants.
    Il me reste 45 secondes.
    Quand vous avez fait part de ces allégations au gouvernement, est‑ce que la réaction a été rapide?
    J'aimerais que vous me parliez de ces discussions.
    C'est une question très intéressante. Une très bonne question.
    Dès que j'ai agi, j'ai été contacté par l'ambassade canadienne à Pékin. J'étais déjà arrivé au Japon quand un fonctionnaire de l'ambassade m'a appelé. C'était avant que le gouvernement fasse quoi que ce soit. C'était après ma démission, après l'annonce publique. J'ai démissionné seulement après mon arrivée au Japon. Le fonctionnaire essayait de me joindre au téléphone.
    Je lui ai parlé. Je crois que la conversation n'a pas duré plus d'une demi-heure, mais j'ai eu le temps de lui expliquer les raisons exactes pour lesquelles je quittais la Banque. Quelques heures plus tard — j'étais à bord d'un avion, je crois —, une annonce du gouvernement a été diffusée concernant sa décision de suspendre et de reconsidérer son adhésion à la Banque.
    C'était une réponse très brève. Merci beaucoup.
    M. Bob Pickard: Oui, très brève.
    Le président: Votre temps de parole est écoulé, monsieur Fragiskatos.
    Monsieur Pickard, parlez-vous français couramment?
    Non. Plus maintenant.
    D'accord. Je vous invite donc à utiliser l'oreillette à votre disposition et à sélectionner le canal voulu parce que c'est M. Bergeron qui aura la parole pour les six prochaines minutes. Allez‑y.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pickard, diriez-vous que c'est le genre de situation que l'on retrouve dans d'autres institutions financières internationales, ou est-ce vraiment propre à cette institution en particulier?

  (1600)  

[Traduction]

    C'est une très bonne question, surtout que les défenseurs de la BAII prétendent que mes déclarations sont insignifiantes, qu'il n'y a pas matière à s'inquiéter. Selon eux, les liens entre le Parti communiste et la BAII à Pékin sont de la même nature que ceux que le Parti républicain et le Parti démocrate entretiennent avec la Banque mondiale à Washington.
    Ce sont des écoles de pensée… C'est quelque chose qui a été abondamment répété quand j'ai quitté la Banque. Mais très honnêtement, j'en connais pas mal sur la manière dont les choses fonctionnent en Chine et j'ai aussi vécu aux États-Unis, et je ne crois pas que c'est une bonne analogie.
    J'ai aussi eu l'occasion d'observer, durant les années que j'ai passées en Chine, la façon dont fonctionne le bureau du président. Je suis fermement convaincu que les vastes pouvoirs conférés au bureau du président de la BAII et que sa gestion autoritaire, pyramidale et très contrôlante n'ont rien à voir avec les pratiques, selon ce que j'en sais, de la Banque asiatique de développement à Manille ou de la Banque mondiale à Washington.
    J'avais l'impression que la BAII fonctionnait davantage comme un établissement financier qui a ses activités en Chine seulement que comme un organisme multilatéral. Dans différents pays, les organismes multilatéraux constitués de différents membres sont censés coopérer et avoir entre eux une communication qui ne se fait pas dans un cadre pyramidal et très autoritaire, comme ce que j'ai observé à la BAII.

[Français]

    Au-delà de la rhétorique selon laquelle on retrouve le même phénomène ailleurs, diriez-vous que c'est vraiment propre à cette institution financière?

[Traduction]

    Oui, j'en suis convaincu. Je n'ai jamais travaillé à la Banque mondiale ou à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, mais selon ce que j'en comprends… Les banques multilatérales de développement, ou BMD, ne sont pas en concurrence. C'est un petit monde, et les rapports sont très cordiaux. C'est comme un club.
    D'après ce que j'entends de part et d'autre, et comme j'en ai déjà parlé, le bureau du président de la BAII impose un système pyramidal et contraignant qui n'a rien à voir avec les pratiques du président de la Banque asiatique de développement à Manille ou de la Banque mondiale à Washington, D.C.
    Ce sont les échos que j'en ai. Cela dit, comme j'ai travaillé à la Banque pendant 15 mois seulement, je ne peux donc pas me prétendre expert en la matière.

[Français]

    Outre votre démission, outre la réaction du gouvernement canadien, qu'est-ce qui peut être fait pour tenter de réformer l'institution?
    À votre avis, est-ce une cause perdue?

[Traduction]

    J'espère que mon départ contribuera au moins à améliorer les aspects problématiques que j'ai pointés sur le plan de la gouvernance, de la compétence en gestion et du caractère humain de la culture. Je crois que les erreurs flagrantes vont être soigneusement évitées.
    Tout juste avant de me présenter devant le Comité, j'ai reçu un courriel d'une de mes sources à la Banque. Il semblerait que quand les employés étrangers quittent la Banque, toutes leurs archives et tous leurs dossiers sont retirés du système. Je crois que la réaction de la Banque consiste à…
    Le service des communications a été rétrogradé. Je relevais du président Jin, et j'imagine qu'en guise de sanction, il a été décidé de placer le service sous la responsabilité du secrétaire général. À mon avis, il sera difficile pour le service de recruter des talents étrangers.
    Énormément de gens m'ont posé des questions sur mon expérience. J'en ai parlé de manière transparente et ouverte. Je souhaite le meilleur à beaucoup de personnes qui travaillent à la Banque. Le personnel compte beaucoup de personnes talentueuses, éduquées et vraiment impressionnantes. Mes amis de la Chine me manquent, y compris mes amis chinois. Je ne les reverrai probablement jamais parce que je ne peux plus mettre les pieds dans ce pays.

[Français]

    Comment peut-on justifier que le Canada participe financièrement à une organisation sans qu'on lui attribue ne serait-ce qu'un pour cent du vote?

[Traduction]

    Je trouve ahurissant de voir à quel point les gens en place tiennent au statu quo.
    Des membres du conseil d'administration, y compris le représentant du Canada, ne veulent pas donner l'impression qu'ils ont dormi au gaz et qu'ils n'ont pas vu ce qui se passait. C'était la pandémie. Toutes les réunions se tenaient au moyen de l'application Zoom. Le conseil d'administration de la BAII est non résident. D'autres BMD ont un conseil d'administration résident. Les administrateurs peuvent voir ce qui se passe à l'administration centrale. Je crois que c'est ce qui explique le manque d'information au sein de la Banque.
    Je pense aussi que beaucoup des expatriés qui sont traités comme des coqs en pâte et très grassement payés ne veulent pas perdre leurs privilèges, et que les dirigeants en place ne veulent pas admettre qu'il pourrait y avoir du vrai dans mes révélations.
    À mon avis, ceux qui ont eu un poste à la Banque ou qui ont un lien quelconque avec la Banque actuellement n'ont pas du tout intérêt à m'imiter.

  (1605)  

[Français]

    Vous avez déclaré que la banque constituait une ressource pour les objectifs géopolitiques de la République populaire de Chine. En pratique, je pense qu'elle sert les intérêts de la Chine.
    Y a-t-il des exemples concrets de projets ou de décisions qui démontreraient que cela va carrément dans le sens des intérêts de la Chine?

[Traduction]

    Monsieur Pickard, je vous inviterais de nouveau à donner une réponse brève, si possible.
    Merci, monsieur le président.
    Si on fait une analyse des pays dans lesquels des projets sont financés et de ceux qui font partie de l'initiative la Ceinture et la Route, au titre de laquelle la RPC fait des prêts bilatéraux, il en émerge une tendance assez intéressante. C'est sur cela que je mettrais l'accent.
    On peut aussi voir une tendance dans le choix des lieux visités par le président de la Banque. Il s'est par exemple rendu en Hongrie pour rencontrer le premier ministre Orbán, en Serbie et dans d'autres pays de l'Asie centrale qui, dans l'échiquier géopolitique actuel, semblent s'aligner sur la Russie et la Chine.
    Merci.
    C'est au tour de Mme Ashton, qui remplace Mme McPherson.
    Madame Ashton, vous disposez de six minutes environ.
    Je précise que je remplace Mme McPherson au pied levé, en raison des joutes politiques en cours à la Chambre, mais je vais néanmoins aborder au mieux de mes connaissances quelques-uns des points en jeu ici.
    Je crois qu'il a été question de l'examen interne à la BAII. J'aimerais vous demander, monsieur Pickard, de nous donner vos commentaires sur les constats de cet examen interne comme quoi il n'existe aucune preuve de l'influence indue et irrégulière sur les autorités décisionnelles de la BAII.
    L'examen interne est un ramassis de mensonges ignobles. Il a été réalisé en trois semaines, un record mondial. Ce n'était pas un examen indépendant. Il a été réalisé par un service dont les hauts dirigeants me critiquaient sur les réseaux sociaux avant que le rapport soit présenté. Le jour de mon départ de la Banque, elle a affirmé que mes allégations étaient sans fondement. Il est indiqué dans le rapport que mes allégations sont sans fondement.
    Je crois qu'il n'y a même pas eu d'enquête sérieuse sur les principales allégations que j'ai faites à ce moment. L'examen interne est truffé d'erreurs factuelles et de beaucoup d'autres irrégularités que je pourrais commenter une à une, mais je ne crois pas que j'ai le temps ici.
    Nous avons quand même un peu de temps. Pouvez-vous nous donner des exemples d'erreurs factuelles?
    Notamment, il est indiqué dans le rapport que je n'ai jamais exprimé d'inquiétudes concernant ma sécurité alors que je l'avais fait par écrit, dans un document soumis au service des installations et de l'administration, de même qu'au secrétaire général. Je leur ai envoyé un courriel à cet effet.
    Quand le Canada a expulsé un diplomate chinois au printemps, j'ai envoyé un courriel dont une copie conforme était adressée au bureau du président de la Banque. Dans ce courriel, je demandais si je devais m'inquiéter, si ma sécurité était en jeu. La réponse que j'ai reçue du responsable de la sécurité de la Banque n'avait pas vraiment de quoi me rassurer. Par pure coïncidence, ce responsable est un membre du Parti communiste chinois, un fait très bien connu à l'intérieur de la Banque.
    J'ai aussi communiqué avec l'ambassade canadienne pour savoir si je devais m'inquiéter pour ma sécurité au vu de ce qui était arrivé aux deux Michael. Je n'ai pas vraiment été rassuré de ce côté non plus.
    Je me suis alors demandé, surtout quand… Je tiens à ce que les membres du Comité comprennent bien que la BAII était au courant de mes préoccupations à l'égard du Parti communiste chinois et de mon intention d'en parler au gouvernement canadien. C'était connu depuis des semaines et, dans ces circonstances, j'étais inquiet pour ma sécurité parce que beaucoup de choses à l'intérieur de la Banque me laissaient perplexe et me semblaient pour le moins inhabituelles, surtout au vu de ce qui se passait dans mon propre service.
    Je peux vous donner d'autres détails si nous avons du temps.
    Vous avez aussi évoqué la culture toxique au sein de l'organisme, en la qualifiant de « l'une des cultures les plus toxiques que l'on puisse imaginer ». C'est une allégation assez sérieuse. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

  (1610)  

    Des enquêtes ont été faites auprès des employés. Est‑ce que c'est Mercer qui produit des rapports de consultation sur les ressources humaines pour des organismes de grande taille et complexes? Des problèmes ont été relevés de façon persistante. Le membre canadien qui siège au conseil le sait sûrement. Les problèmes touchaient le moral du personnel. Le principal problème, à mon avis, concernait le manque de confiance des employés dans la compétence en gestion des dirigeants de la Banque.
    Quand j'ai convoqué une réunion interne générale de la Banque en juillet 2022 — c'était un événement de communication interne que nous avons baptisé la Journée inspiration —, nous avons eu recours à une technologie qui permettait aux 500 membres du personnel de répondre à des questions de sondage. Les résultats étaient affichés sur un écran, et nous avons vu en toutes lettres l'expression « culture toxique ». C'est une preuve claire de l'existence de cette culture. J'ai fait état de ces résultats dans un document que j'ai transmis aux dirigeants du service des Finances.
    Pouvez-vous nous confirmer que l'examen de la BAII a conclu à l'inexistence d'une culture toxique et que plusieurs recommandations ont été formulées pour remédier aux problèmes liés à la culture?
    Ils ont effectivement indiqué que ce serait pris en considération, mais ils s'en sont aussi pris à votre humble serviteur. Je pense qu'ils ont eu l'impression que je m'attaquais à la réputation de la Banque et ils ont essayé de porter atteinte à la mienne en proférant des attaques que je juge ignobles et très peu éthiques. Ils m'ont accusé d'avoir des conflits avec des membres du personnel. Bien entendu, les personnes avec qui j'avais des conflits étaient des membres du Parti communiste chinois, qui prenaient parti pour les trois membres de mon service qui avaient une attitude toxique, qui se livraient à du harcèlement et qui perturbaient le service des communications.
    J'ai aussi fourni ces détails aux fonctionnaires du ministère des Finances dans le cadre de l'examen.
    Madame Ashton, comme il vous reste seulement quelques secondes, je vous demanderais de vous en tenir là. Merci.
    Nous passons à M. Chong. Vous avez environ cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions.
    Merci, monsieur Pickard, de comparaître devant le Comité.
    Le ministère des Finances a annoncé la fin des activités du Canada au sein de la Banque et la conduite d'un examen visant à reconsidérer sa participation après l'annonce de votre démission. Combien de fois avez-vous rencontré les représentants du gouvernement du Canada dans le cadre de cet examen?
    J'ai rencontré deux fonctionnaires en juillet, au bureau de la rue Elgin, pendant un total de 75 minutes. Je crois que la rencontre a duré 1 heure et 15 minutes, ou 1 heure et demie. Par la suite, j'ai transmis des courriels auxquels je joignais des documents et des observations qui me venaient à l'esprit ou qui découlaient de messages reçus de membres du personnel encore en poste à la BAII pour m'informer de choses qui pouvaient m'intéresser.
    Les avez-vous revus en personne après cette rencontre?
    Non.
    Avez-vous participé à l'examen d'une autre manière que par l'envoi de courriels ou votre participation à cette rencontre de 75 minutes?
    Non.
     Savez-vous quoi que ce soit au sujet de l'annonce faite il y a 2 jours, le 9 décembre, par lan vice-première ministre? Elle a annoncé une prolongation de la suspension de la participation du Canada à la Banque et l'élargissement de l'examen à quatre aspects, soit les investissements, la gouvernance, le cadre de gestion et la réaction à votre démission.
    Que savez-vous au sujet de cet examen élargi?
    J'ai vu l'annonce. Je l'ai lue en détail et je l'ai partagée sur X.
    Jusqu'ici, personne ne vous a contacté concernant l'examen élargi.
    Non.
    Au paragraphe 13 de l'examen de votre démission par la BAII, on critique ouvertement vos comportements en milieu de travail et vos responsabilités administratives. Vous voulez peut-être réagir à ce qui semble une tentative pour ternir votre réputation.
    Vous êtes devant un comité parlementaire, et votre témoignage est par conséquent protégé par le privilège parlementaire. Vous ne pourrez pas faire l'objet d'une poursuite judiciaire. Vous pouvez donc vous exprimer en toute liberté.
    La seule atteinte à ma réputation découle des allégations de conflits avec les gens de mon service ou de ma lenteur à traiter certains documents ou à me conformer à certains systèmes. C'est ce qu'on m'a reproché. Il est question également de mon manque d'assiduité aux réunions importantes.
    J'aimerais revenir brièvement sur ces critiques, si vous me le permettez. Je n'ai pas assisté à une réunion parce que j'étais allé rendre visite à ma mère qui a un cancer et qui est dans un établissement spécialisé à Ottawa. J'étais absent pour des raisons familiales et je n'ai pas pu être présent pour une entrevue de la radio publique nationale à Washington, D.C. que j'avais programmée pour le président Jin. L'entrevue a eu lieu et il a réussi à communiquer son message. C'est à mon sens typique des bassesses dont la Banque est capable.
    Je travaille dans le domaine des communications. Dans ce domaine, il faut traiter avec les médias, les groupes non gouvernementaux… Il y a constamment des feux à éteindre. Croyez-moi, il y a toujours un problème à régler à la BAII. On ne s'ennuie jamais.
    Je dois souligner par ailleurs que le budget de mon service a considérablement augmenté durant la période où j'en ai été responsable. J'ai pu engager six nouveaux employés, et j'ai obtenu l'autorisation de mettre en place un studio des médias d'un demi-million de dollars.
    J'étais peut-être le moins rapide à soumettre mes demandes de promotion pour les membres du personnel ou mes demandes budgétaires, mais nous arrivions toujours à respecter les échéances. D'autres directeurs généraux étaient peut-être plus rapides que moi à faire leurs demandes, mais j'imagine que j'étais plus occupé qu'eux.

  (1615)  

    Est‑ce que d'autres employés de la Banque pensaient la même chose que vous?
    Je sais que des gens partagent mon point de vue.
    Au sein de la Banque?
    Tout à fait, en ce moment même… Voulez-vous dire d'autres employés?
    Oui, d'autres employés qui n'ont encore rien dit à ce sujet.
    Oui, j'en connais. Je le sais parce que je reçois des courriels [inaudible] du groupe des anciens employés de la BAII. On m'a empêché de m'y joindre.
    J'ai une autre question rapide.
    Environ neuf mois après votre entrée en fonction, un des hauts dirigeants de la BAII a ouvert la porte à un prêt à la junte militaire du Myanmar.
    Y a‑t‑il eu des communications de cette nature durant la période où vous étiez en poste à la Banque?
    Je ne me souviens pas de pourparlers avec le Myanmar. J'ai toutefois été invité à des réunions portant sur des ententes d'approvisionnement avec la Russie.
    Il y a eu des discussions internes concernant la tenue de rencontres avec des entreprises russes pour discuter avec elles de possibilités de soumissionner pour des contrats de la BAII. On m'a demandé très explicitement de garder le secret et de faire le nécessaire pour que ces rencontres ne soient pas ébruitées à l'extérieur de l'organisme.
    C'est l'exemple le plus proche que je peux vous donner de ce genre de pratiques.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Pickard.
    Nous passons à M. Oliphant. Vous disposez de cinq minutes environ.
    Je voudrais tout d'abord vous dire à quel point je suis désolé pour ce que vous avez vécu. C'est une expérience éprouvante, de toute évidence. Je tenais à vous exprimer ma sympathie.
    J'aimerais revenir au moment où vous avez accepté ce poste. Je sais que le gouvernement est parfois appelé à soutenir des nominations à des postes au sein de banques et d'organismes multilatéraux.
    Est‑ce que c'est le gouvernement qui vous a nommé à ce poste ou est‑ce que vous avez obtenu le poste après avoir soumis votre candidature?
    J'ai postulé pour le poste et je l'ai obtenu.
    J'ai soumis ma candidature en ligne. C'était la première fois de ma vie que je postulais pour un poste en ligne.
    Je vous féliciterais bien, mais je ne suis pas certain que vous y tenez.
    Que connaissiez-vous de la Banque quand vous êtes entré en fonction?
    Je savais qu'elle avait été conçue de manière à pouvoir rivaliser avec la Banque mondiale, ou du moins c'est ce que je pensais.
    Les institutions financières traditionnelles, peu importe les réalisations à leur actif, ne faisaient aucun cas du poids économique croissant de la Chine. Ce manque de vision a poussé la Chine à créer son propre véhicule multilatéral pour montrer au monde qu'elle en était capable. Elle voulait donner la preuve qu'elle pouvait mettre en place une institution qui répond aux mêmes exigences de financement multilatéral que les BMD occidentales, mais qui fonctionne selon des principes asiatiques compatibles avec les intérêts géopolitiques de la Chine.
    C'était donc un aspect qui vous intéressait.
    Oui. J'ai déjà travaillé à Ottawa. Sous le gouvernement Mulroney, j'ai travaillé au Cabinet du ministre des Affaires étrangères. J'ai travaillé pour cette personne, dans cet édifice, en 1982.
    J'ai travaillé dans six pays, dans les villes de Singapour, de Tokyo, de Séoul, de New York, et je me sentais qualifié pour le poste.
    Je fais un saut dans le temps. Quand vous avez quitté la Banque, selon ce que vous avez dit il y a quelques minutes, vous l'avez fait de votre propre chef — je crois que ce sont les mots que vous avez utilisés — ou pour vos propres raisons.
    Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous êtes parti? Comment en êtes-vous arrivé à cette décision, quel processus avez-vous suivi?

  (1620)  

    Après qu'il a eu vent de mes préoccupations concernant l'influence du PCC au sein de la Banque, l'attitude du bureau du président à mon endroit a complètement changé.
    L'ombudsman de la Banque, qui je crois était lui-même membre du Parti, a lancé une enquête sur mon service à la suite de plaintes de trois membres de mon personnel qui n'étaient pas d'accord avec ma façon de diriger. J'essayais de moderniser le service, d'instaurer des méthodes dignes de l'ère moderne, mais trois personnes s'opposaient à mes tentatives parce qu'elles voulaient continuer de fonctionner comme elles le faisaient depuis…
    Ces personnes étaient-elles membres du Parti communiste chinois?
    Je ne crois pas, mais elles connaissaient la structure de pouvoir et savaient comment en tirer profit.
    Le président a changé d'approche. Il a commencé par me demander de ne pas démissionner et il m'a dissuadé de le faire, puis il a ensuite induit un climat d'incertitude, par l'entremise de son bureau. Il s'est ligué avec ces personnes, qui se livraient à ce que je peux seulement décrire comme du harcèlement et à des tactiques de type diviser pour régner.
    Je comprends.
    Vous avez dit que le jour de votre départ, le gouvernement a mis fin à toutes ses activités liées à la Banque. Elle a procédé à un examen interne et le ministère des Finances mène actuellement son propre examen interne, pour lequel vous lui avez fourni de l'information.
    Selon ce que j'ai compris, vous n'avez pas de documents à lui soumettre, mais vous avez participé à une entrevue. Vous avez donc fait des déclarations de vive voix.
    Après plusieurs mois, le Canada a décidé d'élargir l'examen afin d'y intégrer une collaboration et des discussions avec des partenaires comme l'Australie, l'Allemagne, la Suède et le Royaume‑Uni. Pendant ce temps, nos activités restent suspendues.
    S'agit‑il selon vous d'une réponse appropriée pour faire le point sur vos allégations?
    Les fonctionnaires du ministère des Finances m'ont déjà informé, en juillet, que des alliés du G7 étaient consultés dans ce dossier. Je le savais déjà.
    Je crois, après avoir lu attentivement l'annonce du gouvernement, que l'examen en cours ne porte pas expressément sur mes allégations, mais sur un large éventail de préoccupations.
    Les députés n'ont peut-être pas remarqué ce genre de détail à ce moment mais, quand j'ai quitté la Banque en juin, un représentant du gouvernement du Canada a parlé à Bloomberg et a précisé, aux fins du reportage, que le gouvernement avait déjà des préoccupations avant ma démission, y compris au sujet de la trop grande concentration des pouvoirs au bureau du président.
    Je crois que le gouvernement a élargi la portée de son examen pour faire la lumière sur mes propos, mais aussi sur un large éventail de considérations pouvant influencer la décision du Canada de rester membre ou non de cet organisme.
    C'est très instructif. Je crois que nos allégeances partisanes sont différentes, mais vous semblez penser que le gouvernement prend les mesures nécessaires et qu'il y a des progrès.
    Je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais c'est ce que vous semblez suggérer.
    Je crois que nous allons dans la bonne direction pour ce qui concerne la BAII. J'espère que le gouvernement va adopter une ligne de conduite qui va nous mener à la conclusion logique.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, monsieur Oliphant.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Pickard, j'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées. Le gouvernement a suspendu sa participation indéfiniment. Vous semblez optimiste au sujet de ce qui s'est fait depuis.
    Qu'est-ce qui vous rend optimiste?

[Traduction]

    En tant que Canadien qui vit à l'étranger et qui a subi ce genre de pressions, je dois dire que j'ai été impressionné, surpris et content quand la ministre a annoncé que la situation ferait sans délai l'objet d'un examen.
    Il n'y a pas l'ombre d'un doute pour moi que cette décision doit absolument être appuyée. L'examen en cours et l'élargissement de cet examen représentent à mes yeux des avancées très positives.

[Français]

    Combien de temps de parole me reste-t-il?

[Traduction]

    Il vous reste une minute et demie.

[Français]

    Croyez-vous que des intervenants externes devraient intervenir pour mettre de l'ordre dans l'organisation?
    Est-ce utopique de penser que l'on puisse faire intervenir des intervenants externes?

[Traduction]

    Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par « intervenants externes »?

[Français]

    Je parle de gens qui ne sont pas déjà dans l'organisation.

[Traduction]

    Je ne sais pas.
    En tant que pays, nous devons nous demander si nous et d'autres pays occidentaux aurions adhéré à la BAII si elle avait été fondée dans le climat géopolitique actuel, en sachant qu'elle ferait la promotion des intérêts géopolitiques de la Chine.
    Je ne crois pas, et j'espère que la réponse est non.
    Pourquoi aurions-nous fait une chose pareille? Pourquoi aurions-nous donné du crédit géopolitique à une institution afin qu'elle prête des milliards de dollars à la Chine, un pays hostile qui se prépare à entrer en guerre contre Taïwan et ses alliés occidentaux?

  (1625)  

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron.
    Nous passons à Mme Ashton. Vous avez deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Pickard, est‑ce qu'une Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures améliorée aurait sa raison d'être dans notre monde, considérant le très grand nombre de pays du continent asiatique qui font face à un énorme déficit d'infrastructure et dans lesquels les perspectives sont immenses?
    Les députés doivent réaliser que la principale partie des octrois de la BAII sont en fait financés conjointement avec des BMD existantes comme la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement. De plus, la plupart des projets de la BAII sont à venir.
    C'est important de nous demander, en tant que pays, [difficultés techniques] multilatéralisme, et si nous voulons financer des projets de développement par l'intermédiaire d'un organisme multilatéral contrôlé par la Chine, ou s'il vaudrait mieux s'en remettre à un organisme multilatéral administré par des pays occidentaux ou par le Japon. Ce sont les options qui semblent s'offrir à nous.
    Ici même au Canada, notre propre banque de l'infrastructure a fait l'objet de beaucoup de critiques concernant sa gouvernance, le manque de transparence, de responsabilité, la non-réalisation des objectifs énoncés. On lui reproche entre autres l'absence d'investissements concrets pour réduire le déficit d'infrastructure dans notre propre pays, notamment dans les communautés autochtones et éloignées.
    Vous avez soulevé des préoccupations précises, mais le fait est qu'on ne peut pas brandir la Banque de l'infrastructure du Canada comme un modèle exemplaire pour ce qui concerne la réalisation de son mandat.
    Je m'arrête ici. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter, mais il y a certainement matière à réflexion.
    Nous avons beaucoup à apprendre de la Chine en matière de construction d'infrastructures. Cela ne fait aucun doute, mais la Chine a aussi beaucoup à apprendre de nous pour ce qui a trait au respect des communautés, à l'écoute des personnes touchées, à la prise en compte des conséquences des infrastructures qu'elle construit pour les pays visés. Est‑ce que nous plongeons les gens dans un cercle infernal d'endettement, est‑ce que nous les enfermons dans des pièges dont ils ne pourront jamais se sortir?
    Ce sont des sujets dont il faudra continuer de discuter.
    Nous passons à M. Seeback, pour cinq minutes.
    Monsieur Pickard, compte tenu de votre expérience avec les membres du PCC au sein de la Banque et de ce dont je viens de donner un aperçu — je parle de la loi sur le renseignement national de 2017 —, pensez-vous que cet organisme est réformable et qu'il est possible de l'extirper de la sphère d'influence du PCC?
    Les membres du Parti communiste chinois vont toujours, en sous-main, constituer le réseau de pouvoir à l'intérieur de la Banque.
    Je fais des affaires en Chine depuis 2001, et je peux vous assurer que si le Parti communiste n'a aucune collaboration avec la Banque ou s'il n'y a aucun réseau officieux, ce serait un cas unique dans toute la RPC. Cela dit, je ne crois pas que ce soit possible. Même s'il n'y a pas de comité ou de groupe de membres officiels du Parti au sein de la Banque, la structure de fonctionnement et de collaboration est très semblable à celle du Parti, même si elle est officieuse.

  (1630)  

    Je vais insister, même si j'apprécie votre réponse.
    À votre avis, la Banque pourrait-elle être réformée et libérée de la vaste influence que le Parti communiste chinois exerce en interne, selon votre description, mais aussi sur les citoyens chinois sous le régime de la loi sur le renseignement national?
    Je peux vous assurer qu'actuellement, tout le monde a un comportement exemplaire à Pékin… au sein de la Banque. Je dirais qu'aussi longtemps que la situation géopolitique ne changera pas et que le Parti communiste chinois fera tout en son pouvoir pour saper les démocraties occidentales et remplacer les États‑Unis au rang de première puissance mondiale, c'est quelque chose qui ne sera pas envisageable.
    Merci.
    Je voudrais maintenant parler du rapport de la Banque. Ma question ne portera pas sur une partie en particulier, mais j'aimerais savoir si, compte tenu de la description que vous faites de l'influence exercée par le Parti communiste chinois et de la structure de la Banque elle-même, que vous connaissez sûrement très bien, elle a pu produire un rapport interne juste, équilibré et exhaustif.
    Je ne ferais confiance à aucun rapport venant de la Banque… Je n'ai aucune confiance en son objectivité, en son professionnalisme et en son indépendance.
    Dans mon cas, l'absence de rapport indépendant… C'est un service où travaillent des membres du Parti communiste chinois qui a produit le rapport, et de hauts dirigeants m'ont critiqué publiquement pendant la rédaction du rapport. Je ne ferais confiance à rien qui vient d'eux. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas qu'ils ont les ressources nécessaires. Il n'y a pas beaucoup de ressources en interne. Il n'y a pas beaucoup de marge. Ils sont en sous-effectif.
    Pour être clair, il s'agit d'un rapport interne produit… Aucun évaluateur externe n'a été sollicité pour confronter les dires de la Banque et les vôtres.
    M. Bob Pickard: Non.
    M. Kyle Seeback: Vous êtes vous-même dans le domaine des relations publiques. Iriez-vous jusqu'à dire que leur enquête interne était davantage un exercice de relations publiques qu'une mission de recherche de faits?
    Hier, le Global Times m'a reproché de tenir des propos exagérés et diffamatoires. Je commence à être assez familier avec ce genre de traitement.
    J'ai l'impression que c'est exactement ce qu'ils ont fait jusqu'ici. Ils ont fait des allégations dans un rapport destiné à me démolir. Faut‑il parler de tribunal fantoche, de poudre aux yeux… Leur rapport n'est pas indépendant. J'ai refusé d'y participer. Ils m'ont refusé tout accès à mes documents. Pour répondre à la question précédente du député, je n'aurais pas pu leur fournir de documents parce qu'ils ne m'en ont pas donné la possibilité.
    Je vous arrête ici. Dans leur propre rapport interne… Ils voulaient que vous y participiez, mais ils vous ont interdit tout accès à des documents dans le cadre de cet examen?
    Ils ont refusé. Je voulais avoir accès aux documents pour établir la chronologie des faits ou fournir des exemples, mais on m'en a empêché. On m'a dit que ce ne serait pas possible d'accéder à ces documents.
    Merci beaucoup…
    Ce travail a été l'œuvre de l'avocat brésilien de la Banque, Alberto Ninio. J'étais censé aller souper chez lui la fin de semaine de mon départ de la Banque. Je ne suis pas allé souper chez lui, alors il a écrit dans le rapport que je ratais des réunions.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je n'ai pas d'autre question.
    Merci, monsieur Seeback.
    Pour la dernière partie de ce tour, la parole ira à Mme Lalonde.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci de comparaître devant le Comité, monsieur Pickard.
    J'aimerais revenir un peu en arrière afin d'obtenir vos points de vue. Comme il a été mentionné, l'examen de la participation du Canada à la BAII a été confié au ministère des Finances.
    Pouvez-vous nous aider à comprendre un peu mieux en nous expliquant votre interaction avec le ministère dans le cadre du processus d'examen? Par ailleurs, pouvez-vous nous donner votre point de vue sur l'importance de confier cet examen à des fonctionnaires professionnels et non partisans?
    Je ne connais pas bien les personnes chargées de l'examen. Je n'ai pas de liens étroits avec elles. Je les ai rencontrées une fois. On m'a demandé de l'information et on m'a dit que je pouvais continuer à en fournir. Il y a une reconnaissance polie. On me remercie quand je transmets des documents et on m'invite à continuer à en transmettre si je trouve que c'est pertinent. Toutefois, on ne m'a pas posé de questions de suivi. Je dirais que j'ai perçu une curiosité intellectuelle limitée à l'égard des détails. J'aurais cru, compte tenu de la nature sensationnelle de certaines allégations, qu'il y aurait eu plus de questions.
    Merci.
    C'est un enchaînement parfait avec ma prochaine question. Durant la période où vous avez occupé votre poste à la BAII, avez-vous fait des pressions pour qu'il y ait une réforme interne afin de régler certains des problèmes de gouvernance dont vous parlez depuis votre départ? Le cas échéant, est‑ce que vos efforts ont donné quelque chose?
    Pour un aspect en particulier… J'ai certainement joué un rôle de catalyseur pour qu'il y ait un engagement plus étroit de la Banque à l'égard de la société civile et qu'elle prenne des mesures concernant le problème flagrant de l'égalité des sexes. Pour ces deux enjeux, même si ce n'était pas vraiment mon rôle de dicter leur conduite au président de la Banque ou à mes collègues de la direction, et même si je n'avais pas été chargé de recommander une solution… Dans mon service, nous avons joué un rôle de catalyseur afin que ces aspects soient pris plus au sérieux et nous avons fait de la sensibilisation.

  (1635)  

    Donc, si j'ai bien compris, votre service et vous avez fait de la sensibilisation, mais vous n'avez pas fait de pressions pour qu'il y ait des changements internes. Est‑ce que j'ai bien compris? J'essaie de mieux comprendre.
    L'ombudsman de la Banque était censé publier un rapport, par exemple, après avoir examiné la situation dans mon service. Douze membres du service étaient de mon côté. Quatre, dont l'unique membre du Parti communiste, étaient contre moi. Nous n'en avons jamais eu de nouvelles. Je suis parti si rapidement après que je n'ai jamais eu l'occasion de demander des améliorations au bureau de l'ombudsman.
     Je dirais que si je devais demander des améliorations, elles viseraient le service des ressources humaines qui fonctionne davantage comme une sorte de police secrète à l'intérieur de la Banque. Je demanderais des améliorations dans le service de l'informatique qui, au lieu de faciliter la communication, ce qui est mon travail, agissait plutôt comme un système de sécurité qui a conduit à une surveillance bien connue, infâme, à l'intérieur de la Banque. Je demanderais des réformes dans ce domaine également.
     Je demanderais également une réforme du système des membres non-résidents du conseil d'administration. S'il y avait un conseil d'administration résident dans cette banque, qui aurait permis aux gens de Pékin, comme dans d'autres BMD, de voir ce qui se passait, la situation aurait pu être différente.
    Merci beaucoup.
     Y a‑t‑il autre chose dont vous aimeriez nous faire part? Je pense qu'il nous reste environ une minute.
    Tout d'abord, je tiens à vous remercier tous de m'avoir écouté. C'est une expérience chargée en émotions. J'ai dû m'ouvrir sans réserve pour le faire. C'est assez intense pour moi d'en parler, alors je vous remercie de m'avoir écouté.
     Si vous avez des questions complémentaires, n'hésitez pas à me les poser. Si vous souhaitez communiquer avec moi plus tard, je suis sûr que le personnel du Comité peut vous donner mes coordonnées.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Pickard.
     Vous savez, au bénéfice de nos collègues ici présents, que M. Pickard et moi partageons une formation en communication. J'ose dire que beaucoup de professionnels des communications au Canada et aux États-Unis, ou en Europe d'ailleurs, pourraient prendre la transcription du témoignage de M. Pickard, supprimer le nom de la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures et le remplacer par le nom de leur entreprise. J'ai beaucoup d'empathie pour quelqu'un qui est chargé des communications d'une organisation qui se comporte d'une manière à laquelle vous ne pouvez pas souscrire, au plus profond de vous-même.
     Monsieur Pickard, je vous remercie pour votre témoignage. Vous partez avec notre bénédiction. Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes, le temps de procéder au changement de témoins.

  (1635)  


  (1645)  

    Nous reprenons nos travaux.
     Je pense que nous sommes en train d'enfiler l'aiguille avec certains votes à venir, alors nous allons simplement voir ce qui se passe.
     Du ministère des Finances, nous avons le plaisir d'accueillir Steven Kuhn, sous-ministre adjoint délégué, Direction des finances et échanges internationaux — vos cartes de visite doivent être à peu près de cette longueur —, et Julie Trépanier, directrice générale, Division des finances internationales et du développement.
     Monsieur Kuhn, je comprends que vous allez intervenir en premier. Vous disposez de cinq minutes pour nous présenter vos observations préliminaires.
     Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs. Je vous remercie de nous avoir invités à participer à cette discussion.
    Je m'appelle Steven Kuhn et je suis sous-ministre adjoint délégué à la Direction des Finances et échanges internationaux du ministère des Finances. Je suis accompagné ici aujourd'hui de Julie Trépanier, directrice générale de la Division des finances internationales et de la politique de développement, au sein de notre direction générale.
    L'une des responsabilités de ma direction générale consiste à superviser la participation du Canada à diverses banques multilatérales de développement — BMD—, où la vice-première ministre et ministre des Finances exerce la fonction de gouverneure. Il s'agit notamment du Groupe de la Banque mondiale, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et de la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, la BAII.
    Comme vous le savez, le Canada s'est officiellement joint à la BAII au début de 2018 et la Loi sur l'accord concernant la BAII désigne le ministre des Finances comme gouverneur du Canada auprès de la BAII.
    Les gouverneurs auprès des BMD, les banques multilatérales de développement, dont cette institution, portent la responsabilité de prendre les décisions de plus haut niveau dans la gouvernance de ces institutions. Depuis qu'elle a rejoint la BAII, ma direction générale est responsable des interactions du Canada avec la direction de la BAII, notamment par une représentation au conseil d'administration de la BAII. Le conseil d'administration est chargé d'orienter les opérations générales de la Banque, comme l'approbation des stratégies et politiques globales. À cet égard, la structure de gouvernance de la BAII est largement similaire à celle des autres BMD dont le Canada fait partie, avec une réserve portant sur le fait que la BAII ne dispose pas de conseil d'administration résident à temps plein, comme le témoin précédent l'a souligné.
    Depuis sa création, la BAII dispose d'un conseil d'administration non résident à temps partiel, composé en grande partie des hauts responsables financiers des plus grands actionnaires de la BAII, qui se réunissent régulièrement, soit en personne, soit par des moyens virtuels. Pour le Canada, cela signifie que notre représentant fut un haut fonctionnaire de la Direction des Finances et échanges internationaux au ministère des Finances, basé ici à Ottawa.
     Je vais vous donner un aperçu de la chronologie des événements dont nous discutons aujourd'hui. Ce représentant a été informé de la démission du directeur général des communications de la BAII, M. Bob Pickard, par le vice-président et secrétaire général de la BAII, tard dans la soirée du 13 juin. Les responsables du ministère des Finances, y compris le représentant du Canada de l'époque au conseil d'administration de la BAII, n'avaient pas été en contact précédemment avec M. Pickard et n'avaient pas été informés de problèmes entourant son mandat à la BAII.
    Je comprends que M. Pickard a informé à peu près au même moment notre représentant canadien à notre ambassade à Pékin de sa démission et de son intention de revenir immédiatement au Canada. Tôt le 14 juin, le ministère des Finances a appris, par les publications de M. Pickard sur ses comptes de médias sociaux, ses allégations contre la BAII. M. Pickard a formulé de nombreuses observations au sujet de la BAII. M. Pickard a eu l'occasion de discuter de ces observations avec ce comité.
    Plus tard le même jour, la vice-première ministre a publié une déclaration publique mettant immédiatement fin à toute activité du gouvernement du Canada au sein de la BAII et ordonnant aux fonctionnaires du ministère de diriger un examen des allégations soulevées par M. Pickard et de la participation du Canada à la BAII. Depuis, le ministère travaille à cet examen. La vice-première ministre a annoncé le 8 décembre que le gouvernement allait élargir son examen de la BAII, en collaboration avec certains de nos plus proches partenaires internationaux. Pendant que ces travaux se poursuivent, la participation du Canada à la BAII reste suspendue.
    Ceci conclut mes propos. Julie Trépanier et moi serions heureux de répondre à vos questions. Je vous remercie de votre attention.

  (1650)  

    Je vous remercie, monsieur Kuhn.
     Je cède la parole à M. Chong pour au plus six minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci à nos témoins d'être venus.
     Pouvez-vous nous dire quand l'examen sera terminé? Ensuite, quand le rapport de l'examen sera‑t‑il rendu public?
    Merci beaucoup pour cette question.
     Comme on peut le lire dans le communiqué de presse publié vendredi, l'examen est... Notre participation à la Banque est suspendue pour une durée indéterminée pendant que l'examen est en cours. Je n'ai pas d'échéancier pour l'achèvement de l'examen à ce stade.
    Pouvez-vous nous dire si le rapport de l'examen sera rendu public?
    Il appartiendra à la vice-première ministre et ministre des Finances de décider si l'examen sera rendu public, ou quelle forme l'examen prendra une fois qu'il sera terminé, quand nous aurons l'occasion de le présenter.
    Je vous remercie.
     Pour les membres du public qui nous regardent, pouvez-vous nous dire combien d'argent le gouvernement a transféré à la BAII?
    Oui.
     Comme dans d'autres banques multilatérales de développement, les actions de la BAII sont réparties entre le capital exigible et le capital versé. Nous pouvons en discuter, mais pour ce qui est du montant qui a été versé à l'institution, le gouvernement du Canada a versé 159,2 millions de dollars américains.
    Je vous remercie.
     Divisé par trois, puis multiplié par quatre, cela fait environ 200 millions de dollars canadiens, en gros.
     L'article 7 des statuts de la Banque stipule qu'un membre peut se retirer de la Banque en donnant un préavis écrit de six mois. Cet article précise en outre qu'un membre reste responsable des obligations auxquelles il était soumis envers la Banque à la date de présentation de l'avis de retrait.
     Ma question est la suivante: si le Canada se retirait de la Banque, quelle serait l'étendue des obligations financières actuelles du Canada envers la Banque?
    Je pense qu'il est important de comprendre deux éléments déterminants du contexte.
     Le premier est que les procédures de retrait que vous voyez dans les statuts de l'institution sont calquées sur les procédures de retrait de différentes autres banques multilatérales de développement de même nature. À ma connaissance, ces procédures n'ont été invoquées que deux fois. Cuba s'est retiré de la Banque mondiale et du FMI au milieu des années 1960. Je crois que la France s'est retirée de la Banque de développement des Caraïbes il y a environ 23 ans.
     Si je rappelle ce contexte, c'est pour dire qu'il y a beaucoup de terrain juridique non testé en ce qui concerne le retrait d'un membre de la BAII ou d'autres institutions. En ce qui concerne le préavis de six mois prévu dans les statuts, il vise à protéger tous les actionnaires et l'institution elle-même: si l'institution devait faire face à des difficultés financières, les membres ne pourraient pas se retirer instantanément et donc renoncer à leur part de ces difficultés financières, qui sont hypothétiques.
     Dans le cas qui nous occupe, la BAII est une institution financière notée AAA par les trois principales agences de cotation. Je pense que la question de savoir de quoi nous serions responsables est une question hypothétique. Elle n'est pas pertinente dans le contexte actuel.
    On peut dire sans risque de se tromper que nous ne récupérerions pas immédiatement la totalité des 160 millions de dollars américains que nous avons versés à la Banque.
    En ce qui concerne les procédures de retrait, les statuts prévoient qu'un membre qui se retire verra l'institution racheter les actions qu'il a acquises dans cette institution. Bien que ces procédures n'aient pas été testées, nous pensons que le Canada recevrait une compensation pour les actions qu'il a acquises jusqu'à présent.
    Nous savons que la RPC a créé cette Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures pour rivaliser avec l'ordre mondial de l'après-Seconde Guerre mondiale et tenter de supplanter les institutions multilatérales dirigées par les États-Unis, à savoir les institutions de Bretton Woods et de l'après-Seconde Guerre mondiale. Cette banque était l'une de ses tentatives, pour contrebalancer la Banque mondiale et le FMI.
     Récemment, le FMI a été saisi d'une proposition visant à augmenter les quotes-parts de 50 %. Il s'agit d'une initiative menée par les États-Unis. La RPC s'y oppose. Quelle est la position du gouvernement du Canada?

  (1655)  

    Comme vous l'avez dit, la question qui se pose actuellement au FMI est celle de l'augmentation des quotes-parts, le terme technique pour désigner les « actions avec droits de vote », en réalité, au FMI. Ce vote est ouvert aux gouverneurs du FMI jusqu'à vendredi prochain et les membres, dont le Canada, continuent de voter au cours des deux prochains jours pour signaler leur intention.
     Je n'ai pas encore vu comment les autres pays votent à ce sujet — je pense que la question demeure ouverte — et je ne sais donc pas comment les autres finiront par voter. Toutefois, d'après les discussions qui ont eu lieu au conseil d'administration de l'institution, nous pensons que la proposition sera adoptée.
    Quelle est la position du Canada?
    Le Canada est favorable à une augmentation de 50 % au sein de l'institution.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Chong.
    Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.
     Je vous remercie.
    Et vous vous arrêtez à la seconde près.
     Nous cédons la parole à M. Cormier pour un maximum de six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Avant de poser des questions concernant le témoignage de M. Pickard, qui a exposé un aspect un peu plus problématique, j'aimerais avoir plus de détails au sujet de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, ou BAII. Depuis que le Canada en est membre, soit depuis 2018, il a certainement dû y avoir de bons coups, de bons avantages pour les compagnies canadiennes.
    Pouvez-vous nous parler de ce qui a été fait en matière de projets, par exemple?
    Pouvez-vous nous parler de certains de ces bons coups? Des compagnies canadiennes en ont-elles profité?

[Traduction]

     Merci beaucoup pour cette question.
     Je pense que la question comporte deux éléments importants. Le premier concerne les avantages que l'institution financière a apportés aux pays de la région dans laquelle elle concentre ses activités, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles le Canada et d'autres membres y ont adhéré. Comme on peut le lire dans le communiqué de presse que le Canada a publié au moment de son adhésion à l'institution, il s'agit de s'assurer que la croissance économique inclusive dans la région est un objectif et cela a été la priorité de l'institution.
     Depuis que l'institution existe, et elle est très jeune, elle a jusqu'à présent accordé 35 milliards de dollars américains de financement à 178 projets dans 31 pays de cette région, dont environ un tiers, 11,1 milliards de dollars, pour atténuer les pressions économiques et sanitaires exercées par la COVID. Il y a une histoire importante à raconter sur le succès de l'institution à cet égard.
     Toutefois, la question portait également sur les avantages pour les entreprises canadiennes en particulier. Sous ce rapport, j'aimerais souligner quelques points. Premièrement, en ce qui concerne les contrats obtenus par des entreprises canadiennes, je suis au courant de quatre contrats accordés à des entreprises canadiennes pour des projets financés par l'institution, de neuf contrats accordés à cinq entreprises canadiennes pour des achats au sein de l'organisation elle-même, ainsi que de 13 consultants canadiens qui ont participé à différents aspects des travaux de la BAII.
     Le dernier point que j'ajouterais à cet égard est le rôle important que le secteur financier canadien joue également en ce qui concerne son rôle au sein de la BAII, en notant par exemple que 16 % des opérations bancaires effectuées par l'institution ont été gérées par des institutions financières canadiennes. De plus, des institutions financières canadiennes ont participé comme souscripteurs à 8 des 10 émissions d'obligations auxquelles l'institution a participé à ce jour.

[Français]

    Je vous remercie de ces précisions.
    Je reviens maintenant au témoignage de M. Pickard. Les allégations dont il nous a parlé sont assez graves.
    Quand en vous avez pris connaissance et à quel moment avez-vous contacté M. Pickard pour discuter de tout ce qui le préoccupait concernant la BAII?

  (1700)  

[Traduction]

    Il serait peut-être utile que je passe en revue la séquence des événements de la mi‑juin. M. Pickard l'a fait lui-même, mais pour préciser certains détails, sa démission est survenue le 12 juin, si je ne me trompe pas. L'institution a informé les représentants de notre gouvernement le 13 juin, tard dans la soirée du lendemain. C'est le lendemain, le 14 juin, que nous avons entendu parler pour la première fois des raisons de sa démission et que les allégations faites dans les médias sociaux ont été portées à notre attention.
     C'est ce même jour, le 14 juin, que la vice-première ministre a annoncé l'arrêt des activités du Canada au sein de l'institution et le début de l'examen dont nous discutons.
     En ce qui concerne le lancement de l'examen et nos conversations avec M. Pickard, l'examen a commencé immédiatement. Le 14 juin était un mercredi et dès le vendredi suivant, le 16 juin, nous avons contacté M. Pickard pour lui demander un entretien. Le premier entretien avec lui a eu lieu le 20 juin. Il ne s'est pas déroulé en personne, mais par conférence téléphonique d'une durée d'environ 30 minutes. Nous voulions commencer à entendre son histoire et avoir un premier échange avec lui.
     La conversation en personne plus longue que nous avons eue avec lui, celle à laquelle je pense qu'il faisait référence dans son témoignage, a eu lieu le 4 juillet. La conversation a duré environ 90 minutes, ce qui lui a donné l'occasion de nous raconter son histoire.
     Par la suite, comme il l'a indiqué dans son témoignage, nous nous sommes montrés très ouverts et nous l'avons encouragé à nous communiquer des renseignements. Par la suite, il nous a fait parvenir une trentaine de courriels renfermant des observations supplémentaires sur ce qu'il avait vécu.

[Français]

    Très bien.
    Si j'ai bien compris, M. Pickard vous a fourni des preuves de ce qu'il alléguait, notamment de l'information dans des courriels et certains documents liés à toute cette situation.
    Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Je pense qu'il en a également parlé dans son témoignage. Cependant, je tiens à souligner que le principal contact et échange que nous avons eu avec lui dans le cadre de notre examen a été oral, y compris deux entretiens d'une durée totale d'environ deux heures, puis des courriels ultérieurs qu'il nous a envoyés pour s'étendre sur ses observations et insister sur certains détails du témoignage oral qu'il nous a donné. Toutefois...
    Je vous remercie, monsieur Kuhn. Cela met fin au temps de parole accordé à M. Cormier.
     Nous cédons la parole à M. Bergeron pour au plus six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idées.
    Je ne voudrais surtout pas mettre des mots dans la bouche de M. Pickard. De plus, je n'ai pas eu l'occasion de réviser les « bleus », mais il me semble qu'il nous a dit que, lorsque les fonctionnaires l'avaient convoqué ou plutôt invité, devrais-je dire, à leur faire part de son expérience, ces fonctionnaires se seraient montrés peu intéressés ou, à tout le moins, peu curieux. M. Pickard s'attendait à devoir fournir davantage d'exemples, mais on ne lui a jamais demandé d'en fournir.
    Ne vouliez-vous pas approfondir des éléments qu'il avait évoqués dans son courriel?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit dans ma réponse précédente, nous avons accordé à M. Pickard tout le temps dont il avait besoin pour présenter sa version des faits lors de son témoignage oral et nous l'avons invité à poursuivre ses échanges avec nous lorsqu'il serait en mesure de nous fournir davantage de renseignements. Il l'a fait au moyen de plusieurs courriels, comme je l'ai dit.
     Deux autres faits sont également importants.
     D'une part, il n'a pas été en mesure de corroborer ou d'étayer son témoignage par des documents écrits. Je pense qu'il a également fourni cette explication dans son témoignage.
     D'autre part, en ce qui concerne les étapes ultérieures de notre examen, il ne serait pas au courant de tout le travail que nous avons réalisé, y compris l'organisation de plus de 40 entretiens avec diverses parties, tant au sein du gouvernement qu'à l'extérieur, pour essayer de comprendre et de corroborer la gravité des allégations qu'il a formulées et de déterminer la voie à suivre dans le cadre de notre examen en cours.

  (1705)  

[Français]

    Dans un communiqué récent, on nous indique que le Canada a décidé d'approfondir son enquête.
    Qu'est-ce qu'on entend par « approfondir l'enquête »?

[Traduction]

     Le député renvoie au communiqué de presse publié par la vice-première ministre vendredi dernier. Ce communiqué comporte trois points qui décrivent les domaines dans lesquels nous pensons devoir pousser plus loin notre examen et avons besoin de plus de temps pour comprendre la nature des problèmes que notre examen a révélés à ce jour concernant la BAII. Ces trois points, sur lesquels je serai heureux de m'étendre, décrivent les enjeux relatifs à la BAII pour lesquels nous pensons qu'un travail plus approfondi s'impose. Dans nos travaux à ce jour, nous avons répertorié certaines faiblesses et certains domaines nécessitant une intervention plus poussée en ce qui concerne la gouvernance de l'institution.

[Français]

     À la lumière du témoignage de M. Pickard devant ce comité et des questions qui vous ont été posées, cet approfondissement de l'enquête vous amènera-t-il à poser davantage de questions à M. Pickard?

[Traduction]

    Nous avons gardé la porte ouverte à des conversations avec M. Pickard. Dans la poursuite de notre examen au cours des prochains mois, oui, je serais certainement heureux d'avoir d'autres entretiens avec lui pour lui offrir l'occasion de développer certains enjeux que nous analyserons dans la poursuite de notre examen.

[Français]

    Les États‑Unis ont refusé de faire partie de cette banque, exprimant certaines craintes sur sa gouvernance et sa transparence.
    Cela n'aurait-il pas dû vous alerter?

[Traduction]

    À l'époque où notre gouvernement a choisi d'adhérer à l'institution, il est certain que la position des États-Unis était bien connue et a été prise en compte au même titre que les bénéfices potentiels de l'adhésion du Canada à l'institution. Je ne peux pas parler des raisons précises pour lesquelles le gouvernement du Canada a choisi de prendre les décisions qu'il a prises, mais il est certain qu'il y a aussi des avantages à faire partie de l'institution.

[Français]

    Quels sont ces avantages?

[Traduction]

    Nous en avons déjà évoqué deux dans notre témoignage concernant l'intérêt déclaré dans le communiqué de presse publié lors de l'adhésion à l'institution, lorsque le ministre des Finances de l'époque a parlé de la croissance économique inclusive dans la région qui pourrait être favorisée par cette banque multilatérale de développement, ce qui est une raison essentielle pour laquelle le Canada et d'autres partenaires d'optique commune s'engagent dans une série de banques multilatérales de développement. Nous avons aussi évoqué les possibilités commerciales qui s'offrent aux Canadiens et aux entreprises canadiennes du fait de la participation à cette institution.
     La troisième raison qu'il m'apparaît important de souligner, c'est que le fait d'être représenté à la BAII et d'avoir notre voix à la table nous permet de discuter d'enjeux en conformité avec les priorités et les valeurs des Canadiens en essayant de faire en sorte que nous soyons en mesure d'en discuter lorsque la BAII examine les projets dans lesquels elle choisit d'investir.
    Merci, monsieur Bergeron. Le temps est écoulé.
    C'est maintenant le tour de Mme Ashton pour un maximum de six minutes.
    Merci beaucoup.
     Ma première question porte sur les avantages. D'après certains chiffres que vous avez communiqués, il y a le simple fait que 16 % des opérations bancaires font intervenir des institutions bancaires canadiennes. Ce sont des chiffres assez considérables.
     Pourriez-vous nous parler de certains avantages que des entreprises canadiennes retirent de la participation du Canada à la BAII?
    Merci pour cette question.
     J'ai déjà cité plusieurs contrats que des entreprises canadiennes ont obtenus dans le cadre de projets et de marchés publics au sein de la BAII, ainsi que de différents consultants qui participent aux travaux de la BAII. Ces chiffres sont ce qu'ils sont. Je pense qu'ils montrent que plusieurs Canadiens et entreprises canadiennes bénéficient directement de leur participation au sein de l'institution.
     Je pense qu'il est également important de continuer à souligner que le fait que des Canadiens tirent parti de leur rôle au sein de l'institution n'est qu'une des raisons pour lesquelles des gouvernements comme le Canada choisissent d'adhérer à ces institutions. C'est une raison importante, mais pas la seule.

  (1710)  

    En ce qui concerne les différents projets dans lesquels des entreprises canadiennes jouent un rôle, vous avez mentionné que certains sont liés à la relance post-COVID. Pourriez-vous citer en exemple un projet pour illustrer l'importance du travail accompli par des entreprises canadiennes par l'entremise de la BAII?
    Je crains de ne pas pouvoir vous fournir des détails précis sur des projets, mais je tiens à souligner que les renseignements sur chacun des projets dans lesquels l'institution s'engage sont publics et transparents sur son site Web. Quiconque souhaite connaître ces projets — ainsi que leur objectif et les activités qui s'y rattachent — peut obtenir ces renseignements en ligne.
    Bien sûr, c'est une bonne suggestion.
     Vous avez évoqué le chiffre de 16 % en ce qui concerne les opérations bancaires. Ce chiffre contraste fortement avec les 0,83 % d'actions avec droits de vote que le Canada détient dans l'organisation. Pour ces catégories d'actions, il semble qu'il s'agisse d'une participation significative en ce qui concerne les opérations bancaires.
     Seriez-vous d'accord pour dire que le rôle du Canada dans ces opérations bancaires est important compte tenu de la place que le Canada occupe au sein de l'organisation et sur la scène mondiale?
    J'ai cité ce chiffre parce qu'il m'a sauté aux yeux comme illustration de l'une des façons dont le Canada participe au travail de l'institution, et il est certainement plus important, en pourcentage des opérations qui ont cours au sein de l'institution, que notre part des votes au sein de cette organisation. Par ailleurs, je ne peux pas me prononcer sur les raisons pour lesquelles la Banque jouit à ce point de la confiance des institutions financières canadiennes.
    J'aimerais faire un lien avec ce constat. Je viens de l'Ouest canadien et nous savons que les provinces de l'Ouest considèrent la Chine comme un partenaire commercial important. En fait, trois provinces des Prairies ont un excédent commercial avec la Chine. Ma propre circonscription dépend du commerce de produits agricoles et de minéraux, y compris le nickel de ma ville natale.
     Je me demande s'il n'est pas important de continuer à s'engager, non seulement avec la Chine, mais avec une institution comme la BAII, étant donné l'importance des relations commerciales que des provinces canadiennes comme la mienne, ainsi que le Canada, entretiennent avec la Chine.
    La précision que j'apporterais à votre question, si vous me le permettez, serait de faire une distinction entre le gouvernement chinois et la BAII en tant qu'institution. C'est une distinction essentielle dont nous devons parler dans cette conversation, mais il est important de reconnaître que le sujet de notre conversation est l'institution elle-même et non le gouvernement de la Chine.
     À cet égard, j'ai le mandat et les connaissances nécessaires pour parler du rôle du Canada auprès de cette institution, mais pour ce qui est de discuter des relations commerciales bilatérales avec le gouvernement chinois, ces questions devraient être adressées à Affaires mondiales Canada.
    Je comprends. Je suis simplement frappée par le fait que toute cette conversation repose sur l'accusation selon laquelle la Chine se mêle des activités de la BAII, d'où l'examen.
     Pour confirmer, l'examen de la BAII par le Canada découle d'une publication sur Facebook d'un ancien employé qui a décidé de partir. Est‑ce exact, en ce qui concerne le moment où l'examen a été demandé?
    La vice-première ministre a lancé l'examen après avoir été informée des graves allégations formulées par un employé canadien qui travaillait au sein de l'institution. Ces allégations ont été portées à notre connaissance pour la première fois sur Twitter, dans les faits, c'est‑à‑dire sur les médias sociaux.
     Donc, oui, nous avons lancé l'examen sur la base d'allégations sérieuses formulées par un employé de l'institution.
    Je vous remercie pour cette information.
    Étant quelqu'un qui passe un peu de temps sur Twitter, je sais évidemment qu'on y trouve beaucoup de choses.
     Je vous suis reconnaissante de ce dont vous nous avez fait part. Il est certain que j'espère trouver plus d'information sur le rôle des entreprises canadiennes et sur les avantages qu'elles ont tirés de leur participation à la BAII.
     Je vous remercie.

  (1715)  

    Merci, madame Ashton.
     Nous cédons la parole à M. Seeback pour au plus cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Dans votre déclaration et dans vos réponses, vous avez parlé de la participation du Canada à la BAII pour aider à promouvoir une croissance économique mondiale inclusive.
     J'aimerais parler un peu du travail forcé des Ouïghours. Les États-Unis ont publié la liste des entités répertoriées au titre de l'UFLPA, une liste d'entreprises qui, selon les États-Unis, ont recours au travail forcé dans la région du Xinjiang pour l'exploitation minière et la production ou la fabrication de biens.
    En ce qui concerne les investissements réalisés avec notre argent par l'entremise de la BAII, le gouvernement du Canada a‑t‑il mis en place un système pour s'assurer qu'aucun projet financé par la Banque ne contrevient à la liste des entités de l'UFLPA?
    Je vous remercie pour cette question.
     La question du travail forcé est importante, surtout lorsque nous discutons de la participation du Canada à la BAII. Je tiens à souligner qu'il s'agit d'un enjeu important qui nous préoccupe depuis plus longtemps que le lancement de l'examen que nous menons. Par exemple, c'est un enjeu que la vice-première ministre a soulevé même l'an dernier, en 2022, dans son rôle de gouverneure de l'institution. Comme nous l'avons entendu dans des témoignages précédents, le représentant du Canada au conseil d'administration a également soulevé cette question auprès de ses homologues administrateurs autour de la table à la BAII en ce qui concerne des projets précis.
    Je comprends que l'on puisse soulever un enjeu — c'est une chose. Je soulève un enjeu en ce moment même, mais il y a une différence entre soulever un enjeu et garantir aux Canadiens et aux parlementaires qu'aucun fonds canadien versé à la BAII n'a fini par financer des projets qui ont eu recours au travail forcé des Ouïghours. Ce n'est pas difficile. Les États-Unis ont publié une liste d'entités. Il est facile de la consulter. J'ai soulevé la question à plusieurs reprises auprès de la ministre du Commerce.
     Le gouvernement du Canada s'est‑il assuré qu'aucun fonds de la BAII investi ou utilisé pour financer un projet n'a été versé à des entreprises figurant sur la liste des entités de l'UFLPA?
     Si vous ne le savez pas, vous pouvez dire que vous ne le savez pas. Si la réponse est non, vous pouvez dire non, ou vous pouvez dire oui, nous l'avons fait. Je ne veux pas entendre parler de processus. Je veux savoir si nous l'avons fait ou si nous ne savons pas si nous l'avons fait et si un processus permet de garantir que nous ne l'avons pas fait.
    Monsieur le président, je pense que la question est importante et la réponse nécessite un peu de contexte pour saisir comment fonctionnent les finances d'une institution multilatérale, à deux égards.
     Premièrement, le capital que nous avons fourni à l'institution n'est pas directement investi dans des projets précis. Il sert de levier, sur les marchés financiers, pour les émissions d'obligations qui sont elles-mêmes prêtées à des projets.
     Le deuxième élément important, et qui est déterminant dans cette discussion, est le fait que le Canada est actionnaire à moins de 1 % de cette institution. Il est donc important de parler de projets, mais nous n'avons pas la possibilité de nous opposer aux projets envisagés par le conseil d'administration.
    Très bien, je comprends. Cependant, existe‑t‑il un système permettant de vérifier où les fonds de la BAII sont investis pour garantir que des entreprises figurant sur la liste des entités de l'UFLPA ne peuvent pas y avoir accès au moyen d'obligations ou de tout autre mécanisme de financement? Le ministère des Finances du Canada dispose‑t‑il d'un système permettant de garantir que ces entreprises ne peuvent pas accéder à ces fonds par l'intermédiaire de la BAII? C'est oui ou non.
    Je crains de ne pas pouvoir répondre précisément à la question parce que je ne connais pas explicitement la liste de l'UFLPA.
    Très bien. Y a‑t‑il quelqu'un d'autre au ministère qui connaîtrait cette liste? Je pense que vous êtes assez haut placé au sein du gouvernement.
    C'est une question que je devrais vérifier en interne.
    Eh bien, j'aimerais que vous nous répondiez par écrit, à savoir si le gouvernement du Canada a mis en place un système pour garantir que les projets financés par la BAII n'impliquent pas d'entreprises figurant sur la liste de l'UFLPA.

  (1720)  

    Très bien. Je vous remercie, monsieur Seeback.
     Nous cédons la parole à Mme Yip pour cinq minutes.
     Oh, je suis désolé...
    Je vais simplement prendre une minute, avec la permission de Mme Yip.
    Comme vous voulez.
    Je tiens à ce que les témoins précisent que la loi à laquelle le député d'en face fait référence n'est pas une loi canadienne, mais une loi américaine. En vertu de quelle autorité le Canada serait‑il tenu de se conformer à la loi américaine, ou sommes-nous toujours souverains?
     J'essaie seulement de comprendre. C'est une loi américaine, n'est‑ce pas? S'appliquerait-elle au Canada?
    Comme je l'ai dit au député précédent, je ne connais pas bien les lois des autres pays et la façon dont elles s'appliqueraient à différentes institutions. Bien entendu, les États-Unis n'ont pas non plus adhéré à la BAII. Cependant, en ce qui concerne les enjeux se rapportant explicitement à d'autres pays que le Canada, j'invite les députés à s'adresser à Affaires mondiales Canada.
    Je vous remercie.
    En parlant d'autres pays, la BAII compte 109 pays membres. Comment les autres pays membres ont-ils réagi aux allégations et quelles mesures ont-ils prises?
    Je vous remercie pour cette question.
     Je ne veux pas généraliser à l'ensemble des 108 autres pays membres de l'institution, mais il est juste de dire...
    Pouvez-vous donner des exemples de différents pays plutôt que de faire une généralisation?
    Il est juste de dire que, dans le cadre de notre examen, à ce jour, nous nous sommes entretenus avec des pays de la région de l'Asie et d'ailleurs, des pays emprunteurs et des pays non emprunteurs, et plusieurs enjeux soulevés dans l'examen jusqu'à présent ont trouvé un écho auprès de plusieurs de ces pays.
     Le communiqué de presse publié vendredi cite quatre pays en particulier, avec lesquels nous avons eu et continuerons d'avoir des conversations importantes, à mesure que l'examen se poursuit.
     Il est important de reconnaître que pour les pays cités, et pour beaucoup d'autres avec lesquels nous nous entretenons, le fait d'être cités ne signifie pas qu'ils sont entièrement en accord avec les allégations qui ont été faites par l'institution, ni avec l'examen que nous menons ou avec les mesures qui pourraient en découler. Cependant, leur participation révèle qu'ils pensent que certaines questions importantes doivent être abordées et qu'ils sont disposés à travailler avec nous à cet égard.
    Quels sont les quatre pays?
    Le communiqué de presse du 8 décembre cite l'Australie, l'Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni comme quatre exemples de pays avec lesquels, dans le cas qui nous occupe, nous avons eu des conversations sur cette question à Marrakech, lors des réunions annuelles de la Banque mondiale et du FMI, où ces conversations ont lieu.
    Collaborons-nous avec eux dans une quelconque forme d'examen?
    Nous avons des entretiens réguliers avec eux et avec plusieurs autres pays pour essayer de comprendre, concrètement, ce qui sous-tend les allégations et les enjeux précis dont nous avons déterminé qu'ils méritent une discussion plus approfondie. Oui, nous continuons à avoir des entretiens.
     En fait, Patrick Halley, notre sous-ministre adjoint, qui est aussi chargé de cet examen, se trouve à Brasilia où il rencontrera ses homologues du G20 ainsi que de plusieurs de ces pays afin de poursuivre cette conversation avec eux cette semaine ainsi que dans les semaines et les mois à venir.
    Nous avons évoqué la pause indéfinie du Canada à la BAII. Depuis combien de temps cette pause est-elle en vigueur? Combien de temps va‑t‑elle se poursuivre?
     La pause est en vigueur depuis le 14 juin. Le communiqué de presse publié vendredi par la vice-première ministre indiquait clairement que la pause se poursuivrait jusqu'à ce que l'examen puisse être mené à bien.
     La poursuite de l'examen illustre la gravité des allégations que nous avons reçues, que nous avons entendues, ainsi que de certaines questions qui, selon nous, méritent d'être approfondies à mesure que notre examen progresse.

  (1725)  

    Vous ne savez donc pas combien de temps durera cet examen?
    Non, il n'y a pas de date butoir pour l'examen à ce stade. L'examen s'achèvera lorsque nous serons convaincus d'avoir...
    Merci, madame Yip. Votre temps est écoulé.
     C'est le tour de M. Bergeron pour deux minutes et demie.

[Français]

    Il semble y avoir un fossé entre votre évaluation et celle de M. Pickard sur les retombées ou les conséquences de la participation du Canada à cette banque. Vous y voyez des avantages. M. Pickard voit, quant à lui, une institution qui sert principalement les intérêts de la Chine.
    Est-ce que servir les intérêts de la Chine constitue un avantage?

[Traduction]

    L'AIIB est une organisation multilatérale. Comme le Canada, les 109 membres de l'institution choisissent d'y participer parce qu'ils y voient un avantage pour eux. Je pense qu'il est juste de dire que les 109 membres décident de participer à cette institution en fonction de leurs propres intérêts et de la manière dont ces intérêts peuvent se concrétiser par l'entremise de l'institution.
     Je pense qu'il est important de reconnaître, comme nous en avons discuté tout au long de ce témoignage, que la Chine est le plus grand actionnaire de l'institution. En fait, elle détient près de 27 % des droits de vote au sein de l'institution, de par sa conception et par convention. De ce point de vue, elle a un rôle particulier à jouer au sein de l'institution, différent de celui des petits actionnaires.

[Français]

    Il est bien évident — c'est une vérité de La Palice — que lorsque l'on se joint à une organisation, c'est parce qu'on espère en tirer des avantages. Lorsqu'on entreprend une évaluation sur la base d'allégations préoccupantes, cela doit nous amener nécessairement à réévaluer ce qu'on estimait au départ être des avantages. Je ne sens pas cela du tout dans votre discours.
    D'ailleurs, je veux revenir sur ce que Mme Yip nous a dit il y a quelques minutes. Dans votre récent communiqué, on parle effectivement d'échanges avec l'Australie, l'Allemagne, la Suède et le Royaume‑Uni.
    Diriez-vous que nos collègues de ces quatre pays partagent un certain nombre de ces inquiétudes? Je parle des inquiétudes qui ont amené le gouvernement canadien à suspendre sa participation indéfiniment.

[Traduction]

    Je vous remercie pour cette question.
     Avant de répondre directement à la question, j'aimerais préciser un point. L'examen se poursuit. Si je vous ai donné l'impression que le gouvernement du Canada est parvenu à une conclusion sur certains éléments du témoignage, j'en suis désolé. L'examen se poursuit. Nous continuons à examiner les différents éléments.
     En ce qui concerne les autres pays et leurs points de vue sur ces questions, je ne pense pas qu'il m'appartienne de faire des conjectures sur les points précis sur lesquels ils peuvent ou non être du même avis que nous en ce qui concerne l'institution ou sur la façon dont leurs gouvernements peuvent envisager de poursuivre leur participation au sein de l'institution.

[Français]

    Je ne parle pas de spéculations...

[Traduction]

    Je suis désolé, monsieur Bergeron. Votre temps est écoulé.

[Français]

    Oh, c'est dommage.

[Traduction]

    Il est écoulé de beaucoup, en fait. J'ai été très indulgent avec vous ce soir.
     Madame Ashton, vous disposez de deux minutes et demie.
    Tout d'abord, pendant que vous parliez, j'ai eu l'occasion de faire un survol rapide des projets que la BAII a approuvés au cours des deux dernières années. J'ai vu des références à l'utilisation rationnelle de l'eau, au Fonds pour l'autonomisation économique des femmes, à des centres d'intervention en cas d'urgences et de crises, au renforcement des systèmes de vaccination et de santé dans le cadre du projet de préparation et d'intervention stratégiques à la COVID‑19, à des projets d'énergie éolienne, de transports urbains et d'aide aux victimes de tremblements de terre. Ces projets ont été mis en œuvre dans plusieurs pays du monde.
     Il semble qu'il s'agisse là de projets très importants liés à des questions de vie ou de mort dans certains des pays les plus pauvres du monde. À votre connaissance, est‑ce le genre de projets dont la BAII s'occupe?
    Oui, tout à fait. Je pense qu'en parcourant la liste des 178 projets dans lesquels la Banque a investi à ce jour...
     J'ai parlé plus tôt du désir du gouvernement de participer à la croissance économique inclusive de la région comme une motivation pour participer à la BAII. Je pense que la lecture de cette liste tirée du site Web illustre très bien certains des avantages de participer à ces projets, encore une fois, dans 31 pays, dans une région qui a été désignée comme une région prioritaire pour l'action internationale du gouvernement du Canada.

  (1730)  

    La question des actions avec droits de vote a été soulevée à plusieurs reprises. Ces actions ne sont-elles pas en partie liées aux souscriptions totales à l'institution?
    Je dirais qu'il y a deux éléments à cette réponse. Oui, tout à fait, le montant du capital versé que les membres doivent fournir est directement proportionnel aux droits de vote qu'ils détiennent, mais ces droits de vote ont été négociés et sont bien connus et transparents pour tous les membres.
    Pour clarifier, lorsque nous parlons des actions avec droit de vote de la Chine, cela reflète également la souscription importante qu'elle détient par rapport au Canada, par exemple, dont la part est beaucoup plus faible.
     Enfin, vous avez mentionné...
    Je suis désolé, madame Ashton, votre temps est écoulé.
     D'accord, très bien.
     Je vous remercie.
    Je pense que nous devrions pouvoir vous redonner la parole avant la fin de la séance.
     Les prochains intervenants seront M. Seeback et Mme Lalonde. Si nous pouvons faire un troisième tour, nous accorderons cinq minutes aux conservateurs, cinq minutes aux libéraux et deux minutes et demie au Bloc et au NPD.
     Monsieur Seeback, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je vais revenir sur la question du travail forcé des Ouïghours. M. Oliphant a souligné que la liste est américaine. C'est vrai, mais c'est parce que nous n'avons pas de liste d'entités interdites au Canada. Les États-Unis ont fait des recherches diligentes, mais le Canada ne l'a pas fait, et nous n'avons donc pas de liste. Toutefois, nous savons qu'en vertu de l'ACEUM, le Canada est légalement tenu de ne pas autoriser l'importation de biens fabriqués par le travail forcé. Vous le savez. Est‑ce exact?
    Mon mandat ne couvre pas explicitement l'ACEUM, donc, non, je ne le sais pas.
    Eh bien, c'est ce que nous sommes légalement tenus de faire: ne pas autoriser l'importation de biens fabriqués avec du travail forcé. C'est la loi au Canada.
     Le Canada n'a pas saisi une seule cargaison de marchandises en provenance de la région du Xinjiang, en Chine, ou d'ailleurs. En fait, les États-Unis exhortent maintenant le Canada à cesser d'importer des marchandises fabriquées avec du travail forcé parce que nous sommes devenus une décharge pour ces biens après que les États-Unis les ont interdits. Cela me ramène à la question de la BAII.
     Avons-nous mis en place des protocoles pour garantir que les entreprises qui ont recours au travail forcé des Ouïghours n'obtiennent pas de financement de la part de la BAII?
    Comme il s'agit d'une institution multilatérale, le Canada siège au conseil d'administration de l'institution comme l'un des... Nous ne siégeons pas actuellement au conseil d'administration de la BAII. Cependant, lorsque nous y étions avant le début de la pause, nous étions un membre votant qui prenait des décisions sur les projets approuvés par l'institution, mais nous n'étions qu'un membre votant.
     La répartition des voix au sein de l'institution est telle que le Canada ne jouit pas d'un droit de veto sur les projets approuvés par l'institution, tout comme nous ne jouissons pas d'un droit de veto dans les banques multilatérales de développement dont nous sommes membres.
    Nous pouvons soulever des enjeux, et nous pouvons tenter de trouver des partenaires d'optique commune à la table du conseil qui peuvent soulever eux aussi des enjeux avec nous, mais nous ne détenons pas le nombre de voix nécessaire pour bloquer des projets individuels nous-mêmes.
    Nous ne savons pas si des fonds utilisés à la BAII l'ont été par des entreprises accusées de recourir au travail forcé des Ouïghours. Nous n'avons pas de système en place pour le vérifier.
    Je sais qu'il y a eu des projets approuvés par la BAII à propos desquels le Canada et d'autres partenaires ont soulevé des questions sur le travail forcé et la participation du Canada n'a pas permis de les bloquer en conséquence.

  (1735)  

    Ces projets ont donc été approuvés.
    Oui.
    Puisque nous sommes un investisseur dans cette institution, un actionnaire de cette banque avec l'argent des contribuables canadiens, nous pouvons affirmer catégoriquement que l'argent des contribuables canadiens, dans une certaine mesure — ce pourrait être un très petit montant — a servi à financer des projets où l'on accusait un bénéficiaire de ce financement de recourir au travail forcé des Ouïghours.
    Nous pouvons affirmer que nous participons à un cadre multilatéral par l'entremise de cette institution et que le Canada n'a pas de droit de veto sur les différents projets approuvés par le conseil d'administration.
    Ces projets sont allés de l'avant malgré les objections du Canada selon lesquelles il pourrait y avoir du travail forcé des Ouïghours.
    On dénombre 178 projets sur le site Web.
    Je sais. Vous venez de dire que vous vous opposiez à certains d'entre eux, mais qu'ils ont été approuvés.
    Il y a eu des projets pour lesquels nous avons soulevé des questions à propos du travail forcé. Je ne sais pas précisément...
    Pouvez-vous nous soumettre les projets auxquels le Canada s'est opposé parce qu'il craignait que des fonds soient versés à des entreprises qui ont recours au travail forcé?
    Oui. Je peux le faire.
    Merci beaucoup.
     Avant les révélations de M. Pickard, le gouvernement du Canada avait‑il des préoccupations concernant la structure de gouvernance de la BAII, la loi de 2017 sur la sécurité nationale et l'ingérence du PCC dans la Banque?
    Une multitude d'enjeux sont traités dans le cadre de l'examen. Nous portions attention à plusieurs de ces enjeux et nous les prenons en compte, et nous avons fait pression sur les canaux de gouvernance de l'institution depuis un certain temps.
     Je n'étais pas précisément au courant des allégations de M. Pickard concernant les employés de l'institution et le fait qu'ils soient ou non membres du Parti communiste chinois. Nous avons demandé des preuves de cette allégation et nous n'en avons pas à ce stade.
    Pouvez-vous déposer...
    Merci, monsieur Seeback.
     ... les préoccupations soulevées, quelles qu'elles soient, si elles ont été soulevées par écrit ou en interne au gouvernement? Auriez-vous l'obligeance de soumettre ces préoccupations au Comité dans le cadre de notre étude?
     Puis‑je avoir un oui ou un non?
    Bien sûr.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Seeback.
     Nous cédons la parole à Mme Lalonde pour au plus cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

     J'aimerais revenir en arrière.
     Je pense que vous avez essayé tout à l'heure, et peut-être que les questions de mon collègue allaient dans le même sens, mais je tiens simplement à entendre clairement... Il est certain que les allégations de M. Pickard sont très sérieuses. Au cours de vos entretiens avec lui, quel type de preuve électronique ou matérielle a‑t‑il fournie au ministère?
    Les enjeux qu'il a soulevés sont importants, mais il importe aussi de souligner que son témoignage, comme il l'a dit lui-même, était oral et étayé par plusieurs courriels qu'il a fournis pour renforcer ses arguments. Cependant, selon son propre témoignage, il n'a pas été en mesure de fournir des preuves écrites ou documentaires pour corroborer ou étayer les allégations les plus graves qu'il a formulées.
    Je vous remercie. Je sais que vous aviez essayé de le dire plus tôt.
     Vous avez également fait référence aux courriels qu'il a cités comme une observation circonstanciée de sa part. Est‑ce exact?
    Oui, c'est exact.
    Très bien.
     J'aimerais revenir sur la position du gouvernement et sur ce que cela signifie lorsque nous disons que le Canada a mis sur pause ses activités à la BAII pour une durée indéterminée. Depuis combien de temps cette pause est-elle en vigueur? Qu'est‑ce qu'elle signifie précisément, monsieur Kuhn?

  (1740)  

    La pause est en vigueur depuis le 14 juin. C'est la date de l'annonce initiale faite par la vice-première ministre. Cela signifie deux ou trois choses très concrètes pour nous.
     Tout d'abord, comme j'y ai fait allusion dans l'une de mes réponses précédentes, cela signifie que nous n'avons pas participé aux réunions du conseil d'administration depuis cette date, et que nous n'avons pas participé aux réunions annuelles de l'institution depuis cette date. En fait, cela signifie que l'employé de mon équipe qui avait été désigné comme administrateur suppléant, le représentant au conseil d'administration de cette institution, n'occupe plus ce poste, et notre siège au conseil d'administration de l'institution, le siège de notre administrateur suppléant, est vacant.
     Cela signifie également que, bien que nous ayons effectué quatre paiements de capital à l'institution, nous avons retenu le cinquième paiement de capital, qui est maintenant en retard, et nous le retiendrons tant que cette pause sera en vigueur.
    Très bien, merci beaucoup, encore une fois, pour cette réponse.
     Enfin, vous avez mentionné que le Canada était, et je cherche mon français ici...

[Français]

    Au cours de votre examen, avec quels partenaires gouvernementaux avez-vous travaillé pour obtenir de l'information supplémentaire et arriver à certaines décisions?

[Traduction]

    J'aimerais simplement obtenir une précision. La question porte‑t‑elle sur les autres partenaires du gouvernement ou sur l'étendue des partenaires avec lesquels nous avons travaillé dans le cadre de l'examen?
    Il serait peut-être utile d'exposer certains éléments de l'examen que nous avons entrepris jusqu'à présent; je n'ai pas eu l'occasion de le faire.
     Depuis notre entretien avec M. Pickard, avec qui nous avons mené l'un de nos premiers entretiens en juin, nous avons mené une quarantaine d'autres entretiens, y compris avec des employés actuels et d'ex‑employés de l'institution, des Canadiens qui travaillent ou ont travaillé dans l'institution.
     Nous nous sommes également entretenus avec des experts du gouvernement canadien, notamment au sein d'Affaires mondiales Canada.
     Nous nous sommes entretenus avec des représentants de l'appareil de sécurité et du renseignement du Canada, ainsi qu'avec un certain nombre d'alliés, de partenaires et de membres. Cependant, en plus de ces 40 entretiens ou plus que nous avons menés, nous avons aussi examiné des documents publics et les documents de l'institution.
     Dans son témoignage, M. Pickard a fait référence aux sondages menés auprès du personnel. Nous avons examiné ces sondages et les avons comparés à ceux menés dans des institutions similaires. Ce n'est qu'un exemple du type de documents que nous avons examinés dans le cadre de notre examen.
    Je n'ai peut-être pas été claire.
     Dans quelle mesure avez-vous travaillé avec des partenaires étrangers dans le cadre de cet examen?
    Nous avons eu plusieurs entretiens avec des partenaires étrangers. Comme je l'ai dit dans une réponse précédente, il s'agit non seulement d'alliés traditionnels, d'optique commune, mais aussi d'une vaste gamme d'autres pays qui sont membres de l'institution et qui ont des points de vue à faire valoir dans le cadre de l'examen.
     Malheureusement, je ne suis pas en mesure de citer des pays précis, sauf ceux qui ont choisi d'être cités dans le cadre de l'annonce de vendredi. D'autres travaillent plus discrètement en coulisses pour nous aider à résoudre certaines questions en suspens.
    Merci, madame Lalonde. Votre temps de parole est écoulé.
     Nous cédons la parole à M. Chong.
     Nous commençons le troisième tour. Nous accorderons cinq minutes à M. Chong, cinq minutes à M. Fragiskatos, et deux minutes et demie à M. Bergeron et à Mme Ashton.
    Après quoi, il restera peut-être un peu de temps. Si cela vous intéresse, nous pourrons accorder une question à chaque parti représenté ici, et cela conclura la séance.
     Monsieur Chong, vous disposez des cinq prochaines minutes.
    Je vous remercie.
    J'aimerais parler des projets de financement de la BAII.
     Il y a quelques années, un haut dirigeant de la BAII, comme l'a rapporté le Financial Times, une publication réputée, a déclaré que la Banque était disposée à financer des projets sous l'égide de la junte militaire du Myanmar, une décision à laquelle le gouvernement du Canada ne souscrit pas.
     Comment le gouvernement concilie‑t‑il son adhésion à une banque de développement dont les hauts dirigeants évoquent ouvertement la possibilité de financer des projets dans des pays comme le Myanmar?

  (1745)  

     Nous n'avons pas connaissance de l'ouverture de la BAII à mener des projets avec la junte du Myanmar.
     Si c'était le cas, ou si un tel projet était soumis au conseil d'administration, il est certain que nous...
    Je vous remercie pour cette réponse.
     Permettez-moi de vous donner d'autres exemples.
     En 2020, plusieurs organismes non gouvernementaux ont accusé la BAII de violer les droits de la personne et les normes environnementales en Inde lorsque 103 familles ont été déplacées de force pour faire place à un projet de métro ferroviaire financé par la BAII.
     La même année, des allégations similaires concernant l'absence de normes environnementales ont été formulées à l'endroit d'un projet de la BAII financé au Bangladesh. Il s'agissait de la centrale électrique de Bhola, où une inondation s'est produite et plusieurs ouvriers ont trouvé la mort.
     Un an plus tard, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme a affirmé que les droits de la personne ont été violés dans un projet touristique à Mandalika, en Indonésie, financé lui aussi par la BAII, notamment en raison du déplacement et de la réinstallation forcés d'habitants.
     Plus récemment, des organismes de la société civile ont allégué l'existence de pratiques de recouvrement prédatrices et abusives dans un projet de microfinancement au Cambodge financé par la BAII.
     Avec tous ces projets, il semble qu'une tendance se dessine en ce qui concerne un modèle de gouvernance différent de celui d'organisations multilatérales et de banques de développement, notamment la Banque mondiale.
     Dans tous ces cas, comment le financement de ce type de projets peut‑il être cohérent avec les priorités officielles de la politique étrangère du gouvernement?
    La BAII a investi dans 178 projets. C'est le nombre de projets que je peux citer avant que nous interrompions nos travaux. Bien sûr, au cours des six derniers mois, nous n'avons pas participé à l'examen ou à l'approbation de projets. Je ne peux pas parler des détails de ces projets ni dire si la BAII les a envisagés avant ou après la pause qui est en cours.
    Par contre, je peux dire que, comme le témoignage de M. Pickard le révèle, la BAII est une jeune institution, avec environ sept ans d'existence, et l'une des façons dont elle a pris part aux décisions d'investissement dans des projets a été de le faire aux côtés d'autres organisations plus mûres comme la Banque mondiale ou la Banque asiatique de développement. En fait, plus de la moitié des projets dans lesquels elle investit sont réalisés en collaboration avec d'autres institutions qui ont une plus longue expérience en la matière.
    Je viens de citer quatre projets, 4 sur 178. Cela représente plus de 2 %. Ce n'est pas négligeable. Ces projets semblent correspondre à un modèle que l'administration Obama avait prédit, à savoir qu'il s'agirait d'une sorte de stratégie de la part de la République populaire de Chine pour exporter son modèle autoritaire de gouvernance dans toute la région de l'Indo-Pacifique. Comme nous voyons des projets comme celui‑ci être financés dans une optique très différente des droits de la personne, de la protection de l'environnement et de l'équité des procédures pour les communautés concernées, il me semble que ces prédictions se sont avérées.
     L'examen est‑il...
    Je suis désolé, monsieur Chong, mais votre temps de parole est malheureusement écoulé.
    Très bien, je vous remercie.
    C'est le tour de M. Fragiskatos pour cinq minutes.
    Je vous remercie tous les deux d'être ici.
     Ma question sera très générale, mais je pense qu'elle est instructive pour ceux qui nous regardent: pourquoi le Canada participe‑t‑il à des initiatives comme celle‑ci? Quel était l'objectif sous-jacent de la décision de participer à la BAII?

  (1750)  

    Je vous remercie.
     Il y a trois raisons générales pour lesquelles le Canada et d'autres membres participent à des banques multilatérales de développement, y compris la BAII.
     La première, comme je l'ai dit et comme l'exposait le communiqué de presse annonçant l'adhésion du Canada à cette institution, c'est que nous souhaitons favoriser une croissance économique inclusive dans cette région — dans ce cas précis, la région de l'Asie — et que cela s'inscrit dans la stratégie pour l'Indo-Pacifique et d'autres priorités de la politique étrangère du gouvernement.
     La deuxième raison essentielle pour laquelle le Canada participe à des banques multilatérales de développement, y compris celle‑ci, est de veiller à ce que les discussions qui ont lieu au sein de ces conseils d'administration tiennent compte des priorités et des valeurs canadiennes. Celles‑ci incluent les enjeux liés au travail forcé, dont nous avons parlé. Elles incluent les enjeux liés à la protection de l'environnement. Elles incluent les enjeux liés à l'égalité des sexes, et je pourrais en citer quelques autres.
     L'important n'est pas que nous puissions opposer notre veto à tous les projets avec lesquels nous ne sommes pas d'accord, mais que nous puissions veiller à ce que les priorités et les valeurs canadiennes soient prises en compte lorsque l'institution examine ces projets.
     Bien sûr, comme nous en avons discuté, la troisième raison concerne les débouchés commerciaux qui profitent aux Canadiens grâce à notre participation à l'institution.
     Cependant, nous avons les yeux grands ouverts face à cette itération particulière du leadership chinois. Ce n'est pas la Chine d'il y a 10 ans. La situation a radicalement changé, et notre comité l'a compris à maintes reprises.
     Je vous vois manifester votre accord, donc en reconnaissance de cette situation, que diriez-vous que le Canada fait pour se préparer ou se positionner en réaction à la dynamique changeante de la Chine en ce qui concerne son approche particulière de l'engagement international?
    Je pense que le Canada a eu de nombreuses conversations ou de nombreux débats au sein du conseil d'administration de la BAII grâce auxquels nous avons réussi à créer des coalitions autour de cette table et à faire évoluer l'institution dans un sens qui ne correspond pas à ce que la Chine aurait pu souhaiter, malgré le fait qu'elle en est le principal actionnaire.
     Je pense, par exemple, à la politique menée il y a quelques années, lorsque la BAII a annoncé qu'elle n'investirait pas dans des projets ou des infrastructures liés au charbon dans le cadre d'une politique climatique. Elle en a décidé ainsi parce que le Canada était présent à la table et avait insisté sur cet enjeu important.
     Le traitement réservé à la Russie par la BAII, dans le contexte de l'agression contre l'Ukraine, est un autre exemple qui ne s'est produit que grâce au leadership du Canada. Par exemple, en 2022, les assemblées annuelles étaient censées se tenir en Russie, à Moscou, et nous avons été en mesure de former une coalition au sein de l'institution pour veiller à ce que cela ne se produise pas. Les activités de l'institution concernant la Russie sont également suspendues pour une durée indéterminée.
     Ce sont des choses qui se produisent parce que nous sommes à la table, parce que nous avons des conversations, des conversations difficiles. Non, nous ne tenons pas le haut du pavé dans toutes nos conversations— c'est la nature même du travail dans un contexte multilatéral — mais nous avons ces conversations, et c'est un premier pas important.
    Il me reste 40 secondes, monsieur Kuhn. Je pense que la création de la coalition est très importante. Nous travaillons avec des pays d'optique commune dans le contexte de la BAII pour, sinon faire obstacle, si l'expression n'est pas bien choisie, en tout cas présenter une approche conforme aux valeurs démocratiques libérales.
    Oui. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous participons à une institution comme celle‑ci.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.
     Nous cédons maintenant la parole à M. Bergeron pour deux minutes et demie.

[Français]

    Je vais revenir à ma question précédente.
    Monsieur Kuhn, au sujet des discussions qui ont eu lieu avec vos homologues de l'Australie, de l'Allemagne, de la Suède et du Royaume‑Uni, vous m'avez dit que vous ne pouviez pas vous livrer à des spéculations.
    Je ne vous demande pas de vous livrer à des spéculations. Je vous demande simplement si, sur la base des discussions que vous avez eues avec vos homologues, ou que nos représentants — pas nécessairement vous personnellement — ont eues avec leurs homologues de l'Australie, de l'Allemagne, de la Suède et du Royaume‑Uni, il y avait des préoccupations communes relativement à ce qui nous préoccupe présentement.

  (1755)  

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question.
     Je pense que la façon la plus simple de comprendre la participation des autres pays est peut-être de commencer par reconnaître l'examen interne, dont nous avons entendu parler précédemment, que la BAII mène sur certains enjeux qui ont été répertoriés. Les partenaires qui siègent toujours au conseil d'administration de l'institution, pendant que le Canada s'en est retiré, regardent cet examen et tentent de demander des comptes à l'institution sur les enjeux liés à la gouvernance et à la culture, sur le mécanisme des plaintes et sur les problèmes de ressources humaines. Ces questions sont au coeur de l'examen et de certains des problèmes auxquels ces pays sont confrontés.
     Pour notre part, dans le cadre de notre examen, les 19 recommandations qui ont été formulées et que le conseil d'administration examine sont importantes, mais elles ne sont pas suffisantes. Elles ne traitent pas entièrement de l'étendue et de la gravité des allégations qui ont été formulées. Nous devons y ajouter d'autres domaines d'examen et d'autres éléments dont nous aimerions tenir compte dans la poursuite de notre examen.
     Ces quatre partenaires et d'autres avec lesquels nous nous sommes entretenus ont des points communs avec certains éléments de l'examen, mais je ne voudrais pas m'avancer sur le fait qu'ils partagent ou non tous les éléments de l'examen que nous avons entrepris.

[Français]

    Est-ce que d'autres pays ont pris un peu de recul en raison de ce qui se passe à la BAII?

[Traduction]

    Je ne connais aucun autre pays qui ait pris des mesures de la nature de celle que nous avons prise à ce stade.
     Merci, monsieur Bergeron.

[Français]

    Merci, monsieur Kuhn.

[Traduction]

    Nous passons à Mme Ashton pour deux minutes et demie.
    Merci beaucoup.
     Dans le cadre de l'examen que vous menez, parlez-vous également avec des entreprises ou des entrepreneurs canadiens qui travaillent avec la BAII ou sur des projets approuvés par la BAII?
    L'examen est en cours. Sur les 40 entretiens que nous avons menés jusqu'à présent, nous n'avons pas encore communiqué avec des entreprises canadiennes qui tirent profit de l'institution. L'examen se poursuit. Nous avons encore du travail à faire.
    Bien sûr, je ne suis pas une membre permanente du Comité, mais il me semble que nous discutons de projets et d'avantages potentiels, on l'espère, pour des entreprises canadiennes, mais que nous n'entendons pas le point de vue de ces entreprises. Il nous manque manifestement un élément essentiel, qui a trait à l'un des trois grands principes qui justifient la participation du Canada dans une institution comme la BAII.
     Je voudrais revenir à la question des valeurs, que vous avez citée parmi les trois raisons pour lesquelles nous participons à des institutions comme la BAII et d'autres. L'une des valeurs canadiennes évoquées aujourd'hui est celle du multilatéralisme. On notera que le multilatéralisme ne signifie pas que nous sommes toujours d'accord les uns avec les autres. Le Canada et la Chine peuvent avoir des désaccords. Le Canada et d'autres pays peuvent avoir des désaccords, mais il est utile de travailler ensemble et de reconnaître que la Chine est l'un de nos principaux partenaires commerciaux. Il semble que d'incroyables débouchés économiques s'offrent aux entreprises canadiennes qui participent à des projets au sein de la BAII.
     Seriez-vous d'accord pour dire qu'il est avantageux pour le Canada de participer à des institutions multilatérales et que ce type de participation est avantageux non seulement pour les populations étrangères, mais aussi pour les Canadiens?
    Oui, je suis d'accord. Il y a des exemples clairs des avantages qui ont été créés grâce à la BAII en tant qu'institution et aux projets qu'elle finance, comme conséquence de l'approche du Canada à l'égard du multilatéralisme.
    J'ai une question brève.
     On a fait référence à des projets qui posent des problèmes parce qu'ils provoquent des déplacements. Je représente une région ravagée par le développement hydroélectrique qui a déplacé des milliers d'Autochtones et détruit l'environnement. Évidemment, cela ne fait pas partie de la BAII, mais c'est un gouvernement canadien qui a approuvé un projet de cette nature.
     Sur le thème plus général, à propos de certains projets que j'ai vus sur le site Web, nous parlons de questions de vie ou de mort. Pensez-vous que les Canadiens jugeraient qu'il est important d'investir dans ce type d'initiatives sur le terrain, que ce soit dans le domaine de la santé ou, franchement, du climat?

  (1800)  

    Je ne peux pas parler au nom des Canadiens, et ce n'est pas mon travail, mais quand je regarde la liste des projets de la BAII, je pense que des projets importants se réalisent grâce à cette institution.
     Cela ne veut pas dire que nous avons tiré une conclusion à propos de la participation du gouvernement du Canada à l'institution. Je dois insister sur le fait que l'examen se poursuit et que nous n'avons pas de position déclarée sur certains de ces enjeux. L'examen est complexe et délicat. Même la conversation que nous avons aujourd'hui est importante pour que nous puissions prendre note des préoccupations des gens à l'égard de l'institution et de son fonctionnement.
    Très bien. Cela nous mène à la fin de notre troisième tour de table.
     Je ne veux pas léser le Comité. Il nous reste probablement trois ou quatre minutes pour compléter nos 90 minutes.
     Nous voulons en avoir pour notre argent avec Mme Trépanier et...
    J'invoque le Règlement.
     Le président: Oui.
     L'hon. Robert Oliphant: Selon l'avis de convocation, la séance prend fin à 18 heures. Je crois qu'il est 18 heures passé.
    Nous avons commencé en retard, monsieur Oliphant.
     Encore une fois, par souci d'équité, comme je l'ai dit, je n'ai pas voulu léser le Comité.
     Y a‑t‑il d'autres questions?
     Un député: Je propose de lever la séance.
     Le président: Nous sommes appelés à voter sur une motion d'ajournement.
     Des députés: D'accord.
     Le président: Très bien, je vous remercie.
     Je vous souhaite à tous un très joyeux Noël.
     Merci encore à nos analystes et à notre greffière.
     Un député: Nous serons de retour lundi.
     Le président: Non, pas du tout.
     À nos interprètes et à tout le personnel qui nous aide, je vous souhaite de passer un merveilleux temps des Fêtes.
     La séance est levée.
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