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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 113 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 5 juin 2018

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 113e séance du Comité permanent du patrimoine canadien.

[Français]

    Nous continuons notre étude des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs.
    Aujourd'hui, nous recevons tout d'abord MM. Lauzon et Lavallée, de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada.

[Traduction]

    Nous entendrons également MM. Stuart Johnston et Chris Moncada, de la Canadian Independent Music Association. Pourquoi ne commençons-nous pas par cette dernière pour suivre l'ordre figurant dans l'ordre du jour?
     Merci, madame la présidente, de nous avoir invités à témoigner devant le Comité aujourd'hui.
    Je m'appelle Stuart Johnston, président de la Canadian Independent Music Association, ou CIMA. Je suis accompagné de Chris Moncada, de eOne Music et Last Gang Music, qui est membre du conseil d'administration et vice-président du comité des affaires gouvernementales de la CIMA.
    La CIMA est l'association commerciale sans but lucratif qui représente les entreprises anglophones contrôlées et possédées par des intérêts canadiens au sein de l'industrie nationale de la musique, notamment des maisons de disques indépendantes, des gestionnaires, des éditeurs, des distributeurs, des entrepreneurs artistes et des studios d'enregistrement, qui sont toutes de petites entreprises.
    Aujourd'hui, vous nous entendrez répéter les recommandations que des témoins précédents vous ont présentées. Cela s'explique par le vaste consensus qui règne au sein de notre industrie sur ce qu'il faut faire pour améliorer le moyen de subsistance de nos créateurs de musique. Il importe aussi de savoir que par « créateurs », nous faisons référence à toute personne qui crée, enregistre, interprète et commercialise de la musique dans l'écosystème musical. Les créateurs sont les artistes, les auteurs et les compositeurs, ainsi que les entreprises qui les épaulent, comme les maisons de disques, les gestionnaires et les éditeurs. Nous exhortons le Comité à examiner ces consultations de ce point de vue pour faire en sorte que tous ceux qui créent et commercialisent la propriété intellectuelle soient adéquatement soutenus et protégés par la loi canadienne.
    Vous avez entendu parler de l'écart de valeur, c'est-à-dire la différence entre la valeur de la musique et les sommes remises aux créateurs pour l'utilisation de cette musique. Les quatre modifications que nous recommandons d'apporter à la Loi sur le droit d'auteur contribueront considérablement à éliminer cet écart au Canada.
    Il faut d'abord éliminer l'exemption temporaire de redevances dont bénéficient les stations de radio pour le 1,25 premier million de dollars de revenus. Depuis 1997, en effet, les radiodiffuseurs canadiens n'ont pas à payer de redevances pour l'exécution publique de musique pour le 1,25 premier million de dollars de revenus. Le gouvernement avait modifié la Loi sur le droit d'auteur pour offrir cette exemption aux stations de radio commerciales à une époque d'incertitude où l'industrie radiophonique gagnait de faibles revenus. Or, ses profits ont depuis bondi de 8 300 % depuis. Les créateurs canadiens ont donc subventionné l'industrie radiophonique commerciale du Canada à hauteur de quelque 8 millions de dollars par année. Cette exemption, qui n'a pas son pareil dans le monde, était censée être temporaire. Je ferais remarquer que les auteurs-compositeurs ne sont pas touchés par cette exemption, et ce n'est que justice; seuls les interprètes et les maisons de disques sont pénalisés par ce système.
    Nous recommandons en outre de modifier la définition d'« enregistrement sonore » dans la Loi sur le droit d'auteur pour que les interprètes soient rémunérés pour l'exécution publique de la musique enregistrée dans le cadre d'émissions de télévision et de films. Selon la Loi, les enregistrements musicaux ne sont pas considérés comme des enregistrements sonores s'ils figurent dans la bande sonore d'une émission de télévision ou d'un film. En raison de cette omission, les enregistrements sonores ne permettent pas de recevoir des redevances. Par exemple, quand le film Titanic est projeté en public, le compositeur de la chanson intitulée My Heart Will Go On reçoit des redevances, mais pas Céline Dion, l'interprète. Cette omission entraîne des pertes de revenus d'au moins 45 millions de dollars par année pour les interprètes et les concepteurs.
    De plus, nous recommandons de prolonger la protection du droit d'auteur pour qu'elle s'applique 70 ans suivant l'année du décès de l'auteur. Nous appuyons la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, l'Association canadienne des éditeurs de musique et d'autres intervenants à cet égard. Tant l'Union européenne que les États-Unis protègent le droit d'auteur 70 ans après le décès des auteurs d'oeuvres musicales, ce qui inclut les éditeurs, les auteurs et les compositeurs. Cette modification permettrait au Canada d'harmoniser ses pratiques aux normes de propriété intellectuelle et aux accords commerciaux internationaux. En outre, elle permettra de mieux protéger les créateurs canadiens d'oeuvres musicales, y compris les auteurs, les éditeurs et les compositeurs.
    Nous vous recommandons enfin de renouveler le soutien aux créateurs de musique. Nous appuyons la recommandation de la Société canadienne de perception de la copie privée, qui préconise la création d'un fonds d'indemnisation de quatre ans de 40 millions de dollars par année pour les copies privées. Les créateurs de musique devraient être indemnisés équitablement pour les copies privées faites de leur musique, et ce fonds constitue une bonne mesure temporaire d'ici à ce qu'on dispose d'une solution permanente grâce à la modification de la loi. Idéalement, la Loi sur le droit d'auteur devrait faire en sorte que la copie privée soit neutre sur le plan de la technologie. Malheureusement, la copie privée se limite à des médias qui tombent rapidement en désuétude, comme les CD vierges.
    Merci beaucoup. Je demanderais maintenant à Chris Moncada de prononcer quelques mots.
    Je m'appelle Chris Moncada, résidant de la circonscription de Toronto—Danforth et directeur général de Last Gang Records et d'eOne Music Canada.
    Last Gang est une maison de disques indépendante établie à Toronto qui, depuis 15 ans, représente des artistes canadiens émergents et bien établis comme Metric, Stars, Death From Above et bien d'autres. Le répertoire actuel comprend plus de 20 artistes, dont la plupart sont canadiens. Nous soutenons et élargissons ce répertoire de diverses manières, notamment en faisant de la promotion à la radio et du marketing auprès des consommateurs, en offrant du soutien au chapitre des relations publiques, en proposant une stratégie de marque et en assurant la distribution de détail. Pour expliquer les choses très simplement, la maison de disques tire la plupart de ses revenus de l'exploitation d'enregistrements originaux au sujet desquels nous avons accordé des licences pour nos artistes afin d'autoriser l'écoute en continu de musique par l'entremise de services légitimes, la vente de téléchargements d'albums et de simples, la vente de CD et de disques vinyle, et la synchronisation de musique avec des divertissements visuels.
    Nos artistes partenaires reçoivent des redevances ou un pourcentage des recettes nettes après le recouvrement des coûts convenus que la maison de disques assume pour produire et commercialiser les produits. Ce qui est le plus difficile quand vient le temps de rémunérer nos artistes partenaires, c'est d'arriver à recouvrer les coûts dans la situation actuelle. Les taux payés par les services de diffusion en continu ne constituent qu'une fraction de ceux payés pour les CD, et les coûts de mise en marché et de promotion de l'art n'ont cessé de croître depuis que notre industrie a adopté un modèle de consommation par diffusion en continu. Qui plus est, le marché est maintenant mondial, et les coûts de promotion des artistes à l'étranger sont substantiels.
    La numérisation a eu des répercussions monumentales sur notre industrie. En relativement peu de temps, elle a modifié la manière dont nos artistes effectuent leurs enregistrements et la façon dont nous les distribuons et les mettons en marché. Elle a redéfini notre relation avec le secteur de la vente au détail. Ce qui n'a pas changé, toutefois, c'est le fait que la voie sur laquelle les artistes s'engagent pour gagner leur vie grâce à leur art commence par la création d'enregistrements originaux, dont un grand nombre sont financés et mis en marché par les maisons de disques. Les tournées, les listes de diffusion en continu, la radiodiffusion terrestre, l'intérêt de la presse et des blogues, les occasions de placement à la télévision et dans les films, tout cela vient après la création et la promotion de l'art.
    En apportant les modifications appropriées au régime de droit d'auteur — dont mon collègue, Stuart, a traité —, le gouvernement soutiendra les entreprises qui constituent la rampe de lancement du talent canadien afin d'avoir une incidence vraiment mondiale.
    Merci.

  (0850)  

    Bien.

[Français]

    C'est maintenant au tour de la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada.
    Vous pouvez commencer votre présentation.
    Merci, chers membres du Comité.
    Nous sommes devant vous aujourd'hui au nom de la SODRAC, une organisation de gestion collective du droit d'auteur et du droit de reproduction de ses membres auteurs, compositeurs, éditeurs de musique et créateurs d'oeuvres artistiques. Ce faisant, nous facilitons l'usage de notre répertoire d'oeuvres sur toutes les plateformes de diffusion, afin que le travail de nos membres soit rétribué équitablement.
    Nous comparaissons devant vous aujourd'hui parce que nous désirons vous présenter, dans le cadre de votre étude des modèles de rémunération, un portrait des répercussions du numérique et vous proposer certaines avenues pour rétablir l'équilibre dans la chaîne de valeur, afin de rétribuer plus justement le créateur.
    J'aimerais vous faire part de nos constats quant à la vie économique de nos membres.
    Compte tenu des nouveaux modèles d'affaires numériques et de la modernisation de la Loi sur le droit d'auteur de 2012, à titre d'organisation de gestion collective représentant les créateurs, nous voulons aborder les points suivants.
    Dans un premier temps, nous voulons vous présenter ce que nous avons constaté au sujet de l'ensemble des intervenants du marché.
    D'abord, il y a le consommateur. On est passé d'un mode de possession à un mode d'accès numérique où le répertoire musical local, national et international est accessible, légalement et illégalement, par un simple clic. Parce que le consommateur paie son fournisseur Internet pour avoir accès au contenu ou souscrit à des abonnements particuliers, il croit qu'il paie suffisamment pour les produits culturels, musicaux et audiovisuels.
    Ensuite, il y a l'utilisateur. L'environnement actuel favorise les exploitants numériques. Compte tenu des nouveaux modèles d'affaires du numérique, on assiste à l'émergence de nouveaux intermédiaires. Certains de ces intermédiaires utilisent la musique comme produit d'appel, alors que d'autres bénéficient d'exceptions, ce qui crée un écart dans la valeur des oeuvres numériques.
    Finalement, il y a le créateur. En soi, le numérique est bénéfique aux créateurs, car il élargit et démocratise les moyens de diffusion, qui autrefois étaient limités. Le numérique permet de diversifier la créativité et d'atteindre des publics qui n'auraient jamais été accessibles autrement. Il permet également de transformer complètement les formats dans lesquels la musique est consommée.
    Cependant, le plus grand constat en ce qui concerne le créateur est son incapacité d'être rémunéré équitablement pour l'utilisation de ses oeuvres. Les créateurs les plus prolifiques trouveront toujours un moyen d'être rémunérés pour leurs oeuvres, mais il en va autrement pour la grande majorité des créateurs, l'équivalent de la classe moyenne, qui vivaient de leurs créations avant l'avènement du numérique. Pour eux, le déséquilibre que le numérique a fait subir à la valeur des oeuvres ne cesse de s'amplifier.
    Dans un deuxième temps, nous voulons vous présenter les éléments qui ont une incidence économique sur les créateurs.
    Bien sûr, l'élément le plus crucial est la Loi sur le droit d'auteur. Or, depuis 2012, cette loi comporte plus d'exceptions que toute autre loi similaire ailleurs dans le monde. Ces exceptions ratissent très large. Elles concernent notamment le régime de la copie privée et le contenu généré par les utilisateurs. Il y a aussi les exceptions dont bénéficient certains intermédiaires numériques.
    Les différents jugements récents de la Cour suprême du Canada donnent un droit nouveau aux utilisateurs.
    Il y a aussi l'absence de pourcentages obligatoires de contenu national ou francophone dans le numérique.
    Finalement, bien que le rôle de la Commission du droit d'auteur du Canada soit essentiel, il y a un écart de valeur dans ses décisions relatives aux utilisations numériques des oeuvres, et cela a une incidence économique négative sur les créateurs, par comparaison à la situation des autres pays pour les mêmes utilisations.
    Cela nous amène au dernier point que nous voulons soulever. Je vais laisser Me Lavallée vous en parler.

  (0855)  

    En fait, on parle ici de la nécessité de disposer d'une loi sur le droit d'auteur qui soit favorable aux auteurs. Fondamentalement, le mode de rémunération d'un créateur représente pour nous la possibilité que ce dernier suive la vie économique de son oeuvre, quelle qu'en soit l'utilisation. Ce principe repose sur trois piliers, soit l'accès à l'oeuvre, l'autorisation du titulaire et la valeur en fonction des multiples utilisations et réutilisations.
    Reprenons ces trois points.
    L'accès n'est pas une source importante de problèmes, car la numérisation des oeuvres, surtout musicales ou audiovisuelles, est chose commune. C'est à la portée de tous. Des initiatives d'entrepôt numérique répondraient aux besoins d'accès à une copie autorisée détenant intrinsèquement des métadonnées universelles.
    L'autorisation ne devrait pas non plus causer de problèmes, puisque, à grande échelle ou lorsque le volume est élevé, le système permettant aux organisations de gestion collective comme la nôtre d'accorder des licences générales ou à la pièce fonctionne plutôt bien et procède par échange de métadonnées. Par contre, les multiples exceptions dans la Loi sur le droit d'auteur annulent le processus d'autorisation. La diminution des exceptions fera d'ailleurs l'objet de l'allocution que nous allons présenter devant le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
    Le plus grand défi concerne l'attribution d'une valeur en fonction des multiples utilisations. En effet, les exploitants numériques profitent actuellement de droits plus importants que ceux du créateur lui-même, qui est pourtant celui qui fournit la matière première à ces plateformes de diffusion. Comment avons-nous pu migrer d'un système de protection des auteurs à un système de protection des utilisateurs? Pourquoi le créateur se voit-il empêché de bénéficier des retombées économiques potentielles de l'exploitation de son oeuvre, que ce soit en raison des exceptions dans la Loi ou parce que la responsabilité des exploitants est floue et que cela l'oblige continuellement à recourir aux tribunaux pour faire valoir ses droits?
    Ce résultat est tout le contraire de ce que le Parlement devrait souhaiter pour l'ensemble de l'industrie culturelle. En ce sens, le ministère de l'Industrie et Patrimoine canadien devraient concerter leurs efforts pour revoir la Loi sur le droit d'auteur et en faire un outil destiné à défendre et promouvoir les titulaires de droits.
    Parmi les pistes de solution, nous vous invitons à considérer les suivantes, qui, nous le croyons fermement, reconnaissent l'évolution du marché numérique d'aujourd'hui et l'état du droit d'auteur au XXIe siècle.
    Premièrement, il faut reconnaître que le contenu transmis par un fournisseur de services numériques est soumis à un droit de propriété qui appartient à autrui. Il faut poursuivre sur cette lancée et reconnaître également que certains acteurs d'Internet, notamment les fournisseurs d'accès à Internet, Facebook et YouTube, pour n'en nommer que quelques-uns, nient encore toute responsabilité. Or, dans la nouvelle économie numérique, ils devraient assurer une rémunération correcte des créateurs. Leur contribution est donc nécessaire.
    Le fait qu'un immense secteur distribue la musique des créateurs, mais ne paie en retour qu'une infime partie des revenus, est connu sous le nom de « transfert de valeur » ou « écart de valeur ». Ces deux expressions courantes décrivent le transfert de la valeur inhérente des oeuvres de création vers les plateformes qui les hébergent et les monétisent, mais qui ne paient que peu ou pas de redevances à ceux qui ont investi temps et argent dans la création de ces oeuvres.
    Deuxièmement, il faut éviter l'expropriation des créateurs en diminuant l'accès aux oeuvres sans compensation. La pléthore d'exceptions que la loi actuelle contient est, depuis toujours, un sujet récurrent de plaintes de la part des ayants droit. L'exercice de révision parlementaire que vous menez doit permettre d'améliorer le sort économique des créateurs. La façon d'y parvenir est de réduire le nombre d'exceptions dans la Loi qui mènent à une absence de rémunération ou à une rémunération insuffisante.
    Finalement, il faut encourager la diffusion des oeuvres rémunérées au moyen de licences accordées par des organisations de gestion collective.
    En plus de maintenir un pouvoir de défense accru pour nos membres afin de faire respecter leurs droits, nous développons un positionnement fort face aux utilisateurs. Cependant, la force de ce positionnement est à la mesure de ce que la Loi sur le droit d'auteur nous permet de faire.
    Je crois que le temps de parole qui nous est alloué est presque écoulé.

  (0900)  

    Il vous reste deux minutes.
    Très bien, je vous remercie, madame la présidente.
    Comment peut-on amener l'utilisateur, surtout s'il s'agit d'un utilisateur étranger, à la table de négociations, si le droit que l'on défend est affaibli par une pléthore d'exceptions? Cette situation a un effet direct sur le mode de rémunération et sur la valeur établie en fonction des multiples utilisations et réutilisations des oeuvres, dont nous parlions plus tôt. Si le droit est affaibli, la valeur s'en trouve entachée.
    Parlons brièvement de la technologie au service de l'industrie culturelle.
    De façon subsidiaire, les diverses procédures de documentation et d'identification des oeuvres exploitées ne causent pas de problèmes aux organisations de gestion collective pour ce qui est de répartir équitablement les sommes perçues. Dans l'avenir, le développement de nouvelles technologies telles que la chaîne de blocs et l'intelligence artificielle va sûrement contribuer à améliorer l'efficacité du processus. C'est le fait que les utilisateurs ne sont pas tenus d'utiliser des métadonnées standardisées qui est le vrai problème. Ce problème puise sa source dans l'absence de valeur perçue par ces mêmes utilisateurs, qui bénéficient des largesses d'une loi qui les protège plus qu'elle ne protège les auteurs.
    Précisons que, en Europe, la Commission européenne est en train de modifier sa directive pour donner plus de pouvoir aux organisations de gestion collective face aux géants du Web. Elle compte limiter certaines exceptions législatives pour permettre aux organisations de gestion de contraindre certains intermédiaires à payer leur juste part et ainsi réduire l'écart de valeur.
    Au terme de son réexamen, votre comité devrait idéalement proposer au Parlement des amendements à la Loi qui tiennent compte des solutions qui vous seront présentées aujourd'hui.
    Nous vous remercions de votre écoute. Cela nous fera plaisir de répondre à vos questions.
    Nous allons maintenant commencer une période de questions et de réponses.

[Traduction]

    Je voudrais souhaiter la bienvenue à M. Sorbara à notre séance.

[Français]

    Madame Dhillon, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Je remercie nos témoins de comparaître aujourd'hui.
    J'ai des questions pour tous les témoins.
    Je commencerai par la CIMA, et si quelqu'un d'autre souhaite intervenir, il peut le faire également.
    La première question concerne l'ère numérique, dont nous avons beaucoup entendu parler au cours des dernières semaines. Considérez-vous que l'ère numérique a eu des répercussions négatives notables sur les artistes?
    Voulez-vous que je réponde à cette question ou souhaitez-vous commencer en présentant votre point de vue?
    Je répondrai en premier.
    Je pense que dans une certaine mesure, c'est une question épineuse, car de notre point de vue, il est évident qu'elle a eu des effets négatifs. Sur les plans de la production et de la distribution, toutefois, l'ère numérique offre aux artistes des occasions accrues de faire connaître leurs oeuvres au public. De nombreux groupes et artistes ont réussi à en profiter, car le modèle de distribution leur est maintenant accessible, alors qu'avant, certains cerbères bloquaient l'accès aux bacs, si l'on peut dire.
    Si je peux me permettre d'intervenir, la numérisation est une arme à double tranchant.
    Pour donner suite aux propos de Chris, je dirais que la technologie et le monde numérique ont permis aux artistes et aux entreprises d'enregistrer et de distribuer plus efficacement la musique. Elle a équilibré davantage les règles du jeu, puisque les artistes peuvent lancer leurs produits sur le marché, mais le volume de produits est tel maintenant qu'il est difficile d'être découvert et d'être rémunéré pour son oeuvre. C'est une arme à double tranchant. La numérisation permet à tout le monde d'enregistrer et de distribuer sa musique, mais, à dire vrai, ce n'est pas tout le monde qui devrait le faire. Il est extrêmement difficile d'être découvert quand il y a tant de musique sur le marché. C'est une arme à double tranchant, une bénédiction et une malédiction, dans un certain sens.

[Français]

    Selon vous, maître Lavallée, y a-t-il un écart important entre la Loi et la technologie? Pensez-vous que la Loi n'a pas eu la chance de s'adapter à la technologie d'aujourd'hui?

  (0905)  

    La Loi est censée être neutre sur le plan technologique. Peu importe la technologie qui est en place, elle devrait s'appliquer. C'est l'introduction des exceptions qui a permis de cibler des utilisations très précises dans la Loi pour carrément exproprier le créateur et lui enlever le droit qu'il pouvait avoir.
    En plus de cela, après interprétation de la Loi, la Cour suprême a accordé un droit aux utilisateurs. Elle soutenait que la Loi devait dorénavant maintenir un équilibre entre les droits de chacun et que les utilisateurs aussi avaient un droit. Le problème dans tout cela, et celui-ci devrait être réglé par voie législative, c'est qu'on devrait fondamentalement revenir à une loi neutre sur le plan technologique, une loi qui protège une création de l'esprit, peu importe sa plateforme de diffusion.
    La création de ce mouvement de droit des utilisateurs a affaibli le pouvoir de négociation des ayants droit, incluant ceux comme nous qui se regroupent pour avoir une force de frappe contre des géants étrangers tels les GAFA — Google, Apple, Facebook et Amazon —, Spotify ou Alphabet. Lorsque le droit est flou ou faible alors qu'il devrait être aussi fort qu'il l'était dans le monde analogique, cela amène des acteurs à ne pas vouloir négocier avec nous ni payer la juste valeur des droits.
     Vous avez mentionné que les médias sociaux comme Facebook étaient au courant, mais qu'ils niaient leur responsabilité. D'après vous, si la Loi change, est-ce que Facebook ou les autres médias sociaux seront tenus responsables ou pourront-ils toujours nier leur responsabilité? Comment se fait-il qu'ils puissent nier cette responsabilité?
    Quand on parle des réseaux sociaux d’aujourd’hui, il faut comprendre qu’on a introduit dans la Loi sur le droit d'auteur du Canada un concept qu’on appelle le contenu généré par l'utilisateur. À cet égard, certains intermédiaires, notamment les réseaux sociaux, font l’objet d’exceptions dans la Loi. C'est l'une des choses que nous souhaiterions qu'on modifie dans la Loi.
    Vous avez demandé quel était l'effet du numérique quant à la responsabilité. Nous gérons des droits d'auteur, mais il y a plusieurs sortes de droits d'auteur. M. Johnston a parlé des droits d'exécution publique. De notre côté, nous gérons plus particulièrement les droits de reproduction de la musique. Traditionnellement, les gens avaient des lecteurs CD, alors nous accordions des droits pour des CD et des phonogrammes ainsi que des droits de synchronisation. Bref, il y a une panoplie de droits de reproduction.
    Avant l'arrivée du numérique, les créateurs francophones — ce sont eux que nous représentons en plus grande partie — et les autres créateurs canadiens pouvaient, du point de vue national, recevoir une rémunération conformément aux directives et politiques que le gouvernement établissait.
    Je vous donne un exemple. Il suffit de comparer les revenus qui émanent du numérique à ceux qui proviennent de médias traditionnels. En raison des contrats que nous avons conclus avec les utilisateurs, je ne peux pas vous donner de chiffres précis, mais je peux vous dire ce que nous avons constaté de manière générale: la diffusion d'une oeuvre sur une plateforme numérique générera 50 % moins de revenus pour son auteur que la diffusion de cette même oeuvre dans un média traditionnel comme la radio.
    Le numérique a certainement ses bons côtés. On ne peut pas revenir en arrière et il faut regarder vers l'avenir, mais on doit rétablir l'équilibre relativement à cela.
    Parfait.
    C'est tout le temps que vous aviez.
    C'est déjà terminé?
    Oui.

[Traduction]

    Nous accorderons maintenant la parole à M. Van Loan pour sept minutes.
    Monsieur Johnston, vous avez entre autres proposé de prolonger la durée du droit d'auteur pour qu'il s'applique 70 ans après le décès de l'auteur. Vous savez, je pense, que j'ai déposé un projet de loi d'initiative parlementaire en ce sens. La question devait être prise en compte dans l'accord commercial du Partenariat transpacifique. Puis, quand les Américains ont fait marche arrière, le présent gouvernement libéral a fait enlever tout le chapitre sur le droit d'auteur parce que c'était une des principales réclamations des Américains.
    À mon avis, étant donné qu'il s'agit d'une question commerciale importante en ce qui concerne les États-Unis, on ne veut pas se désarmer unilatéralement, si l'on peut dire, en vue des négociations commerciales. On veut pouvoir aller négocier l'ALENA ou d'autres accords commerciaux avec une monnaie d'échange que l'on peut utiliser pour obtenir autre chose qui est dans l'intérêt du Canada.
    Comment composer avec les préoccupations d'ordre commercial qui seraient soulevées afin de s'opposer à toute intervention à cet égard?

  (0910)  

    Je pense que la réponse la plus directe à cette question consisterait à dire que dans le cas présent, le droit d'auteur ne devrait pas être utilisé comme monnaie d'échange lors de négociations commerciales. C'est la bonne chose à faire. C'est déjà une force de nos partenaires et de nos concurrents de par le monde. Les États-Unis et l'Union européenne, par exemple, ont déjà prolongé la durée du droit d'auteur. Nous l'avons déjà fait pour les interprètes et les concepteurs. Le gouvernement précédent avait soulevé la question, comme vous le savez.
    C'est de l'autre moitié de l'équation dont nous parlons: celle de la valeur intrinsèque de la musique. Je pense que c'est la raison pour laquelle nous sommes tous ici. Si la musique a de la valeur et si nous comprenons que les créateurs de musique sont payés pour cette valeur, que ce soit aujourd'hui ou pour une période donnée, et que nous tirons de l'arrière par rapport à nos concurrents, il faut agir maintenant.
    Je vais vous soumettre une hypothèse. Seriez-vous troublé si, par exemple, nous agissions unilatéralement, mais ne pouvions protéger l'exemption culturelle lors de la renégociation de l'ALENA?
    Je ne suis pas certain d'être prêt à réagir à des hypothèses aujourd'hui, monsieur. Nous pourrons passer la journée à émettre des hypothèses.
    C'est probablement une réponse prudente.
    Vous avez également évoqué la question de la définition d'« enregistrement sonore ». Pouvez-vous nous indiquer la manière dont vous voudriez qu'elle soit reformulée? Qu'est-ce qui ne va pas avec la définition actuelle? Pourriez-vous proposer une autre formulation? Cette définition figure dans la loi, n'est-ce pas?
    Oui.
    Le libellé actuellement proposé est en cours d'élaboration. Je pense que mon collègue Graham Henderson a témoigné la semaine dernière à propos du même sujet.
    Je pense lui avoir posé des questions semblables.
    Oui, et son groupe est en train de formuler une définition qui, espérons-nous, vous sera présentée bientôt. Nous travaillons à la question.
    Vous demandez également que les stations de radio soient exemptées de commission pour le 1,25 premier million de dollars de revenus. Je n'étais pas là, mais je pense que cette mesure a été instaurée pour offrir une sorte de protection aux stations de radio familiales et aux stations des petites villes. Les membres de votre industrie ont fait valoir que lorsque cette mesure a été prise, ces stations de radio étaient bien plus nombreuses. L'industrie a depuis été le théâtre de nombreux regroupements, et tout le monde appartient aux géants. Nous savons qu'un grand nombre de stations, mais pas toutes, leur appartiennent.
    Peut-on faire un compromis ou adopter une approche afin de continuer de protéger les stations de radio des petites villes, auxquelles elles fournissent littéralement une forme de service communautaire, tout en vous permettant d'atteindre certains de vos objectifs afin de tenir compte de l'évolution de l'industrie en général? Vous opposez-vous à ce qu'on protège les stations de radio familiales ou qu'on atteigne cet objectif initial?
    Bien sûr que non. La situation était différente pour les radiodiffuseurs canadiens privés en 1997. Des radiodiffuseurs commerciaux, comme Radio-Canada, par exemple, ont été exemptés de cette exemption, mais les choses étaient différentes à l'époque. Comme vous l'avez fait remarquer, il existait alors bien plus de stations de radio familiales au Canada.
    Au cours des 20 dernières années, nous avons assisté à une intégration verticale considérable et à un regroupement des acteurs dans l'industrie. Mais quand de petites stations de radio familiales ne font pas partie de conglomérats, on peut certainement faire un compromis pour les protéger. On pourrait même faire en sorte que les stations de radio affichant des revenus annuels de 1,25 million de dollars ou moins paient le montant de 100 $ plutôt que d'être exemptées pour le 1,25 premier million de dollars, à part le montant de 100 $. Tout revient toutefois au postulat de départ: nous jugeons tous que la musique a de la valeur et que si on veut utiliser et commercialiser le contenu, il faut en payer la valeur.
    Je demanderai aux autres témoins de donner leur point de vue sur les mêmes trois questions et de me dire s'ils souhaiteraient d'autres changements précis. Nous avons les trois qui ont été proposés, et je pense qu'il nous est fort utile d'avoir des recommandations précises pour une fois.

  (0915)  

    Merci beaucoup.
    Vous devez comprendre que nous ne représentons pas le même point de vue au chapitre du droit d'auteur. La CIMA et M. Johnston représentent ce que nous appelons les enregistrements de chansons, alors que nous représentons les oeuvres. Dans la loi, les dispositions pourraient être rédigées différemment. Nous pouvons présumer que pour les oeuvres, le degré d'exemption des stations de radio n'est pas le même que pour les autres éléments.
    Vous bénéficiez de toutes les mesures de protection qu'ils se plaignent de ne pas avoir.
    Je dirais que c'est quelque chose.
    Nous délivrons des licences à très faible taux aux radios non commerciales. Le taux est toujours inférieur à 1,25 %, mais nous délivrons des licences. Nous en avons le droit, car nous sommes autorisés à délivrer des licences. Les montants sont peut-être modestes, mais au moins, nos membres sont rémunérés pour l'utilisation de la musique en vertu de la loi. Ce n'est pas une exception. Quand vient le temps de régler la question et lorsque nous comparaissons devant la commission avec les stations à faible revenu, nous leur obtenons un taux plus bas parce que nous en avons le droit, mais nous en avons discuté et nous en sommes arrivés à une entente au sujet des stations à faible revenu. C'est ce qui diffère entre une exemption et une entente avec les radiodiffuseurs en ce qui concerne le taux.
    Préféreriez-vous qu'il n'y ait que des arrangements contractuels ou des ententes avec la Commission du droit d'auteur au lieu d'apporter des modifications à la loi?
    Non; nous sommes passés par la Commission du droit d'auteur, mais nous discutons tout de même de ces questions. L'idée est que nous recevions une juste contrepartie. Nous sommes conscients que les petites et les grandes stations de radio n'ont pas la même capacité financière, mais nous préférons négocier pour obtenir les droits plutôt que de bénéficier d'une exception.

[Français]

    Je vais maintenant céder la parole à M. Nantel pour sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vous remercie tous d'être parmi nous ce matin.
    Ma première question s'adresse à M. Moncada.

[Traduction]

    Arts & Crafts Productions est l'un des plus importants membres de votre association. Je pense que c'est un nom fort intéressant pour une maison de disques, car cela correspond précisément à son rôle, qui est de faire des artistes des professionnels, dans un sens très positif du terme. On parle d'une industrie internationale où la concurrence est féroce. L'envahisseur, ce ne sont pas les petits artistes qui produisent des choses dans leur sous-sol. Tout le monde écoute la même chose, mais peut découvrir toutes sortes de nouvelles choses. Il y a beaucoup d'aspects positifs.
    Comme vous représentez les maisons de disques indépendantes, aimeriez-vous apporter des nuances à la présentation de Music Canada? Évidemment, comme l'organisme représente toutes les maisons de disques américaines, il a un excellent budget et une excellente représentation. Ses représentants ont fait une très bonne présentation; certains enjeux ont été soulevés. Aimeriez-vous nuancer leur propos?
    Je n'ai pas entendu ce qu'ils ont dit, mais je peux ajouter le point de vue d'une maison de disques canadienne indépendante évoluant dans un marché mondial, si c'est ce que vous demandez.
    Je pense que la principale différence entre nos activités respectives, c'est qu'ils ont les moyens de miser sur une tête d'affiche chaque trimestre ou chaque mois. Une maison de disques comme Warner sait que les vieux disques de Fleetwood Mac et de Neil Young seront écoutés en continu et que les ventes atteindront un certain volume chaque mois. Cela fait partie des prévisions budgétaires trimestrielles, et cette certitude permet de prendre des risques sur de nouveaux talents. Les maisons de disque comme Arts & Crafts, Dine Alone Records ou Last Gang Records misent aussi sur des têtes d'affiche, mais moins souvent. Je gruge tous mes profits chaque trimestre. Ce risque, si je veux avoir du succès avec la musique actuelle, nécessite un examen rigoureux et s'accompagne d'un stress considérable.
    Merci. C'était toute une expression; c'est comme un écureuil.
    Nous savons tous que vous faites référence au parallèle qu'on peut faire pour le Québec, avec l'ADISQ. On parle d'entreprises semblables, mais avec un volume probablement plus élevé, de sorte que la différence est notable, évidemment. Il est important de nuancer les points de vue qui sont présentés ici.

  (0920)  

[Français]

    Messieurs Lauzon et Lavallée, vous avez fait allusion aux écarts de valeur et à la migration de l'écoute vers de nouvelles plateformes. La ministre parle constamment d'un écosystème culturel, mais c'est aussi un cube Rubik constitué de divers enjeux qui influent sur la situation. Le seul constat que nous sommes en mesure de faire à l'heure actuelle, c'est que les ayants droit, c'est-à-dire les créateurs, ne sont pas ceux qui récoltent la valeur. C'est très clair, tout le monde est d'accord. Le CRTC l'a clairement affirmé et les gens du milieu ont poussé un soupir de soulagement: enfin, l'arbitre venait de dire quelque chose qui collait à la réalité.
    Que pensez-vous de sa recommandation consistant à enfin demander une contribution aux fournisseurs d'accès Internet?
    Il y a plusieurs années que l'ensemble des intervenants du milieu culturel et de la musique demande qu'une forme de contribution soit exigée des fournisseurs d'accès Internet. Toutefois, la plus grande difficulté demeure de développer cette idée. La volonté des fournisseurs d'accès Internet d'offrir leur contribution représente également un obstacle. Je travaille dans ce milieu depuis 15 ans et, dans le contexte d'Internet, on parle de cette situation depuis 10 ans, assurément.
    Plusieurs pistes de solution peuvent être suivies, mais, chose certaine, nous sommes favorables à l'idée qu'on demande une contribution aux fournisseurs d'accès Internet.
    J'aimerais également parler de la nécessité de réformer la Commission du droit d'auteur du Canada. Cette question n'a pas été abordée par le CRTC, parce qu'elle n'est pas du tout de son ressort, par contre nous en avons beaucoup entendu parler. Malheureusement, il n'y a pas d'éditeurs parmi nous aujourd'hui. Je suis étonné qu'il n'en ait pas été question plus souvent depuis le début de ces audiences, mais tout le monde convient du caractère étrange de cette entente signée par les éditeurs selon laquelle des fractions de cents sont versées aux ayants droit dans le contexte des services de diffusion en continu. Nous ne pourrons pas changer cette situation. Les grands artistes représentés par ces étiquettes et ces maisons d'édition ont eux-mêmes déploré le fait que leur musique, à la pièce, ne valait pas grand-chose.
    À votre avis, pouvons-nous espérer qu'une mesure compensatoire sera adoptée pour les ayants droit canadiens, dont la visibilité, la découvrabilité et les marchés sont assurément plus restreints que ceux des artistes internationaux?
    Ma question s'adresse aussi bien à MM. Johnston et Moncada qu'à MM. Lauzon et Lavallée.

[Traduction]

    Il y a tant de réponses à cela, et cette question générale appelle de multiples nuances. Nous avons été encouragés par le rapport du CRTC de la semaine dernière. Nous savons que la Loi sur la radiodiffusion fera l'objet d'un examen au cours de la prochaine année et nous espérons que le rapport du CRTC servira de fondement à cet examen ou sera pris en compte, à tout le moins. Je pense qu'il comprend de nombreuses recommandations très positives sur les aspects dont vous venez de parler par rapport aux fournisseurs de services Internet et à l'établissement de règles équitables. Cela favorisera certainement les progrès.
    Je pense que notre participation aujourd'hui à l'examen de la Loi sur le droit d'auteur, alors que nous cherchons des façons de l'améliorer afin, espérons-le, de suivre l'évolution du monde numérique dans lequel nous vivons, est un exercice très positif en soi. C'est aussi le cas de l'examen des exemptions dont nous parlons tous — l'exemption relative à la radiodiffusion et la définition d'enregistrement sonore, notamment —, et de la possibilité d'en éliminer certaines. Ces aspects feront tous partie intégrante du système et renforceront la fondation, pour nos créateurs.
    Pour répondre à la question que vous avez soulevée concernant les ententes avec les fournisseurs de services numériques, comme Spotify, ce sont en partie des droits du marché, particulièrement dans le cas de services interactifs complets comme Spotify, qui sont négociés par l'intermédiaire des maisons de disques. Les maisons de disques indépendantes du Canada et du monde misent heureusement sur un organisme appelé Merlin, qui a des bureaux à Amsterdam, Londres et New York. Merlin représente 20 000 étiquettes indépendantes partout dans le monde et négocie avec 20 fournisseurs de services numériques, comme Deezer, Spotify et YouTube. Les étiquettes indépendantes comptent donc sur l'appui d'un acteur très influent. Grâce à Merlin, nous représentons 12 % du marché numérique.
    Le secteur est en effervescence et certaines organisations sont très actives. Aux fins de la discussion d'aujourd'hui, nos recommandations et celles d'autres témoins qui ont comparu au Comité portent sur les nombreuses modifications qui pourraient être apportées au marché canadien.

  (0925)  

[Français]

    Est-il exact que...

[Traduction]

    Nous devons malheureusement en rester là, mais nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir pendant la prochaine série de questions.
    Nous passons maintenant à M. Hogg, pour sept minutes.
    Je vais partager mon temps de parole avec M. Virani.
    Monsieur Johnston, je pense que les quatre recommandations que vous avez présentées d'entrée de jeu sont très semblables aux commentaires que nous avons entendus tout au long des témoignages, ce qui comprend la question soulevée par M. Lavallée sur le passage d'un système axé sur la protection des auteurs à un système de protection des utilisateurs.
    Ces recommandations s'appuient-elles sur des principes? Y a-t-il un ensemble de principes que nous pourrions examiner, étant donné que l'avenir de la numérisation nous est inconnu? Vous avez fait référence à la chaîne de blocs et aux enjeux connexes.
    Y a-t-il des principes inhérents aux recommandations liées à la question de l'équité? Je ne sais pas vraiment ce qu'on entend par équité, et les divers acteurs et segments de l'industrie en ont probablement une interprétation différente. Les recommandations s'appuient-elles sur des principes fondamentaux que nous devrions examiner? Je pense notamment aux quatre recommandations qui sont revenues dans presque tous les témoignages que nous avons entendus, à des aspects que nous pourrions examiner afin d'accroître notre résilience à l'avenir.
    Je pense que vous avez en mains le document que nous vous avons envoyé au nom de 19 associations de l'industrie de la musique, je crois. Nous l'avons envoyé au ministère du Patrimoine canadien à l'automne. La SODRAC, la CIMA et la CMPA sont parmi les nombreux signataires. Nos recommandations, que vous trouverez sous la rubrique correspondante, sont fondées sur trois principes: applicabilité réelle; droits visionnaires; règles cohérentes.
    Je pense que l'essentiel est, en fin de compte, de s'assurer que ceux qui créent et commercialisent la propriété intellectuelle sont protégés et rémunérés, aux termes de la loi. Je pense que c'est l'objectif de base.
    Je peux ajouter quelque chose, Stuart, si vous voulez.
    M. Stuart Johnston: Allez-y.
    M. Chris Moncada: J'aimerais simplement ajouter un point important aux observations de Stuart. L'industrie compte actuellement plusieurs étiquettes canadiennes indépendantes, et l'enjeu dont nous discutons est leur santé. Les étiquettes indépendantes ont toujours eu l'habitude de conclure des ententes avantageuses pour les artistes, soit des contrats de courte durée. On voit cela souvent; un artiste signe un contrat avec une étiquette indépendante quelconque, au Québec ou au Canada. Le succès peut être au rendez-vous ou non. La plupart du temps, l'artiste qui connaît du succès est essentiellement enlevé à l'étiquette indépendante canadienne, parce qu'une maison de disques américaine ou britannique lui offre un contrat avec un acompte important. L'artiste poursuit alors sa carrière à l'extérieur du pays, du point de vue de la PI.
    Le Canada perd donc la propriété intellectuelle. Lorsqu'on parle des succès de la musique canadienne, on pense à Drake, à Bieber, à Mendes. Ils ont un passeport canadien, mais leurs contrats sont avec les États-Unis. Ils ne contribuent pas au bassin de PI canadien.
    Cela dit, monsieur Hogg, je pense que le point que nous tentons de faire valoir — cela pourrait être un bon thème commun pour vous —, c'est que si nous parvenons à inciter plus d'étiquettes indépendantes canadiennes à passer du niveau de base au niveau intermédiaire et à offrir aux artistes le deuxième contrat dont ils ont besoin, alors le financement et la promotion du produit à l'extérieur du pays relèveront d'une entreprise canadienne, et la PI demeurera ici. Cela favorise la croissance de l'entreprise canadienne et les artistes pourraient continuer de faire carrière ici, plutôt que d'aller ailleurs.
    Toutes les mesures examinées par mes collègues visent à accroître notre rentabilité et nous aider à faire ce genre de choses.

[Français]

    Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter un élément de réponse.
    Pour nous, le principe sous-jacent à l'atteinte de tous les objectifs, c'est d'avoir une Loi sur le droit d'auteur qui définit clairement le droit du créateur, qui définit bien les tenants et aboutissants de ce qui revient au créateur. Une fois que cela sera établi, le reste en découlera.
    Plus tôt, M. Nantel parlait de mesures compensatoires que l'on aimerait voir appliquer. Or, on n'a pas besoin de mesures compensatoires, si on est rémunéré à la juste valeur des droits et qu'on peut négocier tout cela à la table de négociations. Pour amener les acteurs à la table de négociations, il faut avoir une force de levier. Ce levier, c'est la Loi. Une autorisation doit être obtenue. S'il y a le moindre doute quant à l'obtention de l'autorisation, cela mine complètement la négociation. Prenons la situation où, dès le début des négociations, la personne dit:

  (0930)  

[Traduction]

    « Je ne suis même pas certain d'être obligé de vous payer. Je pourrais le faire pour des raisons politiques, mais... Eh bien, discutons. »

[Français]

    À ce moment, on sait tout de suite que la valeur va diminuer de moitié.

[Traduction]

    Ils vous donnent l'impression que vous n'avez pas le choix.

[Français]

    Selon moi et selon la Société du droit de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs au Canada, l'auteur ou le créateur devrait avoir la liberté de négocier une entente relative à son oeuvre selon les conditions qu'il désire, et non pas être pris à ne pas pouvoir négocier telle chose parce qu'elle fait partie d'une exception contenue dans la Loi.

[Traduction]

    Combien de temps me reste-t-il, madame la présidente?
    Une minute et demie.
    Très bien.
    Vous devrez vous dépêcher, Arif. Je suis désolé.
    Monsieur Johnston, je voulais vous poser quelques questions, car celles de M. Van Loan vous ont amené sur le terrain de la protection culturelle et du commerce. Le Comité a eu l'impression que cela servait de monnaie d'échange, en quelque sorte, ou que le gouvernement canadien ne faisait pas le nécessaire pour protéger la culture dans le cadre d'accords commerciaux.
    J'aimerais avoir vos commentaires sur le fait que dans le cadre du PTPGP, l'accord qui a été renégocié après le retrait des États-Unis, le gouvernement canadien a veillé au maintien de l'exemption culturelle et à son application, pour la première fois de l'histoire du commerce canadien, au contenu numérique et au contenu Web, ce qui permet de les réglementer.
    La ministre Joly a clairement indiqué que l'absence de ce point lors de la première ronde des négociations était ce qui avait empêché le premier ministre de signer l'accord à ce moment-là. Nous avons redoublé d'ardeur à cet égard et veillé à ce que ce soit protégé, pour la première fois.
    Quelle incidence cela a-t-il sur les points que vous avez soulevés concernant l'appui aux artistes canadiens sur le plan de la rémunération dans le monde numérique?
    Si vous êtes en mesure de répondre à cette question, vous avez 30 secondes.
    Oh, misère! Trente secondes pour traiter de protection culturelle.
    Des voix: Ha, ha!
    M. Stuart Johnston: Je dirais simplement que c'est manifestement la chose à faire, car cela protège nos droits partout dans le monde. On établit un précédent pour d'autres négociations commerciales, maintenant et pour l'avenir. Cela fait écho aux principes des mesures que nous avons dans l'accord commercial avec l'Union européenne, dans la version initiale de l'ALENA et, maintenant, dans le Partenariat transpacifique.
    Ce genre de libellé ne fera que renforcer notre position sur les marchés mondiaux.
    Nous passons maintenant à M. Shields.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    La conversation est très intéressante. J'ai un petit rapprochement à faire. J'ai un fils qui a été cadre supérieur au sein d'une société ayant un magasin à la bannière jaune et bleue, ici à Ottawa. Il a d'ailleurs participé à son ouverture. Donc, il a travaillé pour cette entreprise, l'une des plus importantes entreprises familiales d'ameublement au monde.
    En Suède, les villes font des prévisions sur un horizon de 5 ans, ou 10 ans. Lorsque vous parlez d'avenir... Il s'occupe maintenant de l'entreprise de ma fille et d'autres entreprises. Vous avez mentionné l'accès. Les gens se soucient peu de savoir d'où proviennent les produits dont ils ont besoin pour leur entreprise. Ils les veulent maintenant, c'est tout. Ils s'approvisionnent en Chine et au Royaume-Uni, peu importe, et la livraison se fait en quelques jours à partir de n'importe quelle région du monde. Lorsque vous parlez d'avenir, dans le monde numérique, il faut regarder en avant, comme le fait cette grande entreprise pour une collectivité de 3 000 à 5 000 habitants, et faire des prévisions sur un horizon de 5 ou 10 ans. On veut créer des mesures législatives adaptées à l'avenir. Comme je le dis à mes enfants et à mes petits-enfants, tout est une question d'accès. C'est la clé.
    Quelles sont vos recommandations pour votre avenir? Vous voulez une mesure législative pour l'avenir. Que voulez-vous, exactement?
    Je vais prendre la reproduction à des fins privées comme exemple. Selon nous, il faut opter pour la neutralité technologique, car nous ne savons pas à quoi ressemblera la technologie dans 5 ou 10 ans. Selon moi, l'inclusion dans la loi d'une disposition exigeant la tenue d'un examen tous les cinq ans est extrêmement importante, comme le démontre notre présence ici aujourd'hui. Nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve dans 10 ou 15 ans, mais nous pouvons veiller à être à l'avant-garde le plus possible, sur le plan législatif.
    Donc, je recommande fortement de faire un autre examen dans cinq ans, puis un autre, cinq ans après. Cela nous permettrait, en partie, de suivre les tendances futures.

[Français]

    Il faut regarder vers l'avenir. On parlait des ententes internationales qui sont signées. Pensons notamment à l'AECG. Cela dit, le Canada doit maintenir sa capacité d'être autonome et d'intégrer des politiques qui sont les siennes. C'est beau, le marché international. Toutefois, en matière de création, c'est aux organismes locaux qu'il faut principalement apporter de l'aide, et pas seulement au début, mais sur une certaine période de temps. Lorsqu'ils seront suffisamment grands, ils pourront aller à l'extérieur. Il faut quand même que le Canada puisse établir avec ses partenaires commerciaux la capacité de mettre en oeuvre ses règles fondamentales à l'intérieur du pays.
    Par ailleurs, il faut bien comprendre la différence entre le marché canadien et le marché québécois. Le marché québécois francophone occupe davantage un créneau que le marché anglophone au sein de la diversité mondiale. Le marché francophone se situe peut-être un peu plus à la frontière de ce bouleversement numérique. Si, à l'échelle canadienne, on n'établit pas de règles semblables à celles qu'on a établies pour la radio commerciale, il faudra préparer l'avenir différemment.

  (0935)  

[Traduction]

    Monsieur Johnston, vous représentez les petites entreprises; mes enfants exploitent de petites entreprises. J'ai l'habitude de répéter deux choses. Premièrement, il faut éliminer la paperasserie. Deuxièmement, le gouvernement doit s'effacer pour favoriser le succès des entreprises. Vous représentez les petites entreprises.
    Oui.
    Quel est le défi des petites entreprises? Certains membres de ma famille ont des petites entreprises, et bon nombre d'entre elles réussissent très bien. C'est ce qu'ils me disent.
    De façon générale, si l'on parle de tous les secteurs, je suis d'accord avec vous. Le défi auquel mes membres sont confrontés, qu'ils soient francophones ou anglophones, c'est le flux de trésorerie et l'accès aux capitaux. Nous ne vendons pas des meubles, nous vendons un produit intangible. C'est très difficile d'obtenir un prêt commercial traditionnel de la banque afin d'avoir plus de capitaux.
    C'est pourquoi un programme comme le Fonds de la musique du Canada est si important. Il permet à mes membres d'obtenir des capitaux de lancement qu'ils pourront utiliser sur le marché. Ils peuvent alors investir dans la carrière des artistes. Ils peuvent découvrir, développer, commercialiser et exporter nos produits.
    Oui, il faut se débarrasser de la paperasserie et rationaliser le processus le plus possible pour les petites entreprises, mais nous avons besoin de lois comme la Loi sur le droit d'auteur pour protéger nos produits ici et ailleurs dans le monde. Nous avons besoin de programmes comme le Fonds de la musique du Canada pour avoir ces fonds de lancement dont se servira l'industrie pour investir dans les artistes. Nous avons besoin d'une Loi sur la radiodiffusion forte qui reconnaît certains des thèmes présentés par le CRTC dans son rapport la semaine dernière.
    Le gouvernement a un rôle à jouer dans notre industrie et je crois qu'il est un partenaire important, parce que, comme l'a fait valoir Chris, notre produit est mondial. Dès qu'on met de la musique en ligne, elle devient un produit mondial. Comme le marché du Canada est très petit, nous avons besoin d'accéder aux marchés mondiaux où nos artistes connaissent du succès. Pour cela, il faut du temps, de l'argent et des investissements; il faut que le gouvernement soit notre partenaire.
    Merci. La parole est maintenant à M. Hébert.

[Français]

    Vous avez cinq minutes.
    Ma première question s'adresse à M. Lauzon ou à M. Lavallée.
    Vous avez parlé de diminuer les exemptions que contient la Loi, parce qu'il semble y avoir là des accrocs. Toutefois, j'ai surtout remarqué que vous avez parlé de l'absence d'obligations de l'utilisateur.
    J'aimerais m'assurer d'avoir bien saisi votre propos. Lorsque vous parlez de l'utilisateur, s'agit-il de l'auditeur ou plutôt du fournisseur de services Internet qui reproduit l'oeuvre?
    Nous visons précisément le fournisseur de services Internet, du moins le diffuseur culturel, soit celui qui utilise le produit créé par nos membres, notre répertoire, à des fins commerciales.
    Le poisson est donc plus facile à attraper, car il est plus gros.
    Oui, mais je reviens inlassablement à mon mantra: encore faut-il que le droit et sa responsabilité soient clairement définis dans la Loi.
    Vous avez aussi parlé de modifications à venir en Europe relativement au droit d'auteur. Quelles sont ces modifications? Devrions-nous nous inspirer de certaines de ces modifications?

  (0940)  

    Des traités internationaux dans le domaine du numérique ont été signés à l'échelle mondiale en 1996. Pensons au Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur et au Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes. Les pays européens ont commencé à introduire ces éléments dans leurs lois. C'est d'abord la Commission européenne qui l'a fait, ensuite les pays ont fait de même dans les années 1997 et 1998.
    En raison de la situation politique au Canada, entre 1997 et 2012, il n'y a pas eu de modifications de la Loi sur le droit d'auteur. Nous sommes donc en retard de plusieurs années en ce qui a trait à l'intégration de ces changements qui ont été entérinés mondialement. Ce n'est la faute de personne, c'est la situation qui s'est produite.
    Les pays d'Europe sont un peu plus en avance que nous relativement à ce qu'ils voient dans leur marché. Les directives qu'ils vont introduire abordent toute la notion de la responsabilité de certains intermédiaires. Dans beaucoup de pays du monde, ces intermédiaires ont bénéficié d'une exemption, pour toutes sortes de raisons. Cela peut leur avoir été accordé à la suite de pressions exercées dans le monde. Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'il y a certains problèmes. On parle des GAFA, entre autres choses. Les pays sont en train de restreindre ou de limiter ces exceptions pour que, en vertu des lois qui vont être adoptées, des joueurs qui utilisent de la propriété intellectuelle aient des responsabilités, justement pour enlever cet écart de valeur. De quoi parle-t-on? On parle particulièrement du contenu généré par l'utilisateur et des intermédiaires réseau.
    Merci.
    À présent, j'ai des questions à poser à M. Johnston.
    Vous avez parlé d'exemptions en ce qui concerne la radio commerciale. J'ai été étonné d'apprendre que, depuis 1995, les profits de l'industrie de la radio commerciale avaient augmenté de 8 300 %. C'est beaucoup; c'est un pourcentage effarant.
    Plus précisément, ma question est la suivante. Vous avez parlé de pouvoir au moins récupérer les coûts de production. Quel est le pourcentage du coût de production dans une oeuvre?

[Traduction]

    Vous seriez plus en mesure de...

[Français]

    Monsieur Moncada, voulez-vous répondre?

[Traduction]

    Cela varie, honnêtement. Si nous financions la production d'un album de 12 chansons d'un groupe bien établi qui a l'habitude de travailler dans les meilleurs studios des États-Unis avec les plus grandes équipes de production et les meilleurs ingénieurs, cela pourrait coûter un demi-million de dollars. D'autres albums sont réalisés avec 10 000 $ dans un sous-sol ou sur un ordinateur portable dans un avion. Les coûts de production varient grandement. Si l'on enregistre un orchestre de 12 musiciens, il faut 120 pistes. Pour quelqu'un qui se produit dans sa chambre, il faut une paire d'écouteurs et un clavier. C'est très difficile de répondre à cette question. Toutefois, nous tenons compte de tout cela dans nos prévisions. Nous savons que nous avons trois groupes de rock orchestral et quatre producteurs de chambre à coucher, alors nous faisons nos prévisions en conséquence.

[Français]

    Il vous reste 30 secondes.
    Merci de vos commentaires.

[Traduction]

    Nous vous remercions de vos témoignages. Vos réponses à nos questions nous ont été très utiles.
    Nous allons suspendre la séance un instant afin d'accueillir le prochain groupe de témoins.

    


    

  (0945)  

    Je veux être certaine d'avoir suffisamment de temps pour entendre le deuxième groupe de témoins, alors nous allons commencer.
    Nous recevons Jason Klein, qui représente ole.

[Français]

    Nous recevons également Gilles Daigle et Geneviève Côté, de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.

[Traduction]

    Nous allons commencer avec le représentant d'ole. Allez-y.
    Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle Jason Klein et je suis le vice-président des affaires juridiques et commerciales d'ole. Je vous remercie de m'avoir invité.
    À titre d'éditeur de musique, de maison de disques et de société de gestion des droits, ole a à coeur la musique et le droit d'auteur. Avec la transition rapide vers la consommation du contenu numérique, le Canada doit s'attaquer aux problèmes qui nuisent à la capacité de nos créateurs de gagner leur vie et qui rendent l'entreprise culturelle risquée pour les investisseurs. Il faut modifier la Loi sur le droit d'auteur afin de veiller à ce que les créateurs et les entreprises de musique comme ole qui les appuient puissent continuer de prospérer dans le monde numérique. Puisque le Comité a déjà entendu le témoignage de nos amis de l'Association canadienne des éditeurs de musique, je suppose que vous connaissez bien le rôle important que jouent les éditeurs de musique. Ce rôle est souvent sous-estimé ou incompris. Si vous avez des questions à ce sujet, je serai heureux d'y répondre.
    Pour l'instant, tout ce que je demande, c'est de ne pas perdre de vue l'importance des chansons, des compositeurs et des éditeurs dans le cadre de votre étude sur les modèles de rémunération. Comme les créateurs que nous appuyons, les éditeurs travaillent en grande partie dans l'ombre. La participation des maisons de disques est beaucoup plus visible, étant donné la célébrité des chanteurs et la promotion des albums devant les consommateurs, mais il est important de ne pas sous-estimer la contribution essentielle des compositeurs et l'investissement en temps, en argent et en expertise des éditeurs, bien avant qu'une chanson soit écrite, enregistrée et lancée, et qu'elle fasse partie de notre tissu culturel.
    Ole est le plus important éditeur de musique indépendant du Canada et l'une des plus importantes sociétés de gestion des droits du monde. Nous sommes fiers d'être une entreprise canadienne qui emploie près de 100 personnes à son siège social de Toronto et environ 100 autres dans six bureaux situés à Nashville, à New York, à Los Angeles et à Londres. Ole a été fondée en 2004 par les Canadiens Robert Ott et Tim Laing, avec l'aide du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario. Après 14 ans et plus de 550 millions de dollars américains investis dans le droit d'auteur, nous sommes toujours une entreprise 100 % canadienne qui oeuvre dans un domaine dominé par les multinationales étrangères. En fait, au cours du premier trimestre de 2018, ole était le 8e plus important éditeur de musique au monde, selon le magazine Billboard.
    Notre catalogue compte plus de 55 000 chansons, notamment celles de légendes comme Rush, Lighthouse et Stompin' Tom Connors, et de sensations internationales comme Timbaland, Rami Yacoub et Liz Rose. Ces chansons ont été enregistrées par Beyoncé, Justin Timberlake, Taylor Swift et de nombreux autres grands chanteurs internationaux.
    Nos quelque 60 000 heures de musique de films et de télévision comprennent les catalogues des plus importants producteurs et distributeurs canadiens comme Bell Média, Corus, DHX, eOne et l'Office national du film, de même que des grands studios d'Hollywood comme Sony Pictures, MGM et Miramax.
    Les activités d'ole dépassent largement l'édition musicale traditionnelle. Nos entreprises de musique de production de pointe — Jingle Punks, 5 Alarm Music, Cavendish Music et MusicBox — offrent des services de composition personnalisée de même qu'une bibliothèque de 750 000 pistes pour les productions cinématographiques et télévisuelles, et notre division de Londres, Compact Media, est un chef de file mondial du domaine de l'administration des droits audiovisuels secondaires qui représente plus de 700 producteurs et distributeurs de films et de télévision de partout dans le monde.
    Nous gérons également un solide regroupement de maisons de disques dont fait partie la légendaire étiquette de rock canadien Anthem Records, qui représente Rush, Big Wreck et The Tea Party, et notre tout dernier groupe: Stuck on Planet Earth.
    L'important investissement d'ole dans le droit d'auteur a un effet d'entraînement sur l'écosystème de création du Canada. L'acquisition d'importants catalogues étrangers comme MGM et Sony Pictures a permis de rediriger des millions de dollars vers le Canada chaque année, ce qui finance le perfectionnement continu des nouveaux talents et l'acquisition d'autres catalogues nationaux et internationaux. De plus, en investissant dans la musique et dans les droits secondaires des producteurs canadiens, nous contribuons au financement des nouvelles productions cinématographiques et télévisuelles canadiennes.
    Notre réussite dans le domaine de la gestion des droits nous permet également de compter, de traiter et d'associer les grandes quantités de données qui émanent de la croissance des plateformes numériques de partout dans le monde. La gestion efficace des données est essentielle en vue d'assurer l'intégralité des recettes et d'offrir des rapports et une rémunération justes aux compositeurs, aux artistes et aux autres détenteurs de droits. À cette fin, nous avons investi des millions de dollars dans l'élaboration d'un logiciel exclusif nommé Conductor, une solution de gestion des droits et de traitement des données de bout en bout qui dépasse largement la capacité des solutions offertes par les tiers.
    Ole mise sur les lois canadiennes et internationales en matière de droit d'auteur pour protéger la valeur du travail de création, mais la transition rapide vers le numérique représente un défi pour notre entreprise et pour notre capacité d'offrir une valeur de retour aux créateurs. Comme vous le savez, la télédiffusion et la télévision par câble cèdent rapidement la place aux plateformes de diffusion vidéo et les magasins de téléchargement de musique payante sont rapidement remplacés par des services d'abonnement, ou pire, des services de diffusion payés par la publicité.

  (0950)  

    Le résultat est double: une augmentation importante de l'accès à la musique et de la consommation de musique, et une diminution importante de la rémunération — si rémunération il y a — des créateurs et de ceux qui investissent en eux. Il faut aborder cette tendance, sinon les conséquences seront dures pour les créateurs et ceux qui les appuient.
    Il est de plus en plus difficile de justifier les investissements importants dans la musique s'il n'y a pas de possibilité de rendement. Les lacunes des lois du Canada en matière de droit d'auteur réduisent, voire éliminent, les sources de revenus existantes et nuisent au développement de nouvelles sources. Ainsi, on se retrouve avec un écart de valeur important et il faut s'y attaquer immédiatement.
    Les entreprises commerciales qui offrent des services numériques ne devraient pas pouvoir profiter de l'exploitation de la musique sans accorder une juste valeur aux créateurs et aux investisseurs. Pour que la musique canadienne puisse survivre et pour que des entreprises comme ole puissent continuer d'investir massivement dans les biens culturels, il faut s'attaquer à cet écart de valeur.
    Par l'entremise de cet examen, nous exhortons le gouvernement à établir un cadre pour veiller à ce que les créateurs et les investisseurs du domaine musical reçoivent leur juste part d'avantages économiques et pour reconnaître les responsabilités des nouveaux services, et la valeur que la musique donne à leurs entreprises.
    Nous appuyons plusieurs recommandations précises déjà présentées au Comité par l'Association canadienne des éditeurs de musique, Music Canada et d'autres, à savoir: combler les lacunes relatives à la protection et aux conséquences imprévues des modifications de 2012, notamment les exceptions qui déchargent les utilisateurs commerciaux de l'obligation de payer pour l'utilisation de la musique ayant une valeur commerciale; combler les écarts de valeur en veillant à ce que les services réseau qui profitent directement ou indirectement de l'exploitation de la musique ne puissent éviter les paiements ou la responsabilité en se cachant derrière des règles de refuge; prolonger la durée du droit d'auteur afin qu'elle corresponde à la vie de l'auteur plus 70 ans et qu'elle s'harmonise à celle de nos principaux partenaires commerciaux; favoriser l'investissement continu dans les catalogues classiques et prolonger la période au cours de laquelle ces oeuvres continuent de générer des recettes, qui pourraient être réinvesties dans la création et dans l'acquisition de nouvelles oeuvres; veiller à ce que les redevances applicables à la copie pour usage privé soient neutres sur le plan technologique afin de viser les tablettes, les téléphones intelligents et les autres appareils numériques habituellement utilisés pour stocker la musique; enfin, veiller à ce que la Commission du droit d'auteur soit suffisamment bien outillée pour rendre des décisions rapides qui tiennent compte de la valeur de la musique pour les utilisateurs commerciaux... et nous reconnaissons les efforts qui ont été déployés à cet égard. Ces mesures seraient très utiles en vue de rétablir l'équilibre nécessaire dans notre système de droit d'auteur.
    En conclusion, ole est très fière de sa contribution importante à la musique et aux communautés culturelles du Canada, et s'attend à un bel avenir. Nous demandons au gouvernement de renforcer la réputation du Canada à titre de chef de file en matière de protection du contenu créatif et de l'entreprise culturelle, et d'aider la musique et les entreprises canadiennes comme ole à se tailler une place dans le monde numérique.
    Je vous remercie une fois de plus de nous avoir invités ici aujourd'hui pour vous parler de nos préoccupations.

  (0955)  

    Merci.

[Français]

    Nous passons maintenant à Gilles Daigle et à Geneviève Côté, de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.
    Je m'appelle Geneviève Côté. Je suis la chef des affaires du Québec à la SOCAN. Mon collègue Gilles Daigle est l'avocat général de la SOCAN.
    La SOCAN est la société de gestion de droits d'exécution publique pour les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Nous avons actuellement 150 000 membres, et nous représentons aussi le répertoire mondial d'oeuvres musicales au Canada. Nous vous remercions de nous donner l'occasion de nous adresser à vous.
    Personne ne sera surpris de savoir que la SOCAN plaide depuis plusieurs années pour que le Canada se dote de lois robustes en matière de droit d'auteur pour permettre une rémunération juste et équitable des créateurs. La Loi sur le droit d'auteur a toujours été et sera toujours la pierre angulaire de l'ensemble du secteur créatif canadien.
    Où en sommes-nous relativement à tous les changements technologiques que nous vivons actuellement? La manière dont les créateurs sont rémunérés a grandement changé au fil des dernières années. Les redevances provenant du droit d'auteur ont toujours représenté une partie essentielle de la rémunération de nos créateurs. Cela demeure le cas plus que jamais aujourd'hui.
    Pour ce qui est de la SOCAN et de ses redevances en matière de droits d'exécution pour l'usage d'oeuvres musicales, il est vrai de dire que nous collectons des redevances records. Cela est attribuable en partie — et je dis bien « en partie » — à l'augmentation des revenus provenant de l'écoute en ligne. Toutefois, cela ne veut pas dire que les créateurs et leurs éditeurs font plus d'argent.
    En publiant nos résultats cette année, nous avons d'ailleurs fait remarquer que la vaste majorité de nos membres qui avaient touché des redevances pour la diffusion en continu de leur musique en 2017 n'avaient reçu en moyenne que 38,72 $ pour leur travail.
    Nos membres comptent sur divers usages de leurs créations. Or, pour certains de ces usages, les revenus dont ils jouissaient auparavant grâce à d'autres supports ont presque disparu. Les revenus tirés des redevances provenant des nouvelles utilisations ne compensent pas les revenus globaux qui étaient générés dans le passé.
    Il n'en reste pas moins que l'apport du droit d'auteur dans un environnement numérique en plein changement devient plus que jamais l'une des pièces maîtresses de la rémunération des créateurs.
    Je vais citer l'honorable ministre Mélanie Joly. Lors de son allocution sur le Canada créatif, elle disait ceci:
Investir dans les créateurs, c’est aussi veiller à ce qu’ils soient rémunérés de façon équitable. Pour ce faire, ils doivent pouvoir protéger leur propriété intellectuelle et en tirer le meilleur parti.
    La SOCAN est l'un des signataires du mémoire déposé par la Coalition pour une politique musicale canadienne. Nous appuyons l'ensemble des recommandations contenues dans le document. Aujourd'hui, nous désirons mettre l'accent sur trois aspects de la Loi sur le droit d'auteur.
    Le premier aspect est la prolongation de la protection du droit d'auteur, dont on a déjà parlé ce matin, de 50 ans à 70 ans après la mort de l'auteur. Nous en profitons pour remercier M. Van Loan d'avoir présenté, il y a quelque temps, le projet de loi d'initiative parlementaire dont il parlait tout à l'heure.
    Avec la durée de protection actuelle, le Canada fait piètre figure à l'échelle internationale. Chez nos principaux partenaires commerciaux, y compris les États-Unis et tous les membres de l'Union européenne, il y a longtemps que la protection s'étend jusqu'à 70 ans après la mort de l'auteur. Au Mexique, cette protection s'étend même jusqu'à 100 ans après la mort de l'auteur. Nos créateurs d'ici sont manifestement moins protégés que ceux à l'étranger. La norme internationale qui étend la protection jusqu'à 50 ans après la mort de l'auteur a été adoptée en 1886. À l'époque, on voulait que les deux générations suivant la mort de l'auteur puissent jouir de la protection de l'oeuvre. Nous pouvons convenir que l'espérance de vie a grandement augmenté depuis le XIXe siècle. Chose certaine, nos partenaires commerciaux importants l'ont compris.
    Je vous pose donc directement la question: le Canada veut-il continuer à être dans la même catégorie que la Corée du Nord et l'Afghanistan à ce chapitre? Nous espérons que non. Saisissons l'occasion qui se présente pour faire preuve de leadership sur cette question et pour remettre le Canada là où il doit être sur le plan international.
    Certains commentateurs — très peu, à notre connaissance — vont vous dire qu'une augmentation de la protection du droit d'auteur se fera au détriment des consommateurs. Or, il n'y a aucune preuve que le consommateur serait désavantagé par une prolongation de la protection du droit d'auteur.
    Je vais maintenant passer la parole à mon collègue Gilles Daigle.

  (1000)  

    Bonjour, mesdames et messieurs.
    Un deuxième aspect sur lequel le Comité devrait se pencher est l'échappatoire créée par le paragraphe 32.2(3) de la Loi sur le droit d'auteur, qui prévoit une exemption pour les organisations dites charitables qui utilisent la musique « dans l’intérêt d’une entreprise religieuse, éducative ou charitable ». Entendons-nous bien: nous, à la SOCAN, n'avons pas l'intention de pénaliser les activités qui sont charitables dans le vrai sens du terme, mais nous souhaitons plutôt contraindre les organisations qui contournent la Loi et tentent de ne pas payer leur dû.
    Je m'explique. Actuellement, certaines organisations, certaines salles de spectacle et certains festivals disposant de budgets de plusieurs millions de dollars avancent qu'ils sont des organismes de bienfaisance au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu. Comme ils disposent de ce statut aux fins de fiscalité, ils disent échapper à l'application de la Loi sur le droit d'auteur en vertu de l'article 32.2. Alors que le Festival international de jazz de Montréal verse à la SOCAN les redevances conformes aux tarifs applicables, plusieurs autres, bien qu'ils fassent un usage primordial d'oeuvres musicales, refusent de verser ces redevances, en se fiant à l'exemption destinée aux organisations charitables.
    Pour abolir ces échappatoires, nous proposons deux changements. D'abord, il faudrait préciser que l'exception prévue au paragraphe en question s'applique seulement si la musique est utilisée sans intention de gain. C'est déjà le cas pour l'exception précédente, qui s'applique aux foires agricoles et industrielles. Il faudrait également préciser que le fait d'être un organisme de bienfaisance au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas suffisant en soi pour que l'exception s'applique. Ainsi, il serait précisé que, dans le cas d'un concert-bénéfice en bonne et due forme, on pourrait bénéficier de l'exception, alors que, dans le cas où la principale activité consisterait à présenter des concerts de nature vraiment commerciale, on ne pourrait pas en bénéficier.
    Le troisième aspect est la redevance pour la copie privée. Le système de copie privée a été créé pour remédier à des pertes de revenus dues à l'apparition de certains supports, nommément les cassettes et, par la suite, les disques compacts vierges. Comme vous pouvez l'imaginer, les sommes qui étaient auparavant recueillies et distribuées aux créateurs se sont évaporées, et il n'en reste que quelques miettes. Il faut revoir le système actuel et y inclure un élément de neutralité technologique, de sorte que les nouveaux supports numériques, qui sont maintenant la norme aux fins d'écoute musicale, y soient incorporés. On parle ici principalement de tablettes et de téléphones intelligents. De concert avec toute la filière musicale, qui est unie sur ce point, nous plaidons aussi pour l'établissement d'un fonds de transition de 40 millions de dollars par année pendant cinq ans en vue d'appuyer l'usage important des oeuvres musicales de nos créateurs.
    En plus de ces trois aspects principaux, nous souscrivons à la demande de certains groupes qui plaident pour l'abolition de l'exemption consentie aux radios commerciales pour la première tranche de 1,25 million de dollars de revenus en ce qui concerne les redevances pour les enregistrements sonores et les interprètes. Pour nous, il s'agit d'une injustice qui doit être réparée. Cette mesure, qui se voulait une mesure de transition, est devenue permanente, et ce, sans raison. Il en va de même pour le changement apporté à la définition d'un enregistrement sonore: cette exemption isolée nous semble désuète et non fondée.
    Nous en profitons pour souligner les efforts du gouvernement concernant la Commission du droit d'auteur du Canada. Il a notamment entrepris la réforme de cet organisme et injecté dans celui-ci des fonds supplémentaires. Nous espérons voir une réduction des délais observés avant que la Commission ne rende ses décisions.

  (1005)  

    Mesdames et messieurs, il a fallu attendre 15 ans pour que la Loi sur le droit d'auteur soit modifiée en fonction de l'ère numérique. Durant cette période, il y a eu d'énormes changements dans la manière dont nous consommons la musique. De 1997 à 2012, les téléphones intelligents sont devenus omniprésents, la diffusion en continu et les téléchargements ont surpassé les ventes d'exemplaires physiques, et de nouveaux services ont permis aux consommateurs d'avoir accès, au bout des doigts, au répertoire mondial de la musique. Les modifications apportées en 2012 visaient à reconnaître les changements du paysage numérique, mais des efforts additionnels doivent être déployés afin de faire entrer la Loi dans l'ère moderne et d'assurer un juste équilibre entre les droits des utilisateurs et ceux des créateurs.
    N'attendons pas encore 15 ans pour apporter d'autres modifications importantes.
    Merci.
    Merci.
    Nous commençons maintenant notre période de questions et réponses.
    Monsieur Hébert, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux témoins de nous donner des explications intéressantes.
    Ma première question s'adresse à Mme Côté, de la SOCAN.
    Je suis surpris d'apprendre que la moyenne des redevances pour la diffusion en continu ne s'élève qu'à 32,72 $.
    En fait, c'est 38,72 $.
    Est-ce par oeuvre, par année?
    C'est le montant moyen reçu par ceux de nos membres qui ont touché des redevances. Vous savez comment se calcule une moyenne: on prend le montant total de redevances perçues et on le divise par le nombre de personnes qui ont touché des redevances.
    Étant donné que nos membres comprennent des vedettes comme Drake et The Weeknd, cette moyenne de 38,72 $ suppose que d'autres membres ont touché seulement 5 ¢ ou 1 $. Il est ici question d'une moyenne pour les membres qui ont reçu des revenus.
    Vous parlez donc d'une moyenne annuelle.
    Il s'agit en fait de la moyenne annuelle pour 2017.
    C'est assez étonnant.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Daigle.
    Vous avez parlé d'organismes à but non lucratif et de concerts-bénéfice. Je prends l'exemple du Festival du bleuet dans ma région, au Lac-Saint-Jean, qui va présenter trois ou quatre artistes, comme les Cowboys Fringants. Dois-je comprendre de votre explication que les organisateurs du festival contreviennent à la Loi ou plutôt que ce festival est considéré comme un organisme à but non lucratif?
    Je ne voudrais surtout pas cibler ce festival en particulier, car je ne sais pas ce qu'il en est, mais certains festivals ne nous paient pas. J'aimerais tenir pour acquis que celui-ci nous paie, mais il y en a qui ne nous paient pas. Ce qui nous inquiète surtout ici, ce sont plutôt les très gros festivals ou les festivals énormes comme les festivals de jazz ou de blues qui refusent de nous payer en prétextant qu'ils sont un organisme de bienfaisance au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. Pourtant, le fait qu'ils soient désignés ainsi ne signifie pas automatiquement qu'ils fassent une utilisation d'oeuvres musicales à des fins charitables.
    Je vous donne un exemple très concret. Le concert-bénéfice qui s'est tenu après la tragédie de Lac-Mégantic était sans aucun doute un événement à des fins charitables, et, à ma connaissance, tous ceux qui y ont participé ont donné leur temps, leurs produits et leurs services. La SOCAN en aurait fait de même, si elle avait eu à le faire. L'exemption est tout à fait pertinente dans pareil cas.
    Par contre, c'est différent dans le cas de festivals qui sont carrément de nature commerciale, qui n'ont rien à voir avec une collecte de fonds et qui peuvent être considérés comme faisant concurrence aux producteurs commerciaux. Pourquoi ces organisations, qui engrangent des millions de dollars de revenus, ne paieraient-elles pas les créateurs de la musique qui est exécutée, d'autant plus que leur seul prétexte est d'avoir obtenu auprès de l'Agence du revenu du Canada un statut d'organisme de bienfaisance?

  (1010)  

    Souvent, la loi, c'est comme un obstacle: cela se contourne.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Klein.
    Notre époque étant ce qu'elle est, les oeuvres sont de plus en plus diffusées partout sur la planète au moyen d'Internet. Malheureusement, les artistes en vivent moins bien. Pourrait-on dire que le remède est en train de tuer le malade?

[Traduction]

    Je ne suis pas certain d'avoir bien compris la question, mais je crois que le numérique a donné lieu à un accès beaucoup plus important et...

[Français]

    Permettez-moi de clarifier ma question. Étant donné qu'une oeuvre connaît maintenant une plus grande diffusion, par exemple une chanson peut être entendue 100 millions de fois dans une année plutôt que trois fois au Festival du bleuet, cela devrait être favorable à son créateur. Autrement dit, est-ce le fait que la diffusion soit maintenant si étendue qui pose problème? Comme on le dit en français, est-ce que le remède est en train de tuer le malade?

[Traduction]

    Je crois que vous avez raison d'une certaine façon. Sur le plan financier, la situation semble être pire parce que les chiffres ne reflètent pas la consommation accrue. Nous avons bien sûr un plus grand accès à la musique et nous consommons plus de musique qu'avant, ce qui est une bonne chose du point de vue du consommateur et peut-être aussi du point de vue de l'artiste. Mais en ce qui a trait à la rémunération des artistes, des personnes comme nous qui investissent dans les artistes, et des maisons de disques dont vous avez entendu parler tout à l'heure, alors l'utilisation accrue semble entraîner moins de rendement sur les investissements.

[Français]

    Ma prochaine question porte justement sur le point que vous soulevez. À la compagnie ole, comment vos artistes sont-ils rémunérés?

[Traduction]

    En tant qu'éditeur de musique, je dirais que nous avons l'un des modèles de rémunération les plus favorables pour les créateurs. Nous avons plusieurs types d'ententes, mais de façon générale dans le domaine de l'édition — et l'Association canadienne des éditeurs de musique vous en a peut-être parlé — les parts sont égales. C'est devenu une norme. Nous parlons de la part du compositeur et de la part de l'éditeur, et la SOCAN est très au fait de ce concept. Les sociétés de droits d'exécution des oeuvres ont grandement contribué à la mise en oeuvre de cette convention, qui est codifiée dans leurs règles de distribution.
    Dans un accord de coédition type, où nous investissons dans un compositeur et nous obtenons une part — mais pas l'entièreté — de la propriété du droit d'auteur, le partage habituel est d'environ 75:25 pour le créateur.

[Français]

    Je m'adresse maintenant aux deux organisations.
    J'ai entendu plusieurs propositions, comme celle de rectifier certaines des exemptions inscrites dans la Loi. Le paiement d'une redevance à l'achat d'un téléphone cellulaire ou d'un ordinateur portable ou de bureau pourrait-il être une solution permettant de générer des revenus pour aider les artistes? Vous pouvez répondre par oui ou par non.
    Qu'en pensez-vous, madame Côté?
    Cela est certain. C'est ce dont parlait Me Daigle en matière de copie privée. Nous sommes d'avis qu'il faudrait absolument que ce régime s'applique, peu importe ce sur quoi on copie la musique. Il ne se vend plus tellement de disques compacts vierges.
    Je peux, en cinq secondes, vous faire entendre le répertoire de Spotify.

[Traduction]

    C'est l'une des principales façons d'écouter la musique. Je ne veux pas spéculer, mais la plupart des gens qui ont un téléphone intelligent l'utilisent pour écouter de la musique, et il s'agit certainement de la façon dont nous écoutons et consommons la musique.
    Nous comptons de plus en plus les sous. Nous ne pouvons pas accorder de rabais sur ce qui semble être des petites parcelles de revenus parce qu'au bout du compte, c'est ce qui justifie notre investissement continu dans la musique et dans la création de nouveau contenu.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Eglinski. Vous disposez de sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins.
    Samedi matin, je me suis réveillé à 6 heures environ; j'ai allumé la télévision et j'ai vu un homme qui vendait des CD d'artistes des années 1950. J'ai regardé l'émission pendant une heure, parce que c'est la musique de mon époque. Il y avait Patsy Cline, Elvis, et tous les autres. On pouvait acheter environ 160 chansons pour cinq paiements faciles de 29,95 $ et si l'on achetait dans les huit premières minutes, on obtenait un CD d'Elvis gratuit.
    Je pensais au Comité alors que je regardais l'émission. Je me suis dit: « Je vais écouter cela pendant un moment. » C'est pourquoi je suis resté là pendant une heure, mais aussi parce que la musique était bonne. Je pouvais l'entendre; le son était clair et précis. Je ne me souviens pas quel était le nom de l'entreprise, mais il y avait cet homme qui tentait de nous vendre de la musique. Est-ce qu'il y a des droits d'auteur pour ces légendes? C'était une émission promotionnelle qui utilisait la musique des années 1950. Je suis curieux.
    Monsieur Klein.

  (1015)  

    Cela dépend vraiment des chansons qui se trouvaient sur cette compilation. Il peut y avoir des enregistrements sonores qui sont maintenant du domaine public. Il y en a peut-être qui ne le sont pas. Il peut aussi s'agir de nouveaux enregistrements de vieilles chansons qui sont encore protégées par les droits d'auteur. Je suis certain que la majorité des oeuvres seraient probablement encore protégées par les droits d'auteur. Il doit donc y avoir eu un certain accord connexe, et les éditeurs ont probablement reçu un certain montant en ce sens. Si la compilation incluait des disques maîtres protégés par les droits d'auteur, une entente sous-jacente aurait été conclue en la matière. Évidemment, pour le téléthon, il s'agissait d'un prix considérablement majoré.
    Malheureusement, il y a des gens qui ne connaissent pas encore Spotify...
    Des voix: Ah, ah!
    M. Jason Klein: Ces gens sont prêts à faire ces cinq paiements faciles. La majorité des gens optent pour 12 paiements faciles pour avoir accès à tout, mais c'est bien de savoir que cela existe encore.
    Je crois que derrière les portes closes tout le monde reçoit un montant.
    J'essayais de déterminer la façon dont la personne pouvait faire de l'argent avec environ 30 ou 40 artistes. Bon nombre d'entre eux sont décédés, mais il y en a encore certains de vivants. Comment peut-il réaliser des profits si cela coûte environ 150 $ pour toutes ces chansons et qu'il doit verser des redevances... Cela piquait vraiment ma curiosité, mais bon. C'est encore présent.
    C'est probablement des redevances liées à une licence par disque maître. Avec une compilation, ces redevances seraient normalement de 10 à 15 ¢ la chanson.
    D'accord.
    Ensuite, il y aurait le côté physique ou ce que nous appelons dans le domaine de l'édition les droits de reproduction mécanique, pourvu qu'il s'agisse d'oeuvres protégées par les droits d'auteur. Ces droits sont de 8,1 ¢ la chanson au Canada. Si nous faisons le calcul des redevances et que nous regardons le prix de détail majoré, le vendeur s'en sort probablement encore bien. Si vous ventilez le tout en fonction des divers auteurs, personne ne fait fortune avec cela, outre la personne qui vend cette compilation pour cinq paiements faciles.
    Ce sont des hommes comme moi, tôt le matin.
    Je crois que vous soulevez un point intéressant. Si ces CD et la musique sur ces CD sont faits au Canada et que des chansons de Sam Cooke, de Jim Reeves et d'Otis Redding se trouvent sur cette compilation, il y a de fortes chances qu'aucune redevance ne leur soit versée, parce que leurs oeuvres ne sont pas protégées au Canada pendant 70 ans, comme c'est le cas aux États-Unis. C'est évidemment quelque chose qui nous préoccupe.
    Vous avez raison. Merci.
    Avez-vous acheté la compilation?
    Non. Ma femme m'a dit d'utiliser ceci.
    Je voulais lui répondre que c'était seulement 150 $. Je suis vieux jeu. J'essaie d'aider ce pauvre type.
    Vous auriez pu en faire des copies.
    Oui. J'aurais pu.
    Monsieur Klein, vous avez dit quelque chose au sujet du logiciel Conductor. Vous n'en avez pas beaucoup parlé. Pouvez-vous nous expliquer un peu plus ce que c'est? J'aimerais également que vous nous expliquiez pourquoi le monde numérique est le véritable défi pour vous.
    Deuxièmement, dites-nous ce que nous pouvons faire pour vous aider en la matière. Cela s'adresse au Comité.
    Certainement. Je vais tout d'abord répondre à votre question sur Conductor. Il s'agit d'une solution logicielle que nous avons conçue à des fins internes au cours des cinq ou six dernières années. Cette solution s'occupe de tout: de l'entrée des ententes que nous utilisons lorsque nous concluons un nouvel accord avec un auteur ou que nous achetons un catalogue... Toute cette information est entrée dans Conductor. Les oeuvres visées par cet accord sont entrées dans le logiciel qui s'assure que les oeuvres sont dûment enregistrées dans le monde auprès des divers organismes, y compris la SOCAN et ses homologues.
    Plus important encore, il entre les données que nous recevons de centaines de fournisseurs de services et de sociétés de gestion des droits d'auteur dans le monde. Comme vous pouvez vous en douter, l'harmonisation de ces données n'est pas toujours parfaite. En fait, je dirais que majoritairement ce n'est pas le cas. Notre logiciel veille à uniformiser les données. Cela nous permet de faire correspondre les données, et cela nous évite de nous retrouver avec un grand nombre de redevances en attente sans correspondance sur les bras. Cela veille en gros à ce que nous distribuions adéquatement les redevances à nos titulaires de droits et que nous n'oubliions rien.
    C'est en gros ce que fait ce logiciel. Il s'occupe de tout, de l'accord jusqu'à l'utilisateur, et il entre les données à un même endroit. C'est très efficace. C'est quelque chose que nous avons conçu au cours des dernières années, et ce logiciel a été très utile. Évidemment, avec le passage au numérique, le défi avec lequel nous devons composer concerne les données, et cela vise à nous assurer que les données peuvent être traitées efficacement, que des redevances ne sont pas oubliées et que les rapports que nous recevons sont complets et exacts.
    En ce qui concerne le passage au numérique, les défis et ce que le Comité et le gouvernement peuvent faire pour nous... Cela revient aux recommandations que nous avons tous formulées. En fin de compte, il faut veiller à ce que nous ayons la marge de manoeuvre dont nous avons besoin comme créateurs et investisseurs dans la création pour négocier un montant juste pour nos droits. En gros, cela signifie de revoir certaines exceptions qui ont été adoptées en 2012.
    Même l'exception à des fins charitables qu'a mentionnée M. Daigle est un exemple d'une pente glissante qui survient lorsque vous créez des droits d'utilisation qui prennent la forme d'exceptions qui laissent place à l'interprétation. Les exceptions peuvent être mal interprétées ou appliquées d'une manière qui ne reflète pas nécessairement l'intention initiale. Je crois que c'est ce qu'il faut faire ici avec les exceptions que nous avons cernées pour nous assurer d'avoir la marge de manoeuvre dont nous avons besoin comme titulaires de droits pour négocier un montant juste pour l'utilisation de notre propriété.

  (1020)  

    Merci.

[Français]

    Nous passons maintenant à M. Nantel, qui dispose de sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci aux trois témoins de leurs présentations.

[Traduction]

    Monsieur Klein, je crois que ce sera plus simple ainsi pour vous.
    Vous avez parlé de Liz Rose. Si je ne m'abuse, Liz Rose a coécrit avec Taylor Swift de nombreuses chansons au début de sa carrière. Je crois qu'elle a même lancé un album solo à un moment donné.
    Par exemple, pouvez-vous me donner les chiffres étant donné que vous avez coédité... Votre entreprise s'est occupée de l'édition des oeuvres de Liz Rose: ses grands succès internationaux et ses oeuvres méconnues.
    Quelles sont les différences? Lorsque vous êtes un très gros joueur, vous pouvez encore gagner un salaire intéressant si vous avez une bonne chanson. Cependant, j'ai donné l'exemple au Comité de Pharrell Williams qui, avec son succès Happy, a gagné un vingtième de ce qu'Elton John a gagné avec Goodbye Yellow Brick Road.
    Quelle comparaison pouvez-vous voir avec vos propres auteurs?
    Je ne peux évidemment pas parler des redevances de Liz Rose ou d'un artiste ou d'un auteur en particulier. C'est certain que, si vous avez une chanson populaire en 2018, les redevances sont encore considérables. Les redevances considérables ne proviennent pas vraiment des services numériques, d'après ce que nous constatons. Les revenus provenant du milieu traditionnel, de la diffusion et de la radio sont encore très élevés. C'est de là que proviennent majoritairement les revenus. Les droits de reproduction mécanique et les téléchargements sont encore une réalité.
    Même pour les chansons qui génèrent le plus de revenus, c'est très loin de ce que c'était par le passé. Je n'ai pas les statistiques avec moi, mais c'est certainement bien expliqué dans le rapport de Music Canada et les rapports de l'Association canadienne des éditeurs de musique. Les chiffres du côté numérique sont loin de ce qu'ils sont actuellement du côté des plateformes traditionnelles. Nous n'en sommes pas nécessairement inquiets actuellement; c'est seulement que nous nous inquiétons de la direction où cela s'en va.
    Évidemment.
    Je vois Mme Côté qui hoche la tête.
    Nous avons vu le mari de Beyoncé lancer sa propre plateforme de musique en continu. Nous avons vu votre Taylor Swift boycotter durant un certain temps ces plateformes de diffusion en continu, puis elle a mis fin à son boycottage.
    Quel est le problème avec ces plateformes de diffusion en continu? Comment le Canada peut-il, du point de vue du patrimoine, soutenir les artistes dans ce marché difficile?

  (1025)  

    Je crois vraiment que cela revient au problème de la valeur. Je ne pense pas que les artistes s'opposent à ce que leur contenu...
    Pour reprendre l'exemple de Taylor Swift, c'est davantage une préoccupation du point de vue de l'artiste, et nous examinons principalement la question du point de vue de l'éditeur...
    Cela constitue une prise de position.
    Il y a une prise de position probablement contre cette plateforme. Toutefois, de notre point de vue, ce qui importe, c'est uniquement ce que nous recevons en échange d'eux.
    L'un des problèmes avec les exceptions est aussi que... En tant que titulaires de droits, nous avons deux droits. Nous avons le droit d'être rémunérés pour l'exploitation de notre droit. Nous avons aussi le droit de contrôler son utilisation ou sa non-utilisation.
    Ce droit qui nous permet d'en contrôler l'exploitation nous donne une grande marge de manoeuvre dans les négociations. Évidemment, si vous pouvez retirer votre contenu, cela vous donne plus de pouvoir à la table de négociation.
    Voilà pourquoi je crois qu'une partie importante de nos recommandations vise à revoir ces exclusions qui diluent vraiment notre capacité de négocier un montant juste pour ces services. Cela ne nous dérange certainement pas comme éditeurs que notre contenu se retrouve sur le plus grand nombre possible de plateformes. Toutefois, nous devons nous assurer d'avoir une place à la table, et il faut aussi que les organismes comme la SOCAN, qui nous représentent, soient à la table et qu'ils aient des droits explicites qui leur permettent de négocier des redevances adéquates.

[Français]

    Madame Côté et monsieur Daigle, voulez-vous commenter la question, puisqu'on parle de vous?
    Monsieur Nantel, il est clair que, lorsque de nouveaux services numériques paient des redevances, les taux vont avoir un effet sur les revenus des ayants droit.
    Pour ce qui est des services en ligne, tout le monde sait que la Commission du droit d'auteur du Canada a rendu l'an dernier une décision qui nous a énormément déçus. Nous reprenons donc nos efforts et nous travaillons avec ces services en ligne pour tenter de négocier des ententes qui nous semblent plus raisonnables.
    On entend souvent dire que les taux ne peuvent pas dépasser un certain niveau et que les revenus doivent être plus élevés que les redevances payées. Cependant, on ne parle pas de ce qui arrive lorsqu'un service comme Spotify devient une société ouverte. Son entrée en bourse il y a quelques mois a généré 16 milliards de dollars.
    Je pensais que c'était 21 milliards de dollars.
    En tout cas, on parle de milliards de dollars, mais cet argent ne revient pas dans les poches des ayants droit.
    Il me semble qu'il y a des choses à faire en ce qui concerne l'écart de valeur. Si, au départ, ce sont des taux applicables et que ces taux sont à la baisse, c'est sûr que c'est une très mauvaise façon de commencer la discussion.
    On voit poindre cela dans le rapport du CRTC de la semaine dernière. On va peut-être décider enfin d'inviter à la table les GAFA, les acteurs qui profitent de la richesse produite par l'utilisation du contenu, qu'il s'agisse de contenu utilisé comme produit d'appel pour acheter des appareils ou de musique qu'on ne fait qu'écouter. Il faut que ces entreprises partagent cette richesse avec les gens qui créent et qui produisent ce contenu. Ce n'est pas le cas en ce moment.
    Comme l'ont dit les gens de la SODRAC tout à l'heure, il est à espérer que le Canada pourra faire ce que la Communauté européenne fait de plus en plus, c'est-à-dire imposer des quotas pour favoriser la découvrabilité des oeuvres, de sorte qu'elles soient plus consommées et que plus d'argent revienne aux créateurs et reste au Canada.
    La propriété intellectuelle est une propriété. Il y a quelques mois, j'ai entendu une créatrice faire l'analogie suivante à propos de sa maison: quelqu'un ne pourrait pas décider tout bonnement d'habiter dans sa maison et lui dire qu'il la paiera quand bon lui semblera. La propriété intellectuelle est intangible, mais cela reste une propriété et il faut la respecter.
    Je donne maintenant la parole à M. Breton.
    Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à vous trois d'être parmi nous ce matin.
    Ma première question s'adresse à M. Daigle et à Mme Côté.
    Chez nous, il y a le Festival international de la chanson de Granby, que vous connaissez bien. J'ai constaté que, depuis de nombreuses années, votre organisme est un partenaire de ce festival, qui aura lieu du 15 au 26 août prochain. C'est le plus grand festival de la chanson francophone.

  (1030)  

    C'est aussi son 50e anniversaire.
    En effet; vous m'avez devancé. Il y aura 200 artistes et 11 jours d'événements et de festivités. Voilà, la promotion est faite.
    La SOCAN est un partenaire de ce festival et participe à chaque édition. Vous y donnez même le Prix de la chanson SOCAN.
    J'espère que le Festival verse des redevances, s'il y a lieu, mais je n'en sais rien. Quoi qu'il en soit, je vous remercie de participer à ce festival.
    Notre comité examine des modèles de rémunération qui soient plus modernes et qui répondent mieux aux besoins des artistes canadiens.
    Monsieur Daigle et madame Côté, vous avez fait trois recommandations importantes qui méritent amplement que nous nous y attardions davantage.
    Ailleurs dans le monde, les modèles de rémunération ont-ils évolué? Ces modèles ont-ils déjà été modernisés? Je sais que vous demandez qu'on étende la protection jusqu'à 70 ans après la mort de l'auteur, plutôt que 50 ans; dans certains pays, cette protection s'étend même jusqu'à 100 ans après la mort de l'auteur. Parlez-nous d'autres modèles qui ont été suivis, d'autres études qui ont été réalisées ou d'autres mesures qui ont été prises ou qui sont en cours de réalisation dans d'autres pays.
    M. Klein pourra aussi répondre à la question par la suite.
    Vous avez noté notre recommandation au sujet de la durée de protection. En fait, plusieurs pays ont adopté il y a longtemps déjà une protection qui s'étend jusqu'à 70 ans après la mort de l'auteur. On ne peut donc pas vraiment parler de progrès. C'est une décision historique qui a été prise il y a 20, 25 ou 30 ans. C'est au Canada de faire du rattrapage dans ce domaine.
    Évidemment, il y a des progrès du côté de la copie privée. En Europe, on applique bel et bien la responsabilité lors de l'achat de téléphones intelligents et de tablettes, parce qu'on reconnaît une réalité qui nous semble assez évidente: les gens utilisent ces outils pour faire des copies et écouter, maintenant par l'entremise de la diffusion en continu, des oeuvres musicales. Nous ne comprenons pas pourquoi, en 2018, on ne considère pas les tablettes et les téléphones, dont on se sert instantanément pour écouter de la musique, au même titre que les cassettes et les CD vierges, pour lesquels on accepte de verser des redevances. Là encore, le Canada a vraiment du rattrapage à faire.
    Est-ce le cas dans tous les pays de l'Union européenne?
    Je parle certainement des pays de l'Union européenne, à commencer par la France. Nous avons des informations supplémentaires à ce sujet dans un document que nous allons soumettre au Comité. Nous pourrons vous fournir la liste exacte des pays.
    Il y a déjà une directive claire venant de la Communauté européenne. Les pays sont en train de l'intégrer dans leurs lois. La France est bonne première de classe à cet égard, c'est certain.
    Enfin, je vous dirais qu'on commence à se rendre compte d'une chose, et nos collègues de la SODRAC et de la CIMA l'ont mentionné ce matin: les soi-disant dumb pipes, c'est-à-dire les simples canaux de transmission, ne sont pas aussi stupides qu'on le pensait. Les fournisseurs d'accès Internet jouissent et profitent grandement de l'accès à la musique qu'ils donnent à leurs clients. On ne peut le nier.
    En Europe, on commence à reconnaître que l'exemption presque complète qu'on leur a accordée n'est pas nécessairement une bonne chose. Les Européens, un peu comme nous le faisons, sont en train de revoir et de repenser le tout, bien qu'ils n'aient peut-être pas encore atteint leur objectif. Il est grand temps de reconnaître qu'il y a là un bénéfice, qu'on appelle cela un enrichissement sans cause ou autrement, qui fait mal aux ayants droit.

  (1035)  

    J'aimerais ajouter quelque chose concernant les dumb pipes. Pendant longtemps, on a pensé qu'ils en étaient réellement. À présent, ils sont capables de faire des promotions quant à l'utilisation de données. Par exemple, dans le cas d'un forfait mensuel de 100 mégaoctets, ils disent aux clients que le fait d'écouter de la musique sur Spotify, par exemple, ne touchera pas leurs 100 mégaoctets. Ils savent donc que c'est ce que nous sommes en train de faire.
    Vous pourrez ajouter cela à votre réflexion.

[Traduction]

    Monsieur Klein, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Non. Mon fournisseur de services Internet m'a donné un abonnement d'un an à Spotify avec mon abonnement mobile. Cela montre certainement la valeur de la musique pour les fournisseurs de services Internet. Je ne suis pas certain de pouvoir me prononcer nécessairement sur les initiatives internationales en vue d'établir de nouveaux modèles de rémunération, mais je peux certainement parler des structures de rémunération en évolution au sein de l'industrie, comme les relations entre l'éditeur, la maison de disques et l'artiste, si cela vous intéresse.
    En ce qui concerne les points soulevés par la SOCAN, je crois qu'il est très important de veiller à ce que les principes qui ont toujours sous-tendu nos négociations — le droit exclusif de contrôler la façon dont nos oeuvres sont utilisées, reproduites et jouées — soient neutres sur le plan technologique et adaptables aux changements technologiques qui surviennent beaucoup plus rapidement que nous pouvons réformer notre loi. Je crois que nous devons nous pencher sur cette question et examiner les exceptions et d'autres éléments comme la copie pour usage privé. Les voix en vue d'essayer de rendre cela neutre sur le plan technologique sont unanimes. Ainsi, lorsque les gens seront rendus à reproduire la musique sur des appareils intelligents, des tablettes ou la prochaine technologie, nous aurons une loi qui nous donnera une place à la table. Quand l'utilisation de notre musique, que nous avons créée et dans laquelle nous avons investi, a une valeur commerciale, nous avons la capacité de négocier un montant juste. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de changer les principes, mais nous devons nous assurer qu'ils peuvent s'étendre aux nouvelles technologies et aux innovations.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Shields pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je m'intéresse beaucoup à la discussion, surtout lorsque vous dites... car c'est là où je voulais en venir. Chez moi, où se trouve le câble pour ma télévision? Je ne pense plus en avoir un. Où est la ligne terrestre? Même réponse. Mes petits-enfants pensent que la place de la vieille ligne terrestre qu'il nous reste est dans un musée. Nous changeons aussi rapidement que la jeune génération.
    J'ai entendu vos suggestions. Il a été question de la prolongation de 50 à 70 ans, et je pense que tout le monde en a parlé ainsi que de la question de l'équipement. Si on définit l'équipement... comme vous dites, les choses changent rapidement, et il y a souvent un décalage entre la loi écrite et ce qui se passe dans le monde. C'est le défi que nous avons dans le cas présent, car vous n'avez pas affaire à des choses concrètes, mais plutôt à un monde esthétique. Comment rédiger une loi et des recommandations? Je sais que le passage de 50 à 70 ans est simple, mais que mettrions-nous d'autre dans cette mesure législative? À l'avenir — si vous parlez d'avenir — c'est facile de dire que tout change rapidement. Nous savons que tout sera obsolète demain et que le système mains libres n'existera plus.
    Je pense que c'est une question de potentiellement réduire le nombre d'éléments qu'on y inscrit plutôt que de l'augmenter. Cela ne limite pas les droits à des plateformes particulières. Cela fait en sorte que les droits soient généraux et qu'on les énonce en termes généraux; c'est vraiment là qu'on a commencé avant que cette myriade de nouvelles exceptions ne soient proposées.
    Dans la mesure où il y a des exceptions — et peut-être qu'elles sont appropriées dans le cas de l'utilisation non commerciale personnelle qu'en font des particuliers — aussitôt qu'une entreprise commerciale est concernée, et qu'elle mise sur la valeur de notre propriété intellectuelle, nous devons garder les choses simples. Il faut faire valoir qu'on ne peut utiliser cette propriété sans dédommager adéquatement les créateurs.
    Je pense qu'il est probablement préférable d'opter pour un scénario « moins, c'est mieux » que pour un surcroît de détails afin de répondre aux besoins futurs. Le but est d'énoncer les principes de façon simple et claire, et je pense que cela mènera probablement à une plus grande neutralité s'agissant des technologies futures qui émergent.
    D'accord.
    Monsieur Daigle.
    Premièrement, c'est une excellente question. Je pense que lorsqu'on se penche sur les principales demandes — si je puis dire — des intervenants de l'industrie de la musique, elles peuvent, en fait, être corrigées sans qu'on doive apporter de modification législative majeure.
    Vous avez parlé de l'exemple évident de prolonger de 50 à 70 ans la période de protection. Il n'en faudrait pas beaucoup pour inscrire le concept de la neutralité technologique dans la Loi sur le droit d'auteur afin de, j'imagine, régler ce qui ne va pas dans le régime de copie privée actuel. C'est un autre exemple de solution relativement simple.
    Nous pensons qu'il y a des solutions relativement simples aux formulations qui ont donné du fil à retordre à la SOCAN concernant la question des exemptions dites « charitables ».
    J'aurais tendance à abonder dans le même sens que mon collègue qui affirme que parfois, moins c'est mieux. Je ne pense pas que nous ayons à apporter des modifications énormes à la loi pour répondre à ce qui semble être les préoccupations les plus importantes des intervenants de l'industrie de la musique.

  (1040)  

    Alors des généralités, mais assorties de mécanismes de récupération qui soient vraiment clairs...
    C'est exact. Une bonne partie de la discussion d'aujourd'hui, ou du moins une partie, portait sur l'exemption actuelle visant les stations de radio commerciale, les soi-disant 1,25 millions de dollars. C'est un article très court. Il suffit de le supprimer.
    Des voix: Oh, oh!
    C'est une bonne façon de l'écourter.
    Il devrait être supprimé parce qu'il ne représente rien de plus qu'une subvention offerte depuis bien trop longtemps.
    On parle des stations familiales. Il se trouve que leurs revenus sont moins élevés que ceux des grandes stations. Si vos revenus sont moins élevés, dans le cas de la SOCAN et de Re:Sound, vous ne versez qu'un pourcentage des droits du tarif de revenu, donc vous payez moins.
    Oui.
    Lorsque vous faites allusion à ce qui se passe sur la scène internationale... mon temps est écoulé.
    Je ne faisais que vérifier pour voir combien de temps il nous reste. Vous avez 30 secondes.
    Brièvement, en ce qui concerne les lois étrangères, lorsque vous parlez de la situation en France, par exemple, est-elle conforme à ce que vous venez tous les deux de dire en ce qui concerne la loi... que moins, c'est mieux et qu'on reste général?
    C'est un point sur lequel j'aimerais revenir avec le Comité après l'avoir examiné de plus près.
    Honnêtement, certaines de ces questions n'ont toujours pas été réglées. On n'a pas nécessairement arrêté de décision sur chacune, mais nous serions ravis de donner suite à ces activités dans le cadre d'un document pour le Comité, si nous le pouvons.
    S'il vous plaît.
    Merci.
    Merci.
    Cela nous amène pas mal à la fin de la période des questions.
    J'avais espoir de poser une question brève. Au fur et à mesure des témoignages, j'ai compris que le thème gravitait beaucoup autour des modifications à la mesure législative en tant que telle. Une question qui a été soulevée lorsque j'ai parlé avec des artistes de ma collectivité des mécanismes d'application de la loi, et que la meilleure mesure législative au monde... Quels sont les mécanismes d'application qui pourraient être nécessaires ou faut-il les améliorer pour ce faire?
    Il ne nous reste vraiment que quelques minutes, mais je me demandais si vous aviez des suggestions sur la question de savoir s'il faudrait aussi faire quelque chose du côté de l'application.
    De mon point de vue, le problème de l'application est qu'il prend une éternité. Si on en juge par l'exemple de la SOCAN et d'autres sociétés de gestion collective, en cas de différend sur des questions comme la responsabilité en ligne et autres... J'étais là en 1995 lorsque la SOCAN a été la première société, la première société de gestion collective, à déposer un tarif concernant l'utilisation de la musique sur Internet. On nous a dit à l'époque qu'on était fou et qu'il était bien trop tôt pour ce faire, mais nous nous sommes dit « Vous savez quoi? Nous pensons qu'il faudra du temps pour que la question soit réglée ». Nous menons toujours notre combat, et nous sommes toujours devant les tribunaux pour déterminer s'il nous faut ou non rembourser les sonneries qui ont été payées. Vous vous souvenez des sonneries? Vous vous souvenez de ce qu'elles sont? Nous contestons les 13 millions de dollars que nous avons reçus en 2006 et qu'on nous demande de rembourser, car on ne sait pas exactement si on peut ou non les garder.
    Ma suggestion en ce qui concerne l'application est que, surtout lorsqu'il est question d'une société comme la SOCAN, nous avons peut-être besoin, en fait, d'une souplesse accrue pour négocier nos propres accords, tenir nos propres discussions privées et nous en remettre à la Commission du droit d'auteur seulement lorsque nous estimons qu'il est absolument nécessaire de le faire au lieu d'y être contraints. Cela dit, c'est une discussion pour un autre jour.
    Monsieur Klein, il vous reste 30 secondes.
    Pour en revenir à la discussion que nous avons tenue sur les fournisseurs de services Internet, ce n'est pas nécessairement juste une question de rémunération, bien que ce serait certainement agréable de négocier ce point. Une des choses qui ont été soulevées a été la capacité d'exiger des fournisseurs de services Internet qu'ils délivrent des injonctions de blocage de site Internet et ce type de choses. Si nous pouvions nous pencher sur la participation des fournisseurs de services Internet à l'application de la loi, je pense que ce pourrait aussi être très utile.

  (1045)  

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Eglinski, d'avoir partagé avec nous votre visionnement télévisuel matinal. Ce fut une matinée très intéressante.
    La séance est levée.
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