Passer au contenu
;

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 082 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 12 avril 2017

[Enregistrement électronique]

(1625)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Conformément à l’article 108(2) du Règlement, nous étudions le rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada. Nous accueillons aujourd’hui Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada, et Carolyn Wilkins, première sous-gouverneure.
    Monsieur le gouverneur, après vos remarques liminaires, nous passerons à la période des questions. Bienvenue.
    Merci, monsieur le président, et bonjour à vous et aux membres du Comité.
    La première sous-gouverneure Wilkins et moi-même sommes heureux d’être de retour devant vous pour présenter le rapport sur la politique monétaire que la Banque du Canada a publié ce matin.
    Au moment de notre dernière rencontre, qui a eu lieu en octobre, j’ai traité des facteurs qui nous avaient amenés à revoir à la baisse nos perspectives pour l'économie canadienne. Environ six mois plus tard, je suis heureux de dire que je peux traiter des facteurs qui nous ont amenés à revoir nos prévisions à la hausse pour l’économie canadienne.
    Depuis un certain temps, nous parlons de la façon dont le choc des prix du pétrole qui s'est amorcé en 2014 a déclenché une série d'ajustements complexes dans l'économie, dont une restructuration importante du secteur pétrolier et gazier. À présent, nous constatons que l'activité liée au secteur de l'énergie a cessé de reculer et qu'elle effectue une transition vers un nouveau niveau qui cadre avec le niveau actuel des prix du pétrole.
    Comme maintenant cette importante force négative est essentiellement chose du passé, elle ne masque plus les sources de vigueur à l'oeuvre depuis un certain temps, en particulier la croissance de la production et de l'emploi qui est alimentée par le secteur des services.
    L'expansion au cours des six derniers mois a dépassé nos prévisions antérieures, et nous avons revu à la hausse nos perspectives concernant la croissance annuelle moyenne en 2017 pour les établir a un peu plus de 2,5 %, ce qui représente un demi-point de pourcentage de plus qu'en janvier. La croissance devrait se situer à un peu moins de 2 % en 2018 et en 2019.
    Une question cruciale pour la Banque actuellement est de savoir si les données économiques plus vigoureuses que nous avons observées récemment indiquent une accélération de l'expansion. Cette vigueur découle en partie de facteurs qui ne continueront probablement pas à évoluer au même rythme. Par exemple, la très nette progression de la consommation au premier trimestre a été alimentée par l'impulsion passagère donnée par l'Allocation canadienne pour enfants.
     L'activité dans le secteur du logement a aussi été plus vigoureuse qu'escomptée. Bien que nous ayons incorporé une partie de cette vigueur dans un profil plus élevé de l'investissement résidentiel dans nos prévisions, nous nous attendons toujours à un ralentissement pendant la période de projection. Le rythme actuel de l'activité dans le Grand Toronto et certaines parties de la région du Golden Horseshoe a peu de chances de se maintenir étant donné les facteurs fondamentaux. L'augmentation des prix des logements dans la région du Grand Toronto s'est vivement accélérée ces derniers mois, ce qui nous donne à penser que des forces spéculatives sont à l'oeuvre.
    En ce qui a trait au marché du travail, les données récentes sont plus contrastées. La croissance de l'emploi a certainement été solide, mais les salaires et les coûts unitaires de main-d'oeuvre n'ont progressé que très lentement. Les données portent à croire qu'une marge notable de ressources inutilisées subsiste sur le marché canadien du travail, contrairement au marché américain, qui est proche du plein emploi.
    Parallèlement, les exportations et les dépenses des entreprises au Canada demeurent plus faibles que ce à quoi on pourrait s'attendre à ce stade du cycle économique. Dans nos discussions avec elles, les entreprises nous indiquent qu'elles comptent accroître leurs dépenses, mais les hausses envisagées sont modestes ou elles visent l'entretien du matériel plutôt que des projets d'expansion. Bref, l'économie ne tourne pas encore à plein régime. En outre, les entreprises canadiennes sont confrontées à des niveaux accrus d'incertitude relativement à la politique fiscale et la politique de commerce extérieur des États-Unis.
    Nous ne savons toujours pas quelles modifications fiscales seront apportées, ni quand. Et l'éventail de mesures commerciales envisagées est encore plus vaste maintenant qu'il ne l'était en janvier. Il comprend, premièrement, une taxe d'ajustement aux frontières; deuxièmement, des droits tarifaires plus élevés visant certains produits ou pays; troisièmement, des barrières non tarifaires; et, quatrièmement, des mesures commerciales multilatérales encore plus étendues.

[Français]

     Nous ne savons pas lesquelles de ces mesures seront mises en oeuvre ni à quel moment elles le seront. En outre, chacune d'entre elles aura des répercussions sur les économies mondiale et canadienne par la voie d'une série de canaux différents et complexes. Face à toute cette incertitude, nous ne pouvons pas modéliser de manière fiable l'incidence des changements à la politique des États-Unis en matière de commerce extérieur. Par rapport à nos prévisions de janvier dernier, nous avons plutôt incorporé un degré supplémentaire de prudence dans nos prévisions liées aux exportations et aux investissements.
     L'inflation globale s'est chiffrée à près de 2 % et devrait fléchir pour s'établir à quelque 1,7 % au milieu de l'année, avant de se rapprocher à nouveau de sa cible. Toutefois, toutes nos mesures de l'inflation fondamentale se situent dans la moitié inférieure de la fourchette cible et se sont inscrites en baisse.
(1630)
     Cette évolution corrobore le point de vue selon lequel il subsiste une marge considérable de capacités excédentaires au sein de l'économie. Selon notre scénario de référence, les capacités excédentaires devraient se résorber dans l'économie canadienne au cours du premier semestre de 2018, soit un peu plus tôt que ce qui avait été prévu il y a trois mois.

[Traduction]

    Nous voyons clairement d'un bon oeil la robustesse récente des données économiques et nous souhaitons la voir se maintenir avant de pouvoir considérer avec assurance que la croissance repose sur des bases solides. Nous estimons que l'économie dispose toujours d'une marge notable pour croître. Et nous tenons compte du fait qu'une incertitude considérable pèse encore sur les perspectives. Dans ce contexte, nous avons estimé que la politique monétaire actuelle est encore appropriée et nous maintenons le taux cible du financement à un jour à 0,5 %.
    Sur ce, monsieur le président, la première sous-gouverneure Wilkins et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur le gouverneur.
    Nous allons passer à la période des questions et commencer par des séries de cinq minutes pour donner à tout le monde la chance d'en poser.
    Madame O'Connell.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'être venus aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par revenir sur une déclaration que vous avez faite et qui a été rapportée dans les médias à la fin de l'année dernière. Vous affirmiez que, selon vous, un des plus grands risques pour l'économie était l'endettement élevé des ménages. Nous venons juste de terminer une étude sur le logement dans laquelle nous avons abordé ce sujet.
    Si vous croyez que les mesures fédérales récemment adoptées régleront le problème ou si vous avez des idées en général, je me demandais si vous pouviez nous en faire part, y compris si vous avez observé des tendances ou constaté que la politique a fonctionné depuis l'époque où vous avez formulé ces commentaires — je crois que c'était en décembre dernier.
    Bien sûr.
    C’était à l’occasion, en décembre, de la publication de notre revue du système financier, qui est un exercice semestriel; le prochain sera en juin. C’est absolument vrai que l’endettement des ménages, qui est au plus haut niveau jamais vu et qui continue de croître, représente un risque important. Il est étroitement lié aux déséquilibres du marché du logement, car les gens s’endettent principalement pour acheter des maisons. Nous estimons que les mesures prises par le gouvernement fédéral, pendant à peu près la même période, ont l’effet escompté. C’est donc dire que les gens sont maintenant admissibles à des prêts hypothécaires à des taux plus élevés, si bien qu’ils ont plus de marge dans leur plan de financement en cas d’arrêt de travail ou de hausse des taux d’intérêt. Le système est plus résilient et connaît une croissance puisque chaque nouvelle dette est sujette à ces critères plus stricts. C’est le principal changement qui a été apporté.
    Du point de vue de la Banque du Canada, comme notre principale mission est de cibler l’inflation, cela suppose le rétablissement de la pleine capacité économique. Cela stimule la création d’emplois et la croissance économique, ce qui améliore le dénominateur du ratio dette-revenu et rend la situation moins risquée.
    Merci.
    Dernièrement, les médias ont soulevé des questions concernant les taux d'intérêt et la mesure dans laquelle la politique monétaire des États-Unis aura une incidence sur nous au Canada. Nous avons observé une hausse des taux d'intérêt dans ce pays. Encore une fois, je comprends les conjectures, mais dans quelle mesure la politique monétaire étatsunienne nous touche-t-elle ici à ces égards, surtout en ce qui concerne les taux d'intérêt? C'est ce qui inquiétera le Canadien moyen compte tenu de son endettement élevé.
    Il est clair que ce que les gens observent, et ce, depuis très longtemps, est qu’il existe une forte corrélation entre les taux d’intérêt du Canada et ceux des États-Unis, surtout plus leur terme est long, par exemple, le taux sur cinq ans sur lequel de nombreux taux hypothécaires sont fondés. Quand la Réserve fédérale commencera à resserrer les taux d’intérêt, nous allons tout naturellement importer une partie de cette hausse. En fait, nous l’avons vu. Il ne s’agit pas d’un montant important, mais au cours des six derniers mois, nous l’avons remarqué.
    Pour ce qui est de savoir si cela se répercutera sur les taux hypothécaires, c’est aux institutions financières qui les fixent qu’il revient de répondre. Elles ont puisé un peu à même leurs marges au lieu de hausser les taux.
    Nous avons une politique monétaire indépendante, et nous fixons nos taux d’intérêt en fonction de ce dont nous pensons avoir besoin pour atteindre nos cibles d’inflation. Si nous sommes à différentes étapes du cycle, ce qui est actuellement le cas, nos trajectoires de taux d’intérêt ne seront pas les mêmes. Nous en tenons compte lorsque nous faisons nos prévisions: nous nous fondons sur la courbe des taux d’intérêt et nos estimations de la croissance aux États-Unis.
(1635)
    La brève question que j’ai pour vous est donc la suivante: vous avez déclaré que nos politiques étaient indépendantes de celles des États-Unis, et je comprends, mais le Canada devrait-il faire du plein emploi un objectif explicite de la Banque du Canada, à l'exemple des États-Unis, ou nous n’en sommes pas rendus au même stade qu’eux dans le cycle?
    En fait, nous ne voyons pas de contradiction ici. Comme nous ciblons l’inflation, nous devons nous retrouver avec un taux d’inflation de 2 % qui est durable à 2 %. Un taux durable à 2 % signifierait qu’il n’y a ni demande excessive ni offre excessive dans l’économie pour tirer les taux vers le bas ou vers le haut, si bien qu’il y a une concordance dans les faits: nous aurions aussi atteint le plein emploi en même temps.
    En conséquence, pour nous, il n’est pas possible de faire la distinction entre les deux, mais je pense que le fait d’avoir uniquement une cible d’inflation rehausse la clarté de notre processus décisionnel car, bien sûr, en arrière-plan, l’économie suit ses processus de rajustement. Il est très difficile d’avoir deux cibles avec, en réalité, un seul instrument pour ce faire.
    Merci beaucoup.
    Merci à tous.
    C'est maintenant au tour de M. Deltell.
    La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président, et merci, chers collègues.

[Français]

     Madame, monsieur, soyez les bienvenus à votre Chambre des communes.
    J'aimerais tout d'abord obtenir une petite précision. D'entrée de jeu, vous avez parlé du prix du pétrole qui, évidemment, a constitué une grande préoccupation au cours des quatre dernières années en Alberta, surtout si on pense aux effets terrifiants que l'on a connus.
     Vous dites qu'on effectue une transition vers un nouveau prix qui cadre avec le niveau actuel du prix du pétrole. Selon vous, cela signifie-t-il que, au cours de la prochaine année, le prix du pétrole sera stable? Prévoyez-vous plutôt une hausse? Si oui, quel prix cible entrevoyez-vous pour le baril de pétrole?
    Pour nous, de la Banque du Canada, faire des prévisions relativement au prix du pétrole est un défi. Par conséquent, nous faisons des prévisions en nous basant sur un prix stable. Par la suite, nous analysons les autres risques.
     Pour le moment, je dirais qu'il y a un risque de hausse à court terme parce qu'on vit une période de très bas investissements dans le secteur. Un jour ou l'autre, la demande sera plus grande que l'offre.
    Par ailleurs, les changements technologiques changent la courbe de l'offre dans un sens très imprévisible. Je ne suis pas donc vraiment pas certain de ce que nous réserve l'avenir. Je suis content de voir que, avec une présomption de stabilité, l'industrie se stabilise.
    Merci beaucoup.
     Vous parlez d'une hausse potentielle du prix du pétrole. On aura compris que nos entreprises albertaines et toutes les entreprises canadiennes qui dépendent du pétrole souhaitent et attendent cela.
     Avant d'aller plus loin, permettez-moi de vous remercier et de vous féliciter pour la qualité de votre français, monsieur Poloz. Nous l'apprécions grandement.
    En ce qui a trait au taux d'intérêt, on est toujours un peu nerveux lorsqu'on s'endette et lorsqu'on crée des déficits. Je ne ferai pas de discours politique auquel nous sommes habitués depuis un an et demi, mais, selon vous, le taux d'intérêt devrait-il rester stable? Prévoyez-vous qu'il y aura des fluctuations au cours de la prochaine année?
(1640)
    Je ne vais pas faire de prévision relativement au taux d'intérêt. Comme nous l'avons dit plus tôt aujourd'hui, nous sommes essentiellement dans une situation neutre en ce qui a trait au taux d'intérêt. Les prévisions que nous avons faites ce matin sont basées sur un taux d'inflation de 2 % durant cette période et un écart de production fermé au cours de la première moitié de l'année prochaine. Ces données nous disent que le taux d'intérêt, aujourd'hui, est approprié. Il faudra suivre toutes les données, constamment, pour entrevoir la situation pour l'année prochaine, par exemple.
     D'accord.
    Vous dites que l'économie ne tourne pas encore à plein régime et qu'il y a de l'incertitude en ce qui concerne les États-Unis. Le président américain a parlé de petits changements dans les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis. Or qui dit petits changements pour les Américains dit gros impacts pour le Canada, comme l'a d'ailleurs si bien dit l'ex-premier ministre Brian Mulroney il y a deux semaines, lors de la rencontre à laquelle il a participé à Ottawa avec quelques ministres fédéraux.
    Selon vous, quels sont les secteurs les plus à risque de l'économie canadienne si, justement, ces petits changements ont de gros impacts sur le Canada? Quel impact cela pourrait-il avoir sur l'économie globale?
    Quand nous avons fait notre analyse, nous avons constaté qu'il y avait beaucoup de scénarios possibles. Par conséquent, il est présentement difficile de répondre à votre question de façon précise.
    Dans notre rapport sur la politique monétaire, nous avons tenté de cerner les canaux de changement qui auraient une incidence sur l'économie canadienne. S'il y avait un tarif, par exemple, il est sûr que les impacts se feraient davantage sentir sur les industries directement impliquées. Si un tarif touchait certaines industries en particulier, cela aurait un effet différent à travers le pays. C'est d'ailleurs ce qu'on peut observer en ce moment dans le secteur forestier.
    Il y a aussi d'autres canaux de changement, comme le choc lié aux prix du pétrole, qui a des retombées sur des secteurs plus larges. Par exemple, des travailleurs peuvent devoir déménager et trouver un emploi dans d'autres provinces ou d'autres secteurs. Il y a aussi de l'investissement de capital dans d'autres industries. Ces changements nécessiteront un ajustement qui pourrait prendre du temps et, en fin de compte, entraîner un taux de productivité moins élevé que le taux actuel. C'est attribuable au fait qu'il y a des chaînes de valeur mondiales qui ont été bâties au fil de toutes ces années de mondialisation. Ces chaînes sont efficaces, mais si on commence à les défaire, on se retrouvera avec des chaînes de production moins productives.
    C'est pour cela que nous disons que si cela se produisait, les effets seraient très négatifs, mais en ce moment, il n'est pas possible de dire précisément si cela se produira.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Dusseault, allez-y.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Madame, monsieur, je vous remercie de votre présence.
    Je vais d'abord poser une question à laquelle vous ne vous attendez peut-être pas aujourd'hui.
    Il y a un certain temps, plusieurs observateurs et même des économistes ont dit que le mandat de la Banque du Canada aurait changé en 1974 et que, depuis ce temps, elle ne peut plus prêter d'argent au gouvernement du Canada. J'aimerais vous donner l'occasion de répondre à ces interrogations qui sont soulevées à maintes reprises dans le débat public au sujet de la raison pour laquelle la Banque du Canada ne prête plus d'argent au gouvernement du Canada. Peut-être cela éclairera-t-il tous ceux qui ont écrit sur ce sujet.
(1645)
    Il y a une différence entre ce que nous avons le droit de faire légalement et ce que nous voudrions faire en pratique.
    Ce qui distingue une banque centrale, c'est qu'elle est indépendante et qu'elle a une cible bien établie, et qu'elle doit rendre des comptes à cet égard. Le cadre de politique monétaire que nous avons choisi est de cibler le taux d'inflation. C'est une entente que la Banque du Canada a renouvelée avec les gouvernements des 25 dernières années, et nous venons tout juste de le faire encore une fois. C'est la meilleure façon pour la Banque de promouvoir un environnement macroéconomique qui soit propice à l'investissement et qui favorise une économie stable pour les ménages et les entreprises. Si nous mêlions à cela le prêt d'argent directement au gouvernement, nous viendrions changer les objectifs et le mandat d'une banque centrale. Cela pourrait faire en sorte qu'il y ait moins de clarté quant à nos taux d'inflation et nuirait, en fin de compte, à notre stabilité financière.
     Je vous remercie de la réponse.
    Vous avez dit dans votre présentation que les salaires et les coûts unitaires de main-d'oeuvre n'avaient progressé que lentement.
    Croyez-vous que les salaires sont susceptibles de s'améliorer au cours des prochaines années?
     J'aimerais que vous nous disiez pour quelles raisons les salaires ont stagné au cours des dernières années et si la situation est susceptible de s'améliorer.
    Il y a deux facteurs. Premièrement, nous avons connu une période de croissance lente à partir de 2008. Durant cette période, il y a eu un écart de production assez large, particulièrement dans le marché du travail. C'est ce qui explique cette longue période de stagnation.
     Par ailleurs, le prix du pétrole a chuté. C'est le deuxième facteur. Juste au moment où l'économie était en pleine croissance, nous avons reçu ce deuxième choc, qui a nécessité un ajustement majeur dans l'économie. Ce processus est long. Cela représente notamment une perte de revenus annuelle de 60 milliards de dollars pour le pays. Ces répercussions n'affectent pas uniquement les gens qui sont dans les secteurs directement touchés. C'est en effet presque toute l'économie qui est touchée.
     Pour ces deux raisons, il y a des pressions à la baisse sur les taux d'inflation et, par surcroît, sur les salaires. Nous nous attendons à ce que cet écart de production se referme au cours de la première moitié de l'année prochaine et à ce que les salaires bénéficient éventuellement d'un peu plus de croissance. Il s'agit là d'un signe de progrès. Or jusqu'à maintenant, il est évident que la croissance n'est pas vraiment assurée. C'est un peu inégal. La fondation n'est pas solide. Selon nos prévisions, cependant, elle va devenir plus forte et plus stable.
    S'il me reste du temps...

[Traduction]

    Nous pourrions revenir à vous, Pierre.
    Monsieur Sorbara.
    Merci, monsieur le président.
    Je souhaite la bienvenue au gouverneur et à la première sous-gouverneure. C'est toujours un plaisir de vous voir.
    En parcourant le rapport sur la politique monétaire cet après-midi, je note deux choses excellentes. La première, évidemment, est la croissance plus forte que prévu, puisque vous avez révisé la croissance de cette année à la hausse. La seconde est l’écart de production qui se referme plus tôt que prévu — bien que, je crois comprendre qu’on réévaluera aussi la façon dont on examine et on mesure les écarts de production.
    Un point dont je voulais discuter brièvement est celui des exportations et des investissements des entreprises, les deux éléments qui contribuent au PIB et qui ne se sont pas aussi bien rétablis qu'on aurait prévu après une crise économique ou au cours d'un cycle. Pourriez-vous nous donner de plus amples détails sur ce que la Banque examine dans ces deux secteurs de contribution à l’économie?
(1650)
     Ces choses vont vraiment de pair. La situation s’explique par le fait que, pendant la période où le dollar était fort, qui a été suivie de la crise financière et de la récession mondiales, nous avons perdu entre 8 000 et 10 000 entreprises exportatrices qui ont fait faillite.
    Lorsque les conditions du rétablissement étaient réunies, alors que l’économie étatsunienne reprenait de la vigueur et que le dollar canadien connaissait un ralentissement, cette combinaison aurait normalement produit un rétablissement beaucoup plus marqué des exportations. En fait, comme nombre de ces entreprises n’existaient plus, elles n’ont pas répondu à cette relance de la façon dont nos modèles l’avaient prédit.
    Pendant cette période, nous avons été occupés à refondre le secteur au micro-niveau. Nous avons matière à être encouragés. Il y a des secteurs émergents à la croissance rapide, alors c’est une bonne chose, et il y en a d’autres, bien sûr, pour lesquels ce n’est pas le cas.
     Il y a, en plus de cela, le côté investissement. Nous nous attendions à ce que les exportations croissent au point où les entreprises utilisent pleinement leurs ressources et font ensuite de nouveaux investissements. Cette séquence naturelle ne s’est pas vraiment concrétisée, pour les raisons que je viens de mentionner.
    Si vous me le permettez, une dernière chose est l’incertitude qui nous vient du sud de la frontière et qui fait en sorte que les entreprises se retiennent de faire ces investissements.
    Bien sûr.
    Passons maintenant au marché du logement régional, et je dis « régional » pour une raison: je crois savoir que le Grand Toronto connaît probablement une croissance de 4 % à 5 % par année. Vous avez parlé récemment de certains des éléments fondamentaux qui sous-tendent le marché du logement, mais en mentionnant toutefois que vous voyiez des niveaux de spéculation.
    Nombre d’entre nous entendons constamment nos électeurs nous parler du caractère abordable — mais surtout non abordable — des logements dans le Grand Toronto. Si je ne m’abuse, monsieur le gouverneur, vous avez aussi mentionné certaines des questions d’offre.
    Si nous dressions la liste des raisons qui expliquent la hausse des prix, que diriez-vous à ce sujet? Pourriez-vous ajouter des détails?
    Si nous commençons au point le plus élémentaire, un prix est toujours influencé par l’offre, la demande ou les deux. Comme vous dites, la demande est à la hausse dans le Grand Toronto, mais la croissance économique se situe entre 4 % et 5 %. Elle est stimulée par l’immigration et la création d’emplois, ce qui crée une demande très élémentaire de logements supplémentaires. L’offre est à la hausse, mais n’a pas réussi à suivre la demande, si bien que les prix ont naturellement tendance à augmenter. Ce sont des éléments fondamentaux.
    Cependant, je ne pourrais pas vous donner d’éléments fondamentaux qui justifieraient des hausses de prix de 20 % ou de 30 %, alors sans préciser dans quelle mesure elles sont attribuables à la spéculation, il m’apparaît évident qu’un nombre croissant de ces hausses est le fruit de la spéculation, ce qui signifie que des gens n’achètent pas des maisons pour y vivre, mais bien pour les rénover et les vendre à profit aux fins d’investissement.
    Il s’agit, bien sûr, d’une phase plus risquée de tout cycle. Cela signifie qu’il est temps de rappeler aux gens que les prix des maisons peuvent autant baisser que monter et qu’ils devraient procéder à leurs propres évaluations des risques, en se demandant, en gros, par exemple, pourquoi ils achètent cette maison et s'ils pourraient supporter une correction de 10 % du prix. Bien des gens ordinaires pourraient le faire; ils continueraient simplement à payer leur hypothèque et à habiter dans leur maison. Cependant, les spéculateurs ne pourraient pas se le permettre, alors c’est risqué au plan financier.
    Monsieur le président, ai-je le temps de poser une question supplémentaire?
    Non. Vous aurez peut-être la chance de le faire plus tard.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Albas.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos invités d’être venus et du travail qu’ils font tous les jours pour les Canadiens.
    Nous sommes manifestement dans une période de politiques divergentes, dans laquelle les États-Unis… Je reprends l’argument de la première sous-gouverneure selon lequel, bien que la Banque du Canada soit une institution indépendante, nombre de gens feraient valoir le fait également vrai que notre économie et celle des États-Unis sont interdépendantes et intégrées. Nous sommes stables, du moins côté taux d’intérêt. Je ne vais pas vous demander de vous prononcer sur la direction qu'ils pourraient prendre, mais que signifie une hausse des taux étatsuniens au plan pratique pour notre dollar et autres? Que révèle votre modélisation?
(1655)
    Il est vrai que les économies canadiennes et américaines sont très intégrées et que, dans une moindre mesure, notre économie est intégrée à nombre d’économies, mais le type de perturbation qui vient briser cette intégration est celui qui s’est produit, à savoir le choc des prix du pétrole. Le déclin des prix du pétrole est fondamentalement bon pour l’économie étatsunienne, car les États-Unis sont un importateur net de pétrole, et fondamentalement mauvais pour l’économie canadienne, car le Canada est un important exportateur net de pétrole.
    Cette différence a causé une divergence entre les deux économies, ce qui explique que, au moment du choc des prix du pétrole, nous avons cessé de réaliser des progrès dans nos efforts pour réduire les taux de chômage. Ce fut le contraire aux États-Unis, si bien qu’ils ont atteint le plein emploi bien avant nous. Il s’agit-là d’une divergence dans les taux ou le stade du cycle, et pas nécessairement dans les taux de croissance.
    Dans ce contexte, il est très important de dire clairement que nous avons une politique monétaire indépendante. Nous ne pouvons pas simplement suivre les États-Unis, car si nous le faisions, il est clair que nous n’atteindrions pas nos cibles d’inflation en raison d’une capacité excédentaire. C’est une des raisons pour lesquelles notre taux de change est flexible: pour nous donner cette indépendance sur le plan des politiques. Si nous avions un taux de change fixe, nous n’en aurions aucune.
    En ce qui concerne le taux de change flottant — et vous avez, bien entendu, indiqué que vos modèles précédents n'ont peut-être pas donné un portrait exhaustif de la situation —, vous pensiez que la faiblesse du dollar favoriserait une augmentation des exportations, ce qui ne s'est pas avéré. Je pense que c'est dû en partie à une perte permanente de capacité de production.
    À cet égard— en ce qui concerne la croissance du secteur agroalimentaire, par exemple, le président considère que l'agroalimentaire constitue un processus de premier plan —, un agriculteur peut décider de cultiver ou non un acre supplémentaire; des décisions très fermes peuvent être prises. Quand quelqu'un construit ou agrandit une usine, de nombreux processus entrent en ligne de compte.
    La Banque du Canada s'attend-elle à ce que les exportateurs canadiens réinvestissent dans la capacité de production en raison du faible taux de change entre le Canada et les États-Unis? Quelles autres mesures le gouvernement fédéral pourrait-il prendre pour les aider à accroître leur capacité de production?
    Comme le manuel l'indique, un grand nombre de secteurs réagissent à la faiblesse du dollar. La réaction s'observe principalement dans le secteur manufacturier, où 8 000 à 10 000 entreprises ont disparu. Nous constatons donc une réaction classique au sein de l'économie, dans le secteur alimentaire, par exemple, qui est très solide, dans les services de TI, un vaste secteur en croissance, dans le tourisme et dans l'ameublement. Ce sont des exemples classiques.
    Nous considérons que le processus fonctionne comme il le fait normalement. Il le fait simplement plus lentement que par le passé, et il sera tributaire de la création de nouvelles entreprises au fil du temps pour combler le vide laissé par la contraction du secteur de l'énergie.
    Merci.
    Nous parlions de l'endettement des ménages. Les gens associent souvent la dette hypothécaire à la dette des ménages. L'endettement des ménages est, de toute évidence, un terme vaste qui pourrait englober la dette hypothécaire. Y a-t-il un risque dans le secteur non hypothécaire? Le gouvernement a déjà pris des mesures draconiennes à cet égard. Est-ce que d'autres démarches sont nécessaires ou seraient utiles pour limiter le risque relatif à l'endettement général des ménages?
    Je crains de ne pas avoir les statistiques devant moi. Sachez toutefois que la vaste majorité de l'endettement des ménages est attribuable aux hypothèques et non à la dette à la consommation. Il y a aussi la dette relative à l'automobile et d'autres dettes. Cet endettement existe donc, et je ne veux pas en faire fi. À certains égards, il y a des signaux d'avertissement, comme l'augmentation de la durée des prêts automobiles, par exemple, qui fait que les gens se retrouvent avec un capital négatif à cause de leur prêt automobile et de ce genre de choses. Certains problèmes sont des symptômes de risque, mais c'est le marché immobilier qui nous préoccupe le plus. Quoi qu'il en soit, nous considérons généralement l'endettement des ménages comme un tout, car il comprend de nombreux éléments et est élevé.
    Je veux formuler une dernière remarque avant que le président ne m'interrompe. Si la part de l'encours de la dette au sein de l'économie augmente, ce n'est habituellement pas parce que les gens s'endettent davantage, mais parce que des personnes qui n'avaient pas de dette s'endettent pour la première fois, notamment quand elles achètent leur première maison. Grâce aux nouvelles exigences qui ont été instaurées, nous savons que l'encours de la dette devient plus viable au fil du temps.
(1700)
    Merci à vous deux.
    Monsieur Fergus.

[Français]

    Monsieur le gouverneur, madame la première sous-gouverneure, je vous remercie d'être parmi nous. La qualité de votre français est extraordinaire. Je dois aussi saluer les travaux collectifs que vous avez entrepris pour vous assurer que l'économie canadienne roule bien.
    Je crois que tous mes collègues autour de la table seront d'accord pour dire que, lorsque l'économie roule bien, cela a des effets très positifs sur notre situation politique immédiate. Cela dit, ce n'est pas votre préoccupation.
    Vous avez mentionné dans le « Rapport sur la politique monétaire - Avril 2017 », qui a été publié aujourd'hui, que l'économie avait été plus performante à la fin de 2016 et au début de 2017 et que cela pouvait être en partie attribuable à l'Allocation canadienne pour enfants.
    Pouvez-vous nous donner un bref aperçu, dans la langue de votre choix, de l'effet que ce programme a eu sur l'économie canadienne et des raisons pour lesquelles vous prévoyez que cet effet ne va pas se poursuivre au cours des prochains mois?

[Traduction]

    Volontiers.

[Français]

    Ce programme a vraiment comme effet d'augmenter le revenu disponible des parents. Cela implique que les parents doivent par la suite déterminer s'ils veulent dépenser cet argent, l'épargner ou encore payer leurs dettes. Nous avions prévu que les parents feraient le choix de dépenser un peu et d'épargner un peu, et c'est exactement ce que nous avons observé.
     Cependant, nous avons été surpris de constater que l'effet était beaucoup plus concentré dans le temps que nous ne l'aurions pensé. Ce genre de changement augmente le niveau de revenu une fois, puis cela continue à un autre niveau. L'effet sur le niveau de consommation est permanent, mais, sauf si le montant alloué continue d'augmenter, l'effet sur la croissance disparaît. Il ne s'agit là que de l'arithmétique de la croissance.
    Bref, l'effet de l'augmentation du niveau de revenu en une fois est très positif, mais il ne peut pas continuer si le montant qui est versé reste le même.

[Traduction]

    Pouvons-nous évaluer l'effet que cette allocation a sur le coup? Cela ne nous...

[Français]

    Il y a eu une estimation, mais je dois avouer que je n'ai pas ce chiffre en tête. Monsieur Poloz, connaissez-vous ce chiffre?
    Ils ont dépensé environ 50 %.
    Ils ont dépensé à peu près 50 %.
    En moyenne.
    Cela revient à la question que vous avez posée concernant le taux d'endettement des ménages canadiens, qui représente un problème assez sérieux. C'est bien que vous essayiez de trouver le bon équilibre et de maintenir un taux directeur qui favorise la croissance économique à l'intérieur d'une certaine fourchette. Depuis qu'on a établi cela dans les années 1990, vous faites un bon travail à cet égard et vous continuez en ce sens.
    Le taux directeur est historiquement bas. Comment peut-on ajuster le taux directeur pour s'assurer que les ménages canadiens ne s'endettent plus? En même temps, on ne veut pas freiner la croissance économique. On sait bien que cet endettement est attribuable au fait que les gens dépensent et que, de ce fait, cela stimule l'activité économique.
(1705)
    C'est une question très complexe.
    Je dirai franchement qu'il n'y a qu'un seul instrument et c'est le taux directeur. Votre question aborde plusieurs objectifs.
    Notre premier objectif est de maintenir un taux d'inflation stable. Si le taux d'inflation est maintenu à 2 %, le reste de l'économie est en équilibre. Nous avons atteint le maximum de toutes ces choses tout en maintenant un taux d'inflation stable. C'est le taux d'inflation qui influe sur tout le reste.
    La dette, c'est une autre chose. Il y a eu une longue période où la dette s'est accumulée. La façon dont nous pouvons remédier à cela est de maintenir l'économie en équilibre. Quant au reste, il faudra du temps pour que le tout s'ajuste.

[Traduction]

    Monsieur Liepert.
    Merci, monsieur le gouverneur.
    Je veux donner brièvement suite aux questions que mon collègue a posées sur le dollar.
    J'admets que bien des facteurs entrent en ligne de compte et font sentir leur effet, mais quelle valeur le dollar devrait-il avoir, selon vous, pour que l'économie continue de croître? Notre dollar doit-il s'établir à 75 ¢, une valeur qu'il a aujourd'hui et aux environs de laquelle il semble se maintenir depuis un ou deux ans?
    Nous ne nous faisons pas d'opinion de la manière que vous décrivez. En fait, le dollar canadien est surtout associé au prix du pétrole, en raison de l'importance que ce dernier revêt dans l'économie. Quand ce prix était de 100 $, le dollar canadien était dans les 90 ¢ et avoisinait en fait les 100 ¢.
    Nous utilisons des modèles pour tenter de saisir la relation historique entre le pétrole et le dollar. Ce dernier subit d'autres influences. Outre le pétrole, d'autres marchandises et le différentiel de taux d'intérêt entre le Canada et les États-Unis entrent en ligne de compte. Mais c'est à peu près tout. C'est un modèle assez simple qui permet de savoir comment le taux de change est déterminé.
    Dans la vraie vie, tout ce qui change influence l'estimation que le marché se fait des taux d'intérêt futurs, car cela agit en interaction avec l'inflation. Tout ce qui change peut donc avoir un effet sur le dollar, car cela modifie les attentes.
    Dans les modèles des économistes, le taux de change réagit à tout ce qui change. Il est donc très difficile de se faire une idée de la valeur appropriée du dollar. Tout dépend des forces qui agissent sur l'économie à ce moment-là.
    Il n'existe tout simplement pas de règle immuable. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, c'est exactement la raison pour laquelle nous avons et devons avoir un taux de change souple. Nous ne pouvons l'obliger à s'établir à une valeur donnée ou s'attendre à ce qu'il ait une certaine valeur, puisqu'un grand nombre de forces l'influencent. Nous devons concentrer notre attention sur un élément ayant une utilisation générale, c'est-à-dire le taux d'inflation. Cela permet d'éclairer la prise de décision des entreprises et des ménages, car ils peuvent compter sur le fait que nous allons maintenir ce taux près de la cible.
    Je ne suis pas en désaccord avec ce que vous avez dit. Je pense simplement que si nous utilisons le modèle dont vous avez parlé aujourd'hui, lequel repose sur un prix du pétrole à 50 $ ou une autre valeur, nous pouvons voir un certain nombre de signaux d'avertissement aux États-Unis, comme l'augmentation des taux d'intérêt ou autre chose. Je ne pense même pas que ce soit un signal d'avertissement: c'est une réalité. Nous avons déjà indiqué que nous n'interviendrions pas à cet égard, en imposant une taxe à la frontière ou en prenant une autre mesure. Tous ces facteurs qui entreront probablement en jeu continueront d'influer sur le dollar canadien. C'est du moins la croyance commune.
    Tout d'abord, êtes-vous d'accord avec cela? Si c'est le cas — et j'admets que j'ai commencé ma question avec un « si » —, comment pouvons-nous en arriver au point où le dollar... Est-ce qu'un dollar à 65 ¢ est bénéfique ou néfaste pour le pays? On a toujours cru que la faiblesse du dollar stimulait les exportations de produits manufacturés. Comme nous l'avons indiqué, c'est ce qu'il s'est passé dans une certaine mesure, mais pas au point de compenser l'effet des prix du pétrole. J'aimerais que vous me donniez votre avis à ce sujet, principalement à propos des facteurs externes venant des États-Unis.
(1710)
    Dans le cas des États-Unis, tout le monde sur le marché sait que l'économie américaine jouit d'un plein emploi et qu'on a commencé à y normaliser les taux d'intérêt. Tout le monde sait aussi que l'économie canadienne se trouve dans une situation différente et évoluera probablement de manière indépendante. Ces deux croyances sont intégrées dans le marché et dans les prix d'aujourd'hui.
    Si ces deux croyances se concrétisent comme prévu, je ne m'attends pas à une fluctuation notable du dollar canadien, mais si autre chose change, comme le prix du pétrole, alors le dollar... Voilà pourquoi nous ne pouvons faire de prédictions fermes. C'est vraiment le marché qui influence la valeur du dollar, et nous le comprenons, car le marché voit tout, et ce sont ces milliards de transactions qui influent sur le dollar. Ce serait une erreur de notre part de chercher à compenser ces effets.
    Enfin, la faiblesse du dollar est-elle toujours bénéfique? Eh bien, elle l'est parfois, dans le cas d'une entreprise ayant un contenu principalement canadien, par exemple. Ce pourrait être le cas en agriculture, mais nécessairement, car l'équipement peut être importé.
    Oui.
    Les entreprises nous affirment toujours que c'est une arme à deux tranchants, n'est-ce pas? Il n'existe pas d'argument simple en faveur d'un dollar faible ou élevé. Ce sont ces forces qui déterminent la valeur du dollar.
    J'ajouterais très brièvement, monsieur le président, qu'un certain nombre de compagnies étrangères ont liquidé leurs avoirs dans le secteur des sables bitumineux, signe qu'elles ne poursuivront pas leurs activités dans ce domaine. Ce retrait des investissements vous préoccupe-t-il?
    Je n'ai aucune inquiétude à ce sujet. En fait, j'observe que les pays étrangers s'intéressent fortement au Canada sur le plan de l'investissement. Je dirais même que cet intérêt s'est accentué au cours des derniers mois. Je pense qu'il s'agit simplement d'une décision sectorielle prise par une multinationale qui jouit d'une multitude d'occasions d'investissement et qui a réévalué sa situation. Je ne pense pas que le facteur national entre en ligne de compte.
    Merci.
    Merci à vous deux.
    Monsieur Grewal.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le gouverneur et madame la première sous-gouverneure, de témoigner. Je vous en suis reconnaissant.
    Juste avant que vous ne vous asseyiez, je lisais dans le Globe and Mail un article indiquant que vous vous étiez prononcés sur le risque que présente la spéculation sur le marché immobilier de Toronto. Notre comité a étudié le secteur immobilier et s'apprête à présenter un rapport au Parlement. La question du logement constitue à l'évidence un problème régional. Les problèmes diffèrent d'une région à l'autre du pays.
    Par chez moi, à Brampton, la situation prend des proportions alarmantes. À Brampton-Est, les prix augmentent de 30 000 $ d'un mois sur l'autre. Il y a beaucoup de spéculation et les gens possèdent quatre ou cinq maisons.
    Quel genre de risque cette situation présente-t-elle pour l'économie canadienne? À votre avis, une augmentation du taux d'intérêt pourrait-elle contribuer à freiner la spéculation sur le marché immobilier?
    Nous avons longuement traité de la question dans notre revue du système financier. Nous observons une combinaison de prix très élevés, qui sont insensés si on tient compte des données fondamentales et du niveau d'endettement élevé. Il ne s'agit pas seulement de la dette globale. Dans certains quartiers où les prix sont élevés, les résidants qui paient des hypothèques figurent parmi les personnes les plus endettées. Leur ratio dette-revenu peut s'élever à plus de 450 %.
    Cette combinaison de facteurs crée une vulnérabilité. Nous appelons cela une vulnérabilité, car il suffit d'un événement pour qu'elle se transforme en un risque qui se concrétise. Bien entendu, cela portait un rude coup à la macroéconomie, selon l'importance et la portée de l'événement. Dans le pire des cas, cela mettrait en péril la stabilité financière. Si vous lisez notre revue du système financier, cependant, vous savez qu'il faudrait un événement d'une ampleur considérable pour en arriver là.
    Nous réfléchissons effectivement à la question, mais l'augmentation du taux d'intérêt n'a souvent pas une influence aussi bénéfique qu'elle pourrait l'être sur les facteurs qui pourraient provoquer des augmentations substantielles des prix. Une telle augmentation aurait une incidence sur l'ensemble du pays, y compris dans des provinces où il n'y a pas de problème à cet égard. Le taux d'intérêt est un instrument à grande portée, qui est très efficace quand nous l'utilisons. Vous pourriez toutefois utiliser d'autres politiques bien plus efficaces et beaucoup plus ciblées. Nous avons vu certaines d'entre elles en action l'an dernier à Vancouver.
    Nous avons également fait remarquer que si les gens investissent afin d'obtenir un rendement de 20 ou de 30 %, il n'est pas certain qu'une augmentation de 50 ou de 200 points de base du taux d'intérêt les fera vraiment changer d'avis si le taux de rendement est vraiment lucratif. En outre, si vous observez nos chiffres sur le crédit, le cycle n'est vraiment pas axé sur le crédit à l'heure actuelle.
    Nous considérons donc que la politique monétaire ne serait donc pas l'outil approprié pour l'instant.
(1715)
    Merci beaucoup de vos observations à ce sujet.
    Vous avez évoqué les ratios dette-revenu des Canadiens. Il est, bien entendu, fort préoccupant que les Canadiens s'endettent un peu trop. Cela arrive beaucoup dans notre coin de pays. Si une famille à revenu moyen possède à Brampton-Est une maison qu'elle a probablement achetée 550 000 ou 600 000 $, cette maison vaut peut-être un million de dollars, et ce n'est qu'au cours des quatre à cinq dernières années que cette valeur a augmenté. Cette famille a considérablement puisé dans son capital pour faire un dépôt pour deux ou trois maisons. Elle possède en outre deux VUS qu'elle a financés, et a peut-être un enfant dont elle paie des droits de scolarité au collège ou à l'université.
    Pour moi, c'est là le plus grand risque sur le marché immobilier, car les gens s'adressent au marché secondaire pour compléter les dépôts effectués sur des maisons qu'ils n'ont pas encore construites afin d'obtenir des hypothèques, et ils paient des taux d'intérêt de 12 ou 13 %. Nous n'avons pas de données à ce sujet, et ce type d'endettement ne paraît jamais dans le ratio dette-revenu.
    Dans votre rapport, vous indiquez qu'il serait catastrophique d'en arriver à ce point, comme si nous étions loin d'un krach immobilier. Dans certaines régions, toutefois, si ce scénario se concrétisait, cela ne présenterait-il pas des risques légitimes pour le marché immobilier canadien? Si quelque chose se produisait à Brampton ou à Toronto, cela n'aurait-il pas un effet d'entraînement à l'échelle du pays?
    On peut difficilement émettre des hypothèses. « Si quelque chose se produisait » est une expression très générale. Pour ce qui est de se prononcer sur l'ampleur des répercussions, la situation serait très malheureuse pour les habitants de la région, et je ne veux absolument pas minimiser les conséquences.
    En examinant les cycles antérieurs des prix des maisons, nous avons constaté que l'ampleur de la contagion dépend de quelques facteurs, notamment de l'envergure de la correction des prix dans la région touchée et de l'importance de la région dans le reste de l'économie. Si cette importance est relativement faible, il est peu probable qu'il y ait un effet de contagion. Si cette importance est grande, par contre, particulièrement dans une région comme le grand Toronto et Brampton, je dirais que les risques de contagion à d'autres marchés sont plus élevés, parce que la situation aurait une incidence sur les attentes relatives aux prix dans d'autres marchés. Tout dépend vraiment de la situation.
    Le risque que le problème soit à l'origine d'un cycle macroéconomique de grande ampleur ou d'une récession dépend de ce qu'il se passe d'autre dans le contexte. Si l'économie est encore en croissance et profite de la croissance aux États-Unis, c'est une chose. Par contre, si des événements négatifs de l'extérieur amplifient la correction des prix, cela pourrait créer des problèmes macroéconomiques.
    Merci à vous deux. Je dois vous interrompre ici.
    Monsieur Dusseault, vous disposez de trois minutes seulement.

[Français]

     Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Nous reprendrons ensuite les interventions de cinq minutes.

[Français]

    J'aimerais revenir brièvement sur la question du dollar. Dans ma circonscription, Sherbrooke, qui est située dans la région des Cantons-de-l'Est, nous sommes tout près de la frontière américaine.
    Votre modèle prévoit-il que la valeur du dollar canadien par rapport au dollar américain restera stable et comparable à la valeur actuelle dans les prochains mois et les prochaines années?
(1720)
    Non. Nous ne faisons pas de prévision pour le dollar canadien. Dans le rapport que nous avons publié aujourd'hui, nous présumons que le dollar canadien restera stable pendant toute la période de prévision. Comme je l'ai mentionné auparavant, il y a beaucoup de choses qui font que c'est très difficile à faire. Je dois dire franchement que si nous faisons une prévision, cela va influencer le marché. Nous préférons que le marché ait un comportement normal, complètement endogène.
    Merci de votre réponse.
    Ma préoccupation porte sur le fait que la population est de plus en plus âgée. Je ne sais pas si vous avez des prévisions ou des données sur cette question.
    On espère que la plupart des gens vont avoir épargné pour leur retraite, mais plusieurs données démontrent que l'épargne n'est peut-être pas au rendez-vous pour une grande partie de la population qui approche de la retraite.
    Avez-vous des données sur l'épargne des Canadiens? Avez-vous des données concernant le danger que pourrait représenter pour l'économie canadienne le fait d'avoir bientôt en grand nombre de nouveaux retraités qui n'auront pas épargné et qui n'auront pas la capacité de rester des consommateurs pleinement actifs sur le marché?
     Ce qu'on regarde, c'est le taux d'épargne global dans l'économie. En ce moment, ce taux se chiffre à environ 5 %. Quand on regarde l'épargne des personnes plus âgées, il y a tout un éventail de possibilités. Certaines personnes se retrouvent dans une situation où elles ont besoin de travailler un peu plus longtemps. Nous n'avons pas approfondi cette question.
    Cela dit, en ce qui a trait au marché du travail, on peut observer que le taux d'activité des personnes plus âgées a augmenté. Ces personnes travaillent plus longtemps que ce qu'on a normalement vu par le passé. Avec les données que nous avons, il est difficile de dire si ces personnes décident de faire cela parce qu'elles aiment travailler, qu'elles sont en meilleure santé et qu'elles vivent plus longtemps ou si c'est parce qu'elles ont des besoins financiers.

[Traduction]

    Merci, Pierre.
    Monsieur Ouellette, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être venus au Comité aujourd'hui. C'est gentil.
    La Banque du Canada est responsable des politiques monétaires, des systèmes financiers et de la gestion financière.

[Traduction]

    Je me demandais seulement de quels outils le gouvernement fédéral et la Banque du Canada disposeraient s'il se produisait une perturbation importante dans notre économie, par exemple. Je ne parle pas de l'économie américaine, mais de la nôtre. Si le taux de chômage était très élevé, que pourriez-vous faire de plus que ce vous faites déjà avec un taux d'intérêt bas pour permettre à un plus grand nombre de gens de retourner sur le marché du travail, par exemple?
    Les outils économiques n'ont pas vraiment évolué au fil des ans. La situation financière du régime fédéral canadien est très solide, et nous pourrions appliquer des outils fiscaux afin de stimuler l'économie.
    Du point de vue monétaire, le taux d'intérêt est déjà très bas. Il serait quelque peu préoccupant de partir avec un taux peu élevé...
    Une diminution du taux d'intérêt serait exclue, puisque ce taux est déjà bas.
    Non, je finissais simplement ma réflexion.
    D'accord. Pardonnez-moi.
    Non, je n'exclurais pas cette avenue. C'est en fait un aspect que nous avons analysé en profondeur. Nous avons connu une période où de nombreuses banques centrales ont baissé encore davantage des taux que nous croyons être les plus bas possible pour pouvoir utiliser à bon escient des taux négatifs. C'est ainsi par exemple que l'Europe a pu redresser la barre. C'est partiellement le résultat de taux d'intérêt négatifs alors même que les possibilités de relance budgétaire étaient très faibles.
    Nous avons donc une certaine marge de manoeuvre du point de vue monétaire, mais sans doute encore davantage sur le plan budgétaire. En outre, la conjoncture économique actuelle fait en sorte que la politique budgétaire a plus d'impact étant donné les taux d'intérêt en vigueur.
(1725)
    Qu'entendez-vous exactement par politique budgétaire? Pouvez-vous m'aider à y voir plus clair?
    Ce que j'entends par politique budgétaire?
    Cela comprend les programmes, comme celui pour les infrastructures, les investissements fédéraux pour favoriser la croissance économique à long terme ainsi que les mesures de création d'emplois à court terme.
    Qu'adviendrait-il si toutes ces mesures étaient déjà en place et qu'un secteur important était touché par des bouleversements majeurs entraînant de nombreuses pertes d'emplois?
    Vous parlez d'un seul secteur?
    Si le prix du pétrole augmentait, pourrions-nous accroître nos investissements dans les infrastructures? C'est une situation hypothétique...
    Oui, c'est tout à fait hypothétique.
    Que conseilleriez-vous?
    Si le bouleversement touche une seule région ou un secteur en particulier, la politique budgétaire serait l'outil à privilégier pour cibler le secteur ayant besoin d'une aide accrue, notamment en apportant des modifications au Régime d'assurance-emploi ou en prenant d'autres mesures dans le même sens. Comme l'indiquait Mme Wilkins, la politique monétaire s'applique pour sa part de façon plus généralisée dans l'ensemble de l'économie.
    Est-ce que l'assurance-emploi pourrait être un outil important, par exemple via la prolongation de la période d'admissibilité dans certains secteurs en détresse?
    Nous allons très loin dans les spéculations. Je suis ici pour parler de la politique monétaire.
    Oui, bien sûr.
    Je dis simplement qu'il serait plus efficace de miser sur les outils qu'offre la politique budgétaire, compte tenu des taux d'intérêt déjà très faibles.
    D'accord. Que se passerait-il si nous réduisions encore nos taux d'intérêt pendant que les Américains les augmenteraient? Quel serait l'impact sur le dollar canadien?
    Tout dépendrait de la situation par ailleurs. Comme je l'ai indiqué précédemment, de nombreuses forces entrent en jeu simultanément. Cependant, si c'était la seule chose qui changeait, la plupart des modèles prédiraient une dépréciation encore plus marquée du dollar canadien dans le scénario que vous évoquez.
    Croyez-vous, madame Wilkins, que cela pourrait aider notre secteur manufacturier de façon aussi prononcée que nous avons pu le constater par le passé?
    Comme je le disais tout à l'heure, c'est chose possible, mais cela pourrait varier en fonction des secteurs. Dans bien des cas, la faiblesse du dollar n'est pas aussi avantageuse que ce que vous semblez imaginer. Elle est cependant bénéfique pour d'autres secteurs. C'est la répartition de la croissance au sein de l'économie qui s'en trouverait modifiée.
    Une dernière question, s'il vous plaît.
    Est-ce que la Banque du Canada s'est penchée sur les impacts de l'automatisation dans certains marchés de l'emploi comme dans l'économie canadienne d'une manière plus générale?
    Pas précisément, mais peut-être que ma collègue pourrait vous en dire plus long car...
    Je réfléchis un peu à la question. Je dois d'ailleurs prendre la parole à ce sujet la semaine prochaine. C'est ce qui m'a fait sourire.
    C'est formidable.

[Français]

     Cela tombe bien.

[Traduction]

    Nous avons bien évidemment réévalué la croissance de la production potentielle. Nous le faisons à chaque année. Pour ce faire, il faut analyser la question de la productivité. Plusieurs font justement valoir que l'automatisation offre toutes sortes de possibilités d'amélioration de la productivité.
    Nous n'avons bien sûr pris en compte aucun de ces éléments dans notre évaluation de la croissance de la productivité à court terme, car il s'agit de considérations à plus long terme. Il convient de se demander quelles seront les répercussions pour ce qui est de l'emploi et de la répartition des revenus. Je vais en parler plus en détail la semaine prochaine même si la Banque du Canada commence à peine à s'intéresser à ces questions. Notre travail est fortement axé sur les enjeux relevant du mandat d'une banque centrale, comme par exemple la transmission de la politique monétaire. C'est toutefois une question qui retient assurément notre attention.
    Merci à tous les deux. Avant de donner la parole à M. Albas puis de revenir du côté du parti ministériel pour une question supplémentaire, j'aurais moi-même un ou deux points à éclaircir.
    Mes questions font suite à vos échanges avec Robert. Nous avons produit un rapport prébudgétaire intitulé « Créer les conditions favorables à la croissance économique ». Je pense que l'on peut affirmer que cette approche va nous servir de base dans la préparation de nos consultations prébudgétaires de l'an prochain. Selon certains, nous devrions également nous pencher sur la productivité dans le cadre de cet exercice. Nous nous intéressons donc au travail que vous avez effectué à ce sujet.
    Vous avez indiqué que la politique budgétaire pourrait faire partie des mécanismes mis en oeuvre pour stimuler la croissance économique. Avez-vous d'autres suggestions qui iraient dans le même sens? Peut-être que cela ne relève pas de votre mandat, mais la productivité est certes un élément important.
(1730)
    Pour que les choses soient bien claires, on nous a demandé tout à l'heure quels outils nous utiliserions pour essayer de créer de l'emploi en cas de coup dur pour l'économie canadienne. Je crois que votre question est un peu différente, si bien que ma réponse ne sera pas la même.
    Selon moi, les mesures que vous envisagez font partie des politiques structurelles, le troisième élément de la gamme des mécanismes possibles. Ces politiques visent en fait à améliorer les perspectives de croissance économique, le plus souvent en éliminant les obstacles à cette croissance, plutôt qu'en essayant de la stimuler.
    L'Accord économique et commercial global en serait un bon exemple, tout comme l'Accord de libre-échange canadien. Ces ententes sont conçues expressément pour supprimer les obstacles à la croissance commerciale et à la création d'emplois. Comme c'est souvent le cas avec les politiques structurelles, il n'y a pas de sommes à engager dans l'exercice. Il s'agit plutôt de modifier les règles ou d'adapter des programmes déjà existants pour les rendre plus efficaces.
    Supposons que vous preniez des mesures pour accroître la participation des femmes au marché du travail. On augmente ainsi la production de la main-d'oeuvre au sein de l'économie, ce qui améliore les perspectives de croissance de la production potentielle. Il s'agirait en pareil cas d'une politique structurelle, et non pas d'une politique budgétaire, et encore moins d'une politique monétaire.
    L'effet est un peu le même que celui d'un accord de libre-échange; il s'agit de faire en sorte que l'économie puisse croître par ses propres moyens. Je pourrais vous donner de multiples exemples dans le même sens.
    Merci. Je crois que cela nous donne matière à réflexion en prévision de nos audiences de l'automne.
    J'ai une dernière question. Le gros problème dont personne ne semble vouloir parler réside dans l'incertitude pour notre économie, comme vous l'avez indiqué dans votre exposé, quant à la direction que les États-Unis vont prendre pour ce qui est des politiques commerciales, des taxes d'ajustement à la frontière et des mesures semblables.
    Dans une perspective trilatérale ou planétaire, avez-vous eu des échanges avec les dirigeants de la Réserve fédérale américaine et a-t-il été question des risques que certaines de ces politiques peuvent poser pour les relations commerciales en Amérique du Nord et des répercussions possibles pour les trois pays signataires de l'ALENA?
    Je pose la question notamment parce que je préside le comité Canada-États-Unis. Les agissements qui ont cours au sud de la frontière et la grande incertitude qui règne pourraient vraiment avoir un impact sur notre économie et celle des Américains.
    Les dirigeants des banques centrales de partout dans le monde, et notamment du Mexique et des États-Unis, se réunissent à toutes les six ou huit semaines à la Banque des règlements internationaux en Suisse. Le dialogue au sujet de ces enjeux est donc pour ainsi dire ininterrompu. En outre, ces mêmes personnes rencontrent un peu moins régulièrement les ministres des Finances lors des sommets du G20 ou du G7.
    Il y a un consensus assez clair à propos des éléments que vous soulevez. Lors d'une allocution prononcée il y a quelques semaines, j'ai fait valoir que la plupart des périodes de croissance et de prospérité connues par le Canada au cours des 150 dernières années se caractérisaient par une politique d'ouverture, aussi bien pour le commerce que pour les capitaux et l'immigration. Les choses allaient beaucoup moins bien pour notre pays lors des périodes où nous n'affichions pas une telle ouverture. Le lien est assez évident.
    Notre dernier épisode de fermeture remonte à la veille de la Confédération. Celle-ci et les modalités de libre-échange qui en résultaient sont venues en réaction à la fermeture des marchés internationaux. Lorsque la tempête fait rage, on se tourne vers le premier havre accessible.
    J'estime donc qu'il y a un véritable consensus à cet égard. J'ose espérer que la poursuite du dialogue et une meilleure compréhension mutuelle nous permettront de préserver bon nombre de ces caractéristiques qui nous tiennent à coeur.
(1735)
    Merci beaucoup pour la franchise de votre réponse.
    C'est maintenant au tour de M. Albas, qui sera suivi de Mme Taylor.
    Merci encore, monsieur le président.
    Je dois vous féliciter pour le nouveau billet de 10 $ et pour le code Konami. J'ai trouvé plutôt amusant ce clin d'oeil à la nouvelle génération. J'ai essayé d'utiliser le code auprès de notre président, mais il n'a pas voulu doubler mon temps. Il dit que cela ne fonctionne pas sur les vieux systèmes, à moins qu'ils ne soient Japonais.
    Je vois.
    Je ferais peut-être mieux de passer à mes questions.
    D'abord et avant tout, je me réjouis de vous avoir entendu affirmer que le protectionnisme commercial américain est une source d'inquiétude, car la première moitié de votre rapport ne traite que du protectionnisme d'une manière générale. Il faut toutefois avouer qu'il y a des foyers de protectionnisme dans d'autres régions du monde également. Je sais que c'est un sujet délicat, et je ne veux pas vraiment pousser les choses plus loin, car j'estime que nous avons déjà approfondi la question autant que nous le pouvions.
    J'aimerais que nous discutions plutôt de certains éléments positifs que vous avez relevés, dont le secteur des services. Votre rapport fait état d'un potentiel de croissance à ce chapitre. Pourriez-vous nous donner une meilleure idée de la situation? Est-ce qu'il y a eu des avancées ou des résultats particulièrement intéressants dans certaines provinces ou certaines industries du secteur des services?
    Il y en a eu effectivement. Je vais vous brosser un tableau général de la situation, et je crois que Mme Wilkins pourrait vous fournir quelques précisions.
    En fait, j'ai prononcé une allocution à ce sujet à l'automne devant l'Institut C.D. Howe. Vous trouverez d'ailleurs sur notre site Web le texte intégral de ce discours où je traitais de nos points forts potentiels. Je vais juste mentionner quelques faits saillants.
    Il faut surtout savoir que notre économie est déjà en pleine transition. Ainsi, les services occupent désormais une place nettement plus importante que les biens, une situation principalement attribuable à la productivité accrue découlant de l'évolution technologique qui améliore l'efficience du secteur de la fabrication des biens. Différentes entreprises sont créées dans le secteur des services pour appuyer cet essor, et ce sont ces entreprises qui prennent une envergure tout à fait internationale et qui misent, avantage non négligeable, sur un contenu principalement canadien. Ce sont elles qui bénéficient le plus d'une devise dépréciée. La conjoncture est actuellement très favorable dans ce secteur. Ainsi, les services liés aux technologies de l'information sont particulièrement dynamiques et offrent des emplois bien rémunérés. Le tourisme est une autre industrie en croissance. Je peux aussi vous donner l'exemple du milieu de l'enseignement— les universités — et des soins de santé.
    Est-ce que j'ai oublié quelque chose?
    Vous avez oublié les secteurs du cinéma et de l'enregistrement sonore.
    Voilà.
    Il y a ainsi de nombreux secteurs qui ne représentent individuellement qu'une petite portion de notre économie totale, mais qui prennent toute leur importance lorsqu'on les considère dans leur ensemble.
     Lorsque je discute avec les citoyens au sujet des services, ils pensent malheureusement d'emblée au secteur de la restauration rapide. Je n'ai bien sûr rien contre ce secteur, mais nous parlons ici plutôt, comme vous l'avez indiqué, de services qui sont désormais généralement exportables. Certains de nos plus récents accords de libre-échange portent notamment sur les services.
    Pensez-vous qu'il y a un suivi suffisant à ce niveau? Obtenez-vous assez d'information pour vous faire une idée générale de la situation des services?
    Je vous dirais que oui dans la plupart des cas.
    Si l'on parle moins des services dans les médias et dans les conversations, c'est notamment parce que les données commerciales sont diffusées chaque trimestre, alors que les rapports mensuels ne portent que sur les biens. Je sais d'ailleurs que Statistique Canada s'emploie à améliorer les choses à ce chapitre.
    Imaginez ce qui se passerait si le rapport mensuel incluait également des données sur tous les services. Nous discuterions tous alors de l'évolution des choses, des secteurs en croissance et de questions semblables. Chaque trimestre, nous recevons les données nationales qui suscitent beaucoup d'intérêt, mais les services viennent souvent au second plan alors qu'ils devraient en fait occuper l'avant-scène.
    J'ai la conviction que tout est mis en oeuvre pour améliorer la situation. Pour notre part, nous nous intéressons de toute manière aux tendances à plus long terme. Ce ne sont pas les fluctuations mensuelles qui nous préoccupent.
    Il m'arrive de visiter des usines où il y a de l'équipement allemand ou scandinave qui est toutefois reprogrammé par des informaticiens canadiens. L'équipement devient ainsi plus efficace...
    Tout à fait.
    ... et mieux en mesure de permettre une production en continu.
    Il y a quelques autres sujets que je devrais aborder, mais je vais m'en tenir là pour aujourd'hui.
    Merci beaucoup, monsieur Albas.
    Madame Petitpas Taylor.
    On vous a posé plusieurs questions cet après-midi au sujet du niveau élevé d'endettement des ménages au Canada, et vous avez indiqué que les hypothèques en étaient en bonne partie responsables.
    Vous avez notamment souligné que l'encours de la dette devient mieux gérable. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet?
(1740)
    Certainement. Je voulais dire par là que les changements apportés par le gouvernement font en sorte que l'endettement devient de plus en plus facile à gérer.
    Il faut ajouter à l'encours de la dette existant celles qui sont contractées par les gens qui se rendent négocier une hypothèque à la banque en devant satisfaire à des critères plus rigoureux. Nous savons toutefois que cette nouvelle dette sera plus facilement gérable que celle de ceux qui ont contracté une hypothèque il y a un an ou deux, par exemple. C'est ce que je voulais dire. Les perspectives de remboursement sont meilleures parce que l'admissibilité a été établie en fonction d'un taux d'intérêt plus élevé. Ainsi, dans l'éventualité où les taux d'intérêt sur cinq ans devaient grimper comme nous l'avons décrit dans la foulée d'une montée semblable aux États-Unis, ces gens-là seraient déjà prêts à faire face à la musique du fait qu'ils ont satisfait à ces critères plus rigoureux.
    Monsieur Sorbara a une dernière question avant que nous ne mettions fin à la séance.
    Monsieur Sorbara.
    Comme je l'ai déjà indiqué, le budget que nous venons de présenter met l'accent sur l'acquisition de compétences, les infrastructures et l'innovation. J'aimerais seulement m'attarder à la question de la formation continue. Vous avez parlé dans votre déclaration préliminaire de la lente progression des salaires et des coûts unitaires de main-d'oeuvre, et il va de soi que la chute des prix du pétrole a eu des conséquences sur le niveau de rémunération et de revenu au pays. Il faut maintenant se demander quels sont les moyens à prendre pour que les salaires puissent augmenter de nouveau grâce à la productivité, et je crois que c'est exactement ce que notre budget cherche à faire. Je ne veux pas connaître votre opinion sur le budget, mais j'aimerais savoir dans quelle mesure vous estimez que la formation continue est importante pour nous assurer que notre main-d'oeuvre possède toujours les compétences nécessaires.
    Cela nous ramène aux politiques structurelles dont je discutais avec votre président. Ces politiques peuvent produire d'excellents résultats en supprimant les obstacles pour permettre à l'économie de croître par ses propres moyens. L'un de ces obstacles pourrait être la difficulté pour un travailleur mis à pied à faire la transition vers un nouvel emploi, comme c'est le cas par exemple dans le secteur du pétrole à la suite de la chute des prix. Il convient donc d'investir davantage pour faciliter cette transition entre les secteurs et permettre à chacun de parfaire ses compétences tout au long de sa carrière et de sa vie. Dans bien des cas, nos enfants font un travail que nous n'aurions même pas pu imaginer. Comment aurions-nous pu le prédire et les aider à choisir les cours pertinents à l'université ou les programmes nécessaires pour se préparer à un tel emploi? De nos jours, il s'agit bien plus de se donner les moyens pour comprendre les choses et pouvoir s'adapter en conséquence, plutôt que d'acquérir des compétences bien précises. Je crois d'ailleurs que si les entreprises étaient disposées à offrir, suivant des modalités raisonnables, davantage de programmes de formation en cours d'emploi ou en apprentissage dans un plus large éventail de domaines, nous pourrions capitaliser sur une main-d'oeuvre plus éveillée qui pourrait facilement s'adapter. Dans un monde qui évolue aussi rapidement que le nôtre, nous ne pouvons pas simplement nous attendre à ce que les écoles nous fournissent des ressources clés en main.
    J'estime que certaines des mesures dont vous parlez peuvent contribuer grandement à faire en sorte que notre économie fonctionne au meilleur de ses capacités.
    Merci.
    Sur ce, je vais remercier le gouverneur, la première sous-gouverneure et les membres du Comité.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU