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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 052 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 21 mars 2017

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Nous reprenons notre étude sur la sécurité économique des femmes au Canada.
    Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui Martha Friendly, la directrice générale de la Childcare Resource and Research Unit. Elle comparaît par vidéoconférence de Toronto.

[Français]

    Nous recevons aussi M. Pierre Fortin, qui est professeur au Département des sciences économiques à l'Université du Québec à Montréal.
    Je vous souhaite la bienvenue.

[Traduction]

    Nous allons commencer par M. Fortin. Vous avez 10 minutes.

[Français]

    Tout d'abord, je veux vous remercier du fond du coeur. Être invité à témoigner devant un comité comme le vôtre est toujours pour moi une source d'émotions particulières, puisque plusieurs membres de ma famille ont été députés à la Chambre des communes au cours des 135 dernières années.
    Voici ma liste de questions et de réponses.

[Traduction]

    Premièrement: quelle est l'incidence du système des services de garde sur la sécurité économique des femmes? La réponse, c'est que des services de garde abordables constituent un facteur crucial dont tiennent compte les mères au moment de déterminer si elles doivent retourner au travail après avoir eu un enfant.
    Plus le coût des services de garde est bas, plus une mère est susceptible de vouloir travailler durant la période précédant l'entrée de son enfant à la maternelle, emploi qui permettra d'améliorer sa sécurité économique, et ce, de plusieurs façons. Je vais en mentionner trois. Premièrement, il s'agit là pour elle d'une source de revenus indépendante; deuxièmement, son retour au travail réduit la durée de l'interruption de sa carrière, ce qui lui permet d'acquérir plus d'expérience et d'obtenir de meilleurs salaires; et, troisièmement — ce sera peut-être nouveau pour vous, mais c'est quelque chose d'extrêmement important de nos jours —, son emploi lui permettra de surmonter plus facilement les conséquences financières associées au risque de séparation, risque qui est très élevé de nos jours. La probabilité d'une séparation dans les 10 ans suivant le début d'une relation dépasse actuellement 50 % au Canada.
    Deuxièmement: pourquoi est-il important de miser sur le réseau universel de services de garde peu coûteux que le Québec a mis en place en 1997? La réponse, c'est que les coûts des services de garde varient énormément d'une ville à l'autre et d'une région à l'autre au Canada, de 5 % du revenu moyen des femmes au Québec, à 35 %, en Ontario. En moyenne, le système québécois permet d'offrir des services de garde réglementés cinq fois moins chers que dans les autres provinces, ce qui fait en sorte que le recours aux services de garde et la participation à la population active des mères sont beaucoup plus élevés dans la province que partout ailleurs.
    Cette situation contribue de façon importante à la sécurité économique des femmes québécoises. En 2014, il y avait des places en service de garde réglementées pour 60 % des enfants âgés de 0 à 4 ans, au Québec, pourcentage qui s'élevait à seulement 28 % dans les autres provinces. De plus, de 1998 à 2014, le taux de participation à la population active des mères de jeunes enfants a monté de 13 points de pourcentage, passant de 66 % à 79 % au Québec, tandis que, à l'extérieur de la province, il a seulement augmenté de quatre points de pourcentage en moyenne.
    Troisièmement: de quelle façon pouvons-nous savoir que l'augmentation de la participation à la population active des mères du Québec est provoquée par le réseau universel de services de garde à faible coût de la province? Le lien de causalité a été cerné de façon minutieuse par des équipes de chercheurs de l'UQAM, mon université, ainsi que l'Université de Toronto, le MIT, l'Université de la Colombie-Britannique et l'Université Queen's. Les études de ces chercheurs ont été citées et publiées à l'échelle internationale dans des revues scientifiques réputées. Les données probantes obtenues par ces chercheurs sont convaincantes et permettent de conclure à l'unanimité que, comparativement aux autres régions du pays, l'augmentation du taux de participation à la population active des mères au Québec découlait en grande partie du réseau universel de services de garde à faible coût de la province.
    Fait crucial, l'équipe de l'UQAM — mes collègues, pas moi — a montré que les mères du Québec étaient plus présentes au sein de la population active non seulement quand leurs enfants étaient très jeunes, mais aussi plus tard, une fois leurs enfants à l'école. En d'autres mots, si on continue de travailler après avoir eu un enfant, on est plus susceptible de continuer à travailler par la suite. À la lumière de ces résultats, mes collègues de l'Université de Sherbrooke et moi avons estimé que, en 2008, il y avait 70 000 mères québécoises de plus qui travaillaient qu'il n'y en aurait eu sinon.
    Quatrièmement: le fait de sortir les mères de chez elles n'est-il pas préjudiciable pour le développement de l'enfant?
    Il ne fait aucun doute que la famille est et doit rester le fondement de l'éducation des enfants.
(0850)
    Dans un monde où déjà plus de 70 % des mères canadiennes de très jeunes enfants travaillent, la question n'est pas de savoir si cette situation est acceptable théoriquement, mais ce qu'il faut faire en pratique, vu qu'il s'agit d'une réalité avec laquelle il faut composer. De quelle façon pouvons-nous nous assurer que la majorité de 70 % des jeunes enfants dont les mères travaillent au Canada bénéficient des services de garde de haute qualité dont ils ont besoin pour compléter les soins qu'ils reçoivent à la maison? Elle est là, la question.
    Pourquoi est-il préférable de mettre en place un réseau universel à faible coût plutôt que de simplement enrichir le système traditionnel déjà en place à l'extérieur du Québec qui offre des services de plus haute qualité et des services de garde plus ciblés? La réponse, c'est qu'un réseau universel à faible coût est plus efficace et moins coûteux que le système traditionnel et vraiment ciblé de garderie.
    Premièrement, plus des deux tiers des enfants vulnérables viennent de familles à revenus moyen et élevé. Seul un système universel permet de tous les joindre efficacement.
    Deuxièmement, l'expérience québécoise a montré qu'un réseau universel à faible coût permet d'attirer un si grand nombre de mères supplémentaires au sein de la population active que les impôts supplémentaires recueillis par les deux ordres de gouvernement — au total — dépassent les subventions supplémentaires que la province doit verser et dépassent ce que coûterait, sinon, le système ciblé. Cela produit des dividendes financiers nets qui peuvent alors être utilisés pour améliorer la qualité des services de garde et répondre aux besoins spéciaux des enfants défavorisés. Il n'y a pas de coûts nets pour les contribuables. Le système traditionnel ne peut pas réaliser ce tour de passe-passe financier. Il n'y a pas de revenu — seulement des coûts — et le tout doit être financé grâce à une augmentation des impôts.
    Est-ce que cela signifie que le réseau de services de garde du Québec est quasiment parfait? Pas du tout. Il est loin d'être parfait. Bien trop peu d'enfants bénéficient d'une éducation et de soins de qualité bonne à excellente, et vraiment trop peu d'enfants désavantagés ont accès aux avantages du système et voient leurs besoins spéciaux comblés. Le réseau des centres de la petite enfant sans but lucratif et de haute qualité du Québec, les CPE, fait du très bon travail, mais afin de faire des économies, au fil des ans, le gouvernement provincial a utilisé ses politiques fiscales et liées aux subventions pour éloigner les parents des CPE très performants pour les attirer vers des garderies privées de faible qualité.
    Il n'est pas surprenant que, puisque les enfants en service de garde sont poussés vers les fournisseurs qui offrent des services de faible qualité, les études — les études réalisées par tous les chercheurs de Toronto, de l'Université de la Colombie-Britannique, de l'UQAM et de l'Université Queen's — ont révélé que le système québécois dans son ensemble ne semblait pas avoir amélioré le développement de l'enfance. Le principal échec du système québécois, ce n'est pas l'adoption d'un réseau universel à faibles coûts, c'est la mauvaise gestion de la qualité. Le principal défi actuel, pour le gouvernement provincial, c'est de corriger cette erreur stratégique.
    Je vais terminer en formulant une recommandation. Selon moi, le gouvernement devrait rapidement donner suite à la promesse associée à sa plateforme de 2015, soit de permettre « aux familles canadiennes de bénéficier de services de garde d'enfants de haute qualité, souples et entièrement inclusifs ». Plus précisément, il devrait mettre de l'avant son Cadre national d'éducation préscolaire et de garde d'enfants en adoptant une loi canadienne sur les services de garde d'enfants. Au titre de cette loi, le gouvernement pourrait s'engager à verser une contribution financière annuelle aux provinces et territoires à la condition que leurs programmes de services de garde éducatifs adoptent une conception universelle et à faible coût. On pourrait ainsi contribuer beaucoup à la création d'une infrastructure d'éducation solide au Canada.
(0855)
    Votre déclaration était excellente, et vous êtes dans les temps.
    Nous allons maintenant passer à Martha Friendly.
    Vous avez aussi 10 minutes. Allez-y.
    Je tiens à remercier les membres du Comité et à vous remercier aussi, madame la présidente. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de discuter avec vous aujourd'hui. D'une certaine façon, vous n'avez peut-être pas vraiment besoin de moi, parce que je crois que M. Fortin a formulé un certain nombre des points que je voulais soulever.
    Je crois cependant que je vais les formuler de façon un peu différente. J'ai aussi présenté un mémoire écrit que vous n'avez pas. Ma déclaration aujourd'hui s'appuie sur ce mémoire. Je vais plus ou moins vous en résumer le contenu dans un style abrégé.
    Premièrement, je tiens à commencer par souligner que la sécurité économique des femmes au XXIe siècle est liée étroitement au fait d'obtenir un salaire décent. Je ne crois pas avoir à essayer de vous convaincre que l'époque où la sécurité économique des femmes venait du mariage à un homme gagnant au moins « tout l'argent dont la famille avait besoin » est révolue depuis des décennies. Je ne perdrai pas de temps à essayer de vous en convaincre.
    Mon deuxième argument — que d'autres ont soulevé —, c'est que l'accès à des services de garde est absolument fondamental à la promotion de la sécurité économique des femmes. Bon nombre d'entre nous se souviennent de la citation qui a fait école de la juge Rosalie Abella alors qu'elle présidait la Commission royale d'enquête sur l'égalité en matière d'emploi en 1984: « la création de services de soins aux enfants est une voie d'accès critique à l'égalité des mères de famille en matière d'emploi ».
    Selon moi, il est évident que, si on veut que les mères de jeunes enfants puissent faire partie de la population active, il faut offrir des services de garde accessibles, abordables — et j'ajouterais aussi de haute qualité — qui puissent s'occuper de leurs enfants durant leur absence. C'est le simple bon sens. Si les mères ne sont pas là, il faut faire quelque chose de bien pour leurs enfants durant leur absence.
    Le troisième point que je veux soulever, c'est que le fait d'avoir de jeunes enfants fait en sorte qu'il est beaucoup plus difficile pour les femmes de travailler. Les données montrent que les mères de jeunes enfants sont plus désavantagées au niveau professionnel que les femmes sans enfant. Les femmes qui ont de jeunes enfants, surtout les mères monoparentales, sont moins susceptibles de travailler et d'avoir un bon emploi, ce qui mine leur propre sécurité économique ainsi que celle de leur famille. Je tiens à souligner ici que c'est le cas non seulement pour les femmes à faible revenu, mais aussi pour les femmes à revenu modeste ou moyen, qui peuvent toutes avoir de la difficulté à accéder aux services de garde fiables et abordables dont ils ont besoin pour avoir un bon emploi.
    Dans mon mémoire, j'ai souligné le fait que le ministre des Finances Morneau veut intégrer plus de femmes ayant de jeunes enfants au sein de la population active — comme son conseil consultatif sur la croissance économique l'a indiqué — afin d'exploiter le potentiel économique découlant d'une meilleure participation à la population active. Le conseil consultatif a aussi fait un lien entre le réseau de services de garde beaucoup mieux financé du Québec et le taux d'emploi des femmes québécoises, qui est beaucoup plus élevé que les taux d'emploi des femmes dans le reste du Canada. Bien sûr, mon collègue, M. Fortin, vous a expliqué cette situation de façon beaucoup plus détaillée.
    Il est aussi digne de mention que non seulement le Québec finance de façon beaucoup plus généreuse les services de garde qu'ailleurs au Canada, mais qu'il s'agit de la seule province ayant abandonné le système inefficace de subvention des frais qui est encore utilisé dans d'autres provinces et territoires présumément pour offrir des services de garde ciblés aux personnes à faible revenu. Je le souligne, parce que c'est vraiment une illustration parfaite et actuelle du lien étroit entre des services de garde abordables et la sécurité économique des femmes. Je tiens à mentionner que le Fonds monétaire international a souligné le même point dans son étude sur la productivité au Canada.
    Le quatrième point que je veux soulever concerne la situation des services de garde au Canada. Je suis sûre que d'autres témoins vous ont dit que la situation des services de garde est manifestement très mauvaise.
    Il y a deux facteurs particulièrement pertinents liés à la sécurité économique des femmes. Le premier, c'est le manque flagrant de places dans chaque province et territoire. C'est très difficile d'obtenir une place, surtout lorsqu'on a un enfant en bas âge, un nourrisson ou un enfant ayant des besoins spéciaux. Ce l'est aussi lorsqu'on est autochtone ou lorsqu'on vit dans une collectivité éloignée ou rurale.
    Le deuxième facteur clé lié à la situation concernant les services de garde, ce sont les frais très élevés que doivent payer les parents dans la plupart des régions du Canada. Ces frais empêchent de nombreuses familles — y compris des familles à revenu moyen — d'avoir recours à des services de garde réglementés, même lorsqu'elles trouvent une place. Une étude a révélé que 75 % des familles à Toronto ne pouvaient pas se payer des services de garde à Toronto, ce qui est très important.
    Mon mémoire souligne aussi que la qualité est un troisième élément principal important. La qualité revêt une importance clé parce que beaucoup de recherches ont révélé que la qualité des services est essentielle au moment de déterminer si les services de garde sont bénéfiques ou néfastes pour les enfants.
(0900)
    Il faut donc tenir compte de la qualité des services, de la disponibilité des places et de l'abordabilité. Je tiens à souligner que toutes ces caractéristiques sont liées directement aux aspects structurels de la politique sur les services de garde et qu'on peut y voir grâce à des solutions stratégiques, comme en témoigne la situation au Québec et dans d'autres pays.
    Le cinquième point que je tiens à soulever, c'est que le gouvernement du Canada a pris un engagement à l'égard des services de garde. Durant les dernières élections fédérales, les libéraux se sont engagés à créer un Cadre national d'éducation préscolaire et de garde d'enfants en collaboration avec les provinces, les territoires et les collectivités autochtones sous la rubrique de la sécurité économique des familles de la classe moyenne. L'objectif de ce cadre stratégique est d'« offrir aux familles canadiennes un service de garde d'enfants de qualité supérieure, souple, abordable et pleinement inclusif ». Nous comprenons que les représentants principaux du gouvernement ont déjà dressé une liste de principes — l'accessibilité, l'abordabilité, la qualité, l'inclusivité et la souplesse — et que des fonds initiaux seront affectés dans le budget fédéral présenté demain.
    Le sixième point que je tiens à souligner, c'est que l'ensemble des meilleures données probantes montre un lien entre les services de garde et la sécurité économique des femmes, ce qui signifie que le Canada doit grandement améliorer la situation des services de garde. Je sais que d'autres témoins vous l'ont aussi dit. Il faut procéder à un changement transformateur, et pas seulement s'en tenir au statu quo, qui ne fonctionne déjà pas pour les femmes, les enfants et les familles et qui ne permet pas d'atteindre les autres objectifs, comme la productivité.
    Avant même de pouvoir respecter les principes prévus, les services de garde d'enfants doivent être soutenus par deux choses: premièrement, par un financement public important et à long terme, et, deuxièmement, par une politique solide et bien conçue fondée sur des données probantes. Sans ces deux piliers — beaucoup plus d'argent et des politiques plus nombreuses et meilleures —, il sera difficile pour les femmes canadiennes de parvenir à une vraie sécurité économique.
    En guise de résumé, le point général que je tente de soulever, c'est que le gouvernement fédéral ne peut pas assurer la sécurité économique des femmes sans s'attaquer finalement à la situation des services de garde. En outre, le piètre accès global aux services de garde est défavorable pour les femmes et constitue une perte de ressources publiques.
    Il vous reste deux minutes et demie.
    Avant de conclure en formulant deux ou trois recommandations concrètes, je tiens à prendre une minute pour formuler un commentaire personnel. J'effectuais des recherches sur les politiques liées à l'éducation des jeunes enfants et les services de garde avant même d'immigrer au Canada, en 1971, et je connais très bien les enjeux liés aux services de garde non seulement en raison de mon travail en tant que chercheuse dans le domaine des politiques, mais, personnellement, comme c'est le cas de nombreuses femmes et de nombreux membres de familles.
    Lorsque j'étais une jeune mère qui travaillait durant les années 1970 et 1980, mes deux enfants ont eu la chance de fréquenter des services de garde excellents et sans but lucratif. L'un d'eux était une coopérative de parents. Je suis maintenant la grand-mère de deux jumeaux de quatre ans, et ils fréquentent aussi un excellent service de garde municipal depuis qu'ils sont bébés. Ma fille, une jeune universitaire, et son partenaire peuvent payer les frais seulement parce qu'ils ont la chance de recevoir une subvention connexe. Quasiment personne à Toronto ne peut payer les frais de services de garde pour deux enfants. Pour vous souligner à quel point ils sont chanceux, il y a 18 000 enfants sur la liste d'attente des subventions à Toronto à tout moment actuellement. Vous pouvez donc voir que le système de subventions ne fonctionne pas et aussi comprendre à quel point cela a changé ma vie et à quel point cela a un impact dans la vie de ma fille.
    Depuis l'époque où j'étais un parent qui envoyait ses enfants en service de garde, il y a environ 30 ans, cependant, vers l'époque où la ministre de la Condition féminine a produit le Rapport du Groupe d'étude sur la garde des enfants, le jour de la Journée internationale de la femme, en 1986, peu de choses ont vraiment changé fondamentalement au Canada en ce qui a trait aux services de garde. C'est encore très difficile d'obtenir une place, les frais sont exorbitants à l'extérieur du Québec et, trop souvent, la qualité n'est pas suffisante pour être jugée « élevée » ou pour qu'on reconnaisse le côté « éducatif » des services offerts. Ce qui a changé, cependant, c'est que nous savons de nos jours beaucoup plus de choses sur ce que les gouvernements doivent faire pour changer le statu quo. Aujourd'hui, il y a beaucoup plus d'information internationale et canadienne sur ce qu'il faut faire.
    À la lumière de tout ce qui précède, voici mes recommandations.
    Premièrement, je tiens à rappeler ce que d'autres personnes ont dit: le gouvernement du Canada doit agir de façon décisive pour respecter la promesse de son programme de 2015, d'« offrir aux familles canadiennes un service de garde d'enfants de qualité supérieure, souple, abordable et pleinement inclusif ». Le processus permettant de mettre en place un tel système pourrait durer plusieurs années. Il faudra probablement 10 ans pour tout mettre en place, mais il faut commencer maintenant en ayant une vision claire pour l'avenir. Pour y arriver, il faut commencer en créant un cadre stratégique solide fondé sur les meilleures données probantes accessibles. Il faut aussi accepter que, pour changer la situation des services de garde, il faudra un financement important, durable et à long terme qui devra augmenter selon toute vraisemblance au fil du temps pour atteindre au moins le niveau repère à l'échelle internationale de 1 % du PIB.
    Pour conclure, parce qu'on me fait un signe...
(0905)
    Je suis désolée de vous arrêter, mais votre temps est écoulé.
    Il n'y a pas de problème.
    Nous allons commencer la période de questions.

[Français]

    M. Fortin a demandé que chacun pose ses questions en parlant lentement et clairement, parce qu'il a des difficultés à entendre.

[Traduction]

    Nous allons commencer par Mme Damoff, pour sept minutes.
    Madame Friendly, je vais vous laisser terminer, si vous pouvez le faire brièvement.
    Je vous prie de faire tout ce que vous pouvez pour vous assurer que les femmes canadiennes n'ont pas à attendre.
    Merci.
    Merci beaucoup à vous deux d'être là et de nous avoir rappelé ce que nous avons déjà entendu sur l'importance de services de garde universels de qualité pour les enfants.
    Monsieur Fortin, avez-vous déjà estimé combien de revenus fiscaux seraient générés par le gouvernement fédéral si les femmes pouvaient travailler et avoir accès à des services de garde universels?
    En 2013, j'ai publié un article avec mes collègues de l'Université de Sherbrooke, Luc Godbout et Suzie St-Cerny. Luc est le président du centre de recherches sur les politiques fiscales. Notre article montre que, en 2008, puisque le système québécois avait généré une aussi forte participation au sein de la population active parmi les mères québécoises, le gouvernement fédéral avait tiré des revenus de 650 millions de dollars. De façon générale, les deux ordres de gouvernement ont obtenu 900 millions de dollars en revenus fiscaux connexes durant l'année 2008.
    Bien sûr, les 250 millions de dollars que le Québec a obtenus, c'est après avoir enlevé ce qu'il a dû payer pour le système en tant que tel. En d'autres mots, le gouvernement fédéral ne paie pas un sou pour ce système, mais en tire tous les bénéfices. Il n'est pas absolument nécessaire que le gouvernement fédéral redonne quoi que ce soit à la population, à la province ou au système, mais la situation semblerait plus juste si les revenus tirés de la présence accrue des mères au sein de la population active étaient partagés entre les deux ordres de gouvernement.
    Vous avez aussi parlé de la question de la qualité des services de garde. L'un des problèmes qui sont apparus au Québec — et certains changements ont été apportés —, c'est que ce ne sont pas nécessairement des services de garde de qualité qui sont offerts.
    Si le gouvernement fédéral voulait mettre en oeuvre un genre de système universel de service de garde, que lui recommanderiez-vous afin qu'il puisse éviter ces pièges et s'assurer d'offrir aux enfants des services de garde universels et de qualité?
    Je dirais qu'il doit éviter l'important système de crédits d'impôt remboursables que le Québec a mis en place en 2009. En 2008 et à compter de 2009, le gouvernement a décidé de rehausser le crédit d'impôt remboursable pour les parents qui envoient leurs enfants dans des garderies privées, de façon à ce que le coût net, après le crédit d'impôt, soit similaire aux 7 $ par jour payés pour envoyer un enfant dans un service de garde accrédité et subventionné, pour qu'il y ait une réelle compétition entre les garderies privées et le secteur sans but lucratif.
    Ce qui a poussé le gouvernement à agir ainsi c'est que, par exemple, si on prend l'année 2016, il a payé en moyenne 45 $ aux CPE — ou centres de la petite enfance sans but lucratif —, mais seulement 21 $, ou 60 % de 35 $ — le crédit d'impôt remboursable —, qui est le coût quotidien dans une garderie privée. Le gouvernement paye 60 % du coût grâce à un crédit d'impôt remboursable versé aux parents. Il fait donc un profit de 24 $ — 45 $ moins 21 $ — lorsqu'un parent décide de se tourner vers une garderie privée plutôt que vers un CPE.
    J'ai dit que le gouvernement poussait les gens vers les garderies privées. Le problème avec les garderies privées, c'est qu'il a été déterminé de façon universelle et dans le cadre de nombreuses études que les services qui sont donnés dans ces établissements sont seulement de qualité moyenne ou encore totalement inadéquate, comparativement aux services offerts à la population par le système des CPE, où il a été déterminé qu'environ la moitié des centres offrent des services de qualité bonne à excellente, les autres fournissant des services de qualité moyenne.
    C'est ce qu'il faudrait éviter. Le problème, bien sûr, c'est la mesure dans laquelle notre gouvernement peut contribuer au financement d'un système national de service de garde en imposant certaines contraintes aux provinces. Bien sûr, tout comme dans la Loi canadienne sur la santé, il pourrait y avoir certaines dispositions, certaines clauses, qui aideraient à éviter le piège, parce que, au Québec, nous sommes vraiment pris actuellement dans le piège de la faible qualité.
(0910)
    Il me reste seulement environ 30 secondes. Essentiellement, je pense que vous dites qu'il faut fournir un financement de base plutôt que des crédits d'impôt...
    Oui. On peut obtenir le même niveau de rendement net après crédit d'impôt, ce qui est le cas actuellement pour divers...
    La chose la moins intelligente que le gouvernement provincial a faite, c'est de maintenir l'incitatif financier poussant les familles pauvres à envoyer leurs enfants dans de telles garderies privées. C'est moins coûteux pour elles de se tourner vers les garderies privées que vers un CPE, ce qui est complètement opposé à la situation qui serait souhaitable pour ces personnes qui ont des enfants ayant beaucoup plus de besoins.
    Merci.
    Nous allons passer à Mme Vecchio, pour sept minutes.
    Martha, je veux commencer par vous. Je suis heureuse de vous revoir aujourd'hui.
    Vous avez parlé de la situation à Toronto et du fait que, à Toronto, plus de 12 000 personnes sont sur la liste d'attente pour la subvention. Avez-vous constaté que la prestation pour les enfants qui a été accordée l'année dernière a eu une incidence ou a fait piétiner les choses? Est-ce que la situation a eu un impact sur la liste d'attente pour la subvention ou constatez-vous que plus de familles continuent de demander la subvention, et ce, malgré les prestations pour enfants qui intègrent les trois prestations pour les familles?
    Les services de garde, qui sont payés par la subvention, coûtent beaucoup plus que le montant de la prestation pour enfants. Personne n'a réalisé d'étude à ce sujet, mais la liste d'attente pour la subvention a compté environ 18 000 noms de façon générale au cours des 5 à 6 dernières années.
    D'un point de vue pratique, je ne crois pas que quiconque a constaté un impact, mais le simple bon sens nous permet de constater que c'est trop peu d'argent pour payer pour les services de garde. L'objectif de ces prestations n'est pas de payer les services de garde.
(0915)
    La raison pour laquelle je pose la question, c'est que la prestation inclut cette composante. En effet, la prestation universelle pour la garde d'enfants a été intégrée dans l'ACE. Je comprends, mais c'est une des choses qui manquaient.
    Je veux vous lire une citation. C'est quelque chose qui ressort lorsqu'on parle beaucoup des services de garde au Québec... Je suis la mère de cinq enfants, et je crois que le choix des parents reste ma première priorité lorsque nous parlons de ces installations, des subventions et de toutes ces choses. En 2014, il y a eu un débat au sein du gouvernement provincial. Le gouvernement voulait apporter certains changements plus précisément parce que plus de 50 % des familles qui utilisaient des services de garde avaient l'occasion de le planifier, parce qu'elles étaient les familles plus riches. Je cite:
Les places ne vont pas nécessairement aux familles qui en ont le plus besoin. En effet, la nature même des services de garde universels signifie que tout le monde est admissible. Par conséquent, des familles riches prennent inévitablement des places qui auraient pu être destinées à des familles qui ont désespérément besoin de services de garde abordables. En fait, les familles qui affichent les revenus annuels le plus élevés dans la province sont deux fois plus susceptibles d'avoir un enfant inscrit dans le programme universel comparativement aux familles qui affichent le plus bas niveau de revenu.
    Selon moi, c'est un fait important, parce que nous laissons encore pour compte des personnes qui ont vraiment besoin de ce soutien financier. Ces personnes se retrouvent sur des listes d'attente, parfois pendant deux ou trois ans.
    Nous parlons de cette subvention, et je reconnais qu'elle n'est pas parfaite. Nous savons bien que le gouvernement proposera un cadre de service de garde. Par conséquent, nous devons nous assurer qu'il sera souple et qu'il sera appliqué d'un bout à l'autre du pays, même dans les collectivités de 300 personnes où la ville la plus près se trouve à 25 minutes ou une heure.
    Selon vous, qu'est-ce que nous pourrons encore définir comme cible...? Selon moi, c'est important de s'assurer que les personnes qui doivent retourner au travail et qui ont besoin de l'aide financière aient encore ces occasions, sans que les familles plus riches n'accaparent ces places, parce que, sinon, elles ne bénéficient pas de ces occasions d'aller de l'avant et de retourner au travail.
    De quelle façon pouvons-nous concevoir un plan souple qui fonctionnera dans des collectivités de 3 millions d'habitants ou de 300 résidants? Un plan qui fonctionnera et sera souple pour les personnes qui — comme dans ma collectivité — travaillent souvent en fonction d'un horaire par quarts? Qu'avons-nous là?
    J'aimerais que vous répondiez tous les deux à mes questions, et j'aimerais aussi savoir ce qu'il faut faire pour les travailleurs. Je pense ici à une mère que je connais qui met ses enfants au lit, chaque soir, à 23 heures, et qui revient, chaque matin, à 7 heures. De quelle façon pouvons-nous aider des familles comme la sienne qui veulent que leur enfant soit à la maison? Elle travaille de nuit et permet à ses enfants de dormir dans leur propre lit.
    Si vous pouviez nous fournir une formule pour y arriver, ce serait excellent. Merci.
    Karen, laissez-moi répondre de plusieurs façons. Premièrement, nous tous qui nous intéressons aux politiques sur les services de garde reconnaissons que les familles doivent avoir des options, on peut parler de choix, d'options. Toutes les données probantes que nous avons examinées et toutes les recherches montrent que la meilleure façon d'y arriver, c'est en mettant sur pied un système complet financé par des deniers publics.
    Vous avez soulevé plusieurs choses dans votre intervention. Par exemple, j'ai fait beaucoup de travail sur les services de garde en zone rurale et les services de garde durant les heures non standard. Une des choses qui nous empêchent de mettre en place de telles choses, c'est qu'il n'y a pas de système. Il y a un marché. Un centre de services de garde qui ouvre ses portes et qui est très petit, par exemple, dans une collectivité rurale, doit s'en sortir par lui-même et couvrir ses coûts. C'est la raison pour laquelle de tels centres n'ouvrent pas leurs portes ou ne survivent pas.
    Je serais très heureuse de vous fournir certaines de nos recommandations au sujet de la création d'un système exhaustif qui inclut, par exemple, des services de garde à temps partiel, ce qu'on appelle des garderies éducatives dans une bonne partie du Canada, et qui offrent des services auxquels les parents ne peuvent pas avoir accès sauf s'ils paient des frais, et toute une gamme de services, y compris des services réglementés de garde en milieu familial...
    Martha, je vais être un peu plus précise. Je serai heureuse de lire l'étude, mais puisque vous avez tellement travaillé dans ce domaine, que feriez-vous pour de petites collectivités qui comptent de 300 à 500 personnes? Les gens veulent travailler, mais les installations de services de garde sont à l'extérieur de leur collectivité. À quoi cela pourrait-il ressembler? Disons qu'on parle d'un système exhaustif et que nous avons une formule, où en sommes-nous, alors, aux étapes 3 et 4?
    Il n'y a aucune raison pour laquelle une petite collectivité ou un petit regroupement de petites collectivités ne peuvent pas se doter d'une petite installation de services de garde. C'est le genre de choses qu'on voit partout en Europe. On le voit tout au nord, en Norvège, dans la toundra. On peut aussi intégrer des services de garde réglementés à domicile dans le système, comme on le fait un peu partout au Canada.
    La raison pour laquelle il n'y a pas de petites installations de services de garde situées dans des écoles ou des bâtiments publics, c'est qu'il n'y a aucune façon pour elles d'être exploitées. Il n'y a pas de système de financement opérationnel. C'est ce que nous proposons de changer.
    Lorsque nous parlons d'un système exhaustif, c'est ce dont nous parlons: avoir un système — et cela fonctionne très bien dans d'autres pays — où on peut changer les choses de façon à ce que ce ne soit pas aux parents de le financer. Par conséquent, on n'a pas nécessairement à leur donner de l'argent — grâce à un crédit d'impôt — ni un chèque pour payer les services. Ce sont plutôt les services qui sont financés. De cette façon, on peut s'assurer de les adapter à tous les genres de collectivités, et de cette façon...
(0920)
    Martha, il me reste environ 30 secondes, et j'aimerais savoir ce que Pierre a à dire à ce sujet, mais j'aimerais beaucoup vous parler plus longuement plus tard, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
    J'aimerais beaucoup vous parler.
    J'aimerais soulever deux ou trois points. Premièrement, j'ai utilisé des services de garde pendant 19 ans parce que j'ai eu beaucoup d'enfants. Mon épouse a géré une très grande organisation, et nous devions donc nous assurer de compter sur des centres de services de garde souples, fiables et de haute qualité où envoyer nos enfants. C'est extrêmement important, selon moi, que, si vous voulez que les femmes ne soient pas limitées aux niveaux intermédiaires ou inférieurs de gestion au sein de l'organisation, si vous voulez qu'elles puissent accepter des emplois de plus haut niveau — comme mon épouse l'a fait, elle avait un bon mari, ce qui arrangeait les choses —, il faut pouvoir garantir à ces femmes qu'on prendra bien soin de leurs enfants. C'est déjà là une condition.
    Je suis désolée, le temps est écoulé.
    Nous allons maintenant passer à Sheila Malcolmson, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    La conversation que nous avons ce matin avec les deux témoins est très enrichissante. Je vous remercie de votre travail. Je viens tout juste de revenir — avec de nombreux collègues — du congrès sur la condition de la femme des Nations unies qui a eu lieu la semaine dernière à New York. Tout l'accent a été mis sur la justice économique pour les femmes. Il n'y a pas eu un seul groupe de discussion où l'équité salariale et les services de garde n'ont pas été mentionnés. Puis, de nombreux témoins d'un peu partout dans le monde ont parlé du lien entre l'absence de services de garde abordables et l'obligation pour les femmes d'occuper seulement un travail à temps partiel. Les femmes sont celles qui abandonnent leur carrière, et cela les oblige à accepter un travail plus précaire. De là, il y a un effet domino dans toute la vie de ces femmes.
    Je veux commencer par Martha Friendly. Je souligne la lettre que vous avez écrite au ministre Duclos en novembre avec un certain nombre d'organisations non gouvernementales oeuvrant dans le domaine du travail et de la justice sociale pour demander au gouvernement de créer un système universel et public de services de garde et d'améliorer l'accès à l'assurance-emploi et aux prestations des travailleurs précaires. Il y a un lien très intéressant à faire avec les enjeux dont nous avons entendu parler la semaine dernière durant le congrès des Nations unies. J'aimerais savoir si vous avez eu une bonne réponse du gouvernement en réaction à la lettre. J'aimerais aussi que vous nous en disiez plus sur vos préoccupations au sujet des changements apportés aux congés parentaux par le gouvernement libéral, comme la prolongation du congé parental sans augmenter les prestations en tant que telles.
    Vous posez là de très bonnes questions.
    Permettez-moi de commencer par dire que ceux qui, comme moi, travaillent dans le domaine des politiques sur les services de garde ne considèrent pas qu'il s'agit là d'une politique indépendante. La politique doit être soutenue par une meilleure politique sur les congés parentaux et de meilleures politiques pour la famille de façon générale. En effet, les services de garde sont une composante importante de la politique familiale, mais ce n'est pas la seule composante. Je suis vraiment heureuse que vous ayez mis cette question en contexte.
    J'ai toujours considéré que la politique sur les congés parentaux allait main dans la main avec la politique sur les services de garde. Lorsque vous lisez des rapports produits par l'UNICEF, par exemple, les représentants de l'organisation soulignent que les pays qui ont une bonne politique en matière de congés parentaux ont tendance à aussi avoir une bonne politique en matière de services de garde, précisant que ces deux types de politique vont main dans la main.
    J'ai répondu dans le cadre de la consultation sur les congés parentaux. J'ai dit que la politique sur les congés parentaux est vraiment importante parce que, dans les faits, on voit rarement de très jeunes poupons dans les centres de services de garde, sauf si les familles veulent vraiment procéder ainsi et ont vraiment besoin de le faire. Cependant, nous ne considérons pas qu'il s'agit d'une solution générale pour les familles. Les gens ont besoin de temps en famille. Je crois que cette affirmation va vraiment dans le même sens que les propos d'autres intervenants.
    J'ai toujours pensé que la politique sur les congés parentaux devait être plus souple. Cependant, si vous regardez la façon dont les choses se présentent actuellement, la situation est aussi très inéquitable. La raison pour laquelle c'est vraiment inéquitable — la politique sur les congés parentaux a été jugée inefficace par plusieurs organisations comme l'UNICEF, par exemple —, c'est parce que les prestations sont très basses et parce que de nombreuses femmes et de nombreux hommes en sont exclus. La politique favorise aussi beaucoup la prise du congé par les femmes, ce qui les désavantage, surtout si le congé dure longtemps.
    Très brièvement, la souplesse est importante, mais elle doit s'accompagner des fonds nécessaires pour payer le parent, la mère, qui fera le choix de rester à la maison. Je recommande que, oui, effectivement, l'on rende la politique plus souple, sans nécessairement prolonger le congé. La souplesse est différente de la durée. Certaines femmes ou certains hommes peuvent préférer un congé plus court ou plus long.
    Nous aimerions que certains congés soient réservés aux pères pour encourager ceux-ci à participer à la prestation de soins à leur enfant à un plus jeune âge.
    Selon nous, il faut revoir la politique pour que plus de femmes et plus d'hommes soient admissibles, comme ils le sont au Québec, où les prestations sont beaucoup plus élevées, et le niveau de revenu, beaucoup plus bas. Il faut aussi que la politique vise plus de types de travailleurs, comme au Québec, qui a déjà inclus les travailleurs autonomes.
    Pour reformuler en une seule phrase: je soutiens l'idée d'un congé parental plus souple, mais je ne crois pas que la façon dont le gouvernement tente de le faire actuellement est la bonne façon de procéder. Je crois qu'on rendra la politique plus inéquitable et j'affirme qu'il faudrait faire les choses différemment.
(0925)
    Pour ce qui est de la lettre du 4 novembre, avez-vous eu une bonne réponse du gouvernement jusqu'à présent?
    Il y a eu des discussions à ce sujet. Selon moi, de notre point de vue, nous en sommes à l'étape des discussions. Le gouvernement vient de publier le rapport tiré de la consultation, rapport qui ne dit pas grand-chose, en fait.
    Merci.
    Monsieur Fortin, je vous remercie beaucoup de votre travail et, surtout, du lien que vous faites entre l'avantage économique des services de garde et les fonds consacrés à ces services. Même si l'étude est parue il y a un mois seulement, nous avons déjà reçu des témoins qui ont fait valoir que les programmes visant les Canadiens à faible revenu étaient devenus sous-financés. Nous avons accueilli Mme Donna Lero, qui a dit ce qui suit: « les programmes destinés aux familles et enfants pauvres tendent à s'appauvrir avec le temps ».
    J'aimerais que vous nous parliez un peu plus de la notion d'universalité et de la façon dont on peut rapprocher cette notion du fait de s'assurer que les parents continuent d'avoir accès à des services de garde abordables et accessibles.
    Premièrement, il faut beaucoup plus d'investissement. Je parle du point de vue de ma province et du programme que je connais. Il est assez évident que nous laissons pour compte un grand nombre d'enfants de familles à faible revenu et qu'il faut investir plus de ressources, non seulement dans les centres de service de garde, mais, si les gens veulent rester chez eux, dans des services que l'on peut offrir aux enfants chez eux. Il est évident que plus de ressources sont nécessaires sur ce plan. La beauté des choses, c'est que le système en lui-même, en générant autant de revenus fiscaux dans les coffres du gouvernement, fait en sorte que les ressources supplémentaires sont accessibles pour augmenter la qualité et répondre aux besoins spéciaux des membres les plus pauvres de nos collectivités.
    Un autre aspect important de l'universalité, c'est qu'elle permet de créer des liens entre des enfants à revenu plus élevé et des enfants à faible revenu. Je viens d'une famille à revenu élevé— ma femme et moi faisons partie du 1 % —, mais au cours des 19 années que mes enfants ont passées dans des centres de garde sans but lucratif, ils ont été en contact avec des gens à beaucoup plus faible revenu qu'eux. Aujourd'hui, ils ont de 35 à 40 ans, et leurs groupes d'amis viennent encore de familles de la classe inférieure ou moyenne. C'est un investissement dans l'égalité au Canada.
(0930)
    Je suis désolée, je dois maintenant passer à M. Fraser, pour sept minutes.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais vous demander de répondre de façon brève aux questions, parce que je veux aborder beaucoup de sujets et je peux vraiment bénéficier de l'expertise que vous amenez à la table.
    C'est de la passion.
    C'est bien. Nous avons besoin de plus de passion.
    Monsieur Fortin, je vais commencer par vous.
    Vous avez terminé votre déclaration en recommandant la création d'un texte législatif qui, essentiellement, permettrait un transfert fédéral-provincial pour assurer l'universalité de services de garde à faibles coûts. Je me demande si, selon vous, c'est la seule chose que le gouvernement fédéral devrait faire et, disons, laisser la gestion aux provinces. Selon moi, il y a quelques autres domaines où le gouvernement fédéral a un rôle à jouer, que ce soit en investissant dans l'infrastructure des services de garde ou, possiblement, en investissant dans les compétences et la formation des travailleurs dont nous avons besoin si nous devons élargir l'accès universel.
    Pouvez-vous nous préciser quel devrait être, selon vous, le rôle du gouvernement fédéral?
    Vous avez tout à fait raison. Cependant, nous vivons au Canada, et il doit assurément y avoir une négociation entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
    Si j'étais Jean-Yves Duclos — c'est un ami de longue date — je mettrais à coup sûr de l'avant les éléments dont vous parlez. Bien sûr, au bout du compte, on obtiendrait les résultats qu'on obtiendra en raison des divers paliers gouvernementaux.
    Essentiellement, selon moi, la contrainte, c'est que le programme doit être peu dispendieux et universel. Je ne suis pas contre le marché. J'ai passé toute ma vie à défendre le marché contre les gauchistes. Cependant, dans le cas des services de garde, le marché permet de réduire les prix, mais aux dépens de la qualité.
    En guise de suivi, pour ce qui est de la qualité, alors, qu'arrive-t-il lorsque la qualité n'est pas au rendez-vous? Devrait-on lier le financement au rendement? Devrait-il y avoir un genre d'ombudsman à qui les gens pourraient se plaindre et qui pourrait mener des enquêtes, afin que nous puissions cibler nos investissements dans les domaines lacunaires? Que faut-il faire lorsque la qualité n'est pas au rendez-vous?
    Il s'agirait de programmes provinciaux, mais je crois que l'idée d'un ombudsman est bonne. Je ne sais pas dans quelle mesure ce serait possible, mais c'est assurément une bonne idée.

[Français]

cela me sourit beaucoup.

[Traduction]

    Madame Friendly, n'hésitez pas à répondre aux questions précédentes. Je vous ai vue hocher la tête.
    Vous avez abordé très rapidement la question des zones rurales éloignées. Je viens d'une circonscription qui est principalement composée de petites villes et de collectivités rurales, et il y a seulement des petites poches d'accès aux services de garde.
    Pouvez-vous formuler des commentaires sur les caractéristiques uniques qu'il faudrait envisager dans le cadre de l'élaboration de la politique pour s'assurer que ces petites collectivités sont servies efficacement quel que soit le cadre national sur les services de garde?
    Pour répondre à votre question, je crois vraiment qu'il faut revenir à l'idée de la création d'un système et de l'abandon du marché. Je crois que c'est la première chose qu'il faut vraiment faire, et cela s'applique à l'ensemble du pays. Nous laissons le marché décider où il y a des services de garde, et ces services apparaissent partout où quelqu'un décide d'ouvrir des installations actuellement. Ce n'est pas un service planifié, comme l'éducation et les hôpitaux.
    Il ne fait aucun doute que c'est l'aspect crucial. Il n'y a aucune situation à l'échelle internationale où c'est le marché qui crée un contexte où on répond aux besoins des familles. Les forces du marché s'appliquent à beaucoup d'éléments, comme la façon dont les services sont financés, la façon dont les services sont offerts et la façon dont ils sont soutenus.
    Je ne crois pas que les services de garde sont la solution absolue pour répondre aux besoins de toutes les familles, mais il est évident, lorsqu'on regarde ce qui se passe à l'échelle internationale, que nous pourrions vraiment mieux faire les choses dans les collectivités rurales et les collectivités éloignées, ainsi que pour les travailleurs qui ont des horaires atypiques.
    Vos questions sur la qualité sont liées de très près à la question du marché. Nous n'avons pas d'aide pour soutenir les services de garde. Nous ne soutenons pas la main-d'oeuvre. Je ne sais pas si quelqu'un vous a parlé des personnes qui travaillent dans les services de garde et de la façon dont cela s'inscrit dans la sécurité économique des femmes, mais nous sous-finançons vraiment les services de garde, ce qui fait en sorte que ce sont les frais payés par les parents qui permettent de payer les salaires des travailleurs. Nous n'avons jamais vraiment créé de normes en matière de formation et pour assurer la qualité, comparativement à ce qui se fait dans d'autres pays.
    Avant de commencer à utiliser des techniques liées au marché, des techniques consuméristes, comme un ombudsman, nous devons réfléchir au besoin de bâtir l'infrastructure d'un système qui soutient la population active. C'est un aspect clé de tout bon programme d'éducation des jeunes enfants. Ce n'est pas le seul élément. C'est la raison pour laquelle...
(0935)
    À ce sujet, avant de conclure, est-ce que l'un de vous deux est au fait d'une évaluation qui aurait été réalisée au sujet de l'ampleur du déficit, soit sur le plan de l'infrastructure, soit sur le plan des compétences, qui permettrait de jeter les bases d'un cadre national de services de garde efficace?
    Il y a des années, une étude nationale a été réalisée sur la population active. Je crois qu'il est temps d'en faire une autre.
    Il vous reste une minute et demie.
    Une étude sur la population active a été réalisée dans les années 1990, mais nous sommes en 2017. Je crois qu'une des choses que le gouvernement fédéral devrait faire en tant que responsable des politiques sociales, c'est créer une stratégie nationale sur la main-d'oeuvre. C'est une compétence provinciale. L'une des choses qui rassemblent les provinces et les territoires, c'est que les enjeux liés à la main-d'oeuvre sont relativement les mêmes partout au pays: la formation, les faibles salaires, la reconnaissance déficiente, les mauvaises conditions de travail et le manque de travailleurs.
    D'accord.
    Monsieur Fortin.
    Dans le réseau très performant des CPE, les réseaux des centres de la petite enfance, au Québec, environ 80 % du personnel possède un diplôme du cégep en service de garde. Dans le secteur privé, qui est le secteur de plus faible qualité, c'est 40 %.
    Il pourrait être intéressant de réfléchir à la possibilité de créer un programme fédéral qui exigerait un niveau minimal de formation avant de verser des subventions.
    Merci beaucoup aux deux témoins de l'excellent travail qu'ils font et de leur témoignage. Nous allons maintenant régler certaines affaires du Comité entre ce groupe de témoins et le prochain.
    Premièrement, je tiens à remercier tous les membres du Comité de leur excellent travail durant la conférence de presse d'hier. Des choses très intéressantes ont été reprises, et c'était beau à voir.
    Deuxièmement, nous avons tellement fait du bon travail au sujet du projet de loi sur l'égalité des sexes qu'on nous a maintenant référé le projet de loi C-337.
    Madame Damoff.
    J'ai demandé qu'on passe à huis clos pour les 15 dernières minutes de la réunion actuelle, pour discuter du projet de loi, de l'horaire des témoins et de l'étude du projet de loi.
    Pouvons-nous encore procéder ainsi?
    Oui, nous pouvons le faire.
    Je suspends la séance jusqu'à ce que nous passions à huis clos.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
(0935)

(0945)
    Nous sommes de retour pour notre deuxième groupe.
    Nous sommes très heureux d'accueillir par vidéoconférence Andrea Doucet. Andrea Doucet est professeure et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur l'égalité entre les sexes, le travail et les soins à l'Université Brock. Nous accueillons aussi Morna Ballantyne, qui représente l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance. Elle est la directrice générale de l'organisation.
    Nous allons commencer par Andrea. Vous avez 10 minutes pour présenter votre déclaration préliminaire, puis nous verrons où nous en sommes.
    Merci de l'invitation. Nous avons envoyé un mémoire au nom de mon équipe de recherche, et je tiens à souligner que je parlerai aujourd'hui de ma recherche et de ma recherche réalisée en collaboration avec Mme Lindsey McKay et Mme Sophie Mathieu.
    Je tiens à soulever trois points concernant la sécurité économique des femmes et leur participation au sein de l'économie canadienne. Je vais lire certaines données probantes tirées de recherches en plus de certaines histoires à la fois personnelles et politiques.
    Mon premier point concerne la participation des hommes au travail non rémunéré lié à la prestation de soins. Mon deuxième point concerne aussi les hommes et leur utilisation des congés de paternité et parentaux et la raison pour laquelle cela est important pour la participation économique des femmes.
    Troisièmement, je vais parler des femmes à faible revenu au Canada qui sont systématiquement exclues des prestations de congés de maternité et parentaux. Permettez-moi de commencer par une brève histoire.
    Je vous ramène en 1989, alors que je commençais tout juste mon doctorat à l'Université de Cambridge. J'étais enceinte de mon premier enfant, et je prévoyais rédiger ma thèse de doctorat sur le travail rémunéré et non rémunéré des femmes. Après avoir accouché, j'ai changé mon sujet de dissertation pour parler du travail rémunéré et non rémunéré effectué par des femmes et des hommes.
    Le moment clé qui m'a poussée à apporter ce changement, c'est la journée où mon époux a participé à son premier groupe récréatif, un groupe de mères et de leurs poupons qui se rencontraient dans le sous-sol de l'église locale. Même si on lui avait confirmé qu'il allait être le bienvenu, chaque fois qu'il entrait dans le sous-sol de l'église avec notre fille, il avait l'impression d'entrer dans un club très fermé et très froid réservé aux mères. Les gens demandaient pourquoi il était là. Pourquoi ne travaillait-il pas à temps plein? Il était traité comme un extraterrestre, un pervers et, parfois, une star du rock. Bien sûr, tout le monde se demandait où était la mère de l'enfant.
    L'idée qui ne m'a pas quittée depuis ce temps et depuis les 27 dernières années et ce qui est ressorti des recherches que j'ai réalisées au fil des ans, c'est cette hypothèse profondément enracinée selon laquelle les hommes devaient être les principaux soutiens de famille, et les femmes devraient être les principales dispensatrices de soins. Ces hypothèses ont beaucoup changé au cours du dernier quart de siècle, mais ce qui a peu changé, c'est l'attente selon laquelle ce sont les femmes et non les hommes qui doivent prendre soin des nourrissons et des tout-petits.
(0950)
     C'est ce qu'un père d'Ottawa m'a très bien expliqué; un père à la maison que j'ai rencontré en entrevue à quatre reprises entre 2000 et 2010 relativement à la première et à la deuxième édition de mon livre Do Men Mother? Il m'a dit: « Même dans une société dans laquelle on croit que les hommes et les femmes sont égaux et qu'ils peuvent pratiquement tout faire, on doute que les hommes peuvent s'occuper d'un bébé, particulièrement un tout petit bébé. »
    Le premier élément que je veux aborder, alors, est le suivant. Je crois que la participation accrue des hommes aux soins peut effectivement mener à un changement de valeurs politiques et culturelles et de conditions socioéconomiques concernant le travail rémunéré et non rémunéré. J'emprunte ici les mots de la théoricienne féministe Dorothy Dinnerstein, qui a écrit, il y a 40 ans, en 1977, sur ces pertes — personnelles, psychologiques et économiques — pour les femmes et les hommes dans une société où, comme elle l'a formulé, la main de la femme « fait aller le berceau » alors que celle de l'homme « dirige le monde ».
    Je veux terminer en étant très claire sur la raison pour laquelle j'affirme que cette position concernant les hommes et les soins n'est aucunement universelle et catégorique. Il s'agit d'un groupe de témoins sur la sécurité économique des femmes. Il y a des contextes, des endroits et des cas où il peut ne pas être approprié de parler des hommes. Je pense ici aux problèmes de violence familiale, que, à mon avis, le Comité a déjà abordés ou à des cas difficiles de garde, dans le cadre desquels ces arguments sur l'égalité des sexes sont envisagés d'une manière très différente. Je veux donc préciser que je dis cela en me fondant sur ce que des scientifiques en sciences sociales appellent une « approche contextualiste », approche qui prend en compte le contexte et la complexité de la vie des femmes. On doit toujours se demander: « De quelles femmes parle-t-on? »
    Le deuxième élément porte sur les hommes et le congé de paternité. En 2001, comme vous le savez tous très bien, le gouvernement fédéral, dans le cadre du Programme d'assurance-emploi, a prolongé la durée des prestations de congé parental, pour les mères ou les pères, de 10 à 35 semaines. Le nombre de pères qui prennent un congé parental a nettement augmenté, soit de 3 à 10 %, seulement en 5 ans. Ensuite en 2006, le Québec a mis en place le Régime québécois d'assurance parentale, le RQAP, une politique de congé parental distincte et plus généreuse qui prévoit de trois à cinq semaines de congé parental non transférable. En 2008, il était clair que beaucoup plus de pères québécois bénéficiaient de prestations de congé payées par le gouvernement que de pères à l'extérieur du Québec. Dans cette province, 9 pères sur 10 prennent un congé parental. Dans le reste du Canada, c'est environ 1 sur 10. Ces chiffres sont saisissants et sont demeurés assez constants au cours des huit dernières années.
    La différence entre les pères du Québec et ceux du reste du Canada nous a poussées, Lindsey McKay et moi-même, à examiner ces deux régimes. Notre recherche comprend des entrevues effectuées auprès de 26 familles en Ontario et au Québec, entrevues qui ont été menées entre 2006 et 2008. Nous avons récemment effectué un suivi — une décennie plus tard, en 2016 — auprès de 9 des 26 couples. Vous trouverez ici quatre conclusions et arguments clés de notre travail réalisé au cours de la dernière décennie.
    Nous avons constaté, il y a dix ans, que les décisions de prendre un congé parental étaient guidées par des normes fondées sur le sexe dans le lieu de travail. Un certain nombre d'hommes se sont dits inquiets de perdre leur emploi. Un des pères de notre étude a été mis à pied après avoir pris un congé parental de neuf semaines. Lorsque nous avons rencontré à nouveau les pères et les mères en 2016, nous avons appris que le lieu de travail commençait lentement à changer. Cependant, les pères peuvent encore sentir la pression exercée par des collègues et des patrons lorsque vient le temps de prendre un congé afin de s'occuper d'un bébé. Il existe toujours une attente selon laquelle c'est le travail de la femme. Plusieurs pères nous ont dit qu'ils étaient parfois traités différemment et négativement au travail après avoir pris un congé parental.
    Nous soutenons un argument international que l'on entend de plus en plus, soit que le congé parental désigné, mis en oeuvre selon le mode « c'est à prendre ou à laisser » pour que si les familles ne le prennent pas, elles le perdent — avec des taux de remplacement élevés et des critères d'admissibilité faibles, comme au Québec, en Norvège et en Suède — est un élément motivateur clé pour que les familles prennent ce congé.
    Par ailleurs, les prestations complémentaires — des prestations avec des taux de remplacement plus élevés que le taux d'assurance-emploi de 55 % — jouent un rôle important pour que les pères prennent un congé et soutiennent ainsi indirectement l'emploi chez les femmes. Comme les femmes gagnent toujours moins que les hommes, ce sont elles qui prennent la plupart des congés, et cela peut se traduire par des pertes de revenus, de prestations et de possibilités professionnelles à long terme.
    Je termine en abordant l'accès au congé de maternité et les prestations de congé parental dans le cas des mères à faible revenu.
     Dans un article de recherche de 2016 publié dans le Journal of Industrial Relations sur le travail effectué par Mme McKay, Mme Mathieu et moi-même, nous avons soutenu, en nous fondant sur notre analyse de l'assurance-emploi et du RQAP, qu'il existe un écart entre les riches et les pauvres qui reçoivent des prestations de congé parental et de maternité chez les mères canadiennes. L'écart est d'ordre géographique et reflète les deux programmes de prestations — celui du Québec et celui du reste du Canada —, et il est lié au revenu.
(0955)
    Nos conclusions, en bref, sont les suivantes.
    Les femmes travaillent toute leur vie et contribuent à l'assurance-emploi. Au total, 25 % en moyenne des mères contribuent à l'assurance-emploi au cours de leur grossesse, mais elles n'accumulent pas assez d'heures pour être admissibles à leur congé parental. D'autres mères cotisent à l'assurance-emploi toute leur vie active, mais ne peuvent en profiter lorsqu'elles en ont besoin; elles doivent accumuler 600 heures au cours des 52 semaines antérieures à la naissance de l'enfant. C'est l'obstacle le plus important à l'accès aux prestations.
    Selon les règles de l'assurance-emploi, 36 % des mères n'y sont pas admissibles, en comparaison de seulement 11 % au Québec. Les mères issues de famille à faible revenu sont celles qui sont le plus exclues; 56 % d'entre elles n'ont pas droit à l'assurance-emploi, par comparaison avec 15 % au Québec. Une des raisons qui expliquent la différence tient à des critères d'admissibilité radicalement différents. L'assurance-emploi exige 600 heures; le RQAP requiert seulement que la mère ait gagné 2 000 $, ce qui représente environ 186 heures travaillées au salaire minimum.
    Les changements proposés actuellement à la politique de congé parental du Canada creuseront l'écart entre les riches et les pauvres à cet égard et accentueront également la différence qui existe entre les sexes sur le plan de la rémunération. À notre avis, il s'agit d'une politique mal ficelée en ce qui concerne la sécurité économique des femmes, particulièrement pour les mères sans un emploi normal, bien rémunéré et à temps plein.
    Je veux conclure mon exposé par trois brèves remarques.
    Ma première est d'ordre conceptuel. Le congé de maternité et le congé parental font actuellement partie du système d'assurance-emploi, mais il s'agit de politiques en matière de soins, non pas de chômage. À long terme, mes collègues et moi-même croyons qu'on devrait tenir une discussion plus vaste sur la façon de structurer le soutien lié aux besoins et aux demandes en fait de garde d'enfants de toutes les familles canadiennes diversifiées.
    Ma deuxième remarque porte sur le congé de maternité, le congé de paternité, le congé parental et la garde d'enfants, qui devraient être regroupés dans un régime plus cohérent qui reconnaît les liens entre la fourniture de soins et la garde d'enfants assurés par les familles. Une chose qui nous a frappées, au cours de notre recherche sur le congé parental, c'est à quel point l'état des choses est difficile pour de nombreux parents canadiens qui mettent fin à leur congé parental et font ensuite face à une situation précaire causée par des options de services de garde limitées et de piètre qualité.
    Pour ma dernière remarque, je reviens à l'histoire que je vous ai racontée il y a environ 10 minutes sur mon partenaire et notre fille en bas âge. Notre fille et ses deux soeurs jumelles sont maintenant de jeunes adultes. Elles ont toutes obtenu leur diplôme d'études secondaires, avec distinction; deux ont terminé des programmes postsecondaires et une est en train de le faire. Toutes les trois ont un emploi précaire; une est actrice, une autre est éditrice vidéo et la dernière est gestionnaire de projet dans le secteur sans but lucratif.
    Elles ne bénéficient pas d'avantages sociaux; elles passent d'un contrat à un autre. Elles n'accumulent pas 600 heures de travail chez le même employeur au cours d'une année donnée. Deux d'entre elles ont un partenaire qui a un emploi précaire. S'ils choisissent d'avoir des enfants, ils ne seront probablement pas admissibles aux prestations de congé parental, alors je vous parle aujourd'hui non pas en tant qu'universitaire qui a écrit sur les problèmes d'égalité des sexes pendant environ un quart de siècle, mais en tant que mère de trois enfants adultes qui ont tous un emploi précaire. Nombre de familles canadiennes, particulièrement des familles à faible revenu, mais aussi des familles de classe moyenne comme la mienne, s'inquiètent beaucoup de la sécurité économique des femmes de la prochaine génération.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Morna Ballantyne, pour 10 minutes.
    Vous avez entendu deux excellents exposés plus tôt ce matin qui décrivaient les effets positifs d'une garde d'enfants abordable sur la sécurité économique des femmes. Les témoins ont soutenu que la participation des femmes à la main-d'oeuvre rémunérée améliore leur sécurité économique et que leurs niveaux de participation augmentent lorsque les mères ont accès à la garde d'enfants. Je vais me concentrer sur trois choses qui, selon l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, devraient se produire maintenant pour concrétiser cet accès. Notre point de vue est fondé sur une vaste consultation de parents, d'éducateurs de la petite enfance, d'experts en politique, de chercheurs et d'autres intervenants en garde d'enfants. Nous espérons que vous en tiendrez compte dans votre rapport.
    Veuillez d'abord vous assurer d'élaborer de la bonne façon le cadre de politique fédéral-provincial-territorial sur les garderies. Il faudra au moins dix ans pour élaborer un système de garde d'enfants au Canada. Il est essentiel que le gouvernement fédéral s'engage à long terme et mette en place les éléments de base qui résisteront à l'épreuve du temps. Nous voulons voir le gouvernement fédéral travailler avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin de concevoir une approche solide et exhaustive en matière de politique d'éducation de la petite enfance et de garde d'enfants. Cette approche permettra de créer un service public entièrement financé, de haute qualité et inclusif auquel tous les Canadiens peuvent accéder peu importe leur situation économique, leur lieu de résidence ou les besoins individuels de leurs enfants.
    Actuellement, les parents au Canada sont forcés d'acheter des services offerts dans un marché des services de garde. Ce marché est partiellement réglementé. On y retrouve des organismes sans but lucratif ainsi qu'à but lucratif. Il s'agit d'un marché qui offre toute une gamme de services limités pouvant porter à confusion, dont la plupart sont de piètre qualité et dont presque tous sont inabordables pour les familles. Ce marché est particulièrement mauvais pour répondre aux besoins d'enfants handicapés, d'enfants dont les parents travaillent à des heures inhabituelles ou irrégulières et d'enfants qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées.
    Le fait de laisser la prestation de services au marché ne fonctionne pas mieux pour les services de garde que pour les soins de santé, l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire, les services d'hygiène publics ou d'innombrables autres domaines dans lesquels les gouvernements sont intervenus au profit de tous les Canadiens. Leur intervention visait à améliorer l'égalité des possibilités et à assurer un meilleur niveau de vie pour tous simplement parce qu'intervenir de cette façon est logique sur le plan économique.
    Nous avons besoin que les deux ordres de gouvernement travaillent ensemble. Même si les provinces et les territoires ont une compétence constitutionnelle concernant la prestation de services de garde d'enfants, le gouvernement fédéral détient le pouvoir de dépenser nécessaire pour entraîner le changement. Le gouvernement fédéral a aussi l'obligation juridique d'apporter des changements à la garde d'enfants parce que le système actuel fait en sorte qu'il est impossible pour le Canada de respecter ses engagements internationaux concernant l'égalité des femmes et les droits de l'enfant. Malheureusement, nous n'obtiendrons probablement pas le cadre stratégique fédéral-provincial-territorial dont nous avons besoin lorsqu'on annoncera, dans les semaines suivant le budget fédéral, à notre avis, l'entente sur le cadre multilatéral du gouvernement fédéral.
    Nous ne savons pas grand-chose des négociations discontinues qui ont cours depuis plus d'un an, parce que, honnêtement, elles sont menées en secret sans un réel apport des intervenants. Mais tout semble indiquer que l'entente promise est davantage un engagement général qui vise à rendre la garde d'enfants plus abordable, plus accessible, de meilleure qualité et également plus souple. Au lieu de principes, nous avons besoin d'un cadre qui décrit la façon dont ces objectifs seront réalisés. Par exemple, nous avons besoin d'une entente sur un financement public direct des services de garde plutôt qu'un financement indirect par l'intermédiaire de places de garde subventionnées où le montant est versé aux parents. J'ai lu un rapport l'autre jour — je crois qu'il a été produit par le comté de Wellington, en Ontario — qui indiquait que le système de garde d'enfants au Canada est financé à la hauteur de 88 % par les frais d'utilisation et de seulement 12 % par le soutien direct gouvernemental des services. Ce n'est pas une façon de financer un système si essentiel à la sécurité économique des femmes. Le fait d'offrir à un très petit nombre de parents de l'aide avec leurs frais d'utilisation au moyen de subventions ne suffit tout simplement pas.
    Nous avons besoin d'un cadre stratégique décrivant la façon de résoudre les problèmes qui accablent la main-d'oeuvre dans le domaine des services de garde. La qualité de ces services est directement liée aux qualifications et à la stabilité de la main-d'oeuvre. Il n'est tout simplement pas possible d'étendre le système sans avoir davantage d'éducateurs de la petite enfance dûment formés ni d'attirer ou de conserver en poste ces éducateurs lorsque la main-d'oeuvre du domaine des services de garde, qui est principalement composée de femmes, touche un salaire inférieur à la norme et doit composer avec des conditions incroyablement difficiles.
(1000)
    Le cadre stratégique doit comprendre les engagements qui visent à mettre en place l'infrastructure nécessaire afin de bâtir le système, y compris procéder à la collecte et à l'analyse habituelles des données.
    Nous avons formulé une proposition visant le type de cadre stratégique que nous recherchons dans un document de trois pages, et je l'ai avec moi. Je l'ai donné à la greffière pour qu'elle vous le remette avec notre vision concernant le type de système que nous devons bâtir.
    La deuxième chose que nous vous prions de faire, c'est de soutenir notre vision selon laquelle l'éducation de la petite enfance et les services de garde d'enfants des collectivités autochtones doivent être abordés au moyen d'un cadre stratégique distinct, un cadre élaboré par les deux ordres de gouvernement et les représentants des peuples autochtones du Canada. La vérité et la réconciliation n'exigent rien de moins, et la loi prévoit que les services destinés aux enfants autochtones reçoivent un financement égal à celui fourni à des enfants non autochtones.
    Pour ce qui est de la troisième chose, nous demandons des niveaux de financement fédéral continus et adéquats. Demain, au moment de la présentation du budget, nous saurons combien le gouvernement fédéral propose pour les services de garde au-delà du montant ponctuel de 500 millions de dollars qui figurait dans le budget de 2016. Nous nous attendons, toutefois, à voir une allocation forfaitaire de 500 millions de dollars pour chacune des 10 prochaines années, qui proviendra du fonds consacré à l'infrastructure sociale.
    Si cela se produit, les Canadiens ne verront pas une augmentation ou une amélioration des services de garde d'enfants à moins que le gouvernement fédéral n'accroisse son soutien financier au cours des prochaines années. Nous avons également besoin d'une source de financement distincte pour les services de garde, afin d'éviter de concurrencer d'autres priorités, comme le logement.
    Le financement de la première année déjà annoncé pour 2017-2018 n'est pas aussi élevé que nous l'aurions aimé, mais il pourrait aider à régler certains problèmes immédiats liés à la garde d'enfants, comme les longues listes d'attente pour des places de garde subventionnées dans de nombreuses administrations ou le manque de places dans les collectivités éloignées et rurales.
    Après 2018, cependant, nous devons augmenter considérablement l'aide financière chaque année jusqu'à ce que nous atteignions la cible de 1 % du PIB affecté à l'éducation de la petite enfance. Cela peut sembler beaucoup, mais comme M. Fortin et d'autres ont déjà déclaré, les dépenses favoriseront une importante croissance économique, y compris une augmentation de la participation des femmes à la main-d'oeuvre. Le programme va être rentabilisé au moyen de recettes fiscales et d'une productivité accrues. Ce sont des dépenses qui contribueront à l'égalité des femmes et, fait plus important encore, elles garantiront que nos enfants obtiennent les meilleurs services qui soient.
(1005)
    Comme les autres, je veux parler de quelque chose de personnel. Il est absolument impossible pour une femme de présenter un exposé devant le Comité de la condition féminine sans parler de sa propre expérience parce que l'aspect personnel est naturellement politique.
    Je veux vous dire que j'ai commencé à faire la promotion des services de garde à l'enfance non pas en tant qu'experte des politiques, mais en tant que parent et mère monoparentale avec deux enfants. Je me suis intéressée à la promotion des services de garde lorsque je suis tombée enceinte de mon premier enfant et qu'on m'a dit que je devais mettre immédiatement mon nom sur la liste d'attente sinon je n'aurais jamais accès à des services de garde. J'ai heureusement obtenu par la suite une place pour mon fils dans une garderie offrant d'excellents services de garde et j'ai dû payer des frais qui ont fait en sorte que j'ai contracté une dette qui s'est accumulée au cours des 10 années suivantes parce qu'il s'agissait de beaucoup d'argent. Ensuite, bien sûr, j'ai eu un deuxième enfant et j'ai dû acquitter des frais pour deux enfants.
    Mon fils est maintenant âgé de 32 ans et ma fille, de 26. Je suis maintenant grand-mère depuis exactement trois semaines aujourd'hui. Ça me brise le coeur que mon fils et sa partenaire éprouveront encore plus de difficulté que moi, il y a 30 ans. Je ne peux pas croire que, au Canada, un pays riche comme le nôtre, avec tous les conseils d'experts que nous avons, nous savons quoi faire, mais nous ne l'avons toujours pas fait. Il s'agit vraiment d'une question de volonté politique, et votre comité peut jouer un rôle important afin de s'assurer que le gouvernement comprend l'enjeu, adopte les bonnes politiques et gère bien les finances.
    Merci.
    Excellent.
    Sur ce, nous allons commencer notre série de questions par Mme Ludwig, pour sept minutes.
    Merci à vous deux de vos exposés très touchants et informatifs.
    Je suis une mère de deux enfants. Je peux parler de mon expérience personnelle. Lorsque j'ai commencé à travailler à temps plein, à enseigner au collège communautaire, je savais que cela allait supposer des heures supplémentaires et je ne dirai pas publiquement combien j'ai payé en services de garde, mais c'est une grosse somme, et cela m'a donné la souplesse voulue pour faire les choses que je voulais faire. Si je compare la garde de jour normalisée au fait d'embaucher une gardienne, cette dernière option comporte des heures limitées, et lorsque vous essayez de commencer votre carrière — nous, les hommes et les femmes autour de cette table, pouvons tous en parler —, vous avez habituellement besoin de plus d'heures que la seule plage entre 9 heures et 17 heures. Voilà la flexibilité dont nous avons besoin, et la culpabilité qui vient avec cela, alors merci.
    Ma question porte sur la formation. Au sujet des employés qui travaillent dans ces établissements de soins pour enfants réglementés, une des choses que j'ai notées au fil des ans, c'est que, comme ces emplois ne sont pas très bien rémunérés, les hommes qui désirent travailler dans ce domaine ne s'y intéressent pas beaucoup. Je crois effectivement — et je me demande si vous pensez la même chose — qu'il est utile d'avoir une main-d'oeuvre diversifiée dans le domaine des services de garde. Voilà un aspect.
    Ensuite, comment pouvons-nous normaliser la formation partout au pays si nous mettons en oeuvre un cadre fédéral à cet égard — c'est là, à mon avis, un aspect important — si ce domaine relève toujours de la compétence des provinces? L'uniformité de la prestation et possiblement les résultats d'apprentissage peuvent être différents d'une province à une autre. Selon votre expérience, quelles sont les recommandations que vous feriez à ce sujet?
    Je vais commencer par Mme Ballantyne.
(1010)
    Tout d'abord, nous soutiendrions absolument le besoin de diversifier la main-d'oeuvre. Elle est composée de plus de 95 % de femmes, et évidemment, c'est bon pour les enfants d'avoir une diversité d'adultes dans leur vie. Une des raisons, bien sûr, pour lesquelles la main-d'oeuvre est principalement composée de femmes, c'est qu'il s'agit d'un secteur à faible revenu, et alors une des façons d'attirer plus d'hommes dans le domaine serait en réalité d'adopter une approche très concentrée sur l'amélioration des conditions de travail, des salaires et des avantages sociaux de la main-d'oeuvre.
    Il est vrai que c'est un domaine qui relève de la compétence provinciale et territoriale. Toutefois, au cours de nombre de périodes très récentes de l'histoire canadienne, le gouvernement fédéral a joué un rôle actif dans le perfectionnement de la main-d'oeuvre, et, de fait, il a indiqué qu'il s'agit là d'une préoccupation majeure. Alors nous pensons que, comme prochaine étape, une bonne partie des discussions qui ont lieu entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devraient porter sur le perfectionnement de la main-d'oeuvre. Nous pouvons tous examiner, avec la participation du secteur des services de garde, ce qui peut être fait, les stratégies et les meilleures approches stratégiques pouvant être élaborées afin de régler les problèmes liés à la main-d'oeuvre. On l'a fait par le passé; nous pouvons le refaire dans l'avenir.
    Fantastique. Merci.
    Madame Doucet.
    Je suis d'accord avec Morna Ballantyne concernant le besoin d'une meilleure rémunération pour attirer les hommes dans ce domaine.
    L'autre enjeu pour moi est en quelque sorte une impasse, dans le sens où on suppose que les femmes s'occupent des services de garde et que personne ne veut avoir des hommes dans ce domaine. Ces suppositions sont répétées sans cesse.
    Je crois effectivement qu'il doit y avoir une approche exhaustive comportant une rémunération plus élevée, une formation culturelle concernant les hommes et les soins de la petite enfance et qu'il faut s'efforcer lentement d'amener plus d'hommes à travailler dans le domaine. Je peux dire que j'ai visité des services de garde en Suède, et beaucoup d'hommes travaillent dans ces centres, mais les responsables ont eu beaucoup plus de temps pour établir des services de garde de haute qualité, abordables, accessibles et universels. Ils ont aussi travaillé sur un type de campagne publique concernant les rôles que jouent les hommes auprès des enfants. On peut y arriver de différentes façons. Actuellement, on suppose toujours que ce sont les femmes qui s'occupent des nourrissons et des jeunes enfants, alors nous devons briser ces stéréotypes et ces suppositions culturelles, et cela doit être fait, peut-être, grâce à un certain nombre de programmes et de campagnes ciblées. C'est ce que la Suède a fait. Elle a organisé beaucoup de campagnes dans lesquelles on a montré des images d'hommes avec des enfants.
    Ma prochaine question porte sur l'entrepreneuriat. Nous avons examiné partout dans le monde la sécurité économique. Nous nous concentrons beaucoup sur le fait d'aider et de soutenir les femmes pour qu'elles puissent créer et lancer leur propre entreprise. Si une personne a une entreprise à domicile, ou qu'une personne est un entrepreneur, elle ne contribuera pas à l'assurance-emploi. Que faisons-nous pour cette jeune femme et la femme qui aimerait avoir un enfant ou tomber enceinte lorsqu'il n'y a pas d'assurance-emploi? Quelles sont vos recommandations pour aider des personnes dans cette situation?
    Je crois que cette question s'adresse à vous.
    Il existe une disposition pour les travailleurs autonomes qui choisissent de contribuer à l'assurance-emploi afin de recevoir des prestations de congé parental. C'est une nouvelle disposition qui a été mise en place il y a deux ou trois ans.
    La plus grande question pour moi est d'accroître le nombre de personnes admissibles aux prestations de congé parental et d'examiner ce que font nos voisins du Québec relativement à des critères d'admissibilité plus bas. Nous savons que les femmes ont des carrières interrompues parce qu'elles tendent à s'occuper de leurs enfants; par conséquent, elles entrent sur le marché du travail et en sortent. Cela signifie qu'elles sont souvent non admissibles aux prestations. Si une personne est travailleur autonome, elle peut ne pas avoir les moyens de contribuer à l'assurance-emploi pendant une période. Si nous abaissions les critères d'admissibilité, nous élargirions l'accès à des prestations de congé parental.
    Madame Ballantyne, si nous avions plus d'hommes qui demeuraient à la maison en congé parental, quel effet cela pourrait-il avoir sur la sécurité économique des femmes?
(1015)
    Je crois que pour garantir la sécurité économique des femmes, il faut s'assurer qu'elles ont accès à la main-d'oeuvre rémunérée de même qu'à une rémunération complète lorsqu'elles ne font pas partie de la main-d'oeuvre rémunérée quand elles ont des enfants en bas âge. C'est vraiment la seule façon d'y arriver.
    La question d'embaucher davantage de pères dans les centres de garde, particulièrement pour les jeunes enfants, est importante, particulièrement au cours des dernières années de leur vie. Des études ont montré que, lorsque les pères s'occupent de soins de la petite enfance au moyen de dispositions relatives au congé parental, ils sont plus susceptibles de partager la responsabilité des tâches au cours de l'enfance de leurs enfants. Cela contribuera à la sécurité économique des femmes. Le fait est que les femmes continuent d'être celles qui doivent prendre des congés pour un certain nombre de raisons, non pas seulement lorsque leurs enfants sont très jeunes, mais jusqu'à ce qu'ils obtiennent leur diplôme.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Mme Harder, pour sept minutes.
    Morna, c'est à vous que je vais poser la plupart de mes questions.
    La première concerne le système de garde d'enfants, particulièrement celui du Québec à l'heure actuelle.
    Si je comprends bien, 52 % des familles qui ont accès au système de services de garde du Québec se trouvent dans les tranches de revenus moyens à supérieurs. En même temps, nous avons une liste d'attente de deux ans, et nombre de familles à faible revenu ne sont pas en mesure d'avoir accès au système. Lorsque je regarde ces chiffres, si c'est un exemple de la direction où nous sommes censés aller en tant que pays, cela me décourage beaucoup. Selon mon estimation, nous devrions examiner les besoins en matière de services de garde des personnes qui se trouvent dans la tranche de faible revenu, particulièrement les femmes issues d'un ménage ayant un revenu unique qui sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté ou d'avoir un faible revenu. J'aimerais beaucoup qu'elles aient accès au système, mais je ne vois pas le système du Québec, ce modèle, offrir cela.
    Pouvez-vous m'aider à comprendre ce que nous pouvons faire différemment afin de nous assurer que ces femmes à faible revenu ont l'accès dont elles ont besoin?
    Certainement.
    Je crois que, en partie, la question a été abordée dans le témoignage d'un témoin tôt ce matin.
    M. Fortin a clairement indiqué que le système de garde d'enfants du Québec n'est pas le système idéal. Une des raisons pour lesquelles il ne l'est pas, c'est qu'il y a encore deux systèmes québécois de services de garde. Un est un système réglementé et subventionné, et l'autre, à but lucratif, mène ses activités en parallèle de l'autre. Les parents qui ont accès au système réglementé paient des frais très bas, et l'argent est versé directement au service. Dans l'autre partie du secteur, les parents doivent payer le service et ensuite présenter une demande pour obtenir un remboursement d'impôts. Il ne s'agit pas d'un système complètement universel. Ce que nous devrions faire au Québec et ailleurs au Canada, c'est d'élaborer un système véritablement universel. La seule façon d'y arriver de manière efficace, c'est de fournir le financement public directement aux services plutôt qu'un financement direct au moyen de crédits d'impôts ou de subventions pour aider les parents à acquitter les frais d'utilisation. Aussi longtemps qu'il y a des frais élevés d'utilisation, on n'encouragera pas l'accès de personnes à faible revenu au système.
    Je suis la coauteure d'un article sur la raison pour laquelle l'universalité est importante, et je serais heureuse de vous le communiquer après mon témoignage.
    Merci.
    Je prends bonne note de ce que vous dites. Maintenant, si je vous comprends bien, la direction dans laquelle vous nous guidez est presque un système entièrement subventionné par l'État. Il n'y aura plus de services à la maison ni de privatisation au sein du système de garde d'enfants.
    Ma préoccupation avec cette approche est la suivante: lorsque je regarde la recherche, elle montre que les enfants qui se trouvent dans ces espaces publics risquent bien plus d'être anxieux et dépressifs que les enfants dans des centres privés. La recherche montre également que les enfants des centres publics, ces centres plus grands, sont plus susceptibles de commettre des crimes plus tard dans la vie que ceux qui sont dans des centres privés. La vérité est que je pourrais poursuivre ainsi encore longtemps avec de telles statistiques, montrer que, souvent, ces centres à domicile sont, en fait, meilleurs pour le bien-être de nos enfants et produisent des résultats positifs.
    Comment, alors, réglerions-nous ces problèmes sociaux auxquels fait face notre société?
(1020)
    Je pourrais probablement poursuivre ainsi longtemps et contester les éléments de preuve que vous venez de mentionner, mais, ce que j'aimerais faire, ce serait plutôt de clarifier ce que nous entendons par système subventionné par l'État. Selon nous, cette expression ne s'applique pas à un seul type de services de garde. Un système subventionné par l'État, cela devrait comprendre les services de garde en milieu familial, les services de garde offerts dans un centre, mais aussi toute une gamme d'autres types d'arrangements pour la garde des enfants, des arrangements souples, qui permettent par exemple aux femmes qui travaillent à temps partiel ou selon un horaire irrégulier d'y avoir recours.
    Nous ne disons pas qu'un système de garde d'enfants subventionné par l'État doit ne cibler que les services offerts dans un centre, en établissement. C'est un mythe. Nous n'avons jamais dit cela, et nous allons continuer à le faire savoir.
    Si nous avons besoin d'un système subventionné par l'État, c'est qu'un tel système nous permet de nous concentrer sur l'élaboration de services de qualité, des services qui pourront réellement favoriser un bon développement positif des enfants et des familles. C'est ce que nous avons à répondre.
    D'accord.
    Morna, j'ai remarqué que nos témoins, tous les quatre, utilisent un mot à la mode, le mot « qualité ». Nous aimons bien utiliser le mot « qualité », mais personne n'a pris le temps de définir ce que signifie la prestation de « services de garde d'enfants de qualité ». Quelle définition proposeriez-vous? Par quels moyens pouvons-nous savoir si nous offrons aux enfants du Canada des services de qualité?
    Nous pouvons répondre de deux façons à cette question.
    Nous pouvons, d'une part, parler de la qualité du système et, d'autre part, de la qualité des soins. Il existe tout un volume de données probantes et de recherches sur ce que sont des soins de qualité, quand on parle des soins aux enfants. Nous savons sur quoi ces données probantes sont fondées: elles reflètent la relation entre l'enfant et les éducateurs en garderie, son environnement physique et son programme d'activité. Nous avons une bonne idée de ce que sont les soins de qualité.
    Un système de qualité, c'est un système qui peut compter sur un soutien financier de l'État, entre autres soutiens, de façon à pouvoir offrir ces soins de qualité.
    Vous avez parlé du gouvernement actuel et des décisions qui seraient « prises dans le secret ». J'aimerais donc vous poser la question suivante: de quoi devrait avoir l'air un bon processus de consultation, à l'avenir?
    Pour commencer, nous gardons espoir. Nous pensons que le projet va se poursuivre. Ce serait complètement irréaliste de s'attendre à ce qu'un gouvernement canadien quelconque puisse, en quelques mois, élaborer et mettre en oeuvre un système universel de garde d'enfants. C'est un processus qui ne s'arrête jamais. Nous voulons accorder au gouvernement — peu importe le gouvernement qui sera au pouvoir au cours des 10 prochaines années — 10 années pour qu'il fasse bien les choses.
    Une bonne consultation suppose une certaine ouverture par rapport aux positions que le gouvernement propose aux provinces et territoires, la collecte des meilleures informations et données probantes possible, auprès d'experts, pour éclairer les positions en question, puis la communication régulière de comptes rendus des négociations, y compris des différents jalons des progrès.
    Merci.
    Vous n'avez plus de temps.
    Nous donnons maintenant la parole à Mme Malcolmson, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais exprimer ma reconnaissance aux deux témoins. Vous avez exposé très clairement toute une gamme d'enjeux dont nous ont déjà parlé d'autres témoins, sur le fait que les dépenses du gouvernement, celles qui prennent la forme d'un crédit d'impôt, n'aboutissent pas réellement sur la création d'un plus grand nombre de places en service de garde, où cet argent serait dépensé. Vous avez très bien expliqué les conséquences de la non-rémunération des soins. Vous avez formulé des tonnes de commentaires, et je sais que nous allons pouvoir en tirer quelque chose.
    Madame Doucet, la semaine dernière, justement, j'assistais à la Commission de la condition de la femme des Nations unies. Un certain nombre de membres de notre Comité y représentaient le Canada. Les soins non rémunérés ont occupé une bonne partie des discussions. La solution qui consiste à offrir un congé parental « à prendre ou à laisser » au père était une des idées innovatrices. L'Islande se targue du fait que 70 % des pères profitent du congé de paternité « à prendre ou à laisser », qui vise à s'assurer que les hommes prennent véritablement leur responsabilité des soins aux enfants. C'était bon à entendre, vraiment.
    J'aimerais profiter du temps qui m'est donné pour poser deux questions.
    La première s'adresse à Mme Ballantyne. Pourriez-vous parler un peu plus du rôle du gouvernement fédéral? Dans un de vos rapports, vous dites: « Nous craignons que le gouvernement fédéral se contente de transférer des fonds aux provinces et aux territoires pour simplement améliorer les programmes de garderies disparates et insuffisants qui existent actuellement. »
    J'espère que vous pouvez en dire un peu plus à ce sujet et nous présenter, encore une fois, un résumé de votre vision d'un gouvernement fédéral capable de réunir les provinces pour établir un système véritablement universel.
(1025)
    Je suis loin d'être une experte des relations fédérales-provinciales-territoriales, mais nous connaissons beaucoup d'exemples de cas où le gouvernement fédéral s'est servi de ce que l'on appelle, sur le plan constitutionnel, son pouvoir de dépenser pour orienter directement les projets des gouvernements provinciaux et territoriaux qui relèvent dans les faits de la compétence des provinces et des territoires. C'est ce que nous voulons que le gouvernement fédéral fasse, qu'il utilise son pouvoir de dépenser pour assortir de conditions ces transferts d'argent vers les provinces et les territoires, dans le but de mettre en place un système de garde d'enfants.
    Nous croyons également que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle de leader dans la poursuite des discussions, comme je l'ai déjà dit, avec les provinces, les territoires et les autres intervenants, dans le but d'explorer les pratiques exemplaires et d'offrir le soutien de l'infrastructure à l'élaboration de bonnes politiques, dans les deux ordres de gouvernement.
    Merci beaucoup.
    Madame Doucet, j'aimerais que vous nous parliez un peu plus de vos travaux concernant les femmes, en particulier celles qui font l'objet d'une discrimination économique, dans notre pays. Nous savons déjà que les femmes, davantage que les hommes, connaissent des niveaux plus élevés de pauvreté, de travail non rémunéré ou d'emplois précaires, mais je sais, en particulier parce que je représente la Colombie-Britannique, que les femmes de cette province font face à un niveau supplémentaire de discrimination systémique. Les femmes handicapées sont surreprésentées dans les postes à bas salaire, elles gagnent moins que les autres femmes. En Colombie-Britannique, pour les femmes autochtones, la route des pleurs s'est révélée un exemple particulièrement visible et tragique de l'impossibilité pour les femmes autochtones d'aller travailler, étant donné l'absence de moyens de transport dans les régions où elles vivent, ce qui les rend encore plus vulnérables aux prédateurs sexuels.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus de l'absence de politiques touchant les femmes autochtones et les autres collectivités que vous avez consultées, à l'échelle du pays, et nous donner quelques suggestions quant au leadership dont le gouvernement fédéral pourrait faire preuve afin de s'assurer que les groupes particulièrement vulnérables sont respectés et outillés?
    Merci. C'est une excellente question.
    Je dirais pour commencer que, ce qui nous frustre vraiment, quand on étudie la question des congés parentaux, c'est que les données ne sont pas complètes. Quand nous avons commencé à travailler, avec les statistiques fournies par l'Assurance-emploi, on nous a dit que les données concernaient le Québec et le reste du Canada; à un moment donné, il était écrit en tout petits caractères qu'en fait, nous n'avions pas les données concernant les trois territoires ni les personnes vivant dans une réserve. Donc, nous n'avons pas, en réalité, de données sur les Canadiens d'origine autochtone vivant dans une réserve ou sur l'un des trois territoires, nous ne savons pas quelle est leur situation relativement à l'accès à ces programmes. Cela a été pour nous l'une des plus grandes révélations des statistiques avec lesquelles nous travaillons. Je dirais donc pour commencer que nous devons nous renseigner davantage.
    Il y a ensuite la question des congés parentaux. Je vais parler des congés parentaux et des prestations de maternité, parce que c'est sur ce sujet que je travaille depuis un certain temps. Ces prestations sont versées au titre du programme de l'assurance-emploi, ce qui veut dire qu'elles sont accessibles uniquement par les personnes qui occupent un emploi ordinaire. Leur conception exclut tous les gens dont nous venons de parler. Je l'ai dit, nous n'avons pas de bonnes données. De plus, les données que nous avons ne sont pas regroupées pour refléter la situation des Canadiens d'origine autochtone vivant en milieu urbain.
    Si, plus tard, nous repensions les politiques sur les congés parentaux et les congés de maternité... En Europe, cela n'existe pas. Les pays d'Europe ont établi un taux de base et ils versent un certain montant d'argent aux nouvelles mères, aux nouveaux parents. En Suède, un nouveau parent n'a pas à avoir versé une cotisation minimale ou à avoir fait quelque versement que ce soit pour avoir droit aux prestations du congé parental. Je crois que nous devrions y repenser de nouveau, en voyant cela comme une politique sur les soins. Il ne s'agit pas d'une politique sur le chômage. Mais le programme a été conçu pour soutenir uniquement les gens occupant un emploi ordinaire. Il n'offre aucun soutien à tous ceux dont vous parlez. Ces gens-là n'ont pas accès à un programme de garde d'enfants ni aux prestations parentales. Je crois que nous devrions revoir tout cela et envisager les prestations pour enfants et les suppléments pour la famille comme une même chose.
    Merci. Il ne me reste qu'une minute.
    J'aimerais demander à Mme Ballantyne de parler rapidement du très faible taux de rémunération des éducateurs en garderie.
    Pourriez-vous ajouter quelques mots sur les répercussions de cette situation?
(1030)
    Je ne sais pas trop quoi dire, sauf qu'il ne s'agit pas tout simplement d'une question de rémunération. Il y a aussi, par exemple, le problème de la participation à un régime de retraite. Nous avons par ailleurs d'énormes problèmes, et tout le monde le reconnaît, en ce qui a trait aux salaires, aux avantages, aux conditions de travail, qui nuisent au maintien en poste. Nous avons de la difficulté à attirer des travailleurs dans cette profession, et nous avons de la difficulté à les maintenir en poste.
    Au quotidien, dans les services de garde, qu'il s'agisse d'un milieu familial ou d'un centre, le roulement élevé du personnel entraîne des problèmes. Il a d'importantes répercussions sur la qualité des soins prodigués.
    Excellent.
    Nous donnons la parole à M. Serré, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais partager mon temps avec Mme Vandenbeld.
    Merci aux deux témoins, de votre dévouement et du travail que vous faites, mais également de la façon dont vous avez préparé le témoignage que vous nous avez fourni ici aujourd'hui.
    Ma première question concerne les congés parentaux. Nous avons dit que 1 Canadien sur 10 et 9 Québécois sur 10 en profitaient. Ces chiffres sont renversants. J'y ai eu droit, à la fin des années 1990. Pour deux de mes filles, j'ai pris le congé maximal de 10 semaines.
    J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre quelque chose. Des témoins nous ont dit, il y a déjà de cela un certain temps, qu'en effet, il était bien d'accorder davantage de congés parentaux aux hommes, mais que cela ne devait pas être fait au détriment des congés de maternité. J'aimerais savoir où se trouve le point d'équilibre. Si nous voulons que les responsabilités soient partagées, est-ce que cela n'entraîne pas un conflit? Avez-vous fait, dans vos études, des recommandations visant à améliorer le modèle pour que les responsabilités soient davantage partagées?
    Merci. Vous soulevez là un très bon point.
    Encore une fois, je vais prendre la Suède pour exemple. Les responsables ont dit très clairement qu'ils ne voulaient pas priver les femmes de quelque avantage que ce soit, puisque cela entraînerait l'échec de la politique. Ce qu'ils veulent, c'est que les femmes aient droit à des prestations de maternité et que les hommes puissent profiter d'un congé de paternité. Il faut que ce soit clair, sinon les hommes ne prendront pas de congé, et il faut que le congé soit bien rémunéré, sinon ils n'auraient aucune raison de le prendre, et la famille s'en ressentirait, sur le plan économique.
    Ce que nous avons observé, en Islande et en Suède, par exemple, c'est qu'il y a une période de congé pour la mère et une période de congé pour le père; il y a aussi une période de congé qu'ils peuvent peut-être prendre ensemble. La Suède et l'Islande offrent des mesures incitatives qui favorisent le partage des congés. Plus le congé parental est partagé, plus élevé est le paiement que les familles suédoises reçoivent. La raison pour laquelle ces pays ont fait cela, c'est que cela entraînerait... Il s'agit d'un changement culturel qui exige du temps.
    D'un autre côté, nous offrons un congé de 35 semaines qui peut être partagé, mais, le plus souvent, ce sont surtout les femmes qui s'en prévalent. S'il était mieux payé et s'il y avait des mesures incitatives au partage, je suis certaine que le congé serait davantage partagé.
    Notre témoin du groupe précédent, Mme Friendly, a souligné qu'il fallait un cadre national d'étude sur la main-d'oeuvre.
    M. Fraser a parlé de l'importance du perfectionnement des compétences, des activités et de l'infrastructure, au sujet des services de garde à l'enfance.
    Madame Doucet, vous avez opposé le système de l'assurance-emploi et un système de soins. Nous disposons d'un congé de maternité, d'un congé parental, de services de garde à l'enfance... Selon ce que vous savez — et je vous félicite de votre poste de titulaire de la chaire de recherche du Canada sur l'égalité entre les sexes —, est-ce que des études existent?
    Je sais que, dans le premier volet, vous aviez également un cadre stratégique national et exhaustif, mais j'aimerais savoir s'il existe un cadre national sur la main-d'oeuvre, aujourd'hui, qui examine l'ensemble du système des services de garde, plutôt que de le faire de façon isolée? Existe-t-il quelque chose, aujourd'hui?
    Au Canada, la plus grande partie des recherches se font ainsi, de façon isolée. C'est très intéressant à observer. C'est comme ça que Lindsay McKay et moi-même avons réalisé...
    Nous avons participé à un projet de livre, consacré uniquement aux services de garde, et nous avons été les seules qui avons parlé des congés parentaux. Dans le cadre du séminaire auquel nous avons participé, nous avons constaté qu'il fallait une discussion plus générale.
    La Suède considère que tout cela, c'est une politique en matière de service de garde, et le pays a adopté un cadre beaucoup plus systématique. Il cible les enfants en visant à en faire des citoyens productifs, et cette politique sur les services de garde a donc des répercussions économiques.
    Au Canada, les gens commencent tout juste à en faire ensemble l'examen, mais je vais chercher pour savoir ce qu'il en résulte.
(1035)
    Je crois que Martha Friendly en a parlé elle aussi, pendant son témoignage. Les défenseurs des services de garde à l'enfance ont toujours dit que ces services ne doivent exister qu'en tant que volet d'un système de soutien plus large de l'égalité des femmes, du bien-être des enfants et qu'ils doivent profiter aux familles.
    C'est intéressant; on peut soutenir que les services de garde à l'enfance sont bons pour l'égalité des femmes. Vous pouvez présenter cela dans l'optique du droit des enfants; les enfants ont le droit à une éducation de qualité et à des soins, dès leur naissance. Vous pouvez également le présenter sous l'angle économique, en disant que ces services sont vraiment bons pour l'économie et que, à ce chapitre, ils profitent à tout le monde.
    Excellent, merci.
    Je remercie tous les témoins et je souhaite en particulier la bienvenue à Mme Ballantyne.
    Je remarque que votre organisation a son siège dans ma circonscription d'Ottawa-Ouest—Nepean, et c'est à ce titre que je vous souhaite la bienvenue devant notre comité. Ma question s'adresse à vous, madame Ballantyne. Je sais que vous avez parlé d'un cadre stratégique en disant qu'à votre avis, il était temps d'en jeter les fondations. J'ai également remarqué que vous comprenez que, à bien des aspects, cela relève de la compétence des provinces et qu'il faudra peut-être une décennie avant de pouvoir négocier un système réellement universel.
    Il y a déjà eu un tel cadre, le cadre Dryden, qui a été éliminé par le gouvernement précédent. Il avait obtenu l'aval des provinces.
    Combien de piliers pouvons-nous emprunter à ce cadre? Devons-nous recommencer à zéro, ou pourrons-nous présenter aux provinces quelques aspects tirés de cela, d'une manière quelconque?
    Je suis heureuse que vous disiez que nous ne devrions pas recommencer à zéro. Cela fait trop longtemps que nous discutons de cette question. En fait, je crois que, à bien des égards, le document le plus instructif est le rapport du groupe de travail de Katie Cooke. C'est le premier ministre Trudeau père qui l'avait nommée en 1984. Deux années de travail ont été consacrées à l'élaboration de ce que devrait être exactement le rôle du gouvernement fédéral et à la façon dont une bonne entente cadre devrait être présentée.
    Ce document indiquait qu'il fallait que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux collaborent, et il précisait la voie à suivre pour arriver à cette fin. C'était en 1984. En fait, les recommandations ont été présentées au gouvernement de Brian Mulroney en 1986. Alors, effectivement, nous avons l'initiative Dryden du gouvernement de Paul Martin. Je crois que nous devrions vraiment nous en inspirer.
    On pourrait dire la même chose quant à l'entente-cadre multilatérale qui l'avait précédé, à l'initiative de Jane Stewart, qui était à ce moment-là ministre, peu importe le nom de son ministère... je ne me souviens jamais des changements de nom.
    Nous en avons beaucoup. Nous savons ce qu'il y a à faire. Nous avons aussi une bonne idée des sommes que cela va coûter. J'aimerais rapidement souligner que, en fait, le plan Dryden, et le budget fédéral qui l'accompagnait, proposait 5 milliards de dollars sur cinq ans. Si nous obtenons ce que nous croyons pouvoir obtenir dans le budget, demain, c'est-à-dire 500 millions de dollars pendant 10 ans — nous parlons d'une somme de 5 milliards de dollars sur 10 ans, en dollars de 2017 —, nous serions en fait dans une situation bien pire que ce que nous permettraient les initiatives précédentes.
    L'argent est un aspect important. Il faut qu'il y ait suffisamment d'argent. Il y a une autre chose, au sujet de l'argent: il faut que les sommes soient versées progressivement. Nous ne pouvons pas verser 1 milliard de dollars dès la première année. Nous ne saurions pas quoi faire avec cet argent. Ce serait trop. Nous avons besoin d'une petite somme, la première année. Nous avons demandé 600 millions de dollars; si nous obtenons 500 millions de dollars, cela sera parfait, pour 2017. Mais par la suite, chaque année, nous aurons besoin de cette somme et d'une somme supplémentaire. Il nous est impossible de mettre un système en place, d'améliorer la qualité et d'améliorer l'accès si vous donnez chaque année la même somme exactement. Elle doit augmenter. Elle doit être versée par le gouvernement fédéral, parce que lui a des moyens financiers que les provinces et les territoires n'ont pas.
    Il ne faut pas non plus oublier que les provinces et les territoires, en fait, assument tous ces coûts depuis 10 ans. Il est temps que le gouvernement fédéral revienne sur le terrain, comme ils disent. J'ai de la difficulté à éviter les métaphores sportives. Mais le gouvernement doit réellement revenir au jeu. Il doit payer et il doit prendre les choses en main, que ce soit l'argent ou l'élaboration de politiques.
    Très bien.
    Nous commençons notre dernière série de questions de cinq minutes par Mme Vecchio.
    Andrea, merci beaucoup. Au début, vous avez expliqué que votre époux avait pris des congés et qu'il était une star du rock, que les gens se demandaient « Qu'est-ce qu'il fait là? » Notre fils est âgé de 14 ans. C'est mon époux qui est resté à la maison avec lui. Quand nous parlons des liens, je vois bel et bien que mon époux... Il a pris sa part des responsabilités. C'est peut-être aussi en raison de mon domaine d'activité, mais il partage tout à fait l'ensemble des responsabilités liées à mon fils. Nous le voyons. Je sais que cela a une importante incidence.
    Nous avons parlé des congés parentaux et de la possibilité des suppléments. Toutefois, nous devons reconnaître que bon nombre d'emplois, si nous parlons des suppléments, sont des emplois dans la fonction publique. Nous devons examiner la situation sous l'angle de l'économie. Et, si nous faisons cela, nous demandons en fait au secteur privé d'assumer une toute nouvelle responsabilité, qui suppose qu'il paiera davantage d'impôts ou qu'il paiera davantage pour autre chose.
    Étant donné notre situation économique actuelle, comment nos entreprises du secteur privé vont-elles réussir, si elles offrent des suppléments pouvant aller jusqu'à 35 % ou 40 %, pour un employé qui n'est pas au travail, et qu'elles devront payer à temps plein? Je comprends la justification, mais comment est-ce que cela va fonctionner, financièrement? Comment est-ce que cela pourra profiter tant aux employeurs qu'aux employés, de façon que les employeurs puissent eux aussi continuer leurs activités?
(1040)
    C'est une très bonne question.
    La première étape, ce serait que le taux de remplacement du salaire soit plus élevé, par exemple, s'il était partout au Canada le même qu'au Québec, où le taux de remplacement du salaire est de 75 %.
    Si nous commencions par des taux de remplacement du salaire plus élevés, en sachant qu'il est vraiment très difficile pour une famille de survivre avec 55 % du salaire pendant une longue période, et qu'il est vraiment difficile pour les hommes de renoncer à leur salaire pour n'en recevoir que 55 %. Regardons tout simplement ce qui se fait au Québec et augmentons le taux de remplacement du salaire; nous imposerions aux employeurs un fardeau beaucoup moins lourd. Ce serait à mon avis la première étape. Je crois que c'est là que le problème se situe: il faut prévoir les critères d'admissibilité.
    Morna, auriez-vous des commentaires à ajouter?
    Je dirais la même chose.
    Je crois qu'il serait vraiment utile que les gouvernements contribuent ou qu'ils mettent sur pied un système permettant de rémunérer les congés parentaux sans nécessairement obliger chacun des employés et des employeurs à assumer les coûts.
    C'est ce que vous auriez si, comme Mme Doucet l'a dit, les congés parentaux faisaient partie d'une politique de soutien aux familles et aux enfants des services de garde. Vous en auriez davantage que si vous considériez cela comme faisant partie d'une politique sur l'emploi.
    D'accord, fantastique.
    Andrea, je m'adresse de nouveau à vous; nous avons parlé du fait que, pour bien des femmes, il était difficile d'atteindre le seuil des 600 heures. Rationnellement, si vous examinez les seuls chiffres, cela signifie 37,5 heures pendant une période de 16 semaines, sur un total de 52 semaines.
    Vous avez également mentionné que, pour les femmes, il s'agissait peut-être d'emplois précaires, mais, alors, comment devons-nous procéder? Je sais bien que les hommes comme les femmes ont accès à diverses options d'assurance-emploi, et que, s'ils ont une entreprise, ils peuvent mettre de l'argent de côté; alors quel est le problème? Êtes-vous en train de dire que les femmes qui travaillent à temps partiel ne pourraient pas accumuler 16 semaines d'emploi sur une période de 52 semaines ou que, comme les femmes travaillent peut-être à contrat, il faudrait peut-être que ce soit les employeurs qui en paient une partie?
    Quel est le lien? Je crois que si nous y réfléchissons bien, et nous avons été nombreux à le dire, 16 semaines, cela ne semble pas beaucoup sur une période de 52 semaines, alors pourquoi ne faisons-nous pas ces cotisations-là si, dans la main-d'oeuvre, ces cotisations sont pour commencer obligatoires?
    Eh bien, il faut que ce soit le même employeur, alors si vous travaillez...
    Non, ce n'est pas vrai.
    Vous pouvez additionner tous vos relevés d'emploi pour obtenir un total de 600 heures.
    D'accord, merci. J'avais oublié ce détail.
    Je m'excuse, j'ai fait cela pendant 12 ans.
    Merci.
    Mes recherches sont surtout des recherches qualitatives, alors j'ai tendance à oublier l'aspect des statistiques.
    Tout ce que je veux dire, c'est que nous examinons les chiffres et la façon dont, au Québec, un certain nombre de mères à faible revenu, qui gagnent moins de 30 000 $ par année, ont droit aux prestations pour congé parental à un taux beaucoup plus élevé que les mères des autres régions du Canada.
    Je crois que ces chiffres nous disent que bon nombre de femmes...
    Mais, qu'est-ce qui empêche les femmes d'accumuler 16 semaines d'emploi à temps plein, pendant une période de 52 semaines, pour faire ces cotisations?
    Je reviens à la question des femmes à très faible revenu, celles qui ont des problèmes de santé mentale, les groupes de femmes qui, dans notre pays, ne sont pas capables de travailler à temps plein pendant une longue période.
    Je ne connais pas la réponse à votre question, mais je sais que certaines femmes n'arrivent pas à accumuler les 600 heures...
(1045)
    Je suis vraiment désolée, mais nous allons arriver au bout du temps qui nous est alloué aujourd'hui pour notre séance.
    J'aimerais remercier les deux témoins, qui ont formulé des commentaires très intelligents, très avisés, pendant notre discussion. S'il y a des choses que vous voudriez nous communiquer, touchant nos discussions, n'hésitez pas à les communiquer à la greffière.
    Je remercie les membres du Comité. Nous nous reverrons jeudi.
    La séance est levée.
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