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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 058 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 15 juin 2023

[Enregistrement électronique]

  (1835)  

[Français]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 58e réunion du Comité permanent des anciens combattants.

[Traduction]

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le lundi 3 octobre 2022, le Comité reprend son étude sur les expériences vécues par les vétéranes.

[Français]

    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre adopté par la Chambre le jeudi 23 juin 2022. Les députés et les témoins peuvent participer aussi bien en personne qu'au moyen de l'application Zoom.
    En ce qui concerne l'interprétation, je veux vous rappeler que vous pouvez choisir entre l'anglais, le parquet et le français.
    Je vous rappelle aussi que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
    De plus, je vous informe que les tests de connexion ont été faits en bonne et due forme.
    Avant d'accueillir les témoins, j'aimerais vous donner un avertissement à propos du sujet de cette étude. Nous allons discuter d'expériences liées à la santé mentale. Cela pourrait déclencher un traumatisme chez certaines personnes ayant vécu des expériences similaires, qu'il s'agisse de gens ici présents, de téléspectateurs, de membres du Comité ou de leur personnel. Si vous vous sentez bouleversés ou si vous avez besoin d'aide, veuillez en informer le greffier.
    Je voudrais maintenant accueillir les témoins, et je veux...
    Juste avant, monsieur le président, j'ai une toute petite question pour vous.
    Nous savons qu'il devrait y avoir un vote à 20 h 30. Je ne sais pas si c'est confirmé. Comment comptez-vous procéder?
    Normalement, aussitôt que la sonnerie d'appel retentit, je dois demander s'il y a consentement unanime des membres du Comité pour poursuivre la réunion quelques minutes, sinon nous devons nous arrêter à ce moment.
    C'est parfait, je vous remercie.
    Je voudrais maintenant accueillir les témoins.
    Mesdames, je veux d'abord vous remercier de votre présence. Notre séance durera deux heures. Au bout d'une heure, nous allons faire une petite pause de cinq minutes. Si toutefois vous avez besoin que j'interrompe la séance, faites-moi signe.

[Traduction]

    Au nom des membres du Comité, je tiens également à vous remercier de votre service.
    Nous accueillons aujourd'hui Carly Arkell, majore à la retraite, et Lisa Nilsson, maître de 2e classe à la retraite, qui comparaissent à titre personnel et par vidéoconférence. Nous recevons également Nadine Schultz-Nielsen, matelot de 1re classe à la retraite, et Louise Siew, capitaine à la retraite.

[Français]

    De plus, nous avons Mme Lisa Cyr, caporale à la retraite et propriétaire du Café Félin Ma Langue Aux Chats.
    Vous aurez cinq minutes pour votre déclaration d'ouverture.

[Traduction]

    Je vous aviserai lorsqu'il vous restera une minute et lorsque nous devrons passer à quelqu'un d'autre.
    Commençons par la majore à la retraite Carly Arkell, pendant cinq minutes.
    Veuillez débuter.
    Je tiens d'abord à remercier le président et le Comité de me donner l'occasion de prendre la parole.
    Je m'appelle Carly Arkell et, comme vous l'avez entendu, je suis majore à la retraite.
    Je dois présenter mes excuses. Je n'ai pas préparé de déclaration. J'éprouve certaines difficultés à écrire à l'ordinateur, alors je vais vous fournir quelques renseignements de cette façon.
    Pour vous donner une idée de qui je suis, je dirai que j'ai grossi les rangs des Forces armées canadiennes, dans la Réserve navale, au Navire canadien de Sa Majesté — ou NCSM Tecumseh, à Calgary, quand j'avais 17 ans. J'ai servi dans la Réserve navale pendant deux ans avant de passer à la Force régulière. Je suis devenue officière du génie aérospatial et j'ai servi dans la Force régulière pendant un peu plus de 20 ans avant d'être libérée en janvier 2021.
    Pour comprendre les expériences des vétéranes, il est important de comprendre d'où nous venons et comment nous en sommes arrivées à notre situation actuelle. Pour vous donner un peu de contexte — puisque le contexte est essentiel —, tout au long de ma carrière, j'ai eu des problèmes de santé, mais rien de majeur: tantôt une entorse à la cheville, tantôt un petit souci. Malheureusement, en 2016, j'ai subi une blessure sportive alors que je faisais du conditionnement physique dans une unité. Nous faisions des sauts de grenouille, et j'ai glissé. Malheureusement, j'ai eu des blessures, mais je ne me rendais pas compte de leur ampleur parce que je ne présentais pas de symptômes typiques, particulièrement de raideur.
    Au cours des années qui ont suivi, ma santé s'est détériorée, et parce que mes problèmes ne correspondaient pas au modèle habituel, on a balayé mes commentaires du revers de la main et on m'a dit que c'était dans ma tête, que je n'essayais pas d'améliorer mon sort, que j'étais paresseuse, que j'étais en mauvaise forme. Je n'étais pas en mauvaise forme — je le suis maintenant. Je ne sais pas pourquoi les choses ont changé dans la façon dont j'ai été traitée, mais le revirement s'est produit en 2016, soit un an après que j'ai signalé avoir été agressée sexuellement.
    Avant mon signalement, j'avais toujours été prise au sérieux, mais après, on a mis ma santé mentale en cause pour tous mes maux. Il est vrai que ma santé mentale s'est détériorée au cours des années qui ont suivi la blessure sportive, en grande partie à cause de l'expérience que j'ai eue avec le système de soins de santé dans les forces armées. La situation a entraîné beaucoup de méfiance à l'égard des fournisseurs de soins de santé, et maintenant, en raison de la complexité de mon état, j'ai beaucoup de difficulté à avoir accès à des soins parce qu'on me dit que mon état est trop complexe.
    Pour vous donner un peu de contexte, six mois avant ma libération, on m'a posé un diagnostic de trouble génétique rare. Je n'avais aucune idée que j'en souffrais et je ne l'aurais jamais su si je n'avais pas eu de blessure. Je suis reconnaissante d'avoir eu l'occasion de servir, parce que si nous l'avions su, je n'aurais jamais pu me joindre à l'armée. Je me sentais bien tant que j'étais en forme et en santé et que je restais essentiellement soudée par mes muscles.
    Le problème que j'ai en ce moment, c'est que je ne peux pas avoir accès à des soins. J'ai une excellente médecin de famille, et elle est prête à me prendre en charge en tant que patiente aux besoins complexes. Cependant, je souffre de beaucoup de problèmes, et puisque je ne suis pas couverte par Anciens Combattants pour beaucoup de soins, ils me coûtent cher. Parfois, je ne peux même pas être acceptée dans les cliniques. Mes demandes ont été rejetées à de nombreuses reprises et on m'a dit que mon cas est trop complexe.
    Comme je l'ai mentionné, ma santé mentale s'est détériorée dans ces circonstances. Pendant mon service, j'ai reçu à mon insu un diagnostic de trouble anxieux et j'ai demandé à être réévaluée. Lorsque je l'ai été, on m'a dit que je souffrais d'un trouble d'adaptation, ce que je qualifierais d'un mot que je ne prononcerai pas ici, mais je ne pouvais rien y faire. Après ma libération, mon gestionnaire de cas d'Anciens Combattants m'a dirigée vers la clinique de blessure de stress opérationnel, où j'ai été évaluée et diagnostiquée comme souffrant de trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, depuis 2008, au milieu de ma carrière. Je me suis tenue debout, littéralement, avec mes muscles, et j'ai maintenu ma santé mentale en me tenant excessivement occupée.
    Pour conclure, la situation a eu des répercussions sur tous les aspects de ma vie. Bon nombre d'entre vous ont remarqué, avant le début de la séance, que quelques-uns de mes amis sont venus ici pour m'appuyer, ainsi que les autres témoins. J'ai besoin de beaucoup d'aide. Je ne quitte pas la maison, non pas parce que je ne veux pas le faire, mais parce que j'ai de la difficulté à le faire. Je dois m'adapter et surmonter les obstacles, car je n'ai pas d'autre choix. J'ai deux enfants, et ils ont besoin de moi. J'ai la capacité de passer la journée, d'être une bonne mère ou de lutter contre le système, et je ne peux pas réaliser tous ces objectifs en même temps.

  (1840)  

    Merci.
    Merci beaucoup, majore Arkell.
    J'aimerais maintenant inviter Lisa Nilsson, maître de 2e classe à la retraite, à prendre la parole. Elle est sur Zoom.
    Veuillez allumer votre microphone et débuter.
    Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs, ou devrais-je dire bonsoir? Les fuseaux horaires sont formidables, n'est‑ce pas?
    Je suis vraiment reconnaissante de cette occasion et je tiens à vous remercier de me permettre de m'adresser à vous. Je dois avouer que c'est la première fois que je parle publiquement des incidents que j'ai subis et des expériences que j'ai vécues comme femme au sein des Forces armées canadiennes, ou FAC, et, par la suite, avec Anciens Combattants Canada, ou ACC.
    J'admets être terrorisée de me trouver ici, car mon récit est des plus intenses. Bien que le mois de décembre a marqué mes trois ans à la retraite pour des raisons médicales, je ressens encore une crainte extrême, comme si j'étais toujours en service. Je ressens toujours les émotions associées à la perte de ma réputation, au besoin de la rebâtir, à son deuxième ternissement, au besoin de la rebâtir encore une fois — le cycle se répète.
    Comment résumer une carrière de plus de 20 ans en cinq minutes ou en environ 800 mots de façon succincte et concise tout en soulevant tous les points que je veux aborder et sans donner l'impression que je ne fais que me plaindre? Comment vous communiquer la douleur que je ressens au quotidien à cause d'une organisation et d'un pays que j'ai commencé à servir à 17 ans?
    Avec quels mots devrais‑je vous décrire que j'ai vécu des agressions sexuelles répétées — qui m'ont fait perdre ma virginité contre mon gré —, de la maltraitance et du harcèlement, et que j'ai enduré de la misogynie, du sexisme flagrant et voilé, du détournement cognitif, et bien plus?
    Comment vous exprimer comment je me sens d'avoir vu mon traumatisme sexuel militaire être utilisé contre moi, d'avoir été maltraitée pour cette raison et de m'être vu refuser des traitements, tant médicaux que psychologiques?
    Comment vous expliquer comment je me sentais lorsque, au beau milieu de l'océan, entourée d'eau à perte de vue pendant des jours, ou dans le golfe d'Oman, ou au large de la côte du Panama, ou même à 12 miles nautiques de la côte de l'île de Vancouver, je me faisais dire que, si un « accident » devait arriver, personne ne pourrait entendre mes cris? Comment vous décrire comment je me suis sentie quand, à bord de navires, j'étais entourée de personnes empoignant mon corps, me manipulant, me lavant le cerveau et se servant de moi comme jouet sexuel?
    Tout a commencé par mon signalement en 2001.
    Quels qualificatifs puis‑je employer pour décrire mon état d'esprit quand des femmes communiquent avec moi, 20 ans plus tard, pour me confier qu'elles sont gravement traumatisées par le traitement qu'on m'a réservé et par le fait qu'on s'est servi de mon nom pour effrayer et intimider d'autres femmes afin de les dissuader de signaler des incidents?
    J'aimerais trouver les mots pour vous transmettre ce que c'est que d'être complètement terrifiée des personnes autour de soi et de n'avoir que 300 pieds pour dormir, se cacher, travailler, socialiser et s'entraîner. J'ai subi ce qu'aucune femme ou personne ne devrait avoir à vivre. Mon meilleur recours était de me taire et d'accepter mon sort, puis de laisser mes maux glisser sur mon dos comme sur celui d'un canard, d'aller au centre de conditionnement physique, de m'entraîner, de méditer, de faire du yoga, de m'étirer, de travailler fort, d'être alerte et de sourire — mais pas trop, puisqu'on aurait cru que je flirtais. Tourne les malaises en plaisanteries. Sois féminine, mais pas trop. Quoi que tu fasses, ne t'exprime jamais trop fortement et ne laisse paraître aucune faiblesse ou douleur.
    Certains diront que toutes mes descriptions existent dans tous les pans de la société, mais la situation est simplement différente dans les FAC. Il est vraiment difficile de mettre en mots en quoi la situation y est différente, mais elle l'est. Elle l'est également dans la Marine. J'ai appris ces leçons à la dure pendant environ plus de 15 ans.
    Je me suis blessée à de multiples reprises. En plus d'avoir une très bonne dose d'humour noir, j'ai aussi une blessure à la colonne cervicale, qui m'a donné une énarthrose en titane aux régions C6 et C7. On a attribué ma blessure au stress, et j'ai une cane. Je me suis blessée à la colonne lombaire, ce qui m'a valu trois opérations consécutives, deux tiges et huit vis. Ces deux blessures n'ont pas été prises au sérieux par le réseau médical des FAC et par la Vancouver Island Health Authority.
    Ce n'est que lorsque je suis retournée dans mon unité, puisque j'étais en mission aux États-Unis à cette période, que j'ai reçu des traitements appropriés pour ma colonne cervicale. Là encore, ma blessure à la colonne lombaire n'a pas été prise au sérieux avant qu'un chiropraticien envoie une note à l'hôpital de la base militaire.
    J'ai travaillé en mer avec ces blessures, où je devais me déplacer sur une plateforme d'acier et grimper des échelles, sous les menaces qu'on m'accuserait de simuler mes maux. Je cite ce qu'on m'a dit: « Si tu étais aussi blessée que tu le prétends, tu ne serais pas en mer avec nous. » J'avais un disque gravement hernié.
    Je peux vous dire que j'étais mal en point. Dernièrement, on m'a à nouveau adressée à mon neurochirurgien puisque j'ai des séquelles d'un accident survenu en 2019. De plus, je me suis blessée à nouveau à ma colonne cervicale en avril. Je suis encore en attente d'imagerie médicale pour cette blessure.

  (1845)  

    On m'a dit que j'ai la colonne cervicale d'une personne de 90 ans. Je n'en ai que 40. Ce qui m'a sauvé la vie, c'est ma grande forme physique et ma bonne masse musculaire, qui m'a protégée. C'est grâce à elle que je peux marcher.
    Mon signalement de traumatisme sexuel militaire et les événements qui ont suivi ont été entièrement utilisés contre moi. Mes blessures physiques — y compris mes commotions cérébrales, mes blessures à la colonne vertébrale, au genou et à l'épaule — ont toutes été balayées du revers de la main comme étant un problème de santé mentale et un symptôme de ma tendance à faire tout un cinéma.
    Il a fallu que d'autres professionnels de la santé, plus précisément des professionnels au masculin, me défendent pour que j'obtienne des traitements. Je ne saurais même pas comment décrire la situation pendant ma grossesse. À l'époque, il fallait trouver son propre médecin parce que les FAC n'offraient ni soins prénataux ni soins postnataux.
    Lorsque je me suis blessée au cou et que j'ai subi une opération d'urgence, je ne savais pas que j'étais enceinte. Je l'ai su environ deux mois après mon opération au cou. On m'a dit qu'il y avait de graves problèmes avec le fœtus et qu'il était pratiquement impossible que mon bébé naisse à terme. J'ai dû prendre la décision déchirante de convenir de subir un avortement médical à 22 semaines. J'ai dû aller travailler le lendemain. J'étais incapable de dire quoi que ce soit. Comme on se plaît à le dire: « Quand tout va mal, résignons-nous. »
    Puis, je suis devenue enceinte de mon fils. Pendant mon troisième trimestre, j'étais censée travailler des demi-journées seulement, mais je travaillais encore 12 heures par jour. On pourrait dire que, d'une certaine façon, cela correspond à des demi-journées. On a refusé ma demande de congé parental et de maternité parce que j'étais en mission aux États-Unis, mais on m'a donné l'occasion de prendre un congé de convalescence de six semaines.
    Pendant cette période, on aimait bien dire que, si les forces armées avaient voulu que les membres aient une famille, elles leur en auraient donné une. J'ai entendu cette phrase pendant toute ma carrière.
    Je pourrais très bien poursuivre, mais j'imagine qu'il ne me restera bientôt plus de temps.
    Je dois glisser un mot sur mes interactions avec Anciens Combattants. Selon mon expérience, ce ministère est tout simplement une compagnie d'assurances. Il faut lui fournir tous les documents imaginables pour prouver qu'on est réellement blessé. C'est un défi en soi en raison de la pénurie de médecins, qui est d'autant plus marquée où je me trouve. Je suis persuadée que la pénurie touche tout le pays. Si aucun document ne montre qu'on a demandé un traitement médical pendant le service, neuf fois sur dix, la demande de remboursement est refusée. Ainsi, l'interminable processus d'appel débute.
    Le milieu militaire est empreint d'une stigmatisation: en cas de blessure, on ne dit mot et on tient bon.
    Entre vétérans, nous disons pour rire qu'AAC suit le principe des trois D: démentir, différer et décéder. Démentez la demande, différez l'appel et espérez que le vétéran décédera ou abandonnera la lutte. Cette approche a été manifeste récemment.
    On m'a refusé trois fois l'accès au Programme pour l'autonomie des anciens combattants, sous prétexte que je ne suis pas assez fragile. On m'a dit que mon mari et que mes enfants sont tout à fait capables de s'occuper de l'entretien ménager et extérieur. Selon Anciens Combattants Canada, je suis invalide à 104 %, mais je ne peux obtenir d'aide.
    J'ai déposé une plainte auprès du Bureau de l'ombudsman des vétérans — le BOV — pour traitement injuste. Je l'ai déposée il y a plus de 18 mois, mais elle n'est pas encore résolue.
    De plus, le système semble être à deux vitesses: il y a des normes pour les officiers, et d'autres pour les militaires du rang. Je ne compte plus les fois où on m'a personnellement dit que les rangs sont assortis de privilèges, que les éléments ont leurs propres privilèges et que le nombre et le type de déploiements s'accompagnent de privilèges. Selon l'explication que j'ai reçue du BOV sur ma plainte en lien avec le Programme pour l'autonomie des anciens combattants, le genre a aussi ses privilèges. En outre, les gestionnaires de cas ne sont pas tous traités ou formés de façon égale.
    J'aimerais vous remercier à nouveau de m'avoir permis de vous parler et de m'avoir redonné ma voix.
    J'aimerais vraiment pouvoir approfondir mes propos, mais j'ai soumis une autre déclaration décrivant ce que j'ai vécu et la façon dont on m'a traitée, car je ne peux résumer brièvement ou adéquatement ma carrière criblée de traumatismes, dans l'exercice de mes fonctions, aux mains de mes pairs et du système.
    J'ai formulé des recommandations qui peuvent être mises en œuvre, ou à tout le moins étudiées. Je pourrai en parler davantage lorsque le temps le permettra.
    Je vous remercie sincèrement.

  (1850)  

    Merci beaucoup.
    Je crois que les membres du Comité comprendront pourquoi vous avez dépassé les cinq minutes allouées. Votre déclaration liminaire était des plus courageuses. Merci de nous avoir fait part de votre expérience.
    Nous passons maintenant à Nadine Schultz-Nielsen, matelot de 1re classe. Vous disposez d'environ cinq minutes pour votre déclaration liminaire.
    Bonsoir, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invitée à vous parler de mon expérience. Je me sens incroyablement privilégiée d'être ici.
    Après 12 ans de service, j'ai été libérée pour raisons médicales en 2013, avec un diagnostic de trouble d'adaptation avec humeur dépressive et anxiété. Je ne me remettais pas bien du décès de la caporale Marie France Comeau. Nous travaillions ensemble comme agentes de bord au 437e Escadron de transport de Trenton. Après des années de harcèlement et d'agressions sexuelles pendant mon service dans la Marine, j'ai fini par faire un constat qui mettrait fin à ma carrière: si on ne peut pas faire confiance au lieutenant-colonel, à qui peut‑on faire confiance? Je ne me sentais plus en sécurité ni en mesure de fonctionner en uniforme.
    En 2013, aucun soutien n'était offert pour les traumatismes sexuels militaires. Ce terme n'existait pas encore au ministère des Anciens Combattants. Lorsque j'ai demandé de l'aide à ma clinique de traumatismes liés au stress opérationnel (TSO) locale, on m'a dit qu'il faudrait demander aux hommes s'ils acceptaient que je me joigne à eux parce que mon expérience si différente des leurs pourrait les rendre mal à l'aise. J'ai trouvé du soutien en ligne et, grâce à l'entraide par les pairs, j'ai appris à me débrouiller du mieux que je pouvais de la maison.
    Le traumatisme sexuel militaire s'accompagne d'une douleur invisible. Elle n'apparaît pas sur les imageries ou les tests utilisés par le ministère des Anciens Combattants pour déterminer l'admissibilité aux prestations. Pendant des années, on m'a donc refusé des prestations parce que mes médecins ne croyaient pas que mon état était aussi grave que je le disais. On m'a dit que ma douleur n'était pas réelle parce que je ne réclamais pas de narcotiques ou encore que ma santé mentale n'était pas si mauvaise parce que je prenais une douche avant mes rendez-vous avec mon médecin. Je ne correspondais pas à leurs définitions. J'avais désespérément besoin d'aide à l'intérieur de mon domicile, mais les problèmes de santé mentale ne suffisaient pas pour obtenir le soutien du Programme pour l'autonomie des anciens combattants. J'ai quand même fait une demande, et on m'a dit, par exemple, que l'entretien de l'extérieur de la maison relevait de mon mari et que je ne recevrais de l'aide que pour l'entretien ménager.
    Mon mari souffre d'une maladie auto-immune et est souvent alité pendant des semaines...
    Je suis désolée.

  (1855)  

    Prenez votre temps.
    Une autre fois, on m'a dit que je ne recevrais pas d'aide parce que le fait de me lever et de nettoyer ma maison tous les jours me permettrait de me sentir utile.
    Mes problèmes de santé mentale ont entravé ma capacité à demander des prestations. Je ne suis pas en mesure de faire appel des décisions dans les délais impartis.
    Au cours des 10 dernières années... Je suis désolée. Je ne sais plus où je suis rendue.
    Prenez votre temps. Rien ne presse.
    Au cours 10 dernières années, mon état s'est détérioré au point que j'ai du mal à faire quoi que ce soit en lien avec la paperasse, y compris ouvrir le courrier. Le simple fait de remplir un document pour confirmer ma comparution devant votre comité a pris deux jours et m'a donné une migraine. Ma déclaration a également été envoyée en retard pour être traduite.
    J'ai du mal à respecter les échéances. Je ne comprends pas: avant, j'étais si fiable, mais maintenant, je produis toujours mes déclarations de revenus en retard, et je paie rarement mes factures à temps. J'ai entendu dire qu'il existe des mesures de soutien pour moi, mais je me sens démunie et je ne sais pas comment demander de l'aide.
    Mes enfants sont nés en 2011 et en 2013. Chaque jour de leurs vies a été affecté par ma santé mentale. Ils ont d'abord subi la rage qui a accompagné mon diagnostic, en 2014, de trouble de stress post-traumatique. Maintenant, ils subissent les contrecoups de ma dépression. Je m'inquiète beaucoup pour mes enfants. Même si je suis à la maison, je ne suis jamais vraiment présente. Je fais de mon mieux, mais je ne sais pas comment leur expliquer la situation. Mes médecins ne peuvent même pas me l'expliquer.
    En 2016, on m'a diagnostiqué un trouble dépressif majeur après un autre refus dévastateur de la part d'Anciens Combattants Canada. Je ne suis plus la même. Je n'ai plus de force pour me battre. Je passe par des périodes où je ne peux pas sortir du lit pendant des semaines. Si je parviens à amener mes enfants à l'école à l'heure, mon objectif quotidien est atteint.
    En 2020, ma demande au Programme pour l'autonomie des anciens combattants a enfin été acceptée, mais l'aide est insuffisante. J'ai demandé la semaine dernière un examen de mes services dans le cadre du Programme et de mon état de santé mentale. On m'a annoncé une attente d'environ quatre mois pour les documents, et j'ignore si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle. Peu importe. J'ai du soutien et je verrai comment le tout se dénouera.
    Monsieur le président, je suis ici aujourd'hui parce que je ne veux pas que quelqu'un d'autre ressente ce que j'ai ressenti. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi une organisation que je croyais censée me soutenir et s'occuper de moi m'a causé un tel traumatisme mental. Je dois prendre des pauses dans mes démarches auprès du ministère des Anciens Combattants. Je deviens épuisée, mon état se détériore et je finis par être en crise à cause de ce que je perçois comme un flot constant d'interactions négatives.
    Puis, après quelques mois ou quelques années, j'essaie à nouveau, parce que je comprends que je ne peux pas y arriver seule. Anciens Combattants Canada est une organisation conçue par des hommes, pour des hommes, mais je sais que certains s'efforcent de l'améliorer. Je sais qu'un rapport d'analyse comparative entre les sexes a été rédigé, mais n'a pas encore été publié, à ma connaissance. Votre comité me prouve que les gens se rendent compte qu'il y a de graves problèmes, et j'espère que d'autres changements positifs se produiront.
    Merci.
    Merci énormément. Les membres du Comité espèrent aussi que des changements positifs se produiront.
    J'aimerais inviter la capitaine à la retraite Louise Siew à prendre la parole pendant cinq minutes.

  (1900)  

    Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je vous remercie sincèrement de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.
    Je m'appelle Louise Siew. J'étais une officière de la logistique de la Force régulière qui s'est jointe aux Forces armées canadiennes en 1975. J'ai servi dans les forces armées pendant 35 ans et j'ai pris ma retraite comme capitaine de vaisseau en 2010. J'étais également conjointe en service mariée et mère. J'ai vu de mes propres yeux comment des générations de femmes se sont fait traiter dans les forces armées. J'ai choisi de témoigner aujourd'hui, car je sais que des comités d'envergure, comme le vôtre, peuvent jouer un rôle de catalyseur du changement.
    Je voudrais commencer mon témoignage en contestant l'idée voulant que le fait de permettre aux femmes d'occuper toutes les classifications et professions de combat en 1989 ait été le grand tournant pour les femmes au sein des Forces armées canadiennes. Ce n'est pas le cas. C'est la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, au début des années 1970, qui a apporté le plus grand changement pour les femmes quand elle leur a donné la possibilité de poursuivre une carrière dans les Forces armées canadiennes. Avant ce moment charnière, la majorité des femmes qui s'enrôlaient dans les forces armées n'étaient pas susceptibles d'y faire carrière. Le grade moyen était celui de soldat, et la durée moyenne du service militaire était de 18 mois. Les métiers techniques ou autres métiers bien rémunérés n'étaient pas accessibles aux femmes.
    Tout cela a changé grâce à plusieurs recommandations clés issues du rapport de la Commission. On recommandait que les femmes soient autorisées à rester dans les forces armées si elles se mariaient ou si elles avaient des enfants, et que de nombreuses classifications et professions qui leur étaient auparavant interdites leur soient désormais accessibles. Ces changements ont fondamentalement permis d'aplanir deux obstacles majeurs à la réussite des femmes dans les forces armées. Elles pouvaient désormais faire carrière dans les forces armées et y démontrer leur valeur, puisque les métiers et classifications de soutien opérationnel étaient désormais des possibilités pour elles. Elles ont dès lors eu accès à des postes dans l'ensemble des FAC, y compris dans le domaine du soutien aux opérations. Ce n'était qu'une question de temps avant que les autres barrières ne commencent à tomber, au fur et à mesure que la valeur de leurs contributions est devenue plus largement reconnue.
    Je m'en voudrais si je ne soulignais pas que le rapport de la Commission recommandait également que les femmes soient enfin autorisées à rallier la GRC.
    L'autre postulat que j'aimerais réfuter est la notion qu'a énoncée le lieutenant-général Bourgon à ce comité voulant que les Forces armées canadiennes aient eu à l'égard des femmes une approche d'assimilation plutôt que le projet ambitieux de les inclure que l'on caresse aujourd'hui. Le fait de décrire comme une assimilation ce qui s'est produit dans le passé me préoccupe, car ce n'est pas la réalité que j'ai observée. M'étant enrôlée en 1975, je peux affirmer que, dans l'ensemble, les responsables des forces armées contraints d'opérer ce changement dans les années 1970, ont agi à contrecœur et sans volonté d'accommoder les femmes. Ils ont maintenu cette position aussi longtemps que possible. Ils nous ont sciemment rejetées, maltraitées, humiliées et même blessées.
    Les obstacles politiques et culturels ont créé des conditions propices aux mauvais traitements et au harcèlement — de nature physique, mentale et sexuelle — et nous ont réduites au silence. Il était à la fois affirmé et sous-entendu que les femmes pouvaient être ignorées et maltraitées sans qu'elles ne disposent d'aucun recours —, ce qui a suscité un climat que les chercheurs en sciences sociales décrivent aujourd'hui comme de l'« altérité ». Les forces armées doivent tenir compte des conditions de service que les femmes ont endurées par le passé et des effets sur leur santé et leur bien-être qui en ont résulté. En outre, Anciens Combattants Canada doit reconnaître les répercussions de ce passé dans son processus de règlement des demandes d'invalidité et dans son offre de programmes et de services pour répondre aux besoins de toutes les vétéranes.
    D'un point de vue plus personnel, j'ai été la première femme à occuper chacun des postes auxquels j'ai accédé. Je savais à quel point il était important pour celles qui allaient me succéder que je réussisse. Dans le cadre de mon dernier commandement, j'étais responsable d'une organisation de 5 000 personnes, à qui on confiait entre autres tous les dépôts d'approvisionnement et de munitions des forces armées, et qui assurait un soutien logistique de niveau stratégique pendant la guerre en Afghanistan.
     De plus, pendant les années où j'ai servi, je n'ai pas hésité à me faire entendre sur les conditions de service des femmes. J'ai constamment remis en question le statu quo, et je me suis battue pour obtenir du meilleur équipement pour les femmes et de meilleures possibilités de service. Lorsque j'ai constaté des obstacles à la progression des femmes, je les ai remis en question. Je me suis portée volontaire pour siéger aux conseils de promotion. Lorsque j'ai vu des femmes se faire maltraiter, je me suis élevée contre ces situations.

  (1905)  

    J'ai réussi à faire évoluer la politique en matière de congé de maternité. J'ai porté ma propre version d'un uniforme adapté à la maternité, car l'armée ne m'offrait aucune option à cet égard. J'ai cultivé un réseau informel de centaines de femmes militaires dans l'ensemble des Forces canadiennes, et je leur transmettais des renseignements sur des enjeux constants tels que l'équipement, l'uniforme, les prestations de maternité et ainsi de suite. J'ai contré des agressions sexuelles et j'ai encaissé de nombreux reproches pour mon militantisme, et j'ai toujours eu l'impression d'être seule pour mener ces luttes.
    Il faut aussi que vous sachiez que les femmes en service choisissent leurs batailles. Elles ne peuvent pas les mener toutes, car elles doivent toujours peser leurs actions en fonction des dommages qu'elles pourraient causer à leur carrière, comme nous l'avons entendu aujourd'hui.
    Enfin, je pense que les Forces armées canadiennes doivent aux femmes qui ont servi un compte rendu complet et ouvert de la façon dont elles ont été traitées dans le passé — littéralement par génération —, et ce, jusqu'aux dernières initiatives, afin qu'elles puissent soumettre des demandes de prestations d'invalidité mieux étayées à Anciens Combattants Canada.
    Je crois également qu'ACC fait preuve de négligence dans le soutien qu'il apporte aux femmes et qu'il doit travailler sérieusement à combler ses lacunes, car je suis fondamentalement convaincue que les progrès réalisés par Anciens Combattants Canada à l'égard des femmes ne sont pas à la hauteur des avancées actuelles au sein des Forces canadiennes.
    Par ailleurs, je trouve préoccupant que les Forces canadiennes aient très peu fait pour vous assurer que les femmes réservistes reçoivent le même soutien en matière de transition et de santé mentale que leurs homologues des forces régulières, lorsqu'elles en ont besoin.
    Enfin, les femmes ne devraient pas être seules à mener ces combats. Je vous implore de les soutenir et d'être l'agent de changement de cette génération, comme l'a été la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada, au début des années 1970.
    Je vous remercie de votre temps. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, capitaine Siew.
    Passons maintenant à la caporale à la retraite Lisa Cyr, propriétaire du Café félin Ma Langue Aux Chats.
    Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je remercie le Comité de m'avoir invitée ici aujourd'hui.
    Je suis entrée dans les Forces armées canadiennes en 2007, à l'âge de 31 ans. J'avais un baccalauréat. On m'a offert d'entrer dans les Forces comme officière, mais je voulais voir c'était quoi, être un membre du rang, à la base, avant de poursuivre mon rêve d'être officière à un moment donné. Par contre, ma carrière n'a pas été celle-là.
    Je suis entrée dans les Forces pour servir mon pays et servir outre-mer, avec des valeurs de respect, d'honnêteté, et j'en passe. Je me suis rapidement aperçue que ce n'était pas du tout cela.
    Ma carrière a commencé par du harcèlement, dès le départ. Un incident s'est passé avec un confrère, où les principes d'honnêteté et de respect n'ont pas été respectés. C'est tombé sur mon dos. Parce que l'honnêteté et le respect sont des valeurs importantes pour moi, j'ai fait en sorte que ce jeune homme de 18 ans ait un dédommagement des Forces après quatre ans pour un problème lié à un power trip de la part d'un chef. Je ne vais pas donner plus de détails, car ce serait très long. Quelque temps après, un adjudant-maître est venu me dire, à quelques pouces de la face: « Si tu veux que ta carrière aille bien, tu ferais mieux de laisser Plamondon et sa famille loin de toi. » Je lui ai répondu: « Vous m'avez appris que c'est binôme un jour, binôme toujours. »
    Ma carrière a commencé comme ça en 2007, 2008 et 2009. Je vivais toujours du harcèlement. On me disait que les femmes n'avaient pas leur place dans les Forces, qu'à 31 ans, j'étais beaucoup trop vieille, que je n'avais pas d'affaire dans les Forces. On me faisait des commentaires de ce genre. C'était du harcèlement psychologique, du harcèlement sexuel. On m'a déjà dit: « Ferme ta gueule, sinon tu vas te faire tuer. » Je l'ai vécu. Pendant un exercice, on m'a déjà dit: « Veux-tu qu'on te laisse dans le champ? » On me disait qu'étant donné ma carrière, je ferais mieux d'y aller vraiment mollo, de ne pas parler, sinon ce serait encore pire, ce serait le groupe au complet. Je pense que plusieurs femmes ont fait ou vont peut-être faire des témoignages semblables. Ce sont des choses que j'ai vécues.
    Le harcèlement psychologique, c'est très fort. On a beau être fort, à force d'encaisser des petits coups ici et là, à un moment donné on en vient à ne plus avoir confiance dans sa chaîne de commandement et dans son institution. Pour moi, les Forces armées canadiennes, c'était l'institution la plus glorieuse et en laquelle je devais avoir le plus confiance, parce que ce sont elles qui défendent notre pays. Par contre, quand les propres membres de ton pays te détruisent, tu ne sais plus en qui tu peux avoir confiance.
    Ma chaîne de commandement m'a détruite dans tous les sens. On est allé jusqu'à me dire que c'était dans ma tête. On m'a empêchée d'aller voir ma famille. Mon médecin et mon psychologue me disaient d'aller voir ma famille pour m'aérer la tête. Par contre, quand on est en arrêt pour maladie, on ne peut pas aller à plus de 50 kilomètres. Ma famille est au Nouveau‑Brunswick, c'est à 300 kilomètres. On m'a demandé d'écrire une demande pour que je sois autorisée à aller voir ma famille, mais ma chaîne de commandement a refusé, parce qu'il y a des programmes mandatés. Ces programmes mettent justement l'accent sur le harcèlement. Il y a plein de programmes, mais les Forces ne les respectent pas. Ils existent et on en fait chaque année, mais beaucoup de gens ne les respectent pas.
    On se fait fermer la gueule parce qu'on est caporale, parce qu'on est une femme, parce qu'on est âgée. On se fait tasser parce qu'on s'affirme. Dans les Forces, il ne faut surtout pas s'affirmer, surtout quand on est une femme. On se fait mettre de côté quand vient le temps des missions. On m'a dit: « Toi, Cyr, tu es super bonne ici. Lui, il vient d'arriver, il ne connaît pas le travail, alors il va aller en mission. Toi, tu vas rester ici pour faire le travail en arrière. »

  (1910)  

    À un moment donné, j'ai reçu un courriel et j'étais contente, car j'allais partir en mission. Il me restait un exercice de 13 kilomètres à faire. C'est un exercice majeur, qui est très exigeant. La veille, habituellement, on est censé être au repos. D'autres militaires vont pouvoir le confirmer. Pourtant, la veille de mon exercice, mon supérieur m'a demandé d'aller faire de la topographie, dans la pluie, jusqu'à 11 heures du soir. L'exercice de 13 kilomètres était à 6 heures le lendemain matin. Le lendemain matin, je suis allée faire mon exercice de 13 kilomètres. À 200 mètres de la fin — je voyais les tranchées —, je me suis écrasée, évanouie. Quand je me suis réveillée, j'étais à l'hôpital. La première chose que j'ai demandée, c'est si j'avais fini mes 13 kilomètres. On m'a dit qu'on ne le savait pas et que cela faisait 45 minutes que je n'étais plus là.
    Les Forces armées canadiennes ne parlent pas de ça. On cache ces choses-là. On laisse planer le doute. Ce qui a été dit à mon sujet, c'est que la caporale Cyr est une lâche, elle a fait 200 mètres et elle a arrêté. Au lieu d'expliquer aux membres ce qui se passe, on laisse planer plein de choses, ce qui fait qu'on est toujours à tirailler sur les gens quand ils sont blessés ou quand il arrive des choses.
    Je suis restée à l'hôpital pendant une semaine. Pardonnez-moi l'expression, mais j'ai pissé du sang pendant trois jours. Avant que je parte, les médecins de l'hôpital m'ont donné une note médicale disant que je devais être deux semaines au repos, à la maison. Ensuite, je suis allée voir les services médicaux des Forces. D'ailleurs, c'est une autre grande lacune: le système militaire ne respecte pas le système civil. On doit constamment se battre. Quand je suis allée voir le personnel médical des Forces avec ma note, on m'a dit: « Quoi, tu veux encore des vacances? Tu viens de passer une semaine à l'hôpital. » Je me suis pognée royalement avec le médecin et je lui ai dit: « Toi, regarde ce qui est écrit ici, regarde toutes les directives que le médecin vient d'écrire sur ce que je viens de vivre. » Il m'a dit qu'il allait me donner une journée de congé. J'étais revenue le vendredi et la fin de semaine commençait. Je lui ai dit: « C'est beau, donne-moi ça. Lundi matin, ce n'est pas toi qui vas me voir, crois-moi. »
    On doit constamment se battre. Je parle en tant que femme. J'ai des collègues masculins qui doivent aussi se battre, mais on dirait que c'est toujours pire pour les femmes. Un médecin civil, c'est un médecin. Il me semble que, lorsqu'un médecin civil donne des indications à suivre, on ne devrait pas avoir à se battre avec les médecins sur les bases militaires pour les faire appliquer. Le médecin devrait dire que c'est la réglementation qu'il faut suivre.
    C'est la même chose pour le harcèlement. Quand on arrive avec ça, on se fait harceler. On se fait dire qu'on est loser et qu'on veut juste avoir des congés. Personne n'explique aux gens ce qui s'est passé, alors on se fait garrocher ailleurs. Dans mon cas, on m'a garrochée dans une unité en me disant que j'allais être promue dans un poste de cheffe, mais on m'a menti. Ce n'était pas ça pantoute. Ça a été du harcèlement pur et simple.
    Je faisais de l'entraînement sur la base. J'avais un exercice de distinction d'une vingtaine de minutes à faire. Un matin, on m'a dit: « Ce matin, ça t'a pris 23 minutes, mais l'adjudant et moi l'avons fait en 20 minutes. » C'était du harcèlement constant. On me cherchait constamment des poux.
    À un moment donné, j'ai été obligée de mettre un genou à terre et d'appeler à l'aide, parce que soit j'allais tuer la personne, soit j'allais me tuer. J'en étais rendue à écrire une lettre. Contrairement à d'autres qui s'étaient suicidés, si je passais à l'acte, je voulais que les médias sachent pourquoi et qu'ils soient informés de ce qui se passait dans ce système rempli de lacunes.
    Deux ans avant que je sorte des Forces, donc en 2017, j'ai reçu un diagnostic de trouble de stress post-traumatique. J'ai fondu en larmes. Je me disais que je ne pouvais pas être atteinte de ce trouble, puisque je n'étais pas allée en mission. On m'a fait comprendre que, ma guerre, je l'avais menée sur la base. Je n'étais pas capable d'accepter ce diagnostic. Pendant deux ans, de 2017 à 2019, je ne suis pas sortie de chez nous. On a passé un an à constamment appeler chez moi. Comme je vous l'ai dit, on a refusé que j'aille voir ma famille. On m'avait demandé de remplir une demande d'autorisation, mais on me l'a refusée. Pour être sûr que je n'allais pas dans ma famille, on m'appelait à la maison matin et soir. Qu'est-ce que ça fait, ça? À un moment donné, le cerveau abandonne. Je n'osais même plus aller sur mon propre terrain.

  (1915)  

    Ce qui m'a sauvé la vie, c'est d'avoir acheté mon restaurant et mes chats. C'est ce qui continue de me sauver la vie chaque jour. Malgré ça, le fait d'avoir acheté le restaurant m'a causé des problèmes avec Anciens Combattants Canada. Je me suis sauvé la vie moi-même en ayant une entreprise qui me permet de sortir de chez moi. Je me suis créé un havre de paix, une sécurité, un endroit où me rétablir, pour m'aider à retourner dans des endroits publics, mais j'ai été obligée de rembourser un montant d'argent à la compagnie d'assurance Manuvie. Pourtant, je ne suis pas payée par mon emploi; c'est moi qui paye. Cette question n'est pas encore réglée aujourd'hui, en 2023.
    Quand on sort des Forces, Anciens Combattants Canada nous dit que tout est beau. Aujourd'hui, j'ose espérer que c'est mieux, parce que les choses se font de façon électronique. Dans mon cas, c'était encore des formulaires papier, en 2019.
    En 2020, on m'a dit que je devais 27 000 $ ou 37 000 $ à Manuvie. J'ai appelé Anciens Combattants Canada pour savoir ce qui se passait, et j'ai appris qu'entre 2019 et 2020, je n'avais pas reçu 15 % de mon revenu d'Anciens Combattants Canada. Personne au ministre n'a pris la peine de m'appeler pour m'en aviser. Les personnes qui souffrent d'un trouble de stress post-traumatique ne sont pas là. On a de la misère avec la paperasse. J'ai encore de la misère. J'ai une entreprise, mais des gens s'occupent de mes affaires. Je suis là pour mon bien-être personnel. Personne d'Anciens Combattants Canada ne m'a appelée pour me dire qu'il y avait un problème parce que je ne recevais pas mon argent. J'espère que ce genre de choses va s'améliorer.
    Merci de m'avoir donné l'occasion de parler. Merci de donner de la place aux femmes.
    Merci beaucoup, madame Cyr, caporale à la retraite. Vous aurez l'occasion de nous parler de votre entreprise durant la période de questions.
    Chers membres du Comité, mesdames les témoins, nous allons passer à la période de questions. Normalement, il y a quatre interventions de six minutes. Cependant, pour respecter l'heure prévue de la pause, nous allons procéder aux deux premières interventions, faire une pause, puis revenir pour entendre les deux autres interventions de six minutes.

  (1920)  

[Traduction]

    Sans plus tarder, j'invite le député de Moose Jaw—Lake Centre—Lanigan, M. Fraser Tolmie, à prendre la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Quelque chose m'a frappé, mais je tiens d'abord à vous remercier de votre service. Je sais que votre carrière militaire n'a pas été facile et que votre vie après le service ne l'a pas été non plus. Cinq témoins sont venus nous parler de leur condition d'anciennes combattantes, et j'ai l'impression que nous ne faisons qu'effleurer la surface de vos carrières. J'ai presque l'impression que nous ne vous rendons pas service en vous invitant à parler de certaines des expériences que vous avez vécues.
    Avant de poser des questions, je tiens à vous remercier du courage dont vous faites preuve pour témoigner devant nous. Vous confiez à ce comité le soin d'apporter, espérons‑le, des changements qui profiteront non seulement aux anciennes combattantes, mais aussi aux femmes qui servent ou serviront dans l'armée. Vous avez amélioré la vie de mes filles, et je tiens à vous en remercier.
    Deux ou trois choses m'ont frappé dans votre témoignage, majore Arkell. Des cliniques ont refusé de vous prendre en charge. Nous sommes ici pour parler du ministère des Anciens Combattants, mais pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? J'ai quelques questions à poser à d'autres personnes, mais j'aimerais comprendre comment des cliniques ont refusé de vous prendre en charge avant même que vous y ayez mis les pieds.
    Qu'est‑ce qui s'est passé?
    Je vous remercie de me donner l'occasion d'en parler. Il y a quelques exemples, mais le plus marquant remonte en fait à l'automne dernier. Entre autres blessures, j'ai réalisé que j'avais de la douleur aux hanches et, en fin de compte, on a déterminé que je souffrais de dysplasie de la hanche. Heureusement, je ne souffrais pas d'arthrite, mais la seule solution pour prévenir cette maladie était la chirurgie. Il s'agit d'une chirurgie orthopédique majeure appelée ostéotomie périacétabulaire. Ils devaient couper mon bassin en trois endroits, le faire pivoter et le resserrer à l'aide de nombreuses vis.
    Comme vous pouvez le voir, j'ai des problèmes d'épaule qui m'empêchent d'utiliser des béquilles ou de mettre du poids sur mes bras, de sorte que j'allais avoir besoin d'un fauteuil roulant. J'allais également avoir besoin d'aide, et la rééducation s'annonçait compliquée. J'ai été opérée en septembre dernier et le physiothérapeute de l'hôpital m'a immédiatement dirigée vers le programme de réadaptation orthopédique complexe du centre de réadaptation. Le psychiatre m'a évaluée et m'a dit que j'étais trop complexe. J'ai été stupéfaite. Ma santé mentale a été mise à rude épreuve. Pendant le reste de la journée, j'étais... Si j'étais trop complexe pour eux, où devais‑je aller? Qu'est‑ce que j'allais faire?
    Entre autres, à cette occasion, je lui ai demandé ce que j'étais censée faire, et il m'a répondu: « L'armée peut vous soigner. » Je lui ai dit que je n'étais plus dans l'armée, ce à quoi il a répondu: « Alors, le ministère des Anciens Combattants peut vous soigner. »
    Manifestement, il est question de la même personne que celle qui a servi. Vous passez d'une organisation à l'autre, et c'est un thème commun que nous entendons ici. Je vous remercie.
    Madame Nielsen, vous avez parlé de ce qu'on appelle un « trouble de l'adaptation ». Pourriez-vous m'expliquer cela? Je sais que la majore Arkell a un peu ri. Vous avez dit que c'était — je vais utiliser d'autres mots que vous — dans votre tête.
    Vous parlez du trouble de l'adaptation? Le trouble de l'adaptation, c'est essentiellement lorsqu'il s'est produit un événement dont vous ne parvenez toujours pas à vous remettre au bout de six mois, si je ne me trompe pas. Après, c'est le syndrome de stress post-traumatique, ou SSPT.

  (1925)  

    Je veux une explication de ce trouble afin qu'elle soit consignée et que les gens comprennent de quoi il s'agit. Nous sommes d'anciens militaires et nous utilisons beaucoup d'acronymes que peu de gens comprennent, alors j'ai besoin que tout le monde comprenne.
    C'est une observation intéressante: ACC est une organisation conçue par des hommes, pour les hommes. Je pense que c'est ce qu'il faut en retenir.
    Pouvez-vous nous parler du stress que vous ressentez lorsque vous traitez avec le ministère des Anciens Combattants, puisque nous parlons du SSPT et de l'épuisement émotionnel? J'aimerais savoir ce que c'est que d'avoir affaire à une organisation qui vous traite à la façon d'une société d'assurance qui traite les demandes de règlement, alors qu'elle devrait vous traiter comme une ancienne combattante.
    C'est déchirant de voir qu'une organisation censée prendre soin de vous vous traite comme une citoyenne de seconde zone. Il m'est arrivé d'avoir des idées suicidaires après avoir parlé avec quelqu'un du ministère des Anciens Combattants. Ils ont même envoyé la Police provinciale de l'Ontario chez moi parce que j'étais en crise et que je les suppliais de m'aider, et que je leur disais que traiter avec eux m'enlevait toute envie de vivre.
    Ils ont appelé la police provinciale et leur ont dit d'aller me chercher. C'est déchirant. J'ai l'impression d'être constamment trahie.
    Je suis désolé. Merci de m'avoir raconté cela. Je vous en suis reconnaissant.
    Ce n'est pas facile de mettre fin à de tels échanges...
    J'invite la députée de Mississauga—Streetsville, Mme Rechie Valdez, à prendre la parole. Vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de s'être jointes à nous.
    Je tiens simplement à dire que vous étiez courageuses quand vous serviez, et je crois en fait que vous êtes encore plus courageuses aujourd'hui, de témoigner devant nous de ce que vous avez vécu. Merci beaucoup.
    Lundi dernier, les représentants d'ACC sont venus témoigner. Ils nous ont dit qu'ils avaient changé leur politique en matière de traumatisme sexuel militaire, ou TSM. Ils acceptent les déclarations personnelles sans qu'il soit nécessaire de fournir des preuves à l'appui. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
    Commençons par vous, majore Arkell.
    J'ai eu beaucoup de chance de ne pas avoir présenté de demande en matière de TSM avant que la politique soit modifiée. Cependant, l'incident à l'origine de mon SSPT n'était pas lié à un TSM. Il s'agissait d'un incident d'ordre opérationnel. C'est une tout autre histoire. L'existence d'une composante TSM a beaucoup accéléré l'examen et le traitement de ma demande. C'est la seule demande qui s'est déroulée sans problème. Je suis reconnaissante pour les changements qu'ils ont apportés, mais je sais que le combat pour en arriver là a été long et difficile.... Je suis reconnaissante.
    Merci.
    Nadine Schultz-Nielsen, vouliez-vous apporter votre perspective à cela?
    Je n'ai jamais fait de demande concernant mon TSM auprès d'Anciens Combattants. Je leur suis extrêmement reconnaissante des mesures qu'ils prennent et des efforts qu'ils déploient pour nous aider, mais je ne peux pas me prononcer personnellement là‑dessus parce que je n'ai pas fait de demande.
    Merci.
    Par votre entremise, monsieur le président, je vais adresser mes questions à Lisa Nilsson, qui est en ligne.
    Il existe divers programmes pour les victimes de TSM, notamment le Centre de soutien et de ressources sur l’inconduite sexuelle, le programme de soutien par les pairs et les entretiens avec des professionnels de la santé mentale.
    Pourrais‑je avoir votre avis sur ces services? Est‑ce qu'ils vous ont aidée? Est‑ce que vous avez constaté des améliorations au fil des ans?
    J'ai dû m'adresser moi-même à la clinique de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel, ou TSO. On ne m'a pas offert de soutien. Tout comme ma collègue qui témoigne aujourd'hui, on m'a diagnostiqué un trouble de l'adaptation. Cela signifiait essentiellement que je ne pouvais pas faire face au changement, mais je souffrais du SSPT depuis plus de 20 ans. Ce trouble n'a jamais été diagnostiqué ni traité comme il se doit.
    Finalement, après m'être adressée moi-même à la clinique de traitement des TSO, laquelle a passé près de deux mois à demander une référence pour mon cas, j'ai pu être admise. Il a quand même fallu près de neuf mois avant que je puisse voir quelqu'un. Il a fallu encore quatre mois, ou peut-être cinq, avant que j'obtienne mon premier rendez-vous avec un thérapeute. Il y avait un groupe informel de pairs qui m'a un peu aidée, mais pour être tout à fait honnête, c'est ce qui m'est arrivé, et après mon signalement, il valait mieux pour moi ne rien dire et me la fermer.
    J'espère que cela répond à la question.

  (1930)  

    Oui. Merci.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à Mme Cyr.
    Je comprends que vous avez un café félin. Pouvez-vous dire à l'ensemble du Comité ce que vous m'avez mentionné à propos de vos 15 chats?
    J'ai acheté ce café pour me sauver, moi, premièrement. À la suite de mon diagnostic de trouble de stress post-traumatique, j'ai commencé à faire aussi de la fibromyalgie. Ce café m'amène à bouger.
    J'ai 15 chats, qui portent le nom de mes amis décédés par suicide ou décédés en Afghanistan. Chaque matin, quand ça va plus ou moins bien, je regarde mes chats en pensant à mes amis à qui j'ai rendu hommage. Je me dis qu'ils ne sont plus là, mais que moi, je suis encore là. Ça me permet de faire un pas de plus en avant. Ça me permet d'avancer.
    Ce café me permet aussi d'avoir un endroit pour les vétérans, un safe space, un lighthouse. Pour moi et pour les vétérans, c'est un endroit où on peut se reposer. Quand je ne vais pas bien, mes chats le sentent. Ils viennent me voir, et ce sont souvent ceux qui portent le nom de mes collègues proches. Le but de ce café est de montrer aux gens que mes collègues ne sont pas partis pour rien et que la santé mentale des vétérans et des militaires est fragile. C'est aussi de dire qu'il faut s'en occuper et qu'il ne faut pas qu'ils en arrivent au suicide. Il ne faut pas en arriver là. C'est mon combat chaque jour.
    La voix que vous me donnez, c'est important. C'est important pour moi, c'est important pour les femmes et c'est important pour tous les militaires et tous les vétérans. C'est inestimable. J'espère que les études que vous faites en comité vont contribuer à changer les choses dans l'avenir et qu'on n'aura plus à se battre.
    Vous savez, moi, j'ai eu 47 ans. Chaque jour, je me bats. Je me bats physiquement. Je me bats mentalement. Ces femmes-là se battent, et d'autres aussi.
    Quand je rentre dans mon resto, j'ai une force inestimable. Je sais que mes collègues sont là. Je sais qu'ils sont avec moi. Ça me permet d'avancer, de ne pas rester chez moi, parce que je sais que c'est la noirceur si je reste chez moi. Je ne serais pas ici aujourd'hui, si ce n'était de ce resto.
    Depuis le mois d'avril, on est en train de sauver un vétéran. On a reçu un appel, il était au bord du suicide, au bord de la rue. Il est chez moi présentement. Tous les matins, il se lève et il vient avec moi au resto. Deux semaines après son arrivée chez moi, ce n'était plus le même homme. La bataille n'est pas gagnée, mais c'est une fierté de voir qu'on l'a mené dans la bonne direction. Si on réussit à sauver un vétéran, c'est une bataille de plus qu'on gagne.
    C'est ce que j'essaie de faire. On n'est pas meilleur que les autres, mais tant mieux si on peut être un modèle pour les vétérans. C'est ce que ça prend. Ça prend aussi des gens comme vous pour nous soutenir, pour nous appuyer et pour être derrière nous.

  (1935)  

    Merci beaucoup.
    Merci, madame Cyr.
    Merci, madame Valdez.
    Je pense que cela va nous faire un peu de bien de faire une pause-santé de cinq minutes pour nous dégourdir les jambes. Je vous demande cependant de bien respecter le temps de cinq minutes pour la pause.

[Traduction]

    Il y aura des votes vers 20 heures. Nous aimerions pouvoir utiliser au maximum le temps que nous avons avec vous.
    La séance est suspendue pour cinq minutes.

  (1935)  


  (1940)  

[Français]

    Nous reprenons la séance.
    Pour les six prochaines minutes, j'invite le député de Rivière‑des‑Mille‑Îles, M. Luc Desilets, à prendre la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bonsoir, chers collègues.
    Bonsoir, chères invitées. Merci infiniment. D'une part, je vous remercie de votre service. D'autre part, je vous remercie d'être là et d'accepter de nous faire part de telles souffrances. C'est un peu troublant de vous entendre. C'est choquant, par moments. Je vous trouve hyper courageuses. J'essaie de me mettre dans votre peau, et je ne sais pas si j'aurais ce même courage.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Cyr.
    D'abord, je dois dire que vous avez été assez humble en présentant votre organisme. Je l'ai visité à deux ou trois reprises, et c'est un organisme extraordinaire, qui sort des sentiers battus. Ce n'est pas seulement un restaurant, mais un point d'ancrage pour les vétérans de la région de Québec. Vous offrez une forme de zoothérapie. Cet endroit est d'un calme fascinant. Alors, je vous tire mon chapeau. Nous aurions besoin de beaucoup d'endroits du genre ailleurs au Québec et au Canada.
    Vous avez été 12 ans dans les Forces armées canadiennes, mais vous n'avez jamais été envoyée en mission. J'imagine que vous l'auriez souhaité. Comment expliquez-vous qu'en 12 ans, on ne vous ait jamais envoyée en mission? Associez-vous cela à quelque chose en particulier?
    C'est sûrement parce que j'étais une femme, que j'étais plus âgée que la moyenne des gens et que je n'étais pas la belle poupoune qu'on voulait avoir. J'ai eu des blessures physiques aussi. Quand on en a, on ne vaut rien, et c'est très difficile de se faire soigner. On nous dit que c'est seulement dans notre tête. On nous donne des Tylenol, des Advil, des Motrin ou de l'Antiphlogistine, et on nous dit de nous arranger avec ça.
    Par exemple, on m'a dit: « Toi, Cyr, tu vas rester ici, parce que tu as de l'expérience dans l'unité, dans ta section. Le petit nouveau, lui, il ne connaît rien, alors il ne peut pas gérer les affaires. » Donc, lui, il va partir en mission. Lui, il va avoir la médaille. Moi, on me dit que je vais rester en arrière, je vais me taper 12 ou 13 heures de travail par jour, parce que ça prend des gens pour compenser le manque de personnes, et je n'aurai rien.
    Au bout du compte, quand on sort des Forces, on se sent un peu comme un imposteur en tant que vétéran, parce que, dans la tête des gens, les vétérans sont des personnes qui ont participé à des missions. Aux yeux de certains membres des Forces armées canadiennes, si on n'a pas participé à des missions, on n'est pas un vétéran.

  (1945)  

    Je dois vous arrêter ici, parce que sinon je sais que vous allez prendre mes six minutes de temps de parole au complet. Toutefois, c'est fascinant, ce que vous dites.
    Seriez-vous capable d'estimer le pourcentage de femmes au sein des Forces armées canadiennes qui, comme vous l'avez vécu, ne sont pas envoyées en mission? Ce n'est pas l'exception, selon ce que je comprends.
    Je vous dirais que plus de la moitié des femmes ne sont pas envoyées en mission.
    Ah oui? Oh là là!
    Vous avez dit autre chose qui m'a terriblement marqué, tantôt. Vous aviez un billet médical venant d'un médecin au civil, et le médecin des Forces à qui vous l'avez présenté ne l'a pas reconnu ou n'a pas accepté de le mettre en application. Est-ce bien cela?
    Oui.
    Je trouve cela épouvantable. C'est comme si les Forces armées canadiennes étaient au-dessus des lois. Je ne connais pas un seul organisme, en tout cas au Québec, qui refuserait un billet médical venant d'un médecin au civil. Je trouve cela triste.
    J'ai plein d'autres questions pour vous.
    Vous avez beaucoup parlé du harcèlement que vous avez vécu dans l'armée. Évidemment, vous associez cela au fait que vous êtes une femme. Les hommes ne vivent-ils pas du tout ce type de harcèlement?
    Il y a des hommes aussi qui en vivent.
    Ah oui?
    Oui, et j'ai été harcelée psychologiquement par des femmes, aussi. En dernier, c'était une femme, qui était probablement la marionnette des hommes. Le sergent-major de mon unité a mentionné qu'il ne m'avait jamais parlé, alors qu'il savait très bien que je lui avais dit en pleine face: « Sors-moi de là, parce que je ne me sens pas bien. Ma santé mentale ne va pas bien. Je vais l'étrangler. » Il m'a dit: « Bah! Je pourrais te donner un posting à Montréal. » Voyons donc! Ce n'est pas un posting à Montréal que je voulais; je voulais juste sortir de cette place-là. Il a pourtant mentionné qu'il ne m'avait jamais parlé, jusqu'à ce que je porte plainte officiellement.
    Même si j'ai fait une plainte officielle et que j'ai gagné ma cause, cette personne n'a reçu aucune sanction. C'est inacceptable. Lorsque j'ai demandé ce que cette personne avait reçu comme sanction, on m'a répondu carrément: « Ce n'est pas de tes affaires. » C'est moi qui avais été harcelée, mais je n'avais pas le droit de savoir ce que la personne qui m'avait agressée avait reçu comme sanction. Ce que j'ai su par la suite, c'est qu'elle avait été promue adjudante-cheffe.
    J'ai une autre question. Vous en avez parlé avec moi, mais j'aimerais que vous puissiez le dire à mes collègues.
    Vous avez eu et avez encore plusieurs maladies qui ne sont pas reconnues. Pouvez-vous les nommer?
    À la suite du trouble de stress post-traumatique, il y a eu la fibromyalgie, qu'on ne veut pas encore reconnaître, à Anciens Combattants Canada.
    J'ai des problèmes de vessie et d'intestins. Aussitôt que j'ai un moment de stress, ça accapare ma vessie et j'ai de la diarrhée. Je ne vous cacherai pas mes maux. Je vais à la salle de bain, je m'essuie et il y a du caca. Ça sort tout seul. Il y a d'autres vétérans qui vous le diront. Ils vont peut-être être gênés de le dire, mais on est ici pour dire les vraies choses. Mes employés, au resto, se sont habitués à voir mes bobettes pleines de pisse dans le panier à lavage. Au début, ils s'exclamaient et se demandaient ce que ça faisait là. Maintenant, ils sont habitués. Ils savent que c'est parce que je ne me suis pas rendue à temps à la toilette. Si vous allez voir mon resto, vous verrez que ce n'est pas grand. Je vis une situation de stress quand beaucoup de monde entre. Le stress s'empare de moi, puis je m'échappe. Anciens Combattants Canada ne veut pas le reconnaître. C'est apparu après le diagnostic de trouble de stress post-traumatique. C'est écrit clairement, en plus.
    La fibromyalgie a été reconnue par un physiatre, mais Anciens Combattants Canada ne veut pas la reconnaître. Je viens tout juste, après quatre ans, d'être acceptée pour le ménage chez nous. Ma demande n'avait pas été acceptée avant. Un ergothérapeute d'Anciens Combattants Canada m'a même dit que c'était dans ma tête, que je devrais arrêter de me plaindre et de raconter mes problèmes, qu'ensuite ça irait bien et que je pourrais faire mon ménage sans problème.
    Merci, madame Cyr.
    Merci, monsieur Desilets.

  (1950)  

[Traduction]

    Passons maintenant à une intervenante sur Zoom.
    J'invite la députée de North Island—Powell River, Mme Rachel Blaney, à prendre la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je sais que nous allons être appelés à voter. Pour que ce soit au compte rendu, je recommande que nous convenions de voter sur nos appareils, que nous prenions cinq minutes pour le faire et que nous accordions ensuite à ces femmes le temps précieux qu'elles méritent.
    À vous de décider, monsieur le président.
    Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins de leurs témoignages percutants d'aujourd'hui ainsi que de leur service. Je tiens également à rendre hommage à toutes les femmes qui se trouvent dans la salle derrière vous. Je suis vraiment émue par le nombre de personnes qui se sont déplacées pour se tenir à vos côtés; je sais à quel point il est important que ces voix soient entendues. Je vous remercie de vos témoignages et je remercie également toutes les personnes qui se sont déplacées.
    Je pense que vos paroles et vos comportements sont le reflet des guerrières que vous êtes. Je tiens à vous remercier de cela, d'être des agentes de changement et de nous permettre, en tant que députés, d'être également des agents de changement en défendant et en magnifiant vos voix.
    Ma première question s'adresse à la majore à la retraite Carly Arkell.
    Si j'ai bien compris, ACC a rejeté votre demande de prestations d'invalidité en raison de la maladie génétique dont vous êtes atteinte. Je me demande si vous pouvez nous parler un peu de ce que vos médecins ont clairement indiqué, à savoir que votre service avait aggravé votre maladie. Est‑ce qu'ACC a accepté cela?
    Je vous remercie de me donner l'occasion de parler de cela.
    Il était évident que les blessures étaient liées au service, et j'ai reçu des indemnités pour quelques articulations particulières. Cependant, lorsque j'ai fait une demande pour le syndrome d'Ehlers-Danlos, malgré l'information très claire contenue dans mon dossier médical, le médecin des Anciens Combattants qui a examiné le dossier...
    J'en ai d'ailleurs une copie, car je fais appel de cette décision. Le Bureau de services juridiques des pensions, ou BSJP, m'a fourni cette copie pour que je la transmette à mon médecin civil.
    L'officier médecin d'ACC s'est concentré sur les symptômes inexpliqués d'un point de vue médical, et il a utilisé des documents du service de santé mentale pour dire que tout était dans ma tête. Quelques médecins ont dit: « Oui, vous êtes souple, mais c'est normal. Ce n'est rien. Vous êtes simplement stressée et vous devez dormir davantage pour gérer votre stress. »
    Je suis en train de faire appel, mais comme il n'y a aucune garantie de succès, mon gestionnaire de cas m'a conseillé de faire une demande individuelle pour chaque articulation affectée. J'ai actuellement une indemnité pour mon épaule gauche, le bas de mon dos et mes deux hanches.
    Après avoir essuyé un refus pour mon état général, j'ai soumis des demandes supplémentaires pour mon cou, mon épaule droite, mes deux poignets, mes deux pouces et mes deux chevilles, et on m'a immédiatement envoyé un formulaire médical pour chaque articulation individuelle. Je dois prendre un rendez-vous avec mon médecin de famille pour chaque articulation. J'ai beaucoup de chance d'avoir un médecin de famille, et j'ai beaucoup de chance qu'il soit prêt à consacrer du temps à cela, mais cela l'empêche de traiter mes autres affections. Cela lui fait perdre du temps par rapport à d'autres patients, et c'est ridicule. Mon physiothérapeute prend les mesures de l'amplitude des mouvements et pourrait facilement remplir les formulaires, mais il faut que ce soit un officier médecin qui le fasse.
    Je ne peux pas remplir les formulaires moi-même. J'ai besoin d'aide pour le faire et j'ai ensuite besoin d'aide pour gérer cela. Toute mon énergie est consacrée à cela, et je ne peux donc pas faire de demande pour d'autres problèmes.
    J'ai des problèmes gastro-intestinaux. J'ai des problèmes avec mon système nerveux autonome. En raison de tous ces autres problèmes, je souffre d'une affection qui ressemble à une COVID longue. Je l'avais avant que la COVID apparaisse, et c'est invalidant.
    Je vous remercie.
    Je vais maintenant m'adresser à la matelot de 1re classe à la retraite Lisa Nilsson.
     Vous avez un fauteuil roulant qui vous a été fourni lorsque vous serviez encore dans les FAC. Récemment, vous avez eu besoin d'une réparation mineure. Pouvez-vous dire au Comité ce qui s'est passé lorsque vous vous êtes adressée à ACC et ce que vous avez fait?
    Je vais vous donner un peu de contexte, si vous le permettez.
    J'avais déjà eu de telles blessures. J'ai été sélectionnée et j'ai participé aux Warrior Games à Tampa en 2019. J'ai eu un accident pendant que j'étais là‑bas et j'ai eu un choc neurogénique. En fait, j'ai endommagé mes vertèbres C2, C3 et C4, je crois. Il a fallu un peu... Au début, l'œdème s'est résorbé. C'est une longue histoire.
    Quoi qu'il en soit, les FAC m'avaient acheté un fauteuil roulant pour m'aider à me déplacer sur de longues distances et pour soulager la douleur. Une fois à la retraite, j'ai eu besoin d'un réglage rapide des freins, ce qui devait me coûter 50 $ par frein. Je me suis adressée à ACC pour présenter ma demande. Ils ont refusé ma demande et m'ont dit deux choses.
    La première, c'est que le problème relevait des FAC et non d'ACC. Deuxièmement, selon eux, aucune preuve médicale ne démontrait que j'avais besoin du fauteuil roulant. Par conséquent, je n'en avais pas besoin. J'ai une ordonnance de mon infirmière praticienne, bien que ce soit pour une chose différente de celle qui m'a été prescrite, et les FAC m'ont acheté le fauteuil, mais l'ordonnance de l'infirmière praticienne n'est pas appropriée ou suffisante. Ils veulent l'ordonnance d'un spécialiste, et on ne peut pas aller voir un spécialiste n'importe comment de nos jours, alors j'ai payé la réparation de ma poche.

  (1955)  

    Je vous remercie.
    Je crois savoir que si vous obtenez une évaluation physique complète, ACC vous fournira un fauteuil roulant tout neuf, au lieu de payer les 50 $ pour le réparer. Est‑ce exact?
    Oui, c'est exact. Il y a différents articles qu'ACC paie.
    Essentiellement, si les Forces armées canadiennes offrent une aide à la mobilité, on s'attend à ce qu'elles couvrent le fauteuil roulant, mais elles ne le feront pas. Elles ne couvriront que les articles qu'elles paient réellement. Ainsi, au lieu de payer 100 $ pour quelques ajustements et réparations de freins, elles achèteront un nouveau fauteuil roulant à 7 000 ou 8 000 $.
    Je vous remercie beaucoup.
    Commençons maintenant le deuxième tour.
    J'invite la députée de Yorkton—Melville, Mme Cathay Wagantall, à prendre la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux juste mentionner brièvement ce qui suit. Lorsque mon mari et moi étions jeunes, nous avons assisté à un séminaire sur l'art d'être de bons partenaires l'un envers l'autre et sur les différences entre les hommes et les femmes. Un des hommes a parlé des femmes, les comparant à des tasses de porcelaine fine. Mon mari s'est penché pour me dire: « Tu es le plus beau plat de Pyrex que j'ai jamais vu. »
    Des voix: Ha, ha!
    Mme Cathay Wagantall: Vous êtes toutes extraordinaires. Je tenais à le dire.
    J'aimerais poser une question à Mme Siew.
    Nous savons que le viol est une arme de guerre. Cela me révulse. Quand j'entends dire que le viol a été utilisé comme arme de guerre dans mon propre pays et dans les forces armées... Vous êtes de 1975. Je pense que nous sommes de la même génération.
    Vous avez déclaré ce qui suit:
M'étant enrôlée en 1975, je peux affirmer que, dans l'ensemble, les responsables des forces armées, contraints d'opérer ce changement dans les années 1970, ont agi à contrecœur et sans volonté d'accommoder les femmes. Ils ont maintenu cette position aussi longtemps que possible. Ils nous ont sciemment rejetées, maltraitées, humiliées et même blessées.
Les obstacles politiques et culturels ont créé des conditions propices aux mauvais traitements et au harcèlement — de nature physique, mentale et sexuelle — et nous ont réduites au silence.
    De tous les témoignages des personnes qui sont venues, le vôtre est le premier à exposer les choses si clairement. Je pense que vous possédez les fondements, l'expérience et les motifs pour en parler.
    Certainement. J'ai observé le problème à maintes reprises. J'ai vu, pendant l'instruction de base, des adjudants coucher avec des cadettes et se servir de leur position comme outil pour avoir des relations sexuelles et convaincre une cadette que si elle couche avec lui, elle réussira l'instruction de base. Il s'agit de la formation de base des officiers. C'est ainsi depuis 1979. J'ai pris l'adjudant sur le fait et j'en ai parlé à mes supérieurs. La jeune recrue a été renvoyée chez elle et l'adjudant est revenu travailler avec moi. C'est ainsi encore et encore. J'ai observé le problème à maintes reprises.
    La violence sexuelle a été utilisée afin de presque contrôler — dans certains cas — les femmes. À un moment donné au cours de ma carrière de commandante, j'ai passé un an à me cacher des officiers supérieurs. Je le dis littéralement.
    Merci beaucoup d'être aussi honnête à ce propos et au sujet de la blessure qui découle de cette situation.
    J'aimerais poser une question à Carly Arkell.
    Voici ce qui figure dans votre biographie. On peut lire: « Avant de se joindre au Survivor Perspectives Consulting Group ». Ce groupe a été l'un de nos premiers témoins. J'ai été très impressionnée par les capacités et le désir de guérison et d'amélioration de ce groupe. C'est un moyen unique de s'attaquer au problème au sein des forces armées, ciblant les personnes de tout rang et toutes ces questions.
    Pouvez-vous nous parler brièvement de votre expérience et de la valeur que vous y accordez?

  (2000)  

    Merci. Je le ferai volontiers.
    Nous étions un groupe de femmes mécontentes. Cela remonte à un peu moins de deux ans, quand il y a eu beaucoup de nouvelles et de scandales au sujet de l'inconduite sexuelle de hauts gradés dans l'armée. Nous savions qu'il n'était pas nécessaire qu'il en soit ainsi. Nous savions qu'il était possible d'en faire davantage. Nous parlons d'armes de guerre. C'est du fratricide. Ce problème infecte et touche tout le monde et rend l'environnement toxique.
    Je me suis enrôlée en 1998. J'ai reçu trois formations dans le cadre du Code de prévention du harcèlement et du racisme entre mes deux éléments. Je suppose que j'avais besoin de plus de temps. Tout ce que j'ai appris, ce sont des blagues. Cette formation était de la foutaise. Elle ne menait nulle part.
    L'une de nos fondatrices, Donna Riguidel, a élaboré un programme de formation tout en travaillant à un autre programme sur les agressions sexuelles civiles.
    Je suis désolée. Je m'emballe un peu.
    Mme Cathay Wagantall: C'est correct. Prenez votre temps. Ça va.
    Mme Carly Arkell: Elle a adapté la formation au contexte militaire, avec l'aide et la permission de l'armée. Cette formation respecte le fait que nous sommes soldats. Nous utilisons la violence comme outil, mais nous sommes tout de même des personnes. Nous devons prendre soin des nôtres. La formation vise à ne dénigrer personne et à éviter de faire en sorte que les gens se sentent mal ou comme s'ils devaient être sur leur garde et ne pas être eux-mêmes. C'est une question d'humanité.
    Certaines personnes ont participé à la formation en rechignant, mais en sont ressorties en disant que c'était la première fois qu'elles n'avaient pas l'impression d'être le méchant. D'autres personnes nous ont dit: « Wow, je ne savais pas que je contribuais au problème. Ce n'est pas ce que je pensais. » La formation a eu une profonde incidence.
    Ma participation a été très limitée en raison de ma santé, mais nous tous, les fondateurs, et de nombreux autres survivants en arrière-plan travaillons ensemble quand nous le pouvons et comme nous le pouvons. Cela fait partie de notre guérison. Nous voulons faire de l'armée un meilleur endroit pour nos collègues et pour nos enfants.
    Avez-vous l'impression qu'il y a un désir de voir cette formation comme l'un des outils importants pour lutter contre les traumatismes sexuels dans le milieu militaire et améliorer les choses pour les hommes et les femmes qui servent au sein des forces armées et pour l'avenir de nos jeunes hommes et femmes qui y serviront?
    Je crois sincèrement qu'il s'agit d'un outil puissant. Pour diverses raisons, il y a eu une certaine réticence de la part des FAC, mais d'autres armées étrangères nous ont fait part de leur intérêt. Si les FAC n'adoptent pas cette formation, nous irons à l'étranger.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Je suis désolée, mais mon temps est écoulé.
    Merci beaucoup, madame Wagantall.
    J'aimerais maintenant inviter M. Rogers, de Bonavista—Burin—Trinity, à prendre la parole.
    Allez‑y, je vous prie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Tout d'abord, permettez-moi de souhaiter la bienvenue à toutes nos invitées. Les événements dont vous parlez et les histoires que vous racontez sont très intéressants, et nous avons entendu de nombreux témoins au sujet de certaines des questions que vous avez soulevées ici encore ce soir.
    J'aimerais d'abord entendre ce que notre invitée en ligne, Mme Nilsson, a à dire. Vous avez formulé plusieurs recommandations à l'intention du Comité. Je vous suggère de les soumettre par écrit au greffier. Y en a‑t‑il une ou deux sur lesquelles vous aimeriez mettre l'accent? Je sais que nous n'avons que cinq minutes, alors si chacune d'entre vous pouvait me donner sa principale recommandation, quelle serait-elle?
    Madame Nilsson, vous pourriez peut-être nous donner quelques exemples en une minute. Je donnerais ensuite une minute aux autres témoins.
    Volontiers, monsieur.
    J'ai déjà présenté mes recommandations. Je ne les ai tout simplement pas envoyées assez rapidement pour qu'elles soient traduites. Il y en a deux principales. La première consisterait à éliminer les préjugés et à offrir une formation sur les préjugés. Que le préjugé des gens soit inconscient ou conscient, qu'il découle d'une situation dans laquelle ils se sont trouvés ou qu'il s'agisse d'une valeur qui leur a été inculquée, il faut les aider à le reconnaître lorsqu'ils évaluent certaines demandes.
    De plus, si un membre se présente avec un problème de santé préexistant et s'il arrive avec un problème de santé grave — ce n'est pas toujours une question de santé mentale —, il faut que ce problème soit examiné adéquatement.
    Je formulerai une autre recommandation, puis je m'arrêterai là. Il faut lever l'interdiction concernant les maladies et les blessures non liées au service qui ne sont pas couvertes par ACC, comme le cancer, le diabète et les affections génétiques comme le trouble du spectre de l'hypermobilité et le syndrome d'Ehlers-Danlos. Notre service n'a peut-être pas causé ces blessures, mais il les a certainement exacerbées. Bien souvent, ces blessures sont inexistantes tant que nous ne sommes pas blessées. J'attends les tests génétiques pour le syndrome d'Ehlers-Danlos.

  (2005)  

    C'est excellent. Merci beaucoup.
    Je sais que le président surveille le chronomètre, alors je vais commencer par la majore Arkell, si vous le voulez bien.
    Puis‑je passer en dernier?
    D'accord. Peu importe l'ordre, le temps file.
    Je vais y aller.
    Je pense que les Forces canadiennes devraient réunir de l'information sur les conditions de service que les femmes ont connues dans les années 1970, 1980 et 1990, notamment sur l'équipement, les traumatismes et toutes les activités qu'elles connaissent. Lors de son témoignage, la lieutenante-générale Bourgon a admis ces problèmes. Les Forces canadiennes doivent colliger des informations à ce sujet et les transmettre à Anciens Combattants, qui doit les considérer comme des documents et des dossiers afin que les femmes n'aient pas à prouver ces problèmes elles-mêmes. Je pense que c'est ma première recommandation en ce qui concerne les Forces canadiennes.
    Quant à ACC, il doit examiner les problèmes les plus faciles à régler en ce qui concerne ses deux problèmes: les lignes directrices relatives à l'admissibilité et la table des invalidités. Il devrait se concentrer sur les lignes directrices relatives aux traumatismes articulaires cumulatifs. C'est un problème facile à résoudre. S'il commençait à s'attaquer à ce problème et à déterminer les facteurs qui ont une incidence sur les articulations des femmes, il y aurait beaucoup plus de demandes de la part de femmes qui n'ont rien dans leur dossier.
    Et voilà. Ce sont mes deux principales priorités.
    Voulez-vous prendre la parole?

[Français]

    J'ai deux recommandations à faire.
    Si quelqu'un dépose une plainte à l'intérieur de l'organisme, que ce soit pour agression sexuelle ou psychologique, et qu'il y a une enquête reconnue, il faut qu'un suivi soit fait à l'extérieur aussi et qu'on puisse donner des sanctions. La personne qui a été agressée doit savoir ce qui a été fait. Sinon, on n'encourage pas les autres personnes à passer par tout le processus, qui est ardu, pour déposer une plainte...
    Je m'excuse de vous interrompre, mais la sonnerie de la Chambre se fait entendre.

[Traduction]

    Nous avons des votes dans environ 30 minutes.
    Tout d'abord, M. Tolmie et M. Desilets voudraient intervenir.
    Monsieur Tolmie, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Nous allons accorder 15 minutes de plus afin de respecter les témoins que nous recevons. Nous devons nous rendre à la Chambre, alors nous poursuivrons pendant encore 15 minutes, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    Je vous remercie.

[Français]

    Monsieur Desilets, vous avez la parole.
    Mon intervention ne va pas tout à fait dans ce sens. Nous avons cinq témoins. Nous serions en mesure d'aller voter même si nous poursuivions la réunion jusqu'à cinq minutes avant la fin de la sonnerie d'appel au vote. Je souhaiterais que, par respect pour les témoins, nous restions ici le plus longtemps possible.
    Y a-t-il d'autres interventions?
    J'ai besoin du consentement du Comité.

[Traduction]

    Mme Wagantall aimerait-elle dire quelque chose? Non.

[Français]

    On a d'abord proposé de poursuivre la réunion jusqu'à 15 minutes avant le vote.

[Traduction]

    Est‑ce que ce sera 15 ou 5 minutes avant le vote?

[Français]

    Qu'est-ce que le Comité entend faire?
    Monsieur Samson, vous avez la parole.
    Nous sommes prêts à rester ici jusqu'à cinq minutes avant la fin de la sonnerie d'appel au vote.

  (2010)  

    D'accord.
    Monsieur Tolmie, vous avez la parole.

[Traduction]

    Nous ne sommes ici que pour 15 minutes. Je ne veux pas manquer de respect aux personnes qui sont venues ce soir.
    Comme je l'ai indiqué au début de la période de questions, nous admettons que les témoignages sont très importants pour nous, mais nous devons malheureusement suivre certaines procédures. Nous sommes convoqués à la Chambre.

[Français]

    Madame Wagantall, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je veux dire la même chose. Nous accordons une grande valeur à tout ce que vous avez à dire dans votre témoignage. Je vous remercie. J'espère pouvoir m'adresser de nouveau à chacune d'entre vous.
    Nous sommes dans une situation où nos valeurs entrent en conflit. Vous savez à quel point il importe de prendre position quand il le faut. Il est important que nous soyons à la Chambre pour ce vote.
    Je vous présente nos excuses.
    Je vous remercie.
    Ai‑je le consentement unanime du Comité pour continuer pendant 15 minutes?
    Des députés: Oui.
    Le président: Nous nous arrêterons à 20 h 25. Il ne nous reste que deux minutes pour vos questions, monsieur Rogers.
    Allez‑y, je vous prie.
    Oui.
    En ce qui concerne Anciens Combattants, j'aimerais qu'il y ait un meilleur accès aux programmes qui encouragent à la fois la santé mentale et l'activité physique.
    Par exemple, de nombreux programmes équestres sont offerts aux vétérans pour qu'ils passent du temps avec des chevaux, mais dans bon nombre de ces programmes, on ne peut pas monter à cheval. Les vétérans ne veulent pas seulement s'occuper des chevaux; ils veulent les monter. Nous voulons qu'il y ait de l'activité physique parce que c'est du mouvement. C'est l'activité physique qui m'aide le plus.
    J'ai deux choses à dire.
    L'une s'adresse plus précisément au ministère des Anciens Combattants. Il faut revoir le tableau des prestations et le mettre à jour pour tenir compte des vétérans de l'ère moderne. Ce ne sont pas des hommes de la Seconde Guerre mondiale. C'est une question de sexe, de type de blessures et de genre de traumatismes accumulés.
    La deuxième chose est en quelque sorte une recommandation, mais aussi un défi pour demander à tous les membres du Comité et tous les députés d'en parler aux membres de leur caucus. Avec toutes les lois et toutes les politiques qui sont proposées — dans le cadre de propositions, d'ébauches ou d'examens —, il faut tenir compte des répercussions sur les vétérans et leur famille, des occasions de nous aider et des répercussions négatives sur nous également.
    Je vous remercie beaucoup.

[Français]

    J'invite M. Luc Desilets à prendre la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Cyr, vous avez fait allusion tantôt à un montant de 27 000 $ que vous réclame la compagnie d'assurance pour un trop-perçu. Avez-vous été informée, à un moment donné, de ce qu'il fallait faire?
    Non, jamais. Quand j'ai dit que j'avais créé une entreprise pour me sauver la vie et pour aider mes pairs, on m'a demandé d'envoyer mes déclarations de revenus. À ce moment-là, le café fonctionnait à perte, mais, pour ces gens-là, c'étaient des revenus. À l'époque, j'avais démarré le resto avec une amie. À moi, on m'a réclamé 27 000 $. J'étais sortie des Forces en septembre, et c'est la somme qu'on m'a réclamée pour la période de septembre à décembre. On a réclamé à mon amie une somme de 47 000 $, ce qui a fait qu'elle a fini par se retirer du café, parce qu'elle n'était plus capable de se faire harceler par Manuvie. Pourtant, on essayait simplement de s'entraider.
    Comme je vous l'ai dit, c'est à ce moment-là que j'ai appris qu'Anciens Combattants Canada ne me donnait pas mes 15 % de salaire. À cause de ça, je n'étais pas capable de présenter de nouvelles demandes à Anciens Combattants Canada pour me faire rembourser. J'ai appelé l'ombudsman, et ce n'est toujours pas réglé, parce qu'on me dit que je n'avais pas fait les demandes.
    Votre café ne génère pas de revenus. Vous fonctionnez même à perte. Vous offrez un service, comme on l'a décrit tantôt, mais on vous demande encore de verser 27 000 $.
    Oui.
    Avez-vous reçu un peu de soutien dans votre projet? Vous n'en avez sûrement pas reçu des Forces, mais qu'en est-il d'Anciens Combattants Canada?
    Non, jamais.

  (2015)  

    C'est rendu à l'ombudsman.
    Oui.
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Desilets.

[Traduction]

    J'invite maintenant Mme Rachel Blaney à prendre la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser une question à Nadine Schultz-Nielsen,matelot de 1re classe à la retraite.
    Après avoir entendu votre témoignage, je me demande si vous pouvez expliquer la différence entre votre trouble de stress post-traumatique, ou TSPT, et votre trouble dépressif majeur.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai commencé à recevoir des traitements pour le TSPT en 2014 après avoir reçu un diagnostic d'un psychologue civil. Pour moi, le TSPT est gérable. Grâce au traitement que j'ai reçu au fil des ans, je suis en mesure de gérer mes symptômes. Pour être parfaitement honnête et claire, la dépression tue. Je n'ai pas encore trouvé de traitement qui fonctionne, et la dépression vous dévore vivante comme un cancer.
    Merci.
    Je vous remercie.
    Pourriez-vous expliquer la différence entre les causes du TSPT et celles du trouble dépressif majeur? Selon vous, quelle est la cause du trouble dépressif majeur?
    Mon TSPT est lié à mon service militaire et aux agressions que j'ai subies. Mon trouble dépressif majeur est apparu après qu'ACC a refusé de m'accorder des prestations pour diminution de la capacité de gain. En ce qui me concerne, tout est de la faute d'ACC. Les refus, les pirouettes pour être traitée avec un peu de dignité, tout cela vous épuise. On ne peut pas régler le problème.
    Merci.
    Capitaine à la retraite Siew, très rapidement, vous avez proposé de modifier le processus décisionnel relatif aux demandes de prestations d'invalidité pour tenir compte des besoins de toutes les vétéranes. Je me demande si vous pourriez nous expliquer en quoi consisteraient ces modifications. Je pense que c'est une idée formidable.
    Je pense fondamentalement qu'on attend des femmes qu'elles présentent des demandes et fournissent des preuves quant à leurs conditions de service, alors qu'en fait, elles n'ont aucune preuve. Le MDN et les Forces canadiennes savent toutefois comment ces femmes ont été traitées au fil des ans. Je pense qu'ils ont une obligation envers les vétéranes, car ils n'ont rien fait pour elles lorsqu'elles étaient en service. Ils leur ont fait du mal lorsqu'elles étaient en service, alors ils ont maintenant l'obligation de dire ce qu'ils ont fait.
    Ils sont au courant. Ce n'est pas comme s'ils ne savaient rien. S'ils sont dans l'ignorance, il y a des femmes comme moi parmi les vétérans qui se feraient une joie de venir les informer. Nous sommes là. Nous savons. Nous nous occupons constamment de vétérans. Nous nous ferons un plaisir de leur fournir des explications.
    Si les Forces canadiennes fournissent l'information, les vétéranes n'auront pas à présenter elles-mêmes les preuves alors qu'elles n'ont aucun document. C'est ridicule. Si les Forces canadiennes le font pour le traumatisme sexuel en milieu militaire et admettent qu'à cet égard, la voix des femmes et leurs histoires comptent, nous savons déjà ce qu'il en est, car ce précédent a été établi. C'est déjà fait. Cette simple admission ferait avancer les choses à la vitesse de la lumière si les Forces canadiennes agissaient et disaient ce qu'elles ont fait aux femmes. Elles connaissent les problèmes liés à l'équipement.
    À mon avis, c'est une démarche facile. C'est quelque chose que les Forces canadiennes peuvent faire et qui changera tout pour les vétéranes.
    Merci beaucoup, madame Blaney et madame Siew.
    Les deux dernières interventions seront de trois minutes chacune.
    J'invite Mme Wagantall à prendre la parole pour trois minutes.
    Je ne m'attendais pas à cela.
    Le président: J'ai votre nom sur ma liste.
    Mme Cathay Wagantall: C'est excellent, monsieur le président. Merci beaucoup.
    Madame Siew, vous avez indiqué que vous avez remporté votre grief concernant la politique sur le congé de maternité. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Oh, c'est une triste histoire. C'était en 1986, tout d'abord. À l'époque, si une femme recevait des prestations de maternité, quelles qu'elles soient, on considérait qu'elle était en congé sans solde. Cela avait une incidence sur sa pension.
     Je crois fondamentalement que, tout d'abord, mon service ouvrant droit à pension ne devrait pas être affecté par le fait que je vais avoir un bébé. J'ai fait une demande de réparation d'une injustice. Il ne s'agissait pas du fait que je n'avais obtenu que 17 semaines de congé sans solde pour pouvoir passer à l'assurance-chômage — comme on le disait à l'époque — tandis que l'employée de bureau à côté de moi, ma secrétaire, avait obtenu 93 semaines de congé payé, ce qui était le cas à l'époque. Cependant, j'ai déposé une demande pour être certaine — et j'ai dû la remplir trois fois pendant ma grossesse — et elle a été approuvée le lendemain de la naissance de mon fils et on s'est assuré que cela ne s'appliquerait pas rétroactivement.
     Pour que les choses soient claires, je répète que ma demande a été approuvée le lendemain et qu'on s'est assuré que cela ne s'appliquerait pas rétroactivement. C'est ce que j'appelle des politiques malveillantes.

  (2020)  

    Oui. Merci.
    Madame Nielsen, je crois que c'est vous qui avez dit que vos problèmes de santé mentale avaient entravé votre capacité à demander des prestations. Ce dont vous venez de parler, c'est du traumatisme du sanctuaire, qui est en fait un élément important dans tout cela. Tous les vétérans qui souffrent énormément disent souvent que ce qui les détruit, c'est le fait qu'ils se sentent sous-estimés par Anciens Combattants Canada.
    Est‑ce que cela correspond à ce que vous disiez au sujet de la dépression dont vous avez souffert?
    Oui. En 2015, j'ai fait une demande auprès d'Anciens Combattants Canada concernant le traumatisme du sanctuaire. Ma demande a été suspendue, ce qui signifie qu'il n'y a aucun recours. On ne peut pas en appeler de la décision. C'est terminé.
     Oui, le traumatisme du sanctuaire, c'est exactement ce que nous vivons tous dans nos communications avec Anciens Combattants Canada.
    Madame Nilsson, voudriez-vous nous parler de vos communications avec ACC et des effets qu'elles ont eus sur votre santé?
    Excusez-moi...
    Aviez-vous quelque chose à dire au sujet des répercussions de la bataille constante, j'imagine, que vous devez mener lorsque vous communiquez avec ACC et des effets qu'elle a sur votre santé en général?
    Oui, madame. En ce qui me concerne, lorsque je dois communiquer avec Anciens Combattants Canada, je deviens paralysée pendant trois ou quatre semaines après l'avoir fait. Je commence à trembler. Je vois un courriel sur Mon dossier ACC et je deviens paralysée.
    J'ai récemment obtenu une réévaluation de ma colonne cervicale et j'ai, au total, probablement 14 pages de formulaires à remplir. En fait, j'ai reçu un appel de mon physiatre avant que nous ne commencions, et il ne veut pas remplir des formulaires parce qu'il ne veut pas avoir affaire aux gens d'Anciens Combattants Canada.
    Voilà comment...
    Merci beaucoup.
    Mme Cathay Wagantall: Merci beaucoup.
    Le président: Nous en sommes à la dernière intervention.
    Monsieur Sean Casey, vous disposez de trois minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vous remercie toutes de vos témoignages percutants et courageux.
    Je vais d'abord m'adresser à Mme Schultz-Neilsen, puis je passerai ensuite à vous, capitaine Siew.
    Madame Schultz-Neilsen, avant d'entrer en politique, j'ai pratiqué le droit pendant 17 ans en tant qu'avocat plaidant. Je vois que vous étiez une représentante demanderesse dans le recours collectif, qui s'est conclu par un règlement de 900 millions de dollars. Je n'ai pas de question à vous poser, mais je tiens à ce que vous sachiez que j'ai lu la déclaration et que le leadership et le courage qu'il faut pour agir à titre de représentante demanderesse et pour accepter que tous ces éléments soient publiés et rendus accessibles au reste du monde sont tout à fait remarquables.
     Vous avez rendu un très, très grand service.
    Des voix: Bravo!
    M. Sean Casey: Capitaine Siew, vous vous êtes exprimée de façon très franche, directe et précise lorsqu'on vous a demandé quelles recommandations nous devrions formuler dans notre rapport. Vous pouvez être certaine qu'elles y figureront.

  (2025)  

    Je vois ici que vous avez été coprésidente du Groupe consultatif sur les politiques du ministre des Anciens Combattants.
    Non. Il s'agit plutôt de ma petite sœur, qui est au fond de la salle, monsieur.
    Votre petite sœur...
    Ma petite sœur qui est au fond de la salle, monsieur. Pas mal, non? Voilà.
    Oui, cela élimine en quelque sorte la question.
    Des voix: Ha, ha!
    Nous avons fait très attention à cela, monsieur.
    Pensez-vous pouvoir dire un mot à votre petite sœur au sujet de ces conseils pour faire en sorte qu'ils soient transmis à ce comité? Les inclure dans le rapport est une chose, mais en discuter au sein d'un comité doté d'un tel leadership serait extrêmement utile.
    Captv (à la retraite) Louise Siew: D'accord, monsieur.
    M. Sean Casey: Il me reste une minute.
     Il a été question des gestionnaires de cas à deux ou trois reprises aujourd'hui.
     Madame Arkell, je pense que vous avez mentionné que votre gestionnaire de cas vous avait aiguillée vers une clinique TSO. Pourriez-vous nous parler de façon générale de votre expérience avec les gestionnaires de cas au sein d'Anciens Combattants Canada? Ce serait utile.
    J'ai l'impression d'être un cas unique, car j'ai une gestionnaire de cas extraordinaire. Je n'arrête pas de lui dire qu'elle doit être clonée. Elle est fantastique. C'est grâce à elle si je n'ai pas de crises de panique lorsque je reçois des messages d'ACC — même lorsque j'ai des difficultés; je fige tout de même.
     Je suis une amie très proche de Lisa et je ne peux pas vous dire combien de fois j'ai répondu à des textes, des appels et des messages. Nous avons conclu un pacte entre nous pour nous entraider. Je n'arrive pas à décrire ce qu'elle a traversé. Mon expérience est diamétralement opposée.
     Il nous faut plus de gestionnaires de cas qui reçoivent une bonne formation, qui veulent être là et qui ne se servent pas de cela comme tremplin pour entrer dans la fonction publique. Nous avons besoin de gestionnaires de cas qui comprennent les soins tenant compte des traumatismes et qui sont déterminés à nous aider. Les limites de ma gestionnaire de cas sont liées aux politiques. Les politiques l'empêchent de faire des choses, mais elle se battra très fort pour moi, et tout le monde mérite un tel soutien.
    Je suis heureux de vous dire que votre expérience n'est pas unique. Elle n'est pas universelle, mais elle n'est pas unique. Je vous remercie de nous en avoir parlé.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Casey.
     Je vous remercie beaucoup. Je sais que vous avez beaucoup de choses à dire, mais je suis désolé. Nous devons nous arrêter ici. Nous avons entendu de nombreux merveilleux témoignages et, en mon nom et au nom des membres du Comité, j'aimerais remercier chacune d'entre vous.
    Je sais que ce n'est pas fini et que vous devez encore faire face à certains problèmes.

[Français]

    Je vous souhaite beaucoup de courage.
    Au nom des membres du Comité, je voudrais saluer les cinq témoins qui ont comparu aujourd'hui. À titre personnel, nous avons reçu Mme Carly Arkell, majore à la retraite; Mme Lisa Nilsson, maître de 2e classe à la retraite, qui participait par vidéoconférence; Mme Nadine Schultz‑Nielsen, matelot de 1re classe à la retraite; Mme Louise Siew, capitaine de vaisseau à la retraite. Nous avons également reçu Mme Lisa Cyr, caporale à la retraite et propriétaire du Café Félin Ma Langue Aux Chats.
    Je remercie également les interprètes et tous les membres de l'équipe technique qui ont travaillé à cette réunion.
    La séance est levée.
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