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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 111 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 29 mai 2018

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Traduction]

    Soyez tous les bienvenus à la 111e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous continuons aujourd'hui notre étude sur les modèles de rémunérations pour les artistes et les créateurs.
    Nous recevons Graham Henderson, de Music Canada;

[Français]

M. Dominic Trudel, du Conseil québécois de la musique, qui participe à cette séance par vidéoconférence;

[Traduction]

et nous attendons nos deux témoins des Jerry Cans. Nous allons commencer en espérant qu'ils pourront nous rejoindre.

[Français]

    Il serait peut-être préférable de commencer par M. Trudel, étant donné que des problèmes techniques surgissent parfois lors des vidéoconférences.
    Monsieur Trudel, vous pouvez commencer votre présentation.
    Bonjour. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à participer à cette séance. Je suis directeur général du Conseil québécois de la musique, ou CQM. Notre organisme regroupe des professionnels de la musique dite de concert, c'est-à-dire la musique classique, le jazz, la musique contemporaine et la musique du monde, ce qui nous distingue quant à la musique populaire.
    Ma présentation est principalement tirée d'un document que le CQM a commandé à M. Guillaume Sirois, un chercheur indépendant de Montréal. Nous lui avons demandé de créer une revue de littérature, qui s'intitule Le développement de contenus numériques dans le domaine de la musique de concert. En guise de présentation, je vais vous lire des extraits de ce document.
    De toutes les disciplines artistiques, la musique a sans doute été celle qui a été le plus rapidement et le plus profondément affectée par l'arrivée des technologies numériques. En effet, dès le début des années 2000, l'industrie de la musique a amorcé un cycle de changements qui s'est perpétué au fil des innovations technologiques. Les échanges de fichiers de pair à pair, le piratage de la musique en ligne, l'arrivée des sites de téléchargement légaux et, enfin, les plateformes de musique en continu ont tour à tour imposé des bouleversements profonds à cette industrie qui tente continuellement de s'adapter aux nombreux changements technologiques afin de garder ses capacités de production et sa vitalité.
    Les promesses du numérique ont été nombreuses au cours de ces années. On a proposé, par exemple, que le numérique allait permettre l'abolition des intermédiaires de la chaîne de production ou de distribution pour établir un lien direct entre les créateurs et leurs adeptes. D'autres ont soutenu qu'on assisterait à une forme d'âge d'or, pour ce qui est des revenus tirés des performances scéniques, et qu'en matière de ventes, ces performances supplanteraient les enregistrements sonores en tant que moteurs de l'industrie. Dans cette perspective, l'enregistrement sonore serait réduit à une forme de produit d'appel qui favoriserait la vente de billets de concert. Pour la majorité des artistes de l'industrie de la musique, toutes ces promesses faites par les chantres de la révolution numérique ont toutefois eu bien du mal à se réaliser. Plusieurs de ces artistes peinent toujours à transformer les possibilité numériques en revenus importants.
    Toutes ces questions problématiques liées à l'introduction des technologies numériques dans le domaine de la musique sont largement analysées en fonction de la musique populaire. Or, un certain nombre de questions particulières se posent dans le domaine de la musique de concert.
    En tant qu'organisme porte-parole de ce milieu, le Conseil québécois de la musique est particulièrement préoccupé par l'ensemble de ces problèmes puisqu'ils affectent directement la totalité de ses membres.
    Bien que l'application du droit d'auteur et la perception des redevances à l'ère numérique demeurent un enjeu central pour la rémunération des musiciens, les bouleversements numériques ont, eux aussi, une incidence importante sur leur capacité de production, de diffusion et de promotion. La rémunération des créateurs est donc affectée tout au long du processus de création.
    L'impact de ces technologies sur les habitudes de consommation de la musique se modifient rapidement, au fur et à mesure que de nouvelles possibilités sont offertes aux consommateurs. La vente d'enregistrements sonores est généralement à la baisse; les revenus tirés de la diffusion en continu s'accroissent, mais demeurent minimes pour les musiciens; et les revenus tirés de la vente de billets de concert ne compensent pas la baisse des revenus tirés de la vente de musique. Il s'agit d'un marché fortement mondialisé où les productions circulent rapidement entre l'Amérique et l'Europe, et de plus en plus vers l'Asie, où la demande pour les produits culturels est en forte hausse.
    Les nouveaux modes de consommation de la musique presque exclusivement conçus pour la musique populaire sont parfois mal adaptés aux réalités de la musique classique. Le fait qu'il soit difficile d'identifier correctement les compositeurs, les interprètes et les diverses composantes d'une oeuvre classique sur un enregistrement est un bon exemple de cela. En outre, il est difficile de traiter de manière appropriée des oeuvres comportant plusieurs mouvements — qui sont généralement enregistrés sur des pistes différentes —, notamment dans le cas des listes de diffusion ou des suggestions générées par le système. Il est difficile de repérer correctement les catalogues des compositeurs et des interprètes, puisque l'orthographe de leur nom varie parfois d'un enregistrement à l'autre. Il y a de plus une connaissance insuffisante des genres, des époques et des courants de la musique classique, qui est généralement traitée par ces plateformes numériques comme un tout homogène.
    Il faut ajouter à cela que le mode de rémunération des sites de musique en continu est, de façon générale, désavantageux pour les musiciens classiques. En effet, ces sites offrent généralement une minuscule rémunération forfaitaire, soit quelques fractions d'un cent, pour chaque écoute d'une pièce. Le modèle est basé sur la récurrence d'écoutes d'une même pièce, ce qui pourra à terme générer des revenus pour les musiciens. Or, comme la durée des pièces classiques est en moyenne beaucoup plus longue que celle des morceaux populaires, le même temps d'écoute génère des revenus très différents selon le type de musique choisi.
    Selon cette logique, un amateur de musique classique et un amateur de musique populaire qui passeraient tous deux une heure à écouter leur musique favorite sur l'un de ces sites engendreraient une distribution de redevances différente. Le premier, ayant écouté un nombre plus limité de morceaux, déclencherait un plus petit nombre de paiements de redevances, alors que le second, ayant eu le temps de consommer un plus grand nombre de pièces, provoquerait la distribution d'un nombre plus élevé de redevances.

  (0850)  

    De plus, comme les publics de la musique classique demeurent très petits par rapport aux publics de la musique populaire, les plateformes de diffusion en continu ne génèrent, pour le moment, que très peu de revenus liés à la musique classique. Ironiquement, un plus grand nombre de musiciens sont souvent engagés dans la création de ces oeuvres.
    Dans un tel marché où les revenus sont généralement en baisse, il devient donc de plus en plus difficile de financer la production de contenus dans le domaine de la musique de concert. Pourtant, les musiciens et les orchestres ressentent de plus en plus la nécessité d'avoir une présence de leurs performances dans l'espace numérique, puisque cela devient un élément essentiel à toute progression des carrières dans ce domaine.
    Dans ce contexte, la décision de Radio-Canada de réduire considérablement ses captations de concerts, prise il y a trois ans environ, n'a fait qu'ajouter aux difficultés des musiciens québécois de produire des contenus numériques de qualité et d'en faire la promotion auprès des publics intéressés par une telle production.
    Le développement de technologies numériques abordables qui offrent une qualité d'enregistrement toujours meilleure a permis une forme de démocratisation de la production de contenus numériques en musique de concert. Or, plusieurs artistes soulignent également que l'irruption des technologies numériques dans l'espace artistique a entraîné un certain nombre de difficultés pour eux, notamment en ce qui a trait à la connaissance des outils technologiques appropriés à leurs besoins et aux possibilités que ces derniers présentent.
    Néanmoins, un artiste qui souhaite aujourd'hui produire des contenus destinés à l'environnement numérique dispose d'un éventail de possibilités. Il y a le modèle traditionnel où une maison de disques prend en charge toutes les étapes de la production et de la mise en marché, mais nous assistons de plus en plus au développement d'autoproductions, ou encore de contrats en partage du risque entre l'artiste et une maison de production.
    Cette reconfiguration de la chaîne de production et de distribution des contenus numériques pose également de sérieuses questions quant au financement étatique de ce type d'activité. En effet, jusqu'à maintenant, tout le financement de l'État en matière de production de contenus allait directement aux producteurs, seuls acteurs capables d'assurer cette fonction. Or, qu'en est-il dans un monde où la production est beaucoup moins centralisée et peut être effectuée par plusieurs types d'acteurs? Si les producteurs traditionnels s'affaiblissent, si la pression sur les artistes s'accentue pour qu'ils deviennent leur propre producteur de contenus, si un grand nombre d'acteurs sont maintenant engagés dans cette activité, ne serait-il pas nécessaire de revoir les canaux de financement privilégiés par l'État dans son soutien à cette industrie?
    La question de la production de contenus numériques en musique de concert est inséparable de celles de sa diffusion et de sa distribution.
    Il faut prendre en compte la culture de la gratuité qui règne sur les contenus numériques. Il est de plus en plus difficile de mettre au point des modèles d'affaires qui demandent une contribution financière des consommateurs pour accéder aux contenus culturels. C'est particulièrement le cas pour les expressions artistiques de la relève. Les artistes et les producteurs qui jouissent d'une très grande notoriété peuvent plus facilement obtenir la confiance des consommateurs quant à la qualité de leurs produits et ainsi les convaincre de débourser une certaine somme pour y accéder. Toutefois, pour les artistes de la relève qui ne peuvent compter sur un tel capital de réputation, il est plus difficile d'obtenir une rétribution pour leurs prestations.
    Tout le discours sur les grandes possibilités de visibilité qu'offre l'environnement numérique repose en grande partie sur le maillage entre la distribution de contenus numériques et l'assistance aux concerts. Les experts en commercialisation appellent cela le « fan-based marketing ». Or, les quelques réussites présentées comme étant un exemple de la recette miracle demeurent en grande partie inaccessibles à la majorité des musiciens.
    Au sujet de la découvrabilité, les musiques de concert doivent faire face à un défi de taille: comment faire en sorte que les fichiers audio ou vidéo mis en ligne par les musiciens québécois trouvent leurs publics alors qu'ils entrent dans un espace compétitif qui ne concerne pas seulement la scène locale, mais bien les musiciens et les orchestres de toute la planète? Dans un domaine comme celui de la musique classique, qui est largement basé sur un répertoire commun, comment les musiciens québécois peuvent-ils se distinguer dans l'univers numérique qui contient probablement déjà plusieurs versions de l'oeuvre qu'ils proposent aux amateurs?
    La question est d'autant plus préoccupante qu'en ce qui concerne la musique de concert, comme dans la plupart des secteurs artistiques, on assiste à un effritement du rôle de l'expert dans la prescription des produits culturels.
    En terminant, notons qu'il semble qu'aujourd'hui la publication d'un simple fichier audio contenant une performance musicale soit de moins en moins suffisante pour combler les attentes élevées des consommateurs. Ainsi, les utilisateurs souhaitent avoir accès, de plus en plus, à une valeur ajoutée qui leur permet de voir, de vivre et de comprendre la musique, ce qui décuple du même coup les produits numériques, parfois chers à produire et qui rapportent peu: cinéma événement, applications didactiques et utilitaires, réalité virtuelle, installations sonores, et ainsi de suite.
    Voici les principales pistes de solutions qui ressortent de notre enquête.
    La première concerne le financement des productions. Il faut une réforme de la distribution du financement public pour mieux refléter les coûts associés à la production et aux structures de production actuelles. Il faut aussi imposer aux fournisseurs d'accès Internet une contribution obligatoire à des fonds de production de contenus numériques culturels. Nous suggérons l'imposition d'une taxe culturelle sur les appareils de lecture de contenus numériques et une réforme de la fiscalité de l'industrie de la musique pour y ajouter des crédits d'impôt, comme cela se fait dans le secteur du cinéma.
    Nous recommandons qu'il y ait une réforme du droit d'auteur qui prévoie le paiement de redevances, mais également un système uniformisé de collecte de données permettant de retracer les ayants droit.
    De plus, il faudrait faire de l'éducation sur les droits d'auteur. Il faudrait informer les musiciens sur leurs droits et leurs responsabilités, et sensibiliser le public aux répercussions de leurs actions virtuelles sur le domaine des arts et de la culture, de même que sur la consommation responsable dans ce secteur.

  (0855)  

    Finalement, il faudrait mener des initiatives de promotion pour faire connaître les contenus qui sont disponibles sur les grandes plateformes internationales.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je voulais seulement que tout le monde sache qu'Andrew Morrison des Jerry Cans est maintenant des nôtres. Soyez le bienvenu.
    Pour vous laisser le temps de vous installer, nous allons donner la parole à Graham Henderson, de Music Canada.
    C'était un excellent exposé, soit dit en passant. Merci, monsieur Trudel.
    Je m'appelle Graham Henderson, je suis président et chef des opérations de Music Canada, et nous défendons passionnément les créateurs de musique et la musique elle-même.
    Je suis très heureux de voir le comité du patrimoine étudier des modèles de rémunération pour les artistes dans les industries créatives. C'est un aspect du système de l'industrie de la musique que je cherche moi-même, et Music Canada aussi, à moderniser depuis des années. Créer un marché fonctionnel, où les créateurs reçoivent une juste rémunération pour l'utilisation de leurs oeuvres, est le socle de notre mission.
    Cependant, la réalité pour les créateurs canadiens est qu'il existe dans notre propre Loi sur le droit d'auteur des dispositions qui les empêchent de recevoir une juste valeur marchande pour leurs oeuvres. Je crois que le mieux que puisse faire le Comité pour aider à créer un marché transparent et favorable aux créateurs canadiens, c'est de proposer au gouvernement des solutions simples et accessibles pour remédier à ce que nous appelons l'« écart de valeur ». Music Canada a produit un rapport détaillé sur l'écart de valeur au Canada, que vous avez devant vous en anglais et en français. Il est tout à fait unique. Vous avez une feuille détachable sur le dessus qui définit l'écart de valeur comme étant « la disparité significative qui existe entre la valeur du contenu créatif que les consommateurs consultent et apprécient et celle des revenus qui sont transmis aux individus et aux entreprises qui l’ont inventé ».
    Aujourd'hui, on consomme plus de musique que jamais dans l'histoire. Cependant, la rémunération de ce contenu n'a pas suivi les niveaux de consommation record. J'ai été heureux d'entendre la ministre Joly le reconnaître il y a quelques semaines en déclarant que les retombées de l'économie numérique sont inégalement partagées et que trop de créateurs, de journalistes et d'artistes sont laissés pour compte.
    Les origines de l'écart de valeur remontent à plus d'une vingtaine d'années, à une époque où des pays du monde entier, y compris le Canada, commençaient à adapter et à interpréter des lois créées en d'autres temps pour protéger les entreprises de télécommunications et les compagnies de téléphone sur un marché numérique naissant. Partout dans le monde, ces lois comprenaient Internet comme étant une série de simples — et c'était le terme utilisé — canaux de transmission où les habitudes de navigation étaient anonymes et où la quantité de données échangées entre les sites était tellement immense qu'il était impossible de la connaître exactement. Vingt ans plus tard, nous savons qu'Internet est composé des canaux les plus intelligents que l'humanité ait jamais créés. Nos habitudes sur le Web sont suivies méticuleusement et les métadonnées qu'il crée sont recueillies, analysées et vendues à chaque seconde de la journée.
    Ces lois étaient certes bien intentionnées au départ, mais elles ont pour conséquence aujourd'hui que la richesse ne revient pas aux créateurs, mais finit dans les poches d'entités numériques massives, d'intermédiaires. Le peu qui reste pour les créateurs est concentré entre de moins en moins de mains. Résultat, la classe moyenne créatrice disparaît, si elle n'a pas déjà disparu, et avec elle, de nombreux emplois et possibilités.
    Il est inutile de pointer quiconque du doigt. Personne n'a voulu que la classe moyenne créatrice souffre. L'important maintenant est d'avancer résolument et sans tarder pour rectifier les règles. Il est primordial de faire en sorte que la Loi sur le droit d'auteur garantisse la juste rémunération des droits du créateur lorsque son oeuvre est commercialisée par d'autres.
     L'écart de valeur repose sur des politiques d'exonération et des exceptions dépassées encore appliquées dans le monde entier. Une exonération, soit dit en passant, est une manière de limiter la responsabilité d'un intermédiaire et de permettre la consommation de musique sans paiement. Je sais que la ministre Joly et le ministre Bains travaillent sur ce dossier et parlent avec leurs homologues étrangers pour trouver une solution. Ici, au Canada, certaines lois creusent l'écart de valeur en exigeant — imaginez — que les créateurs, les créateurs individuels, subventionnent des entreprises technologiques commerciales qui valent des milliards de dollars.
    Voici quatre mesures que le Comité pourrait recommander immédiatement, qui aideraient tout de suite les créateurs et qui harmoniseraient la politique canadienne avec les normes internationales.

  (0900)  

    Premièrement, supprimez l'exemption de redevances radiophoniques sur 1,25 million de dollars. Depuis 1997, les stations de radio commerciales sont, en effet, exemptées du paiement de redevances sur la première tranche de 1,25 million de revenus publicitaires. Cela revient à une subvention croisée de 8 millions par an payée par les artistes et leurs partenaires de l'industrie du disque à de grandes entreprises du secteur des médias, intégrées verticalement et très rentables. Ce genre de subvention n'existe nulle part ailleurs dans le monde. L'exemption ne s'applique pas aux redevances dues aux auteurs-compositeurs et aux éditeurs. Autrement dit, les interprètes et les maisons de disques sont les seuls titulaires de droits dont les redevances servent à subventionner l'industrie de la radio commerciale, ce qui est injustifiable et devrait être éliminé.
    Deuxièmement, modifiez la définition d'enregistrement sonore dans la Loi sur le droit d'auteur. Là encore, la définition actuelle ne prévoit pas que les interprètes et les maisons de disques perçoivent des redevances pour l'utilisation de leur oeuvre dans les bandes sonores à la télévision et au cinéma. Cette exception ne concerne que les bandes sonores de la télévision et du cinéma et ne s'applique pas aux compositeurs, aux auteurs-compositeurs ou aux éditeurs de musique. Elle est inéquitable et injustifiée, étant donné surtout le rôle profond que la musique joue dans les bandes sonores. Elle est coûteuse pour les artistes et les maisons de disques, qui continuent de subventionner ceux qui exploitent leurs enregistrements à hauteur de 55 millions de dollars par an.
    Troisièmement, modifiez la durée du droit d'auteur pour les oeuvres musicales. Au Canada, la durée de la protection du droit d'auteur pour les auteurs d'oeuvres musicales ne correspond pas aux normes internationales en matière de droit d'auteur. Aux termes de la Loi sur le droit d'auteur, la protection des oeuvres musicales subsiste du vivant de l'auteur et est ensuite prolongée de 50 ans. En revanche, la majorité des grands partenaires commerciaux du Canada reconnaissent une durée de protection plus longue, et on voit s'appliquer maintenant la norme générale du vivant de l'auteur plus 70 ans. Je remarque que le vice-président du Comité, M. Van Loan, a déposé un projet de loi d'initiative parlementaire sur le sujet, et nous l'en remercions.
    Quatrièmement, renouvelez le soutien aux créateurs de musique. Différentes décisions limitent la redevance sur la copie privée, qui devait à l'origine être neutre d'un point de vue technologique et visait des supports devenus depuis obsolètes. Cette source de revenu gagné importante pour plus de 100 000 créateurs de musique est à présent menacée, à moins de moderniser le régime. Les créateurs de musique demandent la création d'un fonds provisoire de 4 ans doté de 40 millions de dollars par an. Il garantira que les créateurs de musique continuent de recevoir une juste rémunération des copies privées faites, jusqu'à ce qu'une solution permanente à long terme soit trouvée.
    Chacun de ces changements élimine une subvention injuste, harmonise les lois au sein de nos industries et nous aligne sur les normes internationales. Ils peuvent être adoptés aujourd'hui.
    Alors que la communauté artistique attend avec impatience cet examen de la Loi sur le droit d'auteur, une organisation appelée Focus on Creators a adressé à la ministre Joly une lettre maintenant signée par plus de 3 650 créateurs canadiens. Dans cette lettre, les créateurs exposent leur préoccupation au sujet de l'écart de valeur et de la disparition des artistes de la classe moyenne qu'il entraîne au Canada. La lettre des créateurs se termine par un message qui, je l'espère, vous tiendra à coeur: « Nous savons que vous comprenez l'importance culturelle de notre oeuvre; nous espérons que vous voyez aussi sa valeur et sa place cruciale dans l'économie du Canada. Nous vous demandons de mettre les créateurs au coeur de la future politique. »
    Je vous remercie.

  (0905)  

    Je vous remercie.
    Nous avons ensuite Andrew Morrison, des Jerry Cans, et je crois comprendre que vous avez donné des concerts à Ottawa dernièrement?
    Hier soir, en fait, au Taste of the Arctic.
    Trouver un stationnement a été le plus difficile.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Andrew Morrison: Le petit gars de la campagne venu du Nunavut. Je viens d'Iqaluit, où on peut stationner où on veut. Le contexte est un peu différent.
    Je ne suis pas trop dans mon élément aujourd'hui. Je suis avant tout un artiste. Nous venons d'Iqaluit, au Nunavut, nous occupons donc une place particulière dans l'industrie de la musique au Canada. En tant qu'artistes, nous ne sommes pas... Je suis volontiers d'accord avec tout ce que vient de dire Graham. Je vais lui voler ses notes pour les relire.
    Nous chantons en inuktitut. Cela fait partie de ce que font les Jerry Cans. Nous nous inscrivons dans une tendance musicale très importante au Canada, la scène musicale autochtone et ce qui s'y passe. J'ai beaucoup de choses à dire sur l'industrie de la musique, mais pour ce qui est du droit d'auteur, je crois qu'il est très important de comprendre la relation entre la Loi sur le droit d'auteur et les formes musicales autochtones. Il s'agit d'une situation unique dont toute nouvelle loi devrait tenir compte.
    Nous intégrons le chant guttural et nous sommes très méfiants, car le chant guttural devient une forme d'art connue dans le monde, avec Tanya Tagaq et ses collaborations avec les Jerry Cans et quelques autres artistes. Nous nous demandons comment le chant guttural pourrait être utilisé, comment les formes d'art traditionnelles devraient être protégées et comment leur rémunération devrait être garantie lorsqu'elles sont exécutées à l'échelle internationale. C'est ce que je voulais dire dans mon exposé et pas grand-chose d'autre.
    Je pense aussi que les artistes ont du mal à cause de ce qui se passe en ce moment dans l'industrie de la musique. Notre production musicale — les chansons que nous créons et les chansons que nous produisons — représente une si petite part du revenu que nous générons à présent, et nous ne voyons pas nécessairement... À mon avis, c'est à cause de ce qui se passe dans le monde du droit d'auteur. Nous perdons tellement le contrôle et le pouvoir sur nos propres formes musicales et artistiques.
    Nous ne savons pas vraiment quoi faire parce que nous nous sentons un peu impuissants par rapport à la provenance de notre argent. Nous nous produisons sur scène pour gagner de l'argent. Une nouvelle chanson que nous créons est davantage une carte de visite que toute forme de chanson à succès, par exemple. J'espère donc que nous trouverons une solution.
    Nous sommes partis en tournée avec des artistes internationaux pour qui le Canada est un endroit très spécial. Ils croient qu'on y soutient beaucoup la musique, et je pense que nous devons faire en sorte que cela continue. Je pense aussi que nous devons trouver le moyen de mieux rémunérer les artistes pour leur musique, en particulier parce que les tournées sont fatigantes — comme vous pouvez le voir. J'ai joué jusqu'à minuit hier soir. Il est important, à mon sens, de présenter le point de vue des artistes. On nous oublie parfois dans les conversations parce que ces choses sont très compliquées, et nous avons du mal à comprendre le monde du droit d'auteur.
    Je pense qu'il y a beaucoup à faire. Par ailleurs, quand Graham parlait des artistes de la classe moyenne, je me disais que je voudrais bien en faire partie, à cause de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Si nous dressons un tableau de nos revenus, la part des droits d'auteur est minime aujourd'hui. Je suis un jeune artiste et ceux de la génération précédente me parlent de la grande époque où ils touchaient des chèques de redevances. Je me dis, super, mais moi, j'ai tout juste de quoi t'offrir un café avec les miennes.
    Je suis persuadé qu'on peut trouver une solution. Je ne connais pas ces situations particulières, mais je crois qu'il est important d'écouter ce que les artistes ont à dire et de comprendre que notre optique du droit d'auteur change considérablement. Nous ne voyons pas forcément la sortie d'une chanson comme un moyen de payer le loyer ou autre chose. Je tiens aussi à rappeler qu'il est important de bien définir la place des formes d'art autochtones dans la Loi sur le droit d'auteur au Canada. C'est tout.
    Les choses sont particulièrement difficiles au Nunavut parce que tout est tellement cher dans le Nord, mais je pense que c'est une des tendances musicales les plus importantes au Canada aujourd'hui. Je vous laisse le soin de trouver le moyen de soutenir cette forme d'art comme il convient.
     Je vous remercie. Qujannamiik.
    Venez nous voir au Nunavut.

  (0910)  

    Très bien.

[Français]

     Je remercie tous les témoins de leurs présentations.

[Traduction]

    Je pense que nous allons avoir beaucoup de questions intéressantes pour ce groupe de témoins.

[Français]

    Nous allons commencer par M. Breton.
    Monsieur Breton, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins de leurs excellentes présentations et recommandations.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Trudel.
    Dans le fond, il semble que le Conseil québécois de la musique soit axé sur la musique de concert. Vous me corrigerez si je me trompe.
    Pourriez-vous nous expliquer quels sont les enjeux propres à la rémunération des artistes qui évoluent dans le domaine de la musique de concert comparativement à d'autres types de musique? Pouvez-vous nous dire en quoi cela affecte davantage votre domaine?
     Ce qui est particulier à la musique de concert, c'est que les ensembles sont de différentes tailles. Des orchestres symphoniques peuvent compter plus de 100 musiciens, mais il y a beaucoup de petits ensembles, par exemple les quatuors. Ce sont donc de petits groupes qui pourraient se comparer à d'autres petits groupes du milieu de la chanson populaire, bien que, souvent, cela ne repose pas seulement que sur un interprète. Il y a de grands solistes en musique classique, mais leur popularité ne se compare pas à celle d'un chanteur populaire.
    Ce qui est très particulier, c'est que c'est un marché de niche. Il faut d'abord trouver le public qui va accepter de payer pour entendre la musique de concert. C'est un public de niche très spécial.
    L'autre chose, c'est qu'en musique classique, le répertoire est également un répertoire d'auteurs qui sont connus mondialement et qui sont joués par tous les orchestres. Il est alors très difficile de se démarquer dans le domaine du numérique.
    Avec tous les changements qui se produisent actuellement, il est très difficile pour un groupe de musique classique de se distinguer sur Internet, d'aller chercher son public et d'obtenir les redevances auxquelles il a droit, mais qu'il touche très peu.
    C'est peut-être ce qui est vraiment propre à la musique de concert comparativement à la musique populaire: c'est une musique de niche, et rejoindre le public est une étape plus difficile que dans le cas d'autres types de musique.
    Vous avez mentionné quelques-unes de vos recommandations. Vous en avez peut-être d'autres, mais pourriez-vous nous dire lesquelles, soit les deux principales, que vous aimeriez assurément voir incluses dans notre rapport et qui valent vraiment la peine qu'on y aille à fond?
    Les redevances sur le droit d'auteur, c'est en effet important, et je pense que cela devrait absolument être accompagné d'un système uniformisé de collecte de données. Quand on parle de métadonnées, il s'agit de la façon d'identifier les compositeurs, les artistes et les interprètes sur le contenu musical pour qu'on soit en mesure, partout dans le monde, de reconnaître les ayants droit et que ceux-ci puissent vraiment toucher une rémunération. Déjà, au départ, il est très important que la réflexion qui a lieu sur la réforme de la Loi sur le droit d'auteur inclue la façon d'identifier les interprètes sur la scène mondiale.
    L'autre chose, c'est que le consommateur paye maintenant l'accès et ne paye plus le contenu — et c'est un peu un non-sens de dire que le consommateur a accès à une multitude de choses, mais qu'il n'a plus à payer le produit. Il est très important que les multinationales qui lui donnent accès payent davantage quant au contenu. Il faut trouver une façon pour que les droits d'auteur, les montants qui sont perçus, soient supérieurs à ce qu'ils sont en ce moment.

  (0915)  

    Merci.
    Je vais maintenant m'adresser au représentant de Music Canada.
    Monsieur Henderson, pouvez-vous nous donner plus d'information sur la façon dont l'écart de valeur touche l'industrie musicale canadienne? Vous venez de cette industrie, et votre mission est notamment axée là-dessus. Nous aimerions donc avoir vos commentaires.

[Traduction]

    Certainement. En 1999, par exemple, l'industrie de la musique était à son sommet au Canada. Aujourd'hui, elle est l'ombre d'elle-même. Elle a connu deux ou trois années de croissance modeste, mais aussi une période de déclin durable. Si on tient compte de l'inflation, nous ne sommes qu'à 50 % d'où nous étions alors, et cela sans prendre en compte l'explosion de la consommation.
    On écoute deux ou trois fois plus de musique aujourd'hui. C'est absolument extraordinaire, mais nous ne sommes pas payés en conséquence. Nous avons demandé à un économiste d'étudier la question et nous avons estimé qu'entre 1999 et aujourd'hui, rien que dans la musique au Canada, il manque 12 milliards de dollars. Voilà pourquoi, mesdames et messieurs, cet homme a du mal à se hisser dans la classe moyenne.

[Français]

    Monsieur Morrison, avez-vous quelque chose à ajouter à ce que M. Henderson vient de mentionner?

[Traduction]

    Je suis d'accord. Quand nous sommes en tournée ou en contact avec des musiciens plus âgés, ils disent que les choses étaient très différentes dans l'industrie de la musique, il y a 10 ou 15 ans, et nous ne savons pas ce que cela veut dire. Ils répètent que c'était très différent et qu'on ne faisait pas carrière dans la musique de la même façon.
    On pouvait sortir une chanson et gagner de l'argent avec, alors qu'aujourd'hui, comme vous le disiez, nous sommes tous sur Spotify. Nous consommons de la musique par diffusion en continu. Quand nous examinons nos chiffres, nous sommes obligés de rire parce qu'il est tellement difficile pour nous de voir notre vie, notre sang, notre travail consommés pour très peu. Pour ainsi dire gratuitement.
    Nous avons grandi dans ce contexte, ce qui fait que c'est la normale pour nous, mais il était un temps où les artistes étaient payés convenablement et équitablement pour cette même consommation. Il me semble donc que nous sommes face à des inégalités. Je le sais d'expérience. J'aimerais toucher plus d'argent.
    Vous l'avez dit, au lieu de subventionner de grandes sociétés.
    Je vous remercie.
    Nous allons passer à M. Van Loan pour sept minutes. Vous avez la parole.
    Music Canada, vous recommandez notamment de supprimer l'exemption de redevances des radios sur la première tranche de 1,25 million de dollars qui est en place depuis 1997. Tout d'abord, si je comprends bien, en 1997, la rémunération de la radiodiffusion à autrui, les redevances aux auteurs-compositeurs et aux éditeurs, existait, mais il y avait une exemption qui s'appliquait aux...
    Les auteurs-compositeurs ont toujours perçu des redevances. Ce sont les interprètes qui n'en percevaient pas et c'est alors qu'on a décidé de leur en verser aussi.
    Venons-en au fait. Quelle était la justification de l'exemption de redevances sur les 1,25 million de dollars? J'imagine qu'on voulait soutenir, ou qu'un des buts était de soutenir, les stations de radio des petites villes afin qu'elles aient une base critique.
    Si telle était la justification, pourquoi ne vaut-elle plus?

  (0920)  

    On ne nous a pas du tout demandé notre avis. C'était un amendement de dernière minute qui a été ajouté à minuit moins une, ce qui fait qu'il n'y a pas vraiment eu de commentaires. La justification était que les petites stations de radio individuelles — familiales, comme on disait à l'époque — seraient fragilisées si elles devaient en plus payer des redevances sur cette première tranche de 1,25 million de dollars, même si le montant était minimal, c'est le moins qu'on puisse dire. Quoi qu'il en soit, la mesure a été adoptée. Elle devait être transitoire et de transitoire, elle est devenue semi-permanente.
    Par ailleurs, le paysage a complètement changé. À l'époque, la radio était loin d'être aussi rentable qu'aujourd'hui, et maintenant, elle est intégrée verticalement. Une subvention se justifiait peut-être alors — parce que c'est ce dont il s'agit, quand on crée une exemption, les créateurs subventionnent quelqu'un —, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui et, comme il existe des petites stations, des stations communautaires et ainsi de suite, nous continuons de les exempter.
    C'est le cas, disons, des radios des campus universitaires, par exemple.
    C'est exact.
    Pourquoi continuerait-on d'exempter les stations familiales dans les changements que vous proposez? Comment structureriez-vous le système pour ne pas leur nuire?
    Je crois qu'il nous faut une façon de mesurer appropriée. Au lieu de traiter tout le monde de la même manière — qu'on ait affaire à Bell Media ou à une petite station indépendante à Saskatoon —, nous devons trouver un moyen de différencier les deux. Je ne pense pas que ce soit difficile. Il suffit, selon moi, de tracer une ligne quelque part et que ceux qui se trouvent en dessous, comme ce type de station de radio indépendante pour qui ce type de paiement serait un coup dur, seraient exemptés, et les radios communautaires et collégiales aussi.
    Avez-vous quelque chose à proposer quant à la structure de cette ligne?
    Oui, mais je n'ai pas apporté cette proposition aujourd'hui. Nous sommes prêts, cependant, à en soumettre une au Comité à ce sujet.
    Si vous le pouviez, je crois que nous vous en saurions gré.
    Vous avez dit que la définition de l'enregistrement sonore pour les bandes sonores de la télévision et du cinéma les exempte, en fait, du paiement de redevances. Pouvez-vous expliquer pourquoi?
    Certainement. Il s'agit d'une autre exemption. Le meilleur exemple dont j'ai entendu parler est celui de l'artiste-interprète Miranda Mulholland, que n'est pas inconnue du Comité, je crois. Elle vous a écrit dans le passé.
    L'exemple qu'elle donne est en tant qu'interprète — pas comme auteure-compositrice — concerne la série Republic of Doyle, pour qui elle a joué. On joue sa musique dans le monde entier et, en dehors du paiement original de 100 $, ou quelle que soit la somme qu'elle a obtenue pour aller jouer du violon en studio, elle n'a rien touché d'autre, alors que la personne qui a écrit cette chanson continue d'être payée.
    Cette injustice existe dans notre droit. Cette exemption se chiffre à quelque 55 millions de dollars pour les interprètes dans notre pays. Si on s'en débarrasse, on fait jeu égal avec le reste du monde.
    Vous dites qu'il faut redéfinir ce qu'on entend par enregistrement sonore, changer la définition. Il ne s'agit pas de s'en débarrasser, mais de la changer. Pouvez-vous nous proposer un libellé?
    Oui, le libellé est très simple. Il s'agit d'enlever trois ou quatre mots.
    Pour les gens comme moi qui ne comprennent pas très bien ces choses-là, comment se répartissent les revenus d'un morceau de musique? Nous entendons parler des interprètes, des auteurs et ainsi de suite. Comment les redevances sont-elles réparties? Il est étrange, par exemple, que vous disiez qu'il existe une exemption pour les interprètes et les créateurs, autres que les auteurs-compositeurs, les compositeurs et les éditeurs de musique. Pouvez-vous expliquer comment se répartissent les redevances?
    Une chanson a deux droits d'auteur, celui de l'auteur-compositeur et celui de l'interprète. Ils sont très différents. Une chanson crée ces deux droits distincts. L'auteur-compositeur et l'interprète ne sont pas toujours la même personne.
    En fait, il était rare autrefois que ce soit la même personne. Le travail de ce qu'on appelait les « A & R » dans les maisons de disques, dans les années 1950 et 1960, consistait à faire concorder un artiste, A, et un répertoire, R. On réunissait les deux pour créer de la bonne musique.
    Puis est venue l'époque de l'auteur-compositeur où les deux ne faisaient qu'un.
    Mon épouse, Margo Timmins, par exemple, a fait une très célèbre interprétation d'une chanson de Lou Reed Sweet Jane. Pendant des années, quand elle passait sur les ondes, Lou Reed, l'auteur-compositeur, était payé, mais Margo Timmins, l'interprète, ne touchait rien. Cette question a été réglée en 1997, mais avec toute une série d'exemptions.
    Ce sont les deux droits d'auteur fondamentaux.

  (0925)  

    Quand une maison de disques ou un éditeur interviennent, quelle est leur part? Est-ce que c'est une partie de ce qui revient à l'auteur-compositeur? Est-ce qu'elle repose sur un contrat? Y a-t-il plus de deux parts?
    Ce sont des ententes commerciales. J'ai été avocat d'artistes pendant près de 15 ans. Dans le cas d'un auteur-compositeur, on signe un contrat discographique. Ce contrat comprend des dispositions relatives aux redevances, au droit d'auteur, au montant d'argent qui revient à l'artiste et à ce à quoi il renonce. Il s'agit d'un échange commercial.
    Il en va de même avec un éditeur. Un éditeur travaille spécifiquement sur les chansons, pas nécessairement sur l'enregistrement maître. Là encore, des relations contractuelles dictent la répartition des montants.
    Aujourd'hui, nous parlons de droits rémunérateurs. Tous ces droits rémunérateurs profitent aux artistes à parts égales: moitié-moitié avec les maisons de disques. C'est, à mon sens, particulièrement important. En outre, avec l'apparition de l'artiste entrepreneur — l'artiste propriétaire de ses propres enregistrements maîtres —, il arrive que tout leur revienne.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Nous passons maintenant à M. Nantel.
    Monsieur Nantel, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Bonjour à tous.
    Je remercie tous les témoins.
    Monsieur Henderson, je pense que votre allocution était probablement la meilleure que vous ayez jamais présentée. Il est très important d'avoir l'heure juste quant à la situation du droit d'auteur. Il faut rappeler aussi qu'il y a d'autres révisions importantes qui s'en viennent; je pense notamment à la réforme de la Loi sur la radiodiffusion.
    Cependant, il s'agit ici de la rémunération des auteurs, et c'est cela qu'il est important de rappeler. Nous pouvons parler, entre autres, de la visibilité de notre culture dans le cadre des changements technologiques et de tout ce qui s'y rattache, mais nous parlons plutôt de la rémunération de nos auteurs et de nos artistes.
    Monsieur Morrison, du groupe The Jerry Cans, je dois premièrement vous dire que je vous trouve extrêmement rafraîchissant. C'est merveilleux de penser que vous venez de si loin: hier soir, vous étiez sur scène, en spectacle, et vous êtes ici ce matin. Je vous en remercie beaucoup. C'est sûr que cela me fait un drôle d'effet de vous entendre dire que vous n'avez aucune idée de ce dont nous parlons quand il est question des droits d'utilisation d'une oeuvre enregistrée. Je vois d'ailleurs des gens de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, ou ADISQ, et de la Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec, ou SOPROQ, qui sont ici.
    Je pense que M. Henderson l'a bien formulé: nous avons en effet gagné notre vie en tant que créateurs et je peux vous dire que j'étais là, comme mélomane, et nous gagnions notre vie de cette manière. Vous me semblez merveilleusement rafraîchissant, monsieur Morrison, et je pense que c'est très important de se rappeler que nous travaillons pour des gens comme vous.
    Pourriez-vous nous dire brièvement, monsieur Morrison, à quoi vous faites allusion quand vous dites que cette réforme est particulièrement importante pour les formes d'art autochtone?

[Traduction]

    Je vois une explosion de musique autochtone, et l'économie qui vient avec... Elle occupe une place importante dans l'industrie de la musique canadienne. On l'exporte aussi dans le monde entier maintenant.
    Ma compagne est interprète de chant guttural. Nous travaillons avec beaucoup de chanteurs de gorge et c'est l'exemple le plus évident de... Quand on reproduit ces chants et ces choses dans le monde classique, et tous les univers musicaux, je sais qu'il faut faire le nécessaire pour protéger les formes d'art autochtones et s'assurer que les artistes sont payés pour leur travail. Si un extrait de chant guttural est repris dans une chanson en Allemagne, des protections doivent être en place pour protéger les artistes autochtones au Canada. C'est quelque chose qu'on peut souvent oublier dans le monde des politiques. Je crois que c'est très important, que ça le deviendra de plus en plus et que la question se posera plus encore.
    Je suis désolé, je parle trop.
    Je vous remercie. Vous avez tout à fait raison. Si c'est la prochaine vague, faisons bien les choses dès le départ.
    C'est la prochaine vague.
    Le lien est direct avec le morceau de violon de Miranda dans Republic of Doyle parce qu'une interprétation de chant guttural n'a pas pu être rémunérée convenablement.
    Monsieur Henderson, vous avez mentionné votre épouse, des Cowboy Junkies. Je me souviens encore des larmes du premier ministre Trudeau à l'annonce de la mort de Gord Downie.
    Étant de Montréal, je me rappelle qu'il y avait quelques groupes du reste du Canada qui venaient donner des concerts au Spectrum à l'époque, et que les Cowboy Junkies en faisaient partie, tout comme les Tragically Hip. M. Trudeau a tellement pleuré, et à raison, parce qu'il y a tellement de l'identité canadienne dans les Tragically Hip, et dans d'autres groupes.
    Pouvons-nous protéger le contenu canadien aujourd'hui comme avant dans le flot de contenu qui arrive? Je suis certain que oui, mais je vous demande dans quelle mesure c'est important pour les créateurs.

  (0930)  

    Si nous pouvons le protéger, c'est notamment en raison de son excellence de toujours. Il a toujours été capable de se défendre. Les règles de contenu canadien l'ont aidé, mais au fond, si ces règles ont fonctionné, c'est parce que la musique était sacrément bonne.
    J'aimerais souligner un point commun entre M. Trudel et M. Morrison. M. Trudel a expliqué qu'Internet, ou ce système, est mal adapté à la musique classique, et il est mal adapté à la musique autochtone. Il est mal adapté à ce qu'on pourrait qualifier de créneau ou quelque chose de cet ordre. Tout est concentré sur l'univers de la pop. Ce n'est pas normal et on peut y remédier.
    Je vous remercie, monsieur Henderson. Je vais vous poser une toute petite question au sujet de YouTube. YouTube, en offrant de la musique sans que le consommateur demande une quelconque chanson, se comporte comme une radio, vend de la publicité...
    C'est un moteur de recommandations gigantesque. Il n'est pas passif.
    C'est exact. Donc, l'argent vient de la publicité, mais ce n'est pas considéré comme un droit de diffusion. Ai-je raison? C'est ce qui changerait.
    En effet. Vous avez devant vous un graphique qui montre la disparité choquante qu'entraîne la création d'exonérations. Si vous regardez le graphique avec les petites barres à gauche, vous voyez ce qu'on a payé, la musique soutenue par la publicité, voilà Spotify, les abonnés. Ils sont 200 millions. Ils rapportent 4 milliards de dollars. À côté, il y a YouTube, les services téléchargés par les utilisateurs. Ils sont un milliard et ils rapportent 500 millions de dollars.
    Vous plaidez votre cause comme un avocat.
    Parfait. C'est très clair.

[Français]

    J'ai une dernière question pour M. Trudel.
    On a mentionné le système utilisé par Spotify, et il est vrai que la situation est certainement meilleure sur cette plateforme que sur celle de YouTube. Par contre, malgré cela, les redevances sont minables. Elles ont été négociées par de grands éditeurs internationaux, à leur profit, et ces derniers vont chercher des parts de ventes de données dans le monde. C'est de cette façon qu'ils font de l'argent, il faut croire.
     Je crois que les artistes de la formation les Violons du Roy, qui sont certainement très importants pour vous — je les ai d'ailleurs découverts aux galas des prix Opus —, font partie de ceux réunis dans la compilation de Fifty Shades of Grey. Une pièce de Jean-Sébastien Bach a été interprétée par eux, si je me souviens bien. C'est une compilation qui a certainement eu une visibilité très grande à l'échelle mondiale.
    Croyez-vous qu'il soit possible de demander aux artistes des Violons du Roy de nous donner un évaluation de leurs redevances ou de faire une comparaison entre la somme qu'ils ont reçue pour cette interprétation et celle qui leur a été versée suivant le plus gros succès qu'il ont connu en tant qu'artistes?
    Vous avez parlé de la découvrabilité des artistes de concert, qui sont québécois de surcroît. Croyez-vous que c'est intéressant?
     Il est vrai que les plateformes Spotify et Apple Music sont bien meilleures que celle de YouTube, mais les créateurs reçoivent des redevances minables. N'est-ce pas?
    Oui. Absolument.
    Il faudrait le demander aux artistes des Violons du Roy. Je n'ai pas les chiffres, mais il est très clair que, en effet, les redevances que les musiciens ont touchées ne se comparent pas à ce qu'ils pouvaient retirer de la vente d'albums, par exemple, au moment où les albums se vendaient énormément.
    C'est exact.
    Dans la foulée de ce que M. Henderson vient de dire, je constate qu'on n'est pas dans un marché de niche. Fifty Shades of Grey devient du matériel grand public, alors nous pouvons voir qu'il est vrai que cela peut fonctionner, dans le monde entier, pour les grands produits comme Fifty Shades of Grey, mais peut-être pas du tout.
    Je vous remercie beaucoup.
    Merci.
    Nous passons à M. Hébert.
    Monsieur Hébert, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup de votre présentation, monsieur Trudel.

[Traduction]

    Monsieur Morrison et monsieur Henderson, c'était très bien.

[Français]

    Mes deux questions s'adressent à M. Trudel.
    Je crois savoir que vous offrez, par votre plateforme Diapason, des services de formation et de soutien liés à la gestion des artistes. Est-ce que je me trompe?
    Non, vous ne vous trompez pas. C'est bien le cas.
    Mes questions sont les suivantes.
    Disposez-vous de tels services quant à l'information portant sur le droit d'auteur?
    Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait se doter d'outils permanents pour sensibiliser les artistes, en tant qu'auteurs, à la question du droit d'auteur?

  (0935)  

    Absolument.
    Des formations sont données sur le droit d'auteur. Pour un artiste, la simple question de savoir à quoi il a droit et comment procéder pour faire valoir ses droits, surtout quand on parle d'autoproduction, est extrêmement complexe. Les artistes sont de plus en plus appelés à faire de l'autoproduction. La complexité des clauses auxquelles ils doivent penser leur rend alors l'exercice extrêmement difficile, car il leur faut bien comprendre toutes les nuances du droit d'auteur. C'est un défi de former les artistes qui choisissent l'autoproduction et qui se représentent eux-mêmes, mais nous le faisons et nous espérons pouvoir le faire davantage.
    Effectivement, il faut des outils pour sensibiliser les artistes à leurs droits. La philosophie de partage et de découvrabilité fait que si un artiste ne retire pas un gain monétaire de la diffusion de sa musique, il aura tout de même un gain en matière de visibilité, de découvrabilité ou autre. Puisque les artistes veulent élargir leur public, ils vont facilement être généreux et laisser aller leurs produits, mais ils devraient avoir certaines redevances en retour. Il est donc très important d'avoir des outils bien faits, standardisés et uniformes pour que les discours soient les mêmes partout.
    Le gouvernement doit assurément penser à des outils destinés aux artistes.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. Henderson.
    L'Union européenne et les États-Unis ont récemment adopté de nouvelles normes quant au droit d'auteur, notamment dans le domaine numérique.
    Considérant que nous partageons avec ces deux entités un espace d'intégration économique — je parle particulièrement des États-Unis, évidemment —, devrions-nous harmoniser nos lois et nos règlements touchant le droit d'auteur avec les leurs?

[Traduction]

    Absolument, et je pense que c'est pourquoi, si vous regardez nos quatre propositions, vous verrez qu'il n'y a pas tellement à adapter par rapport à ce que fait l'Union européenne en ce moment. Il s'agit plus de rattrapage et là est le problème: nous accusons toujours un retard. Nous avons laissé traîner ces vieilles subventions. Nous n'avons pas prolongé la durée du droit d'auteur. Nous avons laissé la redevance sur la copie privée devenir l'ombre d'elle-même, tout cela parce que nous n'avons pas cherché à rattraper notre retard. Or, c'est ce qu'il faut faire en premier.
    L'Union européenne adopte pour sa part une perspective bien plus générale, plus globale de l'écosystème numérique dans son ensemble et elle se concentre, en fait, sur les exonérations, entre autres. Aux États-Unis, le Music Modernization Act — et je pense que c'est à cela que vous faites référence — tombe aussi dans cette catégorie de lois qui fait du rattrapage et remédie à des déséquilibres, mais ce que tout le monde a en commun, heureusement, après tout ce temps, c'est que les gens et les gouvernements reconnaissent qu'ils se sont trompés à un moment donné. Nous nous sommes trompés. Ce sont des erreurs commises de bonne foi et nous devons maintenant aider les créateurs. Nous devons rendre les règles du jeu équitables. Nous devons commencer par placer les créateurs au coeur de notre processus décisionnel.
    Je vous remercie.
    Me reste-t-il encore du temps?

[Français]

    Il vous reste deux minutes.
    Ma question s'adresse encore une fois à M. Henderson.
    Pensez-vous que le régime de protection actuel des compagnies faisant affaires sur Internet est suffisant pour enrayer le problème du piratage, activité à laquelle tout le monde s'adonne abondamment?

[Traduction]

    Beaucoup de gens ont cru qu'on en avait fini du piratage avec le piratage des CD. En fait, l'extraction en ligne est un des plus gros problèmes auxquels nous soyons confrontés aujourd'hui. Nous savons tous que nous vivons dans un monde où la plupart des gens accèdent à leur musique par un service tel que Spotify, Deezer ou YouTube; c'est la diffusion en continu en ligne. M. Trudel l'a mentionné plus tôt comme modèle d'accès. Il s'agit donc d'un modèle d'accès; nous ne vendons pas quelque chose.
    Je suis désolé, j'ai perdu le fil. Quelle était la question?

[Français]

    Croyez-vous que le système de protection utilisé par les compagnies est suffisant pour enrayer le piratage?

  (0940)  

[Traduction]

    Très bien, désolé.
    Nous vivons dans un monde de diffusion en continu et nous avons ce problème d'extraction en ligne. Ce que cela veut dire, c'est qu'on peut se procurer un programme très simple qui prend une diffusion en continu et la convertit en fichier MP3 qu'on peut conserver. Du moment où on fait cela, on détruit le marché de la musique.
    En faisons-nous assez? Je ne pense pas qu'on en fasse jamais assez. Ce n'est pas forcément le problème que c'était autrefois, mais il reste très important et il nuit à la capacité de services légitimes, comme Spotify, de convertir des abonnés en abonnés payants quand tout ce qu'on a à faire, c'est se procurer un service d'extraction en ligne, piller le contenu et convertir en MP3. Le problème demeure donc.
    Je vous remercie.

[Français]

    Il vous reste 30 secondes, monsieur Hébert.

[Traduction]

    Je les laisserai à mon meilleur ami.
    Vous avez une trentaine de secondes, mais vous pouvez avoir une minute, si vous le souhaitez.
    Non, c'est correct. Je pense que Gordie passe avant moi.
    Vous avez la parole.
    Je suis si heureux que nous soyons meilleurs amis. Ma journée en est transformée. Je me sens beaucoup mieux. Merci.
    J'en étais arrivé à penser que je comprenais, puis à me dire que je ne comprenais plus, et maintenant, j'essaie à nouveau de comprendre.
    Dans les quatre recommandations que vous avez formulées, vous disiez que le problème réside dans l'écart de valeur, écart de valeur que vous essayez de combler par ces quatre recommandations. Il y a eu ce que vous appelez « des erreurs commises de bonne foi » et nous devons maintenant prendre des mesures pour y remédier. Je crois que vous essayez de nous rendre contemporains. Je n'entends rien au sujet d'une flexibilité future. Je suppose que vous parlez de nous mettre à jour, puis de nous intéresser à l'avenir pour voir quelle orientation prendre.
    Vous ai-je bien suivi?
    Vous m'avez bien suivi, et le Comité entendra quantité d'autres choses d'autres personnes. Il y a beaucoup plus à faire encore, mais si vous cherchez quelque chose d'immédiat et quelque chose qui harmonise nos lois et répare des torts anciens, c'est ce qu'il faut faire.
    Nous avons dépassé le temps de parole.
    Je devenais vraiment bon aussi.
    Il est possible de déposer des mémoires aussi, si des questions ont soulevé des éléments ou s'il y a des choses que vous entendez et que vous souhaitez ajouter plus tard.
    Nous allons suspendre brièvement nos travaux, le temps de passer au groupe suivant.
    Je remercie tous les témoins de leur présence.

    


    

  (0945)  

    Reprenons. Je veux m'assurer que nous avons assez de temps pour tous les exposés et les questions.
    Nous accueillons dans le deuxième groupe Lisa Freeman et Lyette Bouchard, de la Société canadienne de perception de la copie privée.
    Nous avons Alan Willaert, de la Fédération canadienne des musiciens.

[Français]

    Nous recevons aussi MM. Benoit Henry et Jean-Pierre Caissie, de l'Alliance nationale de l'industrie musicale.

[Traduction]

    Nous allons commencer par la Société canadienne de perception de la copie privée. Je vous en prie.

[Français]

    Mesdames et messieurs membres du Comité, je vous remercie de cette invitation.
    Je m'appelle Lyette Bouchard et je suis la présidente de la Société canadienne de perception de la copie privée, ou SCPCP. Comme vous l'avez dit, madame la présidente, je suis accompagnée de Mme Lisa Freeman, qui est la directrice générale.
    En 1997, la Loi sur le droit d'auteur a été modifiée pour permettre aux Canadiens et aux Canadiennes de copier des enregistrements sonores sur support audio pour leur usage privé. Parallèlement, la redevance sur la copie privée a été créée afin que les créateurs reçoivent une rémunération pour l'utilisation de leur musique. C'était la copie privée.
    Conformément à la Loi, les fabricants et les importateurs de supports audio vierges paient une faible redevance pour toute importation ou vente au Canada de ces supports. Ces redevances sont perçues par la SCPCP pour ses sociétés membres, qui représentent les artistes-interprètes, les auteurs-compositeurs, les éditeurs de musique et les maisons de disques.
    Pendant de nombreuses années, le régime de perception de la copie privée a constitué une importante source de revenus, qui générait des recettes de plus de 300 millions de dollars pour 100 000 créateurs de musique, ce qui les a aidés, bien sûr, à continuer de créer et de commercialiser du contenu culturel important.
    Initialement, le libellé de la Loi visait à rendre le régime de perception de la copie privée neutre sur le plan technologique. Cependant, les décisions de la Cour d'appel fédérale et du gouvernement fédéral précédent ont restreint ce régime aux supports qui tombent rapidement en désuétude. Je parle, bien sûr, des copies de CD vierges.
    Comme la majorité des consommateurs font actuellement des copies de musique sur des appareils comme des téléphones intelligents ou des tablettes, l'utilisation de CD vierges pour copier de la musique diminue rapidement. Par conséquent, les revenus destinés aux créateurs de musique liés à la copie privée sont également en chute libre.
    Les revenus annuels découlant de la redevance pour copie privée ont baissé de 89 %, passant d'un sommet de 38 millions de dollars en 2004 à moins de 3 millions de dollars de redevances en 2016.
    En 2015-2016, les Canadiens ont copié plus de 2 milliards de pistes de musique, soit plus du double de copies faites en 2004. Cependant, à l'heure actuelle, les ayants droit ne reçoivent aucune compensation pour la majorité de ces copies, y compris les centaines de millions de copies non autorisées réalisées sur des appareils comme les téléphones intelligents.
    Quelle serait la situation si le Canada avait suivi l'exemple européen en 2012 lors de la dernière révision de la Loi et avait rendu le régime neutre sur le plan technologique pour qu'une redevance s'applique sur les téléphones intelligents et les tablettes? Selon les données relatives aux ventes de ces appareils, une redevance de 3 $, qui est la moyenne pratiquée en Europe, aurait généré 40 millions de dollars par année pour les ayants droit. Seulement entre 2012 et 2017, c'est un montant de 240 millions de dollars que le milieu de la musique a perdu.
    Il est urgent que nous agissions.
    La SCPCP recommande au gouvernement de rendre le régime neutre sur le plan technologique pour demeurer en phase avec la façon dont les Canadiens consomment la musique.
    La solution est de modifier la Loi pour que le régime s'applique tant aux supports audio qu'aux appareils tels que les téléphones intelligents ou les tablettes.
    La SCPCP propose également d'apporter d'autres modifications très mineures à la Loi. En un sens, il suffit de clarifier le fait que le régime s'applique seulement aux copies faites à partir d'un enregistrement sonore qu'une personne a en sa possession. Nous voulons toutefois qu'il n'y ait aucune confusion: le fait d'offrir ou d'obtenir de la musique illégalement, que ce soit par un service en ligne non autorisé, par l'extraction audionumérique en ligne ou même en volant un album dans un magasin, demeure illégal. Bien sûr, voler est un geste illégal.
    Il doit également être clair que le régime de copie privée ne doit pas nuire aux services légaux de musique en ligne, ni légaliser les services illégaux.
    Chaque fois qu'il est possible de le faire, les ayants droit licencient le fruit de leur travail pour ceux qui souhaitent l'utiliser. Le régime de copie privée ne vise qu'à rémunérer les copies qui ne peuvent être contrôlées.
    Il nous faut une solution législative permanente, mais, dans l'intervalle, il est primordial que soit mis en place un fonds intérimaire de 40 millions de dollars, comme le soulignait tout à l'heure M. Henderson.
    Merci.
    Madame Freeman, c'est votre tour.

  (0950)  

[Traduction]

    Je voulais mettre une fois encore l'accent sur les très bonnes raisons de corriger le régime de la copie privée. Tout comme Music Canada a souligné quatre éléments, je donnerai trois catégories de bonnes raisons de corriger le régime de la copie privée.
    Tout d'abord, il reste la meilleure solution à ce qui est un problème continu. La diffusion en continu domine peut-être le marché légal de la musique, mais les Canadiens apprécient toujours les copies de musique et en font plus de deux milliards par an depuis 2010. La tendance est assez constante. Le système de redevance est le meilleur mécanisme pour rémunérer les titulaires de droits pour les copies qui ne peuvent être autorisées et qui constituent toujours l'immense majorité de ces copies. Il suffit de le modifier pour qu'il suive le mode de consommation de la musique des Canadiens sur un marché en constante évolution, maintenant et à l'avenir.
    Avec des révisions minimales, le régime de la copie privée peut redevenir ce qu'il était censé être au départ, à savoir un système souple et neutre sur le plan technologique qui monétise les copies privées sur lesquelles les titulaires de droits ne peuvent exercer de contrôle, sans nuire aux services de musique en ligne légitimes.
    Le processus de perception de redevances resterait le même, puisque la SCPCP serait tenue de déposer auprès de la Commission du droit d'auteur un tarif proposé et de démontrer par des preuves empiriques quels appareils et quels supports sont habituellement employés pour copier de la musique.
    À l'heure actuelle, le Canada est un pays marginal. La plupart des pays de l'Union européenne et certains pays d'Afrique et d'Asie, soit une quarantaine de régimes solides dans le monde, ont accepté l'évolution technologique il y a des années et sont maintenant dotés de régimes de copie privée vigoureux qui appliquent des redevances à divers supports et appareils, comme les téléphones intelligents et les tablettes. En Europe, c'est le cas de l'Autriche, la Belgique, la Croatie, la France, l'Allemagne, la Hongrie, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suisse.
    Dans une étude mondiale détaillée de la copie privée publiée en décembre dernier, la CISAC, qui est une organisation internationale de sociétés d'auteurs, rappelle au Canada en particulier la nécessité de moderniser et d'adapter son régime aux nouvelles utilisations en percevant des redevances sur les appareils numériques. Voilà pour la première série de raisons.
    La deuxième série de raisons concerne la question de l'équité. Au cours des deux dernières décennies, la redevance sur la copie privée a répondu à un besoin important des titulaires de droits et des consommateurs de musique au Canada en permettant une juste rémunération des titulaires de droits et en assurant les consommateurs de la légalité de leurs copies. En l'absence d'une solution législative comme celle que la SCPCP propose maintenant, l'activité de copie privée des Canadiens demeurera illégale et les redevances aux créateurs de musique, qui les dédommagent de la copie privée massive de leurs oeuvres, ne tarderont pas à disparaître complètement.
    Les créateurs de musique canadiens doivent être payés pour l'utilisation généralisée de leurs oeuvres, tout comme les entreprises qui produisent et vendent les appareils utilisés pour copier la musique se font toutes payer. La redevance sur la copie privée n'est pas une taxe, ni de la charité, ni un programme de subventions. Il s'agit d'un revenu gagné.
    La Commission du droit d'auteur décide en dernier ressort du montant de la redevance. Cependant, les redevances proposées par la SCPCP ne représenteront certainement qu'une petite fraction du coût d'un téléphone intelligent ou d'une tablette, et elles seront comparables aux taux de redevance appliqués dans la plupart des pays européens, où la redevance moyenne payable sur un téléphone intelligent est d'environ trois dollars, soit le prix d'une tasse de café.
    Comme toujours, ce sont les fabricants et les importateurs de supports et d'appareils qui paieraient la redevance. En fait, nous savons tous que le coût de nombreux téléphones intelligents et tablettes est déjà subventionné pour les consommateurs par les entreprises intermédiaires qui fournissent les appareils dans un forfait de services de réseau mobile.
    La troisième et dernière catégorie de bonnes raisons de corriger le régime de la copie privée que je souhaite vous soumettre est celle de l'urgence de cette correction. Nous ne saurions trop insister sur l'urgence de cette question. Comme Music Canada vient de vous l'expliquer, en même temps que les créateurs de musique voient diminuer leur revenu du régime de la copie privée, leur revenu de nombreuses autres sources diminue aussi, en partie à cause d'exceptions supplémentaires au droit d'auteur ajoutées à la révision de la loi en 2012.
    Les artistes canadiens et les entreprises canadiennes dont la musique est copiée pour un usage personnel ne peuvent produire et se livrer concurrence sur la scène internationale que s'ils sont payés lorsque leurs oeuvres sont utilisées.
    Nous demandons instamment au gouvernement de présenter immédiatement après cet examen parlementaire un projet de loi afin que les modifications mineures nécessaires à la loi puissent être apportées dès que possible.
    Je vous remercie de votre attention. Nous répondrons volontiers à vos questions.

  (0955)  

    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à Alan Willaert, de la Fédération canadienne des musiciens. Je vous en prie.
    Au nom des musiciens de ce pays, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à témoigner. Je vous en suis très reconnaissant.
    Graham Henderson, de Music Canada, a déjà dit de manière très éloquente la majorité de ce que je vais dire. Ce sera une répétition simplement parce que l'essentiel de ce que la Fédération canadienne des musiciens fait au nom de ses membres concerne le droit contractuel. Nous ne percevons pas de droits d'auteur à proprement parler. Toutefois, en raison de l'impact direct sur nos membres, la question est extrêmement importante pour nous.
    Nombre d'artistes et de musiciens professionnels captivent des auditoires internationaux et se hissent en tête des palmarès de vente. Nous avons beaucoup à offrir au monde parce que notre société apprécie la créativité et l'innovation. Notre gouvernement doit veiller à ce que ses politiques et règlements reflètent la valeur que nous attachons à notre communauté créatrice et aux arts. Ces consultations devraient jeter les bases d'outils de réglementation et de politique, ainsi que du soutien financier nécessaire pour que les musiciens professionnels canadiens prospèrent dans l'environnement numérique maintenant et dans les années à venir.
    Notre première recommandation — là encore, dans le droit fil de la recommandation de Music Canada — est de modifier la définition d'« enregistrement sonore ». La définition actuelle qui en est donnée dans la Loi sur le droit d'auteur doit être modifiée afin que les interprètes puissent percevoir des redevances quand leurs interprétations musicales enregistrées sur des bandes sonores d'oeuvres audiovisuelles, comme des émissions de télévision et des films, sont télédiffusées, diffusées en continu sur Internet ou présentées dans des cinémas. Nous recommandons, à cette fin, la ratification du Traité de Beijing, afin de garantir que cette mesure fonctionne correctement.
    Notre deuxième recommandation est de supprimer l'exemption de redevances accordées aux diffuseurs radiocommerciaux sur la première tranche de 1,25 million de dollars. En modifiant la Loi sur le droit d'auteur pour éliminer cette exemption inutile dont bénéficient les radios commerciales, on aurait des millions de dollars de redevances en plus pour les artistes. Ce qu'on n'a pas précisé plus tôt, c'est que cette exemption sur les 1,25 million de dollars ne devait à l'origine s'appliquer qu'aux radios familiales dont les revenus étaient inférieurs ou égaux à 1,25 million de dollars. Or, tout à coup, elle s'est appliquée à tous les radiodiffuseurs. Autrement dit, elle n'a pas été bien définie au départ.
    La troisième recommandation est d'élargir le régime de la copie privée aux nouvelles technologies qui permettent de réaliser des copies. Comme la SCPCP l'a si bien expliqué, nous devrions procéder aux changements législatifs nécessaires pour moderniser le régime de la copie privée de manière qu'il tienne compte des progrès de la technologie de copie numérique.
    Nous recommandons également de changer le fonctionnement et les pratiques de la Commission du droit d'auteur. J'y consacre un autre mémoire.
    En ce qui concerne la lutte contre le piratage dans le monde numérique, nos politiques et lois culturelles doivent y apporter une réponse pratique qui corresponde mieux à la façon dont les Canadiens consomment le contenu et qui aide les musiciens professionnels canadiens et leurs créateurs de contenu à réussir sur le marché numérique mondial. Il existe toutes sortes de technologies. Il y a des algorithmes capables de retracer l'utilisation de toute chanson où que ce soit dans le monde. Il est anormal que nous n'utilisions pas ces technologies et que nous ne monétisions pas correctement les enregistrements de nos musiciens.
    Notre dernière recommandation concerne la réglementation du contenu canadien. Nous encourageons le gouvernement à travailler en collaboration avec le milieu de la musique pour faire passer les quotas de contenu et la désignation MAPL de l'analogue au numérique. Nous devons d'abord réglementer la diffusion en continu, industrie qui vaudra bientôt 70 milliards de dollars à l'échelle mondiale, et ceux qui produisent au Canada, comme Netflix, devraient être assujettis au processus de négociation collective, notamment en ce qui a trait au statut de l'artiste.
    Merci infiniment. Je suis prêt à répondre à vos questions.

  (1000)  

[Français]

    Merci.
    Nous passons maintenant à MM. Benoit Henry et Jean-Pierre Caissie, de l'Alliance nationale de l'industrie musicale.
    D'abord, je vous remercie de cette invitation à comparaître devant vous.
    L'Alliance nationale de l'industrie musicale, ou ANIM, travaille dans les communautés francophones et acadiennes, autrement dit, dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire.
    L'ANIM est un petit organisme; je suis le seul employé. Je suis accompagné de M. Jean-Pierre Caissie, qui est un administrateur du conseil d'administration.
    Nous ne sommes certainement pas des experts en matière de droit d'auteur, mais sur le terrain, nous pouvons certainement comprendre et voir qu'il y a un problème lié à la rémunération des artistes. Nous remarquons que les nations ont encore la capacité de légiférer et de faire en sorte que leurs artistes reçoivent une juste rémunération. Aussitôt qu'on regarde des statistiques, on constate que certains pays sont beaucoup plus généreux que le nôtre à cet égard. Nous souhaiterions que le Canada soit un chef de file et non pas celui qui traîne de la patte dans ce domaine.
    Je vais laisser M. Caissie faire la présentation.
    Je m'appelle Jean-Pierre Caissie et je suis membre du conseil d'administration de l'Alliance nationale de l'industrie musicale, ou ANIM. Je suis également directeur adjoint de l'Association acadienne des artistes professionnels du Nouveau-Brunswick.
    Il est important que les artistes, les créateurs et les créatrices puissent vivre de leur art au Canada. Il en va de même pour les artistes des communautés francophones et acadienne vivant en milieu minoritaire au Canada. La ministre du Patrimoine canadien, Mme Mélanie Joly, a tout à fait raison de dire que le Canada est créatif. Il est maintenant temps de soutenir cette créativité. Selon Hill Stratégies, qui analyse les données de l'Enquête sur la population active, le nombre d'artistes a augmenté de 56 % entre 1989 et 2013. Il y a donc de plus en plus d'artistes au Canada ainsi que dans les communautés franco-canadiennes.
     Ces artistes ont accès à de nombreux outils de production dont leurs prédécesseurs ne disposaient pas, notamment à des enregistrements dans des studios maison ainsi qu'à des plateformes de diffusion, par l'entremise d'Internet, et au public qui découvre de cette façon leur travail à distance. De nombreuses possibilités s'offrent aux artistes. Être artiste demande souvent d'investir du temps dans des métiers connexes tels que la gestion et les communications. Le nombre d'heures consacrées à la création diminue et passe du côté de la gestion de la carrière.
    Rappelons que, selon l'Enquête nationale auprès des ménages, le revenu annuel moyen des artistes en musique et des chanteurs était de 22 770 $ au Canada en 2010. Au Nouveau-Brunswick, le revenu annuel médian d'un artiste se chiffre à 17 562 $. C'est sous le seuil de la pauvreté, soit dit en passant.
     Pour qu'ils soient pleinement accompagnés dans le développement de leur carrière, les artistes ont besoin du soutien accru d'expertises précises: gérance, maisons de disques, engagements et aide à la tournée, et ce, tant à l'échelon national qu'international. L'accompagnement, la formation, la main-d'oeuvre qualifiée et les occasions de réseautage sont des besoins ciblés dans l'Étude sur le développement des artistes et des entreprises de la musique oeuvrant au sein des communautés francophones en situation minoritaire, qui a été réalisée en 2017 et dont nous vous enverrons une copie. Ce sont là des éléments incontournables du développement de la carrière d'un artiste en musique.
    Pour aborder plus directement la question qui nous intéresse aujourd'hui, soit celle des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs, nous aimerions, à l'instar de certains de nos collègues, parler de la diffusion en continu. Avant d'aborder cette question, nous tenons à souligner l'importance des tarifs visant les auteurs et compositeurs lors de diffusions à la radio. Les redevances qui sont remises aux artistes sont primordiales pour leur santé financière. De plus, quand il y a des redevances, cela signifie que les chansons sont diffusées à la radio et se font connaître par un public plus vaste. Le Rapport de surveillance des communications, qui a été publié par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, en 2017, rappelait l'importance de la radio dans le quotidien des citoyens et des citoyennes. On soulignait en effet que 91 % des francophones écoutaient la radio traditionnelle. Il est donc important de maintenir et même d'améliorer les redevances payées aux artistes quand leurs oeuvres jouent à la radio.
    Pour ce qui est de la diffusion en continu en ligne, les tarifs consentis aux artistes sont notablement plus bas. La Commission du droit d'auteur du Canada a déterminé un tarif qui se chiffre à 0,012 ¢ par écoute. Le tarif aux États-Unis est environ 25 fois plus élevé. Nous sommes rassurés par le fait que le gouvernement ait demandé à la Commission de réaliser une étude. Nous croyons que des améliorations sont possibles et nous nous rangeons derrière la Coalition pour une politique musicale canadienne, qui demande que la Commission prenne des décisions plus rapidement et que ces décisions soient plus conformes aux tarifs appliqués ailleurs dans le monde.
    Dans le contexte de la diffusion en continu, on parle souvent du défi de la découvrabilité. Cela équivaut à trouver une aiguille dans une botte de foin, me direz-vous. C'est un peu le cas, mais en utilisant des mots clés et en comprenant mieux les algorithmes, on peut espérer obtenir un plus grand nombre d'écoutes sur ces plateformes. Nous aimerions, bien sûr, figurer sur les listes d'écoute des ministres et du premier ministre, mais les places sont limitées. Il est vrai que, dans la réalité, une large part du travail de promotion doit se faire ailleurs, entre autres en donnant des spectacles et en obtenant une couverture médiatique dans les journaux locaux et les radios communautaires. Les médias liés à Internet ne vivent pas dans un monde clos, séparé de la vie concrète, d'où l'importance pour les artistes en musique de bénéficier dans leur communauté de l'accompagnement de personnes qui font du travail de gérance et de communications pour effectuer les tâches supplémentaires liées à Internet et à toutes les plateformes existantes.
    À titre d'information, j'aimerais préciser qu'un certain nombre d'artistes acadiens envisagent présentement de retirer leurs chansons des services de diffusion en continu qui n'offrent pas de tarifs raisonnables. C'est triste, dire-vous. Cela va à l'encontre du souhait du gouvernement, qui, dans sa politique culturelle intitulée Pour un Canada créatif, encourage la diffusion d'oeuvres canadiennes sur Internet. Les détenteurs de droits d'auteur ont encore et toujours le droit de refuser les utilisations de leurs oeuvres. En effet, les artistes des communautés francophones et acadienne veulent occuper le cyberespace, notamment les plateformes de diffusion, mais ils ne veulent pas avoir l'impression d'en financer le développement. S'il n'y a pas de chanson, il n'y a pas de services de diffusion en continu.
    Il en va de même pour YouTube, qui verse des redevances ridiculement basses aux créateurs et créatrices. Des catégories de rémunération sont établies en fonction de la quantité de visionnements, comme vous le savez. C'est une courbe proportionnelle qui désavantage ceux et celles dont les oeuvres sont moins visionnées. C'est un peu comme si la radio payait un tarif moins élevé aux artistes dont les oeuvres jouent moins souvent à la radio.

  (1005)  

     L'équité est importante pour nous. Pourquoi la plateforme YouTube n'est-elle pas soumise au même tarif que les autres services de diffusion en continu? Elle agit comme une radio, surtout quand on considère que plus de 50 % des Canadiens et des Canadiennes écoutent de la musique sur cette plateforme.
    Le régime de copie privée est un autre mode de rémunération à la disposition des créateurs et des créatrices. Des représentants, ici, ont dit que les redevances diminuent. Entre 2007 et 2015, à peu près huit fois moins de redevances ont été versées aux artistes.
    D'une certaine manière, le principe qui sous-tend le régime de copie privée est d'assurer que les artistes canadiens peuvent continuer à créer des chansons, qui pourront servir, entre autres, à remplir les tablettes et les téléphones à écran tactile. Nous sommes d'accord sur les propositions de ces représentants.
    Nous nous demandons pourquoi les fournisseurs d'accès Internet, ou FAI, ne sont pas soumis à des conditions semblables à celles auxquelles sont soumis les câblodistributeurs, qui doivent verser une partie de leurs profits dans des fonds indépendants de production ou le Fonds des médias du Canada. Ce sont là des fonds qui aident à financer la création de films, d'émissions ou de médias interactifs. Pourquoi les FAI n'ont-ils pas la même responsabilité à l'égard du contenu canadien, pour que leurs canaux de distribution puissent contribuer à la création de nouvelles oeuvres et ainsi transporter de nouvelles chansons d'artistes de la francophonie canadienne?
    Nous aimerions qu'il y ait une nouvelle loi sur le droit d'auteur qui comporte moins d'exceptions ou, à tout le moins, des exceptions claires qui n'auraient pas à être définies devant les tribunaux. Trop de causes récentes démontrent que l'exception prévue pour l'utilisation équitable dans le milieu de l'éducation n'est pas claire. Plusieurs établissements d'enseignement ont fait ce que l'on pourrait qualifier d'utilisation non équitable d'oeuvres protégées par le droit d'auteur.
    Il y a plusieurs causes juridiques. Comme vous le savez, les sociétés de gestion des droits d'auteur se retrouvent trop souvent devant les tribunaux. Il y a la cause Canadian Copyright Licensing Agency c. Université York, et dans les prochaines années, il y aura Copibec c. Université Laval.
    Comme la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ou SOCAN, et Ré:Sonne en musique, les sociétés de gestion sont primordiales pour les créateurs et les créatrices, tant de la francophonie canadienne que du reste du Canada. Si les écoles ne paient pas pour les oeuvres présentées en classe, les artistes canadiens gagneront encore moins de revenus et devront continuer à occuper un deuxième ou un troisième emploi. Je ne voudrais pas demander le même sacrifice du personnel en milieu de l'éducation et des autres fournisseurs de services en milieu scolaire.
    Nous apprécions votre travail et merci d'apprécier le nôtre.
    Merci.

  (1010)  

    Merci.
    Nous commençons maintenant la période de questions et commentaires.
    Madame Dhillon, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Ma première question est pour la Fédération canadienne des musiciens.
    En quoi le système canadien de droit d'auteur et de rémunération dans l'industrie de la musique est-il différent du système américain? Quelle est la différence entre le Canada et les États-Unis dans ce domaine?
    Avec le Digital Millenium Copyright Act aux États-Unis, nous avons principalement dans ce pays un système d'avertissement et de désactivation qui est très utile. Le régime canadien d'avis et avis ne nous semble pas suffisant, étant donné les nouveaux types de technologie et les vols commis par extraction de diffusion en continu.
    De plus, les Américains ont des redevances sur les radios numériques. Elles existent chez nous aussi, mais ce que nous avons essayé d'obtenir à propos du Tarif 8 n'a pas encore été approuvé. Nous ne sommes donc pas en mesure de percevoir autant qu'aux États-Unis à cet égard.
    Pourquoi pensez-vous que ce n'est pas encore approuvé ou que cela prend autant de temps? Vous venez de mentionner la technologie en disant qu'on a du mal à suivre le rythme de l'évolution technologique. Pourquoi, à votre avis?
    Je pense que cela dépend de la Commission du droit d'auteur elle-même, car les décisions prennent plus de temps qu'il n'est nécessaire, et qu'elle s'appuie sur des tarifs passés qui étaient en place il y a de nombreuses années pour les compositeurs et les paroliers, par opposition au nouveau régime de droits voisin pour les musiciens, les interprètes et les maisons de disques. Le problème tient en partie aux retards qui surviennent et au fait que la Commission se fie à de vieux modèles tarifaires.
    La technologie pourrait-elle un peu accélérer les choses?
    Oui, tout à fait.
    Nous avons entendu dans l'heure précédente que quelqu'un a enregistré quelque chose qui rapporte peut-être des millions à une certaine personne, mais que la personne qui a enregistré n'a gagné que 100 $. Pouvez-vous expliquer comment cela pourrait arriver à des artistes canadiens, alors que les artistes américains sont payés pour la moindre chose et perçoivent la moindre redevance? Ce n'est pas le cas ici, au Canada.
    Ce n'est pas entièrement vrai. C'est un problème que connaissent des artistes du monde entier.
    Un des problèmes est qu'un certain pourcentage de Spotify appartient aux maisons de disques. Quand les maisons de disques ouvrent leurs catalogues, le service de diffusion en continu doit leur payer des droits importants pour y accéder. Or, les artistes ne voient jamais la couleur de cet argent.
    Ensuite, il y a le problème des enregistrements faits il y a de nombreuses années en vertu de contrats passés avec les artistes prévoyant le versement de redevances, où qu'ils se trouvent dans le monde, et qui sont maintenant joués par des services de diffusion en continu. Cette répartition n'a jamais été envisagée dans les contrats originaux passés avec les artistes et qui prévoyaient le versement de redevances. On devrait suivre la répartition prévue dans les contrats passés avec les artistes, qui était un partage moitié, moitié entre la maison de disques et l'artiste. On penserait qu'il en serait ainsi dans le monde numérique et, bien entendu, ce n'est pas le cas. On l'a complètement oublié.

  (1015)  

    Quel pays aurait le meilleur modèle pour protéger nos artistes face à ces progrès technologiques et à la diffusion en continu en ligne gratuite? Quel pays a les meilleurs résultats jusqu'ici?
    Il y a eu une affaire en Suède où des artistes ont intenté un procès à des maisons de disques en se fondant sur le fait que le modèle suédois n'était pas bon, et ils ont obtenu gain de cause. La Suède est un bon exemple de ce problème particulier.
     D'accord. Ma question suivante s'adresse à la Société canadienne de perception de la copie privée.
    Le Comité cherche avant tout à étudier les modèles de rémunération des artistes et des créateurs. Pourriez-vous expliquer comment votre organisme paie les artistes?
    Ma deuxième question concerne les nouvelles technologies et les options qui existent pour acheter de la musique et en écouter. Quelle est leur incidence sur le droit d'auteur canadien?

[Français]

    Je vais répondre en français à votre question.
    La première question que vous m'avez posée vise à savoir de quelle façon les artistes et les créateurs sont rémunérés au moyen du régime. C'est bien cela?
    Oui.
    Avant tout, des redevances sont déterminées par la Commission du droit d'auteur du Canada. Ces redevances sont versées par les fabricants et les importateurs de supports vierges à la Société canadienne de perception de la copie privée. Par la suite, cette dernière les redistribue aux auteurs-compositeurs, aux interprètes et aux producteurs.
    Je ne vais pas entrer dans tous les détails de la distribution, mais je dirai que c'est essentiellement basé sur un modèle de vente de musique et d'écoute de musique à la radio et sur des modes de distribution. Chacune des sociétés membres de la Société canadienne de perception de la copie privée redistribue les redevances aux sociétés d'interprètes, de producteurs et d'auteurs. C'est par un mode de distribution très fin et pointu que les redevances sont versées aux interprètes, aux auteurs-compositeurs et aux producteurs.
    D'accord.
    D'après vous, comment la nouvelle technologie peut-elle nuire à un artiste? Comment pouvons-nous protéger les artistes?
    Comme je l'ai déjà expliqué, il n'y a pas de redevance qui est applicable aux supports de type téléphone intelligent ou tablette, bien qu'énormément de copies soient faites sur ces appareils. En ce moment, il y a essentiellement des redevances sur les CD-ROM vierges seulement, mais on n'en vend pratiquement plus. Les gens ne font plus de copies sur des CD-ROM vierges. Ils vont plutôt copier la musique sur des tablettes et des téléphones intelligents. Des centaines de millions de copies sont faites.
    La copie privée vise à rétribuer et à rémunérer les artistes. Je précise de nouveau qu'il ne s'agit pas d'une taxe, mais bien d'une redevance versée par des fabricants à des ayants droit. L'argent ne va pas au gouvernement, mais aux créateurs. Cela vise à offrir une rémunération pour les copies additionnelles faites sur ces appareils qui se vendent tous les jours par milliers au Canada.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Shields. Je vous en prie, vous avez sept minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je trouve la conversation passionnante. J'apprends beaucoup de choses ce matin.
    Je dois d'abord reconnaître que je n'écoute jamais la radio. Je préfère les concerts. Je trouve de la musique en direct ou j'en cherche, mais ce qui se passe à la radio, c'est un autre monde pour moi. Je ne mets jamais la radio en voiture, ni de cassettes ou de CD. Je vis dans un autre monde. Je sais.
    Est-ce que j'ai une sélection sur un appareil? Certainement, mais c'est généralement de la musique classique.
    Quand on parle du futur et des appareils, toute technologie sortie depuis la naissance de ma petite-fille de 12 ans est maintenant dépassée. Si on pense à l'avenir, comment fait-on pour mettre en place des lois beaucoup plus avant-gardistes que ce dont vous avez déjà parlé? On essaie de définir des lois, mais dans 10 ans, tout ce que nous connaissons aujourd'hui sera dépassé.

  (1020)  

    C'est une excellente question et, en fait, le régime de la copie privée tel qu'il existe aujourd'hui n'est pas loin d'y parvenir. C'était l'intention, mais il était toujours entendu aussi que le gouvernement devrait l'examiner tous les cinq ans, ce qui est exactement l'occasion qui se présente ici, pour s'assurer que c'est le cas.
    Par ailleurs, au début des années 2000, la Commission du droit d'auteur pensait comme la Société canadienne de perception de la copie privée que le régime était suffisamment neutre d'un point de vue technologique pour permettre la perception de redevances sur des appareils — à l'époque, il s'agissait de lecteurs MP3. Cependant, les tribunaux ont adopté une optique beaucoup plus restrictive, une interprétation plus limitative et très prudente du libellé de la loi.
    Je vais prendre un instant pour souligner également que la version française de la loi est beaucoup plus claire. Dans la version anglaise, il y a suffisamment place au doute pour que les tribunaux disent qu'il s'agit d'un problème que le Parlement doit régler pour faire en sorte que le régime soit technologiquement neutre et qu'il reste donc assez souple pour tenir compte de tout appareil ou support, de tout Super Audio, que l'avenir nous réserve. Il suffirait, selon nous, d'une toute petite correction au libellé pour que ce soit le cas et qu'il continue d'en être ainsi à l'avenir.
    Les tribunaux s'en mêleront-ils?
    Nous sommes allés devant la Cour d'appel fédérale, qui a annulé la décision de la Commission du droit d'auteur autorisant la perception de redevances sur les lecteurs MP3. La Cour suprême a choisi de ne pas entendre l'affaire. Nous croyons savoir que cela tient, dans une large mesure, au fait que le gouvernement était sur le point d'examiner la loi et que la Cour fédérale avait clairement décidé qu'il s'agissait d'un problème qu'il incombait au Parlement de régler.
    Très bien.
    Passons à la musique acadienne. Si j'en crois l'histoire des musiciens que je connais, probablement tous, ou l'immense majorité d'entre eux, n'ont jamais connu qu'un emploi à temps partiel, c'est-à-dire joué le soir et donné un ou deux concerts le week-end. D'après votre expérience, est-ce que c'est différent d'autrefois? Vous faites référence au revenu maintenant. C'est formidable de jouer de la musique dans les Maritimes. J'aime beaucoup la musique des Maritimes, mais je connais très peu de musiciens à plein temps.

[Français]

    C'est souvent faute de rémunération juste et équitable si beaucoup d'artistes doivent gagner un revenu à l'extérieur. Cela étant dit, dans la vie d'un artiste, ce n'est pas exactement ainsi que cela se présente. Il y a des périodes de création pendant lesquelles il y a généralement une absence de revenu pendant un certain temps. Ensuite, il y a des périodes de commercialisation de ce qui a été produit et de mise en valeur de l'oeuvre, du moins c'était le cas selon l'ancien modèle. Cette mise en valeur est évidemment faite par les radios, mais aussi par les spectacles. C'est évident que, aujourd'hui, une grande partie du revenu repose sur le spectacle.
    La musique du monde entier vient au Canada. Les Canadiens de partout au pays ont droit à leur propre musique, mais ils ont aussi intérêt à découvrir la musique du monde. Pour réussir à faire cela, il faut un minimum de revenus. Il faut que les activités des artistes soient suffisamment rentables pour qu'ils puissent s'entourer de professionnels relativement à la gérance et aux maisons de disques. Cela leur permettra ensuite d'entrer sur le marché national et sur les marchés internationaux. Ils doivent le faire parce que les marchés canadiens de base sont petits. Nous avons l'obligation de nous tourner vers l'ensemble du marché canadien, mais aussi vers le marché international.
    C'est évident que toutes les parcelles de revenus sont importantes, particulièrement celles qui proviennent précisément de la création. C'est de cela dont il s'agit. Je pense que vous avez bien compris que, au fil des années, nous avons assisté à une dégradation du revenu qui provient de la création. À cet égard, le Canada ne fait pas bonne figure par rapport à plusieurs autres pays.

  (1025)  

[Traduction]

    Martin, il vous reste une minute.
    Dans la même veine, les groupes créatifs qui commencent à jouer dans différentes salles communautaires dans un rayon de 60 kilomètres peuvent-ils accéder au marché international? On entend parler d'un interprète qui passe sur YouTube, dont les vidéos sont vues un million de fois et qui, tout à coup, n'est plus le même. Est-ce que ce sont les médias sociaux, qui n'existaient pas il y a 10 ou 20 ans, qui offrent cette possibilité?

[Français]

    Je vous demanderais de répondre à la question en moins d'une minute, s'il vous plaît.
    Il y a certainement des occasions favorables, c'est évident.
    La société canadienne a accès à toutes sortes de marchés de la musique. Il y a des marchés de la musique sur la scène internationale où des acheteurs — et donc des vendeurs, des artistes — se rencontrent. La beauté de la chose, c'est que grâce aux moyens technologiques dont nous disposons aujourd'hui, c'est possible.
    Par exemple, il y a 15 ou 20 ans, pour produire un enregistrement sonore de qualité, on devait disposer d'une infrastructure importante qui coûtait cher et qui n'était pas accessible. Aujourd'hui, si on possède un équipement minimal, on est capable de mettre en valeur sa créativité. Aujourd'hui, les artistes des communautés francophones et acadienne sont donc capables de faire concurrence à n'importe quel artiste du Canada et de l'international, strictement sur le plan de la créativité. Par contre, il faut leur donner les moyens. C'est le paradoxe de l'oeuf et de la poule: si on n'a pas les moyens, on ne peut pas s'y rendre, mais si on leur offre un minimum de revenu, c'est un investissement dans leur propre carrière, cela leur permet d'aller plus loin.
    D'accord, merci.

[Traduction]

    Merci de m'avoir emmené où je voulais en venir.

[Français]

    Nous passons maintenant à M. Nantel.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous de vos présentations.
    Effectivement, Internet offre des occasions de visibilité. Comme vous l'avez dit, un inconnu devient

[Traduction]

autre, mais il reste pauvre, à moins d'avoir accès à un marché mondial.

[Français]

    Les magasins Dollarama sont remplis d'objets qui sont vendus au prix coûtant, mais une petite marge de profit est réalisée parce que ces objets sont vendus à l'échelle internationale.
    Dans le cas d'un artiste dont la clientèle de base est normalement composée des gens qui l'entourent, c'est-à-dire des gens de sa communauté, que ce soit au Québec ou en Acadie, cela pose problème, car il ne peut jamais être assez important pour constituer une masse critique et finalement avoir l'intérêt international et devenir un produit de consommation. Même si ce n'est pas le but ultime de chaque artiste de conquérir la planète, nous voulons vivre de notre création. Je parle comme si j'étais un artiste, mais je ne le suis pas du tout, je n'ai aucun talent artistique.
    Madame Bouchard, j'ai remarqué que votre préoccupation quant au régime de copie privée est aussi une préoccupation de plusieurs autres personnes, dont la Coalition pour la culture et les médias. Je ne sais pas si nous allons recevoir leurs représentants, mais elle nous a fait parvenir un mémoire qui nous est spécialement destiné. En fait, elle l'a envoyé au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie lors de son étude sur le droit d'auteur. Elle parle aussi de l'importance d'adapter le régime de copie privée aux nouvelles technologies.
    J'aimerais vous poser une question à ce sujet. Tous les gens de ma génération se souviennent d'avoir fait des cassettes sur lesquelles se trouvaient les chansons que nous aimions. Ensuite, il y a eu l'apparition du CD-R. C'était merveilleux car toutes nos chansons s'y trouvaient. Aujourd'hui, ce phénomène semble avoir été remplacé par les services en continu auxquels nous avons accès. Pourtant, il y a encore des gens qui volent la musique. L'impression générale, c'est que la musique ne coûte plus cher. Elle devrait coûter plus cher, puisque les artistes sont mal rémunérés à cause des ententes auxquelles M. Willaert a fait allusion. Comme nous avons l'impression que la musique ne coûte plus cher, nous nous demandons qui en vole encore.
    Croyez-vous que cette perception voulant que la musique vaut moins chère et que l'offre légale est abondante fait que même les gens qui connaissent bien le sujet se demandent pourquoi la copie privée existe encore?
    Madame Freeman ou madame Bouchard, j'aimerais que vous nous précisiez combien cela coûterait de plus, par exemple par rapport à un iPad, qui vaut environ 700 $ — le mien a été payé par la Chambre des communes, c'est donc un montant approximatif. Combien représente le régime de copie privée, la bonification pour compenser les pertes des créateurs?
    Merci de la question.
    Comme je le disais, les sondages démontrent qu'il s'est fait plus de 2 milliards de copies en 2015-2016, et c'est vrai que certaines personnes en font encore des copies sur leurs appareils. Par exemple, ils vont faire de l'extraction audionumérique en ligne, ce qui est illégal, et des copies additionnelles. C'est de ces copies additionnelles dont nous parlons.
    Ce n'est pas l'accès à l'exemplaire original qui nous intéresse, mais bien la copie additionnelle. C'est important de bien le comprendre. Dans la version anglaise de la loi, on parle de copy, mais en français on parle d'exemplaire ou de copie. Il y a une distinction importante entre l'accès au premier exemplaire et la copie additionnelle. C'est ce que vise le régime de la copie privée. Des centaines de millions de copies sont faites pour usage personnel.
    Ce que nous disons, c'est de pouvoir utiliser ne serait-ce que la moyenne de ce qui est pratiqué dans le cas des appareils. Par exemple, un appareil qui vaut 700 $ donnerait lieu à une redevance d'environ 3 $. Je pense que ce n'est pas un problème en Europe, notamment, parce que la redevance est incluse dans le prix du iPad, du iPhone, de la tablette ou du téléphone intelligent. Le montant de 3 $ ne paraît donc pas pour le consommateur.

  (1030)  

    Ce serait une mise à niveau, encore une fois, pour se conformer aux normes internationales. C'est bien cela?
    C'est exact.
    Monsieur Willaert, d'ailleurs, vous avez beaucoup parlé du fait que notre loi était un peu boiteuse relativement aux normes internationales. J'aimerais que nous parlions un peu de cette notion d'utilisation équitable dans le monde du droit d'auteur. Nous parlons toujours d'une utilisation équitable d'une oeuvre.
    D'après vous, y a-t-il des lois qui prévoient une utilisation équitable de l'électricité, du bois ou de quelque chose qu'on ne payerait pas pour obtenir? Est-ce que ce ne sont pas toujours les créateurs qui se retrouvent à fournir le rabais et à subventionner les autres activités?

[Traduction]

    J'ai mal entendu la question.

[Français]

    C'est pour cela que je parle tout le temps en anglais.
    C'est un problème électronique. Je suis certain que nos interprètes font un travail fantastique.

[Traduction]

    Je demandais s'il n'existe pas une consommation équitable de l'électricité pour laquelle on ne paie pas parce que c'est pour l'éducation, mais nous faisons cela aux créateurs, n'est-ce pas?
    Tout à fait. Aujourd'hui, la Loi sur le droit d'auteur permet de copier des choses pour usage personnel. C'est suffisant, je crois, pour la plupart des gens. S'ils sont propriétaires du produit ou qu'ils l'ont acheté, ils peuvent en faire des copies pour leur propre usage. C'est l'aspect du partage qui crée des difficultés.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'ai une question, précisément pour les gens de l'Alliance nationale de l'industrie musicale.
    À mon avis, votre mouvement mérite d'être connu. Vous faites un choix très audacieux de retirer votre matériel des plateformes, parce que la compensation vous semble minable. Vous avez raison. Nous sommes bien d'accord. Tout à l'heure, M. Henderson disait que le système de Spotify était bien meilleur que celui de Google en ce qui concerne les redevances, mais même celles reçues de Spotify sont vraiment merdiques. Il faut appeler un chat, un chat. C'est vrai que les redevances qu'on reçoit sont minables, et ce n'est que sur le marché international que cela devient potentiellement payant.
    Je suis parfois d'accord avec la ministre du Patrimoine canadien. Quand elle est allée à Paris — nous y sommes allés ensemble, parce que je considérais qu'il était vraiment pertinent d'aller renouveler l'engagement du Canada envers la diversité culturelle —, j'étais très d'accord avec elle. Aujourd'hui, nous en sommes rendus à devoir mettre du mordant à ce principe pour que la diversité culturelle se défende. La défendre, c'est s'assurer d'avoir des normes gouvernementales pour que l'on puisse investir afin de soutenir nos artistes. Un jour, la ministre a aussi évoqué la notion de critère de géolocalisation dans les métadonnées des services de diffusion en continu.
    À votre avis, serait-il intéressant que le premier produit qu'un service de diffusion en continu propose aux gens en Acadie soit quelque chose de local? Actuellement, cela ne serait pas possible, car vous en êtes absents. Toutefois, je vous comprends.
    Que peut-on faire pour vous soutenir? Sinon, la musique de vos artistes ne sera reproduite que sur des CD et des cassettes.
    Il reste peut-être 30 secondes.
    On pourrait parler des cassettes 8 pistes aussi, parce que je crois que c'est encore à la mode.
    On parle de découvrabilité, mais on peut aussi parler de quotas canadiens. Les quotas canadiens s'appliquent-ils à des services comme ceux offerts par Spotify et d'autres, même YouTube?
     La découvrabilité, de nos jours, peut fonctionner avec des métadonnées et la géolocalisation. Je crois que les deux peuvent aller de pair et proposer aux Canadiens du contenu canadien. Je crois que c'est, à peu près, la politique culturelle canadienne, depuis les années 1970, que de proposer aux Canadiens des oeuvres d'artistes canadiens.

  (1035)  

    Comment va se conclure votre grève?
    Je vous en donnerai des nouvelles.
    Merci.

[Traduction]

    La parole est à Julie Dzerowicz.
    Je vous remercie.
    Il y a tellement à dire. Je vous remercie tous et toutes sincèrement de votre présence aujourd'hui. J'aimerais en savoir un peu plus sur certaines recommandations.
    Madame Freeman, dans une réponse aux questions d'un de mes collègues, vous avez dit qu'il fallait modifier légèrement quelque chose. Que faudrait-il modifier au juste pour que l'anglais corresponde au français afin de clarifier les choses? Pouvez-vous être plus précise à ce sujet pour que nous puissions formuler une recommandation plus précise aussi à ce propos?
    Oui. En fait, nous préparons actuellement un projet de libellé, et nous serions heureux d'en faire part au Comité, si ce n'est pas trop tôt. La question est, essentiellement, que le régime de la copie privée se concentre sur les supports d'enregistrement audio en anglais. L'interprétation que donne la Cour du terme « support » exclut les appareils ou les supports d'enregistrement qui se trouvent dans les appareils. Bien qu'elle ait compris la volonté de les inclure, sa justification et sa logique, elle a estimé que le terme « media », en anglais, était trop restrictif. En français, « support » est un terme beaucoup plus général qu'on peut certainement interpréter comme visant les deux. Je le répète, il s'agit d'un changement mineur...
    Très bien. Si vous pouviez le soumettre par écrit, cela nous aiderait certainement. Ensuite, nous pourrions aider en clarifiant et en formulant des recommandations.
    Madame Bouchard, vous avez également expliqué, à propos de la copie privée, que le fonds intérimaire doté de 40 millions de dollars par an serait très utile. Si par miracle nous parvenons à faire quelque chose d'ici un an, comment fonctionnerait-il, selon vous? Comment le distribuons-nous? Avez-vous des détails à nous donner sur son mode de fonctionnement éventuel?

[Français]

    En fait, c'est certain que ce fonds pourrait, par exemple, provenir d'enchères du spectre. C'était d'ailleurs une idée qui avait déjà été envisagée lors des élections de 2011 par les libéraux. C'est une solution, mais elle n'est que temporaire. Nous souhaitons qu'elle soit mise en avant, parce que nous pensons vraiment que c'est une solution législative qu'il nous faut.
    Ce fonds intérimaire pourrait donc provenir, par exemple, d'enchères du spectre, et il serait versé à la Société canadienne de perception de la copie privée. Celle-ci distribuerait les redevances, de la même manière qu'elle le fait en ce moment, aux créateurs, c'est-à-dire les artistes, les interprètes, les producteurs et les auteurs-compositeurs.

[Traduction]

    Si je puis me permettre, la Société canadienne de perception de la copie privée est elle-même une société-cadre qui a été créée par les sociétés des titulaires de droits. En fait, c'est le moyen choisi par les titulaires de droits. Les systèmes qui ont été mis en place ont été créés par les titulaires de droits. Quant à la manière la plus efficace de distribuer des redevances sur des copies privées, quelles qu'elles soient, il devrait revenir aux titulaires de droits d'en décider. Nos membres nous ont dit préférer que tout fonds passe, là encore, par la Société canadienne de perception de la copie privée, car ce serait la façon la plus efficace de faire aboutir les fonds dans les bonnes mains.
    Parfait.
    Une de mes dernières questions porte sur cette section.
    J'ai moi-même plaidé auprès de notre ministre pour voir si nous pouvions travailler sur ce délai de 70 ans et plus, par souci d'uniformité, parce que nous accusons un retard. Nous en sommes encore au vivant de l'auteur plus 50 ans, alors qu'en Europe et aux États-Unis, le droit d'auteur sur les oeuvres musicales s'applique du vivant de l'auteur plus 70 ans. À ce que je comprends, il faut une mesure législative. Je me disais que nous devrions tout simplement uniformiser les durées maintenant, puis travailler sur tout le reste.
    À votre connaissance, existe-t-il un autre moyen d'uniformiser les durées rapidement, sans procéder à une modification législative?
    Je ne suis pas certaine que notre organisation soit bien placée pour répondre à cette question précisément. Peut-être que mes collègues ici présents le sont.
    Ce n'est pas grave. À moins qu'un de vous ait une autre solution à proposer, je crois que ce sera une modification législative.
    Nous pouvons vérifier et vous faire savoir, si vous le souhaitez.
    Ce n'est pas grave. Pour moi, c'était quelque chose de prioritaire. J'ai quelques autres questions.
    Nous avons reçu des représentants du ministère à notre dernière réunion. D'après eux, tous les changements relatifs à la rémunération ne sont pas nécessairement législatifs. Certains portent sur des aspects non législatifs dont nous pouvons, en fait, nous occuper. Ils ont donné l'exemple de la chaîne de blocs. Je me demande si nous devrions examiner des éléments en dehors de l'option législative afin de soutenir davantage les artistes sur la question de la rémunération. C'est une question générale que je vous pose pour savoir si quelqu'un a des idées sur le sujet.
    Quelqu'un a-t-il une opinion sur le sujet?

  (1040)  

    En tout cas, tout le monde dans l'industrie de la musique s'intéresse à la chaîne de blocs et à toute technologie qui donne plus de contrôle et qui permet davantage aux titulaires de droits d'autoriser ou d'interdire de monétiser leurs oeuvres. La Société canadienne de perception de la copie privée préconise de faire le nécessaire pour préciser ce qui ne peut pas être autorisé. Il reste une part d'activité incontrôlable, qui repose sur des technologies, mais les artistes n'en devraient pas moins être rémunérés, d'où l'utilité de la création à l'échelle internationale de régimes de la copie privée. Mais, assurément, nos sociétés membres étudient de près la chaîne de blocs pour voir comment cette technologie et d'autres peuvent renforcer leur capacité d'accorder directement des autorisations.
    Très bien, je vous remercie.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Henry?

[Français]

    De façon très générale, je dirais que le cadre législatif et réglementaire au Canada, au cours des dernières années, a penché en faveur des consommateurs aux dépens des créateurs et qu'un équilibre du cadre législatif et réglementaire est nécessaire.

[Traduction]

    Cela aide.
    Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Willaert?
    Oui, en effet.
    Un des autres progrès dans le monde, c'est une base de données centrale. Avant, quand des musiciens faisaient un enregistrement, on leur attribuait un numéro IRSC. Cela ne menait nulle part. Il n'existait pas de moyen de suivre les musiciens d'un pays à l'autre ou d'une entreprise à l'autre par rapport à ces enregistrements.
    À présent, les organismes de gestion collective et leur association, la SCPA, qui a son siège à Paris, ont une base de données centrale que les membres de la SCPA peuvent alimenter et dont ils peuvent partager les données d'un pays à l'autre pour préciser qui sont les musiciens sur tout enregistrement donné et qui sont les bénéficiaires, afin qu'ils soient correctement rémunérés. Il y a des progrès à cet égard.
    Parfait. C'est très utile à savoir. Je vous remercie.
    Je vous remercie.
    Voilà qui conclut nos travaux.

[Français]

    Je remercie énormément tous les témoins, parce que c'était vraiment intéressant et que cela nous aide beaucoup à comprendre ce que nous devons faire dans le cadre de notre étude.

[Traduction]

    La réunion est donc terminée. La séance est levée.
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