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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 063 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 mai 2017

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Français]

     Conformément au paragraphe 108(3) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles à Air Canada.
    Ce matin, il nous fait plaisir de recevoir Mme Sara Wiebe, sous-ministre adjointe par intérim au Groupe des politiques, et M. Daniel Blasioli, avocat-conseil aux Services juridiques de Transports Canada.

[Traduction]

    Nous sommes très heureux de vous accueillir. Comme d'habitude, nous allons vous écouter pendant environ 10 minutes.

[Français]

    Après cela, nous passerons aux questions et aux commentaires des membres du Comité.
    Mme Wiebe est celle qui fait la présentation, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Vous avez la parole.
    Merci de la présentation, monsieur le président.

[Français]

    Le principal mandat de Transports Canada est de faire reconnaître mondialement le système de transports du Canada comme étant sûr, sécuritaire, efficace et respectueux de l'environnement. À cette fin, Transports Canada s'engage à proposer et à mettre en place des lois, des règlements, des normes et des politiques. Ces efforts visent à contribuer à une économie canadienne forte et concurrentielle. À cet égard, j'aimerais mettre l'accent sur le mandat de Transports Canada en ce qui a trait au secteur aérien et à ses responsabilités concernant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, ou LPPCAC.
    Dans le cadre de ma comparution devant vous aujourd'hui, je voulais vous donner quelques renseignements supplémentaires concernant le contexte dans lequel nous réalisons notre analyse des politiques pour le secteur aérien du Canada.

[Traduction]

    Je pense que nous pouvons tous convenir qu'une économie canadienne forte est étroitement liée à un secteur des transports qui fonctionne bien. Les transports offrent une mobilité aux gens et facilitent la livraison des biens au pays comme à l'étranger.
    Au Canada, le secteur du transport aérien met l'accent sur le transport à haute vitesse des passagers et des biens de grande valeur et d'utilité sur de longues distances. Au Canada, environ 770 transporteurs aériens exploitent des services aériens nationaux et internationaux, ainsi que 245 exploitants privés.
    Dans les années 1990, le Canada a mis en oeuvre une politique de l'utilisateur-payeur qui est orientée par les forces du marché en ce qui a trait à l'utilisation et au développement des services aériens et des infrastructures. Le gouvernement considérait ce système comme la meilleure façon de permettre aux compagnies aériennes et aux aéroports de s'adapter, d'innover, de rester concurrentiels et de servir le public de la façon la plus efficace et la plus rentable possible.
    Par conséquent, les lignes aériennes, les aéroports et le fournisseur de services de navigation du Canada, NavCanada, fonctionnent selon des principes commerciaux et doivent recouvrer les coûts de fonctionnement et les investissements en capitaux auprès des utilisateurs par l'intermédiaire de différents droits et frais afin de demeurer économiquement viables.
(1105)

[Français]

    Le contexte opérationnel dans lequel les lignes aériennes exécutent leurs activités entraîne des coûts considérables associés à la sûreté et à la sécurité dans les airs et au sol. La démocratisation de l'industrie aérienne a rendu notre système d'aviation plus complexe en raison du nombre croissant de passagers transportés et du nombre d'avions circulant dans nos cieux.
    De façon générale, les lignes aériennes ont vu leur rendement diminuer — revenu par passager-kilomètre — en raison de la concurrence soutenue et de la pression des consommateurs pour des tarifs aériens toujours plus bas. Par conséquent, la tendance actuelle dans le secteur aérien est à la recherche par les lignes aériennes de nouvelles sources de revenus provenant des passagers afin de demeurer économiquement viables. Conformément au rapport annuel de 2016 de l'Association du transport aérien international, ou IATA, l'évolution générale des marges de profit pour les lignes aériennes se situe entre des déficits opérationnels chroniques et des marges de profit limitées, soit entre 1 et 8 % pour les meilleures années.

[Traduction]

    Air Canada est le plus grand transporteur aérien et le plus important fournisseur de services passagers réguliers en provenance et à destination du Canada. Avec Jazz et d'autres transporteurs régionaux, qui font des vols en son nom, Air Canada assure environ 1 579 vols réguliers par jour vers 193 destinations directes sur cinq continents, transportant ainsi environ 41 millions de passagers par année. Air Canada emploie plus de 30 000 employés dans I'ensemble du pays, et son siège social est situé à Montréal.
    Air Canada est une ancienne société d'État — originalement fondée en 1936 sous le nom des Lignes aériennes Trans-Canada puis renommée Air Canada en 1965. Air Canada a été privatisée en 1988 conformément à la LPPCAC. À l'époque, le gouvernement a choisi d'imposer certaines obligations à Air Canada, par exemple le maintien de l'emplacement de son siège social et de l'endroit où l'entretien des aéronefs est effectué ainsi que certaines dispositions concernant ses lois et ses clauses de prorogation, pour n'en nommer que quelques-unes. Le ministre des Transports est responsable de l'application de la LPPCAC.
    L'article 10 de la LPPCAC stipule qu'Air Canada est assujettie à la Loi sur les langues officielles, la LLO, et que le transporteur est donc considéré comme une institution fédérale conformément à la LLO. Air Canada est le seul transporteur aérien assujetti à des obligations en vertu de la LLO. La compagnie est assujettie à la LLO depuis 1969, y compris la partie IV couvrant les communications avec le public et la prestation de services, la partie V couvrant la langue de travail, la partie VI couvrant la participation des Canadiens d'expression française et d'expression anglaise, et la partie VII couvrant la promotion du français et de l'anglais.
    Les autres transporteurs aériens canadiens d'importance, tels que WestJet, Air Transat, Porter et Sunwing, ne sont pas assujettis aux mêmes obligations qu'Air Canada en vertu de la LPPCAC et de la LLO. Tous les transporteurs aériens canadiens doivent cependant fournir des instructions de sécurité à leurs passagers en anglais et en français en vertu du Règlement de l'aviation canadien, conformément à la Loi sur l'aéronautique, dont le ministre des Transports est également responsable.
    Il convient de noter qu'Air Canada ne reçoit aucun financement direct ou indirect du gouvernement fédéral pour ses programmes de formation linguistique, les évaluations linguistiques de ses employés ou ses activités de communication. Le transporteur affecte tout de même des ressources importantes — financières et humaines — au développement et au maintien de ses programmes linguistiques et de ses outils internes pour respecter ses obligations en vertu de la LLO.
    Comme les représentants d'Air Canada l'ont expliqué lors de récentes délibérations de votre comité, les difficultés auxquelles le transporteur est confronté par rapport à ses obligations linguistiques sont liées à la quantité de candidats bilingues au moment du recrutement et à la répartition du personnel bilingue dans un environnement opérationnel en constante évolution.

[Français]

     Air Canada vous a présenté en mars dernier plusieurs mesures qu'elle a mises en oeuvre, en plus de décrire les partenariats qu'elle a établis dans l'ensemble des collectivités au pays en ce qui a trait à ses obligations linguistiques. Malgré les difficultés auxquelles est confrontée Air Canada en ce qui concerne les communications et les services en français, nous pouvons convenir qu'Air Canada a fait des efforts concrets quant à son engagement en matière de langues officielles.
(1110)

[Traduction]

    Je voulais également souligner le travail qui est fait pour appuyer l'engagement du ministre à l’égard de l’amélioration de l'expérience du voyageur à titre d'élément de sa stratégie Transports 2030. Transports Canada et le ministre ont mené pendant 18 mois de vastes consultations dans le cadre du processus d'examen de la Loi sur les transports au Canada. Ainsi, plus de 300 intervenants canadiens des transports et du commerce ont été entendus, dont les provinces et les territoires, sur la façon de procéder pour que le système de transports national continue de soutenir la compétitivité du Canada sur la scène internationale, le commerce et notre prospérité.
    De nombreux Canadiens dans des collectivités, grandes et petites, de l'ensemble du pays ont fait part de leurs préoccupations au sujet de notre système de transports. Ils se sont dits déçus de l'expérience vécue lors de leurs déplacements en avion. Or, le ministre s'est engagé à améliorer cette expérience.

[Français]

    À l'appui de cet engagement, le ministre a récemment déposé le projet de loi C-49, la Loi sur la modernisation des transports, qui est la première étape des efforts déployés pour améliorer l'expérience du voyageur, comprenant par exemple des nouvelles mesures relatives aux droits des passagers aériens, un assouplissement des règles sur la propriété internationale, ainsi qu'une approche transparente et simplifiée pour les demandes de coentreprise des transporteurs aériens canadiens.

[Traduction]

    Les changements proposés favoriseraient une plus grande concurrence, mais ils visent également à offrir aux Canadiens un meilleur service afin d'améliorer l'expérience vécue par les voyageurs.
    Dans mon introduction, j'ai parlé du mandat de Transports Canada. Je tiens à préciser que le ministère s'attend à ce que tous les organismes fédéraux sous sa responsabilité s'assurent que les obligations en matière de langues officielles décrites dans la LLO sont respectées. Air Canada ne fait pas figure d'exception. Nous croyons que le transporteur continue de progresser en vue d'atteindre cet objectif.
    À Transports Canada, en partenariat avec nos homologues de Patrimoine canadien, du Secrétariat du Conseil du Trésor et du ministère de la Justice, nous suivons avec attention les délibérations de votre comité sur certaines questions complexes qu'il doit étudier. Nous sommes impatients de recevoir vos recommandations par rapport à ces questions importantes.
    Je serai ravie de répondre aux questions des membres de votre comité.

[Français]

     Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup de votre exposé.
    Nous allons maintenant passer aux questions et aux observations.
    Nous allons commencer par John Nater.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui. Je suis toujours ravi d'entendre des fonctionnaires.
    Je vais commencer par une petite anecdote, qui m'amènera à ma première question.
    Pour revenir de ma circonscription — et m'y rendre —, je prends habituellement un vol d'Air Canada, de London à Ottawa, ou de London à Ottawa via Toronto. Le trajet n'est donc pas très long. J'ai toujours été impressionné par le personnel bilingue d'Air Canada dans les avions. Ce matin, mon itinéraire était différent étant donné que j'avais une activité dans ma circonscription hier soir, et j'ai donc voyagé avec WestJet. J'ai été pas mal surpris de constater que dans les deux parties du trajet, les agents de bord et au moins un des capitaines étaient aussi parfaitement bilingues. J'étais très satisfait et très étonné, car ils ne sont pas assujettis à la Loi sur les langues officielles. Je crois que c'est positif, et cela m'amène à ma première question.
    Nous savons, comme vous l'avez mentionné, qu'Air Canada est le seul transporteur assujetti à la Loi sur les langues officielles, sauf pour ce qui est des instructions de sécurité. Le ministère a-t-il songé à accroître la portée de certaines parties de la Loi sur les langues officielles afin qu'elles s'appliquent à d'autres transporteurs aériens?
    Je vais commencer par expliquer un peu pourquoi la compagnie WestJet, comme vous l'avez dit, même si elle n'est pas assujettie aux obligations de la Loi sur les langues officielles, offre déjà le genre de service qui est normalement offert par Air Canada, un transporteur visé par la Loi. Je crois que les grands transporteurs aériens, WestJet, Porter et Air Transat, voient ce que le marché leur demande. À bord d'un avion à destination d'Ottawa, ils constatent qu'il peut y avoir un pourcentage beaucoup plus élevé de passagers bilingues ou francophones, et le marché les incite donc à offrir ce service.
    Au début de mon exposé, j'ai parlé de la façon dont le gouvernement a pris la décision délibérée de laisser ces compagnies aériennes se laisser guider par le marché. Je pense que c'est un bon exemple de la direction dans laquelle le marché les engage, c'est-à-dire la direction dans laquelle s'est déjà engagée Air Canada en raison de la Loi sur les langues officielles.
    Nous savons que l'ancien commissaire aux langues officielles a parlé d'élargir ces dispositions de manière à inclure d'autres transporteurs aériens, et c'est une question que nous étudions attentivement. Une fois de plus, je crois que nous allons suivre les recommandations de votre comité à ce sujet. L'étude de cette question nécessite encore une fois la participation de plusieurs ministères.
    À ce stade-ci, je me contenterai de signaler que c'est une chose sur laquelle nous nous penchons, et nous sommes impatients de prendre connaissance des recommandations de votre comité pendant que nous continuons d'étudier la question.
(1115)
    Parfait. Merci beaucoup.
    Dans vos observations, vous avez parlé du coût de la formation linguistique offerte par Air Canada, et vous avez dit qu'il n'y a pas de financement fédéral à cette fin. En ce qui a trait aux autres organismes de compétence fédérale, que ce soit VIA Rail ou les administrations aéroportuaires, ai-je raison de supposer qu'ils reçoivent un financement fédéral pour les aider à offrir une formation linguistique afin de respecter les dispositions de la Loi sur les langues officielles?
    Je ne pense pas que ce soit le cas. Pour être franche, c'est un des défis liés à l'obligation de respecter les dispositions de la Loi sur les langues officielles. Les gens d'Air Canada ont parlé devant votre comité de tous les efforts — tant humains que financiers — qu'ils ont déployés pour remplir ces obligations. Il y a un coût à cela. J'ai mentionné que le gouvernement fédéral ne leur accorde aucun financement à cette fin, et il est donc inévitable que les voyageurs finissent par en assumer le coût.
    À propos de votre question précédente, c'est un des éléments que nous analyserions au moment d'envisager la possibilité d'assujettir d'autres transporteurs aériens à la Loi sur les langues officielles. Quel en serait le coût et quelle serait l'incidence sur les voyageurs? La personne qui voyage au Canada doit déjà payer toutes sortes de frais et de droits, et nous hésitons donc à envisager d'autres mesures qui augmenteraient le coût des déplacements au pays. Cela dit, j'ai mentionné que l'étude de ces questions importantes nécessite la participation de plusieurs ministères.
    Dans le rapport spécial sur Air Canada du commissaire précédent, il recommande un certain nombre de nouveaux mécanismes d'application pour assurer la conformité à la Loi sur les langues officielles. J'aimerais entendre vos observations sur ces mécanismes et savoir s'il serait convenable que votre ministère les mette en oeuvre. Serait-il préférable qu'un autre ministère s'en charge? Quel serait le bon ministère en matière de compétence?
    Une fois de plus, c'est un des aspects de la recommandation de l'ancien commissaire aux langues officielles sur lesquels nous nous penchons actuellement. C'est une question très complexe et multidimensionnelle qui nécessiterait sans aucun doute la participation de mes collègues du ministère de la Justice. C'est une autre question sur laquelle nous nous penchons. Nous l'étudions attentivement. Nous sommes impatients d'obtenir la recommandation du Comité.
    Merci, John.

[Français]

     Nous passons maintenant à Mme Linda Lapointe.
    Je vous remercie beaucoup d'être parmi nous.
    Les obligations en matière de langues officielles d’Air Canada est un dossier que le Comité a à coeur.
    Un peu plus tôt, vous avez dit qu'il y avait un coût. Vous l'avez dit encore à mon collègue. Cela a un impact et Air Canada doit y faire face, alors que WestJet, Sunwing et Air Transat n'ont pas à le faire. Par contre, ces gens s'adaptent parce qu'ils voient que la clientèle est bilingue et que c'est la moindre des choses, dans un pays bilingue, d'offrir des services dans les deux langues officielles.
     Croyez-vous qu'Air Canada fait face à une concurrence déloyale compte tenu de ses obligations en matière de langues officielles?

[Traduction]

    Oui. Les gens d'Air Canada vous en ont parlé, et ils nous disent également qu'étant donné que c'est le seul transporteur aérien canadien assujetti à cette règle, ils ont l'impression que les règles du jeu ne sont pas équitables. C'est un des aspects dont nous tenons compte dans notre étude de certaines des recommandations du commissaire aux langues officielles.
    Encore une fois, je pense que nous essayons de trouver un équilibre entre le respect des deux langues officielles du Canada et l'incidence que cette obligation aurait ou pourrait avoir sur l'avenir du secteur aérien en ce qui a trait au coût.
    Vous avez parfaitement raison, et nous sommes ravis de voir que certains des grands transporteurs aériens s'engagent déjà dans cette voie en offrant des services dans les deux langues officielles, mais il faut alors nous demander pourquoi nous devrions élargir la portée des dispositions sur les langues officielles de manière à ce qu'ils y soient assujettis, car c'est déjà ce qu'ils font de leur propre gré.
    Il ne s'agit là que de quelques facteurs qui font l'objet de discussions alors que nous nous penchons sur cette importante question.
(1120)

[Français]

    Comme vous dites, c'est un enjeu très important.
     Pour un anglophone qui prend un vol entre Québec et Sept-Îles, si les services ne sont offerts qu'en français, je présume que c'est malheureux. C'est la même chose pour un francophone qui prend un vol à l'extérieur du Québec si les services ne sont offerts qu'en anglais. Personnellement, cela me touche.
     Si on parle des langues officielles et des transporteurs aériens, il y a deux façons de régler le problème. Il faut que les gens soient tous sur le même pied d'égalité ou...
     Croyez-vous qu'il est envisageable de demander que les autres transporteurs aient des obligations en matière de langues officielles?

[Traduction]

    Comme je l'ai mentionné, nous savons fort bien que c'est une des suggestions ou des recommandations de l'ancien commissaire aux langues officielles. Nous l'examinons très attentivement. J'ai énuméré certains aspects sur lesquels nous nous sommes penchés.
    Je répète que, à la base, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, Air Canada est tenue d'appliquer les dispositions de la Loi sur les langues officielles. Nous nous attendons à ce qu'elles soient respectées.
    À propos d'élargir leur portée de manière à inclure les autres transporteurs aériens, c'est une discussion en cours entre mes collègues des autres ministères et moi pour tenter d'évaluer l'incidence que cette mesure aurait. Une fois de plus, nous sommes impatients de prendre connaissance de la recommandation de votre comité.

[Français]

    Si je comprends bien, vous nous relancez la balle, vous nous demandez ce qui serait le mieux. Nous parlons toujours de transport de passagers.
     Nous avons rencontré le président d'Air Canada, au mois de mars. Il était président de plusieurs associations de lignes aériennes, dont celle de la Suisse, qui a quatre langues officielles. Cela ne semblait pas être un problème, en Suisse, de respecter ses obligations linguistiques alors que, ici, nous n'avons que deux langues officielles et cela semble être difficile.

[Traduction]

    C'est ici que je me retrouve dans une situation un peu délicate, dans le sens où je ne représente qu'un seul des ministères dont le point de vue sera pris en considération dans la décision définitive du gouvernement à ce sujet. Ce que j'essaie de faire, c'est vous donner une idée de certains aspects à considérer selon nous, sans parler au nom de mes collègues.

[Français]

    C'est bien.
    Je vais changer d'angle.
    En tant que représentants de Transports Canada, que préconisez-vous pour aider Air Canada à améliorer son rendement en matière de langues officielles? Que faites-vous pour aider le transporteur à s'améliorer?

[Traduction]

    J'ai mentionné à ce sujet que nous maintenons le dialogue avec Air Canada sur une vaste gamme de questions stratégiques, y compris sur les langues officielles. Ce que nous essayons de faire — et je crois qu'on en voit certains aspects dans la proposition du ministre dans le projet de loi C-49 —, c'est de cerner ces aspects stratégiques qui pourraient continuer d'assurer la forte viabilité de nos transporteurs canadiens, y compris Air Canada. C'est dans cette optique que nous nous penchons sur des questions comme la coentreprise, ainsi que sur d'autres questions comme la propriété étrangère.
    Nous cherchons constamment des moyens de renforcer les transporteurs existants tout en continuant de protéger la concurrence. De cette façon, nous essayons de créer ce genre de cadre plus large dans lequel tous nos transporteurs, y compris Air Canada, continueront de croître, de prospérer et de servir les Canadiens.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Choquette, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour et bienvenue aux témoins.
     Nous vous rencontrons à un drôle de moment, alors même que le Comité permanent des langues officielles est dans l'oeil de la tempête. Comme vous le savez, nous sommes au coeur d'une controverse orageuse liée à la nomination probable de Mme Madeleine Meilleur au poste de commissaire aux langues officielles.
     Je veux simplement aviser le Comité que, plus tard dans la journée, je vais déposer une motion en vue d'approfondir ce qui se passe quant à la nomination, au processus et à la controverse entourant la nomination de Mme Meilleur. Cette situation ne cesse de s'alourdir, jour après jour.
    Est-ce la motion pour laquelle vous nous avez donné un préavis?
(1125)
    Oui, monsieur le président.
    Cela dit, revenons à Air Canada, qui est tout de même un sujet très important.
     Madame Wiebe, vous avez, bien sûr, reçu ce rapport spécial en juin 2016.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Nous sommes maintenant pratiquement en juin 2017, n'est-ce pas?
    Oui.
    Un an plus tard, vous attendez le rapport du Comité pour commencer à étudier les recommandations.

[Traduction]

    En effet.

[Français]

    D'accord.
    Ne commencez-vous pas à considérer vous-même la possibilité d'appliquer les recommandations du rapport spécial?
     Les commissaires disent souvent qu'ils travaillent fort à la réalisation de beaux rapports. Par exemple, le commissaire Graham Fraser m'a dit qu'en 2013 il avait produit un rapport sur l'accès à la justice, mais que celui-ci avait été mis sur une tablette. Nous sommes maintenant en 2017, et les principales recommandations du rapport n'ont pas encore été mises en vigueur. Cela l'a contrarié.
    Nous avons ici un rapport très important. M. Fraser est à la retraite, mais il nous écoute peut-être aujourd'hui. Il est peut-être contrarié d'entendre que vous n'avez pas commencé à réfléchir à ses recommandation.
     Comment expliquez-vous cela?

[Traduction]

    Je devrais peut-être donner des précisions. Lorsque je parlais du travail qui doit être fait, je ne voulais absolument pas laisser entendre que nous ne l'avons pas entamé. J'ai dit que nous suivons de très près les délibérations de votre comité pour prendre connaissance des recommandations des experts qui comparaissent.
    Nous sommes bien au fait du rapport spécial de M. Fraser, l'ancien commissaire aux langues officielles. Nous l'avons étudié. Je maintiens un dialogue actif avec mes collègues des autres ministères dont j'ai parlé, mais comme je l'ai dit, nous attendons les recommandations de votre comité pour achever celles que nous remettrons à nos ministres respectifs, afin qu'une décision soit prise en vue d'une réponse du gouvernement.

[Français]

    Je comprends maintenant qu'il est extrêmement important que le Comité termine son rapport et vous l'envoie pour que vous commenciez à étudier le rapport du commissaire et les recommandations du Comité.

[Traduction]

    Je pourrais juste préciser que nous avons commencé l'étude du rapport. Nous l'avons commencé, mais, comme je l'ai déjà dit, je crois qu'il serait inapproprié que nous donnions notre réponse au rapport de l'ancien commissaire aux langues officielles sans connaître les recommandations de votre comité.

[Français]

    D'accord.
    Vous avez répondu plus tôt à une question de ma collègue, Mme Lapointe. Or j'ai été un peu saisi, surpris, mais pas dans le bon sens du terme, quand il a été question des autres compagnies aériennes et d'Air Canada. Comme vous le savez, la situation d'Air Canada est particulière, du fait qu'il s'agit d'une ancienne société d'État. Quand elle a été privatisée, elle a conclu avec le gouvernement une entente très spécifique qui l'engageait à continuer à respecter la Loi sur les langues officielles.
    Nous nous battons tous les jours et nous déposons régulièrement des plaintes pour nous assurer que cette loi est respectée. Or, si j'ai bien compris, vous en êtes à vous demander s'il est important qu'Air Canada se plie à toutes les conditions de la Loi sur les langues officielles.
     Est-ce que j'ai mal saisi vos propos?

[Traduction]

    J'espère que vous avez mal compris mes propos, car je crois...

[Français]

     Je l'espère aussi.

[Traduction]

    Dans ma déclaration liminaire, j'ai essayé d'affirmer sans équivoque que les gens de Transports Canada connaissent très bien les obligations des institutions fédérales dont ils sont responsables, notamment celles concernant la Loi sur les langues officielles. Nous savons qu'Air Canada y est assujettie, et nous nous attendons à ce qu'elles soient respectées.

[Français]

    Merci. C'est une belle clarification.
    Vous avez parlé tantôt du projet de loi C-49. Cela fait longtemps que le commissaire Graham Fraser a demandé qu'on ait des lois qui précisent et qui renforcent l'application de la Loi sur les langues officielles en ce qui concerne le système de transport aérien. Or, à moins que je ne me trompe, sur le plan législatif, le projet de loi C-49 ne fait rien pour les langues officielles.

[Traduction]

    Comme je l'ai mentionné, le projet de loi C-49, la Loi sur la modernisation des transports, ne représente pour le ministre Garneau que la première étape de la mise en oeuvre de la stratégie Transports 2030. Il y a d'autres aspects et d'autres questions stratégiques que le ministère continue d'étudier...

[Français]

    S'agit-il de dossiers concernant les langues officielles?

[Traduction]

    Je pense que la question des langues officielles sera un sujet d'étude distinct une fois que nous aurons reçu les recommandations de votre comité.

[Français]

    D'accord. Il est très important que le Comité en soit avisé, parce que certaines personnes doutaient de la pertinence de produire ce rapport.
(1130)
    Comme vous l'expliquez très bien, il faut effectivement que le Comité fasse ce rapport et le présente ensuite à votre ministère ainsi qu'aux autres ministères concernés, afin que soient mises en oeuvre quelques-unes des recommandations du commissaire. Elles ne seront peut-être pas toutes mises en oeuvre; c'étaient des suggestions du commissaire. Toutefois, il faut s'assurer qu'Air Canada remplira correctement ses obligations, chose qu'elle a malheureusement de la difficulté à faire jusqu'à maintenant, pour différentes raisons.
    Merci beaucoup, monsieur Choquette.
    Nous allons passer immédiatement à M. Darrell Samson.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être parmi nous aujourd'hui pour nous donner quelques renseignements.
    Il n'y a pas de doute, nous avons un travail à faire. Par contre, je ne voudrais pas croire que notre rapport changera le monde. Cela dit, notre rapport devrait certainement souligner les endroits où nous croyons que le gouvernement doit jouer un rôle plus poussé.
    Nous avons reçu pour une deuxième fois des représentants d'Air Canada. Nous avons pu discuter avec eux. Nous avons très certainement entendu des commentaires intéressants au sujet des compagnies aériennes et de leurs obligations relatives aux langues officielles.
    Où j'ai trouvé qu'il y avait un très faible respect des obligations en matière de langues officielles, c'est du côté des sous-contractants, des fournisseurs de services. Même si Air Canada semble leur imposer ces obligations, il est évident que ces sous-contractants ne respectent pas leurs obligations en matière de langues officielles au même niveau. Cela m'inquiète.
    Dans le travail que vous faites en vue d'améliorer cette situation, il faut vraiment mettre l'accent sur les obligations qui incombent aux fournisseurs de services. Quand on transfère cette responsabilité à des fournisseurs, ceux-ci n'ont pas le droit de ne pas respecter ces obligations. Cela est sûr et certain.
    Je suis content d'entendre que vous étudiez également la question des autres compagnies aériennes au Canada. Je crois que le terrain doit être égal pour tout le monde, jusqu'à un certain point.
    Que pensez-vous des commentaires d'Air Canada selon lesquels ses obligations en matière de langues officielles nuisent à sa compétitivité? Ce n'est pas une question d'argent ou de coûts. Air Canada a cette obligation formelle. Quelle est votre réaction à de tels commentaires de la part d'Air Canada?

[Traduction]

    Chaque fois qu’on étudie un enjeu de politique et qu’on voit une exception, on se demande pourquoi. À l'heure actuelle, nous avons une exception en ce qui concerne les obligations en matière de langues officielles des compagnies aériennes canadiennes. Air Canada y est assujettie, mais les autres transporteurs aériens ne le sont pas.
    L'un de vos collègues a mentionné plus tôt qu'en temps normal, tout le monde a plus ou moins la même obligation dans ce genre de scénario. Je pense que c'est un des facteurs débattus lorsque nous nous penchons sur les questions importantes et, encore une fois, sur les recommandations de M. Fraser. Il faut se demander s'il est important qu'Air Canada continue d'avoir ce... si ce genre de déséquilibre entre Air Canada et les autres transporteurs aériens canadiens est important. Les gens d'Air Canada estiment que c'est un désavantage concurrentiel, car ils ont des obligations que les autres n'ont pas.
    Encore une fois, nous devons tenir compte des diverses questions soulevées ce matin. Est-il suffisamment important de continuer d'assujettir Air Canada à ces obligations alors que les autres transporteurs aériens les respectent déjà, sans y être officiellement assujettis? Ces questions font toutes l'objet de discussions.

[Français]

     Oui, mais avec tout le respect que je vous dois, nous n'étudions pas la possibilité de réduire les obligations. Il n'est pas question de cela du tout. Les autres transporteurs le font, mais ils ne le font pas de façon exceptionnelle. Nous pouvons donc dire qu'il y a des améliorations, je suis d'accord, mais nous ne sommes pas en train d'étudier de réduire une obligation. Cela m'inquiète énormément.
    Le deuxième aspect que j'aimerais soulever a trait au jugement dans la cause Thibodeau c. Air Canada, à toute la question de la Convention de Montréal pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international. Je sais que mon ex-collègue Stéphane Dion avait proposé le projet de loi C-666.
    Où en est votre ministère en ce qui touche cette réflexion?

[Traduction]

    En ce qui concerne cette question, je pourrais peut-être m’en remettre à mon collègue, Me Blasioli.
(1135)

[Français]

    Merci.
    Vous le savez, « le diable est dans les détails » comme on dit.

[Traduction]

    Ces questions sont à l’étude en ce moment, de même que toutes les recommandations de l’ancien commissaire Fraser. Comme vous le savez, l’une d’elles propose de modifier la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada afin de donner suite à la décision rendue dans l’affaire Thibodeau. Cette mesure est envisagée par tous les ministères que ma collègue, Mme Wiebe, a mentionnés.
    Je le répète, nous attendrons d’avoir reçu le rapport du Comité afin de le prendre aussi en considération à cet égard.

[Français]

    Lors d'une deuxième comparution, Air Canada a quand même souligné certaines stratégies mises en place dans l'Ouest afin d'embaucher des personnes bilingues.
    Le gouvernement pourrait-il fournir des suggestions? En réalité, nous sommes là pour épauler Air Canada, pour nous assurer que le transporteur respecte ses obligations. Comment le gouvernement pourrait-il contribuer à la recherche de stratégies?

[Traduction]

    Je précise encore une fois qu’à mon avis, nous devons être prudents, en ce sens qu’il s’agit là d’organisations du secteur privé.
    Ce n’est pas un organisme gouvernemental. Lorsque nous avons privatisé Air Canada, nous l’avons retiré du gouvernement afin que la société puisse gérer ses propres affaires dans un milieu concurrentiel axé sur le marché. Il serait difficile pour nous d’utiliser l’argent des contribuables pour aider une organisation du secteur privé à respecter les obligations auxquelles elle est déjà assujettie par la loi, et d’intervenir auprès de ce qui est, en fin de compte, une organisation du secteur privé. En l’occurrence, nous continuons de nous tourner vers Air Canada qui est censée financer ses propres initiatives en vue d’honorer ses propres obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

    Exactement.
    Cependant, il faut respecter les parties IV, V et VII de la Loi sur les langues officielles.
    Excusez-moi, monsieur Samson, mais le temps de parole dont vous disposiez est écoulé.
    Nous allons maintenant céder la parole à M. Vandal.
    Chaque année, Air Canada présente un bilan au sujet de ses responsabilités en matière de langues officielles.
    Est-ce que Transports Canada reçoit une copie de ce bilan?

[Traduction]

    Il s’agit d’un questionnaire que, comme vous le dites, Air Canada remplit chaque année et remet au Secrétariat du Conseil du Trésor. Nous, les membres de Transports Canada, ne recevons pas précisément ce document, mais nous communiquons constamment avec nos collègues du Conseil du Trésor au sujet des résultats de ces questionnaires.

[Français]

    Pourriez-vous nous parler de votre relation avec le Secrétariat du Conseil du Trésor? Je crois que Patrimoine canadien joue un rôle de chien de garde pour ce qui est de la réglementation touchant les langues officielles.
    Comment cela fonctionne-t-il?

[Traduction]

    J’ai mentionné à quel point ces questions sont complexes, et je le répète. Vous entendez des conseils, mais imaginez le fait que nous soyons forcés de traiter avec tout un éventail de ministères pour cerner ce même enjeu.
    C’est une excellente question. Pourquoi y a-t-il autant de ministères mêlés à cette question? En ce qui concerne Transports Canada, j’ai parlé de la façon dont nous — et moi, personnellement — avons établi un cadre stratégique pour le secteur aérien.
    Soyons clairs. Je ne vous ai pas demandé d’expliquer pourquoi c’est ainsi, mais simplement de décrire votre relation travail.
    En fait, notre relation de travail est très bonne, en particulier lorsqu’il s’agit de réfléchir à certains des enjeux dont votre comité est saisi. J’ai des échanges continus avec eux. Nous nous réunissons régulièrement avec mes collègues de Patrimoine canadien, du Conseil du Trésor et de Justice Canada. Notre relation est très collégiale et axée sur la collaboration, si cela répond à votre question.

[Français]

    Merci.
    Dans votre présentation, ce matin, vous avez dit: « nous pouvons convenir qu'Air Canada a fait des efforts concrets quant à son engagement en matière de langues officielles. »
    Pourriez-vous nous en dire plus à cet égard?

[Traduction]

     Bien sûr. Je précise encore une fois que nous avons eu nos propres conversations avec Air Canada, mais les exposés que ses représentants ont donnés au Comité nous ont particulièrement intéressés. Ils sont venus vous rencontrer et je pense qu’ils vous ont exposé en détail leur plan d’action linguistique, leur politique interne en matière de langues, leurs procédures internes et leur formation interne des employés. Ils ont mis sur pied tout un système qui leur permet de démontrer leurs progrès continus en ce qui concerne l’embauche de personnel bilingue, ainsi que la formation donnée au personnel unilingue afin qu’il devienne bilingue et maintienne ce niveau linguistique. C’est l’un des points auxquels je ferais allusion pour répondre à votre question.
    L’autre point que je ferais valoir, c’est que nous suivons aussi très attentivement le nombre de plaintes déposées contre Air Canada. Votre comité a discuté fréquemment de ces statistiques. Examinons l’historique d’Air Canada. Si l’on remonte au début de 2010, disons, l’entreprise transportait environ 30 millions de passagers à ce moment-là, et je pense qu’elle avait reçu — j’ai ici le chiffre sous les yeux — approximativement 69 plaintes. En fait, c’était en 2000 qu’elle servait 30 millions de passagers.
    Nous avons maintenant atteint le stade où Air Canada transporte 41 millions de passagers. Il s’agit donc là d’une hausse substantielle enregistrée depuis l’année 2000, mais, si vous étudiez les nombres de plaintes, vous constaterez qu’ils sont plus ou moins statiques. Ils augmentent et diminuent légèrement. En étudiant les chiffres, je peux voir que le nombre de plaintes a augmenté jusqu’à atteindre 59 en 2013, mais, dans l’ensemble, on peut remarquer que le volume de passagers d’Air Canada continue d’augmenter substantiellement chaque année, alors que le nombre de plaintes ne croît pas au même rythme.
(1140)
    Je comprends.
    Je pense que mon temps de parole s’amenuise, et j’ai encore quelques questions à poser.

[Français]

     En conclusion de votre présentation, vous disiez: « Transports Canada s'attend à ce que toutes les institutions fédérales sous sa responsabilité s'assurent que les obligations en matière de langues officielles décrites dans la LLO sont respectées. »
    Pouvez-vous me dire quelles sont les autres institutions fédérales dont vous êtes responsable et qui ont des responsabilités en matière de langues officielles?

[Traduction]

    Le portefeuille de Transports Canada englobe un ensemble de sociétés d’État, dont l’ACSTA et VIA Rail. Il y a un vaste ensemble de sociétés d’État. Lorsque je parle des institutions fédérales qui relèvent de la compétence de Transports Canada, je fais allusion à ces institutions.
    Merci.
    Je vais transférer le reste de mon temps.

[Français]

    J'aimerais ajouter quelque chose au sujet du nombre de plaintes et de l'augmentation des passagers.
    Quand le président d'Air Canada a témoigné devant nous, nous avons déposé une plainte en ce qui touche les langues officielles, par le truchement du site Web de la compagnie. Après un certain temps, nous n'avons plus été capables d'accéder au site pour déposer la plainte. Le site nous expulsait. Que les plaintes n'augmentent pas vient du fait, selon moi, que les gens sont incapables d'avoir accès au site. Il n'y a pas de lignes téléphoniques ou, s'il y en a, on nous fait attendre une demi-heure.
    Revoyez un peu ce que vous venez de dire.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer immédiatement à M. Généreux.
    Madame Wiebe et monsieur Blasioli, si je devais engager quelqu'un aujourd'hui pour vendre la société Air Canada, ce serait vous deux. Vous semblez avoir une très bonne opinion du travail effectué par Air Canada.
    Madame Wiebe, je suppose que c'est votre opinion, comme sous-ministre chargée des politiques. Quand on met des politiques en place, je présume qu'on commence au point a pour arriver, un jour, au point b avec une produit final.
    Je vais poursuivre sur le sujet abordé plus tôt par mon collègue M. Samson. Si l'ensemble des compagnies aériennes ne sont pas assujetties à la Loi sur les langues officielles, cela entraîne, selon moi, une concurrence pour Air Canada, concurrence qui a un certain poids. C'est inévitable. Aujourd'hui, où en est votre réflexion à ce sujet? Vous avez dit que vous étiez en cheminement, en réflexion. Où en êtes-vous au moment où on se parle?

[Traduction]

    Si vous me le permettez, j’aimerais clarifier mon titre.

[Français]

     Je suis sous-ministre adjointe par intérim, Groupe des politiques.

[Traduction]

    Je ne voudrais pas que le sous-ministre pense que je suis en train d'usurper son poste.
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Sara Wiebe: Je précise encore une fois que je ne tente pas en ce moment d'éluder la question. Je veux que le Comité comprenne la position dans laquelle je me trouve, en ce sens que nous étudions la question à l’heure actuelle. Nous examinons les différents facteurs, et nous nous réjouissons à la perspective de recevoir les conseils de votre comité. Nous sommes tout à fait conscients de l’existence du rapport de M. Fraser, mais je ne suis qu’un membre d’un grand groupe de gens qui auront une opinion en ce qui a trait à la direction à prendre à cet égard.

[Français]

    Vous êtes ici pour représenter Transports Canada. Je suppose que vous êtes en mesure ou que vous avez la compétence, et assurément la possibilité, de nous parler de l'ensemble des réflexions du comité dont vous faites partie.
    Ma question est fort simple. Où en êtes-vous dans votre réflexion, à la lumière de ce que le commissaire aux langues officielles a dit et de ce que nous avons déjà discuté ici, au Comité? Vous dites que vous étudiez et que vous analysez tout ce que nous faisons et que vous voulez être informés du travail que nous effectuons en comité. Je comprends tout cela, et je comprends également la mécanique de votre réflexion. Cependant, où en êtes-vous en ce qui concerne cette réflexion?
    Je vais vous poser une question. Au sein de votre comité, avez-vous discuté de la pertinence d'assujettir à la Loi sur les langues officielles toutes les compagnies aériennes afin que toutes soient sur un pied d'égalité, par exemple?
(1145)

[Traduction]

    Absolument. Je tiens à assurer au Comité que c’est l’un des enjeux que nous prenons en considération et pour lequel nous procédons à une analyse.

[Français]

    Est-ce que vous pensez que cela pourrait être mis en place rapidement? Vous semble-t-il pertinent de le faire? Comprenez-vous ce que j'essaie de savoir?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    J'essaie de savoir où en est votre réflexion.
    Si j'étais un responsable d'Air Canada et que j'entendais ce que vous dites, je me taperais dans les mains. Je serais heureux d'apprendre que le comité en question pourrait recommander d'assujettir l'ensemble des compagnies aériennes à la Loi sur les langues officielles. Toutefois, je ne suis pas certain que les compagnies aériennes elles-mêmes applaudiraient.
    Si Transports Canada décidait un jour d'assujettir l'ensemble des compagnies aériennes à la Loi, est-ce que les autres modes de transport considéreraient qu'il faut aussi y assujettir l'ensemble des moyens de transport? Certains réagiraient certainement en répondant qu'il n'était pas prévu dans leurs plans d'affaires d'avoir à dépenser comme Air Canada le fait. Il y a effectivement un certain déséquilibre au détriment d'Air Canada, il faut l'avouer.
    Je veux savoir où vous en êtes rendus dans votre réflexion.

[Traduction]

    Je peux peut-être parler des mesures que nous prenons pour parvenir à la décision que votre comité cherche à connaître.
    Comme je l’ai mentionné, à l’heure actuelle, je discute activement des divers enjeux dont votre comité est saisi avec mes collègues des trois autres ministères. Ces discussions sont en cours. Une fois que nous aurons reçu les recommandations de votre comité, nous terminerons notre analyse stratégique, et nous donnerons des conseils à nos ministres respectifs.
    À ce moment-là, il appartiendra aux ministres de décider de débattre, au nom du gouvernement, de la réponse à donner. C’est à ce stade qu’une décision politique sera prise en ce qui concerne la façon de répondre aux diverses questions que vous me posez aujourd’hui. À ce moment-là, le gouvernement… une fois la décision prise, nous présenterons les mesures qui s’imposent pour mettre en œuvre la décision politique du présent gouvernement.

[Français]

    J'ai l'impression que nous sommes un peu comme le chien qui court après sa queue. Nous ne savons pas qui court après qui, finalement.
    Le Comité peut inviter des experts, ou toutes les compagnies aériennes canadiennes, pour qu'ils nous disent ce qu'ils pensent de l'idée, mais je connais déjà la réponse. Nous pouvons les inviter pour que vous entendiez la réponse qu'ils nous feraient.
    Aujourd'hui, je croyais que vous alliez venir nous parler des orientations de Transports Canada, à la lumière de ce qui a déjà été dit, de ce que le commissaire Fraser a répété durant plusieurs années et des recommandations qu'il a formulées. Nous aurions pu vous entendre à ce sujet et inviter d'autres experts pour alimenter votre réflexion. Je n'ai pas l'impression d'avoir pu connaître aujourdhui les orientations de Transports Canada qui nous inciteraient à inviter d'autres témoins dans le but d'alimenter votre réflexion.

[Traduction]

    Je précise encore une fois que c’est la raison pour laquelle je souhaitais comparaître devant votre comité aujourd’hui après avoir reçu votre invitation. Je voulais vous donner une idée de certains des enjeux qui nous occupent et du contexte dans lequel nous, les membres de Transports Canada, prenons en considération les recommandations de M. Fraser et attendons les conseils de votre comité.
    Je voulais vous donner un aperçu d’un secteur aérien très dynamique en ce moment, mais qui ne l’était pas il n’y a pas si longtemps. Je peux vous fournir une liste de tous les transporteurs aériens canadiens qui n’existent plus. Nous parlons de CanJet, de Canada 3000.... Ce sont tous les transporteurs aériens canadiens qui n’exercent plus leurs activités en raison des défis que présente le secteur aérien du Canada.
    De plus, je souhaitais vous donner une idée du travail que nous accomplissons à l’échelle interministérielle afin d’étudier cet enjeu, et vous donner un aperçu du contexte dans lequel ce travail est accompli. Mais, au final, la décision que vous demandez aujourd’hui et l’information que vous recherchez relèvent du gouvernement, et non de moi.

[Français]

     Merci beaucoup.
    Monsieur Arseneault, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Wiebe, quelle est votre relation avec Air Canada quant aux politiques et aux objectifs du ministère?
    Est-ce que vous rencontrez souvent ses représentants? Est-ce que vous discutez avec eux? Comment cela se passe-t-il?
(1150)

[Traduction]

    Nous discutons continuellement avec tous les transporteurs aériens du Canada, y compris Air Canada. Je peux vous dire qu’il y a une grande collaboration entre nous et cette entreprise.
    Je pense qu’ils expriment parfois des inquiétudes à propos de la direction dans laquelle le gouvernement actuel s’engage. À d’autres moments, ils soutiennent fermement les décisions prises par le gouvernement. En ce sens, la relation n’est pas toujours sans heurt, mais j’estime que nous avons atteint un stade où nous sommes en mesure de discuter ouvertement et en continu avec Air Canada.

[Français]

    Vous dites que souvent les dialogues ne se déroulent pas toujours facilement. Pourriez-vous nous donner un exemple concret en ce qui a trait aux langues officielles?

[Traduction]

    Comme le Comité le sait pertinemment, en ce qui concerne précisément les langues officielles, Air Canada indique régulièrement qu’elle est préoccupée par le fait d’être le seul transporteur aérien assujetti aux dispositions de la Loi sur les langues officielles. Justement l’autre jour, j’examinais un mémoire présenté à M. Emerson, qui a dirigé l’examen de la Loi sur les transports au Canada. Dans ce mémoire figurait une section complète dans laquelle étaient fournies des données et une analyse pour appuyer la recommandation selon laquelle Air Canada devrait être déchargée de ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

    Donc, c'est la pression qu'exerce le transporteur Air Canada?

[Traduction]

    C’est exact.

[Français]

    Quelle est la position de votre ministère à cet égard?

[Traduction]

    C’est l’un des enjeux, des points de vue, que nous prenons en considération pendant que nous débattons des obligations des transporteurs aériens canadiens en matière de langues officielles. Ce n’est qu’un point de vue parmi tant d’autres dont nous tenons compte.

[Français]

    Donc, dans les recommandations, il faut absolument dire que cela doit demeurer.
    Est-ce que le ministère comprend l'historique qui a mené à cette obligation pour le transporteur Air Canada de respecter la Loi sur les langues officielles et de s'y conformer?

[Traduction]

    Absolument, et je pense que c’est ce que je tentais de souligner dans ma déclaration préliminaire, à savoir qu’Air Canada était une société d’État avant d’être privatisé vers la fin des années 1980. Malgré la privatisation de la société en vertu de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, le gouvernement de l’époque a décidé qu’à l’avenir, elle devrait continuer de respecter certaines obligations, dont celles liées à la Loi sur les langues officielles.

[Français]

    Sur ce sujet précis, avez-vous des discussions avec Air Canada selon lesquelles le syndicat n'était pas en faveur du respect intégral de la Loi sur les langues officielles?
    Ma question est hypothétique. Avez-vous déjà eu cette impression que, même si Air Canada désirait respecter en tout point la Loi sur les langues officielles, le syndicat des employés était réticent à le faire?

[Traduction]

    Je vais parler en mon nom seulement. Je n’ai jamais eu une conversation avec Air Canada où il a été mentionné que leurs syndicats étaient réticents par rapport aux langues officielles.

[Français]

    Vous n'avez pas entendu cela personnellement, mais l'avez-vous déjà entendu dans votre ministère?

[Traduction]

    Non, cela ne fait pas partie des renseignements dont je dispose.

[Français]

    Avez-vous déjà eu connaissance qu'une lettre avait été écrite par le syndicat d'Air Canada et disait que, en raison d'une politique sur les langues officielles, les employés devaient se conformer à certaines obligations et que c'était malheureux pour eux?
    Avez-vous déjà entendu parler d'une telle lettre?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Si vous aviez une telle lettre signée par un représentant syndical ou le président du syndicat des employés d'Air Canada, qui disait quelque chose qui ressemble à ceci: « Malheureusement, nous devons nous soumettre à la Loi sur les langues officielles et cela pourrait causer des inconvénients à notre façon d'opérer », quelle serait la réaction de votre ministère?

[Traduction]

    Ce serait l’un des enjeux que nous prendrions en considération pendant que nous débattons plus avant des facteurs ou des questions stratégiques associés à cette discussion.

[Français]

    Madame Wiebe, je n'ai pas la lettre sous la main, mais nous l'avons tous vue ici. C'est quelque chose qui existe et qui est vraiment arrivé.

[Traduction]

    D’accord. Je me réjouis à la perspective de recevoir une copie de la lettre.
    Comme je l’ai mentionné, tous les renseignements liés à cette discussion sont les bienvenus, parce que nous voulons nous assurer que, lorsque nous fournirons un avis au gouvernement quant à la décision à prendre, il sera détaillé et tiendra compte de tous les enjeux valables.
(1155)

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur Arseneault.
    Il va maintenant y avoir deux courtes interventions. La première sera de la part de Mme Boucher et la deuxième, de M. Vandal.
    Bonjour.
    Comme mes collègues ici présents, je suis un peu sidérée de constater que nos rapports sont encore à l'étude. Depuis 10 ans, je siège au Comité permanent des langues officielles par intermittence, et ce n'est pas la première fois que nous faisons des recommandations à Air Canada.
    Or d'après ce que je comprends, vous n'avez lu aucun des rapports produits par les précédents comités des langues officielles.

[Traduction]

    Je ne dirais pas que cette affirmation est exacte. Comme je l’ai mentionné, tous les renseignements qui sont présentés à votre comité sont des renseignements que nous étudions pendant l’élaboration de l’avis que nous fournirons au gouvernement.

[Français]

     Alors, pourquoi des mesures n'ont-elles pas été prises?
    Si ce que vous me dites est vrai, comment se fait-il, malgré toutes les recommandations émises par tous les comités permanents des langues officielles ayant existé depuis 2006 — je faisais partie de la cohorte de 2006 —, que la situation soit ce qu'elle est aujourd'hui?
     Nos recommandations étaient pratiquement toutes les mêmes. Nous avons vérifié cela.
    Dans ces conditions, pourquoi n'a-t-on pris aucune mesure?
     On peut bien blâmer les gouvernements, mais les fonctionnaires demeurent, et les lois sont là pour être respectées.

[Traduction]

    En ce qui concerne cette question, je vais m’en remettre à mon collègue, Me Blasioli.
     Merci.
    Comme l’a souligné le rapport de l’ancien commissaire Fraser, plusieurs projets de loi ont été présentés par le gouvernement afin d’apporter certains changements à la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada et régler certaines des questions soulevées dans le rapport Emerson. Ces projets de loi sont malheureusement morts au feuilleton.
    Par conséquent, je ne crois pas qu’il serait juste de dire qu’aucune mesure n’a été prise. Des mesures ont été prises, mais elles n’ont pas été menées à bien.

[Français]

     Monsieur Vandal, vous avez la parole.

[Traduction]

    Vous avez mentionné que le rapport Emerson disait qu’Air Canada devrait être « déchargée » de ses obligations, et pourtant, la recommandation du rapport Emerson que j’ai sous les yeux stipule que nous devrions clarifier les obligations des aéroports et des compagnies aériennes pour fournir des services dans les deux langues officielles, et que nous devrions travailler avec les communautés de langues officielles en situation minoritaire pour améliorer l’uniformité. Je ne vois pas le mot « déchargée » dans cette recommandation.
    Pour éliminer toute ambiguïté, je précise que lorsque j’ai fait allusion à la recommandation selon laquelle il faudrait décharger Air Canada de ses obligations, il s’agissait d’une recommandation d’Air Canada adressée à M. Emerson.
    D’accord. C’est un détail important.
    M. Emerson a tenu compte de cela avant d’élaborer sa recommandation finale, qui…
    Donc, cette recommandation ne se trouve pas dans le rapport Emerson.
    C’est exact.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Wiebe, maître Blasioli.

[Français]

    Je vous remercie de votre présentation.
    Nous allons suspendre la séance pour quelques minutes, de façon à pouvoir passer à un autre sujet, soit les langues officielles dans notre système de justice.
(1155)

(1200)
    Conformément au paragraphe 108(3) du Règlement, nous poursuivons l'étude sur la mise en oeuvre intégrale de la Loi sur les langues officielles dans le système de justice canadien.
    Nous avons le plaisir d'accueillir maintenant M. Daniel Jutras, qui est professeur à l'Université McGill.
    Bienvenue parmi nous, monsieur Jutras. Vous aurez la parole pendant une dizaine de minutes. Comme d'habitude, nous passerons ensuite aux questions et commentaires des membres du Comité.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour à tous et à toutes.
    Je suis très heureux et très honoré de l'invitation à venir vous adresser la parole aujourd'hui pour discuter avec vous de la question plus précise du bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada. Je sais que c'est une question qui vous a beaucoup occupés ces derniers temps.
    Comme l'a mentionné le président, je vais faire une courte présentation d'une dizaine de minutes en français.
(1205)

[Traduction]

    Je répondrai avec plaisir en anglais ou en français à toutes vos questions concernant mon exposé. Je vais donc m’empresser de vous communiquer ce que je souhaite dire aujourd’hui.

[Français]

    D'abord, je vous propose un très court exposé sur ce que je voudrais transmettre comme message aujourd'hui.
    J'ai pris connaissance de vos délibérations et de vos commentaires, ainsi que des échanges que vous avez eus avec certains experts. À mon sens, il y a trois questions en jeu en ce qui a trait au bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada.
    La première question est celle de savoir s'il est souhaitable que chacun des juges à la Cour suprême du Canada ait une maîtrise suffisante des deux langues officielles. En d'autres termes, est-ce qu'un niveau de compétence avancé dans les deux langues devrait faire partie des conditions d'admissibilité à une nomination à la Cour suprême du Canada? Je réponds oui à cette question. Je pense que cette exigence de qualification est très importante et probablement essentielle.
    Si nous répondons oui à la question, il faut se demander comment mettre en oeuvre cet objectif. La deuxième question est donc celle de savoir s'il est souhaitable de procéder par voie législative, c'est-à-dire en insérant cette exigence dans un texte législatif ou encore en modifiant une loi existante du Parlement. Contrairement aux experts que vous avez entendus jusqu'à présent, je pense que non. À mon avis, les avantages politiques d'une telle initiative seraient moins importants que les risques juridiques qui en découleraient. De plus, l'engagement formel du premier ministre dans sa forme actuelle, celle que nous connaissons et qui a été utilisée dans le dernier processus, me semble suffisant pour réaliser l'objectif du bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada.
    Évidemment, vous pouvez ne pas être d'accord avec moi. Le cas échéant, il faut se demander si une proposition législative, que ce soit une loi ou une modification à un texte législatif actuel, qui imposerait le bilinguisme comme condition préalable à une nomination à la Cour suprême du Canada, constituerait une modification constitutionnelle. Si tel était le cas, cette modification serait assujettie à des exigences de consentement à la fois du Parlement et des législatures provinciales, comme vous le savez. À cette question — s'agit-il d'une modification constitutionnelle si vous l'insérez dans une loi —, je réponds également oui selon toute probabilité, encore une fois à la différence des experts que vous avez entendus.
    Permettez-moi d'expliquer, de manière assez succincte, un peu plus ce que j'entends quant à chacun de ces éléments.
    Tout d'abord, j'estime souhaitable que tous les juges à la Cour suprême du Canada aient une maîtrise suffisante des deux langues officielles. Un niveau de compétence avancé dans les deux langues officielles devrait faire partie des compétences requises pour être admissible à une nomination à la Cour suprême du Canada. Afin d'arriver à cette conclusion, il faut comprendre le fonctionnement de la Cour et la nature du travail de ces juges.
     On a beaucoup parlé devant vous des erreurs pouvant survenir dans la traduction simultanée ou l'interprétation des présentations orales faites devant la Cour, mais ce n'est qu'un aspect de la question. Beaucoup d'autres éléments du travail des juges à la Cour suprême du Canada requièrent une compétence linguistique en français et en anglais. J'en évoque cinq en rafale; cela vous donnera une idée plus claire de ce que je veux dire.
    Premièrement, les juges doivent lire et interpréter les textes législatifs qui sont rédigés dans les deux langues officielles, et pas les moindres: le Code criminel, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le divorce et la Constitution elle-même. On me dira que puisque ces textes sont écrits dans les deux langues officielles, il suffit de comprendre l'une des deux versions. C'est faux, puisque toutes les règles d'interprétation exigent que l'on comprenne les deux versions pour être en mesure d'en tirer le sens commun lorsqu'il y a une ambiguïté. Il est donc indispensable de lire les deux versions.
    Deuxièmement, les juges doivent lire et comprendre les jugements des instances inférieures, qui sont souvent rédigés dans une seule langue. J'entends non seulement le jugement qui est porté en appel devant la Cour, mais aussi la jurisprudence pertinente, qui peut être rédigée seulement en français ou seulement en anglais.
    Troisièmement, les juges doivent aussi lire et comprendre les présentations écrites des parties dans la langue dans laquelle elles sont rédigées, pas seulement les présentations orales faites à l'audience. Comme vous le savez probablement, ces mémoires ne sont pas traduits par la Cour. Beaucoup de documents sont traduits à l'intérieur de la structure de la Cour suprême du Canada, mais les mémoires des parties ne le sont pas.
    Quatrièmement, il faut tenir compte d'un élément plus diffus: les juges doivent pouvoir participer aux discussions tenues au sein de la Cour quant au jugement à rendre. La présence d'un juge unilingue fera en sorte que la conversation se déroulera probablement dans la langue de ce juge-là, pratiquement uniquement en anglais.
     Cinquièmement — et c'est un point important également —, les juges doivent pouvoir comprendre les deux versions des jugements que la Cour elle-même rend, et ce, afin d'être en mesure d'évaluer la qualité et l'exactitude de la traduction des jugements rendus. Bref, le bilinguisme est une composante absolument essentielle du travail des juges.
     Cela dit, il faut admettre que la Cour peut fonctionner de manière juste et efficace, même sans obligation de bilinguisme. Elle le fait avec grand succès depuis des décennies. Cela fonctionne parce que les services d'interprétation et de traduction sur la Colline et à la Cour elle-même sont excellents — il s'agit en effet de gens très talentueux —, mais surtout parce que c'est une cour collégiale. Ils sont neuf autour de la table, et la collaboration entre les juges permet d'éviter les risques d'incompréhension et de malentendu. Cela se fait évidemment sur une base continue. Selon moi, il n'y a pas de risque réel qu'un jugement soit fondé sur une mauvaise compréhension du français ou de l'anglais. Il est très peu probable que cela se produise. Si vous le désirez, nous en parlerons plus tard.
    Toutefois, il faut admettre que cette situation n'est pas optimale. À mon avis, les juges doivent idéalement pouvoir accéder à tous les textes, discussions et représentations sans intermédiaire, qu'il s'agisse d'un interprète, d'un traducteur ou d'un recherchiste. Dans le cas contraire, la Cour est forcée de faire des compromis, des arrangements. Ce n'est pas une situation optimale. Je dirais même qu'à mon avis, le bilinguisme relève de la compétence opérationnelle, c'est-à dire du travail des juges, au même titre que leur connaissance du droit. Nous pourrons y revenir plus tard. Il y aura sans doute des questions sur l'importante portée symbolique de la présence des deux langues et de la connaissance du bilinguisme à la Cour.
    Je vais néanmoins passer à mon deuxième point.
     Une fois établie la prémisse voulant que les candidats doivent être bilingues pour être admissibles à une nomination à la Cour suprême, comment peut-on appliquer ce principe?
     J'ai dit plus tôt qu'il n'était pas souhaitable d'inscrire cela dans la loi, à mon avis, et que l'engagement du premier ministre suffisait.
    Dans le cadre du processus de nomination à la Cour suprême, à l'automne 2016, le premier ministre s'est engagé formellement à faire du bilinguisme une qualification essentielle. On sait que cet engagement a conduit à la nomination du juge Rowe, dont la connaissance du français est, à mon avis, largement suffisante pour lui permettre de s'acquitter des responsabilités dont je viens de faire état.
    Que gagne-t-on de plus en intégrant cette exigence à une loi plutôt qu'en se fondant sur l'engagement formel du premier ministre?
     Il y a d'abord un gain symbolique, qui n'est pas négligeable. Il s'agit d'un geste qui marque l'importance égale des deux langues officielles. Il y a un gain que je qualifierais de stratégique, qui n'est pas négligeable non plus, étant donné qu'un texte législatif est plus difficile à défaire qu'un engagement politique. Cela dit, comme vous êtes tous juristes, dans un sens, vous savez qu'une loi ordinaire peut être répudiée tout autant qu'un engagement politique quand on est prêt à payer le prix politique qui vient avec ce changement législatif.
    Je m'interroge sur le risque découlant de l'insertion dans la loi d'une telle exigence parce qu'un texte législatif impose des conditions qui déterminent la légalité, au sens strict du terme, d'une nomination. Ce n'est probablement pas le cas d'un engagement politique. Toutefois, quand une exigence est insérée dans une loi, on peut exiger qu'elle soit respectée en vertu de la loi.
    Par voie de conséquence, si une loi impose le bilinguisme comme condition de nomination, toute nomination d'un juge à la Cour suprême est susceptible d'être contestée devant les tribunaux. Quelqu'un pourrait en effet alléguer une violation de cette exigence et avancer que, le juge n'étant pas suffisamment bilingue, selon lui, cette nomination devrait être défaite. C'est d'autant plus vrai — et je sais que cette question vous préoccupe — que le bilinguisme n'est pas une notion binaire. On n'est pas bilingue ou unilingue: on est plus ou moins bilingue. Je suis très bilingue. Certains le sont plus que moi et d'autres le sont moins. Ce n'est donc pas un critère facile à gérer devant les tribunaux, une fois le principe établi. On pourra parler plus tard de la manière dont on pourrait le tester. Quoi qu'il en soit, je suis d'avis que ce ne serait pas une très bonne idée de faire figurer ce critère dans la loi.
    C'est une contestation qui comporte un risque bien réel — et nous avons à ce sujet des exemples récents — et qui serait embarrassante pour la magistrature, je crois, humiliante pour le juge concerné, complexe, imprévisible sur les plans factuel et juridique et susceptible d'affaiblir la Cour suprême elle-même. Chaque fois que l'on conteste ces nominations, l'autorité dont la Cour jouit risque d'être affaiblie.
(1210)
     Bref, à mon avis, le gain apporté par l'insertion de cette condition dans une loi serait symbolique et cette stratégie n'en vaut pas la peine.
    Je termine par quelques mots sur une question plus fondamentale, qui appelle des débats plus compliqués. Je l'ai dit, mais vous ne serez peut-être pas d'accord avec moi et vous irez peut-être dans le sens contraire. Vous voudrez peut-être insérer un changement qui contiendrait l'exigence du bilinguisme à la Cour suprême dans une loi ordinaire.
    Qu'arriverait-il, si vous alliez de l'avant? J'ai l'intime conviction qu'on n'échapperait pas à une contestation constitutionnelle de cette loi ordinaire. Quelqu'un porterait cette question devant les tribunaux. On voudrait savoir si l'exigence du bilinguisme requiert une modification de nature constitutionnelle ou non.
    Cela m'amène à mon troisième point. À mon avis, si le Parlement choisissait d'adopter un tel texte législatif, il est à peu près certain que la loi serait contestée devant les tribunaux et, selon moi, il est probable qu'elle serait invalidée. L'imposition d'une telle condition nécessite probablement une modification à la Constitution qui exige l'accord non seulement du Parlement, mais de toutes les provinces. Je vous explique en quelques mots pourquoi.
    Certains experts qui ont comparu devant vous ont affirmé — j'ai été assez étonné de cela, et je le dis en tout respect — qu'ils étaient certains à 100 % que cette initiative n'exigeait pas de modification de nature constitutionnelle. Avec égard, c'est un avis que je ne partage pas. La certitude, dans ce champ, est hors de portée. On est dans les balbutiements de la jurisprudence sur les modifications à la Constitution. Je pense qu'on n'est pas en mesure d'assurer avec certitude qu'une modification n'est pas requise.
    La préoccupation que j'exprime ne constitue ni une prudence excessive ou une frilosité, comme le disait l'un des experts, ni un prétexte pour s'opposer au bilinguisme, que je juge par ailleurs souhaitable à la Cour suprême. Il existe, en fait, des raisons précises et solides de croire qu'un tel changement ne peut être fait sans les accords que je viens d'évoquer.
    Cela s'exprime très simplement. Dans la Constitution, il y a une procédure de modification. L'un des textes importants pour nos fins est l'alinéa 41d) de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce texte prévoit que la modification de la Constitution au chapitre de la composition de la Cour suprême exige l'accord du Parlement et de toutes les provinces. Il faut se demander ce que veut dire la composition de la Cour suprême.
    Il se trouve qu'on a déjà un jugement sur cette question, celui découlant du renvoi sur la Cour suprême relatif à ce que l'on appelle l'affaire Nadon. Je cite le paragraphe 105 de cet avis de la Cour. La question est de savoir ce qu'est la composition de la Cour et s'il faut l'appui unanime du Parlement et des provinces. Qu'est-ce que la composition de la Cour? Voici ce qui est dit:
Les conditions de nomination générales et les conditions de nomination particulières pour le Québec sont des aspects de la composition de la Cour.
    On ne peut pas être plus clair que cela. Pour dire qu'une modification à la Constitution n'est pas requise pour réaliser l'objectif dont on parle ici ce matin, il faut faire fi de ce langage ou, en tous les cas, l'interpréter de façon à en évacuer les éléments importants. La Cour continue:
En conséquence, toute modification importante portant sur ces conditions de nomination constitue une modification de la Constitution portant sur la composition de la Cour suprême du Canada et entraîne l'application de la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982.
    Il s'agit de la règle de l'unanimité.
    Je ne vais pas aller trop loin parce que je veux vous laisser tout le temps pour les questions. Néanmoins, je pense que Sébastien Grammond a présenté un argument intéressant qui restreint de manière assez significative ce qu'on doit entendre par les termes ou le langage de la Cour suprême ici. Je dirais malgré tout que l'avis de la Cour ne comporte aucune restriction aux qualifications. Il est donc certain que cette loi sera contestée sur le fondement du texte que je viens de lire.
    Qu'est-ce qu'une modification importante aux conditions de nomination? À mon avis, les conditions générales de nomination, qui sont déjà dans les articles 4, 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême — le fait d'être un juge ou membre du Barreau depuis 10 ans et les conditions particulières pour les juges qui viennent du Québec — sont clairement enchâssées. Le bilinguisme n'en fait pas partie.
    En terminant, j'ajouterais deux choses. Tout d'abord, l'ajout de conditions peut être une modification. Ce n'est pas parce qu'on ajoute plutôt que de retrancher qu'on n'est pas en présence d'une modification des conditions d'admissibilité à une nomination. Évidemment, si l'on faisait, par exemple, disparaître l'exigence de trois juges issus du Québec à la Cour, on aurait besoin d'une modification de nature constitutionnelle car on aurait retranché une condition de nomination.
    Toutefois, si l'on décidait, pour obtenir l'égalité des sexes sur le banc de la Cour suprême, d'imposer un minimum de quatre juges féminins et de quatre juges masculins, à mon avis, on serait en présence d'une modification importante de la composition de la Cour suprême et cela exigerait le processus de modification dont je parlais.
(1215)
     Il est donc important de voir que d'ajouter des mots ou des termes constitue possiblement une modification qui exige l'appui du fédéral et des provinces.
     J'ajoute — c'est le dernier élément que je voulais souligner — qu'il y a quelque chose de paradoxal dans l'affirmation qu'une modification à la Constitution n'est pas requise. Ce qui anime la volonté d'inclure l'exigence du bilinguisme dans le texte de la loi, c'est l'importance du bilinguisme pour la légitimité de la Cour, son intégrité politique et sa capacité de fonctionner.
    On ne peut pas dire qu'il est absolument fondamental que les juges de la Cour suprême soient bilingues et dire en même temps que ce n'est pas une modification importante à la composition de la Cour suprême. Je pense que ces deux arguments ne peuvent pas être évoqués en même temps.
    En somme, je pense qu'il est essentiel d'exiger le bilinguisme. Je pense que cela peut très bien se faire par un engagement politique comme celui qu'on connaît maintenant, mais il me semble dangereux de le faire par voie législative pour les raisons que j'ai exposées. Je pense qu'on est ici en présence d'une manifestation de ce qui préoccupait Montesquieu quand il écrivait « le mieux est le mortel ennemi du bien ».
(1220)

[Traduction]

    Laissez les choses comme elles sont.

[Français]

    Je pense que tout le monde s'en portera beaucoup mieux.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Jutras.
    Nous allons maintenant procéder à la période de questions, réponses et commentaires.
    Monsieur Généreux, vous avez la parole.
    Monsieur Jutras, je vous remercie de votre présence.
     Vos propos sont de la musique à mes oreilles. Je vais m'attarder particulièrement à l'argumentaire. Vous avez analysé les débats qui avaient eu lieu jusqu'à maintenant. Vous avez sûrement pris connaissance de mes interventions sur la question du bilinguisme fonctionnel. Pour moi, cela n'a ni queue ni tête.
    On ne peut pas être contre la vertu, tout le monde est de cet avis, cela fait l'unanimité. Nous sommes tous convaincus que les juges doivent être bilingues. Il n'y a aucun problème à cet égard, mais l'enchâsser dans la loi...
    Excusez-nous, mais on nous annonce que nous devons aller voter à la Chambre. Je dois donc obtenir le consentement unanime pour que nous puissions continuer quelques minutes encore.
    Je n'ai pas entendu de cloche.
    Par contre, les lumières ont clignoté il y a quelques secondes.
    Ce n'était peut-être qu'un test.
    Vous pouvez continuer, monsieur Généreux.
    Le bilinguisme fonctionnel, tel que décrit par certains, est un concept qui n'a pas de sens, à mon avis. On est bilingue ou on ne l'est pas.
     Inévitablement, comme vous le disiez plus tôt, il y a plusieurs niveaux de compétence dans les deux langues à l'intérieur d'une strate. Alors, il n'est pas facile d'apporter une modification ou de l'enchâsser dans une loi.
    J'aime beaucoup votre argumentaire. On ne peut pas dire une chose et son contraire, en fait. Pourriez-vous en dire plus à cet égard?
    Je pense que nous sommes du même avis, mais en ce qui a trait aux compétences dans les deux langues, je suggère une gradation. Ce n'est pas binaire, ce n'est pas simplement oui ou non. Par exemple, j'essaie d'apprendre l'italien, ces jours-ci et ce n'est pas facile. Je ne suis pas du tout bilingue en ce qui a trait à l'italien, mais je le suis en ce qui a trait à l'anglais. C'est difficile à mesurer. Il est difficile de mesurer cette capacité relativement à un exercice législatif ou à une contestation judiciaire.
    Permettez-moi de vous interrompre. Si on se fie aux tests qu'on nous a présentés ou aux questions qui sont posées aux candidats, il n'est pas nécessaire d'avoir une très bonne connaissance de l'autre langue pour y répondre.
    Je pense que c'est important. Mesurer le bilinguisme se fait par des tests. Des experts linguistes peuvent mesurer cela par des tests, mais je ne suis pas certain qu'une nomination aussi importante que celle d'un juge à la Cour suprême devrait être décidée par le degré de bilinguisme de l'individu. Le fait que la possibilité d'accéder à la Cour suprême soit déterminée par un échec à un test que l'on administre maintenant à des fonctionnaires ou à des hauts fonctionnaires au fédéral est un peu affolant.
    En fait, l'apprentissage de la langue est inévitablement continuel.
    C'est exact.
    L'important pour moi — c'est ce qu'on veut dire par « bilinguisme fonctionnel » — est qu'on maîtrise suffisamment les deux langues pour faire le travail. C'est toujours mesuré de manière fonctionnelle, c'est-à-dire en fonction de la tâche à accomplir.
    À mon avis, un haut niveau de compétence dans les deux langues est requis. Je vous ai décrit un peu de quoi on parle. Il faut lire des textes complexes. Il faut interagir avec des gens très intelligents dans une autre langue, ce qui demande une compétence avancée dans les deux langues.
(1225)
     Supposons que les juges de la Cour suprême doivent parler de questions liées au nucléaire ou aux conditions de fin de vie. La terminologie dans chaque domaine, que ce soit celui de l'électricité ou n'importe quel autre, est extrêmement complexe et comporte un vocabulaire précis.
    Vous parliez, plus tôt, de la qualité des traducteurs et des interprètes qui travaillent sur la Colline. Même si les juges étaient totalement bilingues, nous continuerions quand même à avoir besoin de leurs services.
    Oui.
    Tout l'appareil gouvernemental et juridique a inévitablement besoin de cela.
    C'est exact. Je crois qu'il faut que ce service soit disponible. Le pire cas de figure auquel on puisse penser est celui d'un juge qui ne serait pas bilingue et qui ne porterait pas l'oreillette de crainte que quelqu'un s'en aperçoive, car le fait de porter l'oreillette signifierait qu'il n'est pas bilingue et qu'il n'a pas les compétences voulues. C'est une situation qui serait un peu malheureuse.
    Cela dit, je veux revenir à quelque chose que j'ai dit et auquel je crois vraiment. Il y a des éléments importants à considérer dans le cadre des nominations, que ce soit la représentation de la diversité de la population canadienne ou autre. Il faut toujours faire des choix parce que personne ne possède toutes les qualités requises. Il y a donc un ordre de priorité. Selon moi, parmi les qualifications autres que la connaissance du droit, le bilinguisme en est une qui est primordiale. C'est une capacité opérationnelle. Elle permet de fonctionner au sein de la Cour. Je l'ai dit et je le répète: la Cour fonctionne en ce moment, même s'il y a eu, ces dernières années, des juges unilingues. Ils sont neuf à siéger. Il n'y a pas un juge qui se retrouve assis tout seul et qui ne comprenne rien de ce qui se passe. Cela n'arrive pas. Il y a toujours un certain niveau de compréhension.
    Je vais vous poser une question. Supposons que nous exigions, par l'entremise d'une loi, que tous les juges de la Cour suprême soient bilingues. Croyez-vous qu'un jour nous pourrions aussi demander à ce que l'ensemble des parlementaires soient bilingues? Pourrions-nous en venir à cela parce que nous avons imposé cette exigence à la Cour suprême?
    Bien franchement, je ne crois pas pouvoir répondre à cette question. C'est vous qui connaissez votre boulot et les considérations politiques qui y sont rattachées.
    Je viens d'ouvrir une porte et je peux la refermer tout de suite.
    Merci beaucoup, monsieur Généreux.
    Nous passons à M. Paul Lefebvre.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Jutras, d'être parmi nous. J'ai consulté votre note biographique et je vous félicite de votre parcours.
    Il y a plusieurs éléments qui m'intriguent et m'intéressent. Comme vous le savez, l'accès à la justice dans les deux langues officielles est primordial, à tout le moins pour moi. Il faut pouvoir se présenter en cour et savoir que le juge qui est devant nous peut nous comprendre dans la langue de notre choix, surtout à la Cour suprême du Canada, la plus haute instance dans un pays bilingue.
    Votre parcours vous a amené à la Cour suprême. Vous avez travaillé avec la juge en chef Beverley McLachlin comme...
    J'étais adjoint exécutif juridique.
    ... adjoint exécutif juridique de la Cour suprême. Vous avez dit que tout se passe dans les deux langues lorsque les juges se rencontrent et lors de leurs discussions. Selon votre expérience et pour bien comprendre, si quelqu'un se présente à la Cour suprême et dépose un mémoire en français alors que le juge est unilingue anglophone — parce qu'il y en a eu par le passé et même durant les années où vous y étiez —, il n'y a pas de traduction.
    Il n'y a pas de structure officielle de traduction.
    Ils ne peuvent donc pas demander au service de la traduction de traduire le mémoire pour eux.
    Bien franchement, bien candidement, je l'ignore. Je n'ai pas travaillé au sein des cabinets internes de ces juges. Je ne sais pas comment ils accèdent à l'information.
    Les juges de la Cour suprême se rencontrent tous les jours pour discuter des jugements — j'ai vu la table où ils s'assoient, c'est vraiment spécial. Comment savons-nous que le sujet d'une cause présentée en français est discuté en français lorsqu'il y a un juge unilingue anglais à la table?
    Je l'ignore parce que, encore une fois, quand ils sont assis autour de la table, ils sont entre eux. Personne d'autre n'entre dans la salle, alors je l'ignore. Je dirais que, ces dernières années, il y a eu certainement une transformation sur ce plan. J'ai vu d'autres situations où, lors de conversations entre juges, on alterne entre le français et l'anglais parce que beaucoup de juges parlent maintenant français. Les juges québécois, évidemment, parlent tous anglais. D'ailleurs, c'est un élément intéressant. On n'imaginerait pas qu'un juge francophone unilingue soit nommé à la Cour suprême. Alors, c'est peut-être un aspect auquel il faudrait réfléchir.
    Certainement.
    J'évoquais tantôt les conversations parce que, évidemment, quand le juge est unilingue anglophone, il est plus difficile d'avoir une conversation en français au sujet d'un dossier soumis en français.
(1230)
     La question primordiale est de savoir si le justiciable francophone qui se présentera devant la Cour sera compris par quelqu'un. Il devra évidemment avoir recours aux services de traduction et d'interprétation. Je suis d'accord avec vous, ces services sont excellents. Cependant, avec l'interprétation simultanée, il est plus difficile de bien comprendre l'argument qui est exprimé. Selon moi, cela cause un préjudice au justiciable, surtout à la Cour suprême du Canada.
    C'est une question qui est à la fois symbolique et pratique.
    Si on s'intéresse à l'aspect symbolique, que ce soit réel sur le terrain ou non n'a aucune importance. Si vous êtes préoccupés par l'aspect symbolique, on doit régler cela.
    Se préoccuper de l'aspect concret et pratique veut dire se demander s'il peut y avoir de l'incompréhension qui ferait en sorte qu'un individu serait privé de l'accès à la justice. Personnellement, cela ne m'inquiète pas beaucoup.
    Il y a neuf juges autour de la table. Vous, qui travaillez au Parlement, avez des interprètes et vous travaillez au sein d'un comité parlementaire. Il y a peut-être des gens au sein de la Chambre des communes qui ne sont pas parfaitement bilingues. J'imagine que c'est le cas. Parfois, des interventions sont faites en français et elles sont traduites. Si un de vos collègue disait que ce que quelqu'un venait de dire était effrayant, vous répondriez que ce n'était pas exactement cela qu'il avait dit. C'est exactement ce qui se passe à la cour.
    Il y a neuf juges autour de la table et ils se parlent. La possibilité qu'un juge unilingue anglophone qui a entendu parler d'un dossier en français rédige le jugement et commette une erreur fondamentale est nulle. Parlons-nous franchement, cela est impossible.
    Vous pensez que le fait qu'il y ait neufs juges offre une protection.
    Oui, c'est cela. Cependant, j'ajoute tout de suite que ce n'est pas idéal. C'est avec cela que j'ai commencé.
    L'idéal serait que tout le monde ait accès à l'information directement, sans intermédiaire.
    Vous nous dites que cette qualification n'a pas besoin d'être écrite dans la loi. Si nous l'inscrivons dans une loi, cela peut être un changement à la Loi sur la Cour suprême. Vous croyez qu'il faut une modification à la Constitution pour faire en sorte que les juges à la Cour suprême du Canada soient bilingues. Vous avez également dit que nous devons choisir entre la Loi sur la Cour suprême et la Loi sur les langues officielles et que cela peut être modifié plus tard par le Parlement et que, pour cette raison, cela ne vaut pas vraiment la peine.
    En même temps, notre gouvernement, notre premier ministre, a dit vouloir faire en sorte que les juges soient bilingues. Il l'exige donc. Cela pourrait changer en 2019 si un autre gouvernement était élu et ne trouvait pas que cette qualification était importante.
    Oui.
    On pourrait penser que le plus important serait qu'il y ait autant de candidats de sexe féminin que de sexe masculin. Un nouveau gouvernement pourrait vouloir une Cour suprême du Canada complètement unilingue, en français ou en anglais. La capacité du justiciable de se faire entendre dans sa langue officielle ne serait plus une priorité.
    C'est exact.
    Merci, monsieur Lefebvre.
    Monsieur Choquette, vous avez la parole.
    J'apprécie vos commentaires, monsieur Lefebvre, ils sont très pertinents.
    Monsieur Jutras, merci beaucoup d'être ici.
    Vos arguments sont très bons, mais je suis en désaccord avec vous en ce qui a trait à ceux de la fin. J'approuve tous les autres à 100 %. Je ne partage pas votre avis pour certaines choses, mais rien n'est parfait.
    Le problème de l'engagement politique est également qu'un gouvernement peut prendre un engagement politique, commencer à le respecter et changer d'idée pour différentes raisons à un certain moment. Le gouvernement actuel s'est engagé à faire une réforme électorale, par exemple, mais il ne l'a pas fait. Le gouvernement s'est engagé à nommer un ou une commissaire aux langues officielles dans le cadre d'un processus transparent et impartial, ce qui n'a pas été le cas.
    Par ailleurs, avez-vous donné des conseils au gouvernement relativement à sa position?
    Ai-je personnellement conseillé le gouvernement?
    Oui, l'avez-vous personnellement conseillé?
    Non, pas du tout.
    Connaissez-vous des gens qui ont conseillé le gouvernement relativement à une modification de la loi ou à un amendement?
    Me demandez-vous si je sais de qui il s'agit?
    Oui.
    Non, je ne le sais pas du tout.
    Je me pose cette question et j'ai déjà demandé au gouvernement d'où provenaient ses avis juridiques.
    Je l'ignore.
    Moi aussi et c'est un gros problème. J'ai posé la question à plusieurs reprises déjà. Nous n'avons pas d'avis juridique clair. Je pensais que vous leur aviez peut-être donné un avis juridique.
(1235)
    Non, je vous l'aurais dit.
    C'est pourquoi je vous le demande. Cela m'aurait aidé à comprendre d'où proviennent les avis juridiques.
     Non.
    Écoutez, je ne sais pas de qui il s'agit, j'en ai aucune idée. C'est probablement un constitutionnaliste canadien.
    Moi, je ne suis pas un expert, je suis un « groupie » de la Cour suprême plutôt qu'un expert du droit constitutionnel. Alors, ce n'est pas moi qu'on consulterait sur une question comme celle-là.
     Vous n'avez pas parlé de renvoi à la Cour suprême pour justement déterminer si la nomination des juges bilingues serait constitutionnelle ou non.
    Cela ferait-il partie de votre projet de demander au gouvernement de demander un renvoi à la Cour de cette question?
    Tout d'abord, je n'ai pas de projet à ce sujet.
    Non, mais pensez-vous que ce serait une bonne idée?
    C'est une solution, mais ce n'est pas nécessairement une bonne idée.
    Il faut distinguer deux choses: la contestation de la nomination d'un juge en particulier, ce n'est pas la même chose que la contestation de la loi qui modifierait, par une loi ordinaire, cette exigence de nomination.
     La contestation de la nomination d'un juge en particulier — on a vu cela une fois dans l'affaire Nadon — a été contournée. On a beaucoup accéléré le processus en faisant un renvoi. Autrement, il aurait fallu que cela monte de la cour de première instance à la Cour d'appel jusqu'à la Cour suprême. Cela aurait pris un temps énorme. Ici, c'est le texte de la Loi sur la Cour suprême qui était l'objet de l'ambiguïté, et la Cour a été invitée donner un avis à ce sujet par un renvoi.
    Est-ce une bonne idée de faire un renvoi? Je ne sais ce que la Cour suprême en pense. Évidemment, je ne suis pas dans la tête des juges. De mon point de vue, un renvoi à la Cour suprême sur des éléments qui touchent la Cour suprême met celle-ci dans une position qui n'est pas confortable.
     Monsieur Jutras, malheureusement, c'est tout le temps dont je dispose. Je pourrais discuter avec vous pendant des heures, c'est un dossier qui me passionne. Nous aurions pu parler des conditions essentielles et non essentielles à une modification de la Constitution, mais je n'en ai pas le temps présentement.
    Je vais donc déposer ma motion. J'en ai déjà fait préavis le vendredi 26 mai 2017. Elle va comme suit:
Que le Comité, avant de présenter son rapport à la Chambre sur la nomination de Madeleine Meilleur, invite les personnes suivantes afin de mieux comprendre le processus de nomination du Commissaire aux langues officielles :

1. La présidente de la FCFA;
2. Michel Doucet;
3. Le responsable du processus de sélection de Boyden;
4. Le sous-ministre de Patrimoine canadien;
5. Mathieu Bouchard;
6. Gerry Butts;
7. Rémi Leger;
8. Sous-ministre de la Justice;
9. La dirigeante principale des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor;
10. La sous-secrétaire du cabinet du Bureau du Conseil privé (BCP).
    Si je dépose cette motion, c'est que, comme vous le savez, le Comité permanent des langues officielles doit prendre une décision au sujet de la nomination de Madeleine Meilleur, qui a été proposée par le gouvernement comme future commissaire aux langues officielles. Par conséquent, notre décision doit être prise à la suite d'une grande réflexion, avec une grande transparence, et il faut nous assurer que nous n'allons pas commettre une erreur très grave en appuyant la nomination de Madeleine Meilleur au poste de commissaire aux langues officielles.
     Madeleine Meilleur s'est présentée devant nous lors de notre dernière réunion, et nous lui avons posé quelques questions. Les réponses que nous avons reçues nous préoccupent beaucoup, parce qu'il semble y avoir des contradictions dans ce qu'elle a révélé. Par exemple, elle a dit qu'elle n'était plus membre du Parti libéral depuis quelque temps. La dernière réponse qu'elle nous a envoyée fait état d'avril 2017. C'est récent comme date, c'est comme si c'était hier. Nous pouvons même nous demander depuis quelle date, en avril 2017, elle n'en est plus membre.
    Une voix: Le 7 avril.
    M. François Choquette: Bon, c'était le 7. Voilà.
    Il y a autre chose. Nous avons parlé de la dernière fois qu'elle a rencontré le premier ministre. Sa réponse était également assez nébuleuse, nous ne savions pas exactement quoi en penser. À cet égard, nous avons eu une réponse. J'avais cru comprendre qu'elle avait rencontré le premier ministre durant la campagne électorale. J'ai peut-être mal compris. C'est pour cela que nous nous sommes demandé si c'était à l'occasion d'une activité de financement. Lorsqu'elle nous a donné sa réponse, elle a plutôt mentionné que c'était lors d'un événement qui a eu lieu en 2014, si ma mémoire est bonne. Alors, je me pose de sérieuses questions au sujet de la comparution de Madeleine Meilleur.
    Comme vous le savez, il y a présentement une controverse qui n'a pas de cesse. Chaque jour qui passe, un nouvel élément s'ajoute, un nouveau groupe ajoute sa voix à celles de ceux qui s'interrogent au sujet de la nomination de Madeleine Meilleur. Récemment encore, la FCFA a rencontré tous ses membres qui ont demandé ce qui se passait en ce qui concerne cette nomination. Les membres de la FCFA n'ont pas réussi à s'entendre unanimement sur le choix de Madeleine Meilleur. Il y a donc une division en ce qui touche le processus suivi qui soulève beaucoup d'interrogations.
    Encore récemment, le Quebec Community Groups Network, ou QCGN, a également envoyé une lettre pour mentionner qu'il s'interrogeait beaucoup quant au processus de nomination. Est-ce que Mme Meilleur va être assez éloignée du premier ministre, assez éloignée du gouvernement, pour pouvoir prendre des décisions de manière impartiale et équitable? J'ai de gros doutes à cet égard.
    Tout cela, c'est sans mentionner la sortie dans les médias de M. Michel Doucet. Je crois que vous avez tous eu connaissance de cette sortie dans les médias et que vous êtes tous tombés en bas de votre chaise, tout comme moi.
(1240)
     M. Doucet s'est fait dire, après avoir suivi tout le processus, que si on n'est pas assez près du gouvernement libéral, il n'y a aucune chance d'être nommé commissaire aux langues officielles. C'est plus que scandaleux. C'est absolument incroyable d'entendre cela.
     Nous parlons d'un poste de la plus haute importance au sein du gouvernement, et des plus hautes instances du gouvernement. Nous apprenons qu'il faut être près de la garde rapprochée du premier ministre pour espérer y accéder. Il faut rencontrer Gerald Butts et Katie Telford pour obtenir le poste de commissaire aux langues officielles. Il y a un bris de confiance relativement au processus. Ce processus est mis en doute, non seulement par les partis de l'opposition — ce ne sont pas seulement les partis de l'opposition qui le mettent en doute —, mais également...
    Monsieur Choquette...
    Oui? Je n'ai pas tout à fait fini de présenter mes arguments.
    Je vous écoute, mais j'ai des questions à vous poser.
    Oui, monsieur le président.
    Vous voulez me poser des questions. Je vous écoute.
    Je me pose des questions quant à la recevabilité de votre motion. Je m'explique.
    Vous y indiquez: « [...] afin de mieux comprendre le processus de nomination du Commissaire aux langues officielles ».
    Vous parlez du processus de nomination. Si je me réfère au paragraphe 111(2) du Règlement, il est dit: «  Le comité, s'il convoque une personne nommée ou dont on a proposé la nomination conformément au paragraphe (1) du présent article, examine les titres, les qualités et la compétence de l'intéressé et sa capacité d'exécuter les fonctions du poste auquel il a été nommé ou auquel on propose de le nommer. »
    Vous avez raison, monsieur le président, mais...
    Permettez-moi de compléter mon explication.
    Oui, monsieur le président.
    Étant donné cet article du Règlement et le libellé de votre motion, je m'interroge sur la recevabilité de celle-ci. C'est pourquoi je veux savoir ce que tous mes collègues ici présents en pensent.
    Je comprends, monsieur le président.
    Puis-je seulement mentionner quelques mots au sujet de la recevabilité, monsieur le président?
    Oui, je vous écoute.
    En ce qui concerne la recevabilité, je suis d'accord sur le fait que nous pouvons changer le libellé, si c'est l'aspect de la nomination qui pose problème. Je parle du libellé que vous avez mentionné, de ce que vous avez lu concernant la candidate, et de la situation qui nous occupe. Dans le fond, c'est ce que je mentionnais, soit que la question se pose pour savoir si, justement, la candidate Madeleine Meilleur n'est pas trop proche des personnes haut placées et de la garde rapprochée des libéraux pour avoir cette distance requise afin de prendre des décisions équitables, impartiales et transparentes.
    Je donnais comme exemple le fait que moi-même et d'autres citoyens canadiens avons déposé une plainte contre le premier ministre — imaginez-vous —, parce qu'il n'a pas respecté la Loi sur les langues officielles. Le Bureau du Conseil privé, par l'entremise du premier ministre, n'a pas respecté la Loi sur les langues officielles. C'est la commissaire par intérim qui a déposé un rapport à ce sujet.
     Lorsqu'il y a eu une consultation pancanadienne en Ontario, il n'a pas voulu répondre en français aux Franco-Ontariens. Dans la région de Sherbrooke...
(1245)
    Je suis prêt à vous écouter sur la recevabilité. Vous m'avez demandé de faire des commentaires sur la recevabilité, monsieur Choquette. Je suis prêt à vous entendre, parce qu'il faut que je décide, dans un premier temps, si votre motion est recevable ou pas.
    Oui, monsieur le président.
    C'est pourquoi je vous demande, dans un premier temps, à vous et aux collègues ici présents, d'indiquer pourquoi cela serait recevable et pourquoi cela ne le serait pas.
    C'est ce que j'étais en train de mentionner. En ce qui concerne la compétence et l'impartialité de Madeleine Meilleur, nous avons tous indiqué qu'elle avait toutes les compétences requises, sauf celles qui sont nécessaires, soit l'impartialité et une indépendance face au gouvernement.
    De plus, nous avons appris aujourd'hui qu'elle a quitté les rangs du Parti libéral le 7 avril 2017. C'était hier, monsieur le président. C'est pourquoi je crois que cette motion est recevable, afin que nous puissions étudier et mieux comprendre comment Madeleine Meilleur est trop près du Parti libéral. Par conséquent, nous devons étudier cela.
    C'est pourquoi il serait pertinent de rencontrer toutes les personnes mentionnées dans ma motion.
     Vous avez la parole sur la question de la recevabilité, madame Boucher.
    Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, je pense que cette motion se veut transparente et qu'elle est recevable. On nous a toujours dit que les nominations seraient faites de façon transparente. Plus nous en apprenons sur cette nomination, moins elle nous semble transparente. Comment cela se fait-il que certains candidats aient eu accès à Gerald Butts?
    Madame Boucher, vous me parlez du processus. Je vous réfère encore une fois au paragraphe 111(2) du Règlement, qui prévoit qu'un comité doit examiner les titres, les qualités et les compétences de la personne intéressée ainsi que sa capacité de remplir les fonctions du poste qu'elle convoite.
    Exactement.
    Mme Meilleur a peut-être les compétences, mais elle n'a pas tout ce qu'il faut pour être impartiale. L'impartialité lui fera défaut. Quand elle va témoigner devant notre comité, ou encore quand elle va produire de beaux rapports, tous les membres de l'opposition vont se demander au nom de qui elle parle: au nom du Parti libéral ou en son nom? Elle est rattachée depuis longtemps au Parti libéral. Arrêtons de nous faire des illusions. Elle a été ministre au sein du gouvernement libéral de l'Ontario, elle a donné de l'argent au Parti libéral fédéral et aux organisateurs de la course au leadership du premier ministre, le très honorable Justin Trudeau. Va-t-on nous faire croire qu'elle serait impartiale à un poste qui se veut apolitique?
    Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, il faut débattre cette motion ici. C'est notre comité qui est responsable des langues officielles et de leur gestion. Si les libéraux, de l'autre côté de la table, ont au moins le souci de défendre leur langue, comme nous le faisons depuis le début, ils en conviendront. Notre comité est l'un des plus beaux que la Chambre des communes puisse avoir. Ces gens-là se sont battus depuis le début pour les vraies affaires, mais qu'ils le fassent en leur nom, mais pas au nom du gouvernement libéral.
(1250)
    Nous passons maintenant à Mme Lapointe.
    Je demande que le débat soit ajourné.

[Traduction]

    J’invoque le Règlement. Je ne pense pas que la motion est recevable parce que nous ne débattions pas de la motion en tant que telle. Nous débattions de l’admissibilité de la motion. Par conséquent, nous n’étions pas, en fait… Si nous avions débattu de la motion, Mme Boucher aurait pris la parole avant Mme Lapointe. Nous discutons de l’admissibilité de la motion, et non de la motion en tant que telle. Je ne crois donc pas que nous puissions ajourner le débat tant que Mme Boucher…

[Français]

    Si vous me permettez, je vais suspendre la séance pendant quelques minutes. Je veux juste consulter Mme la greffière, avec votre permission.
(1250)

(1250)
    Après vérification, il semble que la motion d'ajournement du débat est admissible à ce moment-ci. Je vais donc mettre la motion aux voix.
     Monsieur le président, je demande un vote par appel nominal, s'il vous plaît.
    Ce sera un vote par appel nominal. Il n'y a pas de problème.
    Que le débat soit ajourné.
    Que le débat soit ajourné ou que la séance soit ajournée?
    Que le débat sur la motion soit ajourné.
    Le reste demeure à l'ordre du jour.
    Nous pouvons retourner aux témoins.
    On me dit que nous ne pouvons pas en discuter.
    (La motion est adoptée par 5 voix contre 4. [Voir le Procès-verbal])
    Nous revenons à l'ordre du jour.
    Monsieur Choquette, il vous reste à peu près trois minutes.
    Il était rendu à 15 minutes.
    Non.
    Il vous reste trois minutes pour discuter avec le témoin, monsieur Choquette.
    Monsieur Jutras, je suis content de revenir et que vous ne soyez pas parti.

[Traduction]

    Je suis heureux de vous revoir.

[Français]

    Je vais vous poser une question. Nous avons des experts, des constitutionnalistes, MM. Benoît Pelletier et Sébastien Grammond, qui ne sont pas de votre avis. Ils disent de façon claire et nette que nous pouvons modifier certains aspects de la nomination des juges à la Cour suprême, mais pas tous. Certains aspects sont essentiels. Ils sont énumérés et très clairs. Par exemple, dans l'arrêt Nadon que vous avez mentionné tout à l'heure —  je l'ai étudié également —, il est dit spécifiquement que les juges qui se sont prononcés sur cette affaire ne se prononçaient pas sur d'autres aspects; n'est-ce pas?
    Je vais reprendre l'argumentaire de Benoît Pelletier: il demandait aux membres du Comité si le fait de nommer un juge unilingue anglais était une condition essentielle.
    Que répondez-vous à cela?
(1255)
    C'est une question délicate.
    Le fait qu'il y ait désaccord entre ces deux experts constitutionnalistes — que je respecte beaucoup — et moi laisse entendre qu'une contestation serait inévitablement portée devant les tribunaux, car ce n'est pas une question tranchée.
     Je vous avoue que je suis extrêmement étonné que Benoît Pelletier soit certain à 100 % que cela n'exige pas une modification de nature constitutionnelle. Je comprends l'argumentaire de Sébastien Grammond un peu différemment. Je pense que son analyse est un peu plus nuancée et qu'il suggérait, devant vous, qu'un renvoi à la Cour suprême pourrait être une façon de tester cette question.
    Alors, la réponse courte à votre question est que, à mon avis, il y a dans le jugement dans l'affaire Nadon, dans le renvoi, l'énoncé que vous avez évoqué. Comme elle le fait chaque fois qu'il y a un renvoi, la Cour a dit qu'elle ne se prononçait pas au-delà de la question qui lui avait été posée.
    Par ailleurs, il y aussi des termes extrêmement clairs de la Cour qui lient la composition de la Cour — un des éléments sur lequel une modification de nature constitutionnelle est requise — aux conditions d'admissibilité à une nomination à la Cour suprême.
    Nous ne pouvons alors pas faire fi du langage complètement et dire que ce n'est pas écrit. Il faut donner un sens à ce qui est écrit. C'est ce que fait Sébastien Grammond. Je pense qu'il vous a dit qu'il faut lire cela dans le contexte particulier du renvoi et que cela vise donc les conditions qui touchent le Québec et la représentation des juges du Québec à la Cour suprême. Cependant, même Sébastien Grammond va un peu plus loin en disant qu'il y a peut-être d'autres conditions de nomination qui sont essentielles au fonctionnement de la Cour suprême.
    Alors, je vous pose la question inverse. Imaginons que nous ajoutons des conditions de nomination et que nous exigeons, par exemple, qu'il y ait, à tout moment parmi les neuf juges de la Cour suprême, un juge autochtone et deux juges minoritaires qui représentent les communautés culturelles et les minorités visibles au Canada. Je suis absolument convaincu que de faire un exercice comme celui-là exigerait une modification à la Constitution, que cela touche la composition de la Cour.
    C'est ma réponse. C'est une question difficile.
     Il me reste peu de temps de parole, je vais m'arrêter ici.
    Merci.
    Nous passons rapidement au dernier intervenant, M. René Arseneault.
    Je vais continuer sur la lancée de M. Choquette.
    Quand je lis le paragraphe 105 de la décision, en tout cas celle que j'ai devant moi, parce que tantôt vous avez cité un article et...
    C'est un paragraphe de l'avis de la cour.
    Oui, cela ne concordait pas avec celui que j'ai devant moi, mais ce n'est pas grave.
    Comme j'ai très peu de temps, je vais citer très brièvement celui que j'ai ici, de la Cour suprême: « Toute modification importante portant sur ces conditions [...] ».
    Oui.
    On parle des articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême.
    Non, pas dans le même paragraphe.
     Non, mais c'est de cela qu'il est question. Je ne veux pas argumenter, parce que je n'ai que deux minutes.
    Êtes-vous d'avis que la Cour suprême était vraiment en train de dire que toute modification, peu importe laquelle, nécessite une modification à la Constitution?
    Non. Entendons-nous, là.
    D'accord. Merci, c'est tout ce que je voulais savoir. Je n'ai que deux minutes.
    Écoutez, si vous ne voulez pas...
    Je sais, mais mettez-vous à ma place. M. Choquette a pris tout mon temps de parole.
    La Cour dit — vous avez le paragraphe devant vous...
    Oui.
(1300)
    Laissez-moi deux secondes pour vous répondre: « Toute modification importante [...] »; on ne parle pas de n'importe quelle modification.
    On dit «  portant sur ces conditions de nomination ».
    Oui, « ces conditions »; il est question des articles 4, 5 et 6. Ajouter quelque chose aux articles 4, 5 et 6, c'est les modifier.
    Exactement, je suis d'accord avec vous.
    Nous sommes d'accord.
    C'est très clair et j'apprécie la clarté avec laquelle vous expliquez votre position. Vous prétendez qu'un engagement politique en ce sens est plus efficace que de prendre le risque de faire face à une contestation judiciaire.
    Croyez vous que même la position du gouvernement actuel pourrait être contestée en cour? Je veux dire le fait d'exiger, même sous une forme non législative, seulement à la demande du gouvernement ou sur une plateforme électorale, une modification aux articles 4, 5 et 6?
    C'est possible. Ce serait moins solide, je pense, comme argument.
    Pourquoi serait-ce moins solide?
    Parce que c'est une déclaration de nature politique, qui n'est pas nécessairement assujettie au contrôle des tribunaux. C'est une question de justiciabilité.
    Cependant, en pratique, c'est la même chose pour le contestataire. Moi, je suis unilingue anglophone ou unilingue francophone, j'ai le curriculum qu'il faut et je veux être nommé à la Cour suprême du Canada, mais avec l'engagement ou la plateforme électorale du gouvernement en place, je ne peux pas. Alors je conteste.
    Oui.
    L'effet est le même, non?
    Vous voulez une réponse courte, c'est oui.
    Même cela, c'est susceptible d'être contesté en cour.
    C'est exact.
    Me reste-t-il du temps de parole, monsieur le président?
    Non, c'est tout.
    Merci beaucoup.
     Monsieur Jutras, je vous remercie pour la clarté de votre exposé, c'était tout à fait opportun. Je pense que tous les membres du Comité seront d'accord avec moi.
    Avant que la réunion se termine, j'aimerais mentionner aux membres du Comité que j'ai demandé à Mme la greffière de mettre à l'ordre du jour de jeudi prochain « Travaux du comité » en séance publique. Nous poursuivrons nos discussions sur la motion de M. Choquette.
    Merci, monsieur le président.
    La séance est levée.
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