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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 141 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 avril 2019

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Français]

    Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous poursuivons l'étude de la mise au point sur la francophonie canadienne.
    J'ai le plaisir d'accueillir Mme Dyane Adam, présidente du Conseil de gouvernance de l'Université de l'Ontario français. Mme Adam est avec nous par vidéoconférence.
    Bienvenue parmi nous, madame Adam.
    Comme je le mentionnais, un vote est prévu pour 11 h 50 environ. Nous aurons donc une demi-heure et, ensuite, nous allons suspendre la session pour aller voter. Si vous voulez commencer immédiatement, madame Adam, nous vous écoutons.
    D'abord, merci de m'avoir invitée de nouveau à comparaître devant votre comité.
    J'avais prévu une petite présentation. Comme nous n'avons qu'une demi-heure, j'aimerais laisser plus de temps aux membres du Comité pour poser des questions. Je vais essayer de raccourcir un peu ma présentation, qui se voulait courte de toute façon.
    En fait, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis ma dernière comparution en décembre dernier. J'aimerais aujourd'hui répondre à deux questions.
    La première est celle-ci: où en est l'Université de l'Ontario francophone, ou UOF? Grâce à l'appui du gouvernement fédéral et au financement accordé au développement du projet lié au Carrefour francophone du savoir et de l'innovation, en janvier dernier, nous avons réussi à faire plusieurs choses. J'aimerais en signaler quelques-unes.
    D'abord, nous avons pu maintenir et enrichir notre équipe, poursuivre nos activités et mettre en branle un des chantiers majeurs, notamment le projet du Carrefour, qui est essentiellement le campus permanent de l'Université. Nous réexaminons notre modèle d'affaires à la lumière des priorités gouvernementales actuelles de la province de l'Ontario. Nous avons engagé une conversation soutenue avec des acteurs clés de tous les ordres de gouvernement.
    À la suite d'un appel de qualification, nous avons trouvé un partenaire du secteur privé compétent et désireux de participer au projet d'immobilisations du Carrefour. Nous avons relevé des emplacements ou des propriétés d'intérêt pour l'UOF, à Toronto, dont disposent différents ordres de gouvernement. Je reviendrai à cela plus tard.
    Dès cet été, nous allons lancer une école d'été avec l'aide de la quinzaine de partenaires du Carrefour. Il s'agit de jeter les bases des connaissances communes et du modèle de mobilisation des connaissances à privilégier au sein du Carrefour. Rappelons que le Carrefour n'est pas strictement une colocation de groupes ou d'établissements francophones ni de groupes communautaires. Il s'agit de créer et d'instaurer dans le Carrefour un modèle unique, adapté et avant-gardiste de mise en commun de savoirs, de pratiques, de services et d'infrastructures afin de faire de la francophonie torontoise et régionale une communauté connectée, solidaire, efficiente et prospère.
    Nous avons obtenu, la semaine dernière, notre désignation de l'Agence du revenu du Canada comme organisme de bienfaisance enregistré. Par conséquent, nous nous employons à rechercher du financement diversifié et, plus précisément, nous lancerons une campagne de financement dans les mois à venir. Nous poursuivons bien sûr notre travail avec nos multiples partenaires en éducation bilingues et de langue française, en Ontario et ailleurs au pays, pour les mettre à contribution à titre d'experts-conseils ou dans une démarche d'activités de recherche, de formation et d'apprentissage. D'ailleurs, certaines universités contribuent directement à la poursuite de la mission de formation de l'Université en nous prêtant gratuitement, pendant un an, un effectif universitaire, le temps pour nous de sortir de notre impasse actuelle. Cela est un échantillon des avancées que nous avons faites au cours des derniers mois pour poursuivre la mise en œuvre de l'UOF.
    L'autre question que je voulais aborder avec vous est la suivante: quelles sont les mesures positives que pourrait prendre le gouvernement fédéral, dans la situation actuelle, pour appuyer l'UOF et ses nombreux partenaires, compte tenu de la partie VII de la Loi sur les langues officielles? Bien sûr, la partie VII est renforcée par la Charte canadienne des droits et libertés, surtout l'article 16, qui vise à faire progresser le français et l'anglais dans la société canadienne en leur accordant un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage.
    Le premier élément, c'est l'infrastructure du Carrefour. Le gouvernement fédéral pourrait trouver une propriété ou coopérer avec d'autres ordres de gouvernement afin de trouver une propriété convenable pour abriter le Carrefour. Il existe des précédents à cet égard. J'aimerais signaler, par exemple, que le gouvernement fédéral a contribué à l'établissement de l'Université Royal Roads en Colombie-Britannique, une université publique soutenue par la province.

  (1105)  

    Le gouvernement fédéral a loué à long terme à l'Université des terres militaires converties pour le prix de un dollar par année. Le gouvernement fédéral possède actuellement des propriétés comparables à Toronto qui seraient d'intérêt pour l'UOF.
    Au sein du gouvernement fédéral, il existe, bien sûr, d'autres programmes qui appuient des installations servant à la recherche et à l'innovation dans les établissements postsecondaires. Il y a notamment le Fonds d'investissement stratégique pour les établissements postsecondaires, lequel est géré par Innovation, Sciences et Développement économique Canada; le volet Projets d'infrastructure du programme Développement des communautés de langue officielle, géré par Patrimoine canadien; le Fonds du Canada pour les espaces culturels, géré également par Patrimoine canadien, puisque le Carrefour inclut une dimension fortement culturelle, dont un théâtre, le Groupe Média TFO, l'Université, le LABO, qui sont tous des établissements à vocation culturelle; et Infrastructure Canada dans le cadre de son plan Investir dans le Canada, qui a également un volet d'infrastructure sociale. C'est un des leviers majeurs dont dispose le gouvernement fédéral pour soutenir concrètement l'Université et ses nombreux partenaires.
    Le deuxième élément est la campagne de financement que nous allons lancer, comme je l'ai mentionné. Le gouvernement pourrait fournir des fonds de contrepartie jusqu'à un certain maximum. Le gouvernement fédéral a souvent fourni des fonds de contrepartie pour diverses causes, notamment les réfugiés ou les secours lors de catastrophes. Dans le secteur postsecondaire, il y a également des précédents tels que les bourses du millénaire, un programme fédéral de fonds de contrepartie dont ont largement bénéficié tous les établissements postsecondaires à cette époque.
    Les fonds et le soutien aux étudiants pourraient prendre la forme de bourses ou de prêts et bourses. Il en existe plusieurs qui ciblent des populations données ou qui ont des besoins particuliers. La même chose pourrait être faite pour les étudiants francophones qui fréquentent l'établissement. Comme notre université démarre, elle ne jouit donc pas de fonds de bourses que plusieurs universités ont pu accumuler au fil des décennies. C'est toujours le drame pour les établissements de la minorité qui arrivent beaucoup plus tard; elles n'ont pas bénéficié de ces nombreux investissements des gouvernements au fil des décennies et, dans certains cas, depuis des centaines d'années.
    Le troisième élément est le volet immigration. En tant que Comité, vous le savez: c'est un dossier clé pour l'épanouissement et le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. L'Ontario s'est fixé un objectif de 5 %. Depuis la fin du mois d'août, la province arrive à peine à atteindre la moitié de cette cible. Cela demeure un défi. Pour une communauté minoritaire, l'immigration est essentielle. Nous avons besoin d'une main-d'œuvre hautement qualifiée pour nous enrichir et pour répondre aux besoins en matière de services et, bien sûr, pour participer pleinement à l'économie canadienne.
    Pour atteindre nos cibles en immigration, les communautés et les gouvernements doivent explorer de nouvelles façons de recruter et de retenir des immigrants francophones en situation minoritaire. On découvre que les étudiants étrangers sont une source importante d'immigration. Les statistiques indiquent que, parmi les étudiants en Ontario, il y a environ 60 000 étudiants étrangers et que 60 % d'entre eux déclarent leur intention de demander un statut de résident permanent au Canada une fois leurs études terminées. On peut affirmer qu'environ 50 % des étudiants étrangers de niveau postsecondaire ont l'intention de s'établir en permanence au Canada à la fin de leurs études.

  (1110)  

    Compte tenu du fait que Toronto est la destination de choix au pays pour les nouveaux arrivants et pour plusieurs étudiants étrangers, toutes langues confondues, l'UOF — une université située en plein centre-ville de Toronto, et ses partenaires du Carrefour pourraient devenir un levier majeur pour le recrutement d'étudiants étrangers et, bien sûr, pour l'immigration francophone en Ontario et au pays.
    Nous devenons quasiment un laboratoire vivant qui expérimente de nouvelles façons d'accueillir de nouveaux arrivants. Le Centre francophone de Toronto, qui est un centre multiservice, s'occupe déjà de l'accueil et de l'intégration des immigrants. Il leur fournit une panoplie de services, dont l'aide juridique. En se joignant aux étudiants formés par l'Université, ils nous aident à créer un milieu riche et une synergie qui, à notre avis, pourraient en faire un laboratoire fort intéressant pour expérimenter la question du recrutement et de la rétention des immigrants francophones en Ontario.
    J'ai terminé et je suis prête à répondre aux questions.
    Je vous remercie, madame Adam.
    Compte tenu du nombre de personnes qui veulent intervenir et de l'heure qui avance, j'aimerais dire, à l'intention des membres du Comité, qu'ils disposeront de quatre minutes chacun.
    Je serai assez sévère pour ce qui est du temps alloué de quatre minutes. Cela comprend aussi le temps de réponse.
    Je cède la parole à M. Clarke pour commencer.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame Adam.
    Je suis très heureux que vous soyez avec nous, aujourd'hui. La dernière fois que nous vous avons vue, c'était en décembre, en pleine tempête politique et non pas hivernale. Nous commençons à sortir de l'hiver, enfin.
    Je vois que vous êtes encore pleine de volonté et pleine d'espoir. Au-delà de l'espoir, je pense que vous avez souligné énormément de pistes de solution très intéressantes.
    Oui, le fait que vous soyez là aujourd'hui, toujours présidente de votre conseil de gouvernance, a été rendu possible grâce aux deux millions de dollars attribués par le gouvernement fédéral, et c'est tant mieux.
    Vous avez dit avoir des conversations soutenues avec tous les ordres de gouvernement, et cela inclut le gouvernement de la province de l'Ontario, bien entendu. J'ai cru constater que la Loi de 2017 sur l'Université de l'Ontario français n'a pas été abrogée.
    J'aimerais savoir deux choses.
    Premièrement, qu'en est-il de l'existence de l'UOF pour ce qui est des autorités provinciales?
    Deuxièmement, quelle a été votre dernière correspondance — peut-être y en a-t-il eu davantage —, entre décembre et aujourd'hui, avec le gouvernement provincial et que laisse-t-elle entendre? Que dit-elle, en bref?

  (1115)  

    La première correspondance remonte au début de janvier. Le gouvernement provincial confirmait alors que la Loi n'était pas abrogée, et que l'Université continuait d'exister de même que le Conseil de gouvernance.
     Nous sommes donc une université et nous avons tous les pouvoirs juridiques qui lui sont normalement attribués en vertu de sa charte. Par contre, le gouvernement provincial nous a dit mettre le financement de l'Université de l'Ontario français en suspens en raison de la situation financière de la province, mais sans en préciser la durée.
    Au cours des derniers mois, nous avons eu des discussions avec les bureaux du premier ministre et de la ministre Mulroney, qui est responsable du dossier, pour trouver des moyens de réduire ce temps de suspension et le rendre le plus bref possible.
    D'accord.
    Nous voulons démarrer l'Université dans un contexte qui respecterait les contraintes financières de la province.
    D'accord, je comprends, merci.
    En ce qui a trait à votre besoin relativement à un terrain, j'ai vu un document, qui m'a été envoyé soit par vous, soit par l'analyste du Comité, dans lequel figure un tableau. Des colonnes de ce tableau correspondent aux critères que vous recherchez pour chaque terrain.
    J'ai constaté que deux terrains fédéraux semblaient présenter à cet égard un pourcentage assez élevé de correspondance, soit environ 53 %.
    Jusqu'à maintenant, avez-vous discuté avec des représentants de la Société immobilière du Canada au sujet du manège militaire de Moss Park, sur Queen Street, ou du parc de stationnement situé sur Queens Quay West?
    Est-ce que vous avez entamé une discussion quelconque?
    Nous travaillons étroitement avec Patrimoine canadien, qui facilite les discussions avec les différents ministères. Au cours du processus, nous avons découvert que chaque ministère est plus ou moins responsable des terrains qui lui appartiennent. Certains terrains appartiennent au ministère de la Défense nationale et d'autres à Postes Canada. Il peut devenir fastidieux de traiter individuellement avec les ministères.
    Deux organismes chapeautent tout cela, soit la Société immobilière du Canada et Services publics et Approvisionnement Canada. Néanmoins, nous pourrions nous retrouver à travailler avec un ministère en particulier. Nous sommes en train de faire ce travail.
    Merci beaucoup, madame Adam.
    Merci, monsieur Clarke.
    Madame Fortier, c'est votre tour.
    Bonjour, madame Adam. Merci beaucoup d'être ici.
    Il y a à peu près deux semaines, j'ai eu le privilège de rencontrer notamment Florence Ngenzebuhoro au Centre francophone de Toronto. Nous avons parlé de l'Université, évidemment. Tous ces gens sont d'accord pour dire qu'il faut emprunter la voie de l'immigration, mais vous avez dit que, pour effectuer cela, il vous faut des programmes pour accueillir des étudiants étrangers.
    Avez-vous continué à concevoir de tels programmes malgré le fait qu'il y ait eu une sorte de pause? Je sais que vous avez présenté des programmes au ministère. Où en sont les choses à cet égard? Il faut avoir des programmes pour attirer des étudiants. Cette étape est très importante.
    Les programmes ont été conçus et seront soumis pour approbation à la Commission d'évaluation de la qualité de l'éducation postsecondaire. Cela prend environ un an à cet organisme pour statuer sur la qualité des programmes. Ensuite, le gouvernement provincial devra décider du financement de ces programmes. Cela nous donne quand même un certain temps.
    En ce moment, nous travaillons sur d'autres programmes de certificat, mais pas de baccalauréat. Les programmes de baccalauréat doivent suivre la voie dont je viens de parler. L'Université examine la possibilité de commencer à offrir des cours de pédagogie de l'enseignement supérieur menant à un certificat dès le mois de septembre prochain, en collaboration avec un partenaire. Étant donné que l'entente n'est pas tout à fait conclue, je n'ose pas l'annoncer publiquement. Nous travaillons avec des partenaires universitaires pour concevoir ce genre de programmes et maintenir l'Université sur sa lancée.

  (1120)  

    Outre la question des ressources financières, qui est un aspect critique, y a-t-il d'autres avancées dont vous ne nous avez pas encore fait part et que le gouvernement fédéral pourrait appuyer?
    Parlez-vous des programmes?
    Oui, et je parle aussi des espaces et des immobilisations. Il faut poursuivre le processus avec les ministères à cet égard, mais je pense que ce dossier avance. Y a-t-il de nouveaux éléments dont nous devrions être mis au courant?
    Le Conseil de gouvernance souhaite que l'Université démarre ses activités le plus rapidement possible. C'est le message que nous lançons à tous les paliers de gouvernement. Nous sommes prêts aussi à jouer notre rôle et à assumer nos responsabilités. Nous reconnaissons que le contexte financier de la province de l'Ontario est problématique, et nous cherchons à trouver d'autres sources de financement et à les diversifier.
    Excusez-moi, madame Adam. J'entends la sonnerie d'appel pour un vote à la Chambre. Je dois vous interrompre quelques minutes pour demander le consentement unanime des membres du Comité pour continuer la réunion pendant une vingtaine de minutes.
    Je vois qu'il y a consentement unanime.
    Vous pouvez continuer, madame Adam.
    Je vais finir de répondre à la question de Mme Fortier.
    Nous avons des priorités. Il faut régler la question du financement et nous entendre avec le gouvernement de l'Ontario, et nous voulons aussi obtenir l'appui du gouvernement fédéral. Nous croyons qu'il est tout à fait possible que l'Université commence ses activités.
    La campagne de financement est l'une des façons pour vous de nous appuyer. Si l'Université réussit à atteindre ses objectifs et si elle obtient un fonds de contrepartie, cela réglera beaucoup de problèmes. La province a clairement dit qu'elle est favorable au projet et que le problème a plutôt trait au financement. C'est à cela que nous nous attaquons en ce moment.
    D'accord.
    Merci beaucoup, madame Adam.
    Merci beaucoup, madame Fortier.
    Je cède la parole à M. François Choquette.
    Je commencerai par un commentaire, madame Adam. Je veux tout simplement offrir mes félicitations à vous, à votre conseil de gouvernance, à tous vos employés permanents et à tous les Franco-Ontariens. Devant cet obstacle, vous avez donné des coups de pied à gauche et à droite. Vous avez dit que vous ne vous laisseriez pas abattre. Vous avez relevé le défi avec brio. J'en suis très impressionné. On doit tirer une leçon de votre courage et de votre détermination.
    Je remarque qu'on est en train, en quelque sorte, d'écrire une page d'histoire à propos de la manière dont le gouvernement fédéral, dans la limite de ses compétences, peut et doit répondre à des situations de crise linguistique. Nous en avons ici un bel exemple. Le gouvernement fédéral a fait ce qu'il devait faire et je lui tire mon chapeau. Il vous a permis de continuer votre travail, et vous avez bien expliqué tout le travail que vous avez fait. C'est vraiment impressionnant. Selon ce que j'ai compris, si tout va bien, vous pourriez même commencer à recevoir des étudiants en septembre dans un programme menant à l'obtention d'un certificat, ce qui serait quand même incroyable.
    Par contre, c'est du côté du gouvernement provincial que le bât blesse. Vous l'avez d'ailleurs mentionné dans l'une de vos réponses. J'aimerais vous entendre un peu plus à ce sujet. Je sais que vous êtes entre l'arbre et l'écorce, mais vous dites que vous n'avez pas eu de communications avec le gouvernement provincial depuis janvier, c'est bien cela?

  (1125)  

    En fait, il y a eu beaucoup de communications. Vous m'avez probablement mal comprise. J'ai parlé d'une correspondance écrite en janvier, mais je suis en conversation constante avec le gouvernement provincial à l'heure actuelle afin de trouver une solution pour sortir de l'impasse financière.
    À ce stade-ci, je dirais que le fait que nous ayons obtenu l'appui financier du gouvernement fédéral nous a aidés. Il faut vous remettre dans le contexte de décembre: tout le monde était assez émotif et réagissait à la situation. Ensuite, nous avons eu cette période de sursis. Toutes les parties sont beaucoup plus calmes et nous pouvons avoir des conversations plus proactives et axées sur la résolution de problèmes, plutôt que de simplement réagir. Pour ma part, c'est vraiment la voie que je privilégie.
    Je comprends très bien que vous cherchiez la voie de la conciliation pour trouver une solution à long terme, mais ce serait bien que des gens du gouvernement provincial soient également assis à la table. Ce n'est pas le cas présentement. Je comprends qu'il soit profitable, à long terme, d'agir de cette manière.
    Vous avez évoqué le recrutement d'étudiants étrangers. Pouvez-vous nous en dire plus? Quel rôle le fédéral peut-il jouer pour vous appuyer dans ce domaine? Cela peut aider l'Université de l'Ontario français, mais aussi la francophonie canadienne, étant donné que nous cherchons à atteindre nos cibles et à maintenir notre pourcentage d'immigration francophone au pays.
     Il y a un lien très étroit entre le recrutement d'étudiants étrangers francophones ou bilingues et les cibles d'immigration. Depuis des décennies, nous n'atteignons pas les objectifs. Il faut trouver de nouvelles façons de les atteindre et mettre à profit les établissements postsecondaires. C'est un peu mon plaidoyer. Même au terme de notre projet de l'Université de l'Ontario français et du Carrefour, nous allons vous présenter ce volet.
    Nous allons devoir passer au prochain intervenant.
    Je suis désolée.
    Merci, madame Adam.
    La parole est à Mme Lambropoulos pour trois minutes.
    Merci d'être avec nous aujourd'hui pour répondre à nos questions.
    Vous avez parlé du volet de l'immigration. Je viens du Québec, mais je suis anglophone. Beaucoup d'anglophones au Québec en situation linguistique minoritaire ont beaucoup de difficulté à rester au Québec du fait qu'ils ne parlent pas français. Cette barrière linguistique les empêche de trouver un emploi.
    En Ontario, est-ce la même chose? Est-ce pour cela que les immigrants francophones partent? Pourquoi ne restent-ils pas en Ontario?
    Les immigrants francophones restent en Ontario. Je dirais même que plusieurs immigrants francophones du Québec traversent en Ontario. L'Ontario attire les immigrants, toutes langues confondues. Notre difficulté est de recruter des francophones en nombre suffisant, et je ne suis pas sûre de la nature du problème: s'agit-il d'un problème de rétention ou d'un problème de recrutement? J'avoue que je ne suis pas une experte; je ne pourrais donc pas vous donner des statistiques là-dessus. Je crois que la situation est différente au Québec par rapport à l'Ontario. Le Québec perd des immigrants non seulement de langue anglaise, mais également de langue française. Il me semble que les statistiques indiquaient cela les dernières fois que je les ai consultées.
    D'accord.
    Avez-vous des recommandations à faire pour attirer plus d'immigrants francophones en Ontario?
    Le Carrefour et l'Université de l'Ontario français ont accès à un bassin d'étudiants étrangers et francophones. À Toronto, le recrutement s'effectue très bien, même dans les universités de langue anglaise. Il s'agit pour nous de mettre en branle tous les services, de concerter nos efforts non seulement pour les recruter et les former, mais aussi pour les intégrer à notre communauté. Nos programmes sont conçus de manière à leur offrir des apprentissages expérientiels. Tous les programmes offriront aux étudiants ce type d'apprentissage et des stages coop. L'expérience de travail ainsi acquise est essentielle pour les gens qui veulent rester au pays. Nous fournirons cela sur place et nous pourrons ainsi devenir un des leviers et acteurs clés qui permettra à la province d'atteindre sa cible de 5 % en matière d'immigration francophone.

  (1130)  

    Merci, madame Lambropoulos.
    Nous cédons la parole à M. René Arseneault pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, madame Adam.
    Mes commentaires portent encore sur la question de l'immigration. Il y a peut-être un an, je filais sur l'autoroute 40 en direction d'Ottawa et j'ai entendu à la radio une personne parler au nom de l'Université du Québec à Montréal de quelque chose qui m'a étonné. Elle affirmait que les universités postsecondaires francophones — celles de la province de Québec — effectuaient du recrutement d'étudiants étrangers. Cette pratique a déjà été adoptée en Acadie, que ce soit à l'Université de Moncton ou à l'Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse. Je crois que c'est aussi le cas au Manitoba.
    J'aimerais connaître vos réflexions à ce sujet. Le recrutement d'étudiants étrangers est-il maintenant devenu un passage obligé pour assurer la pérennité de nos établissements postsecondaires francophones au Canada? Remarque-t-on aussi une similitude avec ce qui se fait dans les établissements postsecondaires anglophones au Canada?
    Oui.
    Je vais parler de la réalité actuelle en Ontario.
    Dans cette province, les étudiants étrangers composent une bonne partie du bassin d'étudiants. Par exemple, à l'Université de Toronto, les étudiants étrangers représentent près de 40 % de la population étudiante. Même de petites universités, comme l'Université de Hearst, recrutent des étudiants étrangers. De plus, le financement des universités est très diversifié. Il existe une croyance générale voulant que les universités soient entièrement financées par les gouvernements. Il faut toutefois savoir que le financement gouvernemental accordé par étudiant en Ontario est très faible, en raison, notamment, du principe d'économies d'échelle visant les grandes universités. Le recrutement d'étudiants étrangers est donc une source de financement importante pour les universités, en Ontario et ailleurs au pays.
    Constatez-vous la même chose dans les diverses universités, qu'il s'agisse de l'Université de Toronto ou d'une université francophone?
    Nous n'avons pas encore eu d'activités de recrutement chez nous, mais d'autres universités, par exemple le campus Glendon de l'Université York, à Toronto, comptent un nombre important d'étudiants étrangers venant de tous les pays, soit plus de 200 pays. Je crois qu'il y a environ un demi-million d'étudiants étrangers au Canada, et il y en a à peu près 60 000 en Ontario.
    Merci de nous avoir fourni cette information.
    Je dois m'arrêter ici, sinon M. le président devra bientôt sévir.
    Merci beaucoup, monsieur Arseneault.
    Nous cédons maintenant la parole à M. Clarke pour trois minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Adam, je vais revenir au tableau que vous nous avez fourni. Comme vous l'avez dit, les emplacements du manège militaire de Moss Park et de Queens Quay West vous intéressent énormément. Je vois que vous avez certaines préoccupations au sujet du taux de contamination des terrains. Pour que les Canadiens comprennent bien le problème, je précise qu'une contamination peut ne pas être importante, mais cela demeure une contamination. Y a-t-il des questions spécifiques, outre celles concernant la contamination et l'accessibilité des terrains, que vous aimeriez nous voir poser aux représentants de la Société immobilière du Canada, qui comparaîtront bientôt — je pense que c'est mardi prochain — devant notre comité?
    En fait, nous avons maintenant un partenaire privé. C'est l'une des façons de diminuer les coûts. Les partenaires privés, qui sont des promoteurs immobiliers et qui ont une expérience dans le domaine de la construction à Toronto, apportent des éléments que nous avons moins considérés ou que nous considérons moins. Nos critères varient.
    Par exemple, le fait de construire sur le bord de l'eau entraîne plus de défis pour un promoteur immobilier. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas le faire, mais ce sont des éléments dont nous devrons tenir compte au moment de faire des choix.
    Tout ce que je peux vous dire, c'est que, si le fédéral cédait ou louait un terrain, comme il l'a fait pour l'un des terrains à l'Université Royal Roads, on viendrait réduire considérablement le coût même des activités de l'Université. Le modèle que nous envisageons à ce stade-ci est un partenariat privé-public. Le partenaire privé avance une partie des frais de construction et de l'entretien, mais c'est sûr que le fait d'être propriétaire d'un terrain contribue drôlement à réduire la note.

  (1135)  

    Merci beaucoup, madame Adam, de cette excellente présentation.
    Chers collègues, nous allons suspendre notre séance pour aller voter. Nous nous retrouverons ici après le vote.

  (1135)  


  (1215)  

    Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous poursuivons l'étude de la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
    C'est avec plaisir que nous accueillons ce matin, de l'Institut des langues officielles et du bilinguisme, M. Jérémie Séror, directeur et doyen associé, de l'Université d'Ottawa, et M. Roger Farley, cadre en résidence à l'Université d'Ottawa. De l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, nous recevons également Mme Lynn Brouillette, directrice générale, et M. Ronald Bisson, directeur.
    Bonjour et bienvenue à tous à notre comité.
    Nous allons procéder comme d'habitude. Chaque groupe aura une dizaine de minutes pour faire une présentation. Ensuite, nous passerons aux questions et interventions des membres du Comité.
    Vous avez la parole, monsieur Séror.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux d'être avec vous aujourd'hui et de m'adresser à votre comité au sujet de la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
    Je suis accompagné de M. Roger Farley, ancien directeur à Santé Canada, maintenant cadre en résidence à l'Institut des langues officielles et du bilinguisme.
    Je tiens tout d'abord à féliciter le Comité pour avoir entrepris ces importants travaux.
    Mon temps de parole est limité; j'irai donc tout de suite au coeur du sujet. J'aimerais aborder aujourd'hui la nécessité d'avoir plus de clarté dans la Loi, le rôle d'une définition plus moderne du bilinguisme et de la dualité linguistique, et l'importance d'un accès pour tous à l'enseignement du français et de l'anglais pour la promotion de cette dualité linguistique.
    J'aimerais commencer en m'attardant plus spécifiquement à la partie VII de la Loi et aux articles 41 et 43. L'article 41 énonce que: « Le gouvernement fédéral s'engage [...] à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne ».
    À l'article 43, la mise en œuvre de cet engagement est caractérisée ainsi: « Le ministre du Patrimoine canadien prend les mesures » — et je le souligne —, « qu'il estime indiquées pour favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais [...] ».
    On décèle là toutes les bonnes intentions des législateurs dans les deux articles. Toutefois, je partage l'avis de plusieurs experts qui ont déjà témoigné devant vous, voulant qu'une des faiblesses de la Loi soit un manque de précisions concernant les mesures précises et les attentes concrètes qui doivent accompagner cette mise en œuvre.
    Je recommande donc que la partie VII de la Loi soit revue pour que les obligations et attentes du gouvernement soient définies de manière plus précise. En ce qui concerne ces précisions, je ne suis pas juriste, mais, en tant que chercheur en linguistique appliquée, mes suggestions s'attarderont sur les objectifs concrets à atteindre en matière de dualité linguistique et de bilinguisme. D'autres témoins avant moi vous l'ont dit — je pense ici à M. Benoît Pelletier —, la Loi est assez silencieuse à l'égard des concepts de dualité linguistique et de bilinguisme.
    En effet, même si l'on parle du caractère et de l'identité bilingue du Canada dans la Loi, le français et l'anglais y sont souvent traités de manière séparée. On s'attarde surtout au sort des communautés francophones ou anglophones minoritaires. Cette approche renforce une vision du bilinguisme en tant que monolinguismes parallèles, mais encore une fois séparés — ce sont les célèbres deux solitudes — rattachés à des communautés de locuteurs natifs souvent représentés comme homogènes, uniformes et assez bien délimités. Or, ce que j'aimerais souligner aujourd'hui, c'est que cette représentation reflète assez mal la vision moderne de ce que représente le bilinguisme qu'on retrouve dans la recherche.

  (1220)  

[Traduction]

    Le problème, c'est qu'en l'absence d'une définition ou d'une représentation précise de ce que l'on attend du bilinguisme, le public reste souvent avec des mythes qui entravent la promotion de l'apprentissage et du développement linguistique. Les gens finissent par croire aux mythes, à savoir que les langues doivent être apprises et préservées isolément les unes des autres ou que nous ne pouvons être loyaux qu'envers une seule communauté linguistique. Pire encore, les gens ont l'impression qu'ils ne peuvent pas se dire bilingues, comme c'est le cas de tant de mes élèves.

[Français]

    Quand je leur demande qui d'entre eux s'identifient comme étant bilingues, il y en a très peu qui lèvent la main, parce qu'ils ont cette idée que, pour être bilingue, il faut avoir une connaissance parfaite et égale des deux langues.
    Toutefois, on sait qu'en réalité, c'est très rare de pouvoir atteindre ce niveau-là, parce qu'on n'utilise jamais la langue — ou bien l'on n'a pas accès aux langues — de la même manière.

[Traduction]

    Le problème, c'est que les gens restent avec un idéal irréaliste, ce qui fait qu'ils hésitent souvent à s'identifier comme étant bilingues ou même à rechercher le bilinguisme.

[Français]

    Ce qu'il faut est une définition qui valorise et apprécie le répertoire plurilingue de tout citoyen, où se côtoient justement plusieurs langues, dialectes et identités. On est tous plurilingues, d'où l'importance de la notion de dualité linguistique ancrée dans le contexte canadien qui dépasse les murs de l'école pour inclure tous les domaines d'interactions dans lesquels évoluent les individus.
    Même si la Loi dit vouloir « donner à tous la possibilité d'apprendre le français et l'anglais » et de « favoriser [...] l'usage de ces deux langues », il faudrait s'assurer que la dualité linguistique est perçue comme une réalité atteignable, non seulement pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, mais pour tous les Canadiens. La bonne nouvelle est que la dualité linguistique et le bilinguisme sont déjà perçus par la grande majorité des Canadiens comme des valeurs fondamentales qui procurent un enrichissement collectif et individuel.

[Traduction]

    Comme l'a souligné la ministre du Patrimoine canadien dans le Plan d'action pour les langues officielles 2018-2013, la dualité linguistique favorise la compréhension et la communication interculturelles, élargit les perspectives et permet aux Canadiens de rayonner sur la scène internationale grâce à leur capacité — comme je le fais maintenant — de passer d'une langue et d'une culture à une autre, de faire ce va-et-vient.

[Français]

    Cela impressionne toujours. Nous ne sommes pas les seuls à pouvoir le faire, mais, dans le contexte nord-américain, nous sommes souvent les seuls.
    Cependant, pour s'assurer que se concrétise cette valeur ajoutée, il faut que cette vision plus moderne du bilinguisme et de la dualité linguistique se retrouve dans la Loi et qu'elle s'accompagne de cibles précises à atteindre. Je recommanderai donc que la nouvelle loi inclue des dispositions selon lesquelles le gouvernement du Canada s'engage à promouvoir, à appuyer et à faciliter, avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, l'apprentissage des deux langues officielles et la dualité linguistique dans le système scolaire. Cela se ferait avec une définition inclusive du bilinguisme et une notion de complétude institutionnelle, en allant de la petite enfance jusqu'au niveau postsecondaire et en incluant aussi la sphère publique pour tous les Canadiens.
    Je recommande aussi que ces intentions s'accompagnent d'un système de vérification qui permettrait de rendre compte des résultats obtenus au Parlement, c'est-à-dire du taux de bilinguisme atteint et des mécanismes précis qui ont été employés pour atteindre ces niveaux, notamment lorsqu'il est question des transferts aux provinces et aux territoires.
    J'aimerais illustrer l'importance de ces propos en prenant un exemple précis, celui de la situation de la dualité linguistique pour l'immigration.
    Je voudrais vous lire ici un extrait d'une page Web d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada:
Il est très important d'avoir des compétences en français ou en anglais, car elles vous aideront à vous établir au Canada. Votre décision de mettre l'accent sur l'apprentissage ou l'amélioration de l'une ou l'autre langue dépendra sans doute de laquelle des deux est parlée par la majorité de la population dans votre région de résidence.
    J'attirerais votre attention sur les mots « ou » et « l'une ou l'autre » et sur le choix dichotomique qu'il présente aux immigrants, ce qui a, encore une fois, pour conséquence le fait de les orienter implicitement vers l'utilisation d'un répertoire linguistique qui serait associé à une langue et à la majorité. Une fois que l'immigrant a choisi, il ne lui est plus possible d'avoir accès aux programmes pour apprendre l'autre langue officielle. On doit choisir l'une ou l'autre. On retombe dans une vision monolingue qui limite la dualité linguistique et le plurilinguisme; elle ne l'encourage pas.
    Bon an, mal an, le Canada accueille entre 250 000 et 300 000 nouveaux arrivants par année. Par ailleurs, plusieurs études démontrent que ces nouveaux arrivants sont souvent déjà multilingues et qu'ils accueillent favorablement pour eux-mêmes et leurs enfants des occasions de pouvoir apprendre les deux langues officielles. Cela survient même si, parfois, dans les écoles, on leur dit qu'ils devraient se concentrer sur l'anglais s'ils habitent une région anglophone puisque c'est la langue de la majorité.
    Je propose qu'en plus d'encourager l'immigration francophone — ce qui est très bien —, qu'une vision plus inclusive et moderne du bilinguisme assurerait que tous les immigrants voient comme une réalité la possibilité d'être bilingue grâce à une loi qui valorise, assure et vérifie que la dualité linguistique est une option pour tous.
    Je recommande donc que la Loi sur les langues officielles, dans sa version modernisée, inclue une disposition selon laquelle le gouvernement s'engage à encourager, à faciliter et à appuyer l'apprentissage d'une deuxième langue officielle et la dualité linguistique pour tous les nouveaux arrivants, et à rendre compte des résultats obtenus au Parlement. Avec l'apport important de nouveaux arrivants chaque année, une telle disposition aurait irrémédiablement un impact à long terme sur la dualité linguistique canadienne.
    En conclusion, la pérennité de la dualité linguistique et du caractère bilingue du Canada et l'augmentation du bilinguisme des Canadiens ne sont pas des acquis immuables. Celle-ci exige que le Parlement du Canada prenne des mesures audacieuses et fasse preuve d'innovation pour encourager cette dualité linguistique non seulement chez les populations minoritaires, mais pour tous les Canadiens en assurant que soit offerte infailliblement et de manière vérifiable la chance d'apprendre les deux langues officielles et d'atteindre un haut niveau de bilinguisme.
    Ces mesures devraient viser tous les jeunes d'âge scolaire, tous les étudiants aux niveaux collégial et universitaire, tous les nouveaux arrivants et tous les adultes en milieu de travail qui offrent des services au public, comme les professionnels de la santé, pour ne nommer que ceux-là.
    Ces dispositions, accompagnées de mécanismes de reddition de compte forts, auront un effet transformateur pour le Canada et pour les générations à venir et feront du Canada un modèle à l'échelle mondiale, en ce qui concerne le bilinguisme.
    Merci.

  (1225)  

    Merci beaucoup, monsieur Séror.
    Il y a deux autres présentations plus courtes, celles de Mme Brouillette, d'une durée de cinq minutes, et de monsieur Bisson, de cinq minutes à peu près.
    Vous avez la parole, madame Brouillette.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités dans le cadre de l'étude en cours sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
    « Imaginez être condamné dans une langue que vous ne comprenez pas ou peu! » C'est dans ces termes que la Direction des communications du Sénat a lancé le 10 avril dernier la publication de son quatrième rapport provisoire portant sur la perspective du secteur de la justice. On peut multiplier de tels exemples. Imaginez être soigné par un médecin ou par un infirmier qui parle une langue que vous ne comprenez pas ou peu. Imaginez recevoir des avis concernant vos impôts dans une langue que vous comprenez peu.
    Je suis la directrice générale de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, l'ACUFC, qui regroupe 21 collèges et universités francophones ou bilingues établis au sein des communautés d'expression française en situation minoritaire dans l'ensemble du Canada.
    Les établissements membres de l'Association offrent plus de 1 200 programmes d'études en français ou bilingues dans toutes les disciplines. Plus de 42 000 étudiants fréquentent ces établissements et près de 10 000 d'entre eux reçoivent un diplôme chaque année.
    Or il est important de noter que la mission de l'Association et de ses membres va bien au-delà de l'offre de programmes d'éducation en français. On sait que l'éducation est de compétence provinciale, mais ce n'est pas ce dont je veux vous parler aujourd'hui. Je veux vous parler de l'importance de l'éducation en français pour la vitalité des communautés.
    La vitalité est de compétence fédérale. Comment parler de progression vers l'égalité de statut et d'usage des deux langues officielles sans parler d'un droit à l'éducation en français? En formant des professionnels travaillant dans toutes les sphères de la vie, dont la santé, la justice, l'éducation, la psychologie, l'administration, l'ingénierie et la recherche, par exemple, les collèges et les universités membres de l'Association contribuent à la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire, à la croissance économique du Canada, à la transmission du savoir et à l'offre de services dans les deux langues officielles dans l'ensemble du Canada.
    Dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, mon but aujourd'hui est de vous transmettre un seul message et une seule recommandation.
    Le message que je veux vous livrer est le suivant: sans un droit à l'accès à l'éducation en français, langue première et langue seconde, de la petite enfance au postsecondaire, on ne peut parler de statut égal des deux langues officielles du Canada.
    Il est temps de reconnaître et d'affirmer clairement que l'accès à l'éducation en français, de la petite enfance jusqu'au postsecondaire, est le moyen privilégié d'assurer l'égalité de statut des deux langues officielles du Canada. Les gens acquièrent la capacité d'offrir des services dans une langue parce qu'ils ont été formés dans cette langue.
    En tant que parlementaires, vous exercez votre droit de communiquer dans la langue officielle de votre choix parce que vous avez reçu votre éducation dans cette langue. Il en va de même pour les fonctionnaires fédéraux qui doivent offrir des services dans les deux langues officielles. On ne peut garantir la disponibilité de services dans les deux langues officielles que si les Canadiennes et les Canadiens ont un accès égal à l'éducation en français, au même titre qu'en anglais.
    Comme l'a dit l'ancien premier ministre britannique Benjamin Disraeli, « de l'éducation de son peuple dépend le destin d'un pays ». Mesdames et messieurs les membres du Comité, il est temps de reconnaître l'importance de l'éducation en français pour garantir réellement l'égalité de statut des deux langues officielles de notre pays.

  (1230)  

    Pour ce faire, l'Association demande au Comité de recommander qu'il soit ajouté à l'objet même de la Loi sur les langues officielles un alinéa qui sera ainsi libellé:
La présente loi a pour objet: [... ] de reconnaître et de garantir le droit à l'éducation en français langue première et langue seconde, de la petite enfance au postsecondaire, comme moyen pour assurer l'égalité réelle de statut des deux langues officielles du Canada.
    Merci.
    Nous cédons maintenant la parole à M. Bisson.
    J'irai droit au but. Lorsque la greffière a communiqué avec moi, il y a environ trois semaines, pour me demander de comparaître à nouveau devant le Comité, j'ai consulté les différents membres du Réseau national de formation en justice et leur ai demandé ce que nous pourrions dire de nouveau. Vous avez déjà reçu des milliers de pages de textes et entendu des centaines de témoignages.
    Nous nous sommes alors penchés sur une question que le Comité pourrait me poser: quelle serait la priorité en ce qui touche la modernisation et quelle serait la seule chose que nous voudrions obtenir? Nous y avons beaucoup pensé et, aujourd'hui, je vais vous fournir la réponse à cette question.
    Comme vous le savez, le mot « priorité » veut dire où l'on dépense notre premier dollar, pas notre dernier dollar. Selon moi, en me basant sur toute mon expérience de vie, la plus grande priorité concernant la modernisation de la Loi concerne la démographie.
    Le seul message que je vous apporte aujourd'hui est que la Loi, dans sa version modernisée, doit affirmer dans son objet que le gouvernement fédéral veut soutenir — il ne veut pas promouvoir, mais bien soutenir — une francophonie canadienne forte, stable et résiliente sur le plan démographique.
    Pourquoi? La raison est assez simple: la démographie est la base de tout. Les politiques publiques canadiennes des années 1890 à la Première Guerre mondiale ont vraiment empêché l'immigration francophone au Canada. Cela a causé des effets dévastateurs qui sont encore ressentis à ce jour. Nous avons donc une chance de renverser la vapeur là-dessus.
    Je vais vous parler un peu de mon histoire personnelle. Cela vous permettra de mieux comprendre mon message d'aujourd'hui et la raison pour laquelle je dis que c'est la priorité.
    Je suis d'origine franco-manitobaine et je demeure à Ottawa depuis 1982. J'ai 68 ans. J'étais là, le 8 décembre 1968, lorsque l'honorable Gérard Pelletier est venu au gymnase Notre-Dame, à Saint-Boniface, pour nous dire que son gouvernement allait proposer une loi sur les langues officielles l'année suivante. J'avais 18 ans et je faisais partie des jeunes qui commençaient leur vie adulte.
    J'étais là, lorsqu'on a parlé du rapatriement de la Constitution, dans le temps de l'ancienne Fédération des francophones hors Québec, ou FFHQ. J'étais là quand on a parlé des amendements proposés aux articles 41 et 42. J'ai travaillé pendant 25 ans comme consultant avec au moins une dizaine, si ce n'est pas une quinzaine, de ministères fédéraux pour mettre en œuvre les articles 41 et 42 de la Loi sur les langues officielles. J'étais là lorsque le premier plan d'action a été annoncé, en 2003, et je suis encore là.
    Ma vie professionnelle a suivi un parcours parallèle à celui de la Loi sur les langues officielles. L'un des sujets que vous étudiez concerne les retombées de la Loi dans la vie quotidienne. Si un journaliste me demandait quel était le message le plus important à retenir relativement à la Loi sur les langues officielles, compte tenu de mes 50 années d'expérience comme membre de la communauté minoritaire, je lui répondrais le message suivant. Sans une démographie forte, on n'a rien: on n'a pas de services en français, on n'a pas de justice, on n'a pas de santé et on n'a pas d'éducation.
    Je demande donc au Comité qu'il soit recommandé d'ajouter un alinéa à l'objet de la Loi, qui serait ainsi libellé:
La présente loi a pour objet: [...] de soutenir une francophonie canadienne forte, stable et résiliente sur le plan démographique en vue d'assurer la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire, d'enrichir et de renforcer le caractère bilingue du Canada et de promouvoir l'usage des deux langues officielles
    Je vous remercie, monsieur le président.

  (1235)  

    Merci beaucoup, monsieur Bisson.
    Nous allons commencer immédiatement le tour de table.
    Madame Boucher, vous avez la parole.
    Bonjour à tous. Je vous remercie d'être parmi nous.
    Je m'appelle Sylvie Boucher et je suis députée. J'étais au Comité permanent des langues officielles en 2006. Vous avez parlé du Sénat et cela me rappelle que le Comité avait alors rédigé quatre rapports, tous partis confondus.
    Je trouve dommage qu'en 2019, nous en soyons au même point qu'en 2006. Nous préparons de beaux rapports, mais ils sont peu lus, voire pas du tout. Cela m'attriste parce qu'il s'agit de la langue de la minorité et de questions dont nous parlons depuis des années. Voir à quel point nous avançons à petits pas me désole.
    Nous sommes maintenant à l'étape de la modernisation de la Loi. C'est là où nous en sommes et il faut en parler. Nous avons rencontré beaucoup de gens. Vous avez livré des messages forts. Il y a la question des écoles, de la santé ou de la justice en français. Une panoplie d'organismes viennent nous rencontrer. Or si nous mettions tout le monde dans le même bateau, sans nommer les organismes, et que nous avions un message unique et fort à livrer dans le contexte de la modernisation, quel serait-il?
    À qui s'adresse votre question, madame Boucher?
    Elle s'adresse à tous. Je veux entendre vos commentaires. Il faut quelque chose qui nous rassemble et non qui nous divise, chacun dans son secteur.
    Quel serait selon vous le message fort à livrer dans le contexte de la modernisation?

  (1240)  

    Je recommanderais qu'on s'en tienne à ce qui se trouve au coeur de la Loi, qui est la vitalité et l'épanouissement des communautés. Cela rejoint ensuite la démographie et le reste. Je pense que si nous travaillons tous dans ce sens, nous pourrons accomplir de grandes choses. Il s'agira aussi de faire en sorte que la nouvelle loi modernisée soit respectée, comprise et mise en oeuvre. Je crois vraiment qu'on devrait se concentrer sur la vitalité et l'épanouissement des communautés.
    Merci, madame Brouillette.
    Êtes-vous tous d'accord avec Mme Brouillette?
    J'avais justement encerclé le mot « vitalité ». En effet, l'éducation va soutenir et alimenter cette vitalité. La démographie le fera aussi. Les jeunes qui étudient les deux langues ou qui sont plurilingues sont de la génération de la Loi telle qu'elle existe maintenant — par exemple ceux qui étudient en immersion. Or ils ont parfois de la difficulté à s'identifier à la Loi dans sa forme actuelle parce qu'elle comporte des catégories très séparées. Si l'on arrive à inclure tous ces éléments, il est certain que la vitalité du français et des communautés francophones en sera renforcée.
    Mon point de vue est le suivant. Lorsqu'on examine la réalité démographique, comme M. Bisson l'a mentionné, il apparaît clairement que le Canada a beaucoup changé depuis la première loi sur les langues officielles. La promotion du bilinguisme, de la dualité linguistique du Canada, est importante parce que cela ne faisait pas partie de la première loi ni des modifications apportées par la suite.
    Si l'on veut que tout le monde — et pas seulement les communautés en situation minoritaire ou les gens bilingues — se retrouve dans la dualité linguistique, il va falloir investir dans l'éducation, et ce, comme on l'a mentionné plus tôt, de la petite enfance jusqu'au niveau postsecondaire, en passant par l'éducation des adultes. En effet, sur le marché du travail, beaucoup de gens qui offrent des services au public voudraient pouvoir les fournir dans les deux langues officielles, mais ils n'ont pas la possibilité de le faire. Il s'agirait donc d'investir dans l'éducation.
    Je vais devoir limiter le temps de parole à quatre minutes chacun, et cela va inclure les réponses. Je vois que si nous voulons terminer la réunion à 13 heures, comme prévu, il va falloir être plus rigoureux quant au temps de parole.
    Vous aurez donc quatre minutes pour vous exprimer, chers collègues, et cela va comprendre les réponses de nos invités.
    Monsieur Rioux, vous avez la parole.
    Je vous remercie d'être parmi nous.
    Monsieur Bisson, je suis convaincu que vous avez lu l'ouvrage intitulé Entre le Boom et l'Écho pour nous parler de l'importance de la démographie. En nous parlant de tous les immigrants qui arrivent, vous nous offrez tout de même un message d'espoir. Il s'agit d'intégrer ces personnes.
    Madame Brouillette, vous avez dit que la vitalité du bilinguisme était une question de compétence fédérale. Je crois qu'il va effectivement falloir l'exercer. J'ai été frappé en entendant dire qu'à Vancouver, seul un enfant francophone sur cinq pouvait aller dans un centre de la petite enfance. On parle de démographie, et je pense qu'il faut assurer l'accès à ces personnes. On en a aussi parlé tout à l'heure concernant l'Université de l'Ontario français, à Toronto. C'est vital.
    Ma question s'adresse à vous, monsieur Séror. J'ai aimé ce que vous avez dit au sujet de la nécessité d'assurer la modernité de la Loi et d'avoir une perspective différente. Qu'est-ce que cela représente pour vous?
    Un peu comme mes collègues, nous avons beaucoup pensé à ce que nous pourrions dire que vous n'auriez pas déjà entendu.
    Dans mon domaine, la linguistique appliquée, je me suis rappelé à quel point est intéressante l'évolution de ce que veut dire « apprendre une langue ». On s'est longtemps représenté des catégories séparées. Par exemple, si je suis apprenant du français, je ne parle qu'en français dans la classe de français. Pareillement, quand je suis dans la classe en anglais, je ne parle qu'en anglais. Les identités qui sont associées aux apprenants sont donc souvent uniques: je suis « apprenant anglais, langue seconde ».
    Comme on le constate de plus en plus dans les écrits, en Europe et dans les politiques linguistiques, le problème de cette vision est qu'elle ne représente pas la réalité de l'individu en société. En effet, dans la classe de français, cet individu n'est pas qu'un apprenant de français, car il apporte aussi tout son bagage linguistique. Dans la société, il n'est pas seulement quelqu'un qui veut apprendre la langue dominante, laquelle pourrait venir d'un autre pays. Au Canada, par exemple, il pourrait décider d'apprendre les deux langues officielles en même temps.
    Pourquoi n'aurait-il pas la capacité d'arriver dans une salle et de dire qu'il veut apprendre les deux langues en même temps? Les divisions classiques reviendront quand il écrira un devoir, qu'il devra souvent rendre dans la langue imposée. Pourtant, à la maison, cet étudiant écrit souvent dans les deux langues, tirant justement profit de sa dualité linguistique ou de son plurilinguisme.
    Cette richesse a souvent été ignorée ou laissée pour compte. Or, il existe encore une fois le danger d'un écart entre ce que ressent le jeune — je parle ici des jeunes parce qu'ils sont l'avenir — et ce qu'il constate dans la société ou dans la façon dont sont présentées ces choses.
    Dans ses travaux, Mme Sylvie Roy présente le cas classique de l'étudiant en immersion qui, à un moment donné, se dit qu'il aime le français et décide de poursuivre sa scolarisation en immersion. S'il est chanceux, il aura accès à une école postsecondaire où étudier en français, langue dans laquelle il finira par atteindre un bon niveau. Il se fera cependant rattraper par ces catégories lorsqu'il se fera demander s'il est anglophone ou francophone. Il répondra qu'il est un peu les deux. Par contre, si la définition classique du mot « bilingue » est qu'il faut s'exprimer à la perfection dans les deux langues, presque personne ne lèvera la main.
    Tant qu'on n'aura pas modernisé cette définition, on restera aux prises avec ces anciennes catégories et l'étudiant de mon exemple devra se dire anglophone. C'est dommage, parce que l'on perd ce faisant toute la richesse du bilinguisme. Dans la réalité, on le ressent, on le constate et les gens font des commentaires. Mais cette richesse n'est pas assez valorisée.
    C'est donc, selon moi, l'avantage que représenterait une vision modernisée et plus complexe pour ceux qui utilisent plusieurs langues ou font la promotion du plurilinguisme en société.

  (1245)  

    Merci, monsieur Séror.
    Monsieur Choquette, vous avez la parole pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs les témoins, j'ai bien aimé la grande pertinence de vos interventions sur l'éducation, l'immigration et sur le sens et la précision de la partie VII de la Loi et de ses concepts.
    Je veux revenir sur un élément qui recoupe vos trois interventions et qui m'apparaît tout aussi important: le dénombrement des ayants droit. Ces dernières années, nous en avons beaucoup discuté en comité, mais nous n'avons malheureusement pas encore le fin mot de l'histoire. Nous ne savons pas non plus si la prochaine enquête comprendra une bonne définition de ce qu'est un ayant droit. Est-ce important pour vous? Vous avez bien sûr parlé de revoir la définition de ce qu'est un « francophone », puisque cette étiquette donne le droit d'étudier en français. Quelle est l'importance de cet élément pour vous et en quoi se rajoute-t-il à vos priorités?
    Monsieur Bisson, vous pouvez commencer.
    J'aimerais répondre de la façon suivante, monsieur Choquette.
    Oui, ce dénombrement est nécessaire. Alors, avec mes 50 ans de perspective sur la Loi, je vous le demande: comment se fait-il que nous ne l'ayons pas?
    J'aimerais vous faire une autre recommandation. Votre comité a la réputation de dire les choses comme elles sont, ce qui est tout à votre honneur. Dans votre rapport sur la modernisation de la Loi, je vous recommande par conséquent de choisir des mots fermes, des mots d'action. Si le législateur utilise des mots mous ou ambigus, nous serons obligés de nous battre à n'en plus finir sur le terrain pour chaque petit changement souhaité.
    Je vais vous donner un exemple, qui touche un peu la question du dénombrement. Nous avons des conseils scolaires aujourd'hui parce qu'un juge en Ontario a découvert la préposition « de » dans l'article 23 de la Charte, dans lequel il est question des établissements de la minorité. Ce « de » permet des conseils scolaires, que nous n'aurions pas eus si cette préposition n'avait pas été là. Il est quand même impensable de constater que l'évolution d'un pays peut dépendre de la présence ou non d'une préposition.
    C'est la façon dont je vous réponds. N'ayez pas peur de dire des mots fermes.
    Merci.
    Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Brouillette?
    Oui.
    Nous aimons voir l'article 23 comme un plancher, et non comme un plafond. On arrive à faire le dénombrement, mais il y a beaucoup d'autres personnes qui souhaiteraient faire leurs études dans une langue première ou une langue seconde. C'est pour cela que nous préconisons de viser plus haut que ce qu'il y a présentement. Il ne faut pas voir l'article 23 comme un plafond, mais bien comme un plancher.
    Je suis d'accord. Il faut que la définition soit généreuse afin que tous ceux qui veulent faire partie de la communauté francophone canadienne puissent avoir accès à cette éducation.

  (1250)  

    J'ai une sous-question.
    Malheureusement, votre temps est écoulé, monsieur Choquette.
    Il reste quatre intervenants qui ont demandé la parole. Nous devrons limiter leur intervention à deux minutes.
    Monsieur Arseneault, vous avez la parole.
    Je vais donner mes deux minutes à M. Arseneault.
    Merci, madame Fortier.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Bisson, je vous remercie d'avoir parlé de la vraie priorité. Cela va nous aider à pondre notre rapport. Il est vrai que, sans équilibre démographique, ça va mal.
    Monsieur Séror, je viens du Nouveau-Brunswick. Chez nous, la dualité linguistique dans le domaine de l'éducation, comme vous le préconisiez plus tôt, c'est un élément acquis. Lorsqu'on parle de dualité à Ottawa, je m'aperçois que les gens n'interprètent pas cette notion de la même façon que moi, qui suis un francophone du Nouveau-Brunswick.
    Quand vous parlez de dualité en éducation, faites-vous référence à la même dualité que celle observée au Nouveau-Brunswick?
    Je parle de dualité en éducation, c'est-à-dire de la capacité à atteindre un haut niveau de bilinguisme. Si je suis anglophone, je dois avoir accès à tous les outils nécessaires pour améliorer mon français, et c'est la même chose du côté des francophones qui veulent améliorer leur anglais.
    Au Nouveau-Brunswick, la dualité linguistique s'exerce au sein de la province. L'éducation relève de la province. Il y a donc deux systèmes scolaires et deux têtes dirigeantes. Les francophones ont leurs propres programmes, tout comme les anglophones. On a séparé les écoles il n'y a pas si longtemps. J'ai connu la dualité linguistique en éducation, et c'était parfait.
    Selon votre définition de la dualité, un anglophone pourrait apprendre le français s'il le veut, et un francophone pourrait apprendre l'anglais. Comment pourrons-nous surmonter ce fameux et sempiternel obstacle qu'est le respect des compétences provinciales par rapport aux compétences fédérales?
    Je veux des pistes de solution, comme nous tous ici.
    C'est le noeud gordien de l'affaire, à mon avis.
    En ce qui concerne les transferts aux provinces, il faut justement bien définir les objectifs et les attentes dans la Loi. Cela nous donnera ensuite la possibilité de vous demander des comptes. Il ne suffit pas d’encourager des initiatives, il faut des objectifs clairement définis et précis afin que nous puissions juger de la façon dont vous les faites respecter.
    Avez-vous étudié sérieusement cette piste de solution, c'est-à-dire celle d'exiger des provinces qu'elles rendent des comptes quant aux transferts fédéraux afin que l'on sache si elles ont pris soin de leurs minorités linguistiques, tant au Québec qu'au Canada anglais?
    Je ne suis pas juriste, et je n'ai donc pas cette expertise.
    C'est sûr que c'est important, parce que cela permet de savoir ce qui s'est fait et vers quoi on se dirige. Si on ne connaît pas ces détails, on ne peut pas ajuster le tir.
    Madame Brouillette, vous venez souvent ici. C'est certain que vous avez déjà pensé à cela.
    Les provinces doivent assurer la vitalité et le développement des communautés linguistiques, mais le fédéral a aussi une responsabilité à cet égard. C'est par cette voie que le fédéral peut contribuer à améliorer les choses en cas d'effritement ou de crise linguistique, comme ce qu'on a vécu récemment. Il a l'obligation de voir à la vitalité et à l'épanouissement des communautés. Il peut intervenir et appuyer les communautés de façon importante.
    Monsieur Farley?
    J'ai aussi vécu des expériences en ce qui concerne la Loi sur les langues officielles, tant au sein du gouvernement que comme bénévole dans les communautés.
    Selon moi, la clé réside dans la reddition de comptes des provinces relativement aux transferts de fonds fédéraux, que ce soit en santé, en économie ou dans tous les domaines de la sphère publique. Si la Loi sur les langues officielles exigeait des provinces de rendre des comptes, on aurait des outils pour suivre ces fonds et connaître les résultats obtenus.
    Merci, monsieur Farley.
    Nous cédons la parole à Mme Lambropoulos pour deux minutes.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.

[Traduction]

    Monsieur Séror, je vais vous poser mes questions en anglais, puisque je suis la seule anglophone à siéger à ce comité et que j'estime que nous devons également être représentés.
    Vous dites que très peu de gens se considèrent comme étant bilingues, même s'ils ont une bonne compréhension de l'autre langue et qu'ils sont capables de s'exprimer dans cette autre langue. Différents témoins qui ont comparu devant ce comité nous ont dit qu'ils voulaient que le Canada respecte le français autant que l'anglais, et ce, dans tous les domaines. De toute évidence, je suis d'accord avec vous, mais ne devrait-il pas y avoir quelque chose qui pousserait toutes les provinces à en tenir compte? Pour rallier tout le monde à cette idée — y compris les anglophones et les gouvernements provinciaux à l'extérieur du Québec —, il faudrait selon moi qu'il y ait une sorte d'exemple à suivre.
    Si le Québec a le droit d'imposer l'instruction en français aux nouveaux immigrants, et tout cela, cela crée un précédent qui pourrait permettre aux autres provinces de faire la même chose, si elles le veulent.
    Que pensez-vous que nous devrions faire pour promouvoir cette notion dans tous les domaines?

  (1255)  

    Si nous revenons à ce qu'est la réalité pour le citoyen moyen, nous constatons que les avantages de la dualité linguistique, du fait de parler plus d'une langue, sont réels et concrets. Ce sont des avantages importants sur le plan économique, politique et social. Le problème, c'est que nous mettons souvent l'accent sur les aspects négatifs ou que nous sommes parfois portés à penser que la présence de multiples langues se fera nécessairement aux dépens de l'une d'elles. Il peut effectivement se produire quelque chose que l'on appelle le « bilinguisme négatif », mais à cause de cela, nous occultons le fait qu'il peut y avoir un bilinguisme positif et additif.
    Encore une fois, je pense que si une province n'est pas forcée de choisir entre l'une ou l'autre et qu'il est entendu qu'elle peut efficacement faire place aux deux — comme le font beaucoup de nos concitoyens —, ce sera bon pour elle. Lorsqu'une province va à l'étranger, elle peut négocier, vendre, conclure des ententes et signer des ententes avec des universités et des organismes privés dans les langues parlées par ses citoyens. C'est à leur avantage. C'est aussi à l'avantage des citoyens eux-mêmes, qui sentent que la réalité de ce qu'ils sont dans toute leur richesse est mieux exprimée. C'est l'argument que j'invoquerais à cet égard.
     Et permettez-moi d'insister là-dessus: si vous ne laissez pas cette réalité être reconnue, cet écart entre ce qui est ressenti et ce qui est présenté risque à long terme de créer des problèmes. Les gens quitteront la province ou trouveront d'autres moyens de s'exprimer. Nous allons perdre ce potentiel humain qui est si riche au Canada.

[Français]

    Merci, monsieur Séror.
    Nous passons maintenant à la dernière intervention.
    Monsieur Généreux, vous avez la parole.
    Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Bisson, je m'adresserai d'abord à vous.
    Au départ, j'aimerais vous remercier de nous faire part de la réputation de grande qualité qu'a notre comité. Je ne savais pas que le Comité avait une aussi bonne réputation.
    Eh bien, oui.
    Nous sommes très heureux de l'apprendre. Vous êtes le premier à nous le dire.
    Vous avez raison quand vous dites que nous aimons appeler un chat, un chat, et un chien, un chien. De façon non partisane, nous aimons aussi faire avancer la cause du fait français et celle de l'anglais au Québec.
    Dans un espace de temps très limité, vous avez résumé presque toute l'évolution de la Loi. C'était très intéressant.
    Vous avez parlé de démographie. Cela m'amène à une question que je voulais aussi poser à M. Séror.
    On peut avoir la loi la mieux écrite du monde, il faut quand même tenir compte de la réalité. Je viens du secteur privé. Quand je veux faire exécuter quelque chose au sein de mon entreprise, je prends les moyens nécessaires. Si je voulais faire de même ici, à mon bureau d'Ottawa, à la vitesse où les choses avancent, je serais mort bien longtemps avant d'obtenir des résultats.
    À partir du moment où l'on décrit des choses, il faut être en mesure de les faire respecter. Vous avez mentionné l'importance de soutenir une francophonie « forte, stable et résiliente ». Quand cela sera inscrit dans la Loi, comment pourrons-nous y arriver?
    On a beau inscrire les plus beaux mots possible dans une loi, il faut être capable d'en appliquer les principes.
    Comme pourrons-nous faire cela par la suite?
    Mon point de vue est le suivant.
    Comme législateurs, votre rôle est de dire quelle est votre intention. Il y a des mécanismes incroyables mis en œuvre après coup pour l'appliquer.
    Je vais partager mon expérience. Prenons l'exemple du mot « promouvoir » qui est utilisé dans l'article 41 actuel de la Loi. J'ai travaillé avec les ministères. On sait que ce mot ne veut rien dire. S'il y avait eu un mot beaucoup plus fort, alors il y aurait eu des conséquences.
    Quand on travaille avec des représentants de l'appareil gouvernemental — ce ne sont pas de mauvaises personnes, c'est du bon monde —, ils nous disent suivre ce que la loi, ou la politique publique, dit. C'est dans ce sens que je vous recommande d'utiliser des mots forts.

  (1300)  

    Prenons le mot « soutenir », par exemple, comme vous le proposez. Si nous utilisons le terme « soutenir » au lieu de « promouvoir », dans votre esprit, qu'est-ce que cela changera dans les faits après l'adoption de la Loi?
    L'une des choses qui changeront, c'est la façon de soutenir une francophonie forte, stable et résiliente. Que signifie soutenir dans ce cas? Je vais vous donner un exemple très concret, sans toutefois parler de tout l'aspect politique qui y est rattaché.
    La province de Québec a décidé de réduire le nombre d'immigrants. J'observe sur le terrain que cette réduction aura des répercussions sur les communautés minoritaires francophones. Beaucoup moins d'immigrants francophones entreront au pays, alors que la cible nationale est la même. Je sais ce que cela signifiera sur le terrain dans 5 ou 10 ans.
    Si l'on avait une loi dont l'objectif serait libellé en recourant au mot « soutenir », nous, les communautés, pourrions travailler avec les représentants de l'appareil gouvernemental. Nous pourrions leur demander de nous présenter des pistes de solution pour corriger une situation comme celle que je viens de mentionner. Nous pourrions dresser des plans d'action, faire du travail, élaborer et instaurer des programmes. Si, au départ, nous n'avons pas un mot fort comme « soutenir », mais juste le mot « promouvoir », nous sommes dès lors paralysés.
    Merci, monsieur Bisson.
    Madame Brouillette, au sujet de l'éducation, je suis totalement d'accord avec vous pour dire qu'il faut absolument que l'accès à l'éducation en français soit assuré dès la garderie et jusqu'à l'université. Encore une fois, nous dépendons de la relation avec les provinces. M. Arseneault en a d'ailleurs parlé. La reddition de comptes ne semble pas être possible.
    Messieurs Bisson et Farley, vous nous avez parlé de vos expériences en ce qui concerne les bonnes relations avec les ministères. Comment fait-on pour inclure le principe de reddition de comptes dans la Loi? Tout d'abord, peut-on le faire? Si oui, cela devra se faire de façon respectueuse, évidemment, en ce qui concerne les relations avec les provinces.
    La relation avec les provinces reste parfois assez difficile. Ce que je vous dirais à ce sujet, c'est que, si le gouvernement fédéral s'en tient à ce qui est de sa responsabilité, c'est-à-dire la vitalité et le développement des communautés — je reviens encore sur ce que j'ai dit tantôt —, cela permettra d'avancer, sans se retrouver dans les platebandes des provinces.
    Il est certain que les mesures visant à assurer la vitalité peuvent aussi venir des provinces, mais il est de votre responsabilité d'assurer la vitalité, le développement et l'appui aux communautés. Cela vous permet d'intervenir et de faire le travail qui est du ressort du fédéral.
    Merci beaucoup, madame Brouillette.
    Je vous remercie de votre présentation et de cette discussion. Elles étaient formidables.
    Cela met fin à la réunion d'aujourd'hui.
    Merci.
    Nous reprendrons nos travaux jeudi.
    La séance est levée.
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