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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 084 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 6 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

  (1600)  

[Traduction]

    Je m'appelle Peter Van Loan. Habituellement, je ne préside pas le Comité, mais Hedy Fry, la présidente, est absente et à titre de vice-président, il me revient de la remplacer.
    En raison de délibérations précédentes à la Chambre, notre réunion sera écourtée, car nous commençons à 16 heures plutôt qu'à 15 h 30. Nous disposons donc d'une heure et demie, et nous aurons deux segments de 45 minutes. Les témoins auront 10 minutes pour présenter leur exposé et nous passerons ensuite aux questions.
    Nous commençons immédiatement. Dans le premier groupe de témoins, nous accueillons Bruce Clemenger et Julia Beazley, de l'Alliance évangélique du Canada.
    Nous accueillons également Frank Huang, du Congrès national des Canadiens d'origine chinoise.
    Nous entendrons d'abord les témoins de l'Alliance évangélique du Canada.
    Allez-y.
    L'Alliance évangélique du Canada tient à remercier le Comité de lui fournir l'occasion de participer à cette étude sur le racisme systémique et la discrimination religieuse.
    L'Alliance évangélique du Canada est l'association nationale des chrétiens évangéliques. Elle a été créée en 1964, afin de servir de forum national aux chefs des Églises et aux institutions des 4 millions d'évangéliques du Canada et pour servir de voix constructive aux principes bibliques et à la vie en société.
    Les évangéliques forment l'une des communautés religieuses les plus diversifiées sur le plan ethnique au Canada, et bien que certains des membres de notre communauté font face à de la discrimination fondée à la fois sur le racisme et sur la religion, notre exposé sera axé sur la discrimination religieuse.
    Il est rare qu'un comité parlementaire aborde des enjeux liés à la religion, et nous croyons qu'il devrait exister davantage d'occasions de participer à ce type de conversation. L'étude de votre comité est donc particulièrement importante pour cette raison. Et puisque tous les types de liberté profitent aussi du respect et de la protection accordés à la religion, cette étude est très importante.
    Le Canada est une nation d'un grand pluralisme religieux et de grandes différences. C'est à la fois une force et un défi, et il est donc important, dans le cadre de cette étude, de nous pencher notamment sur les moyens par lesquels nous pouvons favoriser une société de tolérance et de respect et travailler ensemble pour bâtir une société dans laquelle la liberté et la justice sont au premier plan. Cette étude est également essentielle en raison de l'intensification du climat antireligieux au Canada. Ce climat se traduit par une dévalorisation, une incompréhension et une crainte de plus en plus intenses face à la religion et une croyance selon laquelle la religion devrait être confinée à la sphère privée et tenue à l'écart de la scène publique.
    Le sentiment antireligieux, la désinformation et l'incompréhension mènent à la marginalisation et à la discrimination. Cette discrimination est visible dans les attaques et les incidents troublants visant des communautés religieuses — par exemple, l'horrible attaque commise contre les musulmans plutôt cette année —, dans l'augmentation du pourcentage de crimes haineux motivés par la haine de la religion, et dans des moyens plus subtils qui encouragent la marginalisation et la discrimination. Étant donné la hausse des crimes haineux commis contre la communauté musulmane, il est approprié de se concentrer sur la protection de cette communauté.
    Au Canada, les évangéliques sont moins souvent la cible de crimes haineux que d'autres groupes religieux. C'est peut-être attribuable en partie au fait que les évangéliques n'ont pas tendance à présenter un caractère distinctif visible. Notre foi et notre pratique ne requièrent pas que nous portions des symboles ou des vêtements religieux particuliers, mais les évangéliques appuient davantage le port de symboles et de vêtements religieux que la plupart des Canadiens. Toutefois, nous faisons face à un sentiment antireligieux et à une discrimination religieuse sous-jacente à l'égard de nos croyances et de nos pratiques.
    À titre d'évangélique, je sais que mes croyances sont blasphématoires ou hérétiques pour certaines personnes, et qu'elles sont complètement absurdes pour d'autres personnes. Lorsque des gens dénigrent mes croyances ou jurent en invoquant le nom de Jésus, mon Seigneur, cela me blesse, mais je dois également présenter l'autre joue, aimer mes ennemis et faire un effort supplémentaire. L'amour comprend aussi les réprimandes, mais seulement si elles sont faites avec amour et qu'elles n'ont pas un fondement haineux.
    Il existe toutefois une vulnérabilité si le pouvoir et l'influence sont liés à la capacité d'inspirer la honte et le dénigrement. Peu importe la nature de la marginalisation, de la discrimination ou des motifs haineux, la réponse du gouvernement à cette tendance et le ton de cette réponse sont importants.
    Vous trouverez des commentaires plus détaillés dans notre mémoire. Nous aimerions passer le reste de notre temps à souligner certaines de nos recommandations. Nous avons quatre recommandations de haut niveau, et chacune d'elles comprend plusieurs sous-recommandations.
    Notre première recommandation liée à une approche pangouvernementale consiste à prendre les différences religieuses au sérieux. Il y a plusieurs façons de faire cela.
    Il faut étudier le racisme systémique et la discrimination religieuse de façon indépendante, et ensuite étudier les cas de chevauchement. La race, la religion et la culture sont des notions distinctes, mais elles se chevauchent aussi. Il est donc important de les comprendre individuellement et en combinaison.
    Le gouvernement devrait s'engager de façon durable et transparente à l'égard de la liberté de religion et s'engager à la défendre de façon précise, plutôt que de l'inclure dans la catégorie plus générale des droits de la personne.
    Il faut permettre aux groupes religieux et aux fidèles d'une religion d'entretenir leurs croyances et de vivre leur foi sans faire face à la marginalisation ou à des pénalités. Ce droit est garanti par la Charte, mais il est étoffé dans des mesures législatives, des règlements et des politiques. On fera des pressions sur les gouvernements pour qu'ils cessent d'offrir des services ou des avantages à des personnes ou à des organismes qui n'adhèrent pas aux croyances communes ou aux opinions dominantes. Il revient au gouvernement de veiller à ce que tous soient traités de façon juste et équitable. Au Canada, nous devons avoir une conversation approfondie sur la question de savoir si le gouvernement ou les organismes gouvernementaux devraient pénaliser des personnes ou des institutions qui ont des croyances ou des pratiques qui sont autrement légales. On peut penser, par exemple, aux débats en cours sur l'accréditation de l'école de droit de l'Université Trinity Western et sur le port du niqab au Québec.
    Nous ne devrions pas minimiser les différences de croyances religieuses, car il existe des différences importantes. Lorsque les groupes multiconfessionnels collaborent sur des questions d'intérêt commun, nous abordons tous la question selon notre propre perspective religieuse. Nous nous mettons d'accord sur une action concertée en utilisant les ressources de nos confessions respectives. Pour les évangélistes, par exemple, la tolérance et le respect ne sont pas des valeurs laïques. Ce sont des principes enseignés dans notre groupe confessionnel. C'est également vrai pour d'autres groupes confessionnels.
    Il faut permettre aux groupes confessionnels de présenter leur point de vue lors d'un débat public. C'est un élément important d'une société libre et démocratique. Le gouvernement ne devrait pas obliger ou forcer les Canadiens à agir contre leurs croyances ou à célébrer des croyances qui vont à l'encontre de leur foi. Nous recommandons de légiférer de solides mesures liées à la protection de conscience, afin que personne ne soit forcé d'agir contre sa conscience ou contre ses croyances profondément enracinées.
    Il faut élaborer des lois qui protègent les croyances et les pratiques religieuses. L'article 176 du Code criminel est un exemple de mesure législative qui prévoit ce type de protection. Cet article ne devrait pas être éliminé, comme le propose le projet de loi C-51, mais il devrait plutôt être conservé et modifié de façon à protéger clairement tous les groupes religieux.
    Deuxièmement, une approche pangouvernementale signifie qu'il faut s'adresser directement aux groupes religieux. Nous encourageons les parlementaires à faire un effort pour s'adresser directement aux communautés religieuses et à écouter leurs points de vue. Vous trouverez de nombreux éléments de consensus et vous découvrirez que les différents adhérents font preuve de collaboration. Il faut envisager d'établir un forum pour le dialogue et la coopération, afin d'aider à favoriser les relations, à améliorer la coopération et à réfuter les stéréotypes qui créent des malentendus. Cela pourrait prendre la forme d'un dialogue annuel entre les parlementaires, les ministres et les dirigeants de groupes confessionnels ou de la création d'un groupe consultatif ou d'un conseil multiconfessionnel.
    Il faut encourager les ministères et les ministres à demander des conseils et des suggestions aux groupes religieux qui sont actifs dans l'arène politique au sujet d'enjeux qui coexistent avec des croyances religieuses au Canada. Il faut reconnaître le grand nombre de domaines différents dans lesquels se produit un chevauchement, par exemple lorsqu'il s'agit des soins aux personnes âgées, de l'appui aux enfants et aux jeunes, de la réinstallation des réfugiés et de l'aide aux pauvres ou aux sans-abri. Les gens qui participent régulièrement à des cérémonies religieuses ont tendance à offrir davantage du temps et de l'argent aux causes caritatives. Les gens qui participent assidûment à des cérémonies religieuses sont les piliers des services caritatifs. Les membres d'un conseil multiconfessionnel pourraient, entre autres, fournir des conseils sur un large éventail d'enjeux.
    Les chefs de partis et les représentants du gouvernement doivent donner l'exemple en matière de respect. Il est inapproprié de rabaisser ou de tourner en ridicule les croyances d'autres personnes. Ils devraient donc rencontrer régulièrement des représentants de communautés religieuses, afin de favoriser une meilleure compréhension et un plus grand respect.

  (1605)  

    Troisièmement, l'adoption d'une approche pangouvernementale permet de protéger le dialogue libre et éclairé. Le Parlement devrait trouver des façons de lancer une conversation durable sur les différences et l'accommodation dans une société pluraliste. Le Parlement devrait s'engager fermement à l'égard de la liberté d'expression. Le pluralisme profond engendre des situations délicates et pose des défis pour tout le monde. Nous devons donc trouver des façons de donner l'exemple en matière de civilité.
    Il ne faut pas réduire la critique au silence. Vous avez déjà entendu des préoccupations importantes selon lesquelles le mot « islamophobie » dépasse la protection des personnes pour prévenir la critique de l'enseignement d'une doctrine et d'idées religieuses. Au Canada, la notion de liberté religieuse protège la liberté des individus et des groupes d'entretenir ces croyances et de les exprimer. Elle ne protège pas les croyances elles-mêmes. Vous avez entendu certains États utiliser des mots qui décrivent la discrimination contre les Autochtones, contre les Noirs et contre les juifs. Nous vous recommandons donc d'utiliser le mot qui décrit la discrimination contre les musulmans pour parler des actes commis contre les gens de confession musulmane.
    Étant donné qu'on utilise le mot « islamophobie » dans la motion M-103 et dans le discours public, le Comité devrait définir ce mot de façon claire et précise, mais nous ne recommandons pas son utilisation dans l'ensemble du gouvernement. Dans notre mémoire, nous avons fourni quelques exemples de définitions claires et prudentes pour l'antisémitisme.
    Enfin, il faut recueillir des données de façon constante et uniforme. Il faut élaborer des normes nationales uniformes en matière de collecte, de catégorisation et de production de rapports sur les données liées à ces crimes, afin de contribuer à assurer l'uniformité à l'échelle du pays. Cela permettrait d'avoir un ensemble de renseignements uniformes pour éclairer le dialogue et l'élaboration de politiques. Statistique Canada et d'autres ministères gouvernementaux devraient consulter les communautés religieuses lors des collectes de données. De la même façon, les communautés religieuses devraient s'informer davantage sur les définitions et les protocoles de signalement.
    Il faut reconnaître les avantages et la pertinence de la religion dans la vie publique. Il faut étudier son incidence. Il ne faut pas traiter les religions comme si elles n'étaient pas pertinentes ou comme si on pouvait les séparer de la vie publique. Il faut recueillir des données sur l'incidence de la religion et sur la participation sociale des personnes religieuses.
    Merci.
    Nous entendrons maintenant le témoin du Congrès national des Canadiens d'origine chinoise.
    Monsieur Huang, vous avez 10 minutes.
    Bonjour, honorable président et membres du Comité. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité aujourd'hui.
    Je m'appelle Frank Huang. Je suis secrétaire général national du Congrès national des Canadiens d'origine chinoise. Je travaille dans le domaine des médias ethniques depuis que j'ai immigré au Canada, en 2001. J'ai travaillé comme correspondant à Radio-Canada International. J'ai été rédacteur en chef à Global Chinese Press et je suis l'un des fondateurs de New Leaf Media Inc. et de Canada Today Media Group. Je suis également commentateur pour Fairchild TV, OMNI TV et Fairchild Radio. En 2005, j'ai été l'un des récipiendaires du prix Jack Webster. Je suis maintenant directeur du D & H College ainsi que directeur du Asian Art Museum of Greater Vancouver.
    Grâce à la politique multiculturelle du Canada, à titre d'immigrant, je suis fier de notre héritage au Canada. Dans notre nouveau pays, nous pouvons nous sentir libres de parler notre langue maternelle, même devant un comité de la Chambre des communes.
    J'aimerais maintenant m'exprimer en mandarin dans le cadre de ma comparution devant le Comité.
    [Le témoin s'exprime en mandarin. Traduction de l'interprétation vers l'anglais:]
    Monsieur le président et membres du Comité, aujourd'hui, le sujet de la discussion est le racisme systémique et la discrimination religieuse. Même si le Canada est l'un des pays qui réussissent le mieux à créer l'harmonie entre les races et l'égalité religieuse, en réalité, il y a de nombreux cas de racisme et de discrimination religieuse ici. Certains d'entre eux sont explicites, mais un plus grand nombre sont implicites. Je crois que c'est en grande partie parce que les adhérents des différentes religions connaissent mal et comprennent mal les autres religions, ce qui les pousse à entretenir des préjugés au fond de leur coeur. J'aimerais vous donner quelques exemples fondés sur mon expérience personnelle.
    Tout d'abord, j'utiliserai mon propre exemple. Il y a de nombreuses années, lorsque j'étudiais en Europe, j'ai vu un homme noir et une femme blanche s'embrasser dans le métro de Paris. À ce moment-là, je me suis senti très mal à l'aise. J'avais toujours cru à l'égalité entre les races et je ne crois pas avoir exercé de la discrimination contre qui que ce soit, mais je me demandais pourquoi je me sentais tellement mal à l'aise. Après mûre réflexion, j'ai découvert qu'au fond de mon coeur, j'entretenais une discrimination implicite contre certaines races. Je n'en étais peut-être même pas conscient, mais je crois que c'est parce que je ne connaissais pas grand-chose au sujet des personnes d'origine africaine. En effet, je n'avais jamais eu l'occasion d'interagir avec elles. Plus tard, j'ai fréquenté un collège que fréquentaient aussi un grand nombre de Noirs, et j'ai eu la chance de travailler et de mener des projets avec eux, ce qui m'a permis de mieux les connaître. Maintenant, lorsque je suis témoin de la même situation, je ne me sens plus du tout mal à l'aise.
    Le deuxième exemple s'est produit à Vancouver. Le Collège D & H, où je travaille, offre un certificat TESOL pour former des enseignants d'anglais. L'an dernier, nous avons formé un groupe d'enseignants chinois. Dans le cadre de leur stage, nous leur avons demandé d'enseigner l'anglais de base à des réfugiés syriens qui arrivaient au Canada. Au début, les enseignants chinois et le personnel du collège ont manifesté certaines réserves et hésitations. Les premiers jours, ils étaient très craintifs — en particulier quelques jeunes femmes enseignantes, lorsqu'elles devaient se retrouver seules devant des musulmans adultes. Toutefois, à mesure que le cours avançait, les enseignants chinois et les réfugiés syriens ont rapidement appris à mieux se connaître, et certains d'entre eux sont même devenus amis. Dans la classe, la tension a fait place à la joie et aux rires. Rapidement, les enseignants chinois et les étudiants musulmans ont formé un groupe uni. À la remise des diplômes, certains d'entre eux ne voulaient plus se quitter.
    Cet exemple nous a appris que la communauté chinoise éprouve certainement de la crainte à l'égard de la communauté musulmane, mais ce type de sentiment est attribuable à un manque de compréhension. Une fois que ces gens ont la chance de se connaître, ce sentiment disparaît. Les membres des deux communautés peuvent donc apprendre les uns des autres et coexister en harmonie.

  (1610)  

    On exerce certainement, au sein de la communauté chinoise, une discrimination implicite à un niveau plus profond contre certaines races. De nos jours, en raison du développement rapide des médias sociaux, certains renseignements incorrects et irresponsables alimentent même ce type de discrimination.
    Mon troisième exemple s'est produit le mois dernier, lorsqu'une nouvelle sensationnaliste a été publiée au sein de la communauté chinoise en ligne. En effet, un compte du site WeChat portant le nom T*T TD Canada Trust a publié le renseignement suivant: « J'ai servi au moins 20 réfugiés qui voulaient ouvrir un compte bancaire aujourd'hui. Je viens juste d'apprendre que le gouvernement leur donne chacun 800 $ par mois et que dans le cas d'une famille composée de quatre adultes et de six enfants, cela fait 8 000 $ par mois, et cette somme n'est même pas imposable. Donc, après impôt, ces 8 000 $ par mois font 200 000 $ par année. » Ce message a été publié par un individu qui affirme être un employé de TD Bank à Montréal. Cette nouvelle a déclenché des réactions intenses au sein de la communauté chinoise et elle a été republiée à de nombreuses reprises. Elle a aussi engendré une réaction défavorable et un tollé général contre le gouvernement chinois et même contre le premier ministre. Ce type de message irresponsable encourage l'hostilité contre les réfugiés.
    Personnellement, je crois que ce type de discrimination est attribuable à un manque de compréhension et à des préjugés profondément enracinés. Pour surmonter ce type de discrimination, nous devons renforcer la communication et l'éducation.
    Ainsi, j'aimerais tout d'abord proposer de relancer les activités du ministère du multiculturalisme au sein du gouvernement fédéral, ce qui permettrait au gouvernement de diriger la coordination et l'avancement du multiculturalisme.
    Deuxièmement, sous la direction du gouvernement fédéral, on devrait également encourager les gouvernements provinciaux et municipaux à vérifier si leurs lois et leurs règlements renferment des éléments de racisme ou de discrimination religieuse et le cas échéant, à les supprimer immédiatement.
    Troisièmement, nous devrions offrir un service d'assistance téléphonique pour accepter les signalements et les plaintes de toutes les nationalités qui concernent le racisme et la discrimination religieuse.
    Quatrièmement, nous devrions mettre sur pied des groupes de travail spéciaux dont les membres surveilleraient les médias sociaux pour repérer surtout les commentaires irresponsables et trompeurs. Le cas échéant, une correction en temps réel devrait être apportée.
    Cinquièmement, davantage de fonds devaient être affectés au parrainage des communautés pour les encourager à entamer un dialogue et une communication entre les différentes nationalités.
    Enfin, nous devrions favoriser l'éducation positive et le partage d'information dans les médias, les universités et les collectivités, afin que les citoyens du pays puissent mieux comprendre l'importance du multiculturalisme au Canada.
    C'est ce que je tenais à partager avec vous. Je vous remercie de m'avoir donné la chance de vous présenter mon point de vue.
    J'aimerais remercier tous les membres du Comité.

  (1615)  

    Merci beaucoup, monsieur Huang.
    Entamons les interventions, une par parti, chacune d'une durée de sept minutes, questions et réponses.
    Nous commençons par M. Vandal, du Parti libéral.
    Je remercie les deux groupes de témoins pour leurs exposés très intéressants.
    D'abord, précisons l'objet de l'étude. C'est une motion de la députée Iqra Khalid, et je tiens à en préciser la teneur:
Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait: a) reconnaître qu'il faille endiguer le climat de haine et de peur qui s'installe dans la population; b) condamner l'islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques et [...]
    Plus loin, on lit que le gouvernement devrait:
[...] établir une approche pangouvernementale pour la réduction ou l'élimination du racisme et de la discrimination religieuse systémiques [...]

    Tel est le libellé sur lequel la Chambre des communes s'est prononcée. Les auteurs de la motion, ont reçu entretemps toutes sortes de menaces, on les a insultés, intimidés, dans leurs bureaux du Parlement et dans leurs bureaux de circonscription.
    Mon bureau de circonscription a reçu des appels disant que c'était le prélude anodin à la réduction de la liberté d'expression et à la mise en vigueur de la charia. Permettez-moi d'affirmer en ma qualité de membre du caucus libéral que jamais nous n'adopterons ou nous n'avaliserons une mesure qui entame la liberté d'expression.
    J'interroge d'abord M. Clemenger et Julia Beazley.
    D'après vous, d'où cela vient-il? Pourquoi cette réaction si négative à ce libellé visiblement inoffensif? Je vous le demande, à tous les deux. Monsieur Clemenger, vous pouvez répondre le premier.
    Je pense que la motion, de plusieurs manières, a touché un sujet froissant. Dans notre société très pluraliste, de profonds clivages séparent croyants et non-croyants. Ça provenait en partie de l'inquiétude de certains Canadiens. Le gouvernement chouchouterait-il un groupe confessionnel et pas les autres? Comme je l'ai fait observer, vu l'augmentation sensible des crimes haineux contre les musulmans, je pense qu'il est légitime de les distinguer, eux ou l'Islam. Encore une fois, la motion englobe d'autres groupes. C'est une explication partielle.
    Le mot « islamophobie » a soulevé beaucoup d'inquiétudes. Comme je l'ai dit, parmi nos expressions habituelles d'« anti-noir », d'« anti-autochtone », d'« antisémitisme », « islamophobie » se distingue. Beaucoup comprennent que sa portée est beaucoup plus large. Au Canada, la Charte protège les libertés religieuses, les croyances et la liberté d'expression du peuple, mais non les croyances elles-mêmes. Par conséquent, certains craignent qu'en employant le terme « islamophobie », on accorderait une protection plus grande que celle qu'accorde la Charte, aux musulmans par rapport aux chrétiens, aux sikhs, etc. Ça pourrait être une explication.
    De plus, je pense que ça revient à l'idée de base de notre exposé. Il faut en discuter plus souvent. Je suis dans le domaine depuis longtemps et je ne me rappelle pas qu'un comité ait déjà traité de questions de discrimination religieuse ou même de questions religieuses. C'est extrêmement rare. Nous sommes ici dans la maison du peuple. C'est donc l'endroit pour en parler. Peut-être que si on en parlait plus régulièrement, la question soulèverait peut-être moins d'étonnement ou d'anxiété.

  (1620)  

    D'accord.
    Monsieur Huang, qu'en pensez-vous?
M. Frank Huang: (interprétation):
    Comme je l'ai dit, peut-être que certains expriment leur opposition contre cette motion. Je connais des Canadiens d'ascendance chinoise qui étaient radicalement contre, parce qu'ils en savent peu sur l'islam et les musulmans. Ça les dépasse complètement. Ils ne savent pas ce qu'ils préconisent, mais ils comprennent que cette culture est différente de la leur. Les races et les codes vestimentaires sont différents... Ils s'emportent... Ils sont contre.
    Je pense que la solution consiste à favoriser la compréhension mutuelle, à donner la possibilité de se connaître mutuellement. C'est seulement ainsi qu'on se débarrassera de cette frayeur. Il faut donc que l'État, les organismes non gouvernementaux et les médias jettent des ponts entre les différentes cultures. C'est exactement ainsi que je l'ai vécu. La connaissance de l'autre dissipe les craintes et la frayeur. Actuellement, on ne connaît pas très bien l'autre. Ça crée ce genre d'obsession, d'opposition.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Madame Beazley, un commentaire?
    Depuis le tout début, une partie des reportages sur la motion dénotaient l'irresponsabilité, en décrivant de façon erronée sa nature, ses conséquences éventuelles, ses objectifs, ce qui nous a obligés à consacrer beaucoup de temps et d'énergie à informer nos membres pour rectifier les faits, notamment que la motion n'était pas un projet de loi, qu'elle permettait certaines mesures, mais pas d'autres.
    Comme Bruce l'a dit, elle nous inquiétait à cause de l'emploi du mot « islamophobie », mais pas à cause de l'obligation, pour nous, de condamner carrément la haine des musulmans et la discrimination contre eux, mais nous devions aussi faire très attention au choix des termes. Par exemple, vous avez dit qu'une motion a été adoptée il y a un certain nombre d'années, au Parlement, sur l'antisémitisme. C'était très clair, parce qu'il s'agissait de discrimination et de haine contre le peuple juif. Ce n'était pas pour prévenir les critiques contre Israël ni...
    Désolée. Mon temps est écoulé.
    Très bien. Au suivant, du Parti conservateur. Monsieur Anderson, je crois.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins d'être ici.
    Poursuivons cette discussion sur l'islamophobie. Employez-vous la définition ou le mot? Dans l'affirmative, qu'utilisez-vous?

  (1625)  

    Non. Encore une fois, nous recommandons au Comité d'employer les expressions « haine des musulmans », « discrimination contre les musulmans », « haine des musulmans et discrimination contre eux » Encore une fois, nous devons vous prévenir que vous devrez peut-être définir le mot pour les besoins du rapport, puisque le terme est dans l'usage, mais sans en recommander l'emploi à l'ensemble du gouvernement et en recommandant que le gouvernement emploie l'expression explicite « haine des musulmans ».
    Je suppose que l'un de nos problèmes est d'avoir reçu tant de propositions différentes, entre la notion englobant les sentiments froissés et l'idée selon laquelle la définition n'a pas d'importance, que quelqu'un, à l'étranger, en concoctera une à sa manière et qu'il l'emploiera de toute façon. Qu'en pensez-vous?
    C'est la raison pour laquelle vous pourrez vouloir définir le terme, mais encore une fois, recommandez de ne pas l'employer et que le gouvernement soit très explicite, s'il s'attaque à la discrimination contre les musulmans ou à la haine des musulmans, et qu'il emploie ensuite le terme.
    D'accord. J'ai peu de temps. Au sujet du projet de loi C-51, vous préconisez plus précisément d'y laisser l'article 176. Est-ce tout ce que vous avez besoin de dire à ce sujet?
    Oui. Nous croyons que c'est dans l'ordre des choses de l'amender, mais quand il est question de clergé, dans un souci de clarté. Je pense que par « clergé » on entend les rabbins, les imams et ainsi de suite, mais si un peu de clarté ne faisait pas de tort, il faudrait employer autre chose.
    D'accord. Merci.
    Changement de sujet: Vous avez parlé de leadership ou de quelque chose de ce genre-là dans notre pays. La semaine dernière, on a publié le discours prononcé par notre gouverneure générale, et, que dire, si ce n'est qu'elle a compromis la neutralité de son poste dans un certain nombre de domaines. Je ne crois pas qu'on puisse dire autre chose que, essentiellement, elle s'en est prise à beaucoup de Canadiens avec qui elle n'est pas d'accord et qu'elle s'est moquée d'eux. Une partie d'entre eux sont des croyants. Beaucoup ont été profondément offensés. J'en ai entendu parler chez moi, pendant la fin de semaine. Je me demande si nous devons limiter ce genre de discours?
    Comment feriez-vous? Il importe aux titulaires de charges publiques, aux représentants de la population canadienne, comme vous, les députés pour vos électeurs, de bien peser leurs mots. C'était des propos déplacés, très préoccupants. J'espère que, l'expérience aidant, elle comprendra que ses observations s'adressent aux Canadiens et qu'elle doit représenter tous les Canadiens.
    L'ironie, c'est qu'elle est une représentante officielle de la reine au Canada et que la reine elle-même est à la tête de l'Église anglicane, qui croit dans la doctrine de la création. En fait, nous lui avons écrit pour lui proposer, en quelque sorte, dans le ton de notre mémoire, une conversation. Peut-être, ne nous connaît-elle pas ni les autres Canadiens qui, nous le croyons encore, étaient l'objet de ses moqueries. Nous avons laissé entendre que, puisque nous savons qu'un certain nombre de titulaires de doctorats en diverses sciences enseignent dans des universités traditionnelles appartenant à notre alliance dans tout le Canada, cette conversation de scientifique à scientifique, sur certaines des questions qu'elle a abordées, serait féconde.
    Donnez-moi votre avis: Ne vous inquiétez-vous pas doublement que nos dirigeants profèrent de tels propos? En agissant ainsi, aggravent-ils la menace? Devrions-nous considérer ces propos comme ceux de n'importe qui d'autre?
    Absolument pas. Encore une fois, elle occupe une charge publique, et elle a tenu des propos qui marginalisent. Pensez-vous que, quand elle représente le Canada, elle me représente? Je ne fais pas partie de ceux au nom de qui elle parle, qu'elle représente et qui contribuent à la marginalisation. Ces propos blessants ne sont pas rassembleurs. Encore une fois, ils sont déplacés pour quelqu'un qui occupe ce poste.
    Quand, alors, est-ce que ça commence à devenir systémique? Si les dirigeants commencent à agir de cette manière, quelles précautions devons-nous prendre pour éviter que ça devienne systémique? Quand est-ce que ça devient systémique?
    Je pense que la solution, encore une fois, réside dans le dialogue que nous lui avons proposé, dans la droite ligne du conseil de M. Huang — parvenir à mieux se connaître mutuellement. Nous devons multiplier les foyers de mobilisation. Je pense que c'est le gouvernement, dans le contexte d'une démarche pangouvernementale. Le gouvernement a besoin d'en créer le modèle, en organisant des conversations régulières et sincères avec des croyants de diverses confessions. Nous avons proposé aux dirigeants de l'État de rencontrer régulièrement des groupes de dialogue rassemblant toutes les croyances, des groupes interconfessionnels, multiconfessionnels, de commencer à les connaître et de comprendre que le Canada est constitué de ces gens et que les discours des politiciens doivent cesser de marginaliser et de plutôt chercher à intégrer les gens.
    Est-ce suffisant? Je suppose que j'allais vous demander si vous parliez de l'importance de tenir compte de la foi dans l'élaboration des politiques publiques. Partout dans le monde, nous constatons le rôle de la religion dans les affaires étrangères, les conflits, les droits de la personne et ce genre de choses. Quel moyen particulier proposeriez-vous que nous recommandions? Suffit-il simplement d'organiser ces groupes et ces séances de discussion ou avez-vous quelque chose de plus précis à préconiser au gouvernement, un moyen ou un protocole qu'il pourrait utiliser dans l'établissement d'une politique, et qui serait notamment un objet de la discussion?

  (1630)  

    Je pense que ce serait merveilleux d'appliquer l'idée d'une collaboration entre le gouvernement et un groupe consultatif inter- et multiconfessionnel, pour l'établissement de protocoles.
    Je sais que la religion est un puissant facteur de division, d'où la réaction à la motion M-103. Je comprends que les politiciens veuillent agir avec circonspection, ils doivent le faire, ou qu'ils craignent de parler de religion et de s'engager sur le terrain des différences entre les religions, qui est un champ de mines.
    Si vous vous joignez aux groupes confessionnels, nous vous aiderons à traverser ce champ de mines et à établir des protocoles. J'aurais supposé que les détenteurs de hautes fonctions officielles devaient comprendre la nature du pluralisme profond du Canada, sur les plans culturel et religieux, ainsi que leur rôle à eux dans la démonstration d'un profond respect pour tous les Canadiens.
    Je pense que, de notre côté, nous ferions valoir que l'un des forums où nous avons essayé de le faire a été le Bureau de la liberté de religion, sous l'égide des Affaires étrangères. Merci pour l'idée.
    Je vais conclure, parce que je pense qu'il ne me reste presque plus de temps. Je m'intéresse à la réaction des médias aux observations formulées la semaine dernière. Les médias ordinaires n'ont presque pas réagi et ont été très laconiques. Dans les médias sociaux, la réaction a été considérable et frénétique.
    Avez-vous des observations sur le rôle des médias dans la préservation de la liberté de religion dans notre pays, dans la prochaine ou les deux prochaines décennies?
    Je vais ruiner votre plaisir et vous recommander d'en garder pour plus tard, parce que votre temps est écoulé.
    Au tour du NPD.
    Madame Kwan, vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leurs exposés.
    Monsieur Huang, je reconnais d'abord le courage énorme qu'il vous a fallu pour parler de vos expériences et avouer vos craintes. Nous abritons tous des craintes au plus profond de nous-mêmes, parce que nous sommes ignorants et que parfois cette ignorance nous entraîne dans un endroit où nous ne savons même pas que ces sentiments peuvent nous habiter. Il faut beaucoup de courage pour l'admettre et le dire publiquement. Je l'apprécie et je vous en remercie.
    Creusons un peu la question. Je pense que, dans votre exposé, vous avez dit, que des annonces publiées dans les médias sociaux chinois promettaient aux réfugiés qui arrivaient ici la somme de 8 000 $ par mois.
    Ai-je bien entendu?
    Oui.
    Et que cette désinformation, en se répandant, divisait la communauté. Pouvez-vous nous l'expliquer?
M. Frank Huang (interprétation):
    C'est une excellente question. J'ai apporté des documents. Ils sont en chinois.
    C'était en octobre dernier. Nous savons que dans les médias sociaux de la communauté chinoise, la principale plateforme s'appelle WeChat. Quelqu'un y prétendait être un employé de la Banque Toronto Dominion à Montréal. Il a publié une annonce selon laquelle il avait reçu au moins 20 réfugiés qui voulaient ouvrir des comptes bancaires et que chacun d'eux recevait 800 $ par mois, soit 8 000 $ pour une famille de dix, après impôt. Ça équivaut à 200 000 $ par année avant impôt. C'est vraiment un revenu de classe moyenne.
    Nous savons que c'est trompeur. Mais, comme ça se trouve dans les médias sociaux, beaucoup s'interrogent et beaucoup ont réagi très vivement en propageant à leur tour ces faussetés et en prenant à partie les réfugiés et le gouvernement canadien. Il est très difficile de régir les médias sociaux.
    Au début de mes remarques, j'ai laissé entendre que, peut-être, le gouvernement devait créer un organisme ou monter une équipe pour surveiller la sphère des médias sociaux, déceler rapidement les problèmes et arrêter les rumeurs et les mensonges dans la communauté. C'est une façon efficace d'arrêter la désinformation et de répandre la vérité que détient le gouvernement. On peut réduire au minimum ce genre de répercussions négatives. Ces réactions négatives se fondent sur des mensonges.

  (1635)  

    Merci de cette précision. Il serait ahurissant qu'une famille de réfugiés reçoive du gouvernement 8000 $ par mois et que cela équivaille à 200 000 $ par année. Il serait important de rétablir les faits dans toutes les collectivités pour éviter de voir une confrontation entre gens vulnérables.
    Ainsi, vous recommanderiez que le gouvernement mette sur pied une équipe, en quelque sorte, pour surveiller la diffusion d'information de ce genre et rétablir les faits. Est-ce exact?
    Oui.
    Je vais passer à mes autres questions. Vous avez mentionné que les gouvernements provinciaux et municipaux devraient revoir leurs lois, politiques et règlements à travers la lorgnette du racisme et de la discrimination religieuse. Le gouvernement fédéral devrait-il avoir lui aussi une politique en place qui ferait en sorte que l'on examine les lois et politiques existantes à travers cette lorgnette lorsqu'un projet de loi est déposé?
    Je pense en effet que certaines lois actuelles contiennent des dispositions teintées de racisme ou de discrimination raciale, notamment des faits historiques. Le gouvernement doit revoir les lois et règlements en vigueur pour s'assurer qu'ils ne véhiculent pas un tel message. Si c'est le cas, on devrait les abolir.
    Si une nouvelle loi doit être promulguée, la première chose à faire serait de l'examiner à travers la lorgnette du racisme et de la discrimination religieuse. Si elle contient des éléments de cette nature, elle ne devrait pas être adoptée.
    Au sujet de l'amélioration des communications, pour contrer les fausses informations et contrer la peur, croyez-vous que la meilleure façon de faire serait de mettre en place une stratégie nationale contre le racisme et la discrimination religieuse dans le cadre duquel le gouvernement travaillerait avec les ONG pour mettre en place des programmes?
    Oui, je pense que ce serait le cas. Je crois que le multiculturalisme est un aspect fondamental du Canada et que le gouvernement fédéral devrait avoir une politique ou un mécanisme en place pour lutter contre le racisme et la discrimination religieuse — sans que l'accent soit mis sur une religion en particulier.
    Nous passons à notre dernière série de questions. Madame Dabrusin, je crois que c'est à votre tour.
    Je veux remercier chacun d'entre vous d'être avec nous aujourd'hui.
    Vos propos m'ont rappelé des témoignages que nous avons entendus presque au début sur les partis pris implicites et le besoin de les affronter. Je pense que c'est l'Association des avocats noirs du Canada qui a mentionné qu'une loi assortie d'un pouvoir discrétionnaire, même si la loi est bien rédigée, ouvre la porte aux partis pris. Je crois que vous avez tous les deux abordé la question.
    J'ai parlé avec quelques membres de ma collectivité qui ont passé le test d'évaluation des partis pris implicites. Le test a été préparé par Harvard et nous permet de vérifier si nous avons des partis pris. J'ai feuilleté le plan stratégique contre le racisme de l'Ontario, et il y est question de concevoir une trousse d'outils contre le racisme pour les professionnels, et expressément pour déceler le racisme contre les Autochtones.
    Étant donné ce qui précède, que pensez-vous de l'importance de concevoir une trousse d'outils ou de trouver une façon de vérifier nos partis pris? Croyez-vous que ce serait quelque chose d'utile pour le gouvernement fédéral?
    Je m'adresse aux deux groupes.

  (1640)  

    Je pense qu'il serait probablement très difficile de trouver le bon outil ou l'outil idéal pour découvrir les penchants discriminatoires d'une personne. Lorsqu'un acte se produit, le sentiment implicite devient explicite, et il faut donc se concentrer sur les effets des actes racistes et les examiner pour établir des liens avec les sentiments racistes implicites des gens.
    C'est pourquoi j'ai suggéré que le gouvernement mette sur pied une équipe pour surveiller les médias sociaux, savoir ce qui se passe, connaître les sujets chauds, afin de repérer rapidement tout propos ou sentiment raciste pour en découvrir les raisons, et y couper court.
    Je pense qu'il serait difficile de trouver une trousse d'outils qui servirait à détecter tous les partis pris raciaux et religieux, mais j'aime l'idée que, en tant que législateur, en tant que gouvernement, en tant que décideur, vous veilliez à être conscients de vos partis pris. Nous avons abordé le sujet dans notre mémoire. L'État se doit d'être non sectaire et de reconnaître ses partis pris, qui sont inévitables dans une certaine mesure, mais d'en être conscients et de commencer à reconnaître où ils se trouvent.
    Si on pouvait mettre au point un mécanisme pour découvrir où sont nos partis pris, quand ils se manifestent et comment on peut y remédier, je pense que ce serait un exercice très utile. Je ne pense pas avoir d'idée à ce sujet, toutefois.
    Quand je réfléchissais à la question au cours des derniers mois et aux interactions, je me demandais si on était en présence de deux solitudes, au sens différent du sens premier de l'expression: d'un côté, des gens aux convictions religieuses profondes, et de l'autre, le gouvernement. Nous n'avons pas de ministre de la religion. Serait-ce utile d'avoir un bureau ou un conseil, comme nous le suggérons, un conseil solide, qui serait en lien avec le gouvernement et les groupes?
    Mais encore une fois, pour revenir à M. Huang, je pense qu'il a raison. Ce sont les interactions sur le terrain qui comptent. Si le gouvernement peut les faciliter, c'est très bien, mais je pense que l'essentiel revient au citoyen canadien ordinaire. Nous sommes mobilisés, et nous sommes membres d'une coalition interconfessionnelle qui regroupe des sikhs, des musulmans et des hindous depuis 25 ans, mais il ne faut pas seulement se mobiliser, il faut aussi diffuser l'information pour que les gens sachent que c'est là.
    Je comprends ce que vous dites et qu'il s'agit plus — et vous en avez parlé tous les deux — de trouver différentes façons d'amener les gens à se parler et à mieux se connaître. Le test d'évaluation des partis pris implicites dont j'ai parlé, préparé par Harvard, vise principalement à donner l'occasion aux gens de réfléchir à leurs propres partis pris. C'est très bien fait, car on calcule aussi le temps que cela prend pour répondre aux questions. C'est un outil intéressant et j'aimais l'idée de la trousse d'outils.
    Mais en tout cas, j'avais accepté de partager mon temps avec M. Fragiskatos, alors je lui cède la parole.
    Il vous reste une minute et 40 secondes.
    Je fais vite. Je ne siège pas habituellement à ce comité, mais j'ai suivi les discussions attentivement.
    Monsieur Clemenger, dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé des crimes haineux commis contres des Canadiens musulmans. Vous reconnaissez sans doute qu'il y a eu une augmentation de ces crimes, une hausse très importante selon Statistique Canada — 253 % est le nombre auquel on arrive quand on compare les données de 2012 et de 2015. Reconnaissez-vous cela?

  (1645)  

    Oui. Nous avons été membres, en fait, de diverses coalitions multiconfessionnelles comprenant des imans. Nous avons été en communication régulière avec eux et nous avons travaillé en étroite collaboration. Nous sommes au courant des statistiques, bien sûr, et nous travaillons avec les musulmans au Canada.
    Selon moi — et c'est aussi ce que j'entends à London, en Ontario, où j'habite, et pas seulement chez les Londoniens qui sont musulmans, mais aussi chez d'autres personnes — lorsque des Canadiens font face à ce genre de situation, cela tombe assurément sous le sens de déposer une motion, comme cela a été fait, et de demander à un comité de se pencher sur la question, pour savoir ce qui se cache exactement derrière tout cela. J'adorerais en discuter plus à fond, mais il ne me reste sans doute que 45 secondes.
    Monsieur Huang, merci beaucoup de votre témoignage.
    Votre temps est presque écoulé. Il reste environ 10 secondes.
    Dix secondes.
    Les études qui ont été menées sur la discrimination à l'égard des Canadiens d'origine chinoise ont donné de bons résultats, si je ne m'abuse.
     Seriez-vous d'accord pour dire que les études gouvernementales ont eu cet effet?
    Je n'ai pas réfléchi à la question, et je n'ai pas de statistiques qui prouvent ce que vous venez de dire.
    Je remercie sincèrement les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Si vous souhaitez rester pour entendre les autres témoins, vous êtes les bienvenus.
    J'inviterais les témoins à prendre place rapidement, car notre temps est limité.
    Nous accueillons Ali Rizvi, auteur; et M. David Zackrias, chef, Section de la diversité et des relations interraciales, au Service de police d'Ottawa.
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer par M. Rizvi, qui est auteur, si j'ai bien compris.
    Vous avez dix minutes, à partir de maintenant.
     Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les députés, de votre invitation à venir témoigner aujourd'hui. Je devrais commencer par vous dire que je fais partie de la circonscription qui a élu l'honorable Iqra Khalid, qui a présenté la motion M-103 au Parlement. J'ai voté libéral, et précisément pour Mme Khalid.
    Je suis encore d'accord avec les positions du Parti libéral dans la plupart des dossiers, et je voterais sans doute encore pour ce parti aujourd'hui, mais je tiens à manifester mon désaccord sur certains éléments de la motion M-103.
    Le soir du 29 janvier dernier, nous avons été horrifiés d'apprendre qu'un terrible attentat terroriste avait eu lieu au centre culturel islamique de Québec. Six fidèles musulmans ont été tués de sang-froid, et 19 autres blessés. Le suspect était un jeune étudiant qui, selon ce que nous avons appris plus tard, avait des vues antimusulmanes et revendiquait avoir été inspiré par le nationalisme d'extrême droite et des dirigeants comme Marine Le Pen. Cette attaque terroriste a été plus meurtrière que tout attentat terroriste islamiste au Canada. On comprend que la motion M-103 ait été adoptée dans la foulée de l'attaque de Québec, avec de bonnes intentions.
    Je fais partie d'une famille musulmane, et j'ai grandi dans plusieurs pays à majorité musulmane, la Libye, l'Arabie saoudite et le Pakistan, avant d'immigrer au Canada dans la vingtaine. Même si je suis athé, je me fais quand même traiter en ligne de « djihadiste » et de « sale musulman », et on me dit souvent de retourner dans mon pays. Au cours des dernières années, le sentiment anti-musulman a cru de façon exponentielle. Pourquoi?
    Premièrement, les gens qui suivent les nouvelles ont vu sur leurs écrans de télévision les attaques perpétrées à Paris, Bruxelles, Nice, Orlando, Londres, New York, San Bernardino, Ottawa, Edmonton, et j'en passe, par des hommes qui s'écriaient « allahu akbar », et qui, dans la plupart des cas, avaient prêté allégeance au groupe État islamique, qui se base sur une interprétation particulièrement stricte et littérale des Saintes Écritures de l'islam pour justifier ses actions.
    Deuxièmement, de nombreux politiciens d'extrême droite et même, malheureusement, de la droite conventionnelle, partout dans le monde, ont exploité les craintes et la peur d'un grand nombre d'Occidentaux pour attiser le sentiment anti-musulman. Ce sentiment s'est manifesté de plusieurs façons: harcèlement des femmes qui portent le foulard islamique, le hijab, ciblage des sikhs qui portent la barbe et le turban, et la plus meurtrière, bien sûr, l'attaque à Québec.
    Dans ce contexte, la motion M-103 prend tout son sens, mais pourquoi alors suscite-t-elle tant la controverse? Pourquoi n'obtient-elle pas plus de soutien de l'opposition? C'est le sujet dont je veux vous parler aujourd'hui. Je veux vous montrer comment une petite modification à la motion pourrait, sans sacrifier un iota à son sens et à ses objectifs, pourrait faire changer de camp bon nombre d'opposants à l'heure actuelle.
    Je vous ai parlé un peu plus tôt du sentiment de haine dont je suis l'objet en raison de mon nom, de mon pays d'origine et du fait que je fais partie d'une famille musulmane, mais il y a aussi un autre côté à la médaille. Étant athé, ayant décidé un peu comme un catholique non pratiquant ou un juif séculier de m'en remettre à la raison et à la science et de prendre mes distances des revendications surnaturelles et des textes anciens comme nombre de penseurs occidentaux des Lumières l'ont fait, je suis un apostat de l'islam. Pour chaque gazouillis que je reçois d'un nationaliste blanc qui me dit « retourne dans ton pays, sale terroriste », j'en reçois un de croyants dans un des pays où j'ai vécu qui me disent dans des termes inimaginables ce qu'ils vont nous faire à ma femme, mon enfant et moi si je remets les pieds au Pakistan. Pourquoi? Parce que j'ai quitté l'islam. Je suis un apostat. Je sais malheureusement qu'ils ne blaguent pas.
    Raif Badawi, un blogueur saoudien, est emprisonné en Arabie saoudite pour avoir — et je cite — « insulté l'islam », simplement en parlant sur son blogue de la séparation de la mosquée et de l'État. Une série de blogueurs séculiers bangladais ont été massacrés en plein jour. Asia Bibi, une chrétienne, croupit dans une prison pakistanaise pour avoir insulté l'islam. Mashal Khan a été battu à mort par des étudiants de son campus universitaire à Peshawar, au Pakistan, au début de l'année pour avoir remis en cause la religion.

  (1650)  

    Les gens qui me menacent sont des gens de parole. C'est très concret. Voici donc le no man's land où je me trouve: l'intégrisme islamiste d'un côté, et le sectarisme antimusulman de l'autre. Je suis une cible des deux côtés. C'est de ce point de vue que je me place pour vous expliquer la différence entre remettre en cause des idées et diaboliser des gens. Le débat n'a pas besoin d'être partisan. Dans certains cercles de gauche, toute critique de la doctrine de l'islam est perçue comme du sectarisme antimusulman. Dans certains cercles ayant un penchant à droite, les aspects problématiques de la doctrine de l'islam servent d'excuse pour diaboliser, catégoriser ou même interdire de territoire, comme nous l'avons vu au sud de la frontière, tous les musulmans, sans aucune distinction.
    Des deux côtés, on confond islam et musulmans. L'islam, comme toutes les autres religions, est un ensemble d'idées réunies dans un livre. Les musulmans, quant à eux, sont des êtres humains. Les êtres humains ont des droits et ils ont droit au respect, ce qui n'est pas le cas des idées, des livres et des croyances. Le droit de croire est sacré, mais les croyances comme telles ne le sont pas. Remettre en question des idées fait progresser les sociétés, alors que diaboliser les gens les fracture. D'un côté comme de l'autre, on ne fait pas cette distinction fondamentale, essentielle. Le mot « islamophobie » est un terme générique qui confond les critiques légitimes de l'islam — servies par nombre de mes collègues libéraux et militants séculiers qui s'emploient à changer nos sociétés dans le monde musulman — avec la diabolisation des musulmans, ce qui est manifestement injuste. Nous n'utilisons pas des termes comme « judaismophobie ». Nous parlons d'« antisémitisme », un terme axé sur les préjugés contre un peuple, et non sur les idées. Diaboliser les gens va à l'encontre de nos valeurs libérales, mais critiquer des croyances et des idées dogmatiques est à la base même de la liberté d'expression, une de nos valeurs fondamentales. Critiquer l'islam n'est pas du sectarisme, mais l'isoler pour le protéger et diaboliser les musulmans, oui. Nous devrions nous méfier des organisations comme les Frères musulmans qui ont popularisé le terme « islamophobie » pour une raison très astucieuse. Elle leur permet d'exploiter la souffrance des vraies victimes de la haine contre les musulmans à des fins politiques pour étouffer toute critique de la religion.
    Voici ce que je vous propose au sujet du M-103. Si on remplaçait tout simplement Ie terme « islamophobie » par « sectarisme antimusulman  », j'appuierais la motion sans aucune réserve, tout comme les nombreux conservateurs à qui j'ai parlé. Cela priverait les opposants de leur principal argument. Vous pourriez me demander pourquoi tout ce bruit pour une question de sémantique? Je vous retournerais la question. Si c'est ce terme qui empêche des membres de l'opposition et des critiques d'appuyer la motion, et si l'objet et les objectifs de cette motion nous tiennent vraiment à coeur pour contrer le sectarisme antimusulman, alors pourquoi ne pas parler de sectarisme antimusulman ou de haine contre les musulmans ou de sentiment antimusulman? L'effet est exactement le même, tout en laissant intacts le sens de la motion et ce que l'on veut accomplir. Cela permet par contre de lever les obstacles qui empêchent les opposants de l'appuyer. Si nous, libéraux, avons à coeur son sens plutôt que ses mots, nous ne perdons rien et avons tout à gagner à faire ce petit changement.
    Nous bénéficions tous aujourd'hui des grands penseurs du siècle des Lumières. Aujourd'hui, nous sommes à l'aube d'un siècle des Lumières dans le monde musulman. Nous le voyons poindre tout autour de nous. Nous devrions avoir pour objectif d'accueillir et d'encourager ces changements, le libre échange des idées, tant là-bas qu'ici, tout en protégeant les droits et les libertés des Canadiens musulmans. Nous pouvons faire les deux.
    Merci.

  (1655)  

    Pendant les 10 prochaines minutes, nous entendrons le témoignage de David Zackrias, chef de la Section de la diversité au Service de police d'Ottawa.
    Honorables membres du comité permanent, c’est avec fierté que je m’adresse à vous aujourd’hui à titre de membre du Service de police d'Ottawa, mais aussi de membre d’une minorité visible et de père de trois garçons. Je suis honoré que vous m’ayez invité à parler de ce sujet crucial qu’est le racisme et la discrimination religieuse systémiques. À tous ces titres, je veux que l’on élimine les obstacles que représentent le racisme et la discrimination systémiques.
    Depuis que je suis sergent d’état-major au sein de la Section de la diversité et des relations raciales du Service de police d’Ottawa, j’ai personnellement entendu les témoignages de personnes vulnérables qui ont été victimes de racisme et de discrimination fondée sur leur religion. Il faut que cela cesse.
    En novembre 2015, une caucasienne blanche qui est directrice adjointe d’une école publique a fait l’objet d’attaques violentes. Un matin, elle a trouvé de nombreuses déjections canines sur le pas de sa porte et le message « Rentrez chez vous » étalé sur le trottoir. Son seul crime était de porter un hijab. Cette année-là, nous avons reçu d’autres signalements de crimes haineux à l’encontre de musulmanes. Le pourcentage avait doublé par rapport à l’année précédente, soit 2014. J’ai vu la peur dans le regard des membres de communautés lorsque des attaques sont perpétrées au nom de l’Islam dans une région éloignée du monde et j’ai constaté à quel point les musulmans craignent de devenir la cible de la prochaine tuerie au Québec. J’ai entendu des mères me dire qu’elles regardent par-dessus leur épaule dans les stationnements, par crainte d’être fauchées en plein jour.
    En novembre 2016, trois sites religieux ont été la cible de vandalisme à Ottawa: une mosquée, une synagogue et une église dont le pasteur était noir. Le délinquant n’avait que 17 ans, et il a plaidé coupable à des accusations d’incitation à la haine.
    Au cours du même mois, la résidence d’un rabbin local a été recouverte de graffitis haineux. Il nous faut nous demander pourquoi, après l’Holocauste — une des plus grandes tragédies de notre ère — la communauté juive continue d’être la cible d’actes haineux. Comment pouvons-nous permettre que cela se produise dans nos collectivités?
    Membres du Comité, en tant que représentant d’une minorité visible, j’ai été témoin d’un accident survenu tôt un matin, dans lequel une femme s’est fait accidentellement happer par un taxi. Après coup, j’ai fait ce que tout agent de police aurait fait: j’ai essayé d’aider la victime et de sécuriser le périmètre, mais sans mon uniforme, je me sentais presque impuissant. Les passants n’ont pas coopéré. Ils ont fait preuve d’impolitesse et de colère à mon égard. Je crois fermement que la couleur de ma peau a réduit mes chances d’être pris au sérieux et que mon uniforme me confère un privilège.
    En terminant, je peux dire que nous avons tous des préjugés — même les agents de police — et que cela a été scientifiquement prouvé. Il arrive parfois que, sans qu’on le veuille, ces préjugés se traduisent par du racisme. Lorsque mon cher collègue Chris Hrnchiar a fait des commentaires concernant l’artiste inuite Annie Pootoogook, ses paroles ont provoqué une immense douleur. En tant que membre du conseil d’administration du Centre des enfants inuits d’Ottawa, j’ai été à même de voir le tort que ses commentaires ont causé à la communauté inuite. Le fait de travailler avec la communauté et Chris a aussi été une occasion extraordinaire de guérison et de réconciliation. Chris est une personne incroyable, mais il a commis une erreur. Il a été très disposé à comprendre et à apprendre. Je le félicite et je suis fier de travailler avec lui.

  (1700)  

    Il incombe maintenant au Comité de comprendre ce que nous pouvons tous faire pour aider l’ensemble des Canadiens à s’ouvrir au changement et à faire face à leurs propres préjugés.
    Je fais appel à vous pour que vous encouragiez les campagnes de sensibilisation du public à l’échelon communautaire, de concert avec les organismes d’application de la loi. Nous avons tous intérêt à lutter contre la discrimination pour l'éradiquer. Nous devons appuyer davantage les initiatives qui nous aident à reconnaître les préjugés. Des organismes de bienfaisance comme les Services aux victimes d’Ottawa ont besoin de soutien. Ils devraient recevoir un financement gouvernemental stable afin de pouvoir poursuivre le travail qu’ils font pour venir en aide aux victimes de crimes. Il faut adopter une mesure législative pour exiger de tous les organismes d’application de la loi qu’ils fassent état tous les ans des crimes haineux, des tendances et des risques qui y sont associés.
    Afin de régler ces questions, nous devons déterminer la nature du problème. C’est notre responsabilité à tous, et je suis honoré de porter mon uniforme et d'afficher la couleur de ma peau avec fierté dans l’espoir que le Canada s’affranchira du racisme et de la discrimination religieuse pour devenir un endroit inclusif où mes enfants ne subiront pas d’actes haineux. À ce stade de l’évolution humaine sur la planète, il est temps de reconnaître que la diversité et l’établissement de relations est une force que nous devons développer pour créer un avenir prospère sous le signe de la paix.
    Honorables membres du Comité, je nourris l’espoir que le Canada soit à nouveau perçu comme un pacificateur et que les organismes d’application de la loi se concentrent sur le maintien de l’ordre dans les collectivités. Dans le cadre de mon travail au sein de la Section de la diversité et des relations raciales, j’ai eu la chance de vraiment collaborer étroitement avec les membres de la collectivité. Leurs récits sont très poignants, et il importe pour nous de connaître leur vécu.
    Merci de m’avoir donné une tribune pour parler au nom de la communauté au sein de notre nation diversifiée. Nous sommes plus forts et meilleurs lorsque nous nous écoutons les uns les autres, nous nous comprenons et nous travaillons ensemble.
    Merci d’avoir pris le temps de m’écouter aujourd’hui. Je serai ravi de répondre à vos questions.

  (1705)  

    Nous allons maintenant passer aux séries de questions.
    Nous commencerons par les libéraux. Vous avez sept minutes pour toutes les questions et les réponses.
    C’est Mme Dzerowicz qui commencera.
    Merci, monsieur le président, et un grand merci aux deux présentateurs que nous accueillons pendant la première heure de notre réunion.
    Je n’ai que sept minutes et de nombreuses questions. Je vais d’abord m’adresser au sergent d'état-major Zackrias.
    Nous tenons des réunions à ce sujet depuis un certain temps, si bien que nous avons reçu bien des recommandations. Nombreuses sont celles qui portent sur la formation des services de police et la définition des crimes haineux. Je veux vous les soumettre pour obtenir un complément d’informations et savoir ce qui, selon vous, nous serait utile.
    Une des principales choses qui nous ont été mentionnées a été que la collecte et la publication de données sur les cas d’incidents et de crimes haineux varient grandement d’un service de police à l’autre, si bien qu’on nous a encouragés à essayer de trouver une façon à la fois de définir la haine et de recueillir des données pour qu’on puisse comparer des éléments semblables. Êtes-vous d’accord avec cette recommandation? Trouvez-vous que ce serait utile?
    Absolument. Comme je l’ai mentionné dans mes remarques liminaires, il faut que le gouvernement fédéral adopte une mesure législative pour recueillir des données sur les incidents haineux, les signaler et en faire le suivi, et qu’il adopte aussi une définition normative.
    Lorsqu’il est question de définir la haine, qu’est-ce qui, selon vous, doit être éclairci? Est-ce parce que différents éléments sont considérés comme des actes haineux? Est-ce parce qu’il existe différentes définitions qui ne sont pas claires? Pouvez-vous nous dire un peu plus précisément ce qu’il y a lieu de clarifier dans la définition de la haine?
    Je renverrais cette question aux universitaires, mais de mon point de vue, les gens peuvent avoir du mal à faire la distinction entre le discours haineux et la liberté d'expression; nous devons donc expliquer clairement comment on applique la liberté d'expression au discours haineux.
    Je ne veux pas donner l'impression de faire dire des choses au témoin, mais si quelqu'un fait un commentaire haineux au sujet d'une femme qui porte un hijab, certains diraient qu'il est simplement bête et méchant. Définiriez-vous cet acte comme un acte haineux? Pareil commentaire devrait-il s'inscrire dans la définition de la haine? Je pense que d'aucuns diraient qu'ils ne pensent pas que la loi actuelle couvre ce genre de chose. Dans les faits, nous définissons les graffitis gribouillés sur les murs d'une synagogue ou d'une église comme un crime haineux. Pensez-vous que cela doive être clarifié ou que ce soit relativement clair dans la loi telle qu'elle est?
    Il faut clarifier davantage les définitions. Il faut que d'autres éléments soient présents pour prouver qu'il s'agit d'un crime haineux. Les graffitis en tant que tels ne seront pas suffisants devant un tribunal.
    Une des autres recommandations que nous avons formulées a été de mettre en place un programme de formation national visant à sensibiliser les policiers et les procureurs aux dangers des crimes haineux et à les encourager à appliquer les dispositions actuelles du Code criminel sur le discours haineux.
    À votre avis, combien de formations sont-elles offertes à l'heure actuelle? Pensez-vous qu'il faille aussi les encourager et les appliquer? Y a-t-il des secteurs précis sur lesquels vous estimez que nous devrions nous concentrer côté formation?
    Cela varie d'une administration à l'autre.
    Dans notre cas, le Collège de police de l'Ontario offre de la formation sur les crimes haineux à toutes ses recrues. Une fois qu'elles ont rejoint nos services, ma section leur offre aussi une formation sur les crimes haineux. Cela étant dit, j'aimerais qu'on standardise la formation, que nous investissions davantage dans les ressources et le contenu pour qu'elle soit fondée sur la tendance nationale au Canada. Nous pouvons l'appliquer à notre formation.
    J'estime qu'une partie de notre formation est dépassée. Nous avons besoin de nouvelle documentation fondée sur les besoins d'aujourd'hui.

  (1710)  

    Il semblerait qu'elle ait besoin d'être, en quelque sorte, mise à jour au rythme des changements fréquents dans notre pays.
    Dans certaines de vos recommandations, vous avez parlé de collaborer avec la collectivité et de lancer des campagnes publiques communautaires. Je pense qu'il existe déjà un certain nombre d'initiatives entre la police et différentes collectivités.
    Y a-t-il des secteurs précis dans lesquels il faut, selon vous, améliorer la relation des services de police avec différents groupes communautaires? Est-ce une question de créer des liens avec les groupes religieux et de se rendre dans les écoles? Croyez-vous qu'il faille élargir considérablement la relation ou pensez-vous qu'elle soit au bon niveau en ce moment?
    Nous pourrions toujours en faire davantage pour renforcer cette relation.
    Faire face aux crimes haineux est une responsabilité partagée. Nous avons besoin de travailler avec la collectivité. Les policiers ne peuvent pas à eux seuls régler la question. Ils ne peuvent pas prendre les rênes pour guider la collectivité; c'est la collectivité qui doit prendre l'initiative et qui doit l'adapter à ses besoins.
    Oui, je pourrais voir une plus grande participation à l'échelon communautaire et de plus nombreuses initiatives communautaires pour lesquelles la collectivité a aussi besoin de soutien. Il faut des ressources financières, et c'est ce qui fait défaut à bien des collectivités. Je peux voir les services de police appuyer ces initiatives, mais il faut que ce soit sous la direction des membres de notre collectivité
    Une des choses que les groupes communautaires nous ont dites est que s’ils travaillent avec la police, ils doivent pouvoir leur faire confiance. Dans quelle mesure en discute-t-on au sein du service de police? Je pense qu’il arrive souvent que les gens pensent que nous ayons besoin d'une force policière qui reflète et comprenne les diverses collectivités.
    En discute-t-on actuellement au sein de la force policière? Pourrait-on prendre des mesures à l’échelon national pour encourager cette discussion qui contribuerait à établir un lien de confiance?
    La confiance du public est l'un des défis auxquels les services de police sont confrontés au Canada.
    Votre temps est écoulé, alors je vous demanderais de conclure.
    Si vous voulez ajouter quelque chose pour compléter votre réponse à cette question, prière de le faire par écrit auprès du greffier.
    Pendant les sept prochaines minutes, je crois que la parole sera à M. Reid.
    C'est exact. Merci, monsieur le président.
    Mes questions s'adressent... je crois que je devrais dire au Dr Rizvi. Est-ce bien cela?
    C'est bien cela. Je ne pratique pas la médecine clinique. Je n'ai pas pratiqué depuis 2011, mais oui.
    Une fois que vous obtenez le titre de docteur, il est à vous et...
    C'est pour la vie.
    C'est exact. Même les titres honorifiques devraient être claironnés à la moindre occasion, bien que je sache que le vôtre est bien réel.
    Je tiens à vous remercier pour votre présentation équilibrée.
    Pour répondre à vos suggestions sur la façon de traiter le rapport que nous allons rédiger concernant cette motion, je suis entièrement d’accord avec vous que nous devrions utiliser des termes comme « sectarisme antimusulman » au lieu de parler d' « islamophobie ».
    En fait, mon collègue David Anderson a proposé une motion, qui a été mise aux voix à la Chambre des communes 48 heures avant le vote sur la motion M—103. Elle reconnaissait précisément « les récents actes de violence insensée dans une mosquée de Québec » et demandait que la Chambre « condamne toutes formes de racisme systémique, d’intolérance religieuse et de discrimination à l’égard des musulmans, des juifs, des chrétiens, des sikhs, des hindous et des autres communautés religieuses ».
    Je suis d’accord avec votre approche. Que nous discutions d’autres collectivités ou simplement des musulmans, je pense que cette approche est celle qui convient le mieux.
    Êtes-vous conscient du fait que la motion M—103 renvoie à la pétition e—411?
    Oui, j’en suis conscient. Je ne connais pas beaucoup de détails concernant la pétition e—411, mais je sais que c’est ce qu’on avait proposé au départ en décembre 2016.
    C’est exact.
    La Chambre l’a approuvée à l’unanimité. Il y avait moins de 80 députés présents, mais j’étais du nombre. À ce moment-là, je me concentrais sur une autre question que j’estimais être importante. La pétition énonce que la grande majorité des membres de la communauté musulmane au Canada sont pacifiques et qu’ils condamnent la violence, mais elle demande aussi à la Chambre de condamner « toutes les formes d’islamophobie ». À la lumière des témoignages que nous avons entendus, je m’inquiète maintenant que si on ne précise pas ce qu’on entend par « toutes les formes d’islamophobie », on pourrait croire qu’il s’agit de tous les actes que quiconque perçoit comme étant islamophobes, donc d’étendre la portée de la pétition, si bien que chacun déterminerait de façon subjective si les paroles ou les actes d’une personne sont islamophobes.
    Est-ce une crainte justifiée?

  (1715)  

    Oui.
    Comme je l'ai dit dans mon exposé, le terme « islamaphobie » est très vaste. Ce mot englobe non seulement le sectarisme antimusulman et la haine des musulmans, mais aussi toute critique de l'islam, de la religion elle-même, c'est-à-dire des écritures saintes: Coran, Hadith, ou peu importe.
    Ce genre de situation dénote un problème qui va plus loin que la haine. En fait, cela porte atteinte à la liberté d'expression. Il importe de noter qu'à l'heure actuelle, des millions — d'après les sondages — d'activistes laïques et libéraux se battent pour la liberté d'expression dans les pays musulmans. Ils se font souvent accoler cette étiquette parce qu'ils critiquent la doctrine islamique.
    Il est important de comprendre que, dans les pays où les musulmans sont un groupe minoritaire, comme ici au Canada, l'islam est une identité. J'ai une identité musulmane, tout comme ma famille. Toutefois, dans les pays où les musulmans forment une majorité, l'islam a surtout une fonction religieuse. Ses principes sont mis en application. Alors que les femmes musulmanes d'ici ont le choix de porter le hidjab, ou le voile, comme symbole de leur identité et de leur croyance — ce que nous appuyons, évidemment —, celles qui vivent en Iran et en Arabie saoudite se le font imposer par leurs gouvernements, leur mari et leur père. C'est d'ailleurs souvent le cas ici aussi.
    Le même livre sacré que les gens ici vénèrent est utilisé comme texte de loi dans ces pays pour tout justifier, de l'exécution des apostats à la persécution des homosexuels, et j'en passe.
    Puis-je vous poser une question très précise?
    Je ne sais pas si on peut trouver cette information sur Facebook. Je suppose que oui. Vous avez eu des échanges avec un éminent érudit ahmadi. Je ne les ai pas lus. J'ai seulement vu vos commentaires à ce sujet dans le Huffington Post.
    Les musulmans ahmadis peuvent-ils être accusés d'islamaphobie dans certains cas, ou font-ils face à une autre sorte de persécution?
    Le sectarisme est présent dans l'islam, à l'instar de toutes les autres religions. Certains groupes ont tendance à qualifier d'autres groupes de faux musulmans. Le problème, c'est que chaque fois que des gens se font traiter de faux musulmans, de blasphémateurs ou d'hérétiques, nous savons le sort qu'ils subissent, comme en témoigne l'histoire de toutes les religions. Malheureusement, ces gens en sont encore victimes dans le monde musulman.
    Les membres de la communauté ahmadie sont, eux aussi, souvent traités de non-musulmans, de blasphémateurs ou d'hérétiques. À voir la violence qu'ils subissent en Asie du Sud, surtout au Pakistan, nous savons qu'ils sont assurément une communauté ciblée. Beaucoup de musulmans du courant dominant pensent que ces gens devraient être mis à mort. Cela met en évidence, encore une fois, un des problèmes liés au terme « islamaphobie », car quand on parle de critique de l'islam, sans la différencier de la haine des musulmans, on s'avance sur un terrain glissant.
    J'ai une dernière question à vous poser dans la minute qu'il me reste.
    Vous avez parlé du projet de loi 62 au Québec, et je ne peux m'empêcher de vous interroger là-dessus. Je sais que vous n'approuvez pas le terme « islamaphobie », et je pense que je partage votre opinion. Pourrait-on qualifier ce projet de loi de mesure antimusulmane ou de discrimination contre les musulmans? Quelle serait une façon raisonnable de le décrire?
    Voici ce que je pense du projet de loi 62. À mon avis, nous ne devrions pas légiférer ce que les femmes doivent ou ne doivent pas porter. Je viens d'une région du monde où cela arrive souvent. Beaucoup de femmes sont forcées par leur famille à porter des choses comme le niqab et le hidjab. En revanche, je suis pour l'idée d'imposer des restrictions. Dans les situations où il faut établir l'identité d'une personne — par exemple, dans une banque, dans un édifice gouvernemental ou lors d'une comparution —, alors oui, l'établissement de l'identité s'impose. S'il y a des préoccupations en matière de sécurité, oui, nous devrions réglementer cela.
    Nous ne devrions pas permettre que des enfants portent des burkas ou des niqabs, mais s'il y a des femmes adultes qui choisissent de le faire de leur propre chef... Une de mes amies, qui s'est convertie à l'islam, a fait ce choix volontairement.

  (1720)  

    Nous devons passer à la prochaine série de questions.
    Madame Kwan, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos deux témoins.
    Docteur Rizvi, en ce qui concerne la définition, j'ai le regret de dire que c'est maintenant trop tard pour le Comité. Je me rappelle comment, durant le débat, j'ai cherché désespérément à trouver un terrain d'entente entre les libéraux et les conservateurs pour faire en sorte que la motion soit adoptée à l'unanimité. Comme vous l'avez dit, la question à l'étude est bien plus importante qu'une divergence d'opinions sur la définition. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, mais au bout du compte, selon moi, le Cabinet du premier ministre a mis le poing sur la table, et la motion n'a pas été adoptée. Alors, malheureusement, voilà où nous en sommes maintenant.
    J'ai étudié les motions proposées par les conservateurs et les libéraux, notamment celle inscrite à l'ordre du jour, et je crois que le but ultime est de veiller à ce que le problème de la discrimination, sous toutes ses formes, soit réglé dans la société canadienne.
    Pour en revenir aux recommandations et aux questions dont nous sommes saisis, j'aimerais poser quelques questions au sergent d'état-major Zackrias.
    Vous avez mentionné un point qui a également été abordé, sauf erreur, par les témoins précédents, à savoir les craintes personnelles, les peurs inavouées et les sentiments de discrimination qui peuvent nous habiter. Parfois, nous ne nous en rendons même pas compte, tellement cela nous est étranger. Je crois que vous avez illustré un point en donnant l'exemple de l'accident de voiture.
    À ce sujet, en ce qui a trait aux recommandations, comment pouvons-nous remédier à cette situation grâce à une approche nationale? Vous avez parlé de la collaboration avec les organismes non gouvernementaux, qui dirigeraient cette initiative. Diriez-vous que nous avons besoin d'une stratégie nationale, c'est-à-dire d'une stratégie gouvernementale à l'échelle du pays, pour nous attaquer au problème de la discrimination raciale et religieuse, en plus de prévoir un volet précis destiné à fournir un soutien et des ressources aux organismes non gouvernementaux afin qu'ils puissent diriger les efforts en matière d'éducation et de sensibilisation?
    Oui, j'appuie cette idée. Je suis tout à fait d'accord. Il nous faut une stratégie nationale. Si nous ne réglons pas les crimes haineux ou la discrimination raciale et religieuse, ils pourraient se manifester et avoir de grandes répercussions, à en juger par ce qui se passe ailleurs dans le monde, à titre d'exemple.
    Oui, nous devons mettre l'accent sur la sensibilisation et l'éducation. Les témoins précédents ont évoqué le test de Harvard sur les préjugés implicites. J'ai moi-même subi ce test, et c'est un excellent outil. Il vous aide à reconnaître vos préjugés implicites et à y faire face. J'appuie fortement cette mesure.
    En 2016, nous avons lancé une formation sur les pratiques policières équitables et impartiales à l'intention des policiers d'Ottawa. C'était une formation obligatoire pour tous nos membres. Elle porte sur la science et la théorie des préjugés humains. À ma connaissance, il n'y a pas beaucoup de travaux de recherche dans ce domaine au Canada. Nous avons dû nous fier aux études américaines. La formation en tant que telle provient des États-Unis, et nous l'appliquons au contexte canadien. Je crois qu'elle est également offerte par le Service de police de Toronto, de même que celui de Durham et d'Ottawa.
    Nous avons besoin d'une initiative à l'échelle nationale, dans le cadre de laquelle tous les organismes mettent en oeuvre ce genre de formation. Par ailleurs, il est nécessaire d'offrir une telle formation au sein de la communauté, car les membres de la communauté ont, eux aussi, des préjugés. Cela doit se faire à tous les échelons.

  (1725)  

    Je vous remercie.
    J'aimerais parler un peu des victimes, c'est-à-dire des gens qui subissent les conséquences. Lorsque certains de ces problèmes se manifestent, on a affaire à un crime haineux, mais ce n'est pas toujours ce qui se passe. Il y a beaucoup de cas qui ne sont pas déclarés. Nous savons déjà cela. En offrant du soutien aux victimes pour les encourager à signaler ces incidents... et il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles les gens ne les déclarent malheureusement pas. Pour certains, c'est parce qu'ils ne font pas confiance à la police. Voilà une autre raison. Avez-vous des recommandations à faire sur la façon dont nous pouvons surmonter cet obstacle, particulièrement pour veiller à ce que les voix des victimes soient entendues et respectées? Ensuite, quels mécanismes ou stratégies le gouvernement peut-il mettre en place pour appuyer les victimes, c'est-à-dire les parties lésées?
    Oui, beaucoup de communautés hésitent parfois à briser le mur du silence et à dénoncer ces incidents. Selon Statistique Canada, sauf erreur, les deux tiers des crimes haineux ne sont pas signalés. C'est énorme. Encore une fois, en 2015, lorsqu'il y a eu une hausse fulgurante de ces cas, j'ai lancé un appel à l'ensemble de la communauté musulmane d'Ottawa. J'ai envoyé un courriel de masse qui a retenu l'attention des médias, ce qui a permis de diffuser le message au sein de la communauté. Mon but était d'encourager la communauté musulmane, la communauté visée, à dénoncer ces incidents.
    Par ailleurs, nous devons examiner les options. Une seule plateforme ne suffit pas, mais nous savons qu'il existe d'autres plateformes auxquelles la communauté peut recourir pour dénoncer de tels actes. Je crois qu'au Royaume-Uni, les membres de la communauté peuvent déclarer ce type d'incidents par divers canaux.
    Oui, d'autres témoins ont, eux aussi, proposé l'idée d'établir un mécanisme de dénonciation à l'échelon communautaire. Je crois qu'une autre solution serait de créer un service d'écoute téléphonique que les gens peuvent appeler, et cela ne serait pas nécessairement lié au système policier. Vous appuyez donc ce genre de concepts?
    Absolument, mais nous devons nous assurer qu'il y a un lien entre les organismes d'application de la loi parce que, je le répète, la sécurité publique est primordiale, et si quelqu'un est en danger, il doit communiquer avec la police.
    Nous allons maintenant passer à la dernière série de questions.
     Madame Dhillon.
    Je tiens à remercier nos deux témoins de leur présence.
    Monsieur Zackrias, merci beaucoup, tout d'abord, de nous avoir livré un témoignage très franc et de nous avoir fait part de vos expériences personnelles.
    Estimez-vous que la police est équipée pour faire face aux crimes haineux?
    Le crime haineux est un problème compliqué. La police est équipée pour y faire face en cas d'infraction pénale. La réponse est oui, absolument: nous mènerons une enquête, nous intenterons des poursuites et nous veillerons à ce que toutes les mesures soient prises. Comme je l'ai dit, c'est une question complexe. La communauté a un rôle important à jouer en matière de sensibilisation et d'éducation. On doit examiner la question sous toutes ses coutures. Il faut mettre l'accent sur la prévention et l'intervention, plutôt que sur les enquêtes et les poursuites judiciaires, même si cela est également essentiel. Je n'en nie pas l'importance, mais je crois que nous devrions plutôt nous concentrer sur la prévention et l'intervention et y consacrer les ressources nécessaires. Nous pouvons toujours faire mieux.
    Nous avons entendu des témoins parler de préjugés inconscients. Vous y avez fait allusion, vous aussi. Presque tout le monde en a. Dans le cas des policiers qui ont de tels préjugés, s'ils voient un membre d'une certaine communauté marcher dans la rue, ils interpelleront la personne pour faire une fouille sommaire; nous avons d'ailleurs entendu parler de la « conduite en état de négritude ». Les policiers sont-ils mieux formés aujourd'hui? Autrefois, la formation ne comprenait pas la sensibilisation aux réalités culturelles ou raciales. On parlait surtout de stéréotypes. Cette formation a-t-elle changé?

  (1730)  

    Oui. Je peux parler du point de vue du Service de police d'Ottawa.
    Avant, nous donnions une formation sur la diversité à notre collège, mais aujourd'hui, nous emmenons nos policiers à la mosquée. Nous avons commencé à le faire cette année. Nous sommes allés à deux mosquées différentes. Les policiers ont eu l'occasion d'y passer la journée. Nous sommes également allés au Centre d’amitié autochtone Odawa, et ils ont eu l'occasion d'en apprendre davantage sur les Autochtones aussi. La formation a changé pour répondre aux besoins d'aujourd'hui, et nous avons mis en oeuvre une formation pour des services de police sans préjugés... ainsi qu'une formation sur les pratiques policières équitables et impartiales. C'est une autre façon de vaincre nos préjugés. Le Service de police d'Ottawa travaille actuellement à élaborer un plan d'action pluriannuel, qui porte sur une stratégie des services de police dépourvus de préjugés à l'échelle de l'organisation.
    En quoi cela consiste-t-il?
    Nous examinons des domaines comme la formation, les politiques, la collecte de données, le recrutement, le maintien en poste — bref, les différents aspects des services de police.
    Je tiens également à signaler au Comité que, dans le plan directeur actuel du Service de police d'Ottawa, nous adoptons les principes EDI: équité, diversité et inclusion. Cette approche s'applique à l'ensemble de notre plan directeur. Nous examinons nos activités sous cet angle pour déterminer si elles remplissent les trois principes que sont l'équité, la diversité et l'inclusion.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
    Il s'agit d'une lentille. Par exemple, dans le cas de nos groupes d'experts qui s'occupent du transfert des membres au sein de l'organisation, nous offrons une formation sur les services de police dépourvus de préjugés. C'est l'un des éléments. Nous donnons la même formation à notre groupe d'experts chargé de la promotion.
    Pourriez-vous faire parvenir au Comité un exemplaire de ce plan d'action?
    Celui du plan directeur proprement dit?
    Oui, s'il vous plaît. Pouvez-vous le remettre au Comité?
    Absolument. C'est disponible en ligne sur le site du Service de police d'Ottawa...
    Mais nous aimerions que vous le transmettiez à notre comité.
    Sgt é.-m. David Zackrias: Bien sûr.
    Mme Anju Dhillon: Merci beaucoup.
    Je suppose que les policiers doivent passer des tests psychologiques avant de recevoir leur formation. L'un de ces tests porte-t-il sur leur capacité de se défaire de leurs propres préjugés?
    Pendant le processus de recrutement, les candidats sont soumis à des tests psychologiques. Pour ma part, j'ai fait les tests il y a 20 ans, alors je ne peux pas me prononcer là-dessus, mais ils sont effectués par des professionnels.
    Pensez-vous que ce genre de questions aideraient à éliminer ceux qui ont des préjugés? Il y a un nombre disproportionné d'Autochtones et de Noirs dans nos prisons. Si nous pouvions écarter ces agents de police... en effet, quand quelqu'un en position de pouvoir nourrit des préjugés, cela peut avoir des effets dévastateurs sur la personne qui est la cible de stéréotypes et qui se fait arrêter pour une raison quelconque.
    D'après vous, ces tests psychologiques devraient-ils tenir compte de cet aspect?
    Absolument. D'ailleurs, nous avons un processus de recrutement assez rigoureux. Nous faisons une vérification approfondie des antécédents des candidats pour détecter tout signe avant-coureur à cette étape.
    Que pourrait faire le gouvernement fédéral pour appuyer cet aspect de la formation des policiers et limiter ainsi les préjugés?
    Nous avons parlé ici d'une stratégie nationale et des efforts de sensibilisation. Il faut que nous parlions de ces questions. Nous ne pouvons pas en faire abstraction et prétendre que c'est le lot de « nos voisins du Sud ». Si nous ne nous y attaquons pas de front, ces problèmes finiront par se manifester. Nous voulons éviter les enjeux qui surviennent en Europe, où des communautés sont marginalisées, exclues et isolées. Que se passera-t-il alors?
    C'est à ce niveau que les dirigeants, les gouvernements, les forces de l'ordre doivent intervenir pour aider ces communautés et empêcher ce genre d'exclusion. Il faut agir en amont. Nous devons diagnostiquer ces problèmes avec rigueur pour pouvoir les prévenir ou y trouver un remède.
    Mme Anju Dhillon: Tout à fait.
    Merci beaucoup.
    Je remercie chaleureusement notre groupe de témoins.
    Chers collègues, merci à vous aussi.
    Quelqu'un peut-il proposer une motion d'ajournement?
    Oui, monsieur Anderson.
    Monsieur le président, je me demande si, lors de la séance de mercredi, nous pouvons utiliser les 15 dernières minutes pour parler de la rédaction du rapport. Il s'agit de notre dernière réunion, n'est-ce pas? Je crois que nous avions l'intention de rédiger le rapport ou, du moins, une ébauche pendant la relâche.

  (1735)  

    Il semble y avoir un consensus à ce sujet. Nous en prenons bonne note, et je vous encourage à soulever la question à la prochaine réunion.
    Quelqu'un peut-il proposer une motion d'ajournement?
    M. Reid en fait la proposition. Êtes-vous tous d'accord?
    Des voix: D'accord.
    Le vice-président (L'hon. Peter Van Loan): Merci.
    La séance est levée.
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