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ESPE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur l’équité salariale


NUMÉRO 006 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 20 avril 2016

[Enregistrement électronique]

  (1915)  

[Traduction]

    J'aimerais d'abord présenter nos excuses à tous les témoins pour le retard. Nous le regrettons, mais dans ce domaine, nous sommes souvent appelés à voter. Nous étions tous retenus à la Chambre des communes.
    Nous avons réservé cette salle jusqu'à 20 h 30. Ce que je propose, c'est... Nous avons un organisme pour la première partie et quatre témoins pour la deuxième partie. Si nous les regroupons, tous pourraient faire leur exposé, puis nous pourrions passer aux questions. Nous aurions une heure et 10 minutes pour entendre le point de vue des cinq organismes.
    Quelqu'un s'y oppose? Très bien.
    Sans plus tarder, j'aimerais présenter les premiers témoins. Ils sont ici en personne. Nos autres témoins témoigneront par vidéoconférence.
    Nous accueillons Mme Colleen Bauman et M. Peter Engelmann, de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical.
    Qui prendra la parole? L'un d'entre vous, ou les deux?
    Très bien.
    Vous avez 10 minutes. En fait, disons sept minutes. Vous pouvez les répartir comme bon vous semble. Merci.
    J'espère que ma collègue osera m'interrompre à la marque des quatre minutes.
    Distingués députés, bonsoir. C'est un plaisir et un privilège d'être ici pour vous parler de l'important travail que vous entreprenez.
    Je suis accompagné de ma collègue, Mme Colleen Bauman. Nous sommes tous deux associés au cabinet d'avocats Goldblatt Partners. Nous témoignons au nom de l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical, un organisme national qui représente les organisations syndicales dans le but de défendre les intérêts juridiques et d'améliorer le bien-être des travailleurs canadiens et de leurs familles.
    Nous sommes spécialisés en droit du travail et des droits de la personne; nous avons une longue expérience de la représentation des employés dans des causes de discrimination en milieu de travail.
    L'association se réjouit de la création de ce comité. Il y a longtemps déjà — 12 ans —, un groupe de travail présidé par Mme Beth Bilson avait accompli un énorme travail. À l'époque, j'avais eu l'occasion d'y représenter deux de mes clients.
    Ce groupe a fait un travail remarquable. Si vous n'aviez qu'une chose à retenir de notre témoignage d'aujourd'hui, ce serait d'examiner le rapport exhaustif de ce groupe. Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. Il y a certes des choses à améliorer, et j'espère que vous nous poserez les questions à ce sujet.
    Quoi qu'il en soit, le rapport Bilson a démontré que le mécanisme mis en place par le gouvernement fédéral pour résoudre les questions d'équité salariale ne fonctionne pas. Très peu d'employeurs s'attaquent volontairement à ce problème. Ceux qui ont fait le nécessaire à cet égard se sont retrouvés désavantagés par rapport à leurs concurrents. Seuls les employés qui pouvaient compter sur des syndicats aguerris ont pu obtenir des gains à cet égard aux termes de la loi antérieure ou, en partie, de la loi actuelle.
    J'ai personnellement plaidé dans deux causes très longues. Dans l'une d'elles, j'ai agi à titre d'avocat pour le syndicat des téléphonistes de Bell Canada. L'affaire s'est étirée sur près de 10 ans et a été entendue deux fois à la Cour suprême du Canada. Il y avait une panoplie d'arguments d'ordre technique. La cause a finalement été réglée et les téléphonistes ont obtenu l'équité salariale, mais ce fut une bataille juridique extrêmement longue.
    Dans l'autre cause à laquelle j'ai participé, j'ai représenté la Commission des droits de la personne dans une affaire liée à une plainte contre Postes Canada. Lorsque la procédure a été lancée, mon premier enfant n'était pas encore né, et je crois qu'il avait 18 ou 19 ans lorsqu'elle s'est terminée. Et là, je parle de la procédure devant le tribunal. La décision a ensuite été portée en appel devant la Cour suprême du Canada.
    Ce n'est pas ainsi qu'on doit régler la question de l'équité salariale. Cela n'aide pas à offrir aux femmes et aux hommes qui travaillent dans des secteurs à prédominance féminine un salaire égal pour un travail de valeur égale.
    Ce qu'il y a de formidable au sujet du rapport Bilson, c'est que Mme Bilson avait une expérience vécue de la situation en Ontario et au Québec. Les deux régimes ont été examinés. J'estime, respectueusement, que des améliorations ont été proposées. Malheureusement, les recommandations du rapport n'ont jamais été mises en oeuvre, et la situation n'a fait qu'empirer.
    Ma collègue, Mme Bauman, parlera de la LERSP.
    J'aimerais vous présenter brièvement certains principes clés du rapport Bilson. L'équité salariale, c'est-à-dire un salaire égal pour un travail de valeur égale, est un droit humain fondamental, ce que Mme Bilson a reconnu. Il est extrêmement important que cet enjeu soit étudié en dehors des négociations collectives.
    Son application devrait s'étendre à l'ensemble des secteurs sous compétence fédérale. Cela comprend les employeurs sous réglementation fédérale, le Parlement, le gouvernement fédéral, les organismes ministériels et les sociétés d'État. Fait important, le rapport Bilson précise que nous devrions inclure les entrepreneurs fédéraux et leurs employés. Je pense que c'est très important.
    La question est liée à la structure des employeurs ou aux secteurs d'activité qui nécessitent une attention particulière. On a consacré beaucoup trop de temps sur des questions techniques, à débattre de la signification des termes. Votre mesure législative devra être détaillée.
    Le rapport reconnaît l'importance du maintien de l'équité salariale, ce qui a posé problème en Ontario et au Québec. Nous pourrions donc en parler.
    Il est essentiel d'avoir une commission d'équité salariale réellement indépendante ainsi qu'un tribunal de l'équité salariale indépendant. Vous devrez faire appel à des experts pour traiter de ces questions.
    Il convient de ne pas se limiter à l'équité salariale pour les femmes, comme le font d'autres mesures législatives à cet égard, mais d'élargir la portée aux minorités visibles, aux Autochtones et aux personnes handicapées. Vous voudrez peut-être aborder ces questions lors de la deuxième étape. Faites les choses correctement, pour les femmes. Trouvez d'abord une solution adéquate au problème de la discrimination fondée sur le sexe, puis passez à la deuxième étape.
    Colleen, j'ai pris plus de temps; la parole est à vous.

  (1920)  

    Bonsoir. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui.
    Dans le peu de temps qui reste, j'aimerais vous parler de la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, ou LERSP. L'ACAMS considère qu'il s'agit d'une mesure législative régressive qui devrait être abrogée. Au lieu d'être une loi proactive sur l'équité salariale, comme le proposait le Rapport du Groupe de travail sur l'équité salariale de 2004, la LERSP constitue un recul par rapport au principe « à travail égal, salaire égal » et porte gravement atteinte aux droits des employés de la fonction publique fédérale en les privant des protections des droits de la personne contre la discrimination systémique fondée sur le sexe en ce qui a trait à la rémunération, ce qui est contraire à l'article 15 de la Charte.
    La LERSP s'applique aux fonctionnaires fédéraux. Elle a été adoptée en 2009, mais elle n'est pas encore en vigueur parce que la réglementation nécessaire en vertu de cette loi n'a jamais été promulguée. Entre-temps, les plaintes des fonctionnaires fédéraux relatives à l'équité salariale sont pour la plupart tombées dans l'oubli. Les plaintes qui ont été déposées ont été renvoyées à la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique. Cela est en soi problématique, étant donné que la Commission n'a aucune expertise en matière d'équité salariale.
    La LERSP présente des lacunes fondamentales et entraîne la mise en place de mesures qui limitent considérablement l'accès à la protection de l'équité salariale. Parmi ces lacunes, notons le seuil élevé établi pour définir un groupe « à prédominance féminine ». Ce seuil est de 70 %, comparativement au seuil de 55 % pour les groupes de plus de 500 employés qui a été établi dans les directives sur le salaire égal aux termes des dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
    Une autre lacune est l'adoption des critères des forces du marché pour évaluer la valeur du travail des employés. Il est généralement accepté que l'utilisation des critères des forces du marché favorise le maintien de l'iniquité salariale entre les hommes et les femmes plutôt que son élimination. À cela s'ajoute le fait que l'examen des plaintes liées à l'iniquité salariale relève de la CRTEFP plutôt que de spécialistes de l'équité salariale. Enfin, il y a l'adoption de critères extrêmement élevés pour l'évaluation du caractère « manifestement déraisonnable » d'une décision pour avoir accès à l'arbitrage.
    L'effet cumulatif de ces mesures, c'est qu'elles érodent graduellement le principe de l'équité salariale, jusqu'à le rendre totalement dénué de sens. De plus, la LERSP impose — à tort — une obligation égale à l'égard de la prestation d'une rémunération équitable, ce qui signifie que les agents négociateurs et les employeurs sont conjointement responsables de la prestation d'une rémunération équitable. L'adoption de cette obligation commune signifie qu'on ne reconnaît pas que l'équité salariale est un droit de la personne et non un avantage qui peut faire l'objet de négociations.
    La LERSP est contraire aux recommandations du rapport de 2004 du Groupe de travail sur l'équité salariale. Elle ne peut être corrigée et devrait être abrogée. Cela nous incite aussi à recommander que les plaintes des fonctionnaires fédéraux ne relèvent pas de la Commission.
    Nous remercions le Comité de nous avoir donné l'occasion de témoigner. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.

  (1925)  

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au Centre canadien de politiques alternatives. Nous entendrons Mme Kate McInturff, qui est chargée de recherche.
    Bonsoir. Je remercie le Comité de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je m'appelle Kate McInturff, et je suis chargée de recherche au Centre canadien de politiques alternatives.
    De nos jours, au Canada, nos filles sont plus susceptibles de fréquenter l'université que nos fils, mais, à moins d'agir maintenant, nous risquons de ne pas pouvoir leur offrir les avantages attendus de l'éducation, parce que ces jeunes femmes grandiront et obtiendront leur diplôme dans un monde où l'écart salarial subsiste. Le destin ne suffit pas. Rester inactifs et laisser les forces du marché dicter les salaires nous mène à la situation qu'on voit aujourd'hui: un écart grandissant entre le taux de rémunération des hommes et celui des femmes.
    Permettez-moi de le répéter: aujourd'hui, au Canada, l'écart entre le salaire à temps plein des hommes et le salaire à temps plein de femmes s'accroît; il ne diminue pas.
    La persistance du sous-emploi et de la sous-rémunération qui touche la main-d'oeuvre féminine canadienne a un coût élevé que nous ne pouvons assumer. L'élimination des disparités entre les sexes est un aspect essentiel si on veut rétablir une économie canadienne à forte croissance et assurer la sécurité des Canadiens. Les projets de l'OCDE visant à réduire de moitié l'écart des taux d'emploi des hommes et des femmes pourraient représenter une contribution supplémentaire de 160 milliards de dollars à l'économie canadienne d'ici 2030. Selon les recherches publiées par la Banque mondiale, l'élimination de l'écart salarial entre les sexes pourrait représenter 10 % du PIB du Canada. Ce n'est pas négligeable, ni pour notre économie ni pour les femmes.
    Quelle est la cause de cet écart? L'un des principaux facteurs de l'écart salarial entre les sexes est la répartition inégale de tâches non rémunérées. Encore aujourd'hui, au Canada, les femmes consacrent deux fois plus de temps que les hommes aux soins non rémunérés. Tant que les jours ne compteront que 24 heures, le temps que les femmes pourront consacrer au travail rémunéré sera limité. Plus précisément, cela limite le type d'activités rémunérées qu'elles peuvent faire, et c'est l'une des raisons pour lesquelles les femmes sont plus nombreuses dans les secteurs où l'horaire peut être adapté en fonction de leurs activités non rémunérées, notamment les secteurs des soins de santé, de l'enseignement et de la vente au détail.
    Nous constatons aussi que les femmes sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel. Les femmes sont trois fois plus susceptibles que les hommes d'avoir un travail à temps partiel. Près du tiers des femmes qui travaillent à temps partiel évoquent des motifs familiaux pour justifier cette décision.
    Enfin, les tâches dont les femmes s'acquittent, de tout temps, sans être rémunérées — les soins aux personnes à charge et les travaux ménagers — sont dévalorisées. Les professions des secteurs de l'éducation de la petite enfance, des soins de santé et de l'entretien ménager, toutes les professions à forte prédominance féminine, figurent dans la catégorie des emplois les moins bien rémunérés de notre économie. La ségrégation professionnelle est en soi un des principaux facteurs contributifs de l'écart salarial. Les hommes et les femmes tendent à travailler dans des secteurs différents. Fondamentalement, une valorisation égale du travail des femmes et de celui des hommes n'entraînerait pas nécessairement un écart salarial. C'est toutefois le cas et, manifestement, nous n'y accordons pas une valeur égale.
    On constate aussi que dans les secteurs où la proportion de femmes augmente, les salaires stagnent ou diminuent. Voilà pourquoi s'en remettre à la magie des forces du marché ne fait qu'exacerber le problème, celui des taux de rémunération injustes et inégaux. Les femmes ne sont pas touchées de façon égale. L'écart salarial est plus grand chez les femmes autochtones, les femmes racialisées, les femmes handicapées et les femmes immigrantes, et ce, même si en tant que groupe, les femmes immigrantes sont beaucoup plus instruites que le groupe des femmes non immigrantes. Les femmes autochtones sont parmi les populations dont le taux de diplomation d'enseignement supérieur croît le plus rapidement, mais en réalité, chez les diplômées universitaires autochtones, l'écart salarial se creuse, ce qui n'est pas le cas chez celles qui n'ont qu'un diplôme d'études secondaires.
    Pour terminer, les femmes réagissent différemment aux interventions en matière de politiques selon leur niveau de scolarité. À titre d'exemple, certaines ont des congés parentaux plus longs, en particulier celles dont le niveau de scolarité est plus bas, ce qui n'est pas le cas chez les femmes qui ont un niveau de scolarité plus élevé. Ces différences peuvent exacerber le problème de l'écart salarial et rendre sa réduction plus complexe. Cela signifie que les politiques visant à éliminer cet écart doivent tenir compte de l'interaction entre la discrimination et l'égalité des revenus.
    Quelles sont les mesures efficaces pour réduire l'écart salarial? Eh bien, je dirais que lorsqu'on veut régler un problème, il faut d'abord prendre conscience qu'il y en a un. Il est essentiel de faire un suivi systématique des salaires. La deuxième étape, une fois le problème décelé, est de faire quelque chose pour le régler. Les politiques d'établissement des salaires sont particulièrement importantes pour donner plus de choix aux femmes, quelle que soit leur échelle salariale, mais surtout aux femmes à faible revenu. La hausse du salaire minimum et les négociations collectives permettent de réduire l'écart salarial chez les populations où cela compte le plus: les femmes ayant un niveau de scolarité moins élevé et celles ayant un potentiel de revenu plus faible.

  (1930)  

    Ensuite, il faut s'attaquer au double fardeau du travail non rémunéré que portent les femmes. Il est démontré clairement à l'échelle de tous les pays de l'OCDE, y compris le Canada, que les congés parentaux payés et l'accès à des services de garde abordables ont pour effet de rétrécir l'écart salarial entre les sexes.
    La plupart des parents au Canada sont des travailleurs. La majorité des femmes qui ont de jeunes enfants travaillent, par choix ou par nécessité. C'est la réalité. Quand il existe des services de garde et que le coût ne correspond pas au tiers du salaire médian des femmes comme c'est le cas dans presque toutes les villes du Canada à l'extérieur du Québec en ce moment, les femmes sont en mesure de faire de vrais choix concernant la façon et le moment de reprendre le travail contre rémunération.
    Enfin, la recherche a aussi révélé que les politiques qui favorisent l'équilibre travail-vie personnelle ne suffisent pas à elles seules. L'incidence de ces politiques dépend des attitudes sociales. Dans les sociétés qui valorisent le travail des femmes, les politiques familiales progressives peuvent avoir des effets importants sur l'écart dans les salaires et l'emploi. Là où c'est le contraire, les femmes continuent de lutter pour être traitées équitablement dans le milieu de travail. Cela signifie que toute politique ou mesure législative visant à rétrécir l'écart doit être conjuguée à des efforts plus généraux visant à enrayer les attitudes discriminatoires concernant le rôle des femmes. Les inégalités sociales sont à la base des inégalités économiques persistantes selon le sexe et la race. Les écarts sur les plans de l'emploi et du salaire qui sont présents malgré des degrés d'instruction et d'expérience supérieurs démontrent qu'il y a des préjugés sous-jacents persistants qui veulent que les postes traditionnellement masculins méritent une rémunération supérieure, qui sous-estiment les postes traditionnellement occupés par des femmes, rémunérés ou pas, et qui valorisent l'embauche de travailleurs de sexe masculin.
    Le modèle économique et familial de l'homme, soutien de famille, ne correspond plus aux choix réels que font les Canadiens. Cela signifie qu'il faut conjuguer la politique sociale à la politique économique pour veiller à faire tomber tous les obstacles à l'égalité.
    L'écart salarial est un problème complexe, aux solutions complexes, mais ces solutions existent. Le Groupe de travail sur l'équité salariale de 2004 a fourni un fondement solide pour aller de l'avant, et c'est bien ce que nous devons faire, car ne rien faire est trop coûteux.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons entendre notre témoin suivant par vidéoconférence. Kathleen Lahey est professeure à la faculté de droit de l'Université Queen's.
    Madame Lahey, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci d'avoir rendu possible ma participation à cette importante discussion. Je vais me concentrer sur cinq points qui d'après moi gagnent en importance, maintenant qu'on a documenté plus complètement les écarts salariaux qui continuent d'exister et qui ont augmenté au cours des 12 ou 13 années écoulées depuis que le gouvernement s'est mis à trouver que c'était un grave problème.
    La première chose que je veux souligner, c'est que s'il est beaucoup plus compliqué de comprendre les incidences sur l'écart salarial entre les sexes quand une personne est membre d'une minorité visible, autochtone, immigrante ou atteinte d'un handicap, la situation se complexifie rapidement quand ces caractéristiques se conjuguent. Je vous ai fourni un ensemble de tableaux que j'ai créés et qui visent à vraiment faire ressortir ce genre de problèmes. Le tableau 11, par exemple, montre que les écarts salariaux entre les sexes pour les femmes membres de minorité visible ou autochtones peuvent atteindre un taux de 38 % à 47 % à l'échelle nationale. Cela amplifie vraiment les obstacles auxquels font face les femmes qui cumulent ces facteurs et formes de discrimination. Je pense qu'il y a assez d'information à ce sujet pour qu'elle soit tenue en compte alors que le Comité poursuit ses discussions sur la question.
    La deuxième chose que je veux vraiment souligner et sur laquelle je veux m'arrêter un moment, c'est que nous savons maintenant, grâce à des travaux de recherche très complets exécutés dans de très divers pays ayant des degrés de développement différents, que les écarts salariaux ne représentent pas un problème qui se limite à ici et maintenant. Ce problème est intergénérationnel. Ce problème est systémique. Ce problème touche tout le monde dans l'ensemble du pays pendant toute la vie. Cela commence avant même que les jeunes femmes soient assez vieilles pour gagner de l'argent. Le problème prend de l'ampleur quand les femmes s'instruisent et constatent que leur emploi à temps partiel ou leur emploi d'été ne paie pas autant que pour les hommes. Elles doivent emprunter plus d'argent pour poursuivre leurs études supérieures. Il leur faut plus de temps pour rembourser leurs prêts, parce que leurs salaires sont moins élevés, une fois qu'elles ont décroché leur diplôme et qu'elles entament leurs années de travail à temps plein.
    Elles constatent qu'au moment de prendre un congé de maternité, souvent, elles ne peuvent profiter pleinement des programmes de sécurité du revenu qui existent parce que l'assurance-emploi ne remplace que 55 % de leur salaire, et leur salaire est nettement inférieur à celui des jeunes hommes. Alors bien sûr, le congé de paternité sera populaire parce qu'il sera plus profitable pour les familles. Ce n'est pas mauvais que les homme prennent des congés de paternité, mais il ressort de cela que les femmes sont désavantagées, même dans un contexte où leurs besoins sont censés être prioritaires.
    Au fil de leur vie, elles auront de moins en moins la capacité d'épargner en prévision de situations d'urgence et de périodes de chômage, ou encore pour suppléer à leurs revenus pendant leur congé de maternité. Elles seront moins en mesure d'épargner pour leur propre retraite, d'autant que les régimes de retraite publics et privés ont subi des réductions. On constate sans étonnement que plus une femme a d'enfants, moins elle sera capable de retrouver un emploi rémunéré d'une manière qui lui permettrait de suivre une trajectoire montante. Les années pendant lesquelles les femmes gagnent plus d'argent sont moins nombreuses, et leurs revenus pendant ces années sont moins élevés que ceux des hommes. C'est un problème systémique qui touche tout le monde, tout le temps.
    La troisième chose fondamentale, c'est que notre système d'imposition et de transfert se fonde maintenant entièrement sur l'hypothèse selon laquelle les femmes ne seront pas en mesure d'assurer leur propre subsistance au moyen de revenus durables. Selon le compte le plus récent, au moins 25 milliards de dollars chaque année, y compris cette année, servaient à subventionner le travail non rémunéré des femmes de diverses façons pendant toute leur vie, mais le gouvernement fédéral consacrait moins de 2 milliards de dollars au financement de la déduction pour frais de garde d'enfants. Les choses sont à ce point asymétriques.

  (1935)  

    Le tableau 7 montre que la nouvelle prestation pour enfants ne fera que renforcer le modèle du gagne-pain masculin parce que, dans le cas des chefs de famille monoparentale, des ménages ayant deux revenus et des couples à faible revenu qui travaillent tous deux à temps plein, la prestation sera en grande partie engloutie par les dépenses liées à la garde des enfants. Les seuls ménages qui pourront vraiment utiliser la prestation aux fins pour lesquelles elle a été conçue, c'est-à-dire améliorer la qualité de vie des enfants, sont ceux qui ont un seul revenu relativement élevé, ce qui correspond généralement au modèle du gagne-pain masculin.
    Le tableau 8 montre que, en fait, on impose un plus lourd fardeau fiscal aux femmes qui sont cheffes de famille monoparentale ou qui sont dans un ménage dont les deux conjoints travaillent. Ces femmes doivent payer, en plus de l'impôt sur leur revenu d'emploi, une taxe liée aux frais de garde d'enfants qu'elles ne peuvent tout simplement pas récupérer autrement.
    Quatrièmement, les lois en matière d'équité salariale et les subventions pour les services de garderie pourraient stimuler la croissance de l'économie canadienne de façons très précises. Le tableau 6 montre que si une seule province, par exemple l'Alberta, commençait à faire des rajustements partiels au titre de l'équité salariale, cela générerait chaque année entre un demi-milliard et 4 milliards de dollars en recettes pour le gouvernement fédéral, à compter de 2016. Si on applique cette incidence à l'ensemble du pays et qu'on prend en compte l'impôt provincial et l'effet de recettes, on obtient des recettes encore plus considérables qui s'accroîtraient avec le temps.
    En dernier lieu, des recherches poussées ont clairement démontré que les pays qui se sont donné comme priorité d'appuyer le travail des femmes et qui interdisent systématiquement la discrimination salariale et d'autres formes de discrimination en milieu de travail, ont des économies plus durables parce que, dans l'ensemble, les citoyens et les ménages ont une source de revenu plus stable, sont moins vulnérables aux ralentissements économiques et, aujourd'hui, transmettent probablement d'une génération à l'autre le principe de l'égalité des sexes, notamment sur le plan financier.
    J'ai terminé mon exposé. Merci.

  (1940)  

    Je vous remercie beaucoup.
    Notre prochain témoin, Mme Daphne Taras, est doyenne de l'Edwards School of Business de l'Université de la Saskatchewan. Elle comparaît par vidéoconférence.
    Madame Taras, je vous souhaite la bienvenue. Vous disposez de sept minutes.
     Je vous remercie de m'avoir invitée à titre de témoin. D'entrée de jeu, je signale que, il y a plusieurs années, je me suis publiquement élevée contre la Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, la LERSP. J'avais particulièrement critiqué l'article 36 qui empêche les travailleurs de demander l'aide de leur employeur ou de leur syndicat à l'égard de tout problème d'équité salariale. Pour résumer ma pensée, j'estimais cette mesure législative tout à fait inacceptable.
    Je crois que ma plus grande contribution aujourd'hui sera de soulever des idées et des arguments qui ne sont peut-être pas encore venus sur le tapis et de suggérer à la Chambre des communes de se pencher sur certaines questions importantes relatives au marché du travail. Je m'adresse à vous aujourd'hui en ma qualité de chercheure en relations industrielles et de doyenne de la faculté de commerce dynamique d'une université du regroupement U15 dans une province dont l'économie est prospère. J'occupe le poste de doyenne depuis six ans. Mon point de vue s'inspire de nombreuses sources et est influencé par le contact constant avec les cohortes d'étudiants qui se succèdent. Au cours de chaque décennie, je rencontre des milliers de jeunes et je suis toujours à l'affût des nouvelles tendances.
    Bien qu'il s'agisse d'une question encore très pertinente, l'équité salariale ne retient pour ainsi dire plus l'attention des chercheurs. J'ai cherché dans Google Scholar tous les articles sur l'équité salariale au Canada et ailleurs. Ce n'est qu'à la septième page d'écran que j'ai trouvé un article publié après 2004. Presque toutes les recherches sur lesquelles on se fonde et dont on parle ont été effectuées entre 1988 et 1992 environ. À l'époque, il y avait une abondance d'études sur l'équité salariale.
    Cet enjeu a progressivement été délaissé. Néanmoins, il faut dire que les grandes réalisations dans le domaine ont été documentées. Pendant des décennies des sommes considérables ont été versées à des consultants qui s'employaient à fournir des données très pointues entre autres sur la capture des politiques, les courbes de régression linéaire et les comparateurs. J'ai moi-même participé à ce genre de recherche. Les consultants ont reçu presque autant d'argent pour leurs services que les femmes qui avaient vraiment besoin de rajustements salariaux.
    Les entreprises et les employeurs se sont empressés de faire des études, mais ont été très lents à agir. Lorsque les tribunaux ont été saisis de la question de l'équité salariale, le ton est devenu plus antagoniste que jamais. Il reste peut-être encore du travail et de la recherche à faire en matière de politiques et des mesures à prendre, mais l'époque de la recherche sur cet enjeu semble révolue. Je tenais à faire état de cette situation qui me laisse plutôt perplexe.
    L'effort final que nous consentons maintenant vise l'objectif le plus difficile à atteindre, en l'occurrence l'équité absolue et la justice sur le plan salarial. Je souhaite également faire état des problèmes qui se sont manifestés dès le début et qui je crois étaient encore présents vers la fin du processus de rajustement des salaires. La loi concernant l'équité salariale est généralement respectée. Il faudrait maintenant réclamer l'équité pour d'autres groupes.
    À l'université où je travaille, il y a deux ans, toutes les femmes du corps enseignant ont reçu un rajustement salarial de 2 % ainsi qu'une augmentation d'échelon en fonction des années de service. Cela s'est fait sans tambour ni trompette et sans que les collègues masculins ou les syndicats ne s'interposent pour réclamer un règlement différent. C'est une victoire sur le plan de l'équité salariale quand un employeur reconnaît simplement et naturellement l'existence d'un écart et qu'il prend les mesures correctives qui s'imposent sans faire appel à des consultants et sans mener des études d'envergure. L'employeur a examiné les données et a décidé de remédier au problème de façon définitive et de continuer à surveiller la situation.
    Certaines des meilleures études jamais réalisées sur les écarts salariaux en milieu universitaire révèlent l'existence d'un écart inexpliqué de 5 %, même une fois que toutes les variables possibles ont été contrôlées. J'apprécie vraiment que l'Université de la Saskatchewan ait tout simplement décidé de combler ce mystérieux écart.
    En dépit de toutes les difficultés liées à la mesure et à la mise en oeuvre de l'équité salariale, je soutiens qu'il s'agit de l'un des principes des droits de la personne les plus simples à appliquer, parce qu'il est relativement facile de mesurer la rémunération et de la consigner. D'autres problèmes comme les heures de travail et les heures supplémentaires pour éviter de donner des avantages sociaux aux nouveaux employés... Les employeurs exercent parfois énormément de pressions sur les employés pour qu'ils fassent des heures supplémentaires déraisonnables. On note également des problèmes d'admissibilité aux soins dentaires et orthodontiques pour les enfants. Les rendez-vous médicaux pour les parents âgés et pour les enfants à charge pendant les heures de travail normales posent un épineux problème car les médecins ont à juste titre réduit leurs heures de travail pour avoir une vie plus normale. Cela crée cependant un problème pour les travailleurs.
    Les travailleurs se demandent comment il est possible d'avoir des enfants et de faire preuve de la loyauté voulue envers son employeur pour gravir les échelons au cours de cette période très importante de la vie professionnelle où on est bien rémunéré.

  (1945)  

     On a relevé en milieu de travail d'innombrables problèmes qui ne sont pas liés à la rémunération. L'équité salariale entre les hommes et les femmes est importante, mais le Comité doit également se pencher sur les problèmes d'équité salariale auxquels sont confrontés les immigrants qui ont un accent étranger, les minorités visibles, les Premières Nations et d'autres groupes.
    L'écart salarial le plus préoccupant au Canada est celui qu'on constate entre les hommes blancs et les Canadiens de naissance appartenant à une minorité visible. En 2005, cet écart était de 17 %. Quand on compare l'écart entre les Blancs et les Noirs, on constate que ce sont les hommes noirs qui sont les plus défavorisés puisque l'écart est de 24,3 % dans le secteur public et de 35,5 % dans le secteur privé. Lorsque toutes les variables sont prises en compte dans les études, à l'aide des techniques les plus rigoureuses, le mystérieux écart demeure quand même supérieur à 11 %. Les études ont révélé moins d'écarts dans les données concernant les groupes de femmes. Ce sont les données concernant les hommes qui présentent un énorme écart. Par ailleurs, si on compare les femmes et les hommes des Premières Nations, les écarts sont encore plus nombreux et plus considérables. Les données concernant les femmes uniquement ne révèlent pas des écarts aussi alarmants que pour les groupes d'hommes. Cette étude est des plus intéressantes.
    Voici une autre question qui pique ma curiosité. Les femmes qui, comme moi, ont obtenu la pleine équité dans tous les aspects de leur travail et de leur vie, prennent-elles leur retraite plus tôt que les hommes dans une situation comparable? Sommes-nous plus fatiguées, notamment parce que nous avons mis des enfants au monde et que nous les avons élevés, tout en luttant pour obtenir l'égalité? De nombreuses études révèlent que lorsque les femmes touchent un salaire égal à celui des hommes, elles sont soumises à des normes de rendement plus élevées. Les femmes travaillent très dur pour un salaire égal à celui des hommes, lorsqu'elles l'obtiennent. Je connais peu de femmes de mon âge — j'ai presque 60 ans — qui sont avocates, médecins ou qui exercent une autre profession libérale, qui travaillent d'aussi longues heures que leurs collègues masculins. Nous sommes l'exception.
    J'estime que les femmes qui ont une situation comparable à la mienne décident prématurément de prendre leur retraite ou de travailler à mi-temps. Quelles sont les répercussions des différents choix liés à la retraite que font les hommes et les femmes et comment relèvent-ils les défis qui se présentent à eux pendant le troisième âge? On sait que les femmes vivent beaucoup plus longtemps que les hommes, mais si elles prennent leur retraite plus tôt à cause des pressions auxquelles elles sont soumises, le problème n'est pas réglé. Doivent-elles étirer leurs prestations de retraite et leurs économies? Éprouvent-elles des difficultés financières? Sont-elles également plus susceptibles de...
    Madame Taras, je vous prierais de conclure. Merci.
    D'accord.
    En dernier lieu, je tiens à souligner qu'absolument aucune étude n'a été réalisée sur l'âge du mariage et sur la différence de deux ans et demi entre les hommes et les femmes. On estime plus judicieux sur le plan financier qu'une femme laisse le marché du travail parce que son mari a deux ans et demi d'avance sur elle en termes de carrière. Cet aspect de la question n'a jamais été étudié, mais je soutiens qu'il a probablement un effet considérable sur l'écart salarial. Cette variable manquante me semble fort intéressante.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup, madame Tanas. Si vous le souhaitez, vous pourrez fournir plus de détails dans vos réponses aux questions ou dans un mémoire écrit.
    Certainement.
    Nous accueillons maintenant Mme Margot Young, qui est professeure à la faculté de droit Allard, de l'Université de la Colombie-Britannique. Madame Young, vous disposez de sept minutes.
    Je suis ravie de témoigner devant le Comité. J'estime que vous faites un travail extrêmement important.
    Mon exposé d'aujourd'hui portera sur le principe de l'équité salariale que doit respecter le Canada aux termes des engagements qu'il a pris en matière d'égalité, tant au niveau national qu'international.
    D'entrée de jeu, je signale, comme vous le savez déjà, que l'équité salariale est un droit humain fondamental et que, partant, l'étude que mène le Comité sur la question est de la plus haute importance.
    Les droits de la personne comportent trois dimensions incontournables. Premièrement, ce sont des exigences non négociables qui nécessitent une attention immédiate. Deuxièmement, étant donné que, par définition, le respect de ces droits constitue une obligation de gouvernance, la réponse à une plainte pour violation d'un de ces droits doit être de nature législative et prévoir une mise en oeuvre administrative. En dernier lieu, le respect de ces droits exige la mise en place de mécanismes de reddition de comptes, notamment l'établissement d'un calendrier législatif, de résultats visés clairs et de procédures d'examen de conformité de même que la prise de mesures d'application en cas de non-conformité.
    Le gouvernement fédéral n'aura pas vraiment souscrit au principe de l'équité salariale, tant qu'il n'aura pas entièrement respecté ses obligations à l'égard de ce droit de la personne.
    Pour ce qui est de l'équité entre les sexes sur la scène politique, j'estime que des slogans comme « Nous sommes en 2015 » resteront des paroles creuses tant que n'aura pas été adoptée une loi assurant la pleine équité salariale. Comme le gouvernement s'est engagé à prioriser l'égalité entre les sexes et qu'il en a même fait la promesse, il est essentiel qu'il effectue des réformes en vue d'atteindre l'équité salariale.
    Je ne passerai pas les statistiques en revue. Nous savons tous qu'elles sont déplorables. L'écart salarial pour les femmes qui occupent un emploi rémunéré à temps plein pendant toute l'année s'est creusé depuis 1995. Une récente enquête du Forum économique mondial place le Canada au 80e rang pour ce qui est de l'équité salariale. Pour remédier à ces injustices, notamment sur le plan de la rémunération, il faut un train de mesures efficaces visant l'équité salariale.
    Mon exposé comporte trois parties qui sont axées sur la reconnaissance du droit à l'équité salariale et sur l'obligation du Canada de le respecter.
    Premièrement, je me pencherai brièvement sur les engagements internationaux du Canada et sur le fait que notre pays n'a pas respecté ses obligations au chapitre de l'équité salariale. Deuxièmement, je parlerai très brièvement et de façon très générale des engagements constitutionnels nationaux qui devraient obliger le gouvernement à légiférer pour assurer l'équité salariale. En dernier lieu, je recommande au Comité certaines ressources utiles qui sont disponibles en ligne et où est exposé très clairement le point de vue féministe sur les obligations au titre de l'équité salariale.
    Au chapitre des obligations internationales, il est clair, en vertu du droit international en matière de droits de la personne et de droits des travailleurs, que le Canada est obligé d'assurer l'équité salariale. Je vais indiquer quelques documents qui font état de cette obligation. L'article 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels est particulièrement important puisqu'il prévoit pour tous une rémunération égale pour un travail de valeur égale.
    Dans le même ordre d'idées, l'article 2 de la Convention sur l'égalité de la rémunération, ratifiée par le Canada en 1972, prévoit que chaque membre, notamment le Canada:
...devra, par des moyens adaptés aux méthodes en vigueur pour la fixation des taux de rémunération, encourager et [...] assurer l'application à tous les travailleurs du principe de l'égalité de rémunération entre la main-d'oeuvre masculine et la main-d'oeuvre féminine pour un travail de valeur égale.
    Cette convention précise que cela peut être fait au moyen de lois nationales ou d'institutions nationales reconnues, de conventions collectives ou d'une combinaison de ces divers moyens.
    Je cite maintenant l'article 11 de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la CEDAW, qui a été adoptée par le Canada en 1981, et qui prévoit que « Les États parties s'engagent à prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine de l'emploi », afin de leur assurer le bénéfice d'un travail « d'égale valeur ». La convention dispose clairement que les États parties sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l'équité salariale
    La Déclaration et le Programme d’action de Beijing — qui font état de ces obligations — prévoient également que les gouvernements ont l'obligation positive de garantir le droit à l'équité salariale pour un travail d'une valeur égale.

  (1950)  

     La Convention de l'OIT concernant la discrimination qui a été ratifiée en 1964 présente un point de vue similaire. Il y est dit à l'article 2 que tout « Membre pour lequel la convention est en vigueur s'engage à formuler et à appliquer une politique nationale visant à promouvoir » l'égalité en matière d'emploi.
    Il va sans dire que la communauté internationale a noté que le Canada a failli à son obligation à l'égard de l'équité salariale. En mars 2016, soit le mois dernier, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a fait savoir par écrit qu'il était préoccupé de la disparité salariale entre les sexes au Canada.
    À la section 22 des conclusions de son examen périodique du Canada, le comité a recommandé que le Canada élabore et mette en oeuvre une politique nationale exhaustive sur l'égalité entre les sexes qui comprendrait plus particulièrement la mise en oeuvre de meilleures mesures législatives pour assurer aux femmes l'équité salariale.
    L'année dernière, soit en 2015, dans le cadre d'un examen périodique du Canada au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a exprimé des préoccupations similaires au sujet des inégalités persistantes entre les hommes et les femmes dans le domaine de l'emploi. Le comité s'est dit particulièrement inquiet de l'écart salarial qui pénalise les femmes au Canada et il a noté que cet écart est plus prononcé dans certaines provinces, qu'il affecte d'une façon disproportionnée les femmes à faible revenu, notamment celles qui appartiennent à des minorités visibles et aux Premières Nations, et il a recommandé très précisément que le Canada redouble d'efforts pour garantir l'équité salariale pour un travail de valeur égale afin d'assurer la mise en oeuvre de l'ensemble des recommandations du groupe de travail sur l'équité salariale.
    Je conclus cette première partie de mon exposé en répétant que les comités internationaux des droits de la personne ont clairement dit que le Canada n'a pas respecté ses obligations internationales en matière d'équité salariale.
    Le prochain...

  (1955)  

    Votre temps de parole est écoulé. Je suis désolée.
    Je conclus simplement en disant que je me ferai un plaisir de parler des obligations en vertu de la Charte et des mesures concrètes qui doivent être prises au titre de l'équité salariale en tant que droit de la personne.
    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole au premier questionneur. Madame Dzerowicz, vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente. Je signale que je partagerai mon temps de parole.
    D'entrée de jeu, je remercie les témoins de leurs excellents exposés. Je suis désolée que nous soyons pressés par le temps, mais nous estimons que votre contribution est très importante. D'autre part, comme énormément de nouveaux éléments ont été présentés aujourd'hui, je vous invite à nous faire parvenir le texte de votre exposé. Il faut plus que les 30 minutes dont nous disposons aujourd'hui pour vraiment bien intégrer ce qui a été dit, particulièrement par vidéoconférence. Personnellement, j'ai besoin de plus de temps pour bien saisir la portée de vos paroles.
    J'ai trois brèves questions. Monsieur Engelmann, vous avez d'abord dit que vous appuyez fermement le point de vue ainsi que les recommandations du rapport Bilson, mais vous avez ajouté que vous aimeriez suggérer certaines modifications. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet?
    Je vais poser mes trois questions tout de suite.
    Madame Lahey, vous avez dit que les pays qui appuient l'équité salariale ont une économie plus durable. Pourriez-vous citer l'exemple de un ou de deux pays que le Comité pourrait examiner de plus près dans le cadre de ses travaux en vue de l'élaboration d'une mesure législative? Je vous remercie à l'avance.
    Madame Taras... Vous avez présenté énormément d'éléments nouveaux. Je suis certaine que vous connaissez bien le rapport Bilson. Pourriez-vous nous indiquer une ou deux recommandations en particulier que le Comité devrait examiner de plus près en vue de l'élaboration d'une mesure législative sur l'équité salariale? Je suis impatiente d'entendre votre point de vue.
    Merci beaucoup.
    Je pourrais y aller en premier.
    Aucun élément du rapport ne me pose problème. Je crains seulement que ce soit peut-être trop ambitieux d'essayer de tout faire en même temps. Par exemple, lorsque l'équité salariale a été mise en oeuvre de manière proactive en Ontario, cela s'est fait de façon graduelle pour certains aspects. L'introduction s'est faite graduellement pour les employeurs. Des exigences se sont appliquées aux grands employeurs avant de s'appliquer aux petits. Vous pourriez envisager une telle approche.
    Pour ce qui est de l'idée de l'étendre à d'autres domaines, je ne dis pas que c'est une mauvaise idée. En fait, je suis d'accord. De nous pencher sur les entrepreneurs dépendants au lieu des employés ou d'examiner le Programme de contrats fédéraux... Ce sont des initiatives ambitieuses et pertinentes. Cela visera entre autres les universités. Cependant, si vous le faites, vous devez avoir des mécanismes d'exécution de la Loi. Par le passé, il arrivait que seulement deux personnes s'occupent des évaluations dans le cadre du Programme de contrats fédéraux pour l'équité en matière d'emploi. Dans de telles situations, il n'y a pas vraiment d'évaluations de conformité. Si vous vous fixez des objectifs ambitieux et que vous voulez une loi ambitieuse, il faut des fonds pour son exécution.
    Je m'inquiète de la discrimination intersectorielle. J'ai plaidé de nombreuses causes liées aux droits de la personne, et la discrimination intersectorielle était un facteur dans bon nombre de ces causes. Cela ne fait aucun doute; cette discrimination est bien réelle. C'est encore une fois un aspect que vous pourriez mettre en oeuvre graduellement. Il est important de bien le faire au départ. Il est plus facile de nous attaquer d'abord à la ségrégation professionnelle en ce qui concerne les questions habituelles d'équité salariale et la prédominance sexuelle, puis de poursuivre graduellement la mise en oeuvre. Il y a beaucoup à faire à ce chapitre. Vous devez faire appel à des spécialistes pour ce faire. C'est essentiel. Je ne suis pas certain que le rapport Bilson affirmait que cette question ne devait plus relever de la Commission fédérale des droits de la personne. Je vous suggère fortement de le faire pour que cette question soit traitée à juste titre comme une priorité. Autrement, le financement à cet égard se perd dans les autres fonds affectés à la Commission. Cette question nécessite son propre organisme et un tribunal distinct. Nous avons perdu beaucoup de temps à prouver que l'écart entre les sexes, de même que d'autres éléments ridicules, est une réalité au Canada. Nous avons maintenant des lois proactives qui nous aideront.

  (2000)  

    Madame Lahey, allez-y.
    En ce qui concerne votre question sur les autres pays, je dirais qu'il serait utile de se pencher sur le cas de la Suède et de la Norvège. Ces deux pays ont été parmi les premiers à prendre les mesures qui s'imposent concernant la garde d'enfants, l'éducation préscolaire, les lois contre la discrimination, etc. Cependant, je vous préviens qu'aucun pays n'est parfait. Cela semble être pratiquement une loi non écrite que, si un pays a un excellent bilan en matière d'équité salariale, il aura des lacunes à d'autres égards. Ce pays sera peut-être aux prises avec une forte stratification professionnelle, comme c'est le cas de la Suède, ou d'autres lacunes. Aucun pays ne le fait parfaitement, mais bon nombre de pays le font beaucoup mieux que pourrait l'espérer le Canada dans ses rêves les plus fous.
    J'ajouterais également le Québec à cette liste. Toutes les analyses détaillées de microsimulation que j'ai réalisées au cours des dernières années démontrent clairement que le Québec, grâce à ses mécanismes proactifs en matière d'équité salariale, à son système proactif de garderies subventionnées et à ses services de garde subventionnés, connaît un meilleur taux d'activité et que la disparité salariale entre les sexes y est plus faible.
    Il serait également pertinent de se pencher sur le cas de l'Espagne. Même si ce pays a dû relever d'énormes défis après la récession, il a commencé à adopter des mesures liées à l'équité salariale, à investir dans les garderies et à élaborer des programmes d'éducation préscolaire. Ces mesures ont donné des résultats remarquables.
    Je vous suggère aussi d'examiner le nouveau décret d'Obama, qui comprend des détails concernant les salaires versés par les employeurs dans certains secteurs importants. Si les employeurs consignaient les données — pas les noms, mais bien les chiffres et les caractéristiques démographiques des employés — et que beaucoup de données étaient accessibles, le processus de vérification de la conformité serait beaucoup plus simple. Cela inciterait les gens à prendre plus rapidement des mesures en vue de corriger le problème.
    Je m'excuse, madame, mais je crois que la troisième question s'adressait à Mme Taras.
    Bon sang, d'accord. Je serai brève.
    Je ne suis pas d'accord avec le rapport Bilson. À mon avis, ce sont les menus détails qui posent problème. Je trouve que le rapport imposait grandement la manière dont fonctionneraient exactement les comités et leur création. Le rapport voulait que l'équité salariale ait son propre comité. Nous avons déjà un comité de santé et de sécurité au travail. J'obligerais plutôt les employeurs à collaborer avec leurs employés pour élaborer le mécanisme le plus approprié dans leur cas. Un grand nombre de groupes où sont représentés des employés syndiqués ou non syndiqués pourraient aborder l'équité salariale en même temps que le racisme, le harcèlement et d'autres enjeux. Je ne comprends pas pourquoi accorder à l'équité salariale le privilège d'avoir un comité distinct. C'est ma seule objection relativement au rapport. Je n'ai jamais vu un rapport imposer une telle structure pour une question liée au milieu de travail. Ce n'est pas le cas pour les heures de travail ou les avantages sociaux; c'est seulement pour l'équité salariale. J'aimerais que ce soit moins normatif.
    Merci.
    Je m'excuse de devoir vous interrompre, mais je tiens à m'assurer que nous avons le temps de poser toutes nos questions avant la fin de la réunion.
    Sur ce, notre prochaine intervenante est Mme Gladu. Vous avez sept minutes.

  (2005)  

    Je me fais l'écho des commentaires de mes collègues. Je vous remercie énormément de votre présence devant notre comité, et vos exposés étaient excellents.
    Je tiens particulièrement à saluer Kathleen, parce que je suis diplômée de Queen's.
    Mes questions porteront aussi sur le rapport de 2004 et sa mise en oeuvre. Il y a 15 pages de recommandations. Selon vous, quelles sont les priorités?
    J'ai trouvé intéressants les commentaires, à savoir de commencer par les grands employeurs avant de passer aux petits. Nous pourrions attendre à plus tard pour traiter des entrepreneurs dépendants, parce que c'est complexe. Nous pourrions nous attaquer en premier à l'équité salariale relativement aux femmes avant de passer à la discrimination intersectorielle. Ce sont de bons commentaires, mais nous avons entendu, relativement au contenu du rapport, que la loi est l'une des premières étapes, que l'arbitrage des plaintes et l'exécution de la loi sont importants et que le programme d'équité salariale de l'employeur est également important.
    J'aimerais savoir ce que devrait être, selon vous, la priorité.
    J'aimerais tout d'abord dire que les commentaires de Mme Taras me laissent perplexe, lorsqu'elle dit que c'est trop normatif.
    Le problème que nous avions et qui a prolongé de plusieurs mois les procédures était notamment que l'Ordonnance de 1986 sur la parité salariale n'était pas suffisamment normative. Bell Canada avait de son plein gré réalisé une excellente étude sur l'équité salariale et a ensuite désavoué sa propre étude en prétextant que cela ne respectait pas certaines normes. C'était bizarre. Cela s'est produit lorsque l'entreprise a commencé à réaliser ce que la réduction de la disparité entre les sexes lui coûterait vraiment.
    La ligne est mince entre être trop normatif et pas assez.
    Je crois que le rapport de Mme Bilson était plus normatif, parce qu'à l'époque nous avions l'affaire Bell Canada et que nous étions déjà allés deux fois devant la Cour suprême du Canada. Il faut donc jouer de prudence à cet égard.
    Tous les témoins ont mentionné que l'écart s'accroît encore une fois. Le problème, c'est que certaines dispositions de maintien dans la loi ontarienne ne sont pas suffisantes. Le rapport Bilson mentionne notamment le besoin de réviser les programmes. À mon avis, ce qu'elle entend par le maintien, c'est une meilleure protection que ce que nous voyons en Ontario et au Québec. Je crois qu’il y a là certains éléments positifs.
    J'aimerais aller du côté de Kathleen. Qu'en pensez-vous?
    Madame Lahey, allez-y.
    Pour ce qui est des responsabilités proactives, je suis d'accord que nous devrions d'abord viser les grands employeurs, mais je crois également qu'il faut des mécanismes pour donner aux personnes à la merci de leur employeur les moyens de définir les groupes comparables pour faire appel à une forme d'expertise externe. Je n'ai pas vu de mécanismes efficaces ici ou ailleurs. Les employeurs choisissent immanquablement de comparer les travailleurs les plus vulnérables avec des personnes qui occupent, par exemple, des postes de sauveteurs l'été. Ce sont des comparaisons on ne peut plus inadéquates. Il n'y a vraiment aucune marge de manoeuvre. La hiérarchie entre les sexes en milieu de travail est telle que beaucoup de personnes sont réduites au silence et ont vraiment peur d'exprimer leurs opinions durant les périodes de révision des programmes d'équité salariale.
    Je suis d'accord qu'une meilleure surveillance et le maintien de cette obligation doivent vraiment faire partie intégrante de la culture de gestion d'entreprise.
    J'aimerais entendre ce qu'en pense Margot Young.
    Merci.
    Je vais réitérer de manière abstraite bon nombre des points qui ont déjà été soulevés.
    Je vous demande de ne pas conclure à la légère que les détails sont un problème. Je crois que les poursuites en la matière démontrent que l'absence de précisions et de détails importants était un problème.
    J'aimerais d'abord dire qu'un système proactif est universellement considéré comme nécessaire, mais c'était une caractéristique hautement problématique dans les programmes actuels et proposés d'équité salariale. Deuxièmement, il faut préciser la terminologie ambiguë et corriger le criant manque d'orientation quant à la méthodologie, parce que cela a semblé grandement jouer en notre défaveur. Il faut en préciser les détails. Enfin, je dirais que les procédures d'exécution de la loi sont essentielles. Les protections en place n'ont aucune importance si l'exécution est déficiente.
    L'exécution efficace de la loi nécessite au moins des mécanismes et des organismes officiels avec des personnes et des entités qui sont chargées de son exécution. Il faut prévoir un financement adéquat pour les personnes qui sont chargées de l'exécution et les gens, en particulier ceux qui n'ont aucun pouvoir dans leur milieu de travail, qui veulent entreprendre des démarches. J'inclurais également des fonds dans ce cadre pour offrir de l'aide en vue de ne pas tout simplement laisser les travailleurs à eux-mêmes. La surveillance est une étape importante de l'exécution de la loi.

  (2010)  

    D'accord. Très bien.
    Je cède la parole à ma collègue.
    Madame Lahey, je trouve cela très intéressant, et j'aimerais parler de l'Allocation canadienne pour enfants et des répercussions possibles que cela pourrait avoir sur les femmes. Je serais portée à croire que, si cette allocation avait un effet, ce serait un effet positif, parce qu'elle leur donne plus d'argent dans les poches.
    Je ne comprends pas. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi recevoir plus d'argent aurait un effet négatif? J'aimerais seulement comprendre le lien entre les deux.
    Voici le lien. Dans un couple, lorsque vient le temps de décider qui aura un emploi rémunéré et qui aura un travail non rémunéré, la personne qui ira sur le marché du travail est celle qui peut gagner le meilleur revenu. Étant donné que les hommes sont très souvent le soutien économique du ménage, les femmes s'occupent des tâches ménagères. Lorsque nous remettons de l'argent aux femmes pour essayer de réduire le manque à gagner qu'ont de nombreux ménages — au moins la population de la tranche inférieure de 40 % —, nous subventionnons littéralement les femmes pour qu'elles restent à la maison et qu'elles s'occupent des enfants, alors qu'elles préféreraient peut-être occuper un emploi rémunéré, compte tenu de leurs études et de leurs possibilités actuelles d'emploi.
    Les données disponibles à ce sujet le démontrent très clairement. De plus en plus de femmes optent pour un travail non rémunéré en vue de s'occuper des enfants de leurs enfants ou de leurs propres enfants. Les femmes ne peuvent tout simplement pas gagner un salaire concurrentiel par rapport aux diverses subventions liées à la garde d'enfants et au travail non rémunéré qui sont omniprésentes dans la Loi de l'impôt sur le revenu, les régimes d'assurance-emploi et les diverses lois fiscales au pays. Plus de 170 dispositions offrent des avantages directs ou fiscaux aux femmes qui ont un travail non rémunéré.
    Merci. Malheureusement, il ne reste plus de temps pour répondre à cette question, et nous voulons nous assurer de donner à tout le monde l'occasion de poser des questions.
    Madame Benson, vous avez sept minutes.
    Je remercie énormément tous les témoins de leur excellent exposé. Nous commençons à avoir un aperçu de la situation. Je sais que vous comprenez que nous essayions d'être pragmatiques et de proposer rapidement quelque chose pour que la situation évolue, étant donné que rien n'a été fait.
    Ma première question s'adresse à Me Bauman ou à Me Engelmann. Vous avez parlé de l'expertise en matière d'équité salariale. Nous avons entendu d'autres personnes utiliser cette expression, et je ne comprends pas vraiment ce que c'est. Pourriez-vous nous en parler brièvement?
    Absolument. Un certain nombre de consultants réalisent des travaux sur l'équité salariale au pays, principalement en Ontario et au Québec en raison de leurs lois proactives, mais ailleurs également.
    Par exemple, dans des affaires fédérales, nous avons dû former des panels qui avaient de l'expérience dans le domaine des droits de la personne, mais qui n'en avaient pas dans le domaine de l'équité salariale. Je pense notamment au témoignage de Pat Armstrong, une grande spécialiste dans le domaine des femmes et du travail, qui a parlé de l'évolution des lois sur l'équité salariale, du concept d'un salaire égal pour un travail égal et des mesures proactives en matière d'équité salariale. Il y a aussi Paul Durber, qui était directeur de l'équité salariale de la Commission canadienne des droits de la personne à l'époque où cette division existait encore. Paul a travaillé avec le tribunal et la commission au Québec et en Ontario. Il possède donc des connaissances dans ces domaines.
    Par ailleurs, outre les grands groupes d'experts-conseils, de nombreux consultants en matière d'équité salariale ont élaboré des programmes d'équité salariale et des programmes sans distinction de sexe. Le programme d'évaluation doit bien rendre compte de la valeur du travail des femmes et vraiment se faire sans distinction de sexe.
    J'aimerais brièvement ajouter que l'équité salariale peut être un domaine très technique. Ce n'est pas exactement la même chose que les droits de la personne, par exemple. Voilà pourquoi il arrive parfois que des commissions qui n'ont pas d'expertise en la matière doivent prendre beaucoup de temps pour se faire expliquer les détails techniques et la manière de procéder adéquatement en ce qui a trait à l'équité salariale.

  (2015)  

     Merci.
    Madame McInturff, en ce qui a trait à l'une des questions que nous avons posées aux témoins, j'estime que vos commentaires seront très précieux, en raison des recherches que vous avez effectuées.
    Mon souhait serait que nous réalisions enfin l'équité salariale au niveau fédéral, pour les employées des secteurs privé et public, et que nous élaborions une mesure législative. Dans votre exposé, vous avez parlé d'autres facteurs liés à l'écart salarial, qui est une question plus vaste. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il s'agit ici d'une étape importante, que nous ne devrions pas attendre que tout soit parfait et que nous pourrions bel et bien avoir une incidence sur la vie des femmes si nous adoptions une loi fédérale sur l'équité salariale?
    Eh bien, oui, de toute évidence, je pense que nous devons agir le plus tôt possible. Il faut bien faire les choses, et je ne préconiserais pas le contraire, mais je crois qu'une mise en oeuvre graduelle pourrait être...
    C'est peut-être là le défi.
    ... la façon la plus pratique d'aller de l'avant. Par exemple, la question des femmes dans les conseils d'administration ou dans le monde des affaires a suscité beaucoup d'intérêt. Mais, en réalité, lorsque nous parlons de répercussions profondes sur la qualité de vie, nous devons songer aux femmes qui représentent les deux tiers des travailleurs qui touchent le salaire minimum. Pour une vendeuse au détail, qui gagne entre 12 000 et 13 000 $ par année, un écart salarial peut influer sur sa capacité de se nourrir et de se loger. C'est pourquoi j'exhorte le Comité à agir dans ce dossier, car la résolution de ce problème a des répercussions vraiment importantes sur la qualité de vie des femmes qui gagnent le moins au pays.
    Merci.
    J'en viens à ma dernière question, qui s'adresse à Mme Lahey.
    Vous avez parlé de l'approche déséquilibrée des transferts fédéraux aux particuliers. Vous avez dit que c'était 2 milliards de dollars sur un total de 25 milliards de dollars. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Oui. J'ai mené un projet de recherche sur les conséquences économiques d'une abrogation éventuelle de ces lois. D'après les résultats, les revenus moyens des femmes augmenteraient d'emblée de 3 000 $ par année. Pourquoi? Parce que les dispositions sur les transferts fiscaux aux particuliers s'appliqueraient alors à chaque personne, ce qui signifie que les revenus des femmes ne seraient plus intégrés à une unité composée de deux salariés, l'un des deux — en l'occurrence, le conjoint — ayant un salaire plus élevé. Cette augmentation serait plus notable du point de vue des revenus après impôt pour les femmes à faible revenu. De plus, une telle mesure favoriserait assurément la réduction de la pauvreté. Je suis convaincue que chacune de ces subventions pour travail partagé et non rémunéré a un effet injuste. Peu importe leur intention louable, elles nuisent aux intérêts des femmes.
    Par ailleurs, il y a un nouveau secteur qui a de quoi nous inquiéter, secteur qui n'était pas tellement dans la mire au début des années 2000. Il s'agit de la prestation rémunérée de soins, un domaine en plein essor, à voir le grand nombre de personnes qui y travaillent. Voilà le nouveau défi du point de vue de l'équité salariale. Dans le cadre de mon analyse détaillée de l'Alberta, il y avait si peu d'hommes dans ce secteur qu'il était pratiquement impossible de faire des comparaisons selon le sexe dans cette profession.
    C'est pourquoi nous en venons à établir des comparaisons au moyen de données de substitution, en essayant de trouver une autre forme de profession qui pourrait servir de comparaison raisonnable. Toutefois, si les employeurs sont autorisés à choisir, comme groupe de comparaison, des garçons de 16 ans qui tondent le gazon pour 12 $ l'heure, alors nous ne pourrons pas résoudre le problème des femmes qui travaillent dans le domaine de la prestation rémunérée de soins, et ce, dans des conditions d'emploi très précaires. Le cas de ces femmes pousse les limites des lois actuelles sur l'équité salariale qui seront intégrées dans le cadre, parce qu'elles sont souvent considérées comme des entrepreneures indépendantes ou des travailleuses autonomes, sans même être assujetties aux lois en matière d'emploi, comme les lois sur l'équité salariale.

  (2020)  

    D'accord, merci.
    Nous passons maintenant à notre dernière intervenante, Mme Nassif, qui dispose de sept minutes.

[Français]

     Je vous remercie tous de votre participation à notre réunion d'aujourd'hui, tant ceux qui sont ici, parmi nous, que nos trois invitées qui ont participé par conférence vidéo.
    Le Groupe de travail sur l'équité salariale de 2004 a recommandé, dans son rapport, que le gouvernement établisse une commission canadienne de l'équité salariale et un tribunal canadien de l'équité salariale distincts de la Commission canadienne des droits de la personne et du Tribunal canadien des droits de la personne.
    La création de ces institutions distinctes a pour but de garantir que le régime d'équité salariale bénéficie de ressources adéquates et d'une expertise suffisante. Tant la Loi sur l'équité salariale du Québec que la Loi sur l'équité salariale de l'Ontario établissent un régime proactif d'équité salariale qui s'applique tant aux employés du secteur privé qu'à ceux du secteur public, ainsi qu'un organisme de surveillance et un tribunal compétent en matière d'équité salariale.
    Croyez-vous que la création d'organismes distincts soit nécessaire à l'administration d'un régime proactif d'équité salariale? Si non, pourquoi?

[Traduction]

    Je vais répondre en anglais.

[Français]

     Cela dit, j'ai compris la question.

[Traduction]

    À mon avis, il est important que ce soit distinct, à la fois du point de vue de l'expertise et... Je ne connais pas très bien l'approche québécoise parce que j'ai acquis de l'expérience surtout en Ontario, mais l'une des critiques que j'ai entendues, c'est qu'il faut une rééducation accrue depuis que ces causes sont entendues par une cour, plutôt qu'un tribunal. Nous avons parlé d'expertise tout à l'heure. Je crois qu'il est important que les arbitres soient devant un tribunal spécialisé.
    Votre autre point, à propos des ressources, est également important, parce que si les ressources sont amalgamées à celles consacrées aux droits de la personne ou aux relations de travail, on éparpille les efforts et on n'est plus en mesure de garder ces experts et de faire le travail de surveillance qui est si important.
    J'appuie donc la recommandation de Bilson sur la création d'organismes distincts, c'est-à-dire une commission, dotée d'un mécanisme d'application, et un tribunal distinct.
    Merci.
    Quelqu'un d'autre veut-il répondre à la question?
    Madame Young, ou madame Taras...?
    Mme Taras souhaite intervenir.
    Ayant siégé à la Commission Arthurs sur le Code canadien du travail, je connais diverses normes d'emploi. Personnellement, je préférerais que les pratiques discriminatoires en milieu de travail soient traitées ensemble. Je crois qu'il y a des ensembles de pratiques et, pour ma part, je ne privilégierais pas la question du salaire par rapport aux autres enjeux. Je préconise plutôt la création d'un groupe de travail distinct. Je conviens qu'il faut de l'expertise pour comprendre la discrimination en milieu de travail ou les différents régimes de travail, mais j'aimerais qu'on aborde une multitude de questions. Je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas en élargir la portée pour y inclure un certain nombre d'obstacles auxquels se heurtent les femmes au travail. Un mandat qui ne porte que sur la question du salaire ne permet pas d'éliminer les nombreux problèmes quasi insolubles qui nous dérangent au travail et qui nous rendent perplexes.
    Je ne les considère pas comme étant séparés. Selon moi, ils font partie du même ensemble de pratiques en milieu de travail qui sont tout à fait discriminatoires.
    Quelqu'un d'autre souhaite-t-il répondre à la même question?
    Voulez-vous poursuivre vos observations ou partager votre temps de parole?
    Permettez-moi d'intervenir brièvement, et je pense que Kathleen souhaite ensuite ajouter quelque chose, elle aussi.
    Il y a une gamme de questions à examiner lorsqu'on réfléchit à la question de savoir de quelle institution devrait relever un régime d'équité salariale. Il faut un régime qui n'est pas déjà surchargé, parce que sinon, cela entraîne des retards. Il faut un régime qui bénéficie de l'expertise requise et qui dispose de ressources suffisantes. Il faut un régime qui est conçu pour être proactif et qui, partant, est doté du personnel et des ressources nécessaires. Il faut aussi une garantie d'impartialité grâce à la sécurité d'emploi et de rémunération. Voilà les caractéristiques qui devraient vous guider dans votre choix de l'institution qui accueillera le programme.

  (2025)  

    Brièvement, à titre d'information, sachez qu'aux États-Unis, Heidi Hartmann a entrepris des études à très grande échelle qui comparent, d'une part, une refonte de la main-d'oeuvre totale du secteur public — par exemple, dans l'ensemble d'un État américain — et, d'autre part, les coûts, les avantages et les types de résultats qui découlent de programmes plus ciblés axés sur l'équité salariale et la discrimination fondée sur le sexe.
    Comme on pouvait s'y attendre, la conclusion à laquelle est parvenue Mme Hartmann, c'est que les modifications liées à l'ensemble de la main-d'oeuvre sont beaucoup plus coûteuses et elles ont tendance à apporter des améliorations minimes sur le plan de l'élimination de la discrimination fondée sur le sexe. À l'autre extrême, les programmes axés directement sur la discrimination fondée sur le sexe entraînent, dans l'ensemble, moins de coûts, mais ils ont un impact beaucoup plus important sur le problème précis de la discrimination fondée sur le sexe.
    Je crois que cela mérite qu'on s'y attarde. Je peux vous fournir les références à certaines des études de Mme Hartmann, si vous voulez les examiner en détail.
    Merci.
    Il vous reste 45 secondes.
    La grande majorité des témoins que nous avons entendus jusqu'ici nous ont répété le même message — certains avec plus de vigueur et de passion que d'autres —, à savoir que le travail a été effectué il y a belle lurette et que nous devons procéder à la mise en oeuvre des recommandations faites en 2004 par le Groupe de travail sur l'équité salariale.
    Êtes-vous d'accord et, si oui, est-ce totalement ou partiellement?
    Oui.
    Des voix: Oui.
    D'accord. Il y a unanimité.
    Cela nous permet de clore la séance en toute beauté.
    Je tiens à exprimer, une fois de plus, mes remerciements les plus sincères à vous tous, chers témoins, pour votre patience, votre expertise et vos témoignages. Si vous estimez que certaines questions n'ont pas été abordées, n'hésitez pas à nous faire parvenir vos observations par écrit. Je sais que c'était très peu de temps pour fournir autant de renseignements, mais nous vous remercions infiniment d'avoir pris la peine de le faire.
    Le dernier point à l'ordre du jour est une motion, je crois.
    Oui, j'ai une motion à présenter. J'espère que le personnel de la Bibliothèque ne m'en voudra pas trop.
    Maintenant que nos délibérations tirent à leur fin — et je sais qu'il nous reste un certain nombre de témoins à entendre —, je me demande si le personnel de la Bibliothèque peut nous préparer un document sur les principaux points de décision et les options connexes à prendre à considération lorsque nous commencerons à penser à l'élaboration d'une mesure législative. Ces renseignements pourraient provenir du Conseil du Trésor, du ministère de l'Emploi, de Condition féminine ou des trois.
    Est-ce que cela concerne le projet de loi ou le rapport?
    Je dirais le projet de loi.
    En fait, vous n'avez pas besoin d'une motion. Nous pouvons tout simplement en faire la demande auprès de la Bibliothèque.
    Ah bon, d'accord.
    Y a-t-il d'autres...?
    Je tiens à signaler qu'il nous reste encore quelques témoins à entendre, et je pense qu'il est sans doute trop tôt pour demander aux analystes de commencer à prendre une orientation particulière et à faire rapport à ce stade-ci. Là où je veux en venir, c'est que nous avons encore un certain nombre de personnes à recevoir. Une fois que nous aurons entendu leurs témoignages, nous pourrons commencer à songer à la rédaction d'un rapport, assorti de recommandations. Je crois qu'il est un peu trop tôt pour choisir certains éléments, puisque nous n'avons entendu que quelques personnes sur la liste de témoins.
    Monsieur DeCourcey.
    Je ne voudrais certainement pas que les options de décisions soient de nature restrictive, mais j'estime qu'il serait utile de délimiter ou d'encadrer en quelque sorte certains des points sur lesquels nous devons prendre des décisions. À mon avis, l'arbre décisionnel devrait aussi inclure les options autres que celles qu'on nous aura présentées. Je ne pense certainement pas que c'est restrictif, mais je trouve qu'une telle information nous aiderait à formuler certaines des questions à poser aux autres témoins qu'il nous reste à entendre d'ici la fin de notre étude.

  (2030)  

    Madame Gladu.
    J'aimerais également savoir si vous pouvez nous envoyer des liens vers les lois du Québec et de l'Ontario dont on nous a parlé, afin que nous puissions examiner leur libellé et saisir les différences.
    Je crois que, dans les notes d'information antérieures, on trouve un hyperlien vers la Loi sur l’équité salariale de l’Ontario.
    Il y a déjà un lien? Comme on me remet la version imprimée, je n'y ai pas accès.
    Tout ce qui apparaît en bleu est un hyperlien vers les documents, mais je vous les enverrai de nouveau.
    Comme le temps presse, je me contenterai de dire que nous semblons vouloir demander au personnel de la Bibliothèque de nous préparer une sorte de cadre, et non pas des décisions précises. Ce document aurait pour but de nous orienter et de dégager des thèmes à partir de nos délibérations afin de faciliter un peu plus...
    Si je puis me permettre, rien n'empêche les députés de commencer à se livrer à des réflexions sur certains thèmes. Ensuite, une fois que nous nous assoirons ensemble, nous donnerons des directives à l'analyste de la Bibliothèque sur le contenu prévu du rapport et nous lui fournirons plus de contexte à cet égard. Ces conversations ont habituellement lieu après ou peu avant la fin des témoignages.
    Madame Dzerowicz.
    Nous ne sommes évidemment pas d’accord .
    C'est du nouveau.
    Encore une fois, nous n'envisageons pas de rédiger un projet de loi. Tout ce que nous disons, c'est qu'il y a certaines catégories de questions, que ce soit la portée, le modèle ou la classification d'emploi. Cela nous aide tout simplement à nous concentrer sur certaines questions et à faire preuve de constance.
    Je dirais, madame la présidente, que si le Comité souhaite obtenir des notes d'information supplémentaires, je n'y vois pas d'inconvénients. Mais la députée semblait vouloir dire que, d'après les témoignages que nous avons entendus, nous aimerions commencer à structurer un rapport. Je ne crois pas que nous en soyons là. Je n’insisterai pas davantage sur ce point. Je crois l'avoir clairement exprimé.
    À titre de précision, nous retiendrons l'idée de Mme Dzerowicz et nous ferons une demande auprès de la Bibliothèque, mais nous éviterons que ce travail impose quoi que ce soit ou qu'il tienne lieu d'une ébauche de rapport. Nous cherchons plutôt à obtenir quelque chose d'informatif, d'après...
    Il s'agit simplement d'une recherche d'information.
    Parfait.
    Comme il est 20 h 35, s'il n'y a pas d'autres observations, je vais lever la séance.
    Un grand merci à nos témoins.
    La séance est levée.
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