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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 031 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 2 novembre 2016

[Enregistrement électronique]

  (1545)  

[Traduction]

     Chers collègues, nous attendons l'arrivée d'un ou deux autres membres du Comité parce que la Chambre accueille des athlètes olympiques. Je crois que nous avons le quorum. Nous pouvons faire quelques travaux avant de passer à l'ordre du jour de la 31e réunion, conformément à l'ordre de renvoi.
    J'aimerais que vous examiniez le huitième rapport que le Sous-comité a présenté au Comité.
Le Sous-comité du programme et de la procédure du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international a l’honneur de présenter son

         HUITIÈME RAPPORT

Votre Sous-comité s’est réuni le mardi 1er novembre 2016 pour discuter des travaux du Comité et a convenu de faire les recommandations suivantes:

1. Que l’horaire proposé pour les mois de novembre et de décembre 2016 et les témoins suggérés dans le document intitulé « Suggestions additionnelles de témoins pour l’étude du comité de la Loi sur les mesures économiques spéciales et de la Loi sur le blocage des biens des dirigeants étrangers corrompus » soient acceptés.

2. Que le Comité donne la priorité aux témoins suggérés pour parler de la lutte contre la corruption dans le cadre de l’étude de la Loi sur les mesures économiques spéciales et de la Loi sur le blocage des biens des dirigeants étrangers corrompus.

3. Que Gary Kasparov soit invité à comparaître devant le Comité le mercredi 7 décembre 2016 dans le cadre de l’étude de la Loi sur les mesures économiques spéciales et de la Loi sur le blocage des biens des dirigeants étrangers corrompus.

4. Qu’une lettre comprenant des questions précises concernant l’étude de la Loi sur les mesures économiques spéciales et de la Loi sur le blocage des biens des dirigeants étrangers corrompus par le Comité soit envoyée au ministère de la Justice.
    Comme je l'ai déjà mentionné, nous vous enverrons une copie de l'ébauche de la lettre pour obtenir votre avis avant d'envoyer la lettre au ministère de la Justice.
    Enfin:
5. Que lorsque le Comité invite des représentants des ministères du gouvernement à venir témoigner, le sous-ministre ou le sous-ministre adjoint concerné du ministère soient les représentants qui comparaissent devant lui.
    Le tout est respectueusement soumis par votre président.
    J'aimerais que nous adoptions le rapport au nom du Sous-comité.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Chers collègues, je crois que nous allons nous arrêter ici et entendre nos témoins.
     Je veux tout d'abord dire à nos témoins que je suis désolé du retard. Les choses ont été un peu longues au Parlement aujourd'hui.
    Chers collègues, j'aimerais vous rappeler que des votes auront lieu à 18 heures, et nous essaierons de nous en tenir le mieux possible à ce qui était prévu et de terminer la réunion vers 17 h 30.
    Conformément à l'ordre de renvoi et l'article 20 de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus, examen prévu par la Loi, nous accueillons aujourd'hui Mme Maya Lester, conseillère de la reine de Brick Court Chambers; et M. Daniel Drezner, professeur de politique internationale de la Fletcher School of Law and Diplomacy de l'Université Tufts.
    M. Drezner comparaîtra par téléconférence. Vous ne pourrez pas le voir, mais vous serez en mesure de l'entendre.
    Cela dit, je vais céder la parole à Mme Lester, qui nous présentera son exposé. Ce sera au tour de M. Drezner par la suite. Après, les membres du Comité poseront leurs questions.
    Bienvenue au Comité, madame Lester. Je vous remercie beaucoup de votre patience. Nous avons hâte d'entendre vos observations.
     Merci beaucoup. Je vous remercie beaucoup également de m'avoir invitée. C'est un grand honneur pour moi de comparaître devant vous.
    Je dois dire qu'il y a environ deux semaines, j'ai témoigné devant notre Parlement, devant le Sous-comité de la justice de l'Union européenne de la Chambre des lords parce qu'il examine divers aspects des régimes de sanctions de l'UE. Je serai ravie de vous en parler si cela vous intéresse, peut-être lorsque vous me poserez des questions.
    Je suis avocate; je suis avocate plaidante. Je suis spécialiste du droit européen et du droit constitutionnel public, et j'ai des connaissances spécialisées des régimes de sanctions. Je dois dire que je ne suis absolument pas spécialiste du droit canadien, et je vais donc m'en tenir à ce que je connais, c'est-à-dire les régimes de sanctions de l'Union européenne. Je connais un peu le régime des Nations unies et bien entendu, le régime du Royaume-Uni, et j'y reviendrai.
    Dans ma pratique, je représente principalement des parties qui figurent sur une liste, des gens et des organisations visés par des sanctions, et j'ai plaidé un très grand nombre de causes devant la Cour européenne en leur nom. Or je fais également beaucoup de travaux consultatifs dans d'autres litiges liés à des sanctions pour des parties qui ne font pas l'objet de sanctions.
    Je prévoyais vous décrire brièvement — et j'espère qu'il ne s'agira pas d'information trop de base — le régime de sanctions de l'Union européenne. Par la suite, je voudrais vous expliquer ce qui constitue, à mon sens, des problèmes que comporte le régime de l'Union européenne qui sont à l'origine d'un grand nombre de décisions judiciaires que vous connaissez peut-être.
    L'UE impose des sanctions en tant que groupe d'États, de 28 États membres — qui seront probablement 27 dans trop peu de temps —, dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune, et les décisions d'imposer des sanctions doivent être unanimes. Voilà les informations générales sur le régime de sanctions de l'UE, soit que 28 États membres essaient de s'entendre sur les mesures à prendre. À cet égard, le travail du Canada est plus facile.
    L'organisme décisionnel est le Conseil des ministres de l'UE, qui est composé de tous les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'UE. C'est l'organe exécutif qui détermine les sanctions.
    Comme dans les régimes de sanctions des États-Unis ou de l'ONU, les sanctions imposées par l'UE comprennent en partie le gel des avoirs et l'interdiction de voyager, qui s'appliquent à l'UE dans son ensemble, ainsi que des sanctions moins ciblées, surtout pour des régimes comme l'Iran, la Syrie, et, dans une certaine mesure, la Russie. En plus des gels d'avoirs ciblés et des interdictions de voyager, il y a des interdictions plus vastes, comme l'interdiction de certains types de transactions commerciales ou financières entre l'Union européenne et différents États.
    De quelle façon cela est-il saisi par la Cour? C'est une exception à la règle générale selon laquelle les mesures de politique étrangère de l'Union européenne ne font pas l'objet d'un contrôle judiciaire. Une exception à cette règle s'applique pour les individus et les organisations qui sont visés par un gel des avoirs et par des interdictions de voyager. C'est parce que la Cour de l'UE a déterminé que puisqu'il s'agit de mesures contraignantes qui ont des répercussions sur les droits fondamentaux des gens, qu'ils soient citoyens de l'UE ou non — et bon nombre ne le sont pas —, ils devraient avoir accès au contrôle judiciaire pour contester la validité de leur désignation. Je crois comprendre que ce type de système existe au Canada. Le contrôle judiciaire doit avoir lieu dans les deux mois suivant l'inscription sur la liste de sanctions au Tribunal de l'Union européenne, qui se trouve au Luxembourg. Il y a eu des centaines de causes de ce type au Luxembourg, dont bon nombre ont été gagnées. Je crois qu'environ la moitié des causes qui ont été portées devant la Cour européenne ont été gagnées.
    Pourquoi? Eh bien, lorsque j'ai commencé à m'occuper de ces causes, en 2009 ou en 2010, les raisons pour lesquelles des gens se retrouvaient sur des listes de sanctions n'étaient pas fournies. Les Nations unies ne donnaient pas non plus les raisons. Ainsi, les premières contestations ont porté sur l'application régulière de la loi. La Cour européenne a déclaré que si les institutions de l'Union européenne imposent des mesures contraignantes à des individus et à des personnes morales, elles doivent respecter les normes fondamentales de l'application régulière de la loi. Cela signifie qu'il faut fournir les raisons pour lesquelles les individus et les organisations se retrouvent sur la liste; des éléments de preuve de base s'il s'agit de contester les faits sur lesquels la désignation est fondée; des éléments de preuve concernant les motifs qu'utilisent les institutions; et une révision judiciaire et une analyse de la proportionnalité d'un tribunal.

  (1550)  

    Nous pourrons revenir à tout cela, mais si autant de causes ont été gagnées, c'est essentiellement en raison des éléments de preuve. Après que la Cour européenne a établi les normes de base en matière d'application de la loi, il y a eu des centaines de cas où — principalement des causes iraniennes; chaque régime a soulevé des cas —, après que les causes initiales ont été perdues en raison du manque de motifs, la Cour s'est consacrée davantage à déterminer si les institutions européennes peuvent appuyer cela au moyen de faits assez solides, d'éléments de preuve à l'appui de l'inscription sur une liste de sanctions. Dans bien des cas, elles n'ont pas été en mesure de le faire et, encore une fois, nous pourrons y revenir si le Comité le souhaite.
    Ce cadre a été appliqué tant aux sanctions autonomes de l'UE, celles imposées par l'Union européenne, qu'aux sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l'ONU que l'Union européenne applique. Cela a provoqué une vive controverse. Dans une cause bien connue, l'affaire Kadi, à laquelle j'ai participé, la Cour européenne a décidé qu'elle pouvait réviser les mesures de l'UE, même celles qui mettent en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. La décision s'explique en partie par le manque de procédure régulière aux Nations unies, ce qui a mené directement à la création du Bureau de l'ombudsman pour le Comité des sanctions contre Al-Qaïda de l'ONU, dont la première titulaire est Kimberly Prost, que vous connaissez bien, et qui, je crois, témoignera peut-être devant votre Comité.
    Dans bon nombre de cas, les causes ont été gagnées. Le nombre diminue un peu pour des raisons que je pourrai expliquer après ma déclaration préliminaire.
    Je crois que le système comporte certains problèmes particuliers qui, dans une certaine mesure, sont reflétés dans la jurisprudence. Tout d'abord, l'Union européenne n'a pas, à mon sens, d'organisme capable de recueillir des éléments de preuve de façon rigoureuse. Le Conseil des ministres n'est pas un organisme qui recueille les éléments de preuve en tant que tels. Il s'agit d'un groupe d'États membres, et ses capacités d'imposer des sanctions, et la mesure dans laquelle il peut recueillir des éléments de preuve en appui aux listes de sanctions, dépendent entièrement des éléments de preuve que les États membres sont prêts à fournir aux autres États qui sont représentés au Conseil et que le Conseil est prêt à fournir aux personnes qui figurent sur une liste et à la Cour.
    Cela mène à un autre sujet très intéressant dont je serai ravie de parler, soit les règles de procédure qui permettront maintenant aux institutions d'utiliser des documents classifiés. Jusqu'à maintenant, la Cour a estimé que, contrairement aux tribunaux américains à cet égard, toutes les parties doivent pouvoir avoir accès à tous les documents utilisés. Cela peut changer au Luxembourg en raison du problème lié aux documents tirés de sources ouvertes, mais la qualité des éléments de preuve provenant de sources accessibles n'est pas très bonne, à mon avis; il s'agit très souvent d'articles de presse et de copies papier provenant de sources Internet.
    L'autre problème, selon moi, c'est que les institutions de l'UE ne sont pas attentives aux besoins des gens qui se retrouvent sur des listes de sanctions. Il leur faut énormément de temps pour répondre à la correspondance, même dans des cas très urgents, et il y a un réel manque d'engagement concernant le contenu de la correspondance. Encore une fois, je peux en dire davantage, mais — et je l'ai dit devant le comité de la Chambre des lords — je pense qu'il y a d'excellentes raisons de recourir à un processus d'un ombudsman, comme Kimberly Prost, pour analyser les preuves et fournir un système adapté aux besoins.
    Par ailleurs, le système judiciaire comporte ses propres problèmes. Le processus est lent, il coûte cher et on n'a pas accordé d'injonction dans des cas d'urgence, d'audiences rapides, ou de dommages lorsqu'il y a eu des erreurs graves au sujet des listes. On s'amuse également — si je peux le dire ainsi — à réinscrire des gens sur des listes: presque chaque organisation et chaque individu qui ont gain de cause devant la Cour européenne se retrouvent sur une liste de sanctions le jour suivant, et les raisons qui sont données pour le justifier sont légèrement différentes. La légalité de ce processus est présentement contestée dans les cours européennes.

  (1555)  

    Enfin, et ce sera ma dernière observation, à mon avis, les régimes concernant des détournements suscitent des préoccupations, et ils préoccupent peut-être aussi le Comité. Je parle des régimes de la Tunisie, de l'Égypte et de l'Ukraine, qui gèlent les avoirs de gens qui sont présumés avoir détourné des biens de l'État. Pourquoi ces cas sont-ils préoccupants? Eh bien, dans l'Union européenne — et j'ignore si c'est la même chose au Canada —, ce qui est à l'origine de ces listes, c'est le fait que les organismes dirigeants égyptiens et tunisiens de l'époque, après le Printemps arabe, ont demandé à l'Union européenne de geler les avoirs de ce qu'ils ont appelé eux-mêmes des ennemis de l'État qu'ils souhaitaient punir — c'est ainsi que cela avait été exprimé.
    L'Union européenne, sans prendre le temps d'analyser le fondement des éléments de preuve selon lesquels les gens inscrits sur ces listes avaient commis des infractions de corruption de différents types, a immédiatement imposé à ces personnes un gel des avoirs s'appliquant à l'ensemble de l'UE. Bien entendu, respecter les normes d'application régulière de la loi selon lesquelles ces gens sont souvent jugés par contumace — ou des enquêtes judiciaires ont été ouvertes et menées contre eux dans ces pays —, sans respecter les normes que le Canada ou le Royaume-Uni considéreraient certainement comme conformes à la primauté du droit, c'est, à mon avis, choquant. L'Union européenne s'est simplement fiée à ce qu'ont dit les procureurs de ces pays et a considéré que cela suffisait pour montrer que parce que ces gens faisaient l'objet d'une enquête pour corruption, cela suffit à justifier leur inscription sur des listes de sanction de l'UE. Bien qu'on les appelle des mesures de précaution provisoires, elles sont en place depuis un très grand nombre d'années. Cependant, je dois dire que la Cour européenne a confirmé la validité de ces mesures.
    Je pourrais parler de bien d'autres sujets. Par exemple, il y a bien sûr les conséquences possibles qu'aura le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne sur les régimes de sanction, mais je vais m'arrêter ici et je répondrai à vos questions.

  (1600)  

    Merci beaucoup, madame Lester. Je vous en suis très reconnaissant.
    Nous entendrons tout de suite l'exposé de M. Drezner, s'il est avec nous.
     Merci beaucoup de me donner l'occasion de témoigner. Je vais vous parler un petit peu de moi. J'enseigne la politique internationale à la Fletcher School of Law and Diplomacy, qui se trouve juste à côté de Boston. J'ai écrit un livre et plusieurs articles à propos de l'utilité des politiques économiques gouvernementales dans les affaires internationales. Une grande partie de ce que je vais dire aujourd'hui est tirée du rapport tout récemment publié que j'ai corédigé pour le Center for a New American Security, à Washington, et qui porte sur les changements qui ont été apportés dernièrement à la façon dont les États-Unis utilisent les sanctions économiques, ce dont je vais parler en espérant que ce sera peut-être pertinent pour votre Parlement.
    À certains égards, l'approche américaine à l'égard des sanctions économiques a connu une évolution intéressante. Quand j'ai entamé ma dissertation sur la question il y a 20 ans, l'idée voulant que les sanctions ne servent à rien était largement répandue dans les milieux politiques. Les sanctions économiques étaient habituellement considérées comme un outil symbolique inutile et une façon pour les États de faire quelque chose sans nécessairement accomplir quoi que ce soit. Vingt ans plus tard, ce qui est frappant, c'est la mesure dans laquelle le consensus politique à Washington est le contraire de ce qu'il était. On est de plus en plus enthousiaste par rapport au recours aux politiques économiques gouvernementales comme moyen de défendre les intérêts américains en matière de politique étrangère, ainsi que la cause des droits de la personne.
    La question est la suivante: que s'est-il passé pendant ces 20 années? Les décideurs s'étaient-ils tout simplement trompés les deux fois ou est-ce les États-Unis qui ont changé leur façon d'employer des sanctions? La réponse, c'est que les deux sont un petit peu vrai. Je dirais que les décideurs étaient excessivement pessimistes au moment d'évaluer l'utilité des sanctions à la fin des années 1990, et ils sont maintenant excessivement optimistes à cet égard pour diverses raisons.
    Cela dit, la façon d'employer les sanctions a changé. On peut soutenir que l'histoire des sanctions aux États-Unis se résume essentiellement à trois périodes. La première a pris fin vers 1990. Ensuite, les sanctions infligées à l'Irak après la guerre du Golfe s'appuyaient sur la notion de sanctions globales, selon laquelle les sanctions économiques doivent être infligées à l'ensemble d'un pays, doivent habituellement être d'ordre commercial et doivent être conçues de manière à maximiser la peine que doit purger un pays à défaut de satisfaire à ce qui est demandé.
    Il est vite devenu clair que cette façon de procéder ne fonctionnait pas terriblement bien compte tenu de son taux de réussite et, surtout, parce qu'elles avaient d'importants effets négatifs comme ceux qui ont été observés en Irak, à savoir des catastrophes pour l'humanité, l'augmentation de la corruption et ainsi de suite. Tout recours à des sanctions économiques représente essentiellement un effort pour interdire une activité commerciale qui serait autrement considérée comme ordinaire et tout à fait correcte. Les sanctions incitent donc les acteurs concernés à trouver des façons de contourner les règles associées aux sanctions dans le but d'encaisser des profits supérieurs à la moyenne. On crée ainsi un terreau fertile pour la corruption.
    Ce n'est pas un hasard si, lorsqu'on regarde la liste de pays aux prises avec la corruption selon les indicateurs de gouvernance, disons, de Transparency International ou de la Banque mondiale, les pays au bas de la liste, les plus corrompus, sont habituellement des pays auxquels des sanctions ont été infligées d'une manière ou d'une autre, car l'imposition de sanctions se traduit souvent par une corruption plus durable.
    Par conséquent, les États-Unis ont alors commencé à souscrire à l'idée des sanctions intelligentes, qui consistaient à mettre l'accent sur des aspects un peu plus ciblés du pays plutôt que d'essayer de nuire à la population dans son ensemble. L'idée était d'utiliser certains types de sanctions sectorielles, comme des sanctions visant les biens de luxe, les interdictions de voyager, les embargos sur les armes, différentes sanctions financières. Ces sanctions devaient vraisemblablement nuire à l'élite de la population du pays ciblé plutôt qu'à la population dans son ensemble, ce qui devait vraisemblablement faire du mal aux personnes les plus influentes du pays sur le plan politique.
    Par ailleurs, l'autre idée était essentiellement de commencer à imposer des sanctions à des particuliers plutôt qu'à des pays de façon générale, dans le but éventuel de tenir responsables des conséquences des transgressions politiques les décideurs ou les gens riches que l'on jugeait proches des responsables des politiques.
    Le problème était que la plupart de ces sanctions intelligentes ne fonctionnaient également pas très bien. En effet, le bilan des sanctions intelligentes infligées par l'ONU dans les années 1990 et 2000 montre que leur taux de réussite était peut-être de 11 %, ce qui est bien en deçà du taux de réussite des sanctions globales ordinaires. Les sanctions intelligentes ont atténué des souffrances humaines, mais elles ne semblent pas avoir changé grand-chose.

  (1605)  

    Les cas où des sanctions financières ciblées ont été infligées à un pays font figure d'exceptions. C'est en partie parce que l'incidence sur le secteur privé renforce d'une certaine façon l'effet des sanctions lorsqu'il s'agit de sanctions financières, contrairement à des sanctions commerciales.
    En général, quand on impose des sanctions commerciales, on encourage l'activité clandestine et la corruption. En revanche, dans la majorité des cas, quand on impose des sanctions financières, l'accès au marché financier américain est beaucoup plus important pour les banques concernées que les petits bénéfices qu'elles pourraient encaisser en les contournant, car le marché financier américain est essentiellement au coeur du système financier international. De plus, les investisseurs privés feraient preuve de prudence en évaluant la possibilité que des sanctions financières aient un effet sur l'économie ciblée — c'est ce qu'on appelle souvent l'atténuation des risques.
    La mesure dans laquelle les organismes de réglementation américains ont mis à l'amende — la somme atteint les milliards de dollars — des banques comme HSBC, Commerzbank ou BNP Paribas parce qu'elles avaient violé d'autres types de sanctions a fait en sorte que la majeure partie des milieux financiers occidentaux se conforment très rapidement aux décrets d'application de sanctions venant des États-Unis. En effet, en 2015, le recours aux sanctions ciblées était devenu un aspect relativement important de la stratégie en matière de sécurité nationale du président Obama.
    Dans la majorité des cas, il faut se poser la question suivante: ces sanctions fonctionnent-elles encore? Les faits donnent à penser que les sanctions financières ciblées ont à vrai dire un taux de réussite supérieur à celui des sanctions globales et des sanctions intelligentes qui les ont précédées. En général, le taux de réussite se situe autour de 40 %, ce qui peut paraître peu élevé, mais je répète qu'il s'agit de cas difficiles. Le fait même qu'elles fonctionnent est relativement impressionnant.
    Les sanctions ont tendance à mieux fonctionner lorsqu'elles sont accompagnées d'une demande bien définie — c'est une observation banale, mais quand même importante —, lorsqu'elles font du mal aux élites ciblées et, surtout, lorsqu'on s'attend moins à un conflit entre le pays qui les infligent et le pays qui y fait face. Autrement dit, l'imposition de sanctions à des alliés plutôt qu'à des adversaires a curieusement tendance à mieux fonctionner. Bien entendu, les pays hésitent évidemment davantage à sanctionner des alliés, ce qui explique pourquoi c'est plutôt rare.
    Cela dit, les sanctions ont encore des effets négatifs. On ne peut nier qu'elles tarissent les investissements dans l'économie ciblée. L'imposition de sanctions ciblées fait en sorte que le secteur privé évalue beaucoup plus étroitement le risque économique et politique. Or, il n'y pas grand-chose qui indique un effet de « ralliement autour du drapeau », ce qui revient à dire que les sanctions n'incitent pas nécessairement davantage les habitants du pays ciblé à soutenir leurs dirigeants.
    Il semble être logique que l'imposition de sanctions financières ciblées se traduise par une perception élevée de risque politique parmi les acteurs du secteur privé, ce qui mène ensuite au tarissement des investissements du secteur privé dans l'économie ciblée. La question est de savoir si nous avons atteint ou non le point culminant des sanctions, faute d'une meilleure expression. L'une des raisons qu'on peut faire valoir pour dire que certaines sanctions ont fonctionné, par exemple celles qui ont été infligées à l'Iran avant la conclusion de l'accord sur le nucléaire, c'est que les gens ne s'attendaient pas à ce qu'elles aient un tel effet à certains égards. Par conséquent, je dirais que l'imposition de sanctions s'est révélée être une véritable surprise politique non seulement pour l'économie ciblée, mais aussi pour les décideurs américains. Il est donc intéressant de se demander si, à l'avenir, nous verrons un nombre croissant de pays s'attendre à ce que cela fonctionne et, par conséquent, se protéger ou trouver d'autres moyens de se protéger contre le pouvoir financier des États-Unis. En effet, nous voyons même dans certains cas des pays comme la Russie essayer de trouver des solutions de rechange au système de paiement SWIFT et à la dépendance excessive au dollar américain dans les échanges internationaux.
    La question consiste à déterminer si le gouvernement des États-Unis en est conscient. Un discours que le secrétaire au Trésor, Jacob Lew, a prononcé le printemps dernier laisse croire que les autorités américaines en sont effectivement conscientes et qu'on craint essentiellement, alors que le pays devra continuellement recueillir d'une façon ou d'une autre des renseignements financiers pour pouvoir continuer d'imposer avec succès des sanctions ciblées, qu'il y ait trop de réactions virulentes, ce qui pourrait du même coup nuire à la dominance du système financier américain, si les États-Unis continuent volontiers dans cette voie.
    Je pense que je vais m'arrêter ici.

  (1610)  

    Merci beaucoup, monsieur Drezner. C'est très utile.
    Nous allons passer directement aux questions, en commençant par M. Allison.
    Merci beaucoup à nos deux témoins de nous avoir fait part des points de vue différents des États-Unis et de l'Union européenne.
    Monsieur Drezner, nous sommes en train de réviser notre Loi sur les mesures économiques spéciales et notre Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus. Nous essayons de voir si nous oublions quelque chose. Un certain nombre de témoins nous ont dit haut et fort que les sanctions ont des conséquences imprévues et que ce genre de choses pose parfois problème. Dans vos observations, vous l'avez tous les deux confirmé aujourd'hui en donnant encore une fois les chiffres.
    Je suppose, monsieur Drezner, que vous connaissez la loi Magnitsky, et c'est en partie la raison pour laquelle nous abordons la question aujourd'hui. Vous avez dit que les sanctions intelligentes sont plus efficaces. Nous essayons de déterminer si notre législation comporte une lacune qui pourrait faire en sorte que nous n'en tenons pas compte ou qu'une possibilité ne s'offre pas à nous. Avez-vous des commentaires à formuler au sujet de la loi Magnitsky? Dans votre exposé, vous avez sans aucun doute dit que les sanctions intelligentes ont un certain sens et que les sanctions ciblées sont sensées, qu'elles peuvent avoir un effet.
    Nous parlons de personnes aux comportements répréhensibles, qui portent très gravement atteinte aux droits de la personne, qui pillent l'argent de leur pays et ainsi de suite. L'argent se retrouve dans des démocraties occidentales où ils pourront ensuite se rendre et vivre lorsqu'ils auront fini d'escroquer leur propre pays.
    Nous entendons un certain nombre de choses. De toute évidence, pour prendre des mesures, il faut avoir les outils nécessaires. Il faut avoir le pouvoir nécessaire. Nous avons entendu que le Canada a peut-être besoin de ressources supplémentaires pour s'attaquer à certaines de ces choses.
    Nous avons également entendu parler des complications auprès des banques. Vous en avez également parlé dans votre témoignage, mais revenons à la loi Magnitsky. Les États-Unis en sont aux premières phases d'application de cette loi. Nous voyons certaines des réactions virulentes de la Russie, par exemple le refus de donner des bébés en adoption.
    Que pensez-vous de cette approche? Quelles sont certaines des choses sur lesquelles nous devons nous pencher alors que nous révisons notre propre législation?
    Une fois de plus, je pense que dans le cas de l'affaire Magnitski, la question a toujours été de déterminer ce qu'on veut obtenir au moyen des sanctions. Autrement dit, pensez-vous que les sanctions sont un moyen de punir des agissements antérieurs? C'est ce que la loi Magnitski a permis de faire d'une certaine façon.
    Il est entre autres difficile d'évaluer l'efficacité des sanctions parce qu'elles ont essentiellement été mises en oeuvre alors que les relations entre la Russie et les États-Unis se détériorent de plus en plus. Comme je l'ai dit, à certains égards, l'attente d'un conflit entre la Russie et les États-Unis... La loi Magnitski a tout simplement aggravé davantage le conflit entre les deux pays. Chaque fois que l'idée d'un conflit possible est renforcée, la probabilité que la cible fasse des concessions diminue, même s'il s'agit d'un particulier. Je dois dire que je ne décrirais pas la loi Magnitski comme un si grand succès pour ce qui est d'imposer des sanctions infligées à des fonctionnaires russes.
    Il y a toutefois une autre possibilité — même si elle tombe dans une catégorie extrêmement nébuleuse et que c'est extrêmement difficile à déterminer — qui consiste à voir les sanctions de la loi Magnitski comme un exemple de sanctions pouvant avoir un effet dissuasif, car l'imposition de ces sanctions ne change pas nécessairement le comportement proprement dit des personnes ciblées, mais elle pourrait amener d'autres responsables du même pays ou d'autres pays à prendre conscience des conséquences qu'ils subiraient en agissant de façon similaire. Cela peut mener à deux résultats différents. Les sanctions pourraient effectivement avoir un effet dissuasif ou elles pourraient encourager les personnes visées à prendre des contre-mesures pour faire en sorte que même si ce genre de sanctions est imposé, elles en souffriront dans une moindre mesure.
    Je ne saurais trop insister sur le fait que c'est extrêmement difficile à déterminer. En tant qu'universitaire, il est difficile pour moi d'affirmer que nous pouvons montrer hors de tout doute que c'est ce qui se produit. Il n'y a pas grand-chose qui indique que c'est le résultat d'une certaine catégorie de sanctions, à savoir qu'elles ont une incidence sur d'autres acteurs. Cela dit, compte tenu de mes échanges avec des représentants du département d'État, je sais qu'on a également observé, depuis l'imposition des sanctions, que les responsables russes essaient de trouver des moyens, bien entendu, de les contourner en confiant leur argent ou leurs avoirs à des proches ou à des amis, qui en font autant.
    C'est comme une course aux armements, mais on cherche plutôt à obtenir des renseignements financiers pour être en mesure, lorsqu'on impose des sanctions, de voir non seulement l'effet sur la cible, mais aussi ses relations qui se tiennent dans l'ombre.

  (1615)  

    Merci.
    Madame Lester, avez-vous des observations à faire à ce sujet? J'ai certainement porté attention lorsque vous avez mentionné à quel point il est difficile d'ajouter des noms à la liste puisqu'il faut obtenir le consentement de 28, maintenant 27 pays.
    Comme vous le savez probablement, l'Union européenne n'a pas établi de liste dans l'affaire Magnitski...
    En effet.
    … mais c’est très controversé, et les membres du Parlement européen ont à maintes reprises demandé à l’UE de le faire. Certains pays sont fermement convaincus qu’il devrait y avoir une liste. Il n’a pas été possible d’en arriver à une entente à ce sujet.
    Je pense que les graves violations des droits de la personne sont un bon exemple de raison pour justifier le recours à des sanctions ciblées. Je ne suis pas contre ce que M. Drezner vient de dire, mais quand les gens parlent de l’efficacité des sanctions ciblées, je me demande ce qu’ils veulent dire exactement. D'après moi, il est très rare qu’on précise ce que les sanctions ciblées sont censées accomplir et ce que les personnes visées par ces sanctions sont censées faire — les comportements qu’elles sont censées changer — si elles souhaitent ne plus faire l’objet de sanctions.
    Ce qu’on voit généralement, ce sont des formulations très générales comme: « Compte tenu de la situation au Zimbabwe… », ou « Compte tenu de la situation en Russie, nous imposons des sanctions ». Cependant, il n’y a jamais d’objectifs réalisables et clairs. Je me demande si c’est intentionnel. Il me semble qu’en pareilles circonstances, il est extrêmement difficile de dire si les sanctions ciblées ont fonctionné ou pas, parce que c’est impossible à mesurer.
    Bien entendu, cela dépend aussi de ceux qui imposent les sanctions et de la mesure dans laquelle cela dérange ou pas les cibles. Si l’Union européenne gèle vos actifs et vous empêche de voyager, mis à part les effets sur votre réputation ou les aspects symboliques de la chose, cela ne vous dérangera pas si vous ne détenez pas d’actifs dans l’Union européenne et que vous ne comptez pas vous y rendre. Il en va de même pour le Canada, naturellement.
    Je vous donne un dernier exemple. Le programme de l’UE visant la Russie n’a pas sur sa liste le président Poutine et ses très proches alliés. Cela démontre clairement que les sanctions ciblées, comme les autres, sont bien sûr hautement politiques. Très souvent, on reproche aux sanctions de véritablement cibler les gens d’affaires et la classe moyenne plutôt que les vrais décideurs qui sont réellement responsables de la politique.
    Très souvent, les personnes qu'on décide d'inscrire sur les listes ne s'y trouvent pas tant à cause de leur comportement qu'à cause de leur association à un régime ou de leur statut. Il y a une abondance d’études qui montrent que les effets de ces sanctions sont plutôt contre-productifs, parce que si vous rendez la vie plus difficile à ces personnes ou si vous les excluez sans le faire pour leurs dirigeants — les politiciens qui exercent en réalité le contrôle sur les politiques de ces entités —, comment pouvez-vous véritablement dire dans ce cas que les sanctions sont efficaces?
    Merci beaucoup, monsieur Allison.
    C’est au tour de M. Sidhu.
    Je vous remercie tous les deux de vos témoignages.
    Mme Lester a jeté un bon éclairage sur l’Union européenne, ce qui m’amène à poser cette question. Compte tenu de la complexité et de la portée des programmes de sanctions économiques de l’Union européenne, dans quelle mesure est-il difficile ou lourd pour le secteur privé de se conformer à la réglementation?
    Si vous répondez par l’affirmative, le secteur privé a-t-il accès à suffisamment d’information, de renseignements clairs et d’orientation?

  (1620)  

    Si j’ai bien compris votre question, oui, il est extrêmement lourd pour le secteur privé de se conformer aux sanctions. L’industrie de la conformité est incroyable, et les principaux processus d’application des sanctions — dans l’UE, à coup sûr — viennent de la conformité plutôt que des organismes d’application.
    Est-ce qu’il y a une orientation claire? Non. D’après moi, l’UE n’a pas réussi, encore moins que l’OFAC aux États-Unis — le Bureau de contrôle des avoirs étrangers —, à publier des lignes directrices sur la signification des sanctions et sur la façon de les imposer. Bien entendu, vous pourriez dire qu’il n’y a pas de problème, parce que c’est intentionnel. De cette manière, les institutions vont en faire plus pour se conformer afin de faire la bonne chose, mais je pense que bien des gens en affaires — des gens d'affaires tout à fait innocents, en ce sens qu'ils ne devraient pas faire l’objet de sanctions — finissent par devoir faire des pirouettes pour réussir à déterminer comment mener leurs affaires dans la légalité. On peut dire que c’est un facteur externe énorme qui fait maintenant partie du système.
    Je pense qu’on peut dire que cela ne relève pas du problème des sanctions ciblées, bien que cela en fasse partie dans une certaine mesure. Comment pouvez-vous faire des affaires sans mettre des fonds à la disposition d’une personne ciblée? Je pense que les problèmes que vous avez soulevés sont bien plus liés aux volets des régimes de sanctions qui sont moins ciblés.
    Est-ce qu’on peut faire mieux concernant l’aide que les organismes de réglementation de l’Union européenne ne fournissent pas? Serait-ce bon pour le secteur privé, dans le cadre du processus de conformité?
    Je pense que le secteur privé répondrait haut et fort par l’affirmative à cette question. Ils seraient ravis d’avoir plus de lignes directrices, et plus de clarté.
    À l’UE, cependant, je pense qu’on dirait que c’est difficile, avec 28 États membres, d’adopter de telles mesures pour commencer, et encore plus de donner des lignes directrices expliquant la signification des sanctions et la façon dont elles seront appliquées, notamment parce que, bien entendu, les règles sont établies par l’Union européenne, mais l’application se fait au niveau des États membres. C’est l’autorité nationale de chaque État membre qui doit décider des pénalités à imposer en cas de violation des sanctions ainsi que de la façon de les appliquer.
    Le Trésor du Royaume-Uni fournit des lignes de conduite dans une certaine mesure, mais encore là, je pense que le secteur privé dirait que ce qui compte, c’est la clarté, et l’orientation fournie n’est tout simplement pas suffisante.
    Monsieur Drezner, avez-vous un point de vue différent de celui que Mme Lester vient d’exprimer?
    Non. Je suis plutôt d’accord avec Mme Lester sur la frustration du secteur privé en Europe concernant la façon dont les sanctions sont imposées par l’UE, par rapport à la façon dont l’OFAC gère les sanctions des États-Unis. En fait, je disais que l’OFAC et le Trésor aux États-Unis expriment occasionnellement les mêmes frustrations au sujet de la façon dont les dirigeants de l’Union européenne imposent des sanctions. Le problème est partiellement lié à la question de savoir si vous traitez avec l’UE comme un tout ou avec l'UE comme étant formée de 28 États membres.
    En ce qui concerne les États-Unis et la conformité aux sanctions imposées par les États-Unis, je pense qu’il y a des frustrations dans le secteur privé en raison de la mesure dans laquelle l’OFAC va occasionnellement forcer les entreprises à faire des choses, notamment en leur disant « connaissez vos clients », et ainsi de suite. Cela étant dit, l’OFAC est une institution qui existe depuis plus longtemps et qui entretient depuis plus longtemps des rapports institutionnels avec les banques aux États-Unis. De ce fait, je pense qu’on a probablement atténué une bonne partie des difficultés du processus aux États-Unis.
    Merci.
    Merci, monsieur Sidhu.
    Pendant la minute qu’il restait à M. Sidhu, je veux poser à Mme Lester une question sur les sanctions financières ciblées, ou sur les interdictions de voyage, ou sur les volets des sanctions qui sont liées à des violations flagrantes des droits de la personne. Comment recueillerions-nous des preuves en vue d’adopter des mesures législatives comme cela, que ce soit dans l’UE, au Royaume-Uni ou au Canada? D’un point de vue juridique, comment ferions-nous cela?
    À l'instar du Royaume-Uni, des États-Unis et d’autres pays, le Canada possède des agences qui sont très habituées à recueillir des preuves dans un contexte intérieur. Ce sont aussi bien des organismes d’application de la loi que des organismes de droit pénal qui ont d’excellents pouvoirs d’enquête leur permettant précisément de recueillir des preuves contre des personnes soupçonnées d'avoir commis des inconduites réglementaires, criminelles ou autres. Au Royaume-Uni, il y a certainement une pensée commune entre les divers organismes existants sur la question de savoir à qui incombent les responsabilités de collecte de preuves et d’application de la loi, quand il est question de sanctions et de violations.
    De toute évidence, je ne peux pas parler des détails relatifs à ceux qui feraient le travail au Canada. Je sais qu’au Royaume-Uni, le Foreign Office s’efforce activement, en ce moment, de déterminer la façon de resserrer la cueillette de preuves de sources ouvertes à laquelle il doit s’adonner.
    Bien entendu, on présume qu’il faudrait une sorte d’interaction avec les partenaires et collègues de l’étranger. Je pense que Kimberly Prost serait une excellente personne à entendre sur la diffusion des données entre diverses nations, quand il est question d’imposition de sanctions et de communication de renseignements.

  (1625)  

    Je crois comprendre que l’Organisation des Nations unies a un groupe d’experts qui est chargé de se pencher sur les sanctions. Est-ce que l’UE a le même processus?
    Nous ne sommes pas au courant de l’existence d’un groupe d’experts au Canada. Nous savons qu’il y en a un à l’Organisation des Nations unies. Quand l'ONU préconise de telles sanctions et qu'elle les adopte, elle confie à un groupe d’experts la responsabilité de les examiner.
    Est-ce que votre régime comporte quelque chose de semblable?
    À ma connaissance, non. L’ONU n’a pas qu’un groupe d’experts; elle a un groupe d’experts distinct pour chaque régime de sanctions différent, et chaque groupe est composé de personnes qui savent très exactement ce qui se passe dans le pays en question et qui connaissent les vrais responsables, par opposition à ceux qu’on vous dit responsables, et ainsi de suite.
    Un des problèmes de l’Union européenne, c’est que ses procédures ne sont pas très transparentes, en matière de sanctions, de sorte qu’on ne nous dit jamais qui fait cela. Je présume que le conseil des ministres, qui a la responsabilité d’imposer les sanctions, n’a pas de groupe d’experts distinct chargé d’aller chercher des preuves pour chacun des régimes de sanctions. Je crois qu’ils comptent sur les capacités de collecte de preuves intérieures de chaque État membre, et que chaque État membre présente ensuite à l’UE une liste de personnes accompagnée des raisons pour lesquelles ils proposent que ces personnes fassent l’objet de sanctions. Au niveau de l’UE comme telle, il n’y a rien d’équivalent au groupe d’experts.
    Je vous remercie beaucoup.

[Français]

    Monsieur Aubin, vous avez la parole.
     Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame Lester. Bonjour, monsieur Drezner. Merci d'avoir accepté de nous éclairer aujourd'hui sur ce sujet fort important qui concerne les sanctions économiques.
    Après avoir entendu, depuis le début de cette étude, un certain nombre de témoins nous parler de la portée toute relative des sanctions économiques, je suis porté à inverser le processus et à vous demander si vous avez une grille d'analyse, dans l'Union européenne ou aux États-Unis, qui permettrait d'évaluer les incidences des régimes de sanctions sur les pays émetteurs, et non sur les pays visés.
    On pourrait commencer par Mme Lester.

[Traduction]

    En ce qui me concerne [Note de la rédaction: difficultés techniques], je n’ai pas cela. Malheureusement, je ne suis qu’une avocate plaidante. Je suis très à l’écoute des questions individuelles des clients, mais je n’étudie pas et ne prétends pas étudier les sanctions imposées par diverses organisations dans l’ensemble. Je m’y conforme. J’ai un blogue qui s’appelle europeansanctions.com, dans lequel j’essaie personnellement de suivre la création de sanctions à l’échelle mondiale.
    En fait, s’il est une chose que je préciserais, c’est que je pratique aussi dans le domaine des règles antitrust, et il existe des réseaux très bien établis d’organismes internationaux qui se transmettent de l’information. Je crois qu’il manque une interaction similaire concernant les sanctions, mais je soupçonne que M. Drezner en saura plus sur les matrices servant à mesurer les sanctions.
    Avant de terminer, je voudrais simplement vous dire que vous pouvez m’interroger sur la façon dont l’Union européenne impose ses sanctions, mais les personnes auxquelles vous devriez vraiment poser les questions sont les représentants de l’Union européenne et, peut-être, les représentants du Foreign and Commonwealth Office du Royaume-Uni. Vous apprendriez directement de la source la façon dont ils recueillent les preuves, et vous sauriez s’ils estiment que c’est un bon système ou pas. Nous pouvons faire le suivi, après cela. Si vous pensez que cela vous aiderait, je serai ravie de vous donner les noms des personnes dont les témoignages, d’après moi, vous seraient utiles. Comme je l’ai dit, je suis en pratique privée, et je peux donner mes opinions personnelles, mais je ne prétends pas intervenir directement dans le système.

  (1630)  

[Français]

    Merci.
    Qu'en est-il de vous, monsieur Drezner?
    Merci beaucoup de votre question.

[Traduction]

    Je veux être sûr de bien comprendre. Est-ce que vous me demandez s’il y a ou non suffisamment de données pour déterminer la mesure dans laquelle les divers pays qui imposent des sanctions en ressentent les effets, ou est-ce que vous voulez plutôt savoir comment les différents pays conçoivent des critères visant la façon de soumettre des personnes en particulier à des sanctions?

[Français]

    En fait, ma question ne portait pas sur l'efficacité des mesures face aux pays auxquels nous souhaitons les appliquer. Je cherche plutôt à savoir si les sanctions économiques ont également des incidences sur le pays émetteur.
    D'accord.

[Traduction]

    D’accord. Je comprends.
    La question des coûts que subit le pays qui impose des sanctions est complexe. Beaucoup moins d’études ont été réalisées sur les coûts des sanctions pour le pays qui les impose. Les quelques études que j’ai vues à ce sujet ne sont pas très bonnes, franchement, surtout parce qu’elles ont tendance à mesurer les effets sur le commerce. Elles ne tiennent habituellement pas compte de la notion voulant, par exemple, que si les États-Unis soumettent la Russie à des sanctions, ce qui mène à une baisse du commerce entre les États-Unis et de la Russie, il est possible que les États-Unis compensent cela en faisant davantage de commerce avec l’Ukraine, le Bélarus ou un autre pays du genre.
    Je dirais, en fait, qu’il existe une bonne quantité de données qu’on peut essayer d’utiliser pour étudier les effets systémiques des sanctions sur le pays qui les impose, mais qu’on a mené peu de recherche à ce sujet. C’est peut-être partiellement à cause du nombre effarant de sanctions auxquelles les grandes économies comme l’Union européenne ou les États-Unis soumettent des économies relativement petites. Par conséquent, les effets sur le pays qui impose les sanctions sont généralement négligeables.
    Cela dit, si vous parlez d’un cas comme celui de la Russie, je pense qu’il conviendrait de parler de certains des effets d’équilibre général de ces sanctions. Aux États-Unis, le Government Accountability Office, je pense, a essayé de faire quelques études sur l’effet des sanctions sur l’économie russe, mais je ne sais pas si des études ont porté sur l’effet des sanctions sur l’économie des États-Unis.

[Français]

     Merci.
    Ma deuxième question s'adresse à vous, madame Lester. Elle sera probablement plus dans votre champ de compétence.
    Une fois qu'une personne ou une entité est inscrite sur une liste de sanction, quelles sont les étapes, par exemple à l'Union européenne, pour que cette personne ou cette entité puisse être retirée de la liste, si tant est qu'il y ait lieu de le faire à cause d'une erreur sur la personne ou parce que la situation a évolué? Comment fait-on pour qu'un nom soit retiré d'une de ces listes?

[Traduction]

    Pour l’Union européenne, vous devez écrire au Conseil européen et faire des observations expliquant pourquoi vous pensez que vous ne devriez pas être sur la liste. Comme je l’ai dit dans mon exposé, selon mon expérience, la réponse est très frustrante parce qu’elle est très lente et qu’elle ne va normalement pas porter sur la substance de vos observations. C’est une lacune, d’après moi, et c’est la raison pour laquelle il y a tant de cas en instance. Vous n’avez que deux mois pour contester la légalité de votre désignation devant la Cour européenne.
    Ce qui se produit habituellement, c’est que la personne écrit au Conseil européen. Elle ne reçoit aucune réponse et doit alors faire une demande de contrôle judiciaire à la Cour européenne. C’est à ce moment-là qu’elle verra la preuve à l’appui de sa désignation. Elle doit passer par de longues procédures judiciaires, y compris des appels, pour peut-être risquer de figurer de nouveau sur la liste. Je pense donc que la réponse à votre question, c’est que le processus est très insatisfaisant.
    Aux États-Unis, le processus administratif de retrait de la liste de l’OFAC est plus efficace, en ce sens qu’il y a un véritable processus administratif qui ne consiste pas à s’adresser aux tribunaux. Cependant, d’après moi, quiconque doit traiter avec l’OFAC pour faire retirer son nom de la liste dira que c’est extrêmement difficile à obtenir, à moins que vous puissiez dire que les choses ont changé depuis la désignation initiale. Vous pourriez réussir à obtenir le retrait de votre nom par des procédures administratives. Les tribunaux américains respectent beaucoup plus l’OFAC, par comparaison avec les cours européennes, parce que la norme relative à l’annulation d’une décision de l’OFAC est extrêmement rigoureuse.
    Enfin, à l’Organisation des Nations unies, le seul processus de retrait de la liste est appelé le « point focal ». Ce qui n’est pas d’après moi une façon très efficace de traiter les demandes de retrait, et le processus exige le soutien de votre propre pays, lequel soutien est rarement accordé. La seule liste de l’ONU qui s’accompagne d’une procédure régulière convenable est, à mon avis, la liste visant Al-Qaïda et l’EIIL, parce qu’elle comporte le recours à un ombudsman qui garantit l’application régulière de la loi. On examine toute la preuve ayant servi à étoffer la désignation et on fait une recommandation au Conseil de sécurité à savoir s’il faut retirer un nom de la liste. Cependant, le processus fondé sur un ombudsman n’existe que pour une des nombreuses listes dressées par l’ONU dans le cadre de sanctions.

  (1635)  

    Merci beaucoup, madame Lester et monsieur Aubin.
    M. Saini est le dernier membre du Comité à poser des questions aux témoins de cet après-midi.
    Je vous remercie tous les deux.
    Monsieur Drezner, vous avez rédigé de nombreux articles sur les sanctions globales et ciblées. L'un des inconvénients des sections globales, d'après vous, sont les occasions de recherche de rente que les gouvernements créent pour certains de leurs partisans. Sur les sanctions ciblées, je crois que vous avez dit qu'elles donnent des résultats 40 % du temps. Au cours des trois dernières décennies, 80 % des sanctions ont visé des pays non démocratiques. La plupart des particuliers visés par des sanctions se trouvent dans un pays non démocratique qui les appuie pour les soustraire d'une certaine manière aux effets des sanctions. Je me demande s'il existe une façon de rendre notre régime de sanctions plus efficace.
    Par-dessus le marché, vous avez dit que, après le cas de l'Irak, le régime des sanctions ciblées a donné de meilleurs résultats quand les Américains y ont adhéré, en raison de l'accès financier au capital. Si le Canada inscrit quelqu'un sur une liste, mais non les États-Unis ni l'Union européenne, quelle est l'efficacité de cette mesure?
    Je vais d'abord répondre à votre deuxième question. Si le Canada devait sanctionner un acteur sans l'appui des États-Unis ou de l'Union européenne, le résultat serait assez insignifiant. Manifestement, cette personne, on peut le croire, continuerait de pouvoir faire des affaires dans la plupart des grands centres financiers du monde. La sanction ne modifierait pas nécessairement tant que ça son comportement.
    En ce qui concerne les sanctions dirigées contre des particuliers vivant dans des pays autoritaires, vous avez raison, la plupart des pays visés étaient autoritaires ou totalitaires. Vous avez aussi raison de penser que la plupart des personnes ciblées bénéficieraient vraisemblablement de l'appui de l'État. En fait, c'est habituellement le but recherché. Le but de beaucoup de ces sanctions est, dans certains cas, de prévenir la corruption ou la responsabilité criminelle, mais, dans d'autres, c'est de faire pression sur les éminences grises d'un gouvernement autoritaire parfois assez opaque par rapport à une démocratie transparente.
    Cela étant dit, je devrais aussi signaler que l'un des inconvénients amplement prouvés, même des sanctions ciblées des dernières décennies, est que l'État autoritaire accentue notamment la répression, c'est-à-dire qu'il devient encore plus autoritaire en réaction à la coercition économique de l'extérieur. Ça ne signifie pas nécessairement que, hélas, vous pourriez espérer un changement de régime ou que, après l'application des sanctions, la répression se relâcherait, mais c'est assurément une importante externalité négative à prendre en considération.
    Merci.
    Madame Lester, j'ai une petite question pour vous. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé du système d'ombudsman des Nations unies. Un autre système existe aux États-Unis. L'examen juridique et stratégique au niveau de l'exécutif fait partie du processus gouvernemental. La personne qu'on se propose d'inscrire sur la liste des sanctions peut, avant son inscription, communiquer des renseignements au gouvernement pour prouver son innocence. Le processus de l'ombudsman s'enclenche quand quelqu'un figure sur une liste. Vous parlez de désinscription, processus difficile, à ce qu'il me semble, dans le cas des Nations unies, contrairement au système américain où on essaie, après la désignation d'une personne, de lui accorder la chance de se disculper.
    D'après vous, comment le système fonctionne-t-il? Vous l'avez vu à l'oeuvre aux Nations unies. Si nous devons envisager une forme d'examen judiciaire au Canada, comment, d'après vous, pourrions-nous instituer un régime qui permettrait d'éviter tout ce processus pour, en fin de compte, désinscrire quelqu'un, par opposition à l'obtention préalable des preuves nécessaires?
    Je pense que l'obtention préalable des preuves fait craindre le risque de dilapidation des biens à la plupart des autorités qui imposent les sanctions. Voilà pourquoi elles ne peuvent pas laisser savoir d'avance à la personne visée qu'elle fera l'objet de sanctions. En fait, l'effet de surprise doit empêcher la personne de transférer des fonds à l'extérieur de l'Union européenne ou du Canada, selon le cas. À ce que je sache, aucun système ne prévoit l'application régulière de la loi, si vous voulez, préalablement à l'inscription sur une liste de sanctions.
    D'après moi, les deux principaux facteurs sont que, le plus rapidement possible, après l'inscription, l'intéressé devrait en être averti ainsi que des motifs de son inscription et il devrait pouvoir réellement savoir, de la part d'un décideur réceptif, rapide et efficace, ce qu'on lui reproche et pouvoir contester cette décision. Je ne souscris pas nécessairement à l'opinion que ça doive se faire dans un tribunal assurant un examen judiciaire complet. Un protecteur du citoyen, par exemple, peut être très efficace, tant qu'il permet un véritable examen de la preuve conformément à une norme d'examen transparente, cohérente et appropriée. L'important, pour la personne visée, est d'avoir le sentiment que quelqu'un a bien examiné en détail les preuves qui ont servi à son inscription, qu'il a entendu ses arguments, qu'il a expliqué s'il était d'accord ou pas et qu'ensuite il a pu recommander ou pas la désinscription.
    Le système que je concevrais serait un système administratif capable de réagir et comportant la possibilité de demander un examen judiciaire, mais qui ne prendrait pas comme en Europe, deux ou trois ans. J'espère qu'il emploierait une procédure judiciaire rapide. Au Royaume-Uni, où nous disposons de l'examen judiciaire interne, comme vous, au Canada, nous pouvons organiser assez rapidement une audience, particulièrement en situation d'urgence, et le processus n'a pas besoin de s'étirer sur des années.
    Pour moi, deux éléments sont essentiels: l'examen administratif et l'examen judiciaire fondés sur une sorte de norme appropriée de preuves.

  (1640)  

    Permettez-moi de comprendre, parce que vous parlez du moment où on institue les sanctions. Si quelqu'un a été désigné, proposez-vous d'appliquer les sanctions sans délai, le blocage de ses avoirs et l'interdiction de ses déplacements, après quoi, a lieu l'examen judiciaire?
    Je sais qu'aucun système ne procède de cette façon parce que je pense qu'on dirait, bien sûr, que pour certains types de décisions entraînant des sanctions, le seul processus équitable est de prévenir la personne visée de l'imposition prochaine d'une sanction et d'agir d'avance. Il est sûr que, dans le système européen, et je serais étonnée que les systèmes canadien, américain et celui des Nations unies ne le permettent pas, l'application régulière de la loi doit suivre en donnant à la personne visée la possibilité de se faire rapidement désinscrire si c'est le résultat juste. Sinon, si demain quelqu'un prévient la personne visée que ses actifs seront gelés dans une semaine, pourquoi la personne, si elle doit vraiment être sanctionnée, ne transférerait-elle pas ses actifs à l'étranger? Je pense qu'il est très difficile d'assurer l'application régulière de la loi d'avance, mais je pense que la clé réside dans un processus rapide et efficace, appliquant régulièrement la loi le plus tôt possible après l'imposition des sanctions.
    Merci beaucoup, monsieur Saini.
    Madame Lester, monsieur Drezner, je vous remercie de votre témoignage et aussi de votre patience, au début de la séance, alors que nous étions en retard. Je vous en suis très reconnaissant. Je pense que votre témoignage nous aide beaucoup à mieux nous représenter les différentes structures juridictionnelles en place dans l'Union européenne, au Royaume-Uni et, bien sûr, aux États-Unis, les principaux pays que nous étudions pour mieux les comparer aux nôtres.
    Si vous possédez des renseignements ou connaissez des rapports qui, d'après vous, pourraient nous être utiles, n'hésitez pas à nous les communiquer. Nous les distribuerons aux membres du Comité.
    Je vous remercie de votre demande. Si des sujets particuliers intéressent le Comité, je serai ravie de vous communiquer des notes écrites et je me mets dès maintenant à la tâche de trouver des documents qui vous seraient utiles. Mais n'hésitez pas vous non plus à me demander des éléments particuliers d'information.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Chers collègues, après une pause de deux minutes, nous serons en contact avec M. Halvorssen, le président et chef de la direction de la Human Rights Foundation qui, je pense, nous parlera depuis Londres.

  (1640)  


  (1645)  

    Reprenons. M. Thor Halvorssen serait en contact avec nous.
    M. Halvorssen est le président et chef de la direction de la Human Rights Foundation. Il nous fera un exposé. Ensuite, nous l'interrogerons. Nous disposons de 45 à 50 bonnes minutes. Nous avons donc amplement de temps pour l'exposé et les discussions avec lui.
    Sur ce, monsieur Halvorssen, je vous cède la parole pour votre exposé. Je pense qu'on vous a informé de notre manière de faire et de ce dont nous cherchons à discuter avec vous.
    Je vous suis reconnaissant de l'occasion que vous m'offrez de vous communiquer un peu de mes connaissances sur la question de la corruption et, particulièrement, sur ce que fait votre comité.
    Je voudrais souligner une caractéristique de l'État autoritaire moderne. Que son chef soit un autocrate élu, comme Nicolás Maduro, au Venezuela, Vladimir Poutine, en Russie, ou qu'il soit un dictateur comme Teodoro Obiang, en Guinée-Équatoriale, ou Noursoultane Nazarbayev, au Kazakhstan, c'est presque un cleptocrate pathologique. Pour atteindre ses objectifs d'accumulation de richesses par des moyens illégaux, il puise dans d'importantes ressources naturelles importantes, qui vont des mines d'or aux mines de diamant en passant par les gisements de pétrole et de gaz, de vastes forêts et même l'eau pour obtenir les fonds qu'il veut dissimuler à l'étranger. Fait important aussi, les cleptocrates se fient à des acolytes, dans leur pays ou à l'étranger, qui sont en excellents termes, dans le pays et par l'entremise de coentreprises à la dérive, avec des entreprises de l'Ouest, et ils sont prêts à prélever une part importante du gâteau en échange de leur complicité silencieuse et de leur rôle d'entremetteurs. Les mandataires et les copains des dirigeants corrompus sont habituellement libres d'aller dans l'Ouest, de posséder des demeures et des appartements luxueux, d'ouvrir des comptes bancaires, d'investir dans le marché boursier et de faire des investissements importants ailleurs.
    Je ferai deux observations générales, puis je fournirai un exemple important, actuel et qui continue d'évoluer. D'abord, votre système actuel de sanctions ne possède pas les pouvoirs qui permettraient de punir les fonctionnaires corrompus, lesquels sont aussi des violateurs des droits de la personne ni punir leurs copains, qui sont aussi des complices de premier plan dans les dictatures. Ensuite, l'adoption d'une version canadienne de la loi Magnitsky américaine serait un pas dans la bonne direction.
    Pour revenir à la première observation, si nous envisageons le mode opératoire du dictateur moderne, les sanctions prévues dans la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus arrivent trop tard: quand la dictature corrompue est déjà privée du pouvoir et que le nouveau gouvernement démocratique ou autoritaire demande au Canada de rechercher les actifs du groupe le plus récent de bandits, comme en Tunisie ou en Ukraine. Cette loi, en raison de son libellé, peut même servir d'outil politique à certains fonctionnaires corrompus pour régler leurs problèmes avec un autre groupe du même type de fonctionnaires qui l'a précédé. De plus, elle exige, pour enclencher le processus, l'intervention d'un acteur de l'État étranger.
    À moins de situations exceptionnelles où les Nations unies, par l'entremise de la Loi sur les Nations Unies, ou le gouvernement canadien détermine qu'il existe une menace grave pour la paix et la sécurité internationales, les sanctions canadiennes sont impuissantes contre les copains corrompus et les individus qui servent de complices aux fonctionnaires corrompus qui sont aussi des dictateurs. Les uns et les autres peuvent blanchir leur argent au Canada. Les discussions sur un projet de loi inspiré par la loi Magnitsky ont essentiellement bloqué après le dépôt de ce projet de loi en 2015. Dans la mesure où il viserait des fonctionnaires particuliers et leurs copains en relation étroite avec des violations graves des droits de la personne par le régime en question, je crois que ce serait un premier et excellent pas dans la bonne direction. Dans ce cas, le Canada devrait tenir compte de l'avis de l'ex-député et champion des droits de la personne Irwin Cotler.
    En ce qui concerne les lacunes de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, permettez-moi de donner un exemple. Un groupe d'hommes d'affaires vénézuéliens a formé une association criminelle connue sous le nom de Derwick Associates. Les têtes de cette entreprise sont dans la vingtaine et la trentaine et n'avaient aucune expérience des marchés publics. Pourtant, en moins d'un an, le gouvernement du Venezuela leur a accordé 12 contrats de construction et d'acquisition pour des centrales. Les hommes d'affaires, des Vénézuéliens qui possèdent aussi la citoyenneté de pays comme l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne, ont sous-traité tous les travaux à une entreprise de deuxième ordre des États-Unis. Derwick Associates a ensuite surfacturé le gouvernement vénézuélien pour près de 2 milliards de dollars et a organisé une fraude axée sur le taux de change. Le total des montants volés par ces bandits dépasse les 4 milliards de dollars canadiens. Si on tient compte de l'importance d'autres scandales très médiatisés qui ont eu lieu dans le monde entier, y compris celui de la FIFA, ce scandale est plusieurs fois plus important.

  (1650)  

    Ils ont versé des pots-de-vin à des fonctionnaires vénézuéliens du plus haut niveau, puis ils se sont mis à blanchir leur argent. Ils l'ont fait en partie grâce à des banques américaines et aussi à la Banque royale du Canada. Puis ils ont investi des centaines de millions de dollars de leurs gains mal acquis dans de nombreuses entreprises, notamment deux sociétés pétrolières. L'une d'elles est basée au Texas et s'appelle Harvest Natural Resources. Ils ont aussi acheté 20 % d'une société canadienne cotée qui porte le nom de Pacific Rubiales Energy. À propos, grâce au propriétaire de cette société basée à Toronto, ils ont bloqué l'acquisition de cette compagnie par un groupe d'affaires mexicain. Après cette manoeuvre, la valeur des actions de Pacific Rubiales a plongé vers des creux historiques, au détriment des actionnaires qui ont perdu des centaines de millions de dollars.
    Au Canada, ils ne sévissent pas sous le nom de Derwick Associates, mais sous celui de groupe O'Hara. Ces individus se nomment Leopoldo Alejandro Betancourt, Pédro José Trébbau, Francisco Convit, Orlando Alvarado et Francisco D'Agostino Casado. Le dernier nommé est le beau-frère du président de la législature vénézuélienne. Je connais très bien leurs méfaits, étant l'un des deux demandeurs qui ont intenté un procès contre eux, et nous incluons dans notre plainte vérifiée des allégations détaillées de corruption, de pot-de-vin, de blanchiment d'argent et des activités criminelles sous-jacentes qui révèlent qu'ils s'engagent dans le racket.
    Tout acte de corruption commis sous l'égide d'un gouvernement autoritaire donne nécessairement du pouvoir à ce gouvernement et lui permet de continuer à violer impunément les droits de la personne. Il consacre son pouvoir. Derwick Associates, pour vous donner un exemple éloquent qui intéresse le Canada, a mené des campagnes de salissage contre des lanceurs d'alerte de quatre pays et ils ont corrompu les systèmes financiers de l'Espagne, de l'Andorre, des États-Unis et du Canada.
    Les gouvernements autoritaires seraient démunis s'ils ne pouvaient pas compter sur des hommes de main disposés à mettre en état d'arrestation, à torturer et à exécuter arbitrairement des innocents, mais, ce qui est également important, ils ont besoin de complices disposés à blanchir l'argent sale et à leur payer des pots-de-vin. Les gouvernements ciblent souvent des individus qui choisissent de devenir des exécuteurs de la brutalité, de l'injustice et de l'oppression; cependant, les complices de la corruption, les copains vraiment corrompus comme eux, ils ont été en grande partie épargnés par les sanctions.
    Les sanctions canadiennes sous le régime de la Loi sur les mesures économiques spéciales et, aussi, de la Loi sur le blocage des biens de dirigeants étrangers corrompus gagneraient à être renforcées pour ne pas seulement viser les copains corrompus de Tunisie, d'Ukraine, de Russie, de Birmanie, de Corée du Nord, d'Iran, de Libye, du Soudan du Sud, de Syrie et du Zimbabwe, mais aussi ceux du gouvernement de Nicolás Maduro et de beaucoup d'autres gouvernements de la planète. De simples sanctions ciblées, comme le refus d'accorder des visas ou le blocage des avoirs, comme ce dont vous discutez aujourd'hui, sont susceptibles de modifier les mentalités des financiers complices des régimes autoritaires et de les amener à abandonner les structures politiques oppressives qu'ils soutiennent.
    Merci.

  (1655)  

    Merci beaucoup, monsieur Halvorssen.
    Passons directement aux questions. Je crois que M. Kent ouvrira le bal.
    Merci, monsieur Halvorssen, de votre témoignage clair et concis, et d'avoir ajouté, d'une manière très franche, cette nouvelle dimension vénézuélienne à notre étude, ainsi que les liens que vous suggérez entre des institutions financières canadiennes et des entreprises privées.
    Dans le cadre des témoignages, on nous a dit que les États-Unis représentent l'apogée, ou la norme d'excellence, en matière d'application de la loi à toutes les étapes en vue de déterminer les cibles, de détecter les mouvements de transactions financières et de passer à l'action. On nous a également dit que le Canada présente des lacunes importantes en ce qui concerne l'application de la loi en raison des nombreux ministères et organismes gouvernementaux responsables de la détection et de l'application de la loi. Les entreprises du secteur privé doivent aussi faire face à un important fardeau financier lorsqu'elles tentent de se conformer aux règlements en matière de sanctions.
    J'aimerais savoir si, selon votre expertise et votre expérience, vous êtes d'avis qu'un seul organisme de réglementation, par exemple le Bureau du contrôle des avoirs étrangers du département du Trésor des États-Unis, représente un moyen plus efficace d'appliquer des sanctions et de les faire respecter, mais également le fait d'effectuer les investissements financiers nécessaires pour mettre sur pied un régime de sanctions efficace.
    Il n'est pas surprenant qu'une partie du scepticisme manifesté par des gens qui travaillent dans le domaine des droits de la personne relativement aux lacunes liées à l'application de la loi au Canada est en grande partie attribuable au fait que de nombreuses entreprises du secteur des ressources naturelles sont basées au Canada, surtout des sociétés d'exploitation aurifère et des sociétés qui exploitent des ressources naturelles dans certains des pires endroits au monde. Par pires endroits au monde, je parle non seulement de la piètre qualité de vie qui est attribuable en grande partie au type de gouvernement au pouvoir, mais également des conditions que ces gouvernements imposent à leur peuple. Il n'est pas surprenant qu'un si grand nombre de sociétés d'exploitation aurifère basées au Canada se livrent à des activités de corruption directe ou à un autre type de corruption. Permettez-moi tout d'abord de le préciser.
    Lorsqu'il s'agit des sanctions, je ne suis certainement pas un partisan du gouvernement américain, car ce pays est souvent extrêmement lent dans ce domaine et il commence à appliquer des sanctions lorsque les personnes visées ne sont plus au pouvoir ou sont sur le point de perdre le pouvoir. Toutefois, c'est mieux que les mesures actuelles du Canada et certainement mieux que les mesures prévues par l'Union européenne. Le Bureau du contrôle des avoirs étrangers peut agir assez efficacement, mais cet organisme a déjà beaucoup d'expérience, et ce n'est certainement pas le seul organisme de réglementation. Le Bureau du contrôle des avoirs étrangers s'occupe, par exemple, des gens qui ne respectent pas les sanctions visant Cuba ou l'Iran, mais en ce qui concerne le gel des avoirs ou la chasse aux coupables, je crois qu'il est préférable d'adopter une approche plus large. En général, on devrait pouvoir compter sur l'application de la loi et on devrait pouvoir faire cela à l'échelon municipal, fédéral ou provincial, selon la structure canadienne en jeu.
    À mon avis, il vaut mieux en mettre plus que moins. Pourvu qu'une personne surveille aussi ceux qui exercent une surveillance, je crois que nous serons tous plus heureux. Au bout du compte, les médias jouent un rôle très important sur le plan de la divulgation, mais une fois l'information divulguée, quelqu'un doit s'assurer de faire un suivi, et en ce moment, les structures du Canada à cet égard présentent des lacunes.
    Je suis également très surpris d'apprendre que la Loi Magnitsky est toujours en suspens. Manifestement, la politique d'hégémonie joue un rôle à cet égard, mais il est pitoyable que vous n'ayez toujours pas adopté la Loi Magnitsky.

  (1700)  

    C'était ma prochaine question. La Chambre des communes a appuyé à l'unanimité la Loi Magnitsky l'an dernier, mais entre-temps, il y a eu des élections, et certains députés ministériels ont changé d'idée à l'égard de cette Loi. On a fait valoir que la Loi Magnitsky était limitée aux oligarques et aux criminels russes, ainsi qu'aux Russes ayant commis des violations des droits de la personne, et on a recommandé de la modifier pour lui donner une portée plus mondiale. Êtes-vous d'accord ou pensez-vous que la Loi Magnitsky devrait se limiter à la Russie et aux cibles identifiées par le Congrès américain?
    Vos dernières paroles me réjouissent beaucoup. Je n'ai pas de problème particulier avec la Russie. Je dénonce toutes les dictatures, toutes les situations d'autoritarisme et toutes les personnes qui commettent des violations des droits de la personne de façon équitable. Mais il ne faudrait certainement pas beaucoup d'efforts pour modifier le libellé et élargir sa portée, afin qu'il vise n'importe quel gouvernement dans le monde. Il reviendrait au gouvernement de formuler les directives visant à définir ce qui constitue une violation des droits de la personne et les critères qui permettent de déterminer cela. J'irais plus loin que les violations contre les droits de la personne et j'ajouterais la corruption. Cela revient aux directives et le diable est dans les détails. Cela peut certainement être fait, et être bien fait.
    Certaines personnes ont critiqué les sanctions, et surtout la Loi Magnitsky, de nombreuses façons, mais je suis impressionné par ceux qui soutiennent qu'un plus grand nombre de sanctions multipartites, adaptées aux pays et fondées sur la Loi Magnitsky auraient l'effet d'exclure, d'isoler, de bloquer et peut-être un jour — même si j'en doute — de modifier le comportement des intervenants dans le régime de Poutine.
    Je n'essaie pas d'être désinvolte. Je mentionne surtout des cas précis. Nous parlons de sanctions liées aux visas et au gel des biens, et nous dirons à des gens que nous ne voulons pas les voir ici. Certaines personnes pourront affirmer que cela ne les dérange pas et qu'elles iront profiter de leurs richesses mal acquises ailleurs. Toutefois, ces personnes ont des enfants et des petits enfants. Si vous souhaitez voir un changement, par exemple, dans un gouvernement de l'Amérique latine, vous n'avez qu'à éliminer les visas qui leur permettent de visiter Walt Disney World. Croyez-le ou non, c'est le type de mesure...
    Oui.
    Par exemple, si le dictateur de l'Ouzbékistan craint réellement cette mesure, c'est parce que sa fille aime magasiner à Paris. La fille du dictateur d'Angola — la femme la plus riche de l'Afrique — adore passer du temps sur la Côte d'Azur, visiter des endroits comme Whistler et magasiner un peu partout dans le monde. Je suis actuellement à Londres. Si les Britanniques appliquaient ces mesures dans un grand nombre de ces cas, ils observeraient une baisse marquée des prix dans leur secteur immobilier. En effet, ces prix demeurent élevés parce que des gens pillent leur propre pays afin d'acheter des manoirs dispendieux ici.
    Certains pays sont peut-être prêts à vendre leur intégrité de cette manière et à se retrouver avec un secteur immobilier surévalué, mais au bout du compte, ces visas ont des effets importants sur ces pays. Aucun représentant d'un gouvernement ne veut être ciblé par cette mesure. Cela crée également une conséquence qu'on ne voit pas, et c'est le fait qu'un grand nombre de ces représentants gouvernementaux se retiendront de poser un geste après avoir vu ce qu'on a fait à leurs collègues. Ils peuvent décider que cela ne leur arrivera pas et qu'ils respecteront certaines règles. C'est ce que nous voulons accomplir. Il faut les effrayer. Il faut qu'ils surveillent leur comportement plutôt que d'être libres de faire tout ce qu'ils veulent quand cela leur convient simplement parce qu'ils le peuvent dans leur pays.
    Merci.
    Merci, monsieur Kent.
    La parole est à M. Miller.
    Monsieur Halvorssen, je vous suis très reconnaissant des précisions que vous apportez dans votre plaidoyer. Je crois que cela présente un point que nous essayons d'étudier, du moins lorsque nous séparons les composantes.
    Avec tout le respect que je vous dois, je crois que la tendance consistant à entremêler les enjeux avec les faits nuit beaucoup à votre plaidoyer. Nous étudions un ensemble de lois: la LBBDEC et la LMES, des lois qui prévoient les sanctions que le Canada pourrait imposer à des États ou à des acteurs étatiques à la demande des États, et les lacunes potentielles — vous avez indiqué qu'elles étaient liées aux graves violations des droits de la personne et à la corruption.
    Ce que j'entends de la part d'intervenants comme vous — et d'autres personnes dont vous n'êtes manifestement pas responsable —, c'est une tendance à confondre les revenus tirés d'activités criminelles avec l'opposé des biens mal acquis, c'est-à-dire des biens qui ne sont pas liés à des activités criminelles, en soutenant que la législation canadienne présente certaines lacunes à cet égard.
    Je n'aime pas faire cela, mais permettez-moi de vous lire un extrait du Code criminel qui énonce très clairement qu'au Canada:
Est coupable d'une infraction quiconque — de quelque façon que ce soit — utilise, enlève, envoie, livre à une personne ou à un endroit, transporte ou modifie des biens ou leurs produits, en dispose, en transfère la possession ou prend part à toute autre forme d'opération à leur égard, dans l'intention de les cacher ou de les convertir sachant ou croyant qu'ils ont été obtenus ou proviennent, en totalité ou en partie, directement ou indirectement:

a) soit de la perpétration, au Canada, d'une infraction désignée;

b) soit d'un acte ou d'une omission survenu à l'extérieur du Canada qui, au Canada, aurait constitué une infraction désignée.
    Il est évident que cette disposition, en combinaison avec notre législation sur la lutte au blanchiment d'argent bien documentée, fournit les moyens de mettre la main sur les gens qui tentent de cacher, au Canada, des biens qui proviennent d'activités criminelles ou en sont le produit.
    Il se peut que vous ayez des arguments valables en ce qui concerne la capacité de saisir des biens. Nous avons nos propres questions relativement à nos représentants. Il se peut que vous ayez des arguments valables en ce qui concerne des gens d'ailleurs qui ont commis de graves violations des droits de la personne — des violations répugnantes, et nous avons entendu de nombreux témoignages à cet égard —, mais lorsqu'il s'agit de biens mal acquis, le Canada a un régime assez rigoureux. Lorsqu'il s'agit de la LMES et des menaces contre la paix internationale, ce régime est assez strict. C'est la même chose pour la LBBDEC, même si la lacune que vous avez cernée est attribuable à la nature du régime législatif.
    Je crois que lorsqu'on tente de défendre un point très important, on nuit beaucoup à ce point si on mélange les pommes et les oranges.
    Vous savez manifestement que nous sommes un pays démocratique et multiculturel. Nous traitons souvent avec des acteurs étatiques ou des acteurs non étatiques qui vivent dans un régime différent du nôtre. Nous n'avons pas nécessairement les mêmes outils à notre disposition qu'une soi-disant kleptocratie, et nous devons respecter la primauté du droit. Quelles sont vos préoccupations à l'égard des personnes ou des institutions que nous pourrions envisager d'ajouter à une liste ou dont nous pourrions geler les biens — des biens qui auraient pu être obtenus par des moyens légitimes au Canada — et de leur capacité d'utiliser notre système judiciaire pour profiter d'une règle très importante au Canada, une règle également en vigueur aux États-Unis et au Royaume-Uni, à savoir la primauté du droit et l'application régulière de la loi?
    Merci.

  (1705)  

    Permettez-moi tout d'abord de préciser que je ne suis manifestement pas responsable des confusions ou de l'appariement des enjeux, comme dans votre exemple des pommes et des oranges, produites par les personnes qui m'ont précédé dans cette conversation. Toutefois, j'assume tout ce que j'ai dit.
    Maintenant, si le système en place que vous décrivez est si rigoureux, comment est-il possible qu'un groupe de Vénézuéliens ait été en mesure de verser des centaines de millions de dollars dans ce système? Ces gens ne se cachaient pas. Les médias avaient diffusé plusieurs articles au sujet de leurs crimes. On pourrait rapidement se rendre compte que certains de ces articles ont été publiés en première page de journaux financiers qui se posaient des questions au sujet de ces gens sortis de nulle part qui venaient tout juste d'acheter 20 % de Pacific Rubiales à Toronto. Par conséquent, le système a bel et bien échoué, et cette affaire le démontre parfaitement. Il ne fait aucun doute que toutes leurs richesses ont été mal acquises; en effet, ils n'avaient pas d'argent avant le début de cette histoire, et il ne fait aucun doute que les centrales électriques qu'ils ont construites — qui, en passant, ne fonctionnent pas — ont provoqué un énorme scandale.
    En ce qui concerne l'application régulière de la loi, je pense que, tout comme les situations de confiscation de biens, dans de nombreux cas, les biens et les richesses d'une personne ont été saisis et détenus, surtout à l'échelon local, par des procureurs zélés ou par des policiers qui n'aiment tout simplement pas l'idée que des gens puissent avoir de grosses sommes en argent comptant ou qui se posent immédiatement des questions lorsque c'est le cas. Je suis le premier à encourager la surveillance des États dans les cas de confiscation des biens, mais nous ne parlons pas d'un propriétaire de supermarché ou du propriétaire d'une entreprise qui fonctionne avec de l'argent comptant et qu'on pourrait donc soupçonner de se livrer au blanchiment de l'argent du trafic de drogues. Nous parlons de gens comme les membres de la famille Bongo, qui ont des centaines de millions de dollars en biens immobiliers, y compris au Canada, et des maisons qui valent 100 millions d'euros en France, etc. C'est ce dont je parle dans ces cas particuliers. Je crois que l'application régulière de la loi devrait certainement exister dans le cas d'Obiang, en France ou aux États-Unis, lorsque son fils n'a pas été en mesure d'expliquer comment, avec un salaire annuel de ministre des Forêts de 80 000 $, il a pu acheter l'une des plus grandes maisons de Malibu, en Californie, ou encore 16 voitures de course et une maison valant plus de 120 millions de dollars.
    Je ne crois pas exagérer lorsque je fais valoir qu'une affaire à laquelle j'ai participé, l'affaire Derwick, illustrait cet échec. Je crois qu'il y a des lacunes. L'une des lacunes principales, à mon avis, c'est qu'un acteur étatique doit lancer le processus après avoir reçu un avis d'un gouvernement. Pourquoi les particuliers ne peuvent-ils pas s'en charger? Si Moubarak vole des dizaines de milliards de dollars et qu'il les investit au Canada, le gouvernement égyptien ne dénoncera certainement pas son propre dictateur, mais si un simple citoyen privé le fait, cela incombe alors au Canada. Évidemment, le Canada pourrait faire valoir qu'il aime ses relations avec l'Égypte, et c'est la raison pour laquelle nous devrions répartir suffisamment les pouvoirs et nous doter d'un service civil qui peut assurer un suivi dans ces affaires.
    Ce qui est présenté en ce moment contient des éléments qui doivent faire l'objet de critiques. Toutefois, je ne suis pas un spécialiste des lois canadiennes et je suis ici pour vous aider de mon mieux. On m'a avisé il y a trois jours que j'étais invité à comparaître aujourd'hui, et veuillez me pardonner, mais hier soir, j'ai pris l'avion de la Californie à Londres et dès mon arrivée, j'ai participé à un autre engagement. Veuillez donc me donner une chance. Je serai également heureux de comparaître à nouveau plus tard.

  (1710)  

    Merci beaucoup, monsieur Miller.
    La parole est maintenant à M. Aubin.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Un État comme le Canada dispose d'un éventail d'outils. Dans le processus, à quel moment faites-vous intervenir le régime de sanctions? J'ai l'impression qu'à partir du moment où on commence à imposer des sanctions économiques, la diplomatie commence à battre de l'aile. À votre avis, ces deux façons de procéder sont-elles complémentaires, ou l'une doit-elle suivre l'autre? On pourrait aussi parler, au bout du compte, d'engagement militaire. Comment fait-on pour conjuguer l'ensemble de ces outils qui visent à changer un comportement?

[Traduction]

    Permettez-moi tout d'abord de préciser qu'actuellement, nous ne parlons pas d'imposer des sanctions à un gouvernement. Nous parlons d'imposer des sanctions à des particuliers. Je ne crois pas qu'il soit exagéré ou problématique de faire en sorte que le gouvernement du Canada soit prêt à imposer des sanctions contre des représentants de gouvernements étrangers qui ont commis de graves violations des droits de la personne. En plus de leur imposer des sanctions économiques, si nécessaire, par l'entremise du gel des biens, nous parlons de reprendre des visas dans certains cas. Il faut se rendre compte que reprendre le visa d'un général vénézuelien qui s'adonne au trafic de drogues et qui commet des violations des droits de la personne est une mesure très différente de celle qui vise à imposer des sanctions à l'ensemble du Venezuela. J'espère donc que cela ajoute certains...
    En ce qui concerne une intervention militaire à l'étranger, je ne vois pas le lien.

[Français]

    Un peu plus tôt, en réponse à une question, vous avez parlé des lacunes de l'approche canadienne, sans trop expliquer ce que vous entendiez par là. Je voudrais vous donner l'occasion d'en mentionner quelques-unes et de préciser si, à votre avis, il s'agit de lacunes dans l'approche canadienne ou d'un manque de volonté de mettre en place ou d'utiliser les outils dont nous disposons déjà.

[Traduction]

    Eh bien, en ce qui concerne l'exemple que j'ai donné, à savoir Derwick Associates, je ne sais pas pourquoi le système canadien n'est pas intervenu dans cette affaire et n'a pas tenté de savoir comment ces hommes ont été en mesure d'acheter allégrement toutes ces actions canadiennes avec de l'argent volé sans que personne réagisse au Canada, même si cette affaire avait reçu beaucoup de publicité.
    En ce qui a trait aux détails du sujet de la discussion d'aujourd'hui, je crois que les sanctions prévues par la LBBDEC sont mises en oeuvre trop tard. Elles sont appliquées lorsque le gouvernement en question a déjà été écarté du pouvoir et que le nouveau gouvernement demande au Canada de saisir les biens du groupe de voleurs le plus récent. En raison de son libellé, je crois que cette loi pourrait même être utilisée comme outil politique par un nouveau groupe de gens au sein du gouvernement de l'un de ces pays. Je pense que cette loi pourrait être modifiée et qu'on pourrait la durcir.
    De plus, à mon avis, on a tort de limiter le pouvoir de lancer le processus aux États. Selon moi, il faudrait permettre aux associations ou à d'autres groupes de dénoncer des actes répréhensibles. Après tout, vous avez des bureaux qui peuvent examiner ces questions et mener des enquêtes, et une fois l'enquête terminée, on peut décider de rejeter ces accusations ou de les utiliser. Dans les pays démocratiques, on utilise l'application de la loi de cette façon tout le temps. Ces pays reçoivent des dénonciations et des accusations. Ils décident de mener une enquête, et ils décident ensuite de poursuivre l'enquête ou de la clore, et possiblement de porter des accusations si l'enquête aboutit. Je ne vois pas pourquoi nous ne pouvons pas utiliser la même analogie pour saisir des biens ou pour refuser des demandes de visa de représentants de gouvernements étrangers.

  (1715)  

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur Aubin.
    Monsieur Levitt, vous avez la parole.
    Je vous remercie de votre témoignage, monsieur Halvorssen. Pour revenir à vos commentaires précédents au sujet de l'engagement du Canada à lutter avec vigueur contre ceux qui portent atteinte aux droits de la personne, je peux vous assurer que c'est le souhait de tous les députés. Nous procédons à l'examen général de notre régime de sanctions. Cet examen était prévu par la loi et nous allons aussi étudier les façons de cibler les auteurs de violations graves des droits de la personne dans la loi. C'est une option envisageable.
    Je veux toutefois passer d'une discussion hypothétique à une discussion instructive. J'aimerais savoir qui, à votre avis, fait bien les choses. Vous avez beaucoup parlé de l'importance de la participation et de la responsabilisation de tous les ordres de gouvernement, au niveau municipal, étatique ou fédéral. Pouvez-vous dire au Comité qui a réussi à bien faire les choses? Pouvez-vous nous dire ce qui fonctionne, pour nous aider?
    Divers gouvernements utilisent divers outils pour décourager les auteurs de violations des droits de la personne.
    Je regarderais la situation d'un autre point de vue, plutôt que de celui des sanctions. Par exemple, le gouvernement de la Suède a très bien réussi à utiliser — ou à limiter — l'aide étrangère en fonction de la corruption et du besoin des pays. En d'autres termes, si le gouvernement d'un pays place une grande partie de son argent dans des comptes bancaires en Suisse, en Andorre ou à Singapour, alors il n'a pas besoin de l'aide financière de la Suède.
    En ce qui a trait au régime de sanctions, je crois qu'au cours des huit dernières années, les États-Unis ont réalisé d'importants progrès. Ils ont préconisé une approche visant certaines personnes précises au sein d'un gouvernement plutôt que de viser un pays tout entier.
    Je n'insisterai jamais trop sur l'effet domino que peut avoir non seulement la dénonciation de ces personnes, mais aussi leur désignation à titre d'auteur de violations des droits de la personne par un gouvernement démocratique, parce que si on refuse à ces personnes un visa pour les États-Unis, le Royaume-Uni ou la France — et toute l'Union européenne —, alors le message est clair: cette personne n'est pas la bienvenue.
    Est-ce qu'il y a un risque de manquement à l'application régulière de la loi ou qu'une personne soit faussement accusée? Certainement. Toutefois, le visa est un privilège. L'entrée dans un autre pays n'est pas un droit; la barre est donc moins haute. Cela étant dit, je crois qu'on peut rédiger les directives de manière à veiller à ce que si une personne est injustement accusée, comme c'est déjà arrivé par le passé, elle ne se voit pas retirer son visa.
    Dans l'affaire Magnitsky, il ne fait aucun doute que Sergei Magnitsky est mort, qu'il a été tué parce qu'il a dénoncé un cas de fraude fiscale et que certains fonctionnaires l'ont persécuté, l'ont poursuivi et ont caché des choses. L'affaire Magnitsky est un excellent exemple de cas individuel qui devient général.
    Je le répète: je ne crois pas que le gouvernement soit la solution aux problèmes. À mon avis, le gouvernement tend à être l'instigateur de la plupart des problèmes et il est clair que la plupart des violations des droits de la personne dans le monde sont commises par les gouvernements. J'en suis conscient, mais je crois que le système et la structure des États-Unis sont suffisamment vastes, qu'on peut s'en inspirer, qu'on peut utiliser les meilleures pratiques et améliorer les pires, comme un seuil très bas pour le blocage des biens.

  (1720)  

    Vous savez que la loi Magnitsky a été déposée devant le Sénat américain, je suppose. Vous connaissez aussi la différence entre une liste ciblée et une lutte globale contre les auteurs de violations des droits de la personne. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de cette différence? Je crois que si une mesure peut être appliquée de façon générale, et non dans un seul pays seulement... le problème, c'est que si une personne se retrouve sur une liste particulière — qu'il s'agisse de Magnitsky et de la Russie ou d'un autre pays — et qu'elle n'a pas de biens au Canada, il n'y a pas grand-chose qu'on puisse faire.
    Si la portée est plus générale, alors nous pouvons prendre des mesures qui vont au-delà des personnes désignées.
    Je crois que la loi Magnitsky est une excellente idée. Je crois qu'il faut souligner que ces listes ne visent pas des poursuites criminelles. Ce sont des listes de personnes ayant commis des violations flagrantes des droits de la personne, dans le cas du meurtre de Magnitsky.
    J'aimerais qu'il y ait plus de listes du genre. J'ai une liste pour le Kazakhstan, pour le massacre de plus de 100 travailleurs dans la ville de Zhanaozen. Nous avons publié cette liste dans une page d'annonce publicitaire à Washington, qui a eu l'effet d'un tremblement de terre au Kazakhstan, parce qu'on avait peur de ce que diraient les personnes qui y figuraient. On se demandait aussi si leur nom n'allait pas se retrouver ailleurs.
    Je crois que cela soulève une question que cela entraîne d'autres discussions. On ne montre pas assez du doigt les auteurs de ces violations. C'est une chose de dire qu'on viole les droits de la personne au Gabon, au Turkménistan ou au Kirghizistan, mais c'en est une autre de nommer les régions et les personnes responsables.
    Merci beaucoup, monsieur Levitt.
    La parole est maintenant à Mme Zahid. Allez-y, madame.
    Je remercie nos invités de leur témoignage.
    Diriez-vous qu'il y a des preuves concrètes de l'efficacité des sanctions unilatérales par opposition aux sanctions multilatérales pour lutter contre les violations des droits de la personne?
    Est-ce que vous parlez de sanctions imposées uniquement par le Canada, par opposition à des sanctions imposées en collaboration avec d'autres pays?
    Du Canada avec d'autres pays.
    Le problème des sanctions multilatérales, c'est qu'elles ont tendance à être édulcorées, ou encore, les gens ont tendance à attendre jusqu'à ce qu'il soit beaucoup trop tard ou jusqu'à ce que toutes les dents aient été arrachées. Il y a trop d'éléments différents dont il faut tenir compte en même temps.
    Je pense que les sanctions unilatérales sont une excellente solution, et il incombe certainement aux gouvernements démocratiques, comme le Danemark ou le Canada, de les imposer et d'ouvrir la voie. Il arrive que les listes ne soient pas les mêmes. Elles se chevauchent parfois, mais pas toujours, et elles ajoutent une grande valeur.
     Je suis accompagné aujourd'hui d'Abdul Aziz al-Hamza, qui m'attend à l'extérieur. Il est membre de Raqqa est massacrée en silence, un regroupement basé en Syrie. Quand une personne comme lui sait que vous parlez de ces enjeux et que vous prenez des mesures concrètes contre certains représentants gouvernementaux, notamment au sein du gouvernement Assad, cela représente un changement radical pour ceux qui sont aux premières lignes de la protection des droits de la personne.
    Lorsque chaque acteur de cette affaire est identifié, un message très puissant est envoyé aux gens de ce pays. Personne ne veut se retrouver sur une telle liste.
    Je vous encourage à établir une liste pour chaque pays que vous trouvez problématique, puis laissez l'opinion publique et le journalisme d'enquête suivre leur cours. Si un processus peut être suivi, déterminez si ces gens devraient se retrouver sur la liste. Ces listes sont très puissantes. Personne n'ira en prison parce qu'il figure sur une liste. Il pourrait toutefois y avoir une sanction relative au visa ou une saisie des actifs. Je pense que c'est une très bonne chose, et je vous encourage fortement à continuer de vous pencher sur la question.
    Le Canada peut être un chef de file mondial à ce chapitre, surtout s'il s'en prend aux acolytes et à ceux qui font du saccage. N'oubliez pas qu'il n'y aurait aucune violation des droits de la personne si ce n'était du butin. Ces gens ne violent pas les droits de la personne parce qu'ils veulent diriger les autres. Ils le font parce qu'ils veulent gouverner les autres pendant qu'ils volent et cachent les ressources naturelles des pays. Et il arrive souvent que des entreprises canadiennes leur donnent un coup de pouce.

  (1725)  

    Selon vous, quelle serait la meilleure façon de limiter les violations des droits de la personne? Faut-il privilégier une diplomatie efficace, des sanctions ou une combinaison de plusieurs outils? Pourriez-vous nous donner des exemples précis?
    Je pense que tout doit être sur table et que la recette différera pour chaque pays.
    Dans certains pays, il faut mettre en lumière les prisonniers politiques. Le Parlement canadien doit envoyer un message au pays pour dire qu'il tient à la vie de telle ou telle personne, que celle-ci ne doit pas être exécutée en prison par le gouvernement et qu'elle devrait même être libérée.
    Dans certains cas, il faut aller plus loin et avoir recours à des sanctions, à des saisies de biens, ou encore...
    Je suis simplement ravi lorsque vous prenez l'une ou l'autre de ces mesures. Je peux vous donner des exemples précis de ce que d'autres gouvernements ont fait pour résoudre des problèmes semblables, mais il n'existe aucune solution universelle. Ce qui fonctionne en Corée du Nord sera différent de ce qui fonctionne en Bolivie, qui sera différent aussi de ce qui fonctionne au Maroc. Encore une fois, il arrive que le Canada ait plus d'incidence en raison de ses relations historiques, d'une relation particulièrement bonne, ou d'une diaspora très importante au Canada. Tout dépend de la situation.
    Si vous le souhaitez, je serai ravi de vous remettre un ensemble d'études de cas là-dessus.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, chers collègues.
     Monsieur Halvorssen, je vous remercie infiniment de votre témoignage. Comme c'est habituellement le cas, nous vous invitons à nous faire parvenir tout autre renseignement que vous voudriez transmettre au Comité qui se rapporte à votre expertise et à votre domaine.
    Encore une fois, le Comité vous est reconnaissant d'avoir fait des pieds et des mains pour être devant nous, et nous avons hâte de poursuivre notre étude sur cette question fort importante. Au nom du Comité, je vous remercie.
    Chers collègues, nous allons maintenant lever la séance, et nous nous reverrons lundi, à notre retour de la semaine de relâche. Passez une bonne semaine dans votre circonscription. Soyez prudents, et à bientôt.
    La séance est levée.
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