Passer au contenu
;

SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 029 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 17 octobre 2016

[Enregistrement électronique]

(1400)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 29e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Bienvenue aux membres de l'auditoire.
    Nous entamons la première d'une série de 10 réunions publiques que nous tiendrons dans le courant de la semaine à venir pour poursuivre notre étude du cadre de la sécurité nationale. Nos consultations sont subdivisées en deux segments sur le thème du cadre de la sécurité nationale. Le gouvernement tient en effet ses propres consultations de son côté.
    Notre comité parlementaire a décidé d'entreprendre une série de consultations en vue de conseiller le gouvernement, sous l'angle de l'activité parlementaire, au sujet des changements, des affirmations ou des préoccupations liés au cadre de la sécurité nationale, tel qu'il se présente actuellement.
    Nous sommes l'élément « voyageur » du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Ce comité compte normalement 10 membres, mais six seulement se déplacent. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agit des six meilleurs éléments, mais je n'en pense pas moins. Nous représentons les trois partis qui siègent à la Chambre des communes. Pour ceux d'entre vous qui ne sont jamais venus à Ottawa, sachez que notre formule sera exactement la même que pour les séances tenues dans la capitale.
    Dans chacune des villes que nous visiterons, soit Vancouver, Calgary, Toronto, Montréal et Halifax, nous tiendrons des réunions en après-midi pour accueillir des experts invités. Des experts qui soit ont demandé à témoigner devant le Comité, soit ont été invités par nous, pour nous faire part de leurs réflexions au sujet du cadre de la sécurité nationale.
    Dans chaque ville, nous tiendrons également des séances de déclaration spontanée lors desquelles des membres de l'auditoire seront invités à prendre la parole pour nous faire part de leurs préoccupations. Nous sommes impatients de passer à cette partie de la réunion ce soir. J'invite les personnes présentes dans la tribune du public à revenir à 17 h 30 pour profiter du micro. Nous vous écouterons et pourrons dialoguer avec vous.
    J'espère que nous sommes en train de lancer un véritable dialogue. Nous avons déjà tenu deux ou trois réunions à Ottawa pour marquer le début de notre étude. Nous sillonnerons donc le pays pour nos 10 prochaines réunions et poursuivrons notre travail à Ottawa par la suite. Nous espérons, d'ici deux mois, être en mesure de formuler des recommandations au Parlement, recommandations que le gouvernement pourra retenir pour son projet de cadre de sécurité nationale pour le Canada.
    Je vais accueillir notre premier témoin, pour la première heure. Stuart Farson est professeur auxiliaire au département de sciences politiques de l'Université Simon Fraser. Merci de vous être déplacé, monsieur.
    Nous aurions normalement dû accueillir un autre témoin, mais celui-ci a malheureusement dû annuler. Nous allons donc passer toute une heure avec M. Farson. Si nous avons hâte à ce dialogue, ce n'est peut-être pas son cas. Normalement, lors des audiences du Comité, nous accordons 10 minutes à chaque témoin, mais je vais lui donner un peu plus de latitude, après quoi les membres du Comité pourront lui poser leurs questions.
    Monsieur Farson.
(1405)
    Merci, monsieur le président. Je tiens à vous remercier et à remercier les membres du Comité de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui. Comme chaque membre du Comité vient du Québec ou de l'Ontario, on peut dire que le fait qu'ils se retrouvent de ce côté-ci du pays est chargé de sens en ce qui les concerne.
    Je tiens à féliciter le gouvernement libéral pour deux choses. Premièrement, pour avoir rendu publiques les lettres de mandat des ministres. Il est à espérer que les paramètres qu'elles fixent permettront de raviver l'importance de la responsabilité ministérielle dans notre système de gouvernance et de faire en sorte que les ministres soient plus facilement tenus responsables envers les Canadiens et le Parlement.
    Deuxièmement, je félicite le gouvernement pour ce Livre vert sur la sécurité nationale et pour le fait que celui-ci va stimuler la discussion et le débat publics sur ce qu'on appelle le cadre de sécurité nationale. Peu importe si d'aucuns doutent du sérieux du gouvernement dans ce dialogue qu'il semble vouloir instaurer ou encore que ses dires puissent se transformer en acte: ce genre de débat mérite notre appui et il aurait dû se dérouler il y a longtemps.
    Je vais traiter de trois choses dans mon exposé. J'espère, d'une certaine façon, que mes propos parleront aux intervenants qui me suivront. Premièrement, je veux parler de l'ampleur de ce que le gouvernement a baptisé cadre de sécurité nationale. Deuxièmement, je parlerai de la connaissance à acquérir en la matière et, en m'appuyant essentiellement sur ma propre expérience, de la difficulté de s'éduquer à propos de cet aspect de la gouvernance. Enfin, je parlerai d'une chose que ce comité et d'autres comités parlementaires font de façon régulière, soit de rendre la surveillance efficace.
    Afin de me préparer en vue de cette séance, j'ai cherché à me faire une idée, sans toutefois y parvenir, des paramètres que ce comité envisageait pour le cadre de sécurité nationale. Il existe bien un Livre vert, mais il est à espérer que le Comité saura sortir du cadre établi par celui-ci.
     Sur quoi ce comité va-t-il se pencher pour tirer ses conclusions au sujet du cadre? Deux aspects peuvent sauter aux yeux. Il y a d'abord la série de questions soulevées dans le Livre vert. Beaucoup d'entre elles découlent naturellement du projet de loi C-51, mais alors, quelles sont les réformes nécessaires?
    Je laisserai ces points de détail aux soins des autres témoins que vous accueillerez plus tard. Permettez-moi de vous parler de ce qui m'apparaît, à première vue, être absent du cadre de la sécurité nationale.
    Dans le monde universitaire, nous avons décrit cette entreprise de différentes façons, parlant de communautés, de réseaux et de systèmes. Comme il est maintenant question d'un cadre, il faut déterminer ce dont il s'agit exactement.
    Afin de pouvoir véritablement parler d'examen indépendant, il faudrait que le cadre englobe la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, la CEPPM. On pourrait en effet affirmer que son mandat ne lui a pas permis de déterminer si les militaires canadiens ont sciemment commis des crimes de guerre en transférant des prisonniers aux autorités afghanes. Outre la question du caractère adéquat de son mandat, l'expérience de la CEPPM soulève la question de la mesure dans laquelle les organismes canadiens sont véritablement indépendants et disposent de ressources appropriées.
    Je soulève cette question en songeant à la Commission des plaintes sur la GRC, organisme qui a vu son mandat évoluer, surtout sous le gouvernement conservateur. La Commission dispose désormais d'un processus d'examen qui s'est ajouté à sa mission relative aux plaintes. Ce n'est pas le cas de la CEPPM. Peut-être devrait-elle être dans la même situation.
(1410)
    Le Livre vert passe en outre sous silence le rôle important qu'a joué la Commission d'enquête McDonald. Cette commission a donné lieu à la création du SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité, un organisme du renseignement n'ayant pas pour mandat de réduire la menace. Il convient ici de souligner que, même si les commissions sont relativement indépendantes, elles demeurent des instruments exécutifs dont le mandat est fixé par le gouvernement.
    Pourquoi est-ce important? Et bien, dans le cas de la Commission d'enquête Arar, par exemple, le juge O'Connor n'a pas été en mesure de déterminer si les divers organismes concernés devaient relever du Parlement. Personnellement, je crois que nous sommes passés à côté d'une véritable occasion. De plus, il faut noter que l'exécutif peut, à loisir, mettre un terme aux commissions d'enquête. L'exemple de l'enquête sur la Somalie, dans les années 1990, qui portait sur un autre problème de sécurité nationale, en est un bon exemple.
    Voyons maintenant ce qu'est ce Livre vert et pourquoi j'estime qu'il est inadéquat, puisque — et nous pourrons en convenir — il est le produit du ministère de la Sécurité publique et du ministère de la Justice. Il n'est donc pas surprenant de voir que les enjeux dont il traite ne font que traduire les intérêts particuliers des ministres concernés. On y met l'accent sur la menace terroriste, à l'exclusion quasi totale des autres menaces, sur la façon d'y réagir et sur le régime juridique nécessaire pour y faire face, étant entendu que les droits et les libertés des Canadiens doivent être protégés. Ce n'est pas une mauvaise chose. C'est ce qu'il convient de faire, mais cela ne suffit pas. Je dirai donc que ce cadre jette un éclairage limité sur la sécurité nationale et que, ce faisant, on risque de détourner l'attention de la population des autres menaces, surtout des menaces existentielles, comme les changements climatiques.
    On pourrait même affirmer qu'un Livre vert produit par le service du conseiller en matière de sécurité nationale, au sein du Bureau du Conseil privé, aurait été très différent. Il aurait porté sur des notions plus larges, il aurait embrassé un éventail élargi de ministères et d'organisations, comme Affaires mondiales, Transports Canada, Finances et le Conseil privé — surtout le Secrétariat de l'évaluation du renseignement — pour se pencher sur leurs activités et préciser les menaces et les intérêts nationaux auxquels s'intéressent ces organisations. Un tel cadre aurait pris en compte les répercussions de la politique de défense et de la politique étrangère et fait ressortir les aspects préoccupants en matière d'efficacité des organisations et de ressources disponibles.
    En outre, il aurait sans doute traité de l'importance de l'analyse et de la communication du renseignement, pas uniquement au Canada — comme le fait, je crois, ce Livre vert — mais aussi entre le Canada et d'autres pays. À l'examen de ce type d'organisation du renseignement de sécurité, on aurait conclu qu'un tel cadre aurait pu traiter des éléments suivants: diversité structurelle et fonctionnelle dans le cas des organismes concernés; recensement des divers centres de formulation de politiques et de coordination; analyse du renseignement au sein des différents organismes; élargissement de la Loi sur la sécurité nationale, loi devenue plus complexe surtout après le 11 septembre et sous l'effet des innovations technologiques, et augmentation du niveau de préoccupation de la population. Nous n'avons pas, selon moi, vu un tel niveau de préoccupation relativement à la sécurité nationale depuis la Commission McDonald.
    Enfin, on a assisté à l'apparition de toute une série de cadres d'examen, diversifiés et non coordonnés, un aspect auquel, selon moi, ce comité devrait s'intéresser tout particulièrement, mais j'y reviendrai plus tard. On pourrait y voir un intérêt accru pour l'élaboration des politiques, pour la coordination des divers organismes mentionnés dans le cadre et pour la façon dont les ressources sont recrutées, formées, perfectionnées et maintenues en poste.
    Permettez-moi de vous parler un peu de l'initiation à ces réalités parce que cela m'a pris plusieurs années et que j'y travaille depuis le début des années 1980.
(1415)
    Je vais vous en parler à partir de ma propre expérience, puisque j'ai travaillé de l'autre côté de cette table, pour un comité, dans les années 1990. Il s'agissait d'un comité spécial du Parlement chargé d'examiner la Loi sur le SCRS et la Loi sur les infractions en matière de sécurité. J'en étais alors le directeur de la recherche. Ce sont les points forts et les points faibles de ce processus qui, dans ma profession d'universitaire, m'ont amené à étudier certains aspects que je juge fondamentaux.
    Comment parvenir à se renseigner sur ce cadre, comme on l'appelle, mais qu'on pourrait baptiser autrement. Il y a évidemment lieu d'étudier en détail les commissions d'enquête et les recommandations qu'elles ont formulées. Je crois que nous n'en avons pas fait assez à cet égard. On dirait que, dès qu'une commission a terminé son travail, elle est à jamais oubliée.
    Deuxièmement, je juge très important de s'en remettre à des organismes d'examen indépendants. À un moment donné, le CSARS, par exemple, tenait des conférences auxquelles participaient des universitaires et des gens chargés du processus d'examen. De toute évidence, il sert de pouvoir plonger dans les entrailles des institutions. C'est le cas, par exemple, des entrepreneurs. Le fait de travailler pour le Parlement est une autre possibilité et je vous ai fait part de mon expérience à ce sujet. Personnellement, quand je suis arrivé au Parlement en 1989, j'avais une vision plutôt naïve du travail du Parlement — ou du moins des parlementaires siégeant aux comités —, parce que je pensais qu'ils connaissaient parfaitement la Loi sur le SCRS. Toutefois, surprise, surprise, je me suis rendu compte que tel n'était pas le cas. Dans l'espace d'une année, les députés de mon comité ont vécu une expérience d'apprentissage incroyable. Malheureusement, comme ce fut le cas pour beaucoup, la plupart des membres du Comité, à part deux, n'ont pas survécu à l'élection de 1993 et l'institution a perdu sa mémoire collective.
    On peut aussi penser à la connaissance qu'apporte le fait de travailler en collaboration avec des organismes non gouvernementaux, comme le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées. Celui-ci se spécialise dans l'étude comparée de la gouvernance et de la réforme du secteur de la sécurité et il se penche sur tout un éventail de pays.
    Le travail des journalistes d'enquête constitue, bien sûr, une autre source de renseignements. Nombre d'entre eux ont eu efficacement recours à la Loi sur l'accès à l'information. Cela étant, et j'en ai fait l'expérience personnelle, ce processus fait l'objet d'énormes délais. Peu importe ce que j'ai demandé par ce biais au cours des dernières années, j'ai automatiquement subi des délais additionnels de 120 jours. J'ajouterai que les choses ne vont pas mieux du côté du processus de traitement des plaintes. Quant à moi, il n'y a pas assez d'enquêteurs et, même quand il s'agit de dossiers exigeant une attention rapide, le processus prend trop de temps.
    Enfin, il y a le travail des universitaires. Un organisme appelé l'Association canadienne pour les études de renseignement et de sécurité tenait jadis des conférences de plusieurs jours qui attiraient un vaste auditoire de l'étranger. Il n'est maintenant plus que l'ombre de lui-même. Les membres sont en diminution et ils grisonnent, comme votre témoin.
    Je devrai maintenant parler de ce que je voulais vraiment traiter, soit la surveillance.
    Il vous reste une minute.
    Je crains qu'il ne m'en faille cinq parce que cela représente sans doute l'essentiel de mon exposé.
     Quand, dans une société démocratique, les gouvernements réclament des pouvoirs supplémentaires pour les organismes chargés de la sécurité nationale, deux choses doivent se produire. D'abord, le gouvernement doit prouver la validité de ses arguments. Deuxièmement, dans sa volonté d'accorder plus d'importance à la sécurité qu'aux droits et libertés de la personne, le gouvernement doit veiller à mettre en place un système de surveillance solide et efficace pour garantir la reddition de comptes. Le projet de loi C-51 a sans doute été le projet de loi le plus controversé de la dernière législature parce qu'il n'a satisfait à aucun de ces deux aspects.
    Voulez-vous que j'arrête maintenant?
(1420)
    Je pense que vous devriez vous arrêter là et je suis certain que, dans leurs questions, les membres du Comité vous amèneront à préciser votre pensée. Merci beaucoup pour cet exposé.

[Français]

     Je tiens à mentionner que nos réunions se déroulent dans les deux langues officielles. Les membres du Comité peuvent poser des questions en français ou en anglais.

[Traduction]

    Je dois préciser, à partir de vos remarques liminaires, que l'étude de notre comité porte effectivement sur le Livre vert émanant du ministre, mais que nous n'allons pas nous y limiter. Nous envisagerons de couvrir toute une diversité de sujets.
    Je vais maintenant inviter les membres du Comité à vous poser des questions, à commencer par M. Mendicino.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Farson, merci pour votre témoignage.
    Commençons par la fin de votre témoignage. J'ai l'impression que vous vouliez en dire davantage sur la question de la surveillance. Je retiens de vos conclusions que le gouvernement doit d'abord justifier son approche, qu'il doit fournir une explication quant à la nécessité de mettre en oeuvre un mécanisme de surveillance, mais aussi que celui-ci doit être solide et efficace.
     Comme vous l'avez constaté, le gouvernement a récemment déposé le projet de loi C-22 qui va être examiné par notre comité. Vous pourriez peut-être passer un peu de temps pour nous en dire davantage sur cette mesure législative.
    Vous avez raison, je voulais effectivement vous parler du projet de loi C-22.
    Celui-ci vise à établir un comité parlementaire. Récemment, un ancien directeur du SCRS a déclaré que nous devrions adopter ce projet de loi et envisager de le modifier plus tard. Je ne suis pas d'accord avec cela. J'estime qu'il faut régler les problèmes et mettre dans le mille tout de suite.
    Puis-je vous demander de nous dire comment nous pourrions mettre dans le mille et sur quels aspects il conviendrait que nous revenions?
    J'ai l'impression qu'une des déclarations du ministre est fondamentale dans ce débat, quand il a parlé du modèle britannique. Le projet de loi a été déposé en 2005 et, à l'époque, il reprenait le modèle britannique. Cependant, depuis lors, les Britanniques ont adopté une autre façon de fonctionner. En 2013, et c'est cela qui est essentiel, le travail s'est fait au niveau d'un comité parlementaire mis sur pied en vertu d'une loi.
    Il est important, quant à moi, et même très important, de prendre ces aspects en considération. Pourquoi? Tout simplement parce que, comme Dominic Grieve l'a déclaré publiquement, l'ancien système britannique ne suscitait pas la confiance, ce qui était problématique. Il n'instaurait pas la confiance entre la population et le comité. Plus important encore, il n'instaurait pas la confiance entre le comité sur le renseignement et la sécurité et les comités spéciaux du Parlement britannique dont les responsabilités se chevauchaient.
    C'est là ma principale réserve.
     Si je vous comprends bien, vous dites que le comité créé par le projet de loi C-22, qui n'est pas un comité relevant du Parlement, mais plutôt du premier ministre, devrait en fait relever de la Chambre. C'est ce que vous recommanderiez?
    Tout à fait. Pourquoi? Eh bien, parce que le Parlement remplit des fonctions qui lui sont caractéristiques et qu'aucun autre élément de notre système de gouvernement ne remplit; je veux parler du budget des dépenses, de l'autorisation de fonds publics pour le fonctionnement des organisations et de l'examen des lois ainsi que de l'adoption de nouvelles mesures législatives. Le Parlement pourrait-il s'acquitter de ces fonctions si elles étaient assumées par des comités parlementaires? Je crois que ce ne serait pas possible.
(1425)
    Vos préoccupations pourraient-elles être atténuées en partie par le fait que ce comité sera tenu de déposer à la Chambre au moins un rapport annuel dans lequel il pourra énoncer ses inquiétudes éventuelles relativement à sa fonction de surveillance?
    Je ne pense pas qu'un rapport par an suffise.
    Ce n'est qu'un minimum. Le ministre a dit à plus d'une reprise que si c'était nécessaire, le comité pourrait déposer plus de rapports.
    D'après le système actuellement en place, il y a lieu de s'arrêter au « moment » où les organismes de surveillance font rapport. Prenez des rapports du CSARS, par exemple. Ils sont déposés six mois après la fin de l'exercice précédent. Nous pourrions donc, dans ce rapport, trouver des choses qui se sont produites 17 ou 18 mois plus tôt. On peut donc s'attendre à ce que les préoccupations énoncées se soient retrouvées dans le domaine public et qu'elles aient été résolues.
    Cette notion du « moment » est donc déterminante.
    Parlons du second temps fort de vos observations, soit la connaissance que l'on peut acquérir de la sécurité nationale et je comprends, à ce sujet, que vous y ayez consacré une grande partie de votre vie. Vous avez dit que nous devrions étudier les recommandations des enquêtes antérieures.
    Avez-vous des recommandations particulières à faire à cet égard et sur quoi devrions-nous nous pencher?
    Dans l'enquête de la Commission Arar, il a été, je crois, question de la façon dont les organismes de surveillance communiquent entre eux. La Commission a aussi parlé de la nécessité de mettre sur pied d'autres organismes d'examen. Vous devriez notamment vous demander s'il n'y aurait pas lieu d'opter pour que ce que certains ont appelé un « super CSARS » ou pour une autre solution, soit des organismes s'occupant de ces institutions-là. Personnellement, je préfère la dernière formule. Il faut, je crois, se poser la question de l'efficacité du CSARS.
    Une chose a découlé du processus d'examen quinquennal — et c'est là une préoccupation que j'entretiens depuis longtemps —, je veux parler du fait que les processus de nomination et de compte rendu n'étaient pas conformes aux normes fondamentales. Ce n'était pas adéquat. Selon moi, il faut tirer les enseignements du passé, apprendre par comparaison des expériences.
    Voulez-vous formuler d'autres recommandations, très rapidement? Il vous reste 15 secondes.
    Oui, je suggère que le Parlement soit en mesure de recommander l'application de certaines actions, qu'il puisse, par exemple, demander au vérificateur général d'effectuer certains types d'examen.
    Le dernier examen relatif à la responsabilité des organismes du renseignement et de sécurité remonte à 1996. Il a été le résultat de discussions entre le comité spécial et le personnel du vérificateur général. Il a en fait fallu de 1990 à 1996 pour que cela se fasse. Tout cela a dû être négocié.
    Merci beaucoup.
    Nous poursuivrons avec M. Miller qui a sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Farson, merci beaucoup pour votre témoignage et votre exposé. À partir de ce que vous avez dit, il y a bien des aspects dont j'aimerais parler. Cependant, je risque de ne pas avoir suffisamment de temps pour le faire.
    Vous avez notamment dit que le Livre vert est inadéquat. Vous avez parlé de la menace terroriste, mais vous avez semblé sous-entendre qu'il s'agit en fait de la seule menace mentionnée dans ce document. Je ne suis pas certain d'être d'accord avec cela. J'ai peut-être mal compris ce que dit le Livre vert. Pourriez-vous nous en dire davantage?
    Ce n'est pas la seule chose, mais c'est un élément central. Ce n'est pas souvent que l'on réforme les organismes de sécurité nationale. Il faut, d'après ce que j'ai constaté, beaucoup de temps pour que les recommandations aboutissent. Je dis que vous devez examiner plus soigneusement et plus largement les divers enjeux de l'heure parce que vous n'aurez sans doute plus l'occasion de le faire avant plusieurs années.
(1430)
    Bien sûr.
    Je pense savoir où vous voulez en venir. On peut sans doute affirmer, monsieur Farson, et vous pourrez être d'accord ou pas avec moi, qu'en matière de menace à la sécurité publique, les Canadiens pensent d'abord et avant tout au terrorisme. Êtes-vous d'accord?
    Je crois que c'est le cas. Quel est le but visé par les terroristes? C'est de faire peur à la population et, en ce sens, Daech est parvenu à ses fins.
    Certainement.
    Passons à autre chose. Vous avez parlé de la protection des droits et des libertés, entre autres choses. Pourriez-vous nous préciser ce que vous entendiez par là?
    En quel sens?
    Vous avez dit que vous vouliez être certain qu'on protégerait les droits et les libertés. C'est du moins ce que je crois vous avoir entendu dire.
    J'essaie d'indiquer qu'une des fonctions du Parlement consiste à s'occuper des intérêts des Canadiens à cet égard. Il s'agit d'une responsabilité partagée avec de nombreux autres volets de notre système de gouvernement, mais une responsabilité qui relève principalement du Parlement.
    Fort bien. Il ne faut jamais rien supposer, mais cela ne revient-il pas à dire que vous parliez de la protection de la vie privée et du reste. Dans le monde d'aujourd'hui, le climat est différent, à cause du terrorisme et des autres menaces, par rapport à ce que nous connaissions il y a 10 ans. Faut-il s'attendre à ce que les Canadiens acceptent de faire quelques petits sacrifices sur le plan de la vie privée pour protéger leurs autres libertés? Qu'en pensez-vous?
    Je vais vous dire ce que j'en pense. Je fais partie de ceux qui le croient effectivement, à condition que le gouvernement prouve qu'il a besoin de pouvoirs supplémentaires et qu'il mette en place un système de surveillance solide et efficace. Je veux que le système du renseignement de sécurité soit efficace, ce qui s'entend d'une fonction de surveillance. Il y a des avantages — et c'est ce que j'allais défendre dans mon document — à exercer la surveillance, même d'organismes de sécurité nationale.
    Évidemment, et je suis d'accord avec vous au sujet de la surveillance.
     Vous avez dit que le projet de loi C-22 devrait être modifié. C'est un aspect que nous avons été quelques-uns à soulever. D'aucuns ont dit, comme vous l'avez répété ici, que le projet de loi C-22 a été bâti d'après le modèle britannique. Cependant, on a négligé le fait que le modèle britannique a été profondément modifié en 2013.
    Tout à fait.
    Je retiens de vos propos que vous êtes d'accord pour que nous ne réinventions pas la roue à cet égard. Nous devrions tirer des enseignements d'autres pays ayant connu des circonstances semblables. Est-ce exact?
    Tout à fait. Vous pouvez également apprendre de leurs techniques. Vous pourriez tout particulièrement vous inspirer des expériences américaines, ne serait-ce que pour ce qui est des techniques utilisées par le Congrès.
    Parfait.
     Vous êtes revenu sur le fait que le Comité devrait faire rapport au Parlement et pas au premier ministre. Quant à moi, tout cela dépend d'une question de freins et de contrepoids. D'après ce que vous avez dit, j'ai l'impression que vous seriez d'accord pour dire qu'un autre mécanisme régulateur consisterait à ne pas trop concentrer les pouvoirs à un seul niveau. S'agissant de rapport au Parlement, en fin de compte, quelqu'un doit rendre une décision définitive et, selon moi, ce quelqu'un est le premier ministre, mais le fait de lui faire rapport plutôt qu'au Parlement... À part les aspects négatifs que vous avez mentionnés, pensez-vous à autre chose qui ne conviendrait pas dans le cas de cette approche?
    Dans le fait de rendre compte au Parlement...?
    Non, dans le fait de ne pas rendre compte au Parlement.
(1435)
    Comme je l'ai dit, je ne crois pas que le Parlement puisse vraiment faire son travail en matière de budget des dépenses et d'adoption de nouveaux textes législatifs, parce qu'il est déterminant, pour les parlementaires, de pouvoir aller au fond des choses et de poser les bonnes questions.
    Pour en revenir au début, vous avez parlé du projet de loi C-51 et, peu après, vous avez mentionné ce qui, selon vous, manque au cadre actuel. Vous avez notamment parlé des forces armées et du transfert des prisonniers afghans. Pourriez-vous nous en dire davantage à cet égard?
    Le cadre porte sur de nombreux autres volets. La Défense nationale en est un, pas uniquement en ce qui concerne le Canada, mais aussi pour ce qui est de notre capacité d'analyse dans le domaine du renseignement et du Centre de la sécurité des télécommunications, qui relève du même ministre.
    Restons-en aux forces armées. Vous avez parlé de la situation en Afghanistan. Pouvez-vous penser à certaines choses qui, dans le passé, auraient pu ou auraient dû se produire si nous avions disposé d'un cadre approprié, militaire ou autre?
    Je vais vous répondre de façon un peu différente.
    Au cours de la dernière décennie, le secteur des renseignements a fait l'objet d'un examen sous l'angle de la défense. Je ne pense pas que beaucoup en ont entendu parler. À quelles recommandations cet examen a-t-il donné lieu? Qu'est-ce qui a changé? Il aurait peut-être pu être un peu plus efficace. Comme le gouvernement du Canada envisage maintenant de projeter nos forces en Afrique, dans quelle mesure cette évaluation dans le domaine de la défense va-t-elle nous préparer pour répondre aux préoccupations éventuelles des commandants sur le terrain?
    Je dois vous interrompre.

[Français]

     Nous allons maintenant poursuivre avec M. Dubé.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Monsieur Farson, merci beaucoup de vous être déplacé. J'aurai quelques questions à vous poser, mais je ne veux pas que nous nous perdions dans les détails du projet de loi C-22, parce que notre Comité, comme cela a été précisé, aura la possibilité d'étudier ce texte législatif. Puisqu'il en a déjà été question, j'aimerais revenir sur deux ou trois points. Il y a deux ou trois choses que nous avons soulevées sous la forme d'amendements et j'aimerais bien que vous nous fassiez part de vos réflexions sur ces aspects.
    Il y a, par exemple, l'élection du président du comité, ce que permet le modèle britannique, mais pas notre loi actuelle. Il y a aussi la question de la surveillance par opposition à la tenue d'un examen. Comme vous avez brièvement parlé de la question du SCRS dont les activités font l'objet d'un examen et pas d'une surveillance, j'aimerais vous entendre à ce sujet. Il s'agit là d'une distinction importante qui revient assez souvent sur la table. Il y a aussi la question du pouvoir discrétionnaire de l'exécutif par rapport à ce que le Comité veut étudier, ce qui est une autre préoccupation de taille. Commençons par ces trois points et dites-nous ce que vous en pensez.
    Si un comité va étudier cet aspect de la gouvernance, j'espère que tous les partis politiques s'entendront sur ce que sont nos intérêts nationaux et sur ce qu'il convient de mettre en place. Est-il nécessaire d'avoir un président? Ne pourriez-vous pas correctement fonctionner grâce à des coprésidents et moyennant un équilibre entre les partis de l'opposition? Vous pourriez peut-être envisager la chose de cette façon.
    Pour ce qui est de la différence entre examen et surveillance, on a toujours considéré que la surveillance consiste à exercer un examen après coup. Ce n'est pas ainsi que les choses doivent se passer. Si vous vous intéressez à un poste donné dans le budget des dépenses, par exemple, vous devez savoir à quoi servira la dépense envisagée pour que vous puissiez effectuer un examen qui vous renseignera sur ce qui se passera dans l'avenir. S'il s'agit, par exemple, de matériel militaire, vous devrez en connaître les coûts avant que celui-ci ne soit acheté et vous devrez déterminer s'il représente la meilleure option.
    Lors de la dernière législature, une innovation du Parlement a consisté à créer le poste de directeur parlementaire du budget. J'ai trouvé cette mesure chargée de promesses. Il y a des solutions qu'il convient d'appliquer a priori et d'autres après les faits.
(1440)
    Je comprends cela. Comme je le disais, je ne veux pas que nous en restions au projet de loi C-22. Nous aurions beaucoup plus à en dire, mais nous aurons l'occasion de le faire quand nous étudierons ce projet de loi.
     À propos du Livre vert et de l'examen qui s'impose au sujet du cadre de sécurité nationale, vous avez parlé de tout un éventail de ministères concernés. On peut, à ce sujet, songer à ce qui s'est produit ces deux dernières semaines au sujet de la communication de renseignements aux termes du projet de loi C-51 au service des affaires consulaires, par exemple, et au risque de recréer une situation semblable à celle qu'on a connue avec Maher Arar.
     J'en parle parce que vous avez mentionné les répercussions dans le domaine de la politique étrangère et je me demande si vous ne pourriez pas vous attarder un peu sur cet aspect et nous faire part de vos préoccupations relativement au projet de loi C-51. Plus précisément, ne craignez-vous pas que les dispositions juridiques actuelles, en vigueur au Canada, ne soient décalées par rapport à ce qui se fait à l'étranger en matière de communication des informations.
    L'une des raisons pour lesquelles, selon moi, vous devez élargir la portée de votre étude, c'est qu'il y a bien d'autres questions qui ne sont actuellement pas débattues sur la scène publique. Les activités de M. Poutine ces dernières années, par exemple, ont de quoi nous inquiéter. Était-il sérieux dans ce qu'il a fait et l'est-il quant à ce qu'il veut faire? Quelles sont ses intentions? Voilà le genre de problèmes à propos desquels nous devons savoir si notre milieu du renseignement est correctement outillé et habilité.
    Un autre problème, qui me ramène à la question de la connaissance du milieu, est la façon dont tout le domaine du renseignement et de la sécurité est présenté dans les médias. Généralement, on nous montre ce qui ne va pas et il y a une bonne raison à cela. C'est parce qu'on ne peut pas annoncer publiquement quels sont nos bons coups. Nous avons fait de bons coups et ils sont consignés, mais encore faut-il chercher fort pour les découvrir.
    Rapidement maintenant, parce que je commence à manquer de temps. J'apprécie votre réponse, mais je n'ai peut-être pas posé la bonne question. Je me demande, en ce qui concerne les Canadiens — parce que c'est tout de même une question importante, surtout quand on songe à l'exemple que j'ai donné, celui des services consulaires et ainsi de suite... Nos relations avec des entités étrangères sont importantes en matière de communication du renseignement et ainsi de suite, mais quand on songe à la porte qu'on a ouverte dans le cas de l'obtention de renseignements sous la torture et de choses de ce genre, force est de constater qu'en matière de protection des droits des Canadiens, quelque chose manque dans le Livre vert, quelque chose qui devrait être plus évident.
    C'est là quelque chose d'omniprésent au Canada et depuis longtemps. J'ai parlé de l'enquête réalisée par la CEPPM, il y a une décennie.
    Cela étant, vous avez également dit que bien de ces rapports d'enquête accumulent de la poussière sur les étagères et qu'ils ont été relayés aux annales de l'histoire.
    Pour en rester sur la question du Livre vert, il y a aussi le problème de la protection de la vie privée. Le commissaire à la protection de la vie privée a dénoncé le fait qu'on ne lui conférait pas un rôle suffisamment visible. Nous accordons toute notre attention aux questions de sécurité nationale, et elles sont importantes. C'est bien. Encore une fois, pour en revenir à la protection des Canadiens et à la protection de leurs droits, seriez-vous d'accord avec cela? Pourriez-vous nous en dire plus?
    Tout à fait et il faut tenir compte de nos droits en matière de respect de la vie privée. J'ai voulu lancer le débat pour que nous ne nous limitions pas au cadre actuel. Ceux qui me suivront vous parleront dans le détail de protection de la vie privée.
    S'agissant de l'efficacité du SCRS, voulez-vous parler d'autres choses ou vos propos se limitaient-ils uniquement à la période de l'attente de six mois après le dépôt d'un rapport, période qui se transforme en 18 mois à la fin, à cause du délai? Y a-t-il autre chose qu'il vaille la peine de mentionner?
    Regardez ce qui s'est fait en matière de surveillance au cours des 10 dernières années et vous constaterez qu'il y a des points positifs et des points négatifs. D'un côté, vous pourriez dire que le gouvernement conservateur a adopté un certain nombre de mesures importantes, à commencer par la Loi fédérale sur la responsabilité et tout ce qui en a découlé. Une des conséquences à tout cela, qui a fait l'objet d'analyses, a été la création des postes de vérificateurs au sein des ministères et les nouvelles formes de comités.
    Il y a aussi les changements qui ont été apportés au système de plaintes publiques concernant la GRC et en vertu desquels cet organisme doit examiner tous les aspects concernant l'action de police au pays. La dernière fois que je me suis entretenu avec les gens de la GRC, en mai dernier, ils m'ont dit qu'ils avaient l'intention d'examiner dans quelle mesure cet organisme avait appliqué les recommandations de la commission O'Connor.
(1445)
    Je crains de devoir vous interrompre.
    Nous allons poursuivre avec Mme Damoff, pour sept minutes. Je vous en prie, madame.
    Merci pour votre éclairage et pour les renseignements que vous nous avez communiqués jusqu'ici.
    Vous avez commencé par parler de l'ampleur du cadre de sécurité nationale. Comme le président l'a dit, nous n'allons pas nous limiter au Livre vert, et nous allons faire porter notre étude sur bien d'autres aspects. Vous avez également parlé de la difficulté d'obtenir rapidement les renseignements nécessaires.
    Auriez-vous une liste de recommandations abrégée sur la façon dont le Comité pourrait tenir compte des préoccupations que vous avez soulevées, relativement à l'ampleur de notre étude et à la vitesse avec laquelle nous pourrions être informés?
    Tout dépend du genre d'activités que vous allez entreprendre.
    On nous a confié un mandat très large.
    Effectivement, mais je parle des techniques.
    Très bien.
    Quand le comité spécial d'examen de la Loi sur le SCRS a été mis sur pied, nous avons d'abord décidé de la démarche que nous appliquerions. Je dois dire que le président de mon comité a joué un rôle déterminant sur ces deux aspects.
    D'abord, il venait de terminer deux examens tenus en vertu de la loi, et il était donc au fait des difficultés auxquelles le Parlement se heurtait pour obtenir des renseignements de la branche exécutive. Voilà pour un aspect.
    Deuxièmement, il s'est montré très jaloux des privilèges parlementaires. Je vais vous en donner un exemple. Tout au long de ce processus, nous nous sommes demandé comment les mandats étaient approuvés par la Cour fédérale. Quand j'ai suggéré au président d'inviter des juges de la Cour fédérale pour tirer cela au clair, il m'a dit: « Pas question. Ce n'est pas possible. Cela établirait un précédent. Que ferions-nous s'il répondait à notre invitation? »
    Tout dépend de la technique appliquée. En quoi les techniques que nous avons appliquées à l'époque étaient-elles différentes de celles que le Parlement applique aujourd'hui, du moins selon moi? Eh bien, notre personnel effectuait des entrevues en coulisses. Nous assurions un suivi auprès de chaque témoin, sous la forme de questions écrites, après l'avoir entendu.
    Je vais vous interrompre, parce que mon temps est limité. Pourriez-vous nous faire part de vos remarques par écrit à ce sujet?
    J'en serais heureux.
    Je sais que vous avez beaucoup écrit au sujet des enquêtes que nous avons tenues par le passé. Je vais vous lire une citation de la Cour suprême du Canada au sujet de l'affaire Air India:
Le risque que comporte la « guerre contre le terrorisme » n'est pas seulement le préjudice réel que les terroristes peuvent nous causer, mais encore ce que la consternation, la colère, l'opportunisme ou la dramatisation peut nous amener à faire à nos propres institutions juridiques et politiques.
    Pourriez-vous, en quelques minutes, nous éclairer un peu sur les constats que vous avez tirés au sujet d'enquêtes antérieures? Pourriez-vous nous remettre quelque chose par écrit, de pas très long, parce que votre temps est précieux, mais je demeure certaine que vous pourriez me faire profiter de vos lumières sur ce que vous avez appris à propos de ces enquêtes précédentes.
    Je pourrais peut-être vous dire tout de suite certaines choses au sujet de l'affaire Air India. L'enquête est intervenue 20 ans trop tard. Pourquoi trop tard et pourquoi y a-t-il eu obstruction au bon déroulement des choses à l'époque?
    Nous savons maintenant, de Ron Atkey qui était président du SCRS, que celui-ci était persuadé qu'il ne fallait pas mener d'enquête ou que ce comité ne devait pas s'en occuper. Le comité parlementaire pour lequel j'ai travaillé a aussi été découragé d'entreprendre cette enquête et l'on peut donc parler d'une possibilité d'obstruction.
    Les Américains, eux, dans la façon dont ils se penchent sur les attentats terroristes, sur celui de Pan Am d'il y a quelques années, effectuent des enquêtes même si, dans ce dernier cas, l'une de leurs politiques était en cause. Ce n'était pas vraiment une enquête criminelle. D'ailleurs, la commission d'enquête s'est tenue loin de l'aspect criminel. Elle a examiné les problèmes de politique et a formulé des recommandations quant au type de mesure de sécurité à adopter. Nous aurions dû faire cela bien avant.
(1450)
    Mais c'est ce que nous avons fait.
    Certes, nous l'avons fait, mais comme je le disais, 20 ans trop tard.
    Vous avez dit qu'on se préoccupe surtout de terrorisme, mais pas des autres menaces, comme les changements climatiques. Il y a certainement un lien entre les changements climatiques et le terrorisme.
    Tout à fait.
    Y a-t-il d'autres aspects susceptibles d'influencer cette question, outre les changements climatiques? Qu'est-ce qui manque dans cette liste?
    Il y a bien des menaces auxquelles s'intéresse le SCRS. L'article 2 de la loi qui régit cet organisme comporte quatre composantes. Il faut tenir compte de tous ces aspects et je crois qu'une des choses...
    Permettez-moi de vous parler un instant de la GRC. Songez aux activités de sécurité de la GRC et aux répercussions que celles-ci ont eues. Je mentionnerais deux choses au passage.
    En 2009, soit la dernière fois où j'ai assisté à une séance d'information donnée par la GRC, le commissaire Paulson était alors responsable de cette direction de la GRC. Il nous a clairement dit que ses ressources étaient mobilisées pour des enquêtes concernant la sécurité nationale. Voilà un problème. Que dire des enquêtes du CANAFE qui pourraient être réalisées? On insiste donc sur certains aspects et c'est ce que j'ai tenté de souligner en parlant de la nécessité d'élargir la portée de l'étude. Ce n'est pas sans conséquence quand on investit apparemment tout son argent sur le risque que présente le terrorisme. Récemment, vous avez constaté que la GRC a évolué, qu'elle ne lance plus de poursuites ou qu'elle n'a pas assez d'enquêteurs du côté criminel.
    Tout cela a des conséquences.
    Merci, madame Damoff.
    Passons à Mme Watts pour cinq minutes.
    J'apprécie votre présence et toutes les recherches ainsi que tout le travail effectué par l'Université Simon Fraser au fil des ans sur toutes ces questions, comme la cybersécurité et le reste. Je suis consciente de la masse de renseignements dont vous disposez.
    Parlons de deux ou trois choses. Vous avez dit deux choses. D'abord, que le gouvernement devait justifier tout pouvoir additionnel qu'il réclame et qu'il devait mettre en place des systèmes de surveillance.
    Je dirais que le monde a changé. Il y a eu les attentats à la bombe en France et on voit bien ce que Poutine est en train de faire. Évidemment, nous ne devons pas perdre de vue les activités de la Corée du Nord. La situation est très fluide. Les choses changent du jour au lendemain. J'entends bien ce que vous voulez dire à propos du temps qui s'écoule pour tenir une enquête — qui peut intervenir 20 ans après les faits —, mais il faut réagir d'une façon qui permette de faire face à la menace, et il ne s'agit là que d'une menace parmi tant d'autres, parce que nous n'avons même pas parlé de la question de la cybersécurité. De nos jours, il faut être souple dans la façon dont on réagit. C'est quelque chose de tout à fait nouveau. J'ai l'impression qu'il faudra du temps pour prouver cela au grand public et au Parlement, et à toutes les autres parties concernées. Vous n'êtes pas souple, vous n'êtes pas fluide et ne vous attaquez pas au problème dans des délais raisonnables.
    Que pensez-vous de cet aspect?
(1455)
    Je n'ai pas toutes les réponses et j'en suis désolé.
    Je pense qu'il faut un peu mieux subdiviser le travail qu'il se fait au Parlement.
    Malheureusement, nous évoluons dans un milieu politique qui est celui de la Chambre des communes. Il arrive que les gouvernements interviennent, et les gouvernements qui ont pu faire de bonnes choses, mais aussi des choses moins bonnes, puis... Le pouvoir bascule d'un bord à l'autre. À terme, cela ne donne pas lieu à un bon cadre de surveillance permettant de s'intéresser à toutes ces questions, parce que les choses changent tout le temps.
    Je comprends bien que vous n'ayez pas toutes les réponses. Je dirais qu'il faut commencer par mettre en place le système de surveillance. Pas question de retarder l'objectif s'il est possible d'adopter les mesures qui s'imposent de façon raisonnable. Pour en revenir à la période où le changement a été apporté, en 2013, nous pourrions instaurer un comité permanent du Parlement qui ferait rapport à la Chambre. C'est là quelque chose qu'il faudrait vraiment envisager. En revanche, pour faire en sorte que toutes les organisations bougent — et vous savez à quel point elles peuvent vouloir demeurer sur leur position — vous reconnaîtrez que c'est une tâche dantesque.
    Comment envisagez-vous les choses à cet égard? S'agissant de la question de la surveillance que l'on va étayer, comment, selon vous, tous ces organismes pourraient-ils se plier à ces nouvelles mesures?
    Vous avez des organismes — dont certains sont importants, surtout au sein du ministère de la Sécurité publique — qui doivent pouvoir communiquer leurs constats. Ils doivent pouvoir effectuer des enquêtes doubles si besoin est. Ils doivent pouvoir informer la structure parlementaire, quelle qu'elle soit, sur ce qu'ils font afin que le Parlement soit en mesure de déterminer ce que font les organismes de surveillance et dans quelle mesure ils sont compétents. Il faut également pouvoir, comme je l'ai indiqué, demander au vérificateur général d'effectuer certains types d'audits sur le rendement des opérations. Vous devez être en mesure de demander au directeur parlementaire du budget de remplir certains mandats. Vous devez pouvoir demander au commissaire à la protection de la vie privée et le commissaire à l'information de remplir certains mandats s'appliquant tout particulièrement au domaine de la sécurité nationale.
    J'ai peur que nous devions nous en tenir là. Cinq minutes, ça passe vite.
    Madame Damoff.
    Merci.
    Pour en revenir à la question de la surveillance, il a notamment été recommandé dans le rapport d'Air India de nommer un conseiller en matière de sécurité nationale. Que pensez-vous de cette recommandation?
    Vous devrez poser la question à Reg Whitaker, quand vous l'accueillerez, parce qu'il a travaillé de plus près sur cet aspect que moi; je n'étais que témoin expert auprès de la commission. Le conseiller à la sécurité nationale a été essentiellement remplacé par un organisme chargé de la politique de sécurité et de défense, si j'ai bien compris. Cet organisme a eu plusieurs noms. Le conseiller en matière de sécurité nationale aurait eu pour mandat, du moins à la façon dont j'ai compris la chose ou dont je l'aurais recommandée, de servir de passerelle entre la fonction d'évaluation du renseignement et le Cabinet du premier ministre, afin que celui-ci soit régulièrement renseigné sur...
    Celui-ci ou celle-là.
    ... afin que le premier ministre ou la première ministre soit régulièrement informé(e) sur ce qu'il ou elle doit savoir.
    Vous avez dit que les Canadiens n'ont jamais été aussi intéressés par les questions de sécurité que depuis la commission McDonald. Pourquoi?
    Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que l'intérêt pour les questions de liberté civile n'a jamais été aussi élevé.
(1500)
    Parfait. C'est précisément ce que j'allais vous demander. Pourquoi pensez-vous cela?
    Je ne pense pas qu'aucun des problèmes survenus dans les années 1990, par exemple, n'ait été particulièrement préoccupant. Ce n'est qu'après le 11 septembre 2001 qu'on a constaté une montée des inquiétudes. Ce n'est vraiment qu'après le 11 septembre que les innovations technologiques ont eu une incidence sur la vie privée.
    C'était cependant déjà préoccupant dans les années 1990. Vous avez dit que ces préoccupations remontent à cette époque, puis que nous avons...
    Non, je dis qu'à l'époque de la commission McDonald, entre les années 1970 et le début des années 1980, on se préoccupait de libertés civiles. J'ai posé la question à Micheal Vonn à ce sujet, pour savoir si mon interprétation était bonne. Voilà une autre question que vous devriez lui poser.
    Très bien. Merci.
    Avez-vous autre chose à dire sur la façon d'intégrer les Premières Nations dans ce cadre de sécurité?
    La question des Premières Nations surgit à l'occasion. Ce fut sans doute le cas à cause de l'action de divers éléments des Premières Nations au Québec, par exemple. Celles-ci sont préoccupées par tout ce qui pourrait empiéter sur leurs propriétés foncières, d'où leurs préoccupations au sujet de choses comme les oléoducs et autres, autant de domaines où ils ont eu l'impression de perdre du terrain, sans parler des questions environnementales en général. Leurs inquiétudes sont réelles et il y a lieu d'en tenir compte.
    Merci.
    Je crois que nous allons nous arrêter ici pour accueillir un second groupe de témoins.
    Merci beaucoup, professeur. Merci de vous être mis au service du public comme vous l'avez fait jusqu'ici et comme vous continuerez de le faire.
    Nous allons prendre quelques minutes de pause avant d'accueillir nos prochains témoins. Arrêtons-nous donc pour deux minutes.
(1500)

(1505)
    Merci.
    Nous poursuivons donc par notre second groupe de témoins, qui sont deux cette fois-ci. Nous allons commencer par Micheal Vonn, de la B.C. Civil Liberties Association, après quoi nous passerons à M. Whitaker, professeur à l'Université de Victoria et à l'Université York.
    Madame Vonn.
    La BCCLA appelle officiellement à l'abrogation complète du projet de loi C-51. Nous avons des observations à faire valoir sur presque tous les aspects du cadre de la sécurité nationale, observations que je serais très heureuse de partager avec vous, mais je voudrais consacrer les quelques minutes qui me sont accordées pour contribuer à vos délibérations avec un sujet quelque peu négligé par les médias malgré son importance. Il s'agit de la nouvelle Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada.
    L'élargissement sans précédent des pouvoirs de surveillance dans cette loi, ainsi que les nouveaux pouvoirs controversés d'interruption de la menace qui sont conférés au SCRS, ont polarisé l'opposition de milliers de citoyens qui sont descendus dans les rues pour protester contre le dépôt du projet de loi C-51. Dans mon analyse, je m’attacherai surtout à montrer comment a évolué notre perception de la problématique relative à la collecte de données personnelles dans le domaine du renseignement de sécurité.
    Si le temps le permet, ou peut-être en réponse aux questions, je serais très heureuse de développer les ramifications de cette loi et ses entrecroisements avec les questions de profilage. Cependant, pour commencer, il est essentiel, à notre avis, de bien situer cette mesure dans le contexte des récentes révélations sur la collecte illégale de données au sein des Cinq Yeux.
    Vous aurez sans doute lu, dans les gros titres d'aujourd'hui, qu'au Royaume-Uni, les agences de sécurité britanniques ont secrètement et illégalement collecté des masses de données personnelles en violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et ce, depuis des années. Cela vient du tribunal d'enquête.
    Les bases de données illégales contiennent des volumes massifs de données personnelles, qui pourraient inclure des dossiers médicaux et fiscaux, des informations biographiques, commerciales et financières, ainsi que des communications et des informations sur les déplacements de particuliers. Le tribunal confirme que, pendant plus de 10 ans, les services de sécurité britanniques ont illégalement dissimulé l'étendue de leurs capacités de surveillance et le fait que des personnes innocentes partout au pays avaient été espionnées. Nous avons là l’écho inquiétant de ce que nous avons appris ici au Canada il y a quelques semaines à peine au sujet de nos propres bases de renseignements.
    Certes, contrairement au Royaume-Uni, cela n'a pas fait les manchettes. Dans leur couverture du récent rapport annuel du CSAR, les médias ont braqué les projecteurs sur l'examen des nouveaux pouvoirs d'interruption de la menace, ce qui n'est pas une surprise. Tandis que le rapport du tout premier examen du CSARS sur les programmes de collecte de données du SCRS, y compris les données de masse, est passé presque inaperçu. Ce rapport était extrêmement accablant et rappelle l'affaire du Royaume-Uni.
    Le CSARS informe que le SCRS lui-même classe ses propres données, en deux grandes catégories. Il range dans la première les données dites « référentielles », qui, au motif qu'elles sont accessibles au public, ne sont pas collectées en vertu de l'article 12 de la Loi sur le SCRS et ne doivent donc répondre à aucune norme de collecte. Le CSARS ne se prononce pas sur l'interprétation juridique qui sous-tend ce principe de collecte qui n'en est pas une.
    Quant aux données du deuxième type, dites « non référentielles », le SCRS considère qu’elles sont collectées en vertu de la Loi sur le SCRS et qu'elles doivent, par conséquent, être strictement nécessaires. Sur le ton calme et mesuré qui le caractérise, le CSARS présente sur ce sujet un rapport extrêmement alarmant. En fin de compte, il conteste que toutes les données accessibles au public le sont effectivement et il lance manifestement un signal d'alarme à cet égard. Encore plus troublant, cependant, en ce qui concerne les données qui relèvent clairement de l'exigence de stricte nécessité, « le CSARS n'a trouvé aucune preuve indiquant que le SCRS avait dument tenu compte du seuil imposé par la Loi sur le SCRS. »
(1510)
    Il n'a trouvé aucune preuve qu’il a bien été tenu compte des exigences de la loi applicables à la collecte de données privées des Canadiens. Il est tout simplement impossible d'interpréter cela autrement que comme le mépris de la nécessité de se conformer aux lois en vigueur dans ce domaine. Il s'agit d'une affaire tellement grave que le CSARS a appelé à l'arrêt immédiat de la collecte de données jusqu'à ce qu'il y ait un système légal. Voilà la situation actuelle, nous avons une organisation qui ignore les exigences juridiques de la Loi sur le SCRS, à quoi s’ajoute ce qui ressemble à une foire d’empoigne concernant les pouvoirs conférés par la loi sur le partage de l'information.
    Vous vous souviendrez que la Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada s'applique à la sécurité nationale, définie si sommairement que la définition constitue une première en droit canadien. La définition est si large qu'il n'y a rien ou presque dont on ne puisse prétendre que cela relève de sa compétence. Elle déborde largement le cadre de la sécurité publique pour envahir le domaine de la vie publique ordinaire et englobe tout, de l'administration de la justice au bien-être économique ou financier du pays.
    En vertu de cette loi, le partage de l'information relative à un particulier n’est pas soumis à la preuve de l’existence d’une suspicion le concernant, et bien sûr, rien ne s’oppose à ce que des bases de données entières de renseignements personnels soient divulguées si cela était pertinent aux yeux d'une institution pour détecter, identifier, analyser, prévenir, investiguer ou interrompre une activité qui porte atteinte à la sécurité du Canada — activité définie de nouveau de manière tellement générale dans la loi que d'énormes pans de la vie publique sont concernés. Il est difficile d'imaginer une base de données tenue par un organisme fédéral à laquelle on ne pourrait accéder pour de tels motifs. Un mécanisme pour prévenir la menace évidente de la divulgation inappropriée de données, pourrait consister à interdire, en vertu de la Loi sur le SCRS, au SCRS de collecter, de conserver, ou d'utiliser ces vastes catégories de renseignements personnels des Canadiens qui ne relèveraient pas des critères juridiques que le SCRS est tenu d’appliquer à ses bases de données. Cependant, on vient de nous dire, en termes clairs, qu’il n’est tenu aucun compte de ces critères. Et qui sait depuis combien de temps cette situation perdure? Comme je l'ai dit, ceci est le tout premier examen du CSARS de ces bases de données.
    Nous ne devons, en outre, ne pas perdre de vue le fait que la nécessité d'adopter la loi n'a pas été fermement établie dans un premier temps. Dans leurs réactions récentes au Livre vert du gouvernement, les professeurs Roach et Forcese citent une note d'information du SCRS de 2014 faisant état de certaines préoccupations quant au manque de clarté dans la communication d'informations à des fins de sécurité nationale. Dans cette note, les auteurs ne réclament pas la révision en profondeur de la politique de communication des informations, afin de régler le problème de manque de clarté, et ils indiquent plutôt que des améliorations seront possibles, moyennant une orientation et un cadre approprié, pour encourager la communication d'informations à des fins de sécurité nationale, à partir des pouvoirs législatifs existants.
     Or, plutôt que de déboucher sur une démarche prudente et mesurée, le gouvernement a adopté un corpus juridique monumental qui n'a fait que compliquer le problème d'absence de clarté et paver la voie à une augmentation massive du volume de données illégales conservées par les services du renseignement de sécurité. Les citoyens ordinaires ont donc de bonnes raisons de craindre que leurs données personnelles ne soient divulguées, cela à cause de la portée très générale de la loi qui, de l'avis du commissaire à la vie privée du Canada, est sans précédent. Par ailleurs, les avantages de cette démarche sur le plan de la sécurité sont, pour le mieux, entièrement spéculatifs outre qu'ils risquent nettement plus de saper l'efficacité plutôt que de l'améliorer. Cette loi met donc complètement à côté de la plaque par rapport à ce qui aurait été nécessaire sur le plan de la sécurité nationale, comme Roach et Forcese le font remarquer quand ils disent que la loi permet au gouvernement de justifier à peu près n'importe quoi tout en rejetant la recommandation de la commission Air India selon laquelle le SCRS doit transmettre ses données de renseignement sur les infractions terroristes, si ce n'est aux corps policiers, du moins à une personne responsable de la bonne utilisation de ces renseignements.
(1515)
    Cette démarche était mal avisée quand elle a été adoptée et elle l'est aujourd'hui encore, d'autant plus que nous sommes au courant de la situation choquante concernant la détention de données. Cette loi devrait être abrogée et remplacée par une disposition prudente et mesurée qui avait été réclamée dans un premier temps, afin que la communication de données en matière de sécurité nationale puisse se faire dans la limite des mesures de protection appropriées et véritables, mesures qui devront être appliquées en toute légalité aux données personnelles des Canadiens. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Nous poursuivrons avec M. Whitaker.
    J’applaudis aussi l’initiative consistant à encourager une plus large participation du public dans le débat sur la sécurité nationale par le moyen notamment des auditions de ce comité. C’est tout un changement par rapport à la façon dont le projet de loi C-51 a été adoptée lors de la dernière législature. La prise de décision en régime démocratique ne se conçoit pas sans une bonne information du public tout comme le Parlement se doit de jouer un rôle actif comme le préconise le projet de loi C-22.
    Il arrive toutefois que le processus de consultation du public parte un peu dans toutes les directions, alors que les principales agences du gouvernement suivent de leur côté un programme bien défini qu’elles s’évertuent à faire passer auprès du gouvernement en place, quelle que soit sa couleur politique. Le Livre vert et le projet de loi C-22 témoignent de la constance de ces efforts de manière assez évidente, me semble-t-il. Ces organismes constituent le point d’ancrage principal qui tend à tout ramener à eux tandis que les contre pressions venant de l’extérieur sont beaucoup plus faibles.
    Je ne dis pas que ce comportement de type bureaucratique soit intrinsèquement néfaste. Je pars du principe que les bureaucrates s’efforcent de faire le travail qui leur est confié au mieux de leurs capacités et, pour ce qui est des pouvoirs qui leur sont octroyés et des protections dont ils jouissent en ce qui concernent les privilèges et le secret de leurs opérations, il est clairement dans l’intérêt du public de restreindre la capacité de ces agences d’agir sans avoir de comptes à rendre au public et au Parlement, et de restreindre leurs prérogatives à ce qui est conforme avec la primauté du droit.
    Les projets de réformes suscitent les préoccupations légitimes des agences. On a avancé des idées qui me semblaient peu réalistes en matière d’imputabilité et de supervision, du genre de celle réclamant un contrôle en temps réel des opérations en cours, qui serait exercé par un comité parlementaire ou de quelque autre manière, qui serait à la fois impraticable et indésirable. Toutefois on ne peut pas tolérer que leur soient octroyés des pouvoirs extraordinaires et déraisonnables, même si les agences ne semblent pas avoir l’intention de s’en servir actuellement préférant les garder pour la bonne cause, me semble-t-il, au cas où, pas plus qu’on ne peut tolérer de restreindre outre mesure les contrôles externes à seule fin de simplifier quelque peu la vie aux bureaucrates.
    Par souci de brièveté, je m’en tiendrai dans mes remarques à un article du projet de loi C-51, qui me semble être ce qu’il y a de pire dans un projet de loi déjà très mauvais, globalement mal conçu, mal rédigé, et aux effets potentiellement pernicieux. Je fais allusion aux pouvoirs octroyés au SCRS pour réduire la menace ainsi qu’aux mandats spéciaux que le SCRS peut demander sous couvert d’une autorisation judiciaire pour enfreindre la loi et violer les droits reconnus par la Charte. J’essaierai au passage d’aborder également la question des renseignements secrets et des preuves publiques qui est étroitement liée à la précédente.
    Qu’y a-t-il de critiquable dans ces pouvoirs de réduction de la menace accordés au SCRS? Eh bien, selon moi, tout, littéralement. En ma qualité de coauteur d’une histoire des services de renseignements depuis leurs origines à la fin du XIXe siècle jusqu’à l’époque actuelle d’après les attentats du 11 septembre, de la GRC jusqu’à son incarnation présente en tant que SCRS, je dirais carrément que ces dispositions de réduction de la menace dans le projet de loi C-51 mettent en péril les libertés civiles et la primauté du droit, sans aucun doute, et menacent également de saper les mesures d’application de la sécurité et de lutte contre le terrorisme.
    Le SCRS est une agence de renseignement et de sécurité habilitée à collecter des renseignements sur les menaces à la sécurité et à conseiller le gouvernement. La GRC, naturellement, est l’agence chargée de faire appliquer la loi sur les questions de sécurité nationale. La GRC s’est vue retirer les services de sécurité en 1984, après la commission Macdonald, pour de bonnes raisons: les activités illégales dans les années 1970, en particulier au Québec contre les séparatistes québécois, mais également contre différentes organisations de gauche dans le reste du pays.
    Entorses à la loi sans obligation de rendre des comptes, absence de ligne claire entre des groupes politiques violents et groupes politiques légitimes, la question de l’exercice du contrôle par les gouvernements élus, et ainsi de suite, tout cela a amené la commission Macdonald à réagir et c’est de là qu’est né le SCRS, en dehors de la GRC, dépourvu de pouvoirs de répression et pourvu d’un mandat précisant clairement ce qu’il est autorisé à faire et ce qu’il n’est pas autorisé à faire, tout cela découle de la commission Macdonald et nous constatons que cela est menacé par le risque d’un retour à cette époque, marquée par les scandales.
(1520)
    Je passerai rapidement sur les aspects positifs pour tenter de me centrer sur chacun des problèmes qui se posent.
    Premièrement, les mandats spéciaux autorisent le juge à autoriser à enfreindre la loi et violer les dispositions de la charte, l’exception seulement du meurtre, de la torture et du viol. Il ne s’agit pas de mandat de surveillance, qui sont en fait des attestations judiciaires que ces actes sont conformes à la loi et aux dispositions de la Charte. Au lieu de cela, ils demandent au juge de rendre possibles les infractions à la loi et les actes inconstitutionnels. C’est une révision radicale du rôle du système judiciaire qui cesse d’être protecteur de la loi et de la constitution pour devenir un facilitateur d’infractions. Il s’agit d’une attaque violente contre la primauté du droit et l’indépendance du système judiciaire, dont on fait la servante de l’exécutif. Je ne doute pas que la plupart des juges, sinon tous, soient épouvantés à cette perspective.
    Le deuxième point c’est que la demande est entièrement secrète, sans qu’aucun suivi ne soit mis en place de la part du juge qui accorde le mandat afin de déterminer s’il a été rempli comme promis, ou quels sont les résultats. Il n’y a aucune espèce de comptes à rendre, pas de rapport sur les mandats délivrés ou rejetés, rien.
    La décision de demander un mandat — et c’est un point important — est laissée à la discrétion du SCRS. S’il décide qu’une activité d’interruption ne nécessite pas de mandat, il semblerait qu’il n’y ait aucune procédure permettant de vérifier si la décision est justifiée. Cela est inacceptable.
    Ces mesures pour réduire la menace peuvent aller jusqu’à la détention, si vous lisez cela attentivement — non pas l’arrestation, mais la détention — et couvrent des opérations extraordinaires de transfèrement à l’étranger. Bien sûr, dans ce dernier cas, on voit qu’il existe le risque que quelqu’un qui pourrait être un Canadien soit renvoyé dans un pays où la torture est pratique courante.
    Toutes les questions que j’ai abordées se rapportent à la primauté du droit et aux droits des citoyens, etc. Cependant il importe de se rendre compte que les efforts du SCRS pour réduire la menace pourraient nuire à la lutte contre le terrorisme au lieu de la faciliter. On risque de la sorte de voir réapparaître des guerres de protection du territoire avec la GRC, du genre de celle tragiquement mise en évidence par la commission d’enquête sur la tragédie d’Air India. Le risque se crée que le SCRS, agissant comme organisation chargée de la sécurité de renseignements soucieuse de protéger ses sources, fasse obstacle aux efforts visant à obtenir des condamnations devant les tribunaux, et le risque très concret se présente que ces activités brouillent les pistes de preuve.
    Cela nous amène au conflit sur les preuves issues des renseignements, que la commission Air India a abordé, à l’occasion duquel le gouvernement n'a suivi aucune des recommandations de la commission en vue de régler ce problème. Je ne peux pas m’attarder là-dessus, et le sujet mérite d’être traité par des avocats, mais je ferai observer toutefois que les activités de perturbation ou de réduction de la menace peuvent sans aucun doute être utiles. Je ne suis pas en train de dire qu’il ne faudrait jamais les utiliser. Elles peuvent être très utiles en matière de lutte antiterroriste, dans la mesure où elles sont menées dans l’objectif, toujours présent à l’esprit, de faire condamner les criminels et de mettre les dangereux terroristes derrière les barreaux.
    La GRC le fait déjà, dans le cadre de ses enquêtes criminelles et sur la sécurité nationale, comme vous pouvez le voir, par exemple, avec l’affaire des 18 de Toronto. Le SCRS mène aussi des activités de perturbation, dans le cadre du droit d’avant le projet de loi C-51, et c’est bien. Cela ne me pose pas de problème, tant que cela n’empiète pas sur le processus de droit criminel, mais tend plutôt à le soutenir.
    Une considération générale que je voudrais avancer, c’est qu’à la différence de l’époque de la guerre froide, celle du terrorisme se caractérise par le fait que la menace terroriste pèse sur les civils, les gens ordinaires, et que la priorité doit dès lors être accordée à la répression des infractions et aux condamnations criminelles. Le SCRS a son rôle à jouer, mais l’idée que ce rôle serait de dresser au fil des ans la carte de ces réseaux comme le faisait le vieux KGB pendant la guerre froide, doit être subordonnée au respect de la loi. Les pouvoirs accordés pour réduire la menace et les mandats spéciaux sapent cet édifice.
(1525)
    La dernière chose que j’ajouterai, c’est que le SCRS déclare n’avoir pas demandé ces mandats spéciaux et que l’on peut supposer dès lors que rien de ce qu’il a fait n’exigeait ce genre de pouvoirs spéciaux, tels que le pouvoir de détention préventive et d’interrogatoire prévus par la loi de 2001 contre le terrorisme, pouvoirs qui étaient si controversés qu’ils étaient assortis de limitation dans le temps. Ils ont en fait expiré à un certain moment, puis l’ancien gouvernement les a remis en vigueur, mais, en fin de compte, ils n’ont jamais été utilisés.
    Sommes-nous en train d’assister à une répétition du même genre de phénomène?
    Dans les deux cas, s’ils n’ont jamais été utilisés, pourquoi exactement en a-t-on besoin? Dans le cas des pouvoirs pour réduire la menace, peut-être que le SCRS se les est vu imposer par le gouvernement. Auquel cas, nous devrions réellement nous en débarrasser. Peut-être n’est-ce qu’un exemple de plus de cette pression permanente qui pousse les gouvernements à maintenir des pouvoirs dont ils pourraient avoir besoin « au cas où ». Mais c’est là un très mauvais argument pour maintenir en vigueur une loi qui risque d’être détournée de ses fins par des personnes moins responsables à l’avenir.
(1530)
    Je vous demanderai de bien vouloir conclure dans une vingtaine de secondes.
    Pour ma part, je préférerais de loin que soit entièrement biffé l’article du projet de loi C-51 traitant des pouvoirs de réduire la menace.
    Merci.
    Je rappelle aux témoins que vous êtes cordialement invités à nous communiquer vos soumissions par écrit. Il en sera tenu compte dans nos délibérations.
    Monsieur Mendicino.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les deux pour votre témoignage de cet après-midi.
    Monsieur Whitaker, vous avez parlé de l’affaire des 18 de Toronto. J’ai eu le privilège d’intervenir en tant que procureur dans cette affaire, je suis donc informé de première main des défis que doit relever la couronne dans une affaire qui, à l’époque, était, je crois, le premier procès antiterroriste au Canada après les attentats du 11 septembre, en tout cas, l’un des premiers.
    Je voudrais revenir sur une chose que vous avez dite, à savoir que vous reconnaissez que la réduction de la menace peut être utile pour autant que ces mesures aboutissent à des condamnations pénales. Pourriez-vous nous expliquer un peu pourquoi vous estimez que le SCRS, à une époque où les menaces sont différentes de ce qu’elles étaient à l’époque de la commission Macdonald, n’a pas au fil du temps acquis les compétences et peut-être la capacité de réduire les menaces de manière à prendre en compte l’équilibre qui est au coeur de la discussion d’aujourd’hui, à savoir, la nécessité de protéger les Canadiens tout en protégeant leurs droits et libertés individuels.
    La question est des plus complexes et je ne suis pas avocat. Je sais que, par exemple, il y a ce système de double tribunal en ce qui concerne la preuve et les renseignements. Un tribunal entend la cause et un autre tribunal est appelé à décider s’il faut interdire ou non la révélation de certains éléments de preuve dans ladite affaire. Cela n’a peut-être pas fonctionné aussi bien que cela aurait dû.
    Permettez-moi de vous interrompre ici parce que cela a plus à voir avec la direction que peut prendre la procédure lorsqu’est invoquée une question de privilège relative à la sécurité nationale. Je comprends que cela puisse entraîner des retards, comme cela a été effectivement le cas.
    Mais je voulais vous demander de nous expliquer un peu pourquoi vous pensez que le SCRS, n’a pas, au fil du temps, dans son travail de collecte de l’information qui est utile au Parlement pour comprendre quelles sont les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale, réussi à se doter des compétences nécessaires pour réduire la menace par des interventions n’exigeant pas la mise en branle de tout l’appareil conventionnel concernant les enquêtes et les poursuites au criminel.
    Je ne dis pas qu’il ne l’a pas fait et je ne suis pas informé des détails des différentes affaires qui se sont présentées. Ce qui me préoccupe, ce n’est pas que le SCRS dans son travail de recherche des sources et de pénétration des différents groupes terroristes, saisisse de temps à autre l’occasion de perturber ces activités, ce qui est dans l’intérêt du public pour autant que cela ne donne pas lieu à des infractions ou des violations des droits reconnus par la Charte.
    Cela ne pose pas de problème, sauf qu’il ne faut jamais perdre de vue que l’objectif dans les affaires terroristes c’est d’obtenir la condamnation des criminels et que de véritables problèmes peuvent surgir en marge de ces activités de renseignement et de perturbation que mène le SCRS, qui risquent de nuire à la réalisation de cet objectif.
(1535)
    Merci. Je souhaite donner à Mme Vonn l’occasion de répondre.
    Comme je l’ai signalé, nous avons une situation suite aux recommandations de la commission Air India demandant que le SCRS soit tenu de divulguer l’information à sa disposition. Le projet de loi C-51 ignorant cette recommandation, lui confère des pouvoirs très étendus en matière de collecte de données, et le dote d’une capacité distincte lui conférant des pouvoirs de réduire la menace sortant du cadre du droit ordinaire sans lui imposer la moindre obligation, si ce n’est celle, vaguement définie, de coopérer avec la GRC.
    Puis-je vous interrompre ici un instant? Admettez-vous que ces nouvelles dispositions n’ont pas été prises sans quelque fondement factuel? Depuis l’époque de la commission Macdonald, on constate une évolution dans les menaces à la sécurité nationale, évolution qui a, en partie, amené à réexaminer le mandat approprié pour le SCRS lui permettant de prendre des mesures dans le cadre de la loi existante, mais en essayant également de trouver le juste équilibre entre la protection et la sauvegarde des libertés individuelles?
    Pourquoi y a-t-il des autonomistes? Pourquoi agissent-ils en dehors du droit ordinaire au lieu de les mettre au travail en coopération avec la GRC et éventuellement de leur conférer ces pouvoirs? La question, si l’on parle d’efficacité, est de savoir comment concilier ces différents aspects. Il a été décidé au contraire d’en faire des entités distinctes, ce qui a exacerbé les querelles de compétences dont parlait M. Whitaker. Cette décision reste pour moi un mystère.
    Depuis l’élaboration et l’adoption du projet de loi C-51, des accords et des protocoles d'entente ont été conclus entre le SCRS et la GRC — deux mandats, une vision 2.0 — en vue de promouvoir la coopération, et les experts nous ont dit que cette coopération est robuste et saine. Certains de vos collègues dans la profession de même que dans le monde universitaire, nous ont dit, tout comme M. Whitaker, qu’ils conviennent que les mesures de réduction de la menace sont nécessaires dans le cadre actuel de la sécurité nationale.
    Je ne suis pas en mesure de dire qu’elles ne le sont pas. Pourquoi agissons-nous dans le royaume du secret ici alors que l’on pourrait travailler avec la police dans le cadre du droit ordinaire au lieu de créer ce processus extraordinaire et, pour autant que je sache, sans précédent dans le monde, d’attribution de mandats permettant de mener des activités illégales? Cela n’est tout simplement pas le modèle en vigueur en Grande-Bretagne, selon ce que je comprends, bien que l’on cite la Grande-Bretagne comme le modèle que nous émulons.
    Monsieur le président, je dispose de combien de temps?
    Vous avez une demi-minute. Je serais un peu plus strict lors de ce tour de parole que lors du précédent.
    Merci, monsieur le président, j’apprécie votre indulgence.
    Avez-vous des commentaires à faire concernant les dispositions relatives au mandat en particulier? Comment pourrait-on renforcer ou améliorer ces dispositions?
     La façon dont ces dispositions sont censées fonctionner sur le plan juridique reste pour moi un mystère. Le gouvernement dit que cela fonctionnera comme dans le cadre de l’article 1 de la Charte lorsque le SCRS se présente dans le cadre d’une demande ex parte et fait valoir les motifs justifiant que soient violés les droits d’une personne et transgressée la loi. Il n’y a personne pour lui donner la réplique ou soumettre l’activité en question à un quelconque examen. Ce n’est pas une analyse au titre de l’article 1.
    Merci.
    Monsieur Miller.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Vonn et monsieur Whitaker, de votre présence.
    Le dédain et le dégoût que vous inspire le projet de loi C-51 sont assez évidents, mais je retiens votre commentaire qu’aucune législation n’est parfaite ni tout à fait mauvaise non plus. Même le projet de loi C-22 a été mis en cause par un témoin précédent, qui en a fait la critique. C’est très bien.
    Ce que je n’arrive toujours pas à comprendre, c’est ce qui a amené bon nombre de soi-disant experts en droit répressif à affirmer que si certaines parties du projet de loi C-51 avaient été en place avant le 22 octobre, il y a deux ans, le soldat Vincent et le caporal Cirillo seraient peut-être encore en vie. Certains d’entre eux ont également dit que le pseudo terroriste de Strathroy, d’il y a quelques mois seulement, n’aurait pas été appréhendé et arrêté.
    Je vous vois, monsieur Whitaker, hausser les épaules comme si cela n’avait pas d’importance. Si ce n’est pas le cas, passons, mais il me faut savoir ce qui dans votre monde, à tous les deux, justifie que les pouvoirs de répression aient le droit d’empiéter sur les droits individuels et quand et où, si l’individu a l’intention claire et délibérée de commettre des actes terroristes au Canada ou ailleurs.
(1540)
    Permettez-moi d'ajouter mon grain de sel. Vous signalez un problème. Il y a un problème, clairement, dans le cas des engagements à ne pas troubler l’ordre public. Cela me semble clair, surtout à la lumière de la récente affaire en Ontario — qui était franchement, un peu ridicule — d’une personne qui avait pris un tel engagement et l’avait enfreint, etc., puis qui a été appréhendée juste à temps pour l’empêcher de commettre de graves dégâts.
    Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas quantité de problèmes à examiner. De fait, il se peut que certains droits individuels soient… et ce n’est sûrement pas ce que je veux laisser entendre.
    De nouveau, pour faire un pas en arrière, j’ai soulevé la question des arrestations préventives ou de la détention préventive et des pouvoirs d’interrogatoire qui avaient été autorisés en 2001, puis avaient expiré pendant une certaine période, puis ont été remis en vigueur. Ces changements se succèdent depuis 2000, pourtant ces pouvoirs n’ont jamais été utilisés.
    Monsieur Whitaker, est-ce la faute des législateurs s’ils n’ont pas été utilisés?
    Non.
    D’accord. Quelle en est la raison principale?
     Personnellement, cela ne me pose pas de problème. La BCCLA peut ne pas être d’accord, mais je ne vois pas de problème à ce que le projet de loi C-51 qui en fait a renforcé ces pouvoirs, les ait prolongés dans le temps et ait assoupli les exigences requises pour leur application. Cela ne me pose pas de problème particulier parce que les exigences relatives à l’habeas corpus et à la représentation légale restent en place à toutes les étapes, etc., pour les individus. Mais le fait qu’ils n’aient jamais été utilisés me laisse perplexe.
    D’accord, cela me va.
    Je vais manquer de temps, donc je prierai Mme Vonn de faire maintenant ses commentaires.
    Je vous remercie de m’en donner l’occasion.
    Si, comme vous l’avez bien senti, notre association considère avec dédain le projet de loi C-51, je ne voudrais pas que l’on en infère que nous ressentons du dédain à l’égard de la sécurité nationale. Nous la prenons au contraire tout à fait au sérieux.
    J’en suis convaincu, madame Vonn. Il n’y avait aucun sous-entendu.
     La question est de savoir quel est exactement le problème et quels sont les instruments permettant de s’y attaquer. J’avais espéré, en me concentrant entièrement sur la loi sur le partage de l’information, pouvoir montrer que le SCRS avait mis le doigt sur le problème, avait trouvé la bonne façon de l’aborder et que le projet de loi C-51 n’est rien de tout cela. De nouveau, pour être tout à fait spécifique — et on se doit d’être spécifique en la matière — il faut préciser quelle est l’information qui ne peut être partagée ou acquise de manière légitime, et quels sont les moyens d’y parvenir, plutôt que de voter une loi qui autorise tout bonnement à importer en gros des bases de données sur des informations personnelles qui ne sont d’aucun avantage du point de vue de la sécurité nationale. C’est cette distinction que j’ai en vue.
    Je suis d’accord avec vous là-dessus. Je trouve tout à fait inadmissible que les organismes chargés de faire appliquer la loi ou toutes autres organisations se dispensent de suivre la loi ou y contreviennent de quelque manière que ce soit.
    Cela dit, de nombreux Canadiens m’ont dit et nombreux, je crois, sont ceux qui le pensent aujourd’hui dans le monde différent où nous vivons depuis le 11 septembre, et les cinq ou dix dernières années ont encore accéléré ce processus, si je peux m’exprimer ainsi, je pense qu’en général les gens aujourd’hui… Par exemple, je suis très jaloux de ma vie privée. Je ne tiens pas à ce que l’on empiète sur mes droits personnels ou ma vie privée d’aucune façon que ce soit. Toutefois, dans ce monde différent où nous vivons, si je ne fais rien de mal, je n’ai pas de soucis à me faire.
    C’est pourquoi je pose la question de savoir dans quelles conditions ou situations les organes de répression devraient avoir le pouvoir d’intervenir et de faire ce qu’ils ont fait pour arrêter M. Driver à Strathroy et autres terroristes en puissance, que ce pouvoir empiète sur les droits des individus ou non.
(1545)
    Pour rebondir sur votre idée, que si vous ne faites rien de mal, vous n’avez pas de souci à vous faire, en fait, dans le contexte de la sécurité nationale, cela est absolument faux. Si le Royaume-Uni et le Canada tiennent tant à se procurer ces bases de données de masse, c’est pour s’en servir à des fins d’analyse de données et de profilage. Le profilage, c’est exactement le genre de scénario dans lequel vous vous retrouvez pris dans une trame de sécurité nationale alors que vous n’avez rien fait de mal. Il se trouve juste que vous avez le bon profil.
    Il nous faut savoir exactement ce qu’il advient de ces bases de données. Nous n’avons pas eu le moyen de le savoir ni par conséquent de peser sur les cas où l’on empiète sur la sécurité des individus au nom de la sécurité nationale. Nous avons désappris toutes les leçons de Arar et Iacobucci et de toutes les autres enquêtes qui ont examiné la question.
    Je m'arrête ici.
    Et je donne la parole à M. Dubé.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Je voudrais poursuivre sur le sujet des données parce que le commissaire à la protection de la vie privée, lors de notre première réunion sur le sujet à Ottawa, avait parlé des métadonnées et de l’idée que les données ne sont pas… Nombreux sont ceux qui perçoivent ça comme les écoutes téléphoniques à la Nixon, mais c’est en fait beaucoup plus large que cela. Cela renvoie à la question du profilage dont vous venez de parler et de tout ce que l’on peut glaner en recueillant des métadonnées et, cela dit avec tout le respect, l’ignorance du public de tout ce que cela comporte et des données qui sont collectées. Pourriez-vous nous donner vos commentaires là-dessus et nous expliquer comment cela cadre avec ce dont vous parlez dans votre présentation?
    Merci pour votre question.
    Il y a de cela quelques années, quatre ou cinq ans peut-être, à l’occasion de la conférence sur les politiques de surveillance, j’ai entendu des experts en matière de services de police en Europe dire que la police européenne leur disait que les écoutes téléphoniques n’étaient d’aucun intérêt pour elle à ce moment-là. C’est peut-être la raison pour laquelle on a vu baisser le nombre des demandes d’écoutes téléphoniques au Canada, simplement parce que les métadonnées leur offraient une moisson beaucoup plus abondante.
    Le grand intérêt des métadonnées, en matière de sécurité nationale, c’est qu’elles permettent d’établir des cartes de réseau. Ce sont les réseaux le plus souvent qui nous intéressent en termes de renseignement de sécurité. C’est là le bon côté des renseignements en matière de sécurité.
    Les mauvaises nouvelles concernent ce qui se passe après lorsqu’il en sort des profils qui font, par exemple, que vous vous retrouvez sur une liste qui vous interdit entièrement ou partiellement l’accès à certaines activités, sur la base d’informations que vous n’avez aucun moyen de contester. L’idée que nous avons accès aux flux de données, aux résidus de données, aux données sur nos données, qui révèlent toutes sortes d’aspects intimes de notre vie dont on n’a même pas idée, est très présente à l’esprit du bureau du commissaire à la protection de la vie privée.
    Pensez-vous que les problèmes potentiels tiennent en partie au fait que les définitions qui ont été retenues dans le projet de loi C-51 étaient si larges?
    Pour ce qui est des activités qui menacent la sécurité du Canada, la définition est très large, cela pourrait concerner les manifestations des Premières Nations contre un pipeline ou même l’idée de promouvoir les activités terroristes, qui, de nouveau, ouvrent trop largement la porte à toutes sortes d’interprétations. Estimez-vous que ces deux choses soient intrinsèquement liées, parce que non seulement on fait ces profils, mais on les établit, qui plus est, sur la base de définitions très larges?
    Tout à fait, nous le faisons en partant de définitions qui n’ont jamais été aussi larges, ce qui nous autorise à capter des données qui n’ont que très peu de choses à voir avec le terrorisme.
    Permettez-moi de souligner quelque chose. Rien ne prouve que le genre de profilage que l’on s’efforce de faire dans le domaine de la sécurité nationale soit efficace. Ça ne marche pas.
    Si vous voulez bien m’accorder 30 secondes, je vous expliquerai pourquoi ça ne marche pas. Quand on passe au peigne fin une population à la recherche de fragments infiniment petits, on obtient un nombre démesuré de faux positifs ou faux négatifs. Empiler donnée sur donnée, n’ajoute pas à la qualité du calcul. Ce serait comme entreprendre un dépistage du cancer du sein dès la naissance. Vous obtiendriez simplement des résultats dépourvus de signification.
    Voilà en quoi consiste le dépistage des activités terroristes dans un pays comme le Canada. L’ordre de grandeur du phénomène ne permet pas un tamisage efficace. Nous le savons, parce que toutes les études qui ont été faites ont produit le même résultat. Ça ne marche pas et pourtant on continue de compiler ces informations dans l’espoir que d’une quelconque manière toute cette mathématique nous apportera un certain degré de sécurité. Tout ce que ça fait, c’est accroître les chances que vous vous retrouviez pris dans un réseau qui mettra en péril votre propre sécurité.
    Merci pour cela.
    Monsieur Whitaker, vous avez parlé de l’idée que l’on nuit, en fait, d’une certaine façon, aux efforts déployés dans la lutte antiterroriste. On trouve dans l’éditorial du Globe and Mail de ce matin, sous la plume de MM. Roach et Forcese, la même idée que cette définition large de l’apologie du terrorisme et sa criminalisation peut en réalité contrecarrer les efforts de déradicalisation. On parle beaucoup de chercher à émuler ce qui se fait à Montréal, avec le centre qui est en place là-bas. En qualité de néo-démocrates, nous avons milité pour l’abrogation, mais il nous faut proposer des solutions de rechange et aboutir à une solution, et nous avons parlé de cela.
    Seriez-vous d’accord pour dire qu’en criminalisation une activité…? Si le gouvernement est tellement soucieux de promouvoir ce centre d’excellence pour la déradicalisation… si tous ceux avec qui vous allez travailler là-bas finissent en prison, vous n’allez pas pouvoir réhabiliter qui que ce soit ou empêcher que quoi que ce soit tourne mal à l’avenir. Je paraphrase et s’ils étaient ici, ils souhaiteraient sans doute corriger ceci ou cela, mais est-ce que vous seriez plus ou moins d’accord avec cette idée?
(1550)
    Je serais d’accord. Je n’ai pas vu d’informations précises à ce sujet.
    À vrai dire, je crois qu’en général on se préoccupe du fait que les stratégies de déradicalisation… Franchement, je ne prétends nullement être expert en la matière, mais j’ai examiné tout cela. Je ne suis pas certain que quiconque ait une réellement bonne réponse concernant ce qu’il convient de faire. Criminaliser toute une série d’opinions n’est sans doute pas la façon de gagner la confiance de groupes particuliers dont vous voulez gagner la confiance. Il existe, sans doute, un danger réel que cela débouche sur un clivage du genre eux-et-nous au lieu d’ouvrir la voie à une collaboration entre les pouvoirs de répression et des services de renseignements avec les membres responsables de cette collectivité contre les moins responsables.
    Nous devons faire attention à cela.
    J’aimerais avoir vos commentaires à tous les deux sur ma dernière intervention concernant l’importance du problème de l’échange d’informations avec des entités étrangères. Je trouve que l’on n’en a pas suffisamment parlé et que ces derniers temps, il y a des histoires qui sont sorties, des problèmes qui perdurent en ce qui concerne les directives ministérielles sur l’information obtenue sous la torture, etc. Est-ce que nous devrions nous focaliser davantage là-dessus, et pas seulement sur ce que nous faisons ici au Canada, mais également en ce qui concerne les Canadiens à l’étranger?
    Tout à fait. Une analyse récente montre que le SCRS se fie beaucoup aux assurances qu’il reçoit lorsqu’il s’agit des calculs concernant le partage responsable d’information, sans analyser à fond les probabilités que les assurances données soient honorées. Je trouve cela fort préoccupant.
    J’ai été conseiller au sein de la commission Arar, auprès du juge O’Connor, et on a eu un exemple saisissant de ce qui peut foirer complètement pour un citoyen canadien innocent lorsqu’on fait n’importe quoi en matière de partage des données sans appliquer les contrôles voulus. Je pense que l’on a toujours tendance à résister aux contraintes imposées en matière de partage de l’information. On voit dans toutes les situations que l’on s’efforce d’un côté de déterminer les liens et de recouper les informations, etc., mais comme on l'a vu le 11 septembre, il n’y a pas de communication entre le FBI et la CIA, etc., et que les pistes ne sont pas suivies jusqu’au bout et ainsi de suite.
    Le partage d’information est un outil important de la lutte antiterroriste. Mais il ne faut jamais quitter des yeux le partage d’information qui se fait sans contrôle approprié et sans que soit clairement défini ce qui est réellement sensible en termes de collecte des données et ce qui dans cette collecte de données rendra effectivement service dans la lutte antiterroriste.
    Merci.
    Madame Damoff.
    Merci à tous les deux pour vos présentations.
    Madame Vonn, vous avez dit qu’une approche attentive et mesurée s’impose dans le cadre de l’examen en cours. Notre témoin précédent nous a dit qu’un examen approfondi du cadre de la sécurité nationale a de quoi impressionner en raison de l’étendue du problème et de la nécessité de collecter toutes les informations nécessaires.
    Je voulais savoir, vous partagez tous deux ce point de vue?
(1555)
    Il est certain que la tâche est impressionnante. Je comprends parfaitement qu’il s’agit d’un domaine complexe qui est devenu plus complexe encore en raison du projet de loi C-51 qui a complètement redessiné le panorama de la sécurité nationale.
     Mais l’examen ne se limite pas au projet de loi C-51...
    Mme Micheal Vonn: Oui.
    Mme Pam Damoff: … et va au-delà de ce que contenait le livre vert qui a été publié.
    Professeur Whitaker, que pensez-vous de la chose?
    C’est une vaste question.
    C’est une vaste question.
    Oui, c’est une vaste question.
     Il faut essayer de voir le tableau d’ensemble. Pour ce qui est du projet de loi C-51, je tiens à souligner de nouveau que mes objections — je pense les objections de nombreux de ses détracteurs — ne concernent pas simplement les libertés civiles, la protection de la vie privée et toutes ces choses qui sont des questions parfaitement valables, mais le fait que cela peut nuire à la lutte antiterroriste. C’est un aspect important.
    On a sans aucun doute besoin d’une approche plus holistique de ces problèmes. L’une des faiblesses du livre vert, c’est qu’il perpétue un petit peu cette tendance à la compartimentation. C’est justement ce que la commission Arar a tenté de dépasser en disant que la coopération entre les agences et par-dessus les frontières et dans la guerre contre le terrorisme est un aspect de plus en plus important de la lutte antiterroriste et que par conséquent la responsabilité doit être également assurée par-delà les frontières. Elle a également signalé que continuer d’axer la responsabilité sur les silos alors que les opérations réelles se déploient à un niveau d’intégration beaucoup plus élevé était réellement une très mauvaise idée. Je pense que votre comité devrait réellement insister sur la nécessité d’une approche plus holistique de cette problématique.
    L’une des choses que j’ai constatées lorsque nous avons des témoins, c’est que, lorsque vous comparaissez, nous n’avons pas la possibilité d’effleurer seulement certains des problèmes qui sont dans le cadre de sécurité. L’un d’entre eux est celui de la cybersécurité ou pour reprendre les termes du livre vert, « Les capacités d’enquête dans un monde numérique ».
    Quel que soit le nom qu’on lui donne, pour ce qui est de faire circuler les données, qu’il s’agisse de métadonnées, terme que je n’aime pas parce que je ne pense pas que les Canadiens le comprennent réellement… Dans le courant de mon travail au sein du comité sur le statut des femmes, j’ai entendu parler du besoin de partager avec la police l’information de base des abonnés parce qu'afin de pouvoir enquêter sur les crimes ils ont besoin de l’information de base sur les abonnés, qu’ils ne peuvent pas obtenir maintenant. Je me demande ce que vous pensez du partage de ces informations.
    C’est tout à fait regrettable, je pense, que l’on discute d’une question ordinaire de droit criminel dans le contexte de la sécurité nationale, parce que cela ne fait que rendre plus complexe encore nos discussions sur le livre vert dans son ensemble.
    J’ai été déçue de voir que la question sur l’information de base des abonnés refaisait surface. L’arrêt Spencer de la Cour suprême du Canada a dit ce que nous devions savoir là-dessus. Il importe que nous comprenions bien qu’il s’agit d’informations que nous pouvons légitimement considérer comme relevant de notre vie privée et cela fait 10 ans que l’on nous rabâche cette idée que la police ne peut pas se la procurer lorsqu'elle en a besoin.
    Les défenseurs de la vie privée ont demandé des preuves de l’existence d’un problème substantiel et ne les ont jamais reçues — ce qui montre qu’on ne peut pas les obtenir par les voies appropriées. On nous le dit toujours, mais de nouveau lorsqu’on demande quel est le problème particulier, à quoi il ressemblait, ne comprenaient-ils pas qu’il y avait des circonstances qui l’exigeaient et comment se fait-il que cela se soit produit…
    C’est la question que nous devrions leur poser.
    Il faudrait effectivement leur demander des preuves, et pas d’ordre anecdotique. S’il faut résoudre un problème, il faut que le processus soit fondé sur des preuves.
    On nous l’a dit ici, et je l’ai entendu ailleurs. C’est pourquoi j’ai soulevé la question.
    Lorsqu’on parle du commissaire à la protection de la vie privée et de son pouvoir de mener des examens, je me demande si vous avez des propositions à faire pour permettre d’intégrer les questions relatives à la vie privée dans le cadre d’ensemble, et ce à bref délai.
(1600)
    Désolée, cette question du QCM me prend au dépourvu.
    Mme Pam Damoff: Soit.
    Mme Micheal Vonn: Je serais très heureuse de pouvoir y réfléchir. Le problème avec le projet de loi C-51, tient à ce que les deux lois courent chacune après la queue de l’autre. Le commissaire à la protection de la vie privée dit que ce qui se passe dans la loi sur le partage d’information relève de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais la loi sur le partage des informations précise que, si vous avez l’autorité légale de traiter cette information, vous êtes exemptés de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
    Le gouvernement et le bureau du commissaire à la protection de la vie privée ne sont pas d’accord à l’heure actuelle sur les modalités d’application de ces deux lois. C’est l’une des complexités inhérentes à l’examen de la question et c’est pourquoi je pense qu’il nous faut repenser la façon de faire cadrer les deux. Il n’y a même pas de consensus au niveau du gouvernement à l’heure actuelle sur la façon dont cela marche.
    Avez-vous des commentaires à faire là-dessus, monsieur Whitaker?
    Non.
    D’accord.
    Dans la Loi sur le SCRS, pensez-vous qu’il soit nécessaire de modifier le paragraphe 12.1(3) de sorte que les mandats du SCRS ne puissent jamais empiéter sur les droits protégés par la Charte ou auriez-vous un libellé de rechange à proposer?
    Nous ne pouvons pas faire de recommandations sur la façon dont les mandats du SCRS devraient fonctionner puisqu’ils sont en flagrante violation du droit, et qu’ils demandent au juge d’approuver la violation de la loi. Sans doute des avocats spécialisés pourraient améliorer la situation, s’il y avait quelqu’un pour prendre la défense des droits, quelqu’un pour s’opposer à l’idée que l’histoire que nous raconte le SCRS est la seule. Vous pouvez sans aucun doute l’améliorer. Est-ce que cela le rendrait constitutionnel? Je ne m’avancerai pas sur ce point, à ce stade.
    Nous avons atteint la fin de notre réunion, mais je me demande, madame Watts, si vous avez une question que vous souhaiteriez poser.
    Une seule?
    Notre heure a sonné, mais je vous donnerai deux minutes.
    D’accord.
    Merci d’être venus. Je poserai une question. Il y avait un mandat, avec le passage du temps, en ce qui concerne l’extension de l’information, de la collecte des renseignements et le partage avec nos alliés dans le cadre de la lutte contre Daech en Syrie et en Irak. C’est un mandat qui a été donné. C’est le ministre qui nous en a parlé. En raison de cette extension des activités de renseignement et de collecte d’informations, je pense que dans l’idée de la plupart des gens, il est crucial que l’on procède à la collecte de renseignements, qu’on les partage avec nos alliés, que l’on travaille avec les autres agences au niveau mondial.
    Si l’on envisage d’étendre cela, j’aimerais entendre votre avis là-dessus.
    Il est absolument certain que les citoyens s’attendent à ce que l’information nécessaire soit partagée aux fins de la sécurité nationale, mais aucun des citoyens que j’ai rencontrés ne s’attend à ce que le gouvernement constitue de gros dossiers, pour l’essentiel concernant des citoyens respectueux du droit, pour honorer cette transaction. C’est dans cette direction, comme le montrent le rapport du SCRC et le rapport du Royaume-Uni, que s’oriente le Groupe des cinq. L’examen des données détenues par le SCRC montre clairement que ces bases de données de masse sont utilisées à cette fin. De nouveau, il faut que l’on nous explique, exactement, ce qui est nécessaire et il nous faut éliminer ce qui ne l’est pas.
    Tout à fait, et je comprends ce que vous dites. La collecte de renseignements est une affaire fructueuse dans le monde entier. Il y a des entrepreneurs privés qui rassemblent toute cette information et qui la vendent aux gens. On trouve tout sur le marché. C’est dans ce contexte-là que nous devons agir.
    Je pense que cela se résume au point suivant. Qui détermine ce qui est nécessaire? Vous, moi? Je crois qu’il faut réfléchir à la façon dont nous devons protéger notre pays et au travail que nous faisons à l’étranger également, avec un regard critique.
    À quoi j’ajouterai simplement que c’est une question de preuve, une fois de plus, et les éléments de preuve ne militent pas en faveur de l’approche suivie.
(1605)
    Monsieur Whitaker, nous vous donnons le dernier mot.
    Je suis entièrement d’accord. J’ai également participé à la commission Air India. Ce que nous avons pu constater en l’occurrence, c’est qu’on n’avait pas d’éléments de preuve sur lesquels on puisse se fonder concernant ce vol particulier quand on a cherché à recréer la situation dans laquelle ils se trouvaient.
    Je pense qu’il est important d’établir une distinction entre leur enseignement général, la collecte de données en général, etc., et des éléments de preuve opératoires qui peuvent être réellement utilisés dans le monde réel. Je pense qu’en la matière — c’est peut-être un problème sur lequel vous devriez vous pencher — une coordination plus étroite est nécessaire au niveau du gouvernement. De nouveau, à l’opposé de l’effet silo que l’on voit se reproduire, il faut qu’il y ait une personne ou un poste au sommet de la pyramide chargée de coordonner tous ces renseignements et de passer au crible ce qui peut constituer un élément de preuve par opposition à ce qui est simplement intéressant mais sans présenter d’intérêt immédiat.
    Merci beaucoup.
    Notre réunion se terminera ici.
    J'invite toutes celles et tous ceux qui désirent participer aux déclarations spontanées à revenir ici à 17 h 30.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU