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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 020 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 avril 2014

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Honorables membres du comité,

[Français]

je constate qu'il y a quorum.
    Je dois informer les membres du comité que le greffier ne peut recevoir des motions que pour l'élection à la présidence. Il ne peut recevoir aucune autre motion et ne peut accepter de recours au Règlement, ni participer au débat.

[Traduction]

    Nous pouvons maintenant procéder à l'élection du président. Conformément au paragraphe 106(2) du Règlement, le président doit être un député du parti ministériel.
    Je suis prête à recevoir les motions à cet effet.
    Je propose que M. Rick Norlock soit élu à la présidence.
    M. Williamson propose que M. Norlock soit élu président du comité.
    Y a-t-il d'autres motions?
    Je voulais proposer que M. Joe Daniel soit élu à la présidence. Cependant, je ne suis pas certain qu'il est prêt à accepter.
    Des voix: Oh, oh!
    Plaît-il au comité d'adopter la motion?
    (La motion est adoptée.)
    La greffière: Je déclare la motion adoptée et M. Norlock dûment élu président du comité.
    Des voix: Bravo!
    Reprenons.
    Je vous remercie de votre appui et de votre confiance en mes capacités de guider le comité dans la poursuite de cette importante étude.
    Pour que nous puissions en apprendre le plus possible de nos deux distingués témoins, je vais sans plus tarder vous les présenter.
    Chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Ferry de Kerckhove, qui est vice-président exécutif et coauteur de l'étude intitulée Perspectives stratégiques du Canada 2014 : à la recherche de leadership. Notre deuxième témoin est M. George Petrolekas, qui est directeur du conseil d'administration et coauteur de la même étude.
    Messieurs, merci beaucoup de comparaître au comité.
    Puisque nous n'avons pas beaucoup de temps et que nous voulons obtenir le plus de commentaires possible, nous allons commencer les séries de questions...
    Pardon. Nous voulons entendre les exposés de nos témoins avant de passer aux questions. J'ai simplement hâte d'en arriver aux questions.
    Messieurs, comme d'habitude, vous avez environ 10 minutes.
    Veuillez commencer, monsieur de Kerckhove.
    Je m'appelle Ferry de Kerckhove. Je suis le vice-président exécutif de l'Institut de la Conférence des associations de la défense ainsi que le coauteur, avec mon formidable collègue, M. George Petrolekas, du document de l'institut que je transportais sur mes épaules à mon arrivée. Par conséquent, je suis en nage et très fatigué. Le document a été publié le 20 février à l'occasion de la Conférence d'Ottawa sur la défense et la sécurité.
    J'aimerais ajouter que George et moi avons eu des carrières très diversifiées et avons vécu diverses expériences dans plus de 75 pays. J'ai oeuvré pendant 38 ans dans le service extérieur, dont quelque 20 ans à l'étranger dans des pays qui sont loin d'être des destinations du Club Med: l'Iran, la Russie, le Pakistan, l'Indonésie et l'Égypte, entre autres.
    Je vais vous donner un aperçu de la place qu'occupe le Canada sur la scène internationale. Mon collègue se concentrera davantage sur les besoins du Canada en matière de défense et sur ce qui lui viendra l'esprit, car il a une imagination très fertile.
    J'aimerais commencer par vous présenter quelques tendances générales que nous avons observées sur la scène internationale et qui ont une forte incidence sur le Canada.
    La première est la prise de conscience du fait que l'unipolarité touche à sa fin et s'accompagne d'un retranchement partiel contre nature de la part des États-Unis, à l'exception, peut-être, de son rééquilibrage prudent vers l'Asie.
    La deuxième est une atmosphère omniprésente de quasi-isolationnisme en Occident, accompagnée d'un recul encore plus prononcé devant tout engagement outremer.
    La troisième est le manque de leadership et l'absence de stratégies. L'Ukraine n'est qu'un exemple qui témoigne davantage de l'absence de stratégie que du manque de leadership.
    Une autre tendance est le fait que la Chine continuera de tester de plus en plus souvent la détermination de la communauté internationale.
    Il y a aussi une pression accrue pour traiter des enjeux liés à la cybersécurité, mais on ne semble pas savoir exactement comment procéder. Je pense que l'Agence du revenu du Canada en a conscience.
    Aussi, abstraction faite de l'Ukraine, il y a un risque croissant que l'OTAN devienne une alliance à deux vitesses, une alliance plutôt régionale, ce qui représente une menace à sa solidarité.

[Français]

    La marche arrière que nous constatons face à tout engagement tend à susciter l'émergence d'un climat de plus grande insécurité. Voici quelques-unes de ces manifestations, et elles sont très nombreuses.

  (1110)  

    L'Occident a connu une série d'échecs fondamentaux au titre de ses récents engagements ou tentatives de gérer des crises. Qu'on pense à l'Irak, à l'Afghanistan, à la Libye ou à la Syrie, quelles que soient les protestations contre ce jugement. C'est parce qu'aucun des pays ou régions où les interventions et les efforts diplomatiques ont eu lieu ne s'en est sorti en meilleur état qu'avant l'engagement. C'est peut-être difficile à admettre, étant donné les sacrifices consentis en vies et en sommes d'argent, mais la réalité est incontestable.
    L'Irak retourne lentement mais sûrement vers un régime dictatorial, sans compter que c'est le pays où il y a le plus d'actions terroristes au monde.
    L'Afghanistan post-Karzai n'inspire aucune confiance quant à sa stabilité future. Il reste à voir si le nouveau président consentira même à signer un accord avec les États-Unis permettant le maintien de forces américaines au pays.
    La Libye est un désastre qui pourrait aboutir à sa désintégration.
    La Syrie est l'enfer sur terre et le printemps arabe a créé encore plus d'instabilité dans la région. Tout progrès réel, substantiel et durable n'interviendra pas avant au moins une décennie.
    Tristement, l'Égypte semble faire marche arrière au plan de son évolution démocratique et de l'inclusion, même si l'arrivée prochaine au pouvoir d'un homme fort pourrait lui rendre une certaine stabilité, qui sera malheureusement entrecoupée d'activités terroristes.
     En Afrique, à la séparation pacifique que nous avions saluée en ce qui a trait au Soudan du Sud par rapport à son voisin du Nord par un référendum, a succédé le conflit au Soudan du Sud et dans la Centrafrique voisine.
    Le processus de paix israélo-palestinien est dans l'impasse totale en dépit des efforts de John Kerry, qui cherche à dépêtrer les États-Unis du bourbier de cette région pour permettre à son pays d'accorder toute son attention à l'Asie.
    La Chine qui, de n'importe quel point de vue, devrait être un partenaire de choix, est regardée, au mieux, comme une menace potentielle, en dépit de liens commerciaux unificateurs à l'échelle de la planète. Cela étant, la Chine ne facilite pas les choses par son comportement, notamment dans les mers de Chine méridionale et orientale.
     L'impasse politique interne aux États-Unis ajoute à l'indécision de l'exécutif américain et dévalorise la puissance américaine aux yeux de nombreux pays. On voit d'ailleurs que le Japon s'inquiète déjà maintenant de l'indolence de l'administration Obama face à l'Ukraine.
    L'Europe, qui reste une grande et formidable puissance économique, demeure un nain politique.
     La Russie de Poutine, comme on le voit en Ukraine, profite de la faiblesse occidentale et répare par un coup de force la gaffe de 1954 de Nikita Khrouchtchev sans verser une goutte de sang. Elle est en train de créer une nouvelle version de la guerre froide, et l'affaire est loin d'être terminée.
    La Corée du Nord continue d'être à la fois dangereuse et imprévisible, et l'accord de négociation en cours avec l'Iran, fût-il conclu, ne met absolument pas fin à nos anxiétés à cet égard, loin de là. De plus, il y a toujours le risque d'une frappe israélienne.
    Pendant ce temps-là, les institutions multilatérales sont ignorées et affaiblies, alors que les menaces sans frontières s'étendent partout sur la planète: changements climatiques, pollution, épuisement des ressources et ainsi de suite.

[Traduction]

    Donc, où se situe le Canada dans tout cela? A-t-il même un rôle à jouer?
    Eh bien, même s’il donne l’impression de mener une politique étrangère active avec des objectifs précis, le gouvernement n’a jamais articulé une vision globale pour le Canada sur la scène internationale. La crédibilité du Canada dans le monde en a souffert.
    Dans le contexte de l’amnésie post-Afghanistan, on constate une sorte de démarche improvisée et souvent antagoniste relativement aux questions internationales, particulièrement envers la diplomatie multilatérale, ce qui a pour effet de faire du Canada un non-acteur en temps de crise. Or, comme nous venons de le voir, les crises sont nombreuses et le Canada pourrait être appelé à intervenir dans l'une ou l'autre de ces situations. Dans le discours du Trône, le gouvernement met la sécurité d'Israël au centre de ses priorités et répète inlassablement le mot d'ordre suivant: « le Canada ne se contentera pas d’être accommodant pour être accommodant », ce qui semble légèrement déconnecté des enjeux réels de la scène mondiale. Déplorer et condamner une situation n'est pas un substitut à des politiques.
    Nous soutenons que sans une vision claire de son rôle dans le monde et sans les moyens adéquats pour y satisfaire, le Canada risque d'intervenir peu et d'avoir un moins grand rôle dans les affaires mondiales, ce qui pourrait nuire à ses intérêts fondamentaux. Comme George vous l'expliquera, sans une meilleure structure financière, les Forces armées canadiennes risquent d'être confinées au rôle d'une force de défense continentale dont la capacité expéditionnaire est réduite, voire inexistante.
    Le Canada a des intérêts de sécurité majeurs à l'échelle internationale, à commencer par sa relation unique avec les États-Unis en matière de défense continentale, de missiles antibalistiques — dont j'ai parlé il y a deux mois devant un comité du Sénat —, de cybersécurité, etc. Le Canada est associé à la lutte contre la drogue en Amérique latine. En raison de l'intensification des échanges commerciaux avec l'Asie-Pacifique, la stabilité de cette région revêt un intérêt primordial pour le Canada, qui a aussi, au-delà de la sécurité d'Israël, un intérêt général pour la paix et le développement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
    Il en va de même pour l'Afrique dans son ensemble, dans la mesure où les efforts multilatéraux consacrés à enrayer les crises dans les diverses régions du continent vont dans le sens des investissements croissants du Canada en Afrique.
    Le gouvernement n'a jamais entrepris une révision globale de la politique étrangère qui englobe le commerce et le développement, ni une revue de la défense, dans un effort à l'échelle du gouvernement afin d'offrir une vision unifiée du rôle du Canada dans le monde et de la façon de la réaliser s'il souhaite relever des défis complexes.
    En termes simples, cela signifie que pour procéder à une analyse cohérente des risques auxquels le Canada est exposé, de l'ampleur des répercussions sur nos intérêts, des interventions requises ou de l'éventail des interventions possibles, des options et capacités qui s'offrent à nos décideurs politiques pour la prise des meilleures décisions possible dans les circonstances, il nous faut une véritable approche pangouvernementale.
    Merci.

  (1115)  

    Merci beaucoup, monsieur.
    Allez-y, monsieur Petrolekas.
    Je vais poursuivre avec deux ou trois points. Ferry n'est pas allé dans des Club Med, et moi non plus, d'ailleurs. J'ai servi à Chypre et en Bosnie au sein de l'OTAN, et je me suis rendu plusieurs fois en Afghanistan au cours de la dernière décennie et aussi dans des endroits qui revêtent un intérêt commercial, particulièrement en Amérique du Sud et en Indonésie. Pendant une bonne période, j'ai été conseiller du général Rick Hillier, tant pendant qu'il était commandant de la FIAS que pendant qu'il était chef d'état-major de la Défense.
    Ferry a souligné plusieurs tendances, et j'aimerais me concentrer sur ces choses pour les quatre prochaines minutes.
    Sur la scène internationale, l'un des facteurs déterminants en matière de politique — qui ne vaut pas seulement pour le Canada, mais aussi pour les autres pays de l'alliance — est, littéralement, la lassitude profonde à l'égard de la guerre que l'on observe depuis 10 ans.
    Cela résulte en partie d'une remise en question fondamentale du public. Est-ce que cela en valait la peine? Quels étaient les objectifs? Qu'avons-nous réalisé par rapport à divers engagements? Aux États-Unis, cela concernait particulièrement l'Irak, puis l'Afghanistan, qui concernait aussi la plupart des pays de l'alliance occidentale. Il y a eu la Libye qui, à mon avis, est en bien pire posture depuis la chute du régime de Kadhafi qu'avant. Comme Ferry le dit souvent, nous avions au moins, à ce moment-là, un ennemi auquel nous pouvions faire confiance.
    Cela a mené à l'application de politiques fondées sur un seul principe, l'absence de troupes sur le terrain, qui a pour conséquence de limiter la marge de manoeuvre des dirigeants et des pays en cas de crise.
    Le deuxième aspect est la crise fiscale de 2008. De toute évidence, les déficits sont un problème de sécurité nationale et les pays ne devraient pas être en situation de déficit. Par conséquent, la réduction du déficit est sans contredit l'une des fonctions principales du gouvernement. Toutefois, il doit aussi y avoir un équilibre par rapport aux énormes compressions qui ont été imposées aux forces armées et qui réduisent la capacité, et c'est exactement ce que l'on voit actuellement dans la plupart des pays de l'OTAN.
    Il y a aussi d'importantes compressions aux États-Unis; il s'agit de la combinaison des compressions budgétaires et des effets de la séquestration. Ces compressions ont d'énormes conséquences sur l'état de préparation opérationnelle des forces. Donc, lorsque nous sommes confrontés à des situations comme l'Ukraine, nous avons peine à trouver des solutions parce que nous ne disposons pas de forces prêtes à intervenir.
    La combinaison des deux — la lassitude et la crise fiscale — a aussi mené à la redéfinition de l'interprétation de ce que l'on considère comme l'intérêt national. Je dirais que pour la plupart des pays, c'est maintenant l'intérêt économique qui prime. Par conséquent, les enjeux liés à la stabilité de l'ordre mondial, à la sécurité et à la protection des citoyens ne sont pas nécessairement fondés sur la diffusion des valeurs et la création de système mondial fondé sur les valeurs, mais plutôt sur la protection des intérêts économiques nationaux.
    Ces tendances, qui découlent des politiques, entraînent une volonté d'endiguer les problèmes et de les résoudre par la réflexion plutôt que par l'action. Dans le discours qu'il a prononcé à la convention du Parti conservateur, à Calgary, le premier ministre a dit que nous « ferons face aux problèmes lorsqu'ils se présenteront ». Ce n'est pas propre au Canada. C'est une tendance que l'on voit dans l'ensemble de l'alliance.
    Cela devient un problème fondamental par rapport à ce que nous définissons comme la recherche de leadership, particulièrement selon la façon de faire des États-Unis. Je vais utiliser un exemple plus récent, c'est-à-dire la réaction de l'Occident par rapport à l'annexion de la Crimée: l'OTAN, l'Union européenne et le lien transatlantique de cette alliance peinent à trouver des réponses pertinentes à l'intervention russe en Crimée.
    Le problème, non seulement du point de vue des militaires, mais aussi par rapport au ministère des Affaires étrangères, l'ACDI et tous les autres organismes gouvernementaux qui oeuvrent sur la scène internationale, c'est que cela crée un problème particulier en raison d'un manque de vision et du fait que nous ne sommes pas vraiment certains de la position que nous défendons.
    Pour les militaires, le problème est alors de savoir quelles forces sont nécessaires. La réponse ne peut venir que d'une vision qui établit des objectifs pour le Canada. Il n'est pas difficile de mettre en place des forces. Il n'est pas difficile de définir les niveaux de préparation, le genre d'avions, le genre de navires, mais pour cela, il faut fixer des objectifs.

  (1120)  

    Veut-on se concentrer sur la défense continentale? Le Canada a-t-il un rôle à jouer dans le monde? Y a-t-il dans le monde des pays émergents qui ont une plus grande importance que d'autres lorsqu'on considère les intérêts canadiens? Ces décisions et cette stratégie ont une incidence sur la forme que prendra l'outil que nous voulons créer.
    S'agit-il d'être axé sur le Pacifique? Sommes-nous axés sur l'ensemble du spectre de la guerre ou principalement sur le maintien de la paix? Quel sera l'effectif des forces? Quelles sont les missions prioritaires absolues du Canada?
    Les réponses à chacune de ces questions ne sont pas seulement liées à la structure, mais aussi à l'acquisition d'équipement et aux dépenses en capital pour les Forces canadiennes. Si votre principale mission est la recherche et sauvetage au Canada, il ne faudra pas attendre 10 ans pour acquérir un appareil de recherche et sauvetage à voilure fixe.
    L'émergence de l'oléoduc Northern Gateway, la présence de près de 300 superpétroliers par année le long des côtes de la Colombie-Britannique et le fait que le port de Vancouver est le quatrième plus important port en Amérique du Nord sont des facteurs qui modifient le flux de nos échanges commerciaux. Or, la sécurité est étroitement associée au commerce. Par conséquent, les types de navires que nous souhaitons acquérir, notamment, doivent être choisis en fonction des intérêts du Canada relativement aux marchés émergents et, conséquemment, à la sécurité. Cela sans compter les changements démographiques au pays, qui sont étroitement liés à l'immigration asiatique.
    Enfin, en période d'austérité budgétaire, l'énoncé de cette vision précise — le fait d'avoir une vision stratégique et claire des intérêts nationaux du Canada et des régions du monde où ils résident — nous est utile, car cela nous permet alors de savoir vers quel secteur cibler les compressions, plutôt que de sabrer les dépenses à l'aveuglette comme c'est le cas actuellement, à mon avis.
    Un peu à la blague, Ferry et moi avons appelé cela des « coupures furtives ». Elle résulte de compressions budgétaires, puisque nous n'avons plus les moyens de payer pour certaines choses que nous voulons faire ou pour maintenir ce que nous avons, mais nous ne le ferons pas en fonction d'une stratégie claire ni d'une vision par rapport à l'avenir du Canada.
    Cela dit — à moins que Ferry ne souhaite ajouter quelque chose —, nous sommes prêts à répondre à vos questions.
    Merci beaucoup de vos exposés.
    Mme Gallant sera la première à poser des questions.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur de Kerckhove, à la lumière du ralentissement économique mondial, le secrétaire général de l'OTAN a indiqué que les membres de l'alliance ne doivent pas laisser une crise financière se transformer en crise sur le plan de la sécurité. Considérez-vous que le mépris éhonté et flagrant de la Russie à l'égard du droit international et de ses obligations issues de traités découle directement de la réduction des dépenses militaires en Occident?

  (1125)  

    Je vous remercie de la question.
    On pourrait très bien répondre par oui, tout simplement, et passer à la prochaine question, mais je crois qu'il vaut la peine de s'y attarder un peu plus. Par rapport à cet enjeu, je pense que le repli n'améliore pas la sécurité, bien au contraire.
    Je pense que George a très bien résumé la situation. Si vous décidez de réduire les dépenses en matière de défense sans avoir une idée de vos priorités, vous restreignez bien plus vos capacités que si vous procédiez à une évaluation stratégique des secteurs où il faut effectuer des compressions et ceux où il ne le faut pas. Le chef d'état-major de la Défense de l'armée britannique a dit qu'il pourrait avoir des forces armées aux effectifs moins importants, mais beaucoup plus efficaces que celles dont il dispose actuellement.
    Je pense que cela fait partie du problème que vous avez si bien cerné. Le fait de mettre l'accent sur l'aspect financier plutôt que sur les besoins stratégiques du pays et de l'Occident est partiellement responsable de l'audace de M. Poutine.
    Si je puis me permettre, j'ajouterais que c’est aussi un exemple de leadership. On peut le voir par leurs réactions. Je me demande si Margaret Thatcher ou Ronald Reagan auraient réagi de la même façon. On discute de la possibilité d’imposer des sanctions à 21 oligarques pour mettre de la pression sur Poutine, mais il n’y a rien qui puisse le faire changer d’idée.
    Merci.
    On a critiqué l’OTAN, qui n’est pas intervenue lorsque l’invasion de la Crimée était imminente. On a appris que le gouvernement de Ianoukovytch menait depuis un moment une campagne anti-OTAN en Ukraine, et qu'on croyait que l'intervention de l’OTAN ne ferait qu’augmenter la violence. En plus de l’OTAN, l’Union européenne a sa propre force sur le continent européen. D’après vous, aurait-il été plus approprié d’engager cette institution ou ce commandement, le cas échéant?
    C’est intéressant, parce que j’ai été affecté à l’OTAN de 1981 à 1985, et on parlait déjà de la force européenne et tout cela. Malheureusement, cela a été plus un exercice sur papier qu’autre chose. C’est pourquoi j’ai appelé l’Union européenne un nain politique, qui était le nom qu’on donnait à l’Allemagne dans le passé. Maintenant, il s’applique à l’ensemble de l’Union européenne.
    C’est très malheureux puisque, comme nous l’avons dit, l’OTAN a perdu sa capacité, et l’Union européenne n’a pas réussi à assurer ce rôle. On n’a qu’à penser, par exemple, à la faiblesse du soutien de l’UE envers les efforts de la France dans le Sahara: tout récemment et face à la crise, le secrétaire général des Nations Unies a dû se rendre en Afrique centrale pour tenter de rehausser le rôle de la communauté internationale dans le soutien aux mesures prises par la France. Certaines puissances de l’Europe sont toujours prêtes à faire un effort, mais malheureusement, elles ont beaucoup de mal à obtenir la participation de leurs collègues.
    Je regrette d’avoir à le dire, mais l’UE ne joue pas un rôle important dans le domaine militaire et de la défense. Il joue toutefois un important rôle politique, mais je ne crois pas que son leadership réponde à nos attentes.
    Vous avez parlé de la faille Heartbleed et de ses conséquences. Lors de leurs séances d’information, on a expliqué aux parlementaires de l’OTAN qu’il y avait deux types d’utilisateurs informatiques: ceux qui ont été piratés, et ceux qui savent qu’ils ont été piratés.
    Cela dit, vous avez fait valoir que l’Occident semblait incertain quant à la façon de gérer la cybersécurité. Je sais qu’en Europe, l’Estonie est dotée d’un centre d’excellence. Les États-Unis ont leur Cybercommandement. Sécurité publique est l’organisme chef du Canada. Quelle serait votre vision d’une défense ou d’une offensive coordonnée, si ce n’est intégrée? Est-ce que vous croyez qu’on devrait adopter une approche offensive en matière de cybersécurité?

  (1130)  

    Je vais demander à George d'intervenir sous peu.
    Dans la vision stratégique, nous avons recommandé d’établir un code de conduite sur la cybersécurité. Je suis intrigué par la conversation entamée avec les Chinois par Chuck Hagel à ce sujet. Cela prendra du temps.
    George, voulez-vous approfondir quelques questions que nous avons abordées?
    Vous avez parlé de certains pays baltes et des problèmes de cybersécurité. Le problème, c'était de déterminer s'il s'agissait d'une attaque contre l'État. À l'OTAN, au cours de cette période, on a tenu une importante discussion pour déterminer si l'attaque entraînait le recours à l'article 5 pour la défense de la Lituanie à l'époque.
    Tout d'abord, les États-Unis sont beaucoup plus avancés que nous dans leur réflexion sur le plan des politiques. Le président Obama en a parlé. Les États-Unis reconnaissent le cyberespace comme l'un des cinq domaines de guerre; donc si les airs, la terre et la mer sont des domaines de guerre, alors l'espace et le cyberespace le sont également. Les Américains ont établi assez clairement que les attaques d'une certaine ampleur parrainées par l'État — par opposition à une attaque criminelle ou au piratage, qui sont différents — pouvaient avoir des conséquences sur l'infrastructure économique ou énergétique des États-Unis. Ces attaques sont cybercontrôlées, et seraient considérées comme une attaque contre l'État.
    C'est la base de ce que nous disions, Ferry et moi, au sujet des codes de conduite. Les conventions de Genève régissent la conduite de la guerre et d'autres domaines, et il y a des limites à ce que nous pouvons faire, ou du moins des ententes entre les États-nations, mais elles ne sont pas encore établies dans le cyberespace.
    Merci, monsieur.
    Nous passons à une autre série de questions.
    Monsieur Harris, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président, et félicitations pour votre nomination à titre de président. Je serai heureux de travailler avec vous.
    Je remercie les témoins de leur exposé et de leur rapport. J'aimerais que vous reveniez nous en parler plus en détail, et surtout de la participation des pays. Je suis d'accord avec vous au sujet de l'établissement d'une vision et j'appuie votre recommandation relative à la création d'un livre blanc général pour traiter de toutes les questions stratégiques. À mon avis, cela aurait dû être fait depuis longtemps. Toutefois, nous nous concentrons sur la défense de l'Amérique du Nord, et mes questions porteront sur ce volet.
    La principale critique à l'égard de la politique de défense du Canada, c'est que nous dépensons beaucoup d'argent. C'est peut-être assez, pas assez ou trop d'argent, mais nous dépensons beaucoup. J'aimerais donc savoir qu'est-ce qu'on obtient en retour, et si les dépenses sont éparpillées au point où on n'arrive pas à savoir quelles sont nos priorités.
    La sous-ministre adjointe Jill Sinclair nous a dit que selon elle, du point de vue de la politique ministérielle, le Canada ne faisait face à aucune menace étatique. Le DG du ministère des Affaires étrangères responsable de la sécurité des renseignements nous a dit la même chose. Il y a d'autres types de menaces comme le terrorisme, les stupéfiants, etc.
    D'abord, approuvez-vous ce premier énoncé? Ensuite, si on veut répondre aux besoins du Canada en matière de défense dans ce contexte, sur quoi devons-nous nous concentrer? Croyez-vous que nous devrions désigner quatre ou cinq domaines prioritaires et veiller à les aborder en premier?
    C'est une question intéressante. Il ne faut pas s'embourber dans la définition. S'il n'y a pas de menace contre l'État, c'est grâce à nos voisins les États-Unis. Aujourd'hui, ils ne représentent pas une menace; dans 20 ans peut-être, lorsqu'ils manqueront d'eau, la menace se fera sentir, mais nous devons nous concentrer sur le présent.
    Bien sûr, il y a la Russie au nord. Je ne crois pas que nous nous engagions dans une guerre avec la Russie, mais cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas tenir compte de la menace qu'elle représente, étant donné les circonstances actuelles, ce que nous sommes et ce que nous représentons au sein de l'OTAN, en ce qui a trait aux articles 5 et 2.
    Je crois que c'est un peu diminutif de dire qu'il n'y a pas de menace contre l'État. De nos jours, les maux et fléaux ne connaissent aucune frontière. Il ne faut pas oublier les menaces d'insurgés qui peuvent émerger dans une autre région, mais être très dangereuses pour nous. Le Canada a été épargné des attaques terroristes grâce à la chance et au bon travail de notre service du renseignement.
    Je ne sais pas, si le Front al-Nosra de la Syrie entrait au Canada... Peu m'importe si c'est une attaque contre l'État. Ce que je sais, c'est qu'il faut être prêts à faire face à ces menaces, et pour y arriver, nous devons collaborer avec les autres États. Il faut établir un réseau de collaboration plus complexe que celui que nous avons établi, qui vise uniquement les menaces contre l'État.
    Je comprends le point de vue de Jill Sinclair et du MDN, mais nous devons adopter une approche beaucoup plus globale relative à la menace. S'il y a une attaque, par exemple, si quelque chose se produit en Irak...
    Désolé.

  (1135)  

    D'accord. C'est une chose de mettre cela par écrit; ce qu'on fera en pratique en est une autre.
    M. Ferry de Kerckhove: Oui.
    M. Jack Harris: Je vais vous donner un exemple. Monsieur Petrolekas, vous avez dit que la R-S était une priorité. Comment se peut-il qu'on engage des dépenses record en matière de financement, mais que le vérificateur général dise que nous n'avons pas suffisamment d'aéronefs pour procéder à la rechercher et au sauvetage ni de personnel ou d'équipement, et peut-être même pas assez de bases? Même le ministère reconnaît ces problèmes dans un rapport récent. Nous avons la Stratégie pour l'Arctique, mais nous n'avons pas de capacité de recherche et de sauvetage dans l'Arctique, et nous ne pouvons même pas y avoir accès rapidement.
    Comment cela est-il possible: nous avons engagé des dépenses record, mais nous sommes confrontés à un problème assez important pour un pays de la taille du Canada.
    George entrera dans les détails, mais il l'a dit très simplement, et nous l'avons écrit: dis-moi ce que tu veux faire et je te dirai ce dont tu as besoin pour le faire. Je crois que c'est là où le gouvernement a échoué: il n'a pas exprimé ses besoins.
    George, voulez-vous nous donner des précisions?
    J'aimerais d'abord corriger cette fausse impression. Nous dépensons aujourd'hui moins qu'en 2008. Nous dépensons moins depuis la mise en oeuvre de la SDCD. Nos dépenses s'élèvent à environ 17,1 milliards de dollars, alors qu'elles étaient de l'ordre de 17,4 à 17,6 milliards de dollars au moment du lancement de la SDCD en 2008.
    Je vais m'attaquer à vos questions, qui sont excellentes.
    D'abord — et c'est là le lien avec la stratégie —, s'il est dans l'intérêt du Canada de prévenir le resserrement des frontières et du commerce avec les États-Unis, et si la liberté des citoyens et le commerce transfrontalier sont importants, alors il faudrait quelque peu transformer les Forces canadiennes et modifier légèrement leurs objectifs.
    De façon similaire, les menaces ne visent pas seulement les États; elles visent aussi l'environnement. Je parle ici de tempêtes de verglas, de feux de forêt, de tempêtes de neige et de pannes d'électricité. À -30° en décembre, je vous assure qu'il s'agirait de crises nationales au pays.
    Donc, qu'est-ce qu'on fait des réserves dispersées dans nos collectivités? Est-ce qu'on donne de meilleurs outils aux collectivités? Est-ce qu'on crée des conditions politiques qui permettent aux provinces et à d'autres de mieux les utiliser? Ce sont des questions que j'aborderais.
    En ce qui a trait à la R-S et aux autres priorités en matière de dépenses, c'est une autre raison pour laquelle je créerais un livre blanc sur la défense ou des lignes directrices stratégiques quelconques. Ainsi, en période de pressions financières, on pourrait déterminer les points d'intérêt. Est-ce qu'on doit se concentrer sur les chars d'assaut, sur les aéronefs à voilure fixe pour la R-S, etc.?
    C'est terminé, John.
    Cela met fin à votre intervention. Nous sommes à sept minutes et demie.
    Monsieur Williamson, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Félicitations pour votre nomination.
    Messieurs, vos témoignages sont très intéressants.
    J'ai plusieurs questions pour vous. Je crois que vous vous êtes surtout concentrés sur la défense de l'Amérique du Nord. En ce qui a trait à la situation mondiale, comme l'a dit M. Harris, nous aimerions entendre votre opinion dans le cadre d'une réunion ultérieure. Nous allons tâcher de nous concentrer sur la tâche à accomplir.
    Monsieur Petrolekas, dans un récent article du Globe and Mail, vous avez dit que la situation en Afghanistan s'était grandement améliorée depuis 2001, à tous les égards, que la répression ethnique n'était plus du tout ce qu'elle avait été, que le système de santé s'était amélioré et qu'il y avait de l'espoir.
    C'est très bien, mais j'aimerais entendre vos commentaires sur la façon dont l'amélioration de la situation en Afghanistan influe sur la défense de l'Amérique du Nord. Pouvez-vous nous expliquer le lien avec la menace terroriste?

  (1140)  

    À la base, je crois qu'on ne saurait contester le fait qu'Al-Qaïda — qui a perpétré les attaques du 11 septembre 2001 et organisé plusieurs autres attaques par la suite — a certainement été dispersée, si ce n'est défaite, et est maintenant en fuite. Elle s'est transformée en un autre type de menace, si l'on veut, mais elle n'est plus le centre géographique ni l'agent de liaison en matière de planification, de capacité et de financement qu'elle était. Cette mesure en particulier, dans ce sens restreint, a eu une incidence sur la défense de l'Amérique du Nord.
    Vous avez dit tous les deux: « Dites-nous ce que vous voulez faire, et nous vous dirons comment y parvenir. » Comment devrions-nous favoriser l'intégration avec le NORAD, que ce soit pour la protection du continent lui-même ou autre chose? Comment la relation avec le NORAD doit-elle changer? Je vais m'en tenir à cela.
    C'est amusant. Chaque fois que je me rends aux États-Unis, je dois toujours dire aux gens que la personne qui était en fonction le 11 septembre et qui a déclenché l'évacuation de l'espace aérien nord-américain, c'était un Canadien, et que les chasseurs canadiens franchissent régulièrement la frontière, tout comme nous permettons aux chasseurs américains de le faire. Nous avons recours à des équipes intégrées de la police des frontières sur les Grands Lacs et les voies maritimes avec la GRC, la Garde côtière, etc.
    Toutes ces choses s'ajoutent à l'objectif stratégique visant à donner l'assurance aux Américains que nous contribuons à la défense continentale; c'est l'une des choses qui les incite à traiter la frontière Nord différemment de la frontière Sud. Comme je le dis à mes amis américains à la blague, et j'espère n'offenser personne, nous ne sommes pas 13 millions de Canadiens à chercher une voie juridique pour obtenir la citoyenneté américaine, et votre problème, ce n'est pas nous.
    Toutefois, en ce qui concerne le NORAD et le point soulevé par M. Harris — et je pense que Ferry et moi l'avons tous les deux mentionné —, nous sommes un résidant du continent. Dans ce continent, il y a des préoccupations qui touchent l'ensemble du continent, et pas seulement des intérêts purement canadiens. Pour répondre à la question de Mme Gallant, nos réseaux informatiques sont entièrement liés et ne tiennent pas compte de la frontière. Nos installations hydroélectriques et le réseau électrique ne tiennent pas compte de la frontière. Ces choses traversent les frontières de façon transparente; nous avons donc tous les deux un intérêt pour la sécurité. Nous préconiserions même d'étendre le NORAD au domaine maritime, entre autres.
    Je voulais seulement ajouter que nous recommandons fortement de l'étendre aux questions maritimes. En fait, si ce n'était du fait que les États-Unis semblent avoir des préoccupations importantes, plus importantes que les nôtres, quant à la souveraineté, nous pourrions même collaborer davantage, mais je pense que nous sommes déjà sur la bonne voie.
    Je veux aussi dire quelques mots au sujet de la défense contre les missiles balistiques, à laquelle je suis très favorable. Je crois que le Canada ne devrait pas agir à la carte: participer à la défense antimissiles balistiques en Europe et ne pas le faire en Amérique du Nord. Je pense que nos intérêts et même notre souveraineté seraient mieux servis si nous nous joignions aux États-Unis sur la question des missiles balistiques au lieu de rester à l'écart.
    Vous avez parlé des préoccupations des Américains quant à la souveraineté. Quel est...
    Oui. J'en ai parlé en raison du thème Par-delà la frontière, qui est une politique très solide, selon moi, du gouvernement canadien. Je salue ses efforts. J'enseigne la politique étrangère du Canada à l'Université d'Ottawa et j'ai passé beaucoup de temps sur cette question avec mes étudiants, car je pense que le Canada est sur la bonne voie, et que nous pourrions aller beaucoup plus loin si les Américains disaient d'instinct: « Je veux pouvoir franchir votre frontière, mais ne franchissez pas la mienne ».

  (1145)  

    Très bien.
    Comment notre intérêt en matière de souveraineté dans le Nord influe-t-il sur cette relation avec les Américains? Je crois que dans votre rapport, vous soulignez que les Américains tiennent au passage américain et qu'ils mettent en doute notre droit sur ce territoire et notre souveraineté là-bas. En quoi leur point de vue est-il différent du nôtre à ce sujet? Et surtout, quel impact cela aura-t-il sur la coopération dans le Nord?
    Le fameux différend au sujet du passage du Nord-Ouest concerne le fait que nous affirmons que ce sont en grande partie des eaux intérieures, mais pour une petite partie, étant donné la distance — mais les Américains ne le reconnaîtront jamais —, nous avons convenu de notre désaccord. Ce qu'il est important de se rappeler, c'est que toutes les activités dans le Nord sont davantage des expéditions que des opérations conventionnelles.
    Je vais citer les paroles du ministre norvégien des Affaires étrangères, que j'ai eu la chance de rencontrer un jour. Il m'a dit: « Vous savez, nous avons réussi à nous entendre avec les Russes au sujet de la délimitation des frontières, et plus les militaires russes viennent dans le Nord, plus nous sommes contents. » C'est d'abord parce qu'il y a tellement de R-S et tous ces autres problèmes. Plus nous devrons coopérer avec eux, mieux ce sera. Le niveau de coopération dans le Nord entre ces pays ne se compare pas avec les conflits que nous avons dans le Sud.
    La question du passage du Nord-Ouest sera traitée de façon distincte et continuera de faire l'objet d'un désaccord. Nous conviendrons d'être en désaccord dans un avenir prévisible, mais il nous faut aussi nous rappeler que la majeure partie de la circulation que nous prévoyons dans l'avenir se fera dans le passage du Nord-Est plutôt que dans le passage du Nord-Ouest. C'est avec les Russes qu'il nous faudra traiter, ce qui sera peut-être un peu plus difficile.
    Merci, monsieur.
    Allez-y, monsieur Regan.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Félicitations.
    Je remercie beaucoup nos témoins.
    À la page 47 de votre rapport, vous dites:
Bien que certains projets ont vu le jour principalement à cause des pressions de la guerre en Afghanistan, une recapitalisation générale, particulièrement de la MRC et, dans une moindre mesure, la FARC, a été le sujet d'incessants retards, avec, en définitive, l'inévitable usure de l'équipement en bout de ligne.
    Je peux vous dire, en tant que député de la région d'Halifax dont beaucoup d'électeurs ont des liens avec la Marine, font partie de la Marine ou sont membres des Forces armées, que cela me préoccupe beaucoup. J'aimerais que vous nous parliez plus en détail des pressions sur le système d'approvisionnement de la Marine et de leurs conséquences sur la capacité de la Marine.
    Je suis allé à Halifax; je sais ce que c'est. Je ressens le malaise.
    Vous êtes au courant de l'incendie qui s'est déclaré le mois dernier sur le NCSM Protecteur, dans le Pacifique-Sud. Il s'agit d'un navire à coque simple — et nous le savons depuis très longtemps; ce navire est plus vieux que certains d'entre vous — qui ne peut pas entrer dans la moitié des ports du monde parce qu'il n'est pas conforme aux règles de la MARPOL. Nous savons cela. Il coûte des millions de dollars en frais d'entretien. Le fait qu'il ait pris feu, qu'il soit maintenant remorqué au pays et qu'il ne puisse probablement pas être réparé devrait presque être une source d'embarras pour notre pays.
    Je ne suis pas nécessairement ici pour parler de la rapidité de l'approvisionnement, mais il est clair qu'il a fallu beaucoup trop de temps pour remplacer le navire de soutien interarmées. Ce qui est malheureux, c'est que chaque fois que nous voulons acquérir ce navire, nous constatons que nous ne pouvons tout simplement pas nous le permettre, et nous réduisons sa capacité. Puis, le cycle recommence. Le problème, c'est que chaque année où l'on reporte l'acquisition d'un navire, on perd environ de 200 à 250 millions de dollars en pouvoir d'achat. Un report de cinq ans représente un autre navire ou une autre frégate qu'on aurait pu acquérir. La rapidité du processus d'approvisionnement est directement liée au résultat net que nous obtiendrons.
    Toutefois, j'aimerais mentionner deux choses au sujet de la Marine. Si nous aspirons à nous assurer une présence mondiale, ces navires de soutien interarmées sont essentiel, car ce qui procure à notre pays une liberté d'action, c'est que nous pouvons soutenir nos frégates ou nos navires à l'étranger. Si nous ne voulons pas le faire, alors nous n'avons pas à les acheter. On revient à des considérations stratégiques.
    Je vous suggère même, lorsque les Français arriveront à Halifax avec un bateau amphibie appelé le Mistral, d'aller le visiter. Je crois que ce serait une expérience révélatrice quant à la capacité dont pourrait se doter le Canada.
    Est-ce que 12 frégates suffisent, étant donné qu'il faut aussi procéder au carénage tous les cinq ans? En réalité, nous avons actuellement peut-être seulement neuf ou 10 frégates fonctionnelles. Les destroyers de classe Tribal, qui ont également près de 40 ans, sont utilisés au-delà de leurs capacités. Pour tout dire, même s'ils sont encore fonctionnels en tant que navires-écoles, je doute qu'ils le soient encore en tant que navires de guerre.
    On constate également que la contribution du Canada à l'effort de lutte antidrogue dans les Caraïbes repose uniquement sur les NDC, et non sur des navires de première ligne. Pourquoi? Parce que nous n'en avons tout simplement pas assez, ou que ceux que nous avons ne sont pas suffisamment modernes...

  (1150)  

    Monsieur le président, puis-je faire une brève observation?
    Je dois vous dire que durant la rédaction de ce document, nous avons consulté beaucoup d'autres personnes et nous avons toujours été confrontés à un problème — et je le dis en toute franchise — en ce qui concerne certains dirigeants de la Marine, précisément parce qu'une décision politique fondamentale n'a pas été prise au sujet des aspects importants. C'est donc le côté atlantique contre le côté pacifique. Je pense que cela a également joué un rôle dans le ralentissement du processus d'acquisition. Que devrions-nous faire? De quoi avons-nous besoin?
    Voilà pourquoi il est si important que nous ayons une orientation politique et une vision d'ensemble, afin que la Marine ne se retrouve pas quelque part entre les deux et que nous reportions le processus d'acquisition qui est essentiel.
    Vous avez aussi écrit: « On se pose de sérieuses questions quant à la capacité de la SNACN... »
    ... pour ceux qui nous écoutent, il s'agit de la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale...
    « ... de livrer 15 bateaux de guerre avec l'enveloppe financière annoncée. Certains commentateurs généralement bien informés parlent d'une réduction à 10 ou 12 bateaux. »
    En fait, vous avez parlé de 12, tout à l'heure.
    Vous savez aussi probablement que le vérificateur général, dans son rapport de novembre 2013 sur la SNACN, a indiqué que le budget du gouvernement n'était pas adapté aux exigences et qu'il était insuffisant, que les estimations étaient très imprécises et devraient être considérées tout au plus comme des indicateurs. Il a dit que les budgets de la SNACN ont été établis au début de la phase d'analyse des options et d'après des estimations approximatives.
    Pourriez-vous nous parler un peu plus des problèmes de la Marine en matière d'approvisionnement et des préoccupations concernant l'accessibilité financière qui en découlent dans ce contexte?
    Je pense que le directeur parlementaire du budget en a aussi parlé. Nous avons mentionné que lorsqu'on retarde une acquisition, on perd 200 à 250 millions de dollars en pouvoir d'achat. On ne peut tout simplement pas éviter ces pressions inflationnistes; même si en 2006, disons, on a donné 2 ou 2,6 milliards de dollars, ce qui semble suffisant pour cela, aujourd'hui, ce n'est plus suffisant.
    Nous devrions aussi admettre qu'une partie de la SNACN vise la construction de ces navires au Canada. Une certaine prime sera versée afin de démarrer ou de ranimer cette industrie. C'est bien, car c'est pour cela que nous sommes là; le développement du pays en fait partie intégrante, mais il y a une érosion dont nous devons tenir compte sur le plan de la capacité ou des pressions inflationnistes par année, ce qui diminue les ressources que l'on consacre à un navire ou le nombre de navires dont on fait l'acquisition.
    Merci beaucoup, monsieur Petrolekas.
    C'est au tour de M. Leung.
    Merci, monsieur le président, et félicitations pour votre élection.
    Les problèmes dont nous discutons aujourd'hui ne semblent pas être nouveaux, car j'en ai entendu parler dans les années 1960, après le Vietnam, et de nouveau dans les années 1980, relativement au sauvetage catastrophique en Iran.
    Je pense qu'à partir de là, nous devons aborder la sécurité de deux façons. Parlons-nous de la sécurité intérieure — ce qui se trouve à l'intérieur des frontières de l'Amérique du Nord, du Canada — ou parlons-nous de la sécurité internationale? La sécurité internationale est liée à ce complexe messianique que nous avons quand nous disons qu'en rendant le monde entier plus sécuritaire, nous serons en sécurité. Je pense que c'est la stratégie des États-Unis, mais nous devons également nous demander, au sujet de la sécurité, si c'est pour les Canadiens ou pour notre position en tant que citoyens du monde.
    Sur ce plan, nous pouvons faire une ou deux choses. Nous pouvons faire une chose que nous faisons bien, et c'est dans le domaine de l'atténuation des catastrophes, comme le déploiement de ressources militaires pour aider lors de catastrophes naturelles ou de catastrophes causées par l'homme. Plus précisément, puisque le Canada a toujours été la plus petite des puissances du G7, nous devrions nous appuyer sur notre tradition de maintien de la paix, mais nous nous engageons aussi ailleurs. Assurons-nous le maintien, le rétablissement ou la consolidation de la paix? Car tout cela a un impact, au bout du compte, sur les ressources que nous voulons déployer et les investissements que nous voulons faire en matière de capacité de première frappe, de préparation au combat et d'atténuation des conflits humains.
    Je dois dire que toute cette question de sécurité, c'est comme lire dans une boule de cristal. On ne peut pas prévoir où aura lieu le prochain événement critique. Nous n'avons pas pu prévoir ce qui s'est passé en Crimée, nous n'avons pas pu prévoir la Première Guerre mondiale — en fait, elle est liée à l'archiduc Ferdinand —, puis nous avons eu des indices de l'arrivée d'Hitler et nous n'avions aucune idée que les Japonais allaient bombarder Pearl Harbour. C'est pourquoi j'aimerais entendre vos commentaires au sujet de la question fondamentale de la sécurité. Comment pouvons-nous mobiliser les ressources afin de nous préparer?

  (1155)  

    La présidence tient simplement à rappeler aux membres du comité que cette étude porte sur la défense de l'Amérique du Nord; on répondra à la question, mais je veux simplement que nous nous concentrions sur la défense de l'Amérique du Nord.
    C'est ainsi que j'ai formulé la question.
    Merci beaucoup.
    J'aimerais dire quelque chose à ce sujet, puis je laisserai bien entendu Ferry vous répondre.
    Lorsque vous parliez de la sécurité et que vous vous demandiez si nous devrions participer à des missions de rétablissement ou de consolidation de la paix ou à tout autre type de mission, il existe des missions pour lesquelles l'échec n'est pas permis pour le gouvernement du Canada et les Forces canadiennes. Si des Canadiens se trouvent en mauvaise posture à l'étranger ou si une crise éclate, il faudra y dépêcher nos militaires pour évacuer les non-combattants. Que ce soit en Libye, en Syrie ou ailleurs, c'est quelque chose que nous devons faire, et c’est lié à la puissance de combat et à la projection de force.
    En fait, étant donné que j'ai pris part à l'évacuation en Égypte ordonnée par le premier ministre et que j’ai dépêché la moitié de mes troupes en Libye pour y évacuer des Canadiens, je suis tout à fait d'accord. C'est quelque chose que nous devons avoir la capacité de faire. Nous avons retenu beaucoup de leçons des missions en Égypte et en Libye, et nous avons réussi à nous en tirer indemnes, mais j'ai de grandes réserves quant à l’efficacité des opérations. Je laisserai le gouvernement en juger.
    Vous avez touché beaucoup de sujets. D'abord, selon moi, l'un des principaux problèmes est que la sécurité nationale du Canada, soit la sécurité et la défense au sens large, passe certes par la défense du périmètre en partenariat avec les États-Unis. Cela ne fait aucun doute, et je considère que cela demeure une priorité fondamentale.
    Cependant, le Canada n’a pas les moyens de se permettre de ne pas avoir ce que nous appelons une capacité expéditionnaire. C'est à cet égard que certains choix doivent être faits. Par exemple, le déploiement de l'Équipe d'interventions en cas de catastrophe aux Philippines a été un grand succès, mais nous devons nous en servir pour renforcer et accroître nos capacités.
    De plus, les missions de rétablissement de la paix sont de plus en plus de l'histoire ancienne, et les missions de consolidation de la paix...
    Monsieur, nous y reviendrons, parce que la parole est maintenant à Mme Michaud.

[Français]

    Merci beaucoup et félicitations, monsieur Norlock, pour votre élection à la présidence de ce comité.
    Je remercie beaucoup le témoins de leurs présentations, qui étaient très intéressantes. J'ai beaucoup apprécié vos commentaires sur le processus d'achat de navires militaires. Je représente la circonscription de Portneuf—Jacques-Cartier, tout près de Québec. Les chantiers de Lévis n'ont pas été considérés lors de ce processus d'achat. Nous avons donc aussi été pénalisés.
    J'aimerais parler un peu plus des retards liés aux processus d'achats militaires et sur l'état de préparation de nos Forces armées canadiennes. Vous avez parlé d'un des principaux risques pour le Canada, en 2014. On peut lire, à la première page de votre rapport, les mots suivants: « Faute d’une situation financière meilleure, les Forces canadiennes risquent d’être limitées à la défense continentale et de ne disposer que d’une capacité expéditionnaire réduite. »
    Vous avez déjà commencé à aborder ce sujet, mais j'aimerais vous entendre un peu plus longuement, parce qu'on sait que nos trois éléments ont des problèmes. On parle des navires, des camions pour l'armée et on n'a toujours pas remplacé nos avions de chasse et Dieu sait quand cela sera fait.
    J'aimerais donc que vous nous parliez des impacts concrets de tous ces retards sur le processus d'achats militaires et sur l'état de préparation de nos forces armées.

  (1200)  

    Je crois qu'il y a un problème fondamental. Plus on retarde les achats, plus ce que nous allons acheter nous coûtera cher et moins nous aurons les moyens de préparer nos forces, autant sur le plan de la formation, de la dotation que de l'équipement plus élémentaire. Là est le drame. Plus on attend pour faire de grandes dépenses, moins on est en mesure de former nos gens et moins on prend de décisions. Comme George l'a dit plus tôt, comment utiliser la réserve? Notre Force de réserve pourrait être utilisée de façon infiniment plus efficace, et c'est ce que nous mentionnons en détail dans le rapport. En effet, la réserve constitue un des éléments fondamentaux de notre capacité de défense. C'est à cet égard, selon moi, que les décisions du gouvernement laissent à désirer.
    Il faut s'entendre. Les décisions liées aux dépenses d'équipement sont très difficiles à gérer dans tous les pays du monde. Il y a toujours des délais. Cependant, je constate que d'autres pays semblent s'en tirer mieux que nous. Je prends l'exemple de la France et de l'Australie. Je crois qu'ils ont une politique bien déterminée. Pourquoi est-elle efficace et pourquoi est-elle plus rentable avec des moyens légèrement supérieurs aux nôtres? C'est parce qu'il y a eu des livres blancs et des études en profondeur qui ont permis de faire des choix réels. C'est cette lacune que je reproche au gouvernement.
    Je peux vous donner deux exemples concrets.
    Cette année, on limite les heures de vol des avions F-18. Je ne me souviens pas du chiffre exact, mais c'est environ 6 000 ou 7 000 heures pour chaque avion. Puisqu'il n'y a pas de date précise pour l'achat de la nouvelle génération de chasseurs, on essaye de prolonger la vie des avions F-18 existants. La seule façon de le faire est de réduire les heures de vol et les pressions sur l'avion même. On évite donc des manoeuvres sous forte accélération.
    Par ailleurs, l'armée a retiré environ 50 % de la flotte B, les camions d'appui, parce qu'il n'y a pas de date précise pour l'achat de nouveaux camions. On a donc retiré 50 % des camions et laissé les autres camions continuer à rouler.
    Merci.
     D'après ce que je comprends de vos témoignages et des précisions que vous nous donnez maintenant, la recommandation la plus importante que vous feriez au gouvernement et qui pourrait être incluse dans notre rapport est qu'un livre blanc soit produit et qu'une stratégie soit déterminée rapidement.
    C'est celle qui apparaît en tout premier lieu. C'est notre première recommandation fondamentale. Elle réitère ce que nous avons déjà dit l'année dernière.
    Dites-nous ce que vous voulez.
    Je vous remercie.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Il vous reste 15 secondes.
    J'espère avoir la chance de vous poser d'autres questions. En 15 secondes, je ne pourrai pas aborder les thèmes que je voudrais couvrir, mais je vous remercie. C'était très complet comme information.
    Comme l'a dit M. Harris, ce sera peut-être pour une prochaine fois.
    Nous sommes à votre entière disposition.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Allez-y, monsieur Daniel; vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis ravi de voir que vous occupez le fauteuil et que nous n'avons pas eu à voter à ce sujet. Merci aux témoins de leur présence.
    Ma question porte sur l'Arctique. Dans votre rapport sur les perspectives stratégiques du Canada, vous mentionnez que les 104 points de la doctrine de Poutine en matière de politique étrangère se veulent une déclaration de différence visant à établir la Russie comme étant l'un des pôles influents et concurrents du monde moderne.
    Étant donné que la Russie est un État arctique, croyez-vous que les récents changements à la politique étrangère de la Russie devraient être une source d’inquiétude pour le Canada et les intérêts canadiens dans l'Arctique? D'après vous, comment les FC et le gouvernement du Canada devraient-ils réagir dans l'Arctique?

  (1205)  

    Premièrement, en ce qui a trait à ce document sur la politique étrangère, j'ai déjà été déployé en Russie, alors je connais le pays et je parle encore la langue.
    Cela ne fait que mettre en évidence ce que j'ai toujours pensé, même lorsque j'y étais. En ce qui concerne ce qui s'est passé en Crimée, j'ai en fait écrit — et c'était probablement un document classifié à l'époque — que ces événements allaient se produire, mais Eltsine n’était pas passé aux actes, et il avait été sévèrement critiqué à ce sujet. Poutine a saisi l'occasion de le faire.
    Certains s'inquiètent de l’ampleur de ce que fera la Russie, mais il ne fait aucun doute qu'un homme, qui déplore la chute de l'Union soviétique et qui exerce des pressions sur les frontières, tente d’étendre le plus possible son contrôle sur les républiques dont le nom se termine par « stan » — le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Turkménistan et les autres. C'est inquiétant. Tout dépend de votre point de vue, mais aussi des effets sur l’économie, le cas échéant; n’empêche que la méthode Poutine est très inquiétante.
    À mon avis, d'ici 5 à 10 ans, la Russie augmentera la cadence, parce que c'est une puissance en déclin, et c'est dangereux. C'est un peu comme une étoile qui multiplie son diamètre et qui devient une géante rouge. Cela m'inquiète, parce que la Russie, à l'exception de ses gisements d'hydrocarbures, n'est pas une véritable superpuissance, notamment sur le plan démographique. Pour cette raison, sa réaction m’inquiète, ainsi que l'approche de Poutine à cet égard.
    Étonnamment, je m'inquiète beaucoup moins de l'Arctique, parce que je considère qu'il s'agit d'un domaine dans lequel la coopération est le seul choix.
    D'accord.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
    Je crois que Ferry a fait le tour de la question.
    J’aimerais seulement ajouter que nous devons faire très attention à notre manière de remettre en question les gestes de Poutine. Il a certainement su tirer le meilleur parti d’une mauvaise situation.
    J’aimerais seulement que vous réfléchissiez à notre réaction, en tant qu’Occidentaux. Cela influera sur la perception de nos garanties de sécurité par les autres États à l’avenir. Je suis certain que les Israéliens sont très attentifs à l’évolution de la situation, de même que les Chinois. La valeur de notre parole et de nos garanties est intrinsèquement liée à ce qui se passera.
    D’accord. Merci.
    J’aimerais revenir sur l’Arctique encore un peu.
    Évidemment, cette région regorge de ressources naturelles à mettre en valeur, et cet aspect doit certainement inciter des États à essayer de s’y tailler une place.
    Grâce à la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale, nous investirons beaucoup dans l’Arctique, notamment en ce qui concerne les navires de patrouille extracôtiers et de l'Arctique. D’après vous, s’agit-il d’un investissement important du point de vue de nos capacités dans l’Arctique?
    Il y a divers éléments, et je laisserai Ferry discuter évidemment de la question russe.
    Je ne pense pas qu’une menace militaire pèse sur l’Arctique, même si le sous-sol regorge de ressources naturelles. Il y a peut-être des frictions, mais je ne crois pas qu’une menace militaire pèse sur l’Arctique. Je vais essayer de citer correctement le général Natynczyk, mais je crois qu’il a déjà affirmé devant votre comité que, s’il reçoit un jour un appel concernant la présence de Russes dans l’Arctique, ce sera probablement un appel pour une opération de recherche et de sauvetage. Bref, ne créons pas un écart sur le plan militaire dans l’Arctique qui n’existe vraiment pas.
    C’est important de savoir si ces navires feront partie de la Marine royale canadienne ou de la Garde côtière canadienne. Ces investissements sont importants en vue de démontrer la souveraineté du Canada dans l’Arctique, si l’objectif n’est que de faire respecter notre réglementation sur la pollution, de protéger le caractère vierge de cette région et d’éviter sa destruction.
    Merci beaucoup, monsieur. Je dois vous arrêter là; nous y reviendrons.
    Allez-y, monsieur Larose.
    Merci, monsieur le président. Je vous félicite de votre nomination.
    Merci aux témoins.
    J’ai aussi un million de questions. J’ai beaucoup lu au sujet de l’avenir du G-Zéro dans la politique internationale. Ma question concerne davantage notre défense au sol et notre souveraineté relativement aux réservistes.
    Avant le déploiement en Afghanistan, nous connaissions déjà des problèmes quant à notre équipement et à notre déploiement. J’ai beaucoup examiné ce qui se fait aux États-Unis en ce qui concerne le lien entre les gouverneurs et le déploiement, soit les forces d’État, mais aussi ce qui les remplace et les lois en vigueur.
    Comment entrevoyez-vous la transformation de notre Force de réserve au Canada? Que devrions-nous faire pour être plus efficaces en matière d’approvisionnement, d’équipement, de déploiement et d’entraînement? Quelle incidence cela aurait-il? Avant de répondre aux autres questions, j’aimerais d’abord savoir comment notre relation et notre désorganisation sont perçues à l’échelle internationale. Je suis certain que nous ne sommes pas les seuls à nous rendre compte que nous n’avons pas de livre blanc sur les décisions, soit la projection.

  (1210)  

    Je vous répondrai seulement au sujet de la perception, parce que je pense que George connaît mieux que moi la Force de réserve et que nous avons fait des recommandations très précises.
    Je discute avec beaucoup d’analystes étrangers, et cela les rend perplexes. Ils ne comprennent pas qu’un pays de notre taille, de notre importance et de notre géographie n’a pas vraiment un tel document.
    Prenons l’Australie, pays auquel nous nous comparons très souvent. Je m’excuse de le dire, mais les Australiens ont compris. Ils ont eu des choix difficiles à faire. Ils ont connu des difficultés, et ils ont vraiment fait des sacrifices. Ils ont rédigé un livre blanc, et ils ont mis en place une politique exhaustive en matière de défense. Savez-vous quoi? Grâce à cela, l’Australie est beaucoup plus efficace.
    Les gens nous demandent pourquoi notre gouvernement, compte tenu de notre grande superficie, de notre présence et de notre contribution dans le passé, ne peut pas le faire. C’est ainsi que les étrangers perçoivent la situation. Je ne peux pas changer leur perception tant que le gouvernement ne prendra pas de mesures en ce sens.
    Pour ce qui est de la Force de réserve, George, voudriez-vous en parler, parce que nous n’avons pas mâché nos mots à ce sujet?
    Comme vous l’avez évidemment lu, la défense aérienne du territoire nord-américain est principalement l’affaire des escadrons de la Force de réserve des États-Unis, soit des escadrons de la Garde nationale aérienne. Les interventions en cas de catastrophe reposent sur les épaules de la Garde nationale, qui relève des États, mais le gouvernement fédéral peut aussi en assumer le contrôle en tout temps. C’est vraiment une question de volonté politique, et les dernières années au Canada ont pratiquement contribué à un manque de respect généralisé envers nos réservistes. Ces hommes et ces femmes sont là lorsque nous en avons besoin, et environ 20 % des militaires déployés à l’étranger sont des réservistes, mais ces 24 000 réservistes, avec de l’équipement, pourraient rendre de grands services à notre pays.
    Si nous nous comparons avec les États-Unis, nous nous sommes toujours demandé pourquoi nous ne pouvons pas le faire. Il y a toujours une raison: nous n’avons pas assez d’argent, de troupes, de réservistes, de temps pour les entraîner, etc. Eh bien, nous devrions procéder à l’inverse. Au lieu de dire que nous ne pouvons pas adopter un tel modèle, nous devrions tout simplement trouver une manière de le faire. C’est en fait la volonté politique, et il faut que la décision provienne de l’extérieur du ministère.
    En ce sens, la relation par rapport à l’équipement et à l’entraînement devrait également évoluer, n’est-ce pas? À l’heure actuelle, la majorité du temps, les réservistes n’ont rien. Les fonds ne sont pas toujours au rendez-vous, et nous n’avons pas la latitude, comme vous l’avez dit, de les appeler en renfort en cas de catastrophes environnementales. Par exemple, comme nous en avons été témoins, le déploiement est une tâche complexe. Est-ce en raison des lourdeurs administratives?
    Eh bien, la situation au Canada et aux États-Unis est différente. Aux États-Unis, les gardes nationaux ou les réservistes relèvent des gouverneurs des États, et ce sont eux qui ont le pouvoir d’ordonner le déploiement de ces troupes.
    Au Canada, les premiers ministres provinciaux ont ce même pouvoir par l’entremise de leur solliciteur général, et la requête en ce sens est envoyée au chef d'état-major de la défense, qui doit alors prendre une certaine décision. C’est sa décision. Ce processus pourrait également bien fonctionner.
    Ce que j’essaie de faire valoir, c’est que nous devons tenir compte de certains éléments dans la rédaction d’un livre blanc à cet égard, et il est tout aussi important de déterminer la loi qui permet aux réservistes d’être plus efficaces pour la...
    Merci beaucoup, monsieur.
    Monsieur Bezan, allez-y.
    Merci, monsieur le président. Félicitations.
    Merci aux témoins de leur présence.
    J’aimerais revenir sur les commentaires de M. Petrolekas au sujet du besoin de coopérer davantage avec la Russie dans l'Arctique. Si la Russie continue son expansion en Europe, quel effet cela aura-t-il sur notre coopération dans le territoire partagé qu'est l'Arctique?

  (1215)  

    Nous coopérons, parce que c'est nécessaire. Je ne me souviens pas par coeur du nombre; je ne sais pas si vous vous en souvenez, Ferry, mais on parle d'environ 150 000 vols qui empruntent annuellement la route polaire. Donc, peu importe ce qui se passe en Europe, nous continuerons de partager un territoire dans l'Arctique où des opérations de recherche et de sauvetage peuvent être nécessaires, mais je comprends que ce qui se passe en Europe influe sur les relations et le dialogue. Je ne m'attends pas à ce que des hordes de Russes se rendent en Arctique pour occuper la partie que nous revendiquons de la dorsale de Lomonossov. Il s'agit d'un endroit très inhospitalier. Selon moi, il n’y a tout simplement pas de danger imminent sur le plan militaire.
    Par contre, de l'autre côté, George, les Russes posent des gestes très provocateurs en déployant des troupes près du territoire de l'OTAN et de l'Ukraine. Rien ne dit que la Russie ne déploiera pas de bombardiers russes en territoire canadien tout simplement pour nous provoquer et nous montrer sa nature sous la gouverne de l'actuel président.
    J'ai un commentaire. Dans une région avec une géographie imprécise, vous devez comprendre que Poutine tente de concrétiser son rêve d'un continent eurasien qui deviendrait le troisième pôle, comme il le souhaite. Dans l'Arctique, à l'exception d’établir les limites du plateau continental et de planter un petit drapeau au fond de l'océan, il n'y a en fait rien à y contester. Le seul le litige encore non résolu est entre le Canada et les États-Unis. Celui entre la Norvège et la Russie a déjà été réglé, et nous avons notre propre processus d’établissement des limites du plateau continental à mener à terme.
    Les Russes n'y ont donc aucun territoire à revendiquer, et ils contrôlent déjà la très grande majorité de la région. Il ne s'agit pas d'un territoire propice à l'expansion où certains seraient tentés de semer la discorde. Je suis tout à fait d'accord, et je crois que nous disons exactement la même chose, à savoir que l'Arctique n'est pas une région où l'on souhaite avoir maille à partir avec ses voisins.
    Va-t-il nous tester? Oui, mais pour des raisons autres qu'un conflit militaire dans l'Arctique.
    Ce n'est qu'une autre région où il peut mettre à l'épreuve la réaction des gens, leur détermination...
    ... il peut envoyer quelques ours...
    comme il le fait partout ailleurs. Mais il y aura certainement...
    Je sais que notre étude porte sur la défense de l'Amérique du Nord, mais, compte tenu de ce qui se passe actuellement en Eurasie, des manoeuvres de la Russie ainsi que de ma descendance ukrainienne, je suis ce dossier de très près. À vrai dire, mon nom figure sur la liste de sanctions publiée par Poutine, et je fais donc partie des 13 Canadiens ciblés.
    Mais, en réalité, c'est comme vous l'avez dit. Ils continueront de pousser les limites, et vous avez mentionné que la réponse de l'Occident doit être très concertée. Je crois que tout ce que comprend Poutine — et vous en savez quelque chose, M. de Kerckhove, vous connaissez le personnage — n'est que la force contre la force. Vous nous proposez donc de continuer de montrer la nôtre, même si le président Obama commence toujours ses phrases en disant que nous n'enverrons pas de militaires sur le terrain.
    Dans une certaine mesure, il faut être capable de prévenir le recours à la force. Permettez-moi de vous présenter un scénario hypothétique prenant place en Crimée.
    Environ au quatrième ou au cinquième jour, alors que nous savions qu'ils étaient proches en raison de leur prédéploiement pour Sochi, il aurait fallu qu'un navire de l'OTAN se rende dans la partie ukrainienne du port naval de Sébastopol, et je pense que Poutine y aurait pensé deux fois avant de faire couler trois rafiots à l'entrée du port pour neutraliser les forces navales ukrainiennes, sans mentionner qu'il a obtenu gratuitement beaucoup des navires militaires ukrainiens qui se trouvaient là. Rien dans les règles ne l'a fait hésiter.
    Si vous pouviez commenter brièvement... Nous avons entre autres investi dans le transport lourd pour nous permettre de paraître plus fort et d'envoyer plus rapidement des Canadiens partout dans le monde, y compris au Canada. Pensez-vous que ces investissements suffisent? Vos tableaux comparatifs des forces australiennes et de celles du Canada indiquent que l'Australie a six C-17 alors que nous en avons quatre. Pensez-vous qu'il nous en faut davantage?

  (1220)  

    Un oui ou un non serait bien.
    Oui.
    Merci beaucoup.
    Encore deux autres, et je pense qu'ils sont prêts.
    Monsieur Harris, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais revenir plus précisément à la défense de l'Amérique du Nord. Nous devons assurer notre propre souveraineté, connaître la situation sur nos terres, qui constituent le prolongement de l'Amérique du Nord, mais aussi, évidemment... Il faut faire preuve de vigilance et surveiller l'espace aérien canadien en plus de le défendre si une interception s'avère nécessaire. À quel point est-ce important? En quoi cela pourrait-il influencer le choix d'un nouvel avion de chasse pour remplacer les CF-18? Devrait-on accorder la priorité à cela? Je sais que vous parlez de la capacité expéditionnaire, mais ces deux éléments sont-ils liés? Le cas échéant, faudrait-il mettre l'accent sur l'un des deux? Le résultat serait-il différent?
    C'est intéressant, car dans l'édition de l'année dernière des Perspectives stratégiques, nous avons proposé l'idée d'une flotte mixte pour mettre l'accent sur l'interopérabilité et parce que serait peut-être préférable pour nous étant donné que nous ne pouvons pas nous permettre beaucoup de F-35, dans la mesure où ce serait notre choix. Je crois que cette proposition en a vexé plusieurs et que notre approche est un peu mieux équilibrée aujourd'hui.
    L'interopérabilité est essentielle, mais il faut définir ce que c'est, ce qui, entre le Canada et les États-Unis... ne pose pas de problème. C'est toutefois un concept grandement subjectif dans les autres cas. Je vais donner l'exemple de l'armée de l'air saoudienne, qui est très semblable à la nôtre, mais n'est pas interopérable avec les forces aériennes du Canada ou des États-Unis. C'est un des aspects de la question.
    La flotte mixte... Je ne sais pas où nous en sommes aujourd'hui dans ce dossier, George, mais étant donné que la question des F-35 n'a pas été réglée, nous avons proposé comme option le F-18 Super Hornet, ce qui pourrait être une solution. Cela dit, la souveraineté est essentielle selon nous.
    Il est encore plus important que ce soit fait en fonction de nos moyens.
    Une fois de plus, en ce qui a trait à la décision que prennent actuellement le gouvernement et l'armée au sujet du prolongement de la vie utile des Aurora jusqu'en 2030, je ne sais pas quelles conséquences cela pourrait avoir. Certains, y compris le général Blondin de l'ARC, ont suggéré la possibilité de mettre sur pied avec l'industrie du pays un projet pour examiner les UVA conçus spécialement pour le littoral du Canada, l'Arctique, nos montagnes et ainsi de suite. D'après ce que j'en sais, nous mettons l'accent sur la connaissance du domaine. Est-ce que cela cadre avec votre vision de l'avenir concernant la protection de la souveraineté des limites extérieures du Canada, la connaissance du domaine et la surveillance?
    Un des éléments que nous avons très clairement indiqué et qui est plutôt uniforme dans les cinq options est la façon dont la surveillance est effectuée. Nous sommes ouverts à presque toutes les possibilités, qu'il s'agisse d'un aéronef de patrouille maritime ou de plus gros véhicules aériens sans pilote. L'objectif est de surveiller notre propre espace aérien, ce qui ne se limite pas à la recherche de sous-marins d'États étrangers dans nos eaux. Il y a également des applications dans les domaines des pêches, de l'environnement, et de la recherche et du sauvetage. Si nous ne voyons pas ce qu'il se passe sur notre territoire, comment pouvons-nous savoir s'il y a un problème? Nous sommes donc ouverts à presque toutes les possibilités, mais nous en soutenons certaines qui permettraient d'assurer la connaissance du domaine.
    Diriez-vous que c'est une priorité, la connaissance du domaine, la souveraineté...
    À mon avis, tout à fait. Quant à savoir laquelle est la plus importante, c'est une autre raison qui explique pourquoi nous avons demandé et que nous attendons un livre blanc, car c'est de cette façon que ce genre de questions est tranché.

  (1225)  

    Je pense que les Canadiens vont toujours dire qu'ils veulent qu'on assure notre souveraineté dans le Nord.
    Merci.
    Monsieur Williamson, s'il vous plaît...
    Mes questions portent sur deux sujets, mais je ne veux pas trop m'attarder sur le premier. Je suis un peu désarçonné par votre commentaire concernant la coopération avec la Russie, alors qu'elle s'approprie littéralement du territoire en Europe, et par l'allusion à ce qu'aurait été la position de Ronald Reagan ou celle de Margaret Thatcher. Nous coopérons parce que c'est mutuellement avantageux, mais il est difficile de le faire avec un État qui menace nos alliés et agit de manière non civilisée.
    Permettez-moi de vous donner un exemple flagrant. Lavrov et Kerry poursuivent leurs négociations quotidiennes au sujet de l'Iran parce qu'ils n'ont pas le choix. En fait, c'est essentiel, car, malheureusement, ce qui s'est passé en Crimée et plus généralement en Ukraine aurait pu compromettre ce genre de négociations cruciales pour la paix dans le monde. Je ne parle pas des acteurs concernés, mais de la question très fondamentale de la capacité nucléaire iranienne.
    Selon moi, il n'y a aucune contradiction. Le problème, c'est qu'il est très embêtant de rencontrer le type qui sème la discorde là-bas. On a envie de le frapper au visage, mais il faut plutôt sourire, car c'est cela la diplomatie. Il faut parler à ceux qui nous posent de sérieux problèmes, car, en fin de compte, il y a des objectifs supérieurs à atteindre.
    Je ne suis pas d'accord. Je n'en dirai pas plus, car je ne veux pas parler de nos sanctions et de nos critiques, mais, selon moi, l'efficacité passe par la rigueur.
    En fait, j'aimerais plutôt revenir à ce que vous avez dit au sujet de la souveraineté et de son importance. Dans vos remarques du début concernant la défense antimissile balistique... et le rapport de l'ICAD signale qu'il faut faire un « examen en profondeur » du programme. Vous avez également indiqué qu'« en nous associant à un programme DAB avec les États-Unis, nous pourrions exprimer notre souveraineté avec force par notre participation à la défense de notre espace aérien ».
    Pourriez-vous nous dire de quelle façon nous pourrions exprimer notre souveraineté en nous associant au programme? Nous entendons souvent, par exemple, des arguments contraires selon lesquels le Canada perdrait plutôt une partie de sa souveraineté.
    À mon avis, la réponse est très simple. Si des missiles se dirigent vers notre territoire, les Américains les abattront sans nous demander la permission, ce qui porterait atteinte à notre souveraineté, mais pourrait également sauver tout le monde. Je pense que la réponse est simple. Nous sommes dans le même bateau. Nous défendons ensemble l'Amérique du Nord, et nous contribuons aux moyens disponibles pour y arriver. Il est tout à fait contradictoire de le faire en Europe, mais pas sur notre propre territoire. C'est une expression de notre souveraineté, et nous prenons la décision fondamentale de la partager dans un dossier essentiel de défense.
    C'est semblable à ce que nous faisons actuellement dans le cadre du NORAD, et j'irais même jusqu'à dire que, dans les faits, nous recevons un cadeau étant donné qu'un des missiles est à Fort Greely, en Alaska, à 70 milles de la frontière canadienne.
    À quoi bon alors changer notre position? Comme tout le monde, j'aime bien les cadeaux.
    C'est précisément à cause de ce que Ferry vient tout juste de vous dire.
    Ils le feront s'ils décident de le faire.
    Je trouverais cela horriblement scandaleux de ne pas collaborer avec les Américains s'ils décident malgré tout de passer à l'action. Nous ne serions que des pions. Par contre, si nous exerçons notre souveraineté en disant que nous le ferons ensemble, nous aurons l'impression de participer et nous recevrons quand même notre cadeau, comme vous l'avez dit, grâce à la base en Alaska, mais, pour cela, il faudra également contribuer à la décision comme nous le faisons dans le cadre du NORAD. Nous partageons le commandement. Il me semble que ce n'est pas sorcier. C'est d'ailleurs pourquoi je souhaite également que le volet maritime du NORAD soit élargi.
    Si nous nous comportons comme des parasites, je suppose qu'ils devront s'occuper eux-mêmes de la frontière, n'est-ce pas? Ce serait donc contre-productif pour ce qui est d'autres objectifs stratégiques du pays, dans le cadre desquels nous devons être des partenaires égaux pour nous faciliter la tâche dans l'intérêt du Canada, comme pour ce qui est du commerce à la frontière concernée.
    Merci.
    Monsieur le président, merci de m'avoir donné le temps de poser ces questions.
    Merci.
    Madame Michaud.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     J'ai plusieurs questions à poser sur le système de défense antimissile et sur la participation du Canada à cet égard.
    Le 25 mars dernier, M. Philippe Lagassé, de l'Université d'Ottawa, a dit ce qui suit lors de sa comparution devant le comité:
Si on maintient la condition selon laquelle il n'y a pas de coûts à la participation du Canada, qu'on utilise le personnel déjà sur place et qu'on n'envisage aucune installation sur le territoire canadien, on ne ferait qu'utiliser les ressources existantes.
    Selon vous, l'idée qu'on utilise simplement les ressources existantes pour obtenir une participation accrue du Canada à un tel système est-elle vraisemblable?

  (1230)  

    D'après moi, si nous nous engagions avec les Américains, je trouverais étonnant que nous ne soyons pas appelés à contribuer d'une façon ou d'une autre, que ce soit sur le plan technique et financier ou sur celui du personnel et de la dotation, de la même manière que nous le faisons dans le cadre du NORAD. Il est évident que la relation serait asymétrique étant donné la présence dominante américaine.
    Quant au choix à plus long terme de sites éventuels ailleurs sur le territoire canadien, je dois dire que je ne suis pas suffisamment expert dans ce domaine. Je n'aime pas cette notion de marché libre où nous ne contribuerions en rien. Il y aura certainement une façon particulière d'y contribuer, alors discutons-en avec les Américains.
    Sauf erreur, l'idée de maintenir la position prise à l'époque par le premier ministre Paul Martin, qui consiste à ne faire aucune contribution additionnelle et de profiter quand même de tous les avantages d'une pleine participation au système, est assez irréaliste. Il est assez irréaliste de penser qu'on pourrait fonctionner de cette façon à l'avenir.
    Il est amusant que vous me posiez cette question parce que j'ai écrit beaucoup de discours pour M. Martin, quand j'étais au ministère des Affaires étrangères, au moment de l'Énoncé de politique internationale du Canada. Ce débat avait été assez difficile.
    Honnêtement, je pense qu'il y avait une dimension politique. C'était une décision politique et je n'étais qu'un simple fonctionnaire. Autrement dit, c'est aux politiciens de prendre leurs décisions, et tant mieux pour eux, mais je ne pense pas que cette position soit réaliste à long terme.
    Avez-vous une idée de ce que pourrait coûter au Canada son adhésion au programme de défense antimissile avec les États-Unis, tant sur le plan financier que sur celui des ressources matérielles et humaines? Avez-vous fait une évaluation de cela?
    Personnellement, je n'en ai pas fait. Nous essaierons de répondre à cette question plus tard. Je sais que des études ont été faites, notamment celle menée par Philippe Lagassé. Quant à savoir si l'évaluation qu'il a faite est réaliste, je crois qu'on devrait le demander à des gens qui sont davantage experts en la matière.
    Je vais répondre à votre première question.
    Concernant les bases et le personnel nécessaires, cela dépend de l'origine de la menace, de la portée et du nombre de missiles. À l'heure actuelle, comme cela a été mentionné, ce système vise surtout à se défendre contre desrogue missiles lancés par des rogue states, des États voyous. Ce n'est donc pas pour se défendre contre un gros bombardement. Les pays qui représentent une telle menace, surtout la Corée du Nord, n'ont pas de missiles qui ont cette portée. À ce jour, il n'y a pas de missile iranien qui a une telle portée.
    Je pense que les installations actuelles sont suffisantes, mais cela pourrait changer à l'avenir.
    M. Ferry de Kerckhove: Le système Patriot...
    Si je comprends bien, cela dépend des menaces et de tout ce qui peut survenir sur la scène internationale.
    Je vous remercie de ces précisions.
    Lors d'une réunion précédente, la professeure Elinor Sloan, de l'Université Carleton, a dit au comité que le Canada devrait considérer de se doter d'une garde côtière armée, un peu comme celle des États-Unis, notamment pour essayer d'économiser de l'argent, mais également pour assurer une certaine sécurité dans nos eaux frontalières.
    Pouvez-vous faire des commentaires sur cette option qui a été présentée au comité?
    Je suis d'accord à à cet égard. Je ne sais pas ce qu'en pense Ferry, mais pour ma part, je suis totalement influencé par le modèle américain. Il faut utiliser les ressources de façon efficace.
    Des navires de la Garde côtière font des patrouilles sur certaines côtes canadiennes et dans le Nord du Canada. Si on pouvait armer la Garde côtière, ce serait une utilisation efficace des ressources.
    Je me souviens de l'époque où l'on voulait arraisonner des navires espagnols qui pêchaient de façon illégale au large des côtes de Terre-Neuve. À l'époque, je me suis dit que si nous avions eu une garde côtière armée, nous aurions peut-être pu gérer cette affaire de façon plus efficace.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur.
    Madame Gallant.
    J'aimerais faire remarquer à nos témoins que nous sommes d'autant plus concernés par le bien-être de la Corée du Sud depuis que nous avons négocié avec succès un accord de libre-échange. Nos éleveurs de bétail sans réjouissent certainement et ils sont impatients d'en récolter les fruits.
    J'aimerais poser une question au sujet de son voisin, la Corée du Nord. Les Américains prennent très au sérieux les menaces de Kim Jong-un, et ils sont toujours prêts à intervenir, notamment en ce qui a trait aux missiles.
    Je ne pense pas que le Canada considère que la Corée du Nord comme une grave menace, mais j'aimerais savoir si vous pensez que c'est le cas, comme certains de nos voisins.

  (1235)  

    C'est une menace pour le Canada dans la mesure où, en vertu de certaines obligations découlant de traités, nous devrions soutenir la riposte des Américains si la Corée du Nord posait un geste contre la Corée du Sud. Je crois qu'il s'agit d'un véritable problème. Toutefois, dans un contexte plus général, je pense que le dialogue sur les mesures à prendre dans ce dossier se poursuit malgré les imprévus. Ce que nous essayons vraiment de faire est de déterminer dans quelle mesure nous pouvons convaincre nos amis chinois de contrôler davantage le jeune dirigeant imprévisible.
    Avez-vous une remarque à faire, George?
    Pour revenir aux documents stratégiques, aux livres blancs et à l'acquisition de bâtiments, la nouvelle génération de navires que nous allons acheter aura-t-elle une capacité de défense antimissile balistique? Une des mesures prises par les Américains dans ce dossier a été d'envoyer des navires de classe AEGIS et des navires équipés de radar pour détecter les missiles balistiques et contribuer ainsi à la défense de tous les pays du Pacifique, qui sont également nos alliés.
    Devrions-nous songer à en faire autant? Cela a une incidence sur ce que nous achetons de même que sur le coût et la capacité. C'est la raison pour laquelle nous aimerions avoir ce genre de discussion stratégique.
    Je vois.
    Dans votre rapport, on mentionne que la menace du terrorisme semble moins importante, même si Al-Qaïda existe encore. Nous voyons pourtant l'organisation s'implanter dans différentes régions d'Afrique, notamment en Syrie, et elle ne demanderait rien de mieux que d'avoir un territoire.
    Je suppose que le terrorisme n'est pas vraiment une question de défense jusqu'à preuve du contraire. Auriez-vous l'obligeance de nous expliquer...
    C'est intéressant. Nous avons vivement débattu que cette question et nous avons conclu que le terrorisme constitue toujours une menace, mais plus une menace stratégique, car il tend à se manifester davantage dans les pays où il y a une certaine contre-insurrection, comme la Syrie, la Libye et là où divers acteurs tentent de prendre le contrôle.
    C'est dans le Sahara que le terrorisme est probablement venu le plus près de devenir un moyen de contrôler complètement un territoire. C'est pourquoi nous devrions tous applaudir l'intervention des Français. La contre-insurrection s'était tout à coup transformée en tentative de prise de contrôle du Mali, et pas seulement dans le nord du pays, parce que les terroristes mettaient tout en oeuvre pour réussir.
    Je pense que c'est vraiment la question clé. Le terrorisme constituera toujours une menace sérieuse pour l'Occident, et nous devrions continuer d'être prêts à y faire face. Voilà pourquoi il est essentiel que les divers organismes collaborent.
    Ferry et moi sommes légèrement en désaccord à ce sujet. Je considère que le mot « terrorisme » est galvaudé. Il est devenu un mot pour lequel nous sommes prêts à sacrifier bien des libertés. C'est Thomas Jefferson qui a dit, je crois, que ceux qui sont prêts à échanger leurs droits civils ou leurs libertés pour la sécurité ne méritent ni les uns ni les autres. Je crois que c'est exagéré.
    Il y a une menace. S'agit-il d'une menace stratégique? Je ne le crois pas. L'attentat de Boston était-il un geste suscitant la terreur? Certainement. Mais en ce sens, c'est également le cas pour la fusillade de Sandy Hook, au cours de laquelle 26 enfants ont perdu la vie. Faisons-nous une distinction parce qu'un des auteurs s'est simplement autoradicalisé alors que l'autre était en proie au délire quand il a tué 26 enfants?
    Je pense que nous utilisons ce mot avec beaucoup trop de parcimonie. Si vous examinez notre rapport, vous constaterez que les menaces terroristes ont diminué au cours des 15 dernières années...

  (1240)  

    Merci beaucoup, monsieur. Nous devons continuer.
    Monsieur Regan, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Dans la partie de votre rapport intitulée « Rétrospective sur 2013 », vous indiquez ce qui suit:
... le budget de la défense a été touché à un tel degré qu’on se demande ce qu'il ressortira du réexamen de la Stratégie de défense: le Canada d’abord si ce n’est des mots rassurants et des coupes additionnelles.
    Vous poursuivez en indiquant qu'on aurait pensé que cette austérité fiscale offrait l'occasion de réfléchir à la taille, à la capacité et au programme d'acquisition des Forces armées canadiennes.
    Pourquoi pensez-vous qu'on ne l'a pas fait? Quels effets cet examen aura-t-il, selon vous?
    C'est difficile à dire.
    Ici encore, on revient à ce que Ferry et moi faisons valoir depuis le début. Dites-nous ce que vous voulez faire dans le cadre fiscal dont vous disposez, et nous vous dirons ce que les Forces peuvent faire pour le pays.
    Rien, au chapitre des annonces, ne nous a indiqué ce que le Canada entend faire dans le monde, si les forces navales qui sillonneront ou non le Pacifique, ce que nous ferons dans l'Arctique ou ce que nous ferons avec nos amis et alliés dans d'autres régions.
    Personnellement, je pense que ce sera davantage quelque chose qui sera conçu pour tenir compte des contraintes fiscales qu'une vision clairement exprimée.
    Ferry...?
    Je dirai que je me suis montré très dur dans mes propos quand j'ai parlé de l'amnésie post-Afghanistan. Je considère que nous avons fait un excellent travail dans ce pays. Nous y avons créé une sorte de légende, et je pense que le gouvernement souhaite délibérément tourner la page et essayer de ne pas trop se laisser influencer par les leçons tirées de la mission en Afghanistan dans les décisions qu'il prend aujourd'hui en matière de défense.
    Voilà pourquoi les choses traînent étrangement. Je ne puis dire si un livre blanc créerait des difficultés du point de vue de la politique, mais je pense qu'il manque vraiment quelque chose et que c'est délibéré.
    Je reviendrai à la stratégie dans un instant, mais permettez-moi de vous demander quelque chose. Pensez-vous qu'il soit rationnel d'examiner la défense en Amérique du Nord sans tenir compte de la capacité de projection de la force.
    Non.
    Ferry a souligné quelque chose qui a pu passer inaperçu et que j'ai fait remarquer aux Français quand j'étais avec eux dans le Pacifique Sud il y a deux ans et qu'ils ont parlé de la distance stratégique. Caracas, au Venezuela, est plus près de Toronto que la station Alert. Ainsi, chaque fois que nous intervenons au Canada, c'est à titre expéditionnaire. La distance à parcourir au pays fait que toutes les interventions sont expéditionnaires.
    Il est donc très difficile de séparer les deux, compte tenu de l'étendue du pays et de nos responsabilités.
    Je suppose que je veux savoir à quel point les événements qui se produisent dans le reste du monde sont importants pour notre sécurité.
    M. Bezan a posé la question, il me semble. Avons-nous défait Al-Qaïda en Afghanistan? Cela a-t-il empêché une autre menace terroriste d'agir en Amérique du Nord. J'en suis certain.
    Nous l'avons dit à maintes reprises. Le Canada tire 40 % de son PIB du commerce, et si on ne donne pas au pays les moyens de défendre les routes commerciales, de prévoir une certaine puissance, d'envoyer un navire dans une région en difficulté, comme George et moi-même l'avons indiqué, ou de soutenir les efforts que déploie la communauté internationale pour tenter de résoudre une partie du conflit qui s'éternise, alors je m'inquiète énormément du peu d'intérêt qu'on démontre à l'égard de ce que j'appelle les organisations multilatérales politiques. Qu'il s'agisse de l'Assemblée générale ou du Conseil de sécurité des Nations Unies, nous savons tous que certains exercent leur droit de veto.
    Cependant, certains de ces efforts ne sont pas le fruit d'une décision des Nations Unies elles-mêmes, lesquelles sont un groupe de pays. Nous devons nous fier à l'aide des Nations Unies, que ce soit en Afrique, où nous avons certains intérêts dans le secteur minier, ou en Amérique latine, où une guerre de la drogue fait rage et où nous avons encore plus d'intérêts miniers. Malgré sa faible population, notre pays est présent aux quatre coins du monde en raison de ses activités commerciales.
    La défense contre les missiles nord-coréens serait un bon exemple.

  (1245)  

    Oui. Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Bezan.
    Merci, monsieur le président.
    La discussion est vraiment intéressante aujourd'hui.
    Nous avons entamé la présente étude il y a plus d'un an. Certains d'entre nous se sont rendus à Washington pour rencontrer certains de nos homologues professionnels. Ces derniers s'inquiétaient principalement de l'absence de défense antimissiles balistiques sur la côte atlantique et dans l'Arctique. Comme les capacités en matière de défense antimissiles balistiques évoluent entre les États et les acteurs non-étatiques, ils craignent d'être vulnérables à l'Est et au Nord.
    Qu'en pensez-vous? Je sais que vous offrez du soutien, mais d'après votre analyse... Nous avons parlé de la Corée du Nord, mais si l'Iran acquiert des capacités intercontinentales...
    Bien franchement, il s'agit d'une question technique. On n'installe pas quelque chose quelque part simplement parce que l'endroit semble convenir. C'est vraiment une affaire de technologie.
    Si nous participions, nous en discuterions avec les Américains. Si nous convenions collectivement qu'il faut intervenir, une décision serait prise en ce sens.
    Dans le contexte de la défense en Amérique du Nord, nous nous sommes intéressés à nos voisins du Sud et avons parlé de l'austérité, des réductions et de la mise sous séquestre budgétaires aux États-Unis. Quelle influence ces mesures ont-elles sur leurs capacités de défense et, finalement, sur nous, au Canada?
    Les Américains font davantage de choix stratégiques à l'échelle internationale. Si vous vous souvenez d'avoir lu le document d'orientation stratégique des États-Unis en janvier 2012, la soi-disant orientation « pivot », le gouvernement y indiquait clairement qu'il comptait réduire ou modifier les contributions américaines. Par exemple, dans les pays où les Américains savent que le terrorisme ou des groupes terroristes existent encore, ils ne déploieraient pas des forces importantes, mais ils lutteraient encore contre le problème en affectant des forces spéciales, en faisant des interventions directes, en envoyant des drones ou en prenant les mesures nécessaires.
    En ce qui concerne l'Europe, les Américains ont une fois encore indiqué très clairement qu'ils n'abandonnaient pas l'OTAN, mais qu'ils réduiraient les contributions à cet égard, comptant sur le fait que les pays européens alliés — dont plusieurs sont également membres du G7 et du G8 — feraient des contributions plus justes, étant donnée que les États-Unis fournissent 50 à 60 % du financement de l'OTAN. Ces mesures ont donc une influence, mais les Américains ont une bien meilleure vue d'ensemble que la nôtre.
    Ferry, j'ignore si vous voulez ajouter quelque chose.
    Non, je n'ai rien à ajouter.
    Si les partenaires de l'OTAN ont réussi à faire la projection de la force et à établir leur puissance, c'est grâce à la puissance aérienne. À mon avis, leur supériorité aérienne a joué un rôle déterminant dans la stabilisation, la paix et la sécurité dans le monde. On envisage actuellement de remplacer nos aéronefs de combat, et je sais que vous avez des recommandations à formuler à cet égard. Quels appareils devraient-ont choisir parmi les modèles étudiés?
    Cela revient à... Regardez, le F-35 est un avion formidable, et c'est une des raisons pour lesquelles Ferry et moi avons évoqué la possibilité d'une flotte double. Doit-on assurer la défense du Canada uniquement avec des avions ayant une capacité semblable à celle du F-35 ou pourrait-on acheter moins de F-35 et acquérir d'autres appareils? Il faut en discuter. Je ne suis pas ici pour vous indiquer quelle plateforme il faudrait choisir.
    Pour faire suite à quelque chose que vous avez dit dans le préambule de votre question, il n'y a pas que la puissance aérienne qui entre en jeu. J'aime bien cette citation de Napoléon, selon laquelle les amateurs se piquent de stratégie, mais les professionnels pensent logistique. Le succès de notre force aérienne est tributaire de notre flotte d'avitailleurs, les C-17, et de toute l'infrastructure de soutien afférente.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Nous effectuons maintenant des tours de quatre minutes. Le prochain intervenant est M. Larose.
    Merci, monsieur le président.
    Nous avons parlé de la projection de la puissance et du livre blanc.

[Français]

    Il y a un vide de plus en plus présent au niveau international. Il y a une rétractation des engagements, les budgets sont réduits et il y a un manque de leadership international, et ce dernier semble être de plus en plus présent. C'est ce que vous avez mentionné.
    Pour défendre notre territoire, n'est-ce pas justement une occasion qui se présente à nous en ce moment? Le Canada pourrait accroître sa contribution.

[Traduction]

    Pour être plus présents tout en apportant une contribution stratégique à l'échelle internationale à titre de chef de file,

[Français]

n'est-ce pas ce qui influencerait notre livre blanc? Nous pourrions nous positionner de nouveau, compenser le retard que nous avons pris et que nous n'aurions pas dû prendre, avancer et, à partir de là, avoir un impact à l'échelle internationale sur la façon dont nous sommes perçus.

  (1250)  

    Votre question ne me pose aucun problème, mais là encore, c'est au gouvernement de déterminer ce qu'il veut faire sur la scène internationale. On n'est pas sur la scène internationale pour participer à un concours de beauté. On y agit en fonction d'intérêts précis.
    Oui, mais ça augmente notre défense.
    Oui, et je crois que si le gouvernement du Canada définit notre intérêt en fonction d'une place prépondérante dans certains secteurs sur la scène internationale, cela pourra nous servir. Par contre, tant que nous ne saurons pas ce que veut le gouvernement, je ne pourrai pas vous répondre. Je ne suis pas du tout en désaccord avec vous. Nous pourrions profiter du vacuum qui est créé pour nous faire une place, mais qu'y ferions-nous? Nous revenons ici au point de départ qui consiste à mentionner ceci: dites-moi ce que vous voulez faire et je vous dirai que vous devriez peut-être vous positionner là plutôt qu'ici.
    Par exemple, le gouvernement canadien est extrêmement attaché à la sécurité d'Israël. George et moi en avons déjà parlé et je crois que c'est dans le document. En principe, nous devrions donc être très engagés, beaucoup plus que nous ne le sommes en réalité, dans tout ce qui entoure le dialogue sur le processus de paix au Moyen-Orient. Il ne s'agit pas ici simplement d'une contribution éventuelle qui touche ce qui se passe le long du bassin du Jourdain. Il s'agit aussi de déterminer dans quelle mesure nous devrions, comme Canadiens, nous engager davantage dans un dialogue avec les pays environnants plutôt que les ignorer complètement.
    L'Égypte, qui est le pays le plus peuplé de cette région, est au coeur d'un dispositif qui reste à définir. Or depuis mars 2011, pas un seul ministre canadien ne s'est rendu dans ce pays pour entamer un dialogue avec les pays qui sont en cause. Si nous voulons vraiment contribuer à améliorer la sécurité d'Israël nous devons, exactement comme vous le dites, être beaucoup plus proactifs.
    Cependant, nous reconnaissons que la défense de notre territoire dépend de plus en plus du rôle que joue notre pays à l'échelle l'internationale, que ce soit lors d'une catastrophe naturelle comme celle qui s'est produite au Japon, dans le cadre de gestes particuliers qui sont posés à travers le monde ou lorsque des centrales brisent. Nous n'avons plus le choix.
    La défense de notre territoire dépend nécessairement du rôle que notre pays joue à l'échelle internationale. Compte tenu de notre capacité financière limitée, nous ne pourrons jamais avoir une armée d'une force incroyable. Alors, nécessairement, nous dépendons beaucoup de nos voisins.
    C'est pour cette raison que nous disons que le Canada ne peut pas se passer d'une capacité expéditionnaire, laquelle doit être bien définie. C'est exactement en rapport avec ce que vous dites. Qu'il s'agisse de lutter contre une épidémie ou de faire face aux suites d'un tremblement de terre, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas avoir cette capacité.
    Cela nous ramène aux missiles balistiques. Il est prématuré d'adopter une position ferme de soutien alors que nous n'avons même pas défini notre propre rôle stratégique. Cela reviendrait à décider de participer à quelque chose qui est mal défini.
     L'établissement d'une meilleure relation avec les Américains sur divers enjeux est une chose positive parce que ce sont nos voisins. Cependant, il ne faudrait pas spéculer sur un danger qui n'existe pas alors qu'il y a une absence de leadership international à cet égard. Un tel leadership pourrait avoir beaucoup plus d'influence...

[Traduction]

    La question devra rester sans réponse, et vous pouvez y répondre par écrit si vous le souhaitez.
    Monsieur Leung, vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Le document comprend une impressionnante liste de 17 recommandations, et je pense qu'une bonne partie d'entre elles ont une incidence sur la manière dont le gouvernement doit prendre une décision et établir ses priorités. Selon vous, quelle est la recommandation la plus urgente que nous devrions proposer au gouvernement pour qu'il la mette en oeuvre le plus rapidement possible? Toutes ces recommandations ont une incidence sur les actifs, la main-d'oeuvre et le financement dont nous avons besoin.
    Je veux également vous demander s'il est possible de prévoir, dans le modèle de financement, un financement constant et stratégique à long terme, qu'il s'agisse d'un pourcentage des dépenses nationales ou de financement constant à long terme.
    Je dirais que l'étude stratégique nationale et le livre blanc priment.
    Ferry vous a plusieurs fois parlé des Australiens. Je vous recommanderais fortement de lire une description très claire de leur vision stratégique à court et à long terme, laquelle engloberait la défense continentale ou nationale et indiquerait quelle serait leurs contributions à l'ordre international.
    Ce qui est formidable à propos du livre blanc des Australiens, c'est qu'il a reçu l'aval de tous les ministères. Il a été signé non seulement par le ministre de la Défense, mais également par le ministre des Finances et le premier ministre. En fait, tous les partis l'appuient. Le livre blanc en matière de défense n'est pas un enjeux électoral, par plus que ne l'est la défense de l'Australie. C'est peut-être un peu marginal, mais tous les partis d'entendent sur ce qui est bon pour le pays, et je considère que c'est quelque chose que le comité pourrait faire à titre non partisan, car je pense que ce qui nous unit, c'est que nous sommes Canadiens, nous aimons notre pays et nous cherchons à défense ses intérêts. Les Australiens font figure d'exemple à cet égard.

  (1255)  

    Mais de quelle recommandation s'agit-il dans le document?
    C'est la première.
    Il me semble que c'est la première. Vous savez, c'est curieux, car nous les avons présentées précisément de manière à mettre l'accent sur ce que nous considérons essentiel pour le Canada. Nous avons ensuite proposé des possibilités pour voir si on souhaite jouer un rôle plus important dans une région, et si c'est le cas, pour indiquer ce que nous devrions faire. Mais bien sûr, la première est celle qui est fondamentalement essentielle à la concrétisation des autres; et n'oublions pas que tout cela concerne la défense et la sécurité.
    J'ai une certaine expérience dans le domaine de l'approvisionnement militaire, et il semble que tout ce qu'on achète devient désuet le jour même. Il faut donc prévoir 20 ou 30 ans d'avance pour que l'approvisionnement soit en quelque sorte évolutif.
    Il y a un peu de cela, mais tout dépend de ce dont il s'agit. Il me semble que plusieurs d'entre vous avez parlé de secours en cas de catastrophe et de tout le reste.
    Par exemple, nous avons parlé d'un bateau amphibie. Imaginez l'effet que le Canada aurait eu s'il avait disposé d'un bateau amphibie doté d'un hôpital de 70 lits et pouvant accueillir près de 2 000 personnes à son bord s'il fallait les déplacer. Imaginez l'effet que le Canada aurait eu à Haïti ou aux Philippines. Il ne faut donc pas planifier seulement le budget à long terme, ce que vous devez faire, à mon avis, mais aussi prévoir le type de capacités directement liées à ce qu'on a l'intention de faire dans le monde.
    Merci beaucoup, monsieur.
    Monsieur Regan, il vous reste un peu moins de quatre minutes...
    Merci, monsieur le président.
    Pour revenir à notre discussion sur la stratégie de défense Le Canada d'abord, vous avez souligné ceci également:
Ce à quoi on s'attend de la revue de la SCDA, ce sont quelques phrases ampoulées pour camoufler des réductions additionnelles, avec un minimum de discussion sur la façon de réduire les effectifs et les frais généraux ou sur l'incidence d'une réduction des capacités, de la main-d'oeuvre ou de l'état de préparation...
    Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    Je vous ai donné l'exemple de l'ARC, des F-18 et de la réduction des heures de vol. Des secteurs font l'objet de compressions pour maintenir en place des capacités, et ce, à cause de l'absence d'un cadre financier. Nous avons parlé des camions. Ce sont des pièces d'équipement, mais nous n'arrivons pas à former les gens comme nous le voudrions, ce qui a une incidence sur l'état de préparation parce que la majorité des répercussions financières se font sentir dans le budget de fonctionnement et d'entretien, qui finance quotidiennement les opérations. C'est le genre de choses qui ont des répercussions opérationnelles.
    J'ajouterais simplement que la SCDA n'a jamais été entièrement financée, alors comment peut-on s'attendre, compte tenu des compressions, du budget et du report de certaines grandes décisions en matière d'approvisionnement, d'atteindre l'équilibre budgétaire l'an prochain... Comment espérer qu'on ne nous jette pas de la poudre aux yeux et qu'on n'effectue pas de compressions?
    Les dépenses prévues pour la SCDA s'élèvent actuellement à 3,1 milliards de dollars.
    J'ajouterais — et c'est également en réponse à la question précédente — que dans cet « Aperçu stratégique », vous avez remarqué que nous avons fourni des options plutôt que des recommandations budgétaires. Les cinq options visent en fait à aider le gouvernement quant à l'approche à adopter à l'égard du budget et des décisions en matière d'approvisionnement et de défense. Alors que voulez-vous faire? C'est ce dont vous pourriez avoir besoin, mais dans le budget, il faut essayer de faire preuve d'intelligence et de prendre des décisions précises en fonction de la situation dans son ensemble.
    Une voix: Oui, et en voici les effets.
    M. Ferry de Kerckhove: Oui.
    Vous avez également écrit ceci:
[...] en 2013, on avait l'impression que le gouvernement avait peu d'occasions de débattre sur les questions relatives à la défense. En ce qui concerne l'approvisionnement, la seule préoccupation consistait à se tirer de l'embarras causé par l'achat des F-35, et non pas à se lancer dans un examen complet, transparent et global de la situation du Canada dans le contexte de l'après-Afghanistan. L'Afghanistan, à peine mentionné dans le discours du Trône, devrait plutôt servir de base à un examen de la défense.
    Qu'est-ce qui vous a amené à tirer cette conclusion?

  (1300)  

    Répondez en 30 secondes, je vous prie...
    Très simplement, même le financement du gouvernement canadien pour le programme de sensibilisation du MDN a complètement été éliminé. On ne cherche aucunement à demander conseil à l'externe. Le gouvernement n'est nullement intéressé à connaître l'avis des experts. Voilà pourquoi nous sommes si heureux d'être ici.
    Merci beaucoup, messieurs, de vos réflexions et de vos réponses. Elles étaient très détaillées et appréciées.
    La séance est levée.
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