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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 044 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 février 2015

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Français]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 44e réunion du Comité permanent de la condition féminine. Aujourd'hui, nous reprenons notre étude sur les pratiques prometteuses pour prévenir la violence envers les femmes.
    Nous accueillons Mme Jane Doe, une auteure et activiste qui témoignera à titre personnel. Nous accueillons également Mme Rosemary McCarney, de Plan International Canada Inc., et M. Todd Minerson, de White Ribbon Campaign.
    Je vous remercie de votre présence.
    Chaque témoin dispose de 10 minutes pour faire sa présentation.
    Nous commençons par vous, madame Doe.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de discuter avec vous aujourd'hui.
    Entre autres, je m'appelle Jane Doe, la femme qui a intenté une poursuite contre le service de police de Toronto. Vous vous souviendrez peut-être qu'en 1998, après une bataille judiciaire de 11 ans, j'ai obtenu gain de cause dans l'affaire qui m'opposait à la police de Toronto pour négligence et discrimination fondée sur le sexe dans le cadre de son enquête sur le viol et l'agression sexuelle que j'ai subis. J'ai fait valoir que même si la police avait des renseignements sur l'identité de l'homme connu comme le violeur qui passait par les balcons, elle a décidé de ne pas avertir les femmes qui habitaient dans mon quartier du danger. Ce faisant, elle a violé mes droits à l'égalité en vertu de l'article 15 de la Charte canadienne.
    Je suis également auteure, chercheuse et éducatrice. J'élabore des politiques sur les agressions sexuelles dans un certain nombre de secteurs, dont les services policiers. Je donne beaucoup de conférences au Canada et ailleurs sur un sujet que j'appelle les politiques du viol.
    Je n'ai pas besoin de vous rappeler que les politiques, quelles qu'elles soient, ont un caractère complexe et systémique. Lorsqu'il s'agit de l'augmentation du nombre d'agressions sexuelles dans notre pays, de nos systèmes et de nos institutions qui n'arrivent pas à régler ce problème, du taux de condamnation de moins de 1 %, de même que du sexisme ambiant lors d'un procès pour viol, on parle de politiques de nature particulière.
    En tant que femme qui a été agressée sexuellement et qui continue d'utiliser l'anonymat relatif de l'interdiction de publication, j'ai pensé que nous pourrions commencer par cet aspect.
    À intervalles de quelques années et à l'heure actuelle, les médias et un ou deux politiciens émettent l'avis que les femmes qui sont victimes d'agression sexuelle devraient le signaler à la police en utilisant leur vrai nom. À leur avis, si les femmes ne faisaient que cela et qu'elles nous permettaient de connaître leur nom et de les voir, nous pourrions nous mettre à leur place. Elles pourraient s'exprimer. La situation s'améliorerait en moins de temps qu'il en faut pour le dire.
    Bien entendu, ces gens ont raison de dire que les femmes devraient être en mesure de faire ces choses, mais peu importe ce que je dis, ce que des milliers de personnes disent depuis des décennies, les choses ne fonctionnent pas comme cela.
    Nous semblons allergiques au fait qu'on utilise le passé sexuel, les antécédents médicaux, familiaux, professionnels et de maladie mentale d'une femme, de même que ses lectures, les émissions qu'elle regarde et ses croyances pour les anéantir dans une cour. C'est pourquoi nous recourons à l'interdiction.
    C'est bouleversant que nous n'axions pas nos efforts sur l'élimination de ce traitement plutôt que sur l'abandon de l'interdiction de publication. Ce n'est simplement pas prudent, civilisé ou juste d'identifier une personne comme une victime de viol. L'expression « victime de viol » évoque la passivité féminine et l'impuissance, ou indique que nous avons survécu à une maladie ou à une blessure qui fait de nous des êtres brisés en morceaux, marqués ou déchus.
    En 2008, je suis allée dans quatre provinces et je me suis entretenue avec des femmes qui ont été agressées sexuellement. Certaines avaient eu recours à l'interdiction de publication et d'autres non, et je leur ai demandé quelles répercussions leur décision avait eues sur elles. Je vous ai fourni un exemplaire de ma recherche, qui présente en détail l'information que je n'ai pas le temps de vous fournir dans le cadre de mon exposé. J'espère que vous y jetterez un coup d'oeil.
    La recherche a clairement montré que le traitement des 42 femmes, qui ont recours ou qui n'ont pas eu recours à l'interdiction, est criminel. Elle montre qu'elles n'auraient pas agi sans y avoir recours ou qu'elles regrettent de ne pas y avoir eu recours. De toute façon, l'interdiction de publication n'est pas vraiment une mesure aussi efficace qu'on le croit. Elle préserve l'anonymat de la personne pour les gens qui ne la connaissent pas. Si elle vit en milieu urbain, dans un petit village ou dans une ville, la mesure n'est pas du tout efficace.
    Comme l'indiquent les dispositions, le but de cette mesure est d'encourager les victimes d'agression sexuelle à porter plainte en leur épargnant le traumatisme occasionné par la gêne et l'humiliation qui en résulterait si l'affaire recevait une grande publicité. Le libellé vient confirmer la honte et le déshonneur que nous associons à une femme violée, et la façon dont sa vertu et son corps sont compris comme étant salis.
    Les femmes que j'ai interrogées ont dit qu'en cour, on avait utilisé contre elles leur divorce, leurs avortements, leurs grossesses, ainsi que des condamnations au criminel les concernant, les mauvais traitements dont elles ont été victimes dans leur enfance, les autres agressions dont elles ont déjà été victimes ou leurs problèmes de santé mentale.

  (1105)  

    Une femme m'a raconté qu'on a utilisé son bikini rouge comme élément de preuve contre elle et que l'avocat de l'accusé le brandissait devant le tribunal. Les médias rapportent ce type de geste offensant, et si une femme l'utilise, son vrai nom est dévoilé dans les faits racontés.
    Si l'on croit vraiment que les effets prohibitifs de l'interdiction l'emportent sur le petit peu de protection qu'elle procure aux femmes qui ont été agressées sexuellement, que fait-on pour faire en sorte qu'il soit plus facile, sécuritaire et valorisant pour les femmes d'utiliser leur véritable nom devant un tribunal? C'est ce que nous aimerions faire, surtout pour les femmes appartenant à une minorité raciale ou colonisées, qui sont des jeunes ou des travailleuses du sexe, des transgenres, des femmes handicapées, des toxicomanes, des immigrantes, des sans-abri ou des femmes qui étaient la petite amie, la femme ou la partenaire de l'homme qui les a violées.
    L'interdiction procure à ces femmes une protection lorsqu'on utilise les éléments que je viens de mentionner contre elles en cour, ce qui se produit tous les jours, lors de n'importe quel procès pour agression sexuelle, dans n'importe quelle ville, à tout moment dans notre pays. Ce à quoi les Canadiennes doivent faire face dans leur foyer, leur réserve, leur milieu de travail, au Parlement, à l'université, chez le médecin, chez le dentiste, dans l'armée et dans le milieu sportif constitue une crise nationale. Nous nous attendons à ce que les femmes qui ont été agressées sexuellement portent plainte et dévoilent leur identité alors que nous savons tous que le système qui leur demande de porter plainte ne travaille pas dans leur intérêt ou ne peut pas le faire.
    Nous ne pouvons pas non plus examiner l'interdiction de publication sans tenir compte des pratiques juridiques déshumanisantes que doivent endurer les femmes qui dénoncent le viol qu'elles ont subi. Par exemple, il y a la trousse médico-légale, qui est utilisée dans seulement 10 % des cas, et qui constitue pour les femmes une deuxième agression; le recours à ce qu'on appelle des témoins experts psychiatres payés pour discréditer le témoignage des femmes et libérer les violeurs; et le fait que des juges et des avocats violent la loi lorsqu'ils autorisent le recours à de telles pratiques en premier lieu. De plus, la police avertit les femmes qu'elles doivent contrôler leurs mouvements, surveiller ce que font les hommes étranges autour d'elles et éviter de prendre des raccourcis, d'utiliser le transport public et de se retrouver dans une place de stationnement lorsqu'une agression sexuelle s'est produite dans leur quartier.
    Nous devons examiner les mots que nous utilisons lorsque nous parlons de viol, et d'ailleurs, de quoi s'agit-il: d'agression sexuelle ou de viol? En ce qui concerne les dispositions, j'ai fait allusion au problème lié à cela.
    Surtout, si nous voulons examiner les choses sérieusement, il est essentiel que nous portions notre attention sur les hommes, les auteurs des crimes, plutôt que sur les femmes. Je ne prône pas l'alourdissement des peines d'emprisonnement. Je ne crois pas que cela fonctionne. Je veux parler de la nécessité de se pencher sur la masculinité et la façon dont nous intégrons les hommes dans la société, nos petits garçons et les jeunes, qui sont nés sans méchanceté ou malveillance, et de se pencher sur la façon dont on élève ces êtres merveilleux et dont on leur apprend que la violence, c'est acceptable. Il nous faut examiner la nécessité de concevoir et de soutenir un programme d'éducation sexuelle qui se fonde sur le consentement et qui porte autant sur les plaisirs qu'apportent les relations sexuelles que sur les responsabilités qu'elles comportent, et cela doit commencer à un très jeune âge. Nous devons comprendre qu'on ne pourra rien accomplir si nous n'intégrons pas les questions de race, de sexualité et de capacité dans nos discussions et nos mesures, et cela vaut pour toute politique que nous examinons.
    Rares sont ceux qui nieront les problèmes que j'ai soulevés, la nécessité d'examiner tous les aspects de l'agression sexuelle, mais nous n'agissons pas. Nous ne le faisons pas. Est-ce que c'est parce que le statu quo est avantageux pour notre nation, notre institution ou nous-mêmes en tant que personnes? Tant que nous n'examinerons pas les différents aspects et le caractère systémique de l'agression sexuelle, tant que nous ne dépenserons pas d'argent et que nous ne prendrons pas le temps de le faire, les pansements que nous appliquons sur les plaies sociales continueront de tomber et un plus grand nombre de crimes seront commis.
    Je vous assure qu'il y a des spécialistes partout au Canada qui travaillent auprès de femmes qui ont été victimes d'agression sexuelle, qui l'ont vécu ou qui écrivent, font des études et élaborent des politiques sur les agressions sexuelles. Ce sont ces gens que nous devons consulter et écouter si nous devons élaborer une politique sur la violence contre les femmes, en particulier sur les agressions sexuelles.

  (1110)  

    Ces spécialistes, dont je fais partie, sont légion, et je vous offre mon aide pour que vous puissiez les consulter — en plus des témoins qui sont parmi vous aujourd'hui — et bien structurer vos travaux sur le sujet que vous êtes en train d'étudier.
    Merci.
    Madame Doe, je vous remercie beaucoup de votre exposé.
    Je veux dire aux députés que le document dont a parlé Mme Doe est en cours de traduction et que tous les membres du comité le recevront.
    Madame McCarney, vous disposez de 10 minutes.
    J'espère pouvoir ajouter un point de vue différent de celui de Jane, qui est incontestable.
    Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui. J'aimerais vous parler des pratiques exemplaires tirées de notre programme international et de nos expériences en matière de politique. J'espère que ces leçons se traduiront par des mesures concrètes qui aideront à la conception d'une réponse coordonnée à tout acte de violence contre les femmes et les enfants, dont les filles, au Canada.
    Je m'appelle Rosemary McCarney. Je suis la présidente et chef de la direction de Plan International Canada. Avec plus de 75 ans d'expérience, nous formons l'un des organismes de développement les plus anciens et les plus importants du Canada et du monde. Nous n'avons aucune affiliation politique ou religieuse. Toute notre démarche se fonde sur les instruments et les documents sur les droits des enfants et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et les pratiques qui existent au Canada et à l'étranger.
    Les femmes et les hommes, les filles et les garçons, ont les mêmes droits, mais en raison de l'inégalité, les obstacles auxquels ils font face pour y accéder sont différents. Avant le début des audiences du comité, nous avons dit à quel point l'inégalité ne donne rien aux hommes non plus, et nous devons en parler. Toutefois, les difficultés que vivent les femmes et les filles sont uniques, et les filles et les femmes vivent différentes difficultés. On doit porter une attention particulière aux filles, car leur vulnérabilité découle du fait qu'elles sont à la fois jeunes et de sexe féminin, un croisement très dangereux pour toutes les filles.
    En tant que membres de l'organisation qui est l'initiatrice de la campagne Parce que je suis une fille, nous saluons votre décision d'effectuer cette étude, mais la campagne en question est une initiative mondiale visant l'égalité des sexes. Elle fait la promotion du pouvoir et des droits des filles, de sorte que les filles puissent se sortir elles-mêmes et sortir leur collectivité de la pauvreté. Au Canada, la campagne a fait naître un mouvement réunissant plus d'un million de Canadiens déterminés à accroître la sécurité et la prospérité dans le monde pour les filles de notre pays et d'ailleurs.
    L'accès sécuritaire à une éducation de qualité est un élément central de la campagne. La violence endémique dans les écoles et les universités au Canada et ailleurs dans le monde nuisent à l'atteinte de cet objectif.
    J'aimerais tout d'abord attirer votre attention sur l'un de nos rapports intitulé Le droit d'une fille d'apprendre sans peur, que nous avons soumis au comité dans le cadre de son étude. Nous l'avons publié en collaboration avec le Programme des droits de l'homme internationaux de la faculté de droit de l'Université de Toronto — soit l'édition canadienne — pour attirer l'attention des gens sur la violence fondée sur le sexe qui existe dans nos écoles et en périphérie de celles-ci. Le rapport établit un cadre stratégique global fondé sur les pratiques exemplaires utilisées dans le monde pour mettre fin à la violence sexiste à l'échelle régionale et nationale.
    Le rapport porte sur le contexte scolaire, mais nous avons appris principalement que pour être efficaces, les mesures de lutte contre la violence faite aux filles doivent être multisectorielles et intégrées. Jane l'a dit également. Les écoles ne constituent qu'un secteur. L'expérience d'autres pays, dont l'Australie et le Royaume-Uni, nous a permis de constater que les initiatives ponctuelles ne règlent pas un enjeu fondamental: le fait que bon nombre de victimes de violence sont issues de groupes marginalisés et vulnérables et qu'elles sont pratiquement invisibles ou choisissent de l'être. Il faut donc établir un plan d'action national intégré et multisectoriel pour que ces jeunes femmes ne soient pas laissées pour compte.
    Au Canada, il y a différentes formes de violence: viol, violence physique, violence sexuelle et intimidation. C'est amplifié par l'utilisation des médias sociaux. Nous connaissons les statistiques au pays, mais nous généralisons et nous faisons des approximations parce que nous n'avons pas de données statistiques qui nous permettraient de créer une excellente base empirique. Cependant, à mon avis, nous connaissons les statistiques et nous savons que les problèmes sont très répandus. Ces points ne devraient donc pas être sujets à débat. Je crois que Jane l'a dit également.
    Dans le cadre de recherches approfondies et de consultations auprès de spécialistes à travers le monde et de 17 principaux organismes au Canada, nous avons proposé 8 principes fondamentaux qui pourraient, à notre avis, orienter les travaux de votre comité. Ils sont essentiels pour les recommandations, car ils englobent la prévention, l'intervention et les services. Nous demandons un plan d'action global et intégré, des mesures législatives et des règlements efficaces, un processus sécuritaire et efficace de signalement pour les femmes et les filles, l'élaboration de politiques fondées sur des données statistiques, du personnel bien soutenu et formé, l'établissement de partenariats à l'échelle du gouvernement et des groupes locaux, des conseils scolaires, des commissions de police et des agents de police, de même que des refuges et des spécialistes qui sont légion au pays.

  (1115)  

    Nous sommes vraiment ravis que le Canada s'attaque au problème. Nous savons très bien que depuis 2007, environ 146 millions de dollars ont été investis pour appuyer plus de 720 programmes communautaires au pays. Nous pouvons nous en réjouir, mais en même temps, j'exhorte le comité à prendre du recul par rapport à cette donnée et à se demander si nous avons un bon rendement en retour de notre investissement. S'il est vrai que ces investissements sont d'une importance capitale, ils ne sont pas coordonnés. Il s'agit d'un ensemble hétérogène d'initiatives et de petits projets qui se répandent dans tout le pays sans qu'il y ait de stratégie globale.
    J'ai dit aux médias, entre autres, qu'au Canada, le niveau de sécurité des filles ou des femmes et leur accès à des services dépendent de l'endroit où elles vivent. Le lieu de naissance ne devrait pas constituer un facteur lorsqu'il s'agit d'assurer la sécurité et l'accès aux services.
    Bien que nous souscrivions à la demande de plan d'action national, nous voulons nous assurer que le plan en question tient compte des besoins et des droits des enfants, en particulier des filles, et de nos obligations envers ces enfants. Dans l'appel en faveur du plan d'action national visant à mettre fin à la violence contre les femmes, nous vous demandons d'envisager d'adhérer à l'ensemble de cette mesure. La violence contre les femmes ne commence pas à l'âge de 18 ans, soit l'âge adulte légal. Elle commence très tôt, au cours des 10 premières années. Les petites filles canadiennes savent très bien ce que signifie subir de la violence fondée sur le sexe, peu importe la forme qu'elle prend.
    Le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a recommandé que le Canada « élabore et mette en oeuvre une stratégie nationale de prévention de toutes les formes de violence contre les enfants » et qu'il y alloue des ressources. La Coalition canadienne pour les droits des enfants a réitéré cet appel.
    De plus, dans le cadre des négociations en vue du programme pour l'après 2015, les objectifs de développement durable, tous les pays examinent le principe de l'universalité. À notre avis, l'élaboration de politiques étrangères sur les droits des filles et des femmes et les obligations à leur égard ne suffit pas; nous devons également aborder la question à l'intérieur de notre cadre national. C'est pourquoi Plan Canada préconise un processus de consultation très efficace visant à élaborer le plan d'action national pour mettre fin à la violence contre les femmes et les enfants. Il existe des précédents très importants à cet égard.
    Selon l'expérience d'autres pays, les causes et les conséquences sont interdépendantes. Au cours de mes conversations avec des députés et d'autres Canadiens, j'ai constaté que souvent, la question de notre régime fédéral est évoquée, que c'est trop difficile, que telle chose relève des provinces et que les municipalités ont la responsabilité législative sur telle autre chose, et que peut faire le gouvernement national?
    J'aimerais vous signaler que nous sommes vraiment en retard par rapport à nos collègues du Royaume-Uni et de l'Australie, deux pays qui ont aussi un régime fédéral complexe. Dans le cadre de leur plan d'action national respectif, ils ont défini les responsabilités des divers paliers à différents niveaux de compétence, dont la condition féminine, la justice, la santé et l'éducation. Ils ont établi une stratégie visant à soutenir et à financer les intervenants de première ligne, peu importe où ils sont, les organismes d'application de la loi, les enseignants, les travailleurs de la santé et le secteur bénévole.
    D'après leur expérience, il y a un processus que nous pourrions retenir pour l'élaboration de notre plan. Nos collègues du Royaume-Uni et de l'Australie nous ont dit que le processus d'élaboration du plan est aussi important que le contenu du plan. Il faut que la légion de spécialistes, de praticiens de notre pays, soit consultée. Le Royaume-Uni et l'Australie ont montré qu'en fait, le processus de véritables consultations auprès des gouvernements provinciaux et territoriaux, des gouvernements autochtones et des fournisseurs de services de première ligne, est à la base du contenu qui conviendra, mais qu'il s'agit d'une démarche itérative.
    Les deux pays ont donc revu leur démarche. Le Royaume-Uni a commencé son processus en 2010, tout comme l'Australie. Toutefois, ils ont fait une révision et une réorganisation et ils continuent de réfléchir aux plans sur 10 et 12 ans. Ils n'arriveront jamais à une solution parfaite. Nous apprenons au fur et à mesure. Toutefois, nous devons commencer et mettre cela par écrit.
     Plan International Canada appuie la campagne de Place au débat. Elle est menée par un regroupement de plus de 100 organismes de défense des droits des femmes de partout au pays. L'objectif de la campagne, dont vous entendrez beaucoup parler au cours des semaines et des mois à venir, c'est de favoriser un débat national pour donner aux chefs de partis l'occasion de parler des enjeux qui touchent les femmes, dont la violence.

  (1120)  

    En terminant, je veux dire que nous sommes un peu en retard, mais nous pouvons le rattraper, ce retard. Nos pairs du Royaume-Uni et de l'Australie ont les mêmes difficultés que nous sur le plan des compétences, mais ils ont déjà élaboré un plan d'action national et un plan de consultations nationales, qu'ils mettent maintenant en oeuvre.
    Bien entendu, les attentes sont grandes, concernant le comité, et tous les éléments que Jane et moi avons mentionnés doivent caractériser le plan d'action national — un plan bien financé, bien conçu, intégré, multisectoriel, et la tenue de vastes consultations —, car la violence contre les femmes et les enfants est injustifiable, mais elle est tout à fait évitable.
    Je serai ravie de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Madame McCarney, je vous remercie beaucoup de votre témoignage.
    C'est maintenant au tour de M. Minerson, qui dispose de 10 minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs, c'est vraiment un honneur pour moi d'être parmi vous aujourd'hui, surtout en présence des deux autres invitées, deux femmes que je respecte et que j'admire énormément. Elles ont déjà expliqué de façon remarquable quelques-uns des points dont je voulais parler.
    Je m'appelle Todd Minerson. Je suis directeur général de la Campagne du ruban blanc. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif établi au Canada qui travaille à éradiquer la violence contre les femmes et les filles. Toutefois, notre démarche est unique; elle est axée sur la mobilisation des hommes et des garçons à cet égard.
    Je veux parler de quelques aspects liés à la mobilisation des hommes et des garçons pour prévenir la violence. Je veux vraiment me concentrer sur trois aspects.
    Je dois vous parler un peu de la Campagne du ruban blanc, car sinon, les membres de mon conseil d'administration vont me tuer. Je vais donc vous parler un peu de ce que nous faisons. Toutefois, je veux vraiment me concentrer sur deux questions essentielles: pourquoi devrions-nous mobiliser les hommes et les garçons et de quelle façon devrions-nous le faire pour prévenir la violence contre les femmes et les filles?
    J'aimerais également présenter des recommandations au comité. En cette journée froide à Ottawa, cela m'a fait chaud au coeur d'entendre vos autres invitées parler de l'importance de la participation des hommes et des garçons.
    Je vais maintenant vous parler de la Campagne du ruban blanc. Je vous promets d'être bref. Bon nombre d'entre vous savent probablement ce qui est à l'origine de la campagne. C'est le massacre qui a eu lieu le 6 décembre 1989 à l'École Polytechnique de Montréal où 14 femmes ont été assassinées. Après cet événement tragique, un petit groupe d'hommes, dont le regretté Jack Layton, se sont réunis et ont essayé de comprendre les rôles et les responsabilités qu'ont les hommes pour mettre fin à la violence envers les femmes et les filles. Il y a environ 24 ans, ils ont pris un engagement et ont créé un organisme que nous utilisons toujours aujourd'hui. On a promis de ne jamais commettre, approuver ou passer sous silence des actes de violence contre les femmes. Au cours des 24 années qui ont suivi, des choses très intéressantes se sont produites.
    Tout d'abord, notre organisme est devenu le seul organisme national qui se penche sur la prévention de la violence contre les femmes et qui est axé sur les hommes et les garçons. Nous collaborons avec des organismes de femmes, des groupes de Premières Nations, d'Inuits et de Métis, des éducateurs, des bâtisseurs communautaires, etc. Ensuite, au cours de cette période, notre organisme est devenu un chef de file mondial à ce sujet. Nous collaborons avec les Nations Unies, des gouvernements d'autres pays, des institutions majeures, des sociétés multinationales et d'autres ONG. Enfin, à partir d'un mouvement populaire, notre organisme est devenu la plus grande initiative d'hommes et de garçons au monde. Nous soutenons maintenant des activités dans plus de 65 pays, où des hommes et des garçons se réunissent autour de cette petite idée canadienne selon laquelle en tant qu'hommes, nous avons un rôle et une responsabilité dans l'élimination de la violence contre les femmes et les filles.
    Je vais passer aux questions principales. Pourquoi devrions-nous collaborer avec les hommes et les garçons? Que nous indiquent les faits?
    Les événements tragiques et forts médiatisés des derniers mois ont certainement fait en sorte que le rôle des hommes dans la violence contre les femmes prend maintenant une plus grande place dans notre conscience collective. Si je devais jouer à un petit jeu d'association de mots et que je vous mentionnais Ray Rice, Jian Ghomeshi, Bill Cosby, ou des équipes de hockey universitaire ou des facultés de médecine dentaire, vous sauriez tous de quoi je parle. Nul doute que le comité sait que non seulement notre pays, mais aussi tous les autres sont confrontés à un sérieux problème de violence contre les femmes, et que les hommes jouent un rôle prépondérant et troublant à cet égard.
    Je veux mentionner les noms d'autres hommes dont vous avez peut-être entendu parler. Je veux commencer par Glen Canning. C'est le père d'une jeune femme, Rehtaeh Parsons. Il défend maintenant sans relâche l'élimination de la violence envers les femmes.
    Vous avez peut-être entendu parler de Paul Lacerte. Il s'agit du directeur général de l'Association des centres d'amitié autochtones de la Colombie-Britannique. Avec sa fille, il a lancé la campagne Moose Hide pendant qu'il était à la chasse. La campagne vise à encourager des hommes faisant partie des Premières Nations, des Inuits et des Métis à jouer un rôle pour mettre fin à la violence contre les femmes.
    Je veux également vous parler d'un garçon de 13 ans, Max Bryant, que j'ai rencontré aux Nations Unies il y a quelques semaines. Après avoir écouté une entrevue qu'avait accordée Malala Yousafzai, Max a amassé 40 000 $ pour que les filles puissent aller à l'école.
    J'ai pu parler à Max. Je lui ai demandé pourquoi il avait fait cela. Il m'a regardé comme si je venais de la planète mars. Il m'a demandé ce que je voulais dire par là. « Pourquoi pas? », m'a-t-il répondu. Il m'a aussi dit que les filles ont le droit d'aller à l'école en toute sécurité comme les garçons. Il était tout à fait naturel pour lui de penser que l'égalité des sexes est la norme.
    Ce que je veux dire, c'est que lorsqu'il s'agit des hommes et de la violence contre les femmes, on se concentre habituellement bien davantage sur le problème que sur la solution. Dans la Campagne du ruban blanc, nous voulons résister énergiquement à cela. La plupart des hommes ne commettront jamais d'acte de violence contre des femmes ou des filles, mais un trop grand nombre d'entre eux n'en parlent pas. Nous croyons que tous les hommes, comme le disait Jane, peuvent faire partie de la solution, et nous mobilisons des milliers d'hommes et de garçons au pays à cette fin.
    Si nous voulons comprendre pourquoi et comment faire participer les hommes, il nous faut mieux comprendre les causes profondes de la violence envers les femmes. Mes collègues ont déjà donné des explications détaillées à ce sujet. C'est un problème complexe, mais selon notre point de vue, il y a trois causes profondes.

  (1125)  

    Comme les deux autres témoins l’ont déjà dit, la première cause est le fait qu’il y a bel et bien inégalité entre les sexes. Pensons au spectre des inégalités entre les sexes, qui donnent lieu à des meurtres, à des agressions sexuelles et à de la violence dont trop de femmes d’un bout à l’autre du pays sont les victimes. Plus de 1 400 femmes autochtones ont été tuées ou portées disparues, et trop de femmes sont battues par leur partenaire intime ou leur famille. Aussi, n’oublions pas les nouvelles formes de violence extrêmement troublantes en ligne et sur les réseaux sociaux que subissent plus de femmes que d’hommes.
    La deuxième cause fondamentale, comme Jane l’a aussi mentionné, est ces formes néfastes de masculinité. À la naissance, un bébé garçon ne naît pas un être humain violent, mais quelque chose arrive par la suite. Comment se fait-il que certains hommes considèrent qu’il est acceptable d’avoir recours à la violence envers les femmes? Existe-t-il des liens entre la manière dont les garçons sont socialisés à un très jeune âge et poussés à se conformer à la norme impossible que constitue celle d’être un vrai homme, et où la pire chose que l’on puisse faire à un garçon, c’est de lui dire qu’il est une fille ou qu’il est gai ou n’importe quoi qui est moins que d’être un vrai homme? Les phrases « sois un homme », « les garçons seront toujours des garçons », « les garçons ne pleurent pas », « tu lances comme une fille », « cache tes émotions », « bats-toi », « prends tout ce qui te revient », tous ces aspects négatifs de la masculinité ont des répercussions tragiques sur les femmes et les filles, comme Rosemary l’a souligné, et ils causent aussi d’énormes préjudices aux hommes et aux garçons. Ce système de patriarcat est en train de tuer tout le monde.
    Enfin, la troisième cause fondamentale, que nous avons fini par bien comprendre dans le travail que nous effectuons auprès des communautés autochtones partout dans le monde, c’est l’histoire de la violence colonialiste et des traumatismes vécus par des communautés entières. Nous savons que, dans beaucoup de ces communautés autochtones, il n’y avait pas de violence fondée sur le sexe avant leur entrée en contact avec les blancs. En tant que non-Autochtone, je dois le reconnaître.
    Nous acceptons ces causes fondamentales, mais nous devons aussi accepter le fait que les hommes et les garçons ont aussi un rôle à jouer, non seulement en tant qu’auteurs d’infractions ou qu’éventuels auteurs d’infractions, mais aussi en jouant les myriades d’autres rôles qu’ils peuvent occuper dans la société, comme pères — un des principaux moyens de motiver les hommes à ce sujet —, observateurs, dirigeants spirituels et communautaires, employeurs et chefs d’entreprise, responsables de politiques gouvernementales et institutionnelles et êtres humains.
    Nous en sommes venus à appeler ce travail de la prévention primaire. En termes clairs, il consiste à désamorcer la violence avant qu’on n’y ait recours. Pour faire cela, nous devons encourager de façon concrète les hommes à s’exprimer et à dire franchement ce qu’ils penseraient de remettre en question et de changer les normes sociales relatives aux hommes et à la violence, et d’assumer et d’élargir les rôles que nous occupons déjà de manière à éradiquer toutes les formes de violence fondée sur le sexe. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il s’agit d’un complément au travail vital qui doit se poursuivre, qui consiste à soutenir les femmes qui doivent quitter des situations de violence et d’abus, de même qu’à s’attaquer aux conditions qui perpétuent la violence.
    À notre avis, il s’agit d’une approche encore inexploitée pour prévenir la violence. Elle pourrait bien changer la donne et, à certains moments, il s’agit d’un travail difficile et frustrant. L’approche peut aussi présenter beaucoup de défis, mais quand nous parlons avec des hommes comme Max Bryant ou les autres dont j’ai parlé plus tôt, cela nous donne beaucoup d’espoir.
    J’aimerais brièvement aborder ce que nous avons appris sur le plan des pratiques prometteuses.

  (1130)  

    Vous disposez de deux minutes.
    D’accord.
    Certaines d’entre elles sont directement liées à un de nos projets qui est financé par Condition féminine Canada et que nous appelons notre réseau national d’échange des pratiques. White Ribbon facilite l’établissement de liens entre neuf projets menés dans l’ensemble du pays, qui sont tous financés par Condition féminine et qui mènent des efforts de prévention auprès des hommes et des garçons. Ces partenaires incroyables mettent en oeuvre des programmes novateurs d’un bout à l’autre du pays, de Whitehorse, au Yukon, à Moncton, au Nouveau-Brunswick, en passant par Edmonton, en Alberta, et London, en Ontario.
    En novembre, nous publierons un rapport d’impact sur les pratiques prometteuses, qui portera sur les données tirées de l’évaluation de tous ces neuf projets et, à partir de ces données, nous créons présentement une trousse d’outils qui incitera à l’action et qui aidera les collectivités de l’ensemble du pays à faire un travail de ce genre.
    La dernière section dont j’aimerais parler est celle où il est question des éléments du travail auprès des hommes et des garçons que nous qualifions de non négociables. Quatre éléments sont absolument essentiels.
    Le premier élément consiste à rappeler que ce travail s’inscrit dans une lutte en vue d’une plus grande égalité entre les sexes, que la mobilisation des hommes et des garçons doit être effectuée dans la perspective des droits de la personne et de l’égalité des femmes. Si nous ne visons pas l’égalité entre les sexes, nous nous y prenons mal.
    Le deuxième, c’est que le travail doit aussi viser à remettre en question et transformer des idées préconçues concernant les hommes et les femmes, notamment celles qui sont préjudiciables à l’égard de la masculinité et qui causent énormément de tort à beaucoup de personnes.
    Le troisième, c’est que le travail doit aussi prendre en considération la pénurie et la rareté des ressources nécessaires pour résoudre les problèmes auxquels les femmes sont confrontées. En tant qu’hommes travaillant au dossier de l’égalité entre les sexes et qu’alliés, nous ne pouvons ni contribuer aux inégalités structurelles liées aux ressources ni au manque de ressources nécessaires pour résoudre les problèmes d’intérêt pour les femmes. Nous devrions envisager de mettre en place un plus grand gâteau plutôt que de couper un autre morceau d’un déjà petit gâteau de ressources disponibles.
    Quatrièmement, le travail doit être fondé sur des données probantes.
    Il y a beaucoup de défis, et j’aimerais formuler trois recommandations pour aider à les relever.
    Je savais que Rosemary serait un des témoins et que la discussion porterait donc sur un plan national et pangouvernemental. Je n’ai donc pas prévu entrer dans beaucoup de détails à ce sujet. Cependant, je dirai que tout plan devrait inclure un volet de prévention primaire auprès des hommes et des garçons qui couvrira un spectre d’engagements et leur cycle de vie. Il faudrait aussi prévoir plus de fonds pour créer des occasions de travailler ensemble, parce que rien ne peut stimuler l’innovation et provoquer des changements plus rapidement que de collaborer et de partager ses pratiques exemplaires.
    Pour terminer, j’espère que j’ai présenté des arguments convaincants en faveur du rôle positif que les hommes et les garçons peuvent jouer sur le plan de la prévention de la violence envers les femmes et les filles. Non seulement il s’agit d’une manière efficace d’intervenir, mais il existe aussi une obligation morale de créer un monde plus sûr pour les femmes et les filles. En 2015, nous devrions être indignés par le fait que 51 % de nos filles, de nos soeurs, de nos mères, de nos amies et de nos collègues subiront un acte de violence physique ou sexuelle au cours de leur vie.
    Il existe aussi des considérations pratiques dont il faut tenir compte. Selon des recherches effectuées en 2011 par une femme appelée Colleen Varcoe, le coût estimé de la violence envers les femmes s’élèverait à 6,9 milliards de dollars par année. Selon les estimations formulées dans le cadre du projet Shift, mené à l’Université de Calgary, chaque dollar alloué à la prévention pourrait permettre de réduire de 20 $ ce qu’il en coûte en aval pour lutter contre la violence envers les femmes. Soyons clairs: il est possible de prévenir la plupart de ces actes de violence. Pour chaque agresseur, il existe des centaines de Glen Canning, de Paul Lacerte et de Max Bryant. Nous essayons de les mobiliser, et nous pensons que nous pourrions faire mieux.
    Merci.
    Merci beaucoup. Vous rendez mon travail très difficile, car je n’aime pas interrompre les gens. Cependant, j’espère que, dans vos réponses aux questions, vous pourrez soulever les points que vous vouliez aborder. Je suis certaine que les questions seront très intéressantes.

[Français]

     Madame Truppe, vous avez la parole. Vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Bienvenue. Je vous remercie beaucoup de tous vos témoignages, qui nous sont bien utiles dans le cadre de notre étude sur les pratiques exemplaires, parce qu’ils nous permettront de dresser une liste de choses qui fonctionnent réellement et, espérons-le, d’en faire part à d’autres organismes.
    Sept minutes passent très rapidement, et je n’ai jamais assez de temps pour poser toutes mes questions. Ma première question s’adresse à Todd, au sujet de White Ribbon.
    L’organisme White Ribbon est très bien connu — certainement dans l’ensemble du Canada, mais aussi partout dans le monde. Félicitations. L’idée est probablement née, comme vous l’avez dit, lors de discussions autour d’une table de cuisine, sans que beaucoup de gens n’en aient entendu parler. Toutes les fois que j’ai demandé à des gens s’ils en avaient entendu parler, je ne pense pas que qui que ce soit n'ait jamais dit non. Qu’ils aient porté ou non un ruban, ils semblaient tous en avoir entendu parler.
    Vous avez reçu des fonds de Condition féminine. Avez-vous précisé si c’était pour le réseau national de condition ou…?

  (1135)  

    C’est un réseau national d’échange des pratiques.
    Vous souvenez-vous du montant qui vous a été alloué?
    Oui. C'est 300 000 $ sur trois ans.
    D'accord.
    D’où provient la majorité de votre financement? De dons ou d’autres organisations?
    À White Ribbon, de 25 à 30 % de notre financement provient de différents ordres de gouvernement d’un bout à l’autre du pays pour des projets précis. Ensuite, de 10 à 15 % des fonds proviennent de collectes de fonds traditionnelles d’organismes à but non lucratif. Nous organisons un événement appelé « Marcher un mille dans ses chaussures », où 1 000 hommes marchent au centre-ville de Toronto en chaussures à talons hauts.
    Oui.
    La balance de 55 ou 60 % de notre financement provient en fait des revenus que nous tirons de notre entreprise sociale, qui fait essentiellement du travail d’expert-conseil pour d’autres ONG, des sociétés multinationales et des établissements postsecondaires, pour lesquels nous élaborons des projets et des interventions tant au Canada qu’à l’étranger.
    Parfait. C’est de l’argent bien dépensé.
    Je connais bien la journée « Marcher un mille ». Mon mari y participe chaque année. J’aime bien pouvoir être dans les coulisses pendant qu’il porte le costume.
    Des voix: Oh, oh!
    Nous encourageons toutes les femmes à porter leurs chaussures les plus confortables.
    Oui. Il sait comment on se sent.
    Pour revenir au financement de Condition féminine pour votre projet actuel, je pense que vous avez dit qu’il existe neuf projets et qu’une trousse d’outils serait bientôt disponible. Avez-vous dit que ce serait en novembre?
    Oui. Condition féminine finance neuf projets distincts du nôtre. Neuf projets financés de façon indépendante sont en cours d’un bout à l’autre du pays…
    Distincts. D’accord.
    … et mènent des efforts de prévention de la violence auprès des hommes et des garçons.
    Nous facilitons l’établissement d’un réseau d’échange des pratiques entre ces neuf projets et nous les rassemblons dans l'objectif de collaborer, de cerner les besoins en matière de formation et de renforcement des capacités et aussi de créer ce que nous appelons un cadre d’évaluation nationale. Chaque projet a son propre modèle d’évaluation, et nous l’avons chapeauté d’un modèle d’évaluation national pour que nous puissions recueillir toutes les données des neuf projets et pour comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, où se trouvent les lacunes et quels sont les défis. En novembre, nous publierons la première analyse des données tirées des évaluations. Nous allons prendre ces résultats et élaborer une trousse d’outils pour que d’autres organismes et collectivités puissent avoir un accès en temps réel à ces pratiques exemplaires du Canada et lancer des programmes dans leurs collectivités.
    C’est formidable. Cela nous sera très utile.
    Je crois que vous avez mentionné que vous donnez des formations et faites des présentations à des candidats au brevet d’éducateur et au brevet d’enseignant. Je pense que vous vous adressez aux élèves aussi. Parlez-vous aux garçons et aux filles, ou organisez-vous une classe spéciale uniquement pour les garçons?
    Excellente question. Certains contextes et certains moments conviennent à des classes mixtes, à des classe d’un sexe seulement et au rassemblement de tous les enfants. Beaucoup de notre travail est axé sur les hommes et les garçons et, souvent, nous travaillons en partenariat. Par exemple, nous avons travaillé en partenariat avec certaines des initiatives Parce que je suis une fille à Toronto. Dans ces cas, nous travaillons un peu avec les garçons pendant que les autres groupes travaillent avec les filles, et ensuite, nous les réunissons. Parfois, c’est à ce moment-là que la magie se produit, pendant les échanges au sujet de ce qu’ils ont appris.
    Je sais que nous avons lancé beaucoup d’initiatives différentes auprès des hommes et des garçons. On peut faire tout ce que l’on peut pour aider les femmes et les filles, mais cela ne donnera jamais de bons résultats; ce sera toujours la même histoire parce que les hommes et les garçons ne sont pas mobilisés. Il est vraiment bon que, maintenant, tout le monde mobilise les hommes et les garçons.
    Revenons à ce que vous faites dans les écoles et à toute la formation que vous donnez. Existe-t-il des pratiques exemplaires, quelque chose qui a donné de bons résultats dans le cadre des programmes scolaires, dont vous aimeriez nous faire part?
    Le fait de travailler dans les écoles présente certains défis. Certains sont d’ordre structurel. Comment fait-on pour s’adresser à toutes les écoles et à toutes les classes? Il y a aussi ce que l’on appelle parfois le défi du dosage: combien d’interventions, combien d’assemblées et combien d’ateliers faut-il organiser avant que des changements commencent réellement à s’opérer?
    Nous essayons de nous y prendre sous un tas d’angles différents. Nous essayons d’optimiser le dosage et les renseignements qui sont présentés aux jeunes. Nous essayons de les mobiliser, mais nous travaillons aussi beaucoup avec des éducateurs. Nous essayons de maximiser les effets bénéfiques que nous pouvons obtenir. Par exemple, nous travaillons avec les syndicats d’enseignants de l’Ontario, avec les fédérations d’enseignants tant du primaire que du secondaire. Dans les deux cas, nous avons élaboré des modules d’apprentissage en ligne pour les enseignants. Chaque année, nous pouvons peut-être parler à 10 000 enfants avec notre effectif complet, mais nous avons aussi créé des outils d’apprentissage destinés aux enseignants, qui sont maintenant à la disposition de 160 000 enseignants en Ontario.
    C’est formidable.
    M. Todd Minerson: Nous sommes donc en mesure d’intensifier nos efforts et obtenir de meilleurs résultats.
    Mme Susan Truppe: J’ai une dernière question pour vous. Nous parlons toujours de White Ribbon comme étant le plus important mouvement d’hommes et de garçons au monde. Avez-vous des chiffres à nous donner? Comment faites-vous pour obtenir ces chiffres?
    Il est difficile d’avoir des chiffres exacts à l’échelle mondiale, parce que nous sommes très décentralisés. Parmi mes participants préférés, il y a ceux qui sont comme le type en Écosse, qui nous envoie un courriel disant qu’il veut faire quelque chose dans sa collectivité.
    Ce que nous savons, c’est que, chaque année, nous expédions environ 150 000 rubans d’un bout à l’autre du Canada, aux collectivités et aux organisations qui mènent des activités et qui déclarent ne pas avoir reçu assez de rubans. De plus, nous pouvons faire le suivi dans 70 collectivités du Canada qui ont mené des activités de White Ribbon au cours de la dernière année civile. Par ailleurs, nous organisons des projets en partenariat avec près de 30 organisations différentes d’un bout à l’autre du pays.

  (1140)  

    Parfait. Merci pour l’excellent travail que vous faites.
    M. Todd Minerson: Merci.
    Mme Susan Truppe: Rosemary, j’aimerais vous poser quelques questions. Je ne sais combien de temps il me reste.
    Il vous reste une minute.
    D’accord.
    Je sais que vous travaillez dans des collectivités entre 10 et 12 ans avant de vous en retirer progressivement. Qu’arrive-t-il après votre retrait? Faites-vous un suivi périodiquement? Comment pouvez-vous savoir si tout continue de bien aller?
    En général, il faut de 8 à 12 ans pour renforcer les capacités locales, mais, en réalité, étant donné que les gens vivant dans les collectivités où nous travaillons sont dans une situation vulnérable — notamment à cause de désastres naturels, d’une guerre ou d’un conflit —, souvent il faut prendre un recul et recommencer. Le district de Hambantota, au Sri Lanka, après le tsunami en est un bon exemple: nous venions tout juste de passer à une collectivité voisine quand le tsunami a frappé. Nous savions où les choses et les gens étaient censés se trouver, entre autres, alors nous y sommes retournés. Du fait que notre objectif consiste à développer des collectivités durables, qui sont notamment en mesure de gérer des réseaux d’alimentation en eau et des conseils scolaires, souvent, ce que nous faisons, c’est de réunir les personnes qui ont de l’expertise et leur demander de venir avec nous dans une collectivité voisine pour en former d’autres.
    Quand je dis « voisine », il s’agit vraiment d’une collectivité « voisine ». Nous quittons rarement un pays, mais, en fonction du niveau des indicateurs humains, nous sommes en mesure de déterminer si nous pouvons quitter la collectivité et tirer parti des pratiques qui y ont été établies pour mobiliser les dirigeants locaux pour faire le transfert de ces connaissances.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Madame Freeman, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Je remercie tous les témoins d’être parmi nous ce matin. Je suis très, très reconnaissante que vous soyez ici.
     Ma première question s’adresse à Jane Doe.
    Mme McCarney et M. Minerson ont clairement dit qu’ils considèrent qu’il faudrait élaborer une stratégie nationale visant à mettre fin à la violence envers les femmes. Ils ont formulé beaucoup de recommandations, et je les remercie. Comment envisageriez-vous une stratégie nationale pour mettre fin à la violence envers les femmes au Canada? Quels devraient en être les éléments essentiels? À votre avis, est-ce qu’une telle stratégie serait utile?
    Je joue en quelque sorte le rôle de critique. Mon travail et ma passion consistent à voir ce qui ne fonctionne pas en général sur le plan des agressions sexuelles et de la violence envers les femmes. Selon moi, nous ne comprenons ni la nature des crimes que sont les agressions sexuelles et les viols ni les préjudices causés par ces crimes. Par conséquent, je remets en question toutes les solutions que nous concevons et tous les comités qui sont constitués, notamment par nous ou le gouvernement, et qui ont comme mandat de trouver une solution.
    Nous accusons un si grand retard et nous analysons tellement de travers la nature de ce crime et les répercussions qu’il a sur les femmes qui en ont été les victimes, leurs enfants et l’ensemble de la société. Tout le monde est concerné par ce crime. D’après moi, le comité national — parce que, bien sûr, nous en avons besoin — devrait commencer par passer beaucoup de temps sur les processus utilisés, comme on l’a mentionné. Il est essentiel de faire cela et de s’assurer que tout comité constitué comprenne la nature de ce crime.
    Est-ce que cela répond un peu à votre question?
    Cela me parait très logique. Vous avez parlé de la différence qui existe entre la manière dont nous traitons les victimes de violence et ce que nous devrions faire pour les soutenir effectivement.
    Nous ne comprenons pas cela. Nous n’y croyons même pas. Nous ne croyons pas que les femmes sont traitées de cette manière devant les tribunaux. Compte tenu de ce déni et de cette incrédulité, il est impossible de…
    Nous devons nous pencher sur cela avant même de penser à des solutions ou de constituer des comités nationaux sur ce crime en particulier.
    Pourriez-vous nous parler davantage de la manière dont nous avons tendance à interroger les femmes qui font part de ce qui leur est arrivé, qui sont des victimes?
    C’est intéressant; nous avons tous vu cela à la télévision, et c’est à peu près la même chose qui arrive. Parfois, c’est exactement la même chose que ce que nous voyons à la télévision. Les femmes sont écrasées. Tous les aspects de leur vie sont utilisés contre elles devant un tribunal. Il s’agit d’une pratique générale et, comme je l’ai dit, cela arrive tous les jours. Je ne peux même pas commencer à dresser la liste des atrocités qui sont commises. Cela arrive en ce moment dans notre pays.
    À mon avis, nous devrions tous assister à un procès pour agression sexuelle. Voici le point que j’essaie de faire: on ne devrait pas avoir le droit d’élaborer des politiques ou de constituer des comités avant d’avoir assisté à un procès pour agression sexuelle et d’avoir été témoin de ce qui s’y produit, ou au moins de s’être renseigné auprès d’experts qui y ont assisté.
    Si nous allons établir le système judiciaire comme remède — et il semble bien qu’il n’y a pas d’autre choix —, les femmes doivent être représentées par un avocat. La Couronne ne les représente pas. Le gouvernement devra se pencher sur la manière dont les juges et les avocats font fi de la loi tous les jours.

  (1145)  

    Nous devons mettre l’accent sur le fait de donner des pouvoirs aux femmes.
    Absolument.
    Est-ce que le droit de garder l’anonymat fait partie de ces pouvoirs importants?
    Absolument.
    Personnellement, je suis très fière de ce que j’ai fait. En réalité, je préférerais me servir de mon vrai nom, mais comme j’ai parlé de ce genre d'humiliation et d’accusations… Je fais beaucoup de choses dans la vie, et mon vrai nom est assez bien connu. Si je disais qui je suis, plus rien de ce que je fais ne compterait; je serais désormais la victime d’un viol. Je refuse de porter cette étiquette. Je refuse catégoriquement de la porter. C’est trop préjudiciable; c’est trop dommageable. Par conséquent, l’ordonnance de non-publication m’aide.
    Pourtant, dans un sens, de la manière dont le système actuel fonctionne, à moins qu’une femme soit prête à faire cela… Même en tant que Jane Doe, vous portez tout de même cette étiquette.
    Absolument.
    Voyez-vous d’autres façons d’obtenir réparation pour quelque chose qui est arrivé? De toute évidence, quand il s’agit d’une agression sexuelle, c’est pire, mais quand il s’agit de harcèlement sexuel ou d’autres formes de violence faites aux femmes dans la société, quelles pourraient être d’autres façons d’obtenir réparation?
    Comme vous le savez, mes collègues et moi avons déjà abordé ce sujet.
    L’éducation sexuelle doit mettre l’accent sur le fait que le consentement est essentiel et doit porter non seulement sur la responsabilité, mais aussi sur le plaisir et les sens, et les échanges à ce sujet devraient commencer quand les enfants sont très jeunes. Mes programmes réguliers, qui sont lancés d’un bout à l’autre du pays, montrent aux jeunes hommes et aux jeunes femmes ce qu’ils peuvent faire, comment ils peuvent participer à ce qu’ils voient autour d’eux sans directement mettre leur vie en danger.
    Quant à l’éducation, selon moi, nous devrions regarder les universités et les collèges au pays. Une des choses que je suggérerais  — et sur laquelle je travaille en ce moment pour un de mes modules — serait d’intégrer disons trois ou quatre classes dans les programmes d’études actuels en droit, en journalisme, en sciences de la santé, en études religieuses, en sciences humaines et en travail social. Tous ces étudiants seront appelés à s’occuper de cas d’agressions sexuelles; d’une façon ou d’une autre, ils seront tous des intervenants de première ligne. Aucun de ces programmes, même le programme d’études en droit, ne prévoit de cours au sujet de ce crime.
    C’est un, ou deux, ou trois…
    J’aimerais revenir à la compréhension de la notion du consentement dans la société. À votre avis, pourrions-nous passer plus de temps à sensibiliser la population à cette question? On dirait que les gens ne comprennent pas du tout ce que cela veut dire.
    Oui, et nous devons le faire.
    Au lieu de parler de consentement, j’aime mieux parler d’un consentement passionné — de relations sexuelles qui sont passionnées et consensuelles. Nous mentons à nos jeunes au sujet des relations sexuelles. Nous ne leur parlons jamais du plaisir, qui est tout à fait naturel. Dès un très bas âge, nous en faisons l’expérience sous une forme ou une autre, que ce soit par la masturbation, le plaisir de se toucher soi-même… Nous vivons dans le déni total. À l’âge d’environ deux ou trois ans, nos enfants comprennent le plaisir que leur corps leur procure, et ils commencent à comprendre leur sexualité même quand nous pensons qu’ils ne la comprennent pas et que nous les empêchons de faire de telles choses.
    Le consentement est essentiel. Comme vous l’avez dit, nous devons faire bien attention à ce que nous voulons dire et à la définition que nous donnons aux mots.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Madame O'Neill Gordon, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    J’aimerais vous remercier de vos exposés. Vous nous avez certainement donné matière à réflexion.
    Ma première question s’adresse à Todd.
    J’ai beaucoup aimé ce que vous avez dit, et je suis d’accord avec vous pour dire qu’il faut montrer aux garçons la bonne manière d’agir et qu’il est important de tous travailler ensemble. J’ai trouvé votre exposé très positif et très puissant. Je vous en félicite, et je vous félicite aussi pour tout le travail que vous faites. Nous comprenons l’importance de White Ribbon.
    J’ai une question pour vous. En tant qu’ancienne éducatrice, j'aimerais savoir si vous ciblez un certain âge en particulier dans vos présentations? À quel groupe d’âge parlez-vous la plupart du temps à ce sujet?

  (1150)  

    Excellente question. Merci aussi pour vos remarques.
    À White Ribbon, nous disons que nous adoptons une approche qui est axée sur la force. Nous savons que les approches axées sur la peur, la culpabilité et la honte ne poussent pas les hommes à changer réellement de comportement sur ce plan. Par conséquent, nous considérons que cette approche est très importante.
    Pour répondre précisément à votre question sur l’âge, je dirais que chaque fois que nous nous adressons à des éducateurs, ils nous demandent: « Que faites-vous avant qu’ils en arrivent là? » Beaucoup de nos programmes commencent par cibler les enfants qui ont entre 8 et 14 ans, parce qu’il s’agit d’une période de transition dans leur vie, où ils peuvent commencer à penser à des relations sexuelles et à des choses de ce genre.
    Toutefois, nous pouvons leur parler même avant cet âge-là, mais c’est de façon un peu différente. Nous leur parlons plutôt du respect, de la diversité, de l’égalité, de la tolérance et de l’inclusivité. Il faut établir des liens avec des choses qui arrivent à l’école, notamment l’intimidation. Cependant, la plus grande partie du financement de nos programmes visent des jeunes d’au moins huit ans et c’est d’ailleurs à partir de cet âge que nous avons surtout accès aux enfants.
    C’est un bon âge. J’ai enseigné à des enfants de la première année du primaire. Par conséquent, je sais qu’il y aurait moyen d’établir certains liens et de leur transmettre des messages très importants dans la salle de classe. Par contre, si vous allez faire des présentations, il vaudrait mieux que ce soit à des enfants d’au moins huit ans.
    Les idées commencent déjà à prendre forme. Nous tenons un atelier avec des garçons de neuf ans en quatrième année. J'ai un fils de huit ans; c'est donc une question qui me touche de près et qui m'est chère. Quand je leur demande ce qu'ils n'aiment pas dans le fait d'être des garçons, la principale raison que ces jeunes me donnent, c'est qu'ils ne peuvent pas être mères.
    Nous avons parlé à un garçon après l'atelier et nous lui avons demandé ce qu'il entendait par là. Il m'a dit que d'après ce qu'il voyait à la télévision et dans le monde, c'est toujours les mères qui prennent soin des enfants et qui dispensent de l'affection. Les pères sont toujours présentés comme des idiots, des balourds, des maladroits. À neuf ans, ce garçon savait déjà que quelque chose lui était potentiellement inaccessible parce qu'il était un garçon.
    D'autres raisons figuraient sur la liste, comme la pilosité abondante et les mauvaises odeurs, au sujet desquelles nous ne pouvions pas faire grand-chose, mais il y avait aussi le fait qu'ils avaient automatiquement une mauvaise réputation. Ainsi, à neuf ans, ces garçons considéraient que ce qu'ils n'aimaient pas au sujet d'être des garçons, c'était que les gens assumeraient automatiquement qu'ils ont une mauvaise réputation.
    Pour appuyer le point soulevé plus tôt par Rosemary et le message que nous tentons de transmettre dans le cadre de la Campagne du ruban blanc, je dirais que c'est un système terrible, particulièrement pour les femmes et les filles, mais aussi pour les hommes et les garçons quand ces jeunes de neuf ans tiennent de tels propos.
    C'est très intéressant à entendre.
    Merci de votre exposé et de votre bon travail.
    Ma prochaine question s'adresse à Rosemary. Plan Canada est, comme nous le savons tous, un des plus anciens organismes de développement international, qui travaille en partenariat avec des millions de gens à l'échelle internationale afin d'éradiquer la pauvreté dans le monde. C'est une initiative très importante, et je me demande dans combien de pays Plan Canada travaille.
    Nous travaillons dans plus de 70 pays.
    Dans quelle mesure Plan Canada a-t-il réussi à atteindre ses objectifs?
    Je pense que nous sommes très pratiques dans notre approche. Notre objectif consiste à habiliter les communautés et les gens afin qu'ils assument la propriété et la responsabilité de leurs propres communautés, car ce qu'il faut vraiment, c'est habiliter les autres à faire le travail.
    À l'échelle internationale, nos équipes comptent quelque 8 000 personnes réparties dans 70 pays; de ce nombre, tous sauf 100 sont des citoyens locaux de ces pays. Nous les aidons en leur offrant de l'aide technique et financière pour accomplir les grandes priorités que les communautés se sont elles-mêmes fixées.
    Le processus de consultation dont nous avons parlé au sujet du plan d'action national s'applique partout dans le monde, car si je passais une année à consulter une communauté à propos de ses priorités, le chef ou les dirigeants traditionnels me diraient qu'ils ont besoin d'une clinique médicale, car il n'y en a pas et que c'est ce qu'ils veulent dans l'avenir. Mais les femmes pourraient dire qu'elles ont plutôt besoin d'éducation préscolaire et d'une salle de classe d'enseignement primaire dans le village, parce que c'est trop plein. Si je m'assois pour discuter avec les adolescents de la communauté, ils me diront peut-être qu'ils ont besoin d'un transport sécuritaire vers leur école secondaire, car ils ne pourront pas fréquenter l'école s'ils doivent se rendre dans une autre ville. Les petits enfants pourraient répondre quelque chose de complètement différent.
    Ces points de vue sont tous valables, mais il faut rassembler la communauté et l'amener à déterminer ses priorités en établissant un plan indiquant ce que les gens peuvent faire et l'aide que nous pourrions leur apporter pour atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés.
    Ces objectifs sont très contextualisés.

  (1155)  

    Oui, certainement.
    Vous avez évoqué le financement. Je sais que vous accomplissez assurément beaucoup de travail; vous avez donc besoin d'un financement substantiel.
    Je me demande si vous recevez des fonds de Condition féminine et dans quels domaines.
    Nous en recevons. Condition féminine est un partenaire formidable.
    Comme c'est le cas pour Todd, la vaste majorité du financement que nous recevons vient de particuliers canadiens. Environ 250 000 Canadiens des quatre coins du pays font régulièrement des dons à notre oeuvre et prennent chaque mois la décision de faire une contribution. Nous bénéficions également du soutien de fondations et d'autres partenaires. Mais le reste vient de projets avec le MAECD, Condition féminine et des organisations internationales comme la Banque mondiale, le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, le Programme alimentaire mondial, etc.
    C'est bon à entendre.
    Cela inclut Condition féminine. Nous accomplissons du travail merveilleux actuellement avec cet organisme et les Y du pays afin d'aider les jeunes filles à déterminer ce qu'elles veulent faire pour résoudre les problèmes qu'elles observent dans leurs communautés en ce qui concerne la violence, la discrimination, l'exclusion, etc.
    Savez-vous, à brûle-pourpoint, combien d'argent vous recevez de Condition féminine?
    Comme en sept ans, nous avons réalisé un certain nombre de choses avec Condition féminine, je ne saurais dire combien en tout, mais je vous transmettrai les chiffres avec plaisir.
    Merci beaucoup. Nous vous prierions de bien vouloir transmettre l'information à la greffière. Nous la communiquerons à tous les membres.
    Merci beaucoup, madame O'Neill Gordon.
    Madame Bennett, vous disposez de sept minutes.
    Merci à tous. J'ai particulièrement apprécié toute l'attention que vous avez accordée aux jeunes garçons. Étant mère de deux fils, je m'inquiète chaque jour que les jeunes puissent grandir en pensant que c'est acceptable.
    Depuis 2002, moment où le premier rapport de l'OMS sur la violence est paru, je ne pense pas que nous ayons bien expliqué en quoi consiste la violence. Qu'il s'agisse d'un commentaire en ligne ou d'une remarque désobligeante, je ne pense pas que nous ayons fait du bon travail.
    Je pense que la Fédération canadienne pour la santé sexuelle ou bien des gens sont d'avis que nous devons corriger le tir en expliquant ce que sont les relations respectueuses au lieu de proposer une définition vraiment limitée dont nous ne semblons pas capables de nous éloigner, qui consiste à dire qu'on n'est pas violent si on ne frappe pas quelqu'un.
    Je me demande si, dans vos démarches pour contrer la violence, vous avez des exemples de la manière dont vous intervenez précocement auprès des petits garçons et des petites filles pour leur expliquer en quoi consistent les relations respectueuses au lieu d'utiliser immédiatement une étiquette que les gens rejetteront.
    Je me demande — cela s'adresse à la greffière — si le comité a le plan d'action de l'Australie et du Royaume-Uni, ainsi que l'étude de 2002 et le rapport de 2014 de l'OMS, dans lequel l'organisme a tenté d'évaluer notre degré de réussite, qui ne semble guère impressionnant.
    Je pense, Jane, que vous conviendriez que bien avant que les gens n'aboutissent en cours, il faut faire du travail de prévention pour qu'ils comprennent les définitions d'« importun » et de « consentement ».
    Pouvez-vous me parler des expériences que vous avez peut-être eues dans le cadre du travail que vous faites afin de mettre l'accent sur les relations respectueuses au lieu de parler seulement de violence?
    Je commencerai par un bref exemple, si vous le voulez bien.
    Nous avons un projet financé par le gouvernement de l'Ontario dans le cadre de son volet de financement en matière de relations saines et égalitaires. Cette initiative appelée « Ça commence avec toi. Ça reste avec lui. » est une démarche de recherche introspective. Quand nous avons demandé aux hommes comment ils voulaient participer, ils ont principalement répondu qu'ils voulaient parler aux jeunes hommes de leur entourage.
    C'est un projet qui encourage les hommes dans leurs rôles de pères, d'éducateurs, de leaders de la communauté, de chefs spirituels et d'entraîneurs à faire exactement ce genre de chose dans le cadre de conversations et d'interventions avec les jeunes hommes qu'ils côtoient.
    Nous avons tenté de déceler et d'éliminer les obstacles. Les hommes nous indiquent qu'ils ne savent pas comment faire; ils craignent de mal s'y prendre, puisque personne ne leur a montré l'exemple.
    Cette campagne vise à offrir des ressources aux hommes pour leur permettre d'assumer ce rôle et de parler aux jeunes hommes des relations saines et égalitaires, du consentement actif et de toutes ces choses dans le cadre de leur...

  (1200)  

    Comment l'initiative I Am a Kind Man cadre-t-elle dans le portrait?
     L'initiative I Am a Kind Man est un projet que nous avons contribué à mettre sur pied avec la Fédération des centres d'accueil indiens de l'Ontario. C'est une adaptation d'une bonne partie du travail que nous avons effectué pour les communautés autochtones. C'est un projet incroyable également.
    Chaque année, nous publions un rapport intitulé La situation des filles dans le monde. Il y a environ trois ans, ce rapport s'appelait Et les garçons dans tout ça? Dans le cadre de ce rapport, nous avons principalement mené des recherches dans cinq pays, dont le Canada, afin d'interroger des garçons de 9 à 12 ans pour trouver les points d'inflection et voir comment on pourrait s'attaquer à ces problèmes.
    Si vous examinez ce rapport, vous verrez que les garçons du Canada sont très semblables à ceux de l'Inde; 96 % d'entre eux ont indiqué qu'ils croyaient à l'égalité et considéraient que les filles de leur classe pouvaient agir à leur gré. C'est donc un pourcentage dans la tranche supérieure des 90 % qui avait d'excellentes attitudes. Puis nous leur avons demandé ce qu'ils pensaient du rôle des hommes et des garçons, et ils répondu qu'il consiste à protéger les filles. Leur rôle, en grandissant, est d'agir comme pourvoyeur. C'est ce qu'ont répondu il y a trois ans ces jeunes Canadiens âgés de 9 à 12 ans fréquentant notre brillant système scolaire dans toutes les régions du pays.
    Même s'ils étaient très sensibilisés sur le plan de l'égalité, ils n'avaient pas appris ce que cela signifie en pratique sur le plan des attentes de la société à leur égard, et les problèmes de violence auxquels ils étaient confrontés dans les cours d'école en raison de nos définitions stupides et étroites de ce que c'est que d'être un garçon et de sexe masculin étaient à fendre le coeur. C'était probablement la première fois que je préparais ces rapports annuels, et vous savez, nous travaillons dans le nord du Nigeria et en Syrie, mais j'ai frissonné en comprenant que ces jeunes Canadiens étaient aux prises avec exactement les mêmes problèmes.
    Si je vous incite fortement à prendre connaissance du rapport de l'Australie, c'est parce que les chercheurs ont examiné le problème sur un horizon de 12 ans. On ne peut modifier le cours des choses du jour au lendemain. Un groupe, une association ne peut y parvenir. Les chercheurs se sont penchés non seulement sur la prévention et la responsabilisation, mais aussi sur le changement de comportement nécessaire et les choses dont parlent mes collègues et qui sont impératives, mais il faut intervenir et commencer très jeune.
    Je suis certainement d'accord.
    Je connais un projet à l'Université de Victoria, en Colombie-Britannique. C'est un projet de lutte contre la violence, mis en oeuvre à l'université même, évidemment. Même s'il accuse un certain retard, il a fait des merveilles en étudiant le problème des agressions sexuelles sur le campus et en élaborant des programmes, notamment le programme de spectateurs et des programmes d'éducation sexuelle obligatoires pour les athlètes et les hommes en général, dans le cadre desquels ils se réunissent pour parler de ce qu'il se passe.
    J'ai beaucoup travaillé avec la Linden School, une école pour filles de Toronto. Comme c'est une école privée, l'accès y est bien plus facile. Il est très difficile d'implanter des programmes dans le réseau d'écoles publiques, principalement en raison des objections des parents. Je pourrais peut-être aussi vous conseiller de vous intéresser aux parents en ce qui concerne l'éducation sexuelle.
    À mon avis, il est absolument essentiel de comprendre qu'il ne suffit pas d'instaurer des programmes et de les offrir une ou deux fois par année. L'information doit être intégrée à toutes les autres matières. On ne peut pas se contenter d'envoyer quelqu'un parler de ces questions. Comme je l'ai indiqué précédemment, il faut insérer dans tout notre système d'éducation des modules qui traitent expressément des problèmes de violence.

[Français]

     Merci beaucoup à toutes et à tous.
    Madame Crockatt, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente, et merci encore à tous nos témoins de comparaître aujourd'hui. Je pense que j'ai été épatée quand chacun d'entre vous a pris la parole. Nous avons vraiment appris de nouveaux éléments que je considère essentiels.
    Ma famille s'est investie dans ce domaine. Ma mère a ouvert un des premiers centres pour femmes battues, et j'ai lancé un centre pour victimes d'agression sexuelle. Nous avons commencé par sortir les femmes de la situation, puis nous avons sorti les femmes et les enfants de la situation, pour ensuite déposer des accusations contre les hommes. Nous avons par la suite entrepris d'éduquer les familles. Il semble maintenant que nous éduquions des communautés. Je constate que nous progressons quelque peu vers nos objectifs, mais je pense que vous nous parlez tous aujourd'hui d'éduquer les communautés. Je retiens très certainement de vos propos que c'est ce que nous devons vraiment faire au lieu de limiter l'intervention aux personnes concernées. Pour rompre le cycle, il faut intervenir dans les écoles et dans le domaine du sport, deux choses très importantes que nous avons, selon moi, apprises aujourd'hui.
    Je vous remercie, Jane Doe, de sonner l'alarme en nous indiquant qu'il y a des problèmes de taille auxquels nous devons nous attaquer. J'ai vraiment aimé l'idée de modèles d'identification, particulièrement pour les jeunes garçons. Je me souviens d'un moment avec mon garçon quand il avait environ 11 ans. Il était plutôt turbulent, et en 7e année, il a eu comme professeur un jeune homme vraiment formidable, frais émoulu de l'université, qui était donc dans le vent. Un jour, mon fils est revenu de l'école et m'a dit « Maman, j'ai compris qu'on n'a pas à être méchant pour être dans le vent. »
    Je pense que c'est ce que nous apprenons avec les Argonauts de Toronto, les Stampeders de Calgary, les Eskimos d'Edmonton et d'autres équipes. Cela me rappelle le programme Changemakers aux États-Unis et l'initiative Dads United for Parenting. Je pense qu'une bonne partie des efforts tendent dans cette direction.
    Todd, je veux que vous traitiez davantage de la question, car je crois que c'est l'élément principal que nous devons retenir dans le cadre de cette étude. Pourriez-vous nous en parler, je vous prie?

  (1205)  

    Oui. Le pouvoir des modèles d'identification est vraiment important. Cela s'inscrit en partie dans l'approche fondée sur la force dont j'ai parlé plus tôt, laquelle consiste à modifier les attitudes et les comportements en montrant le bon exemple, et non en condamnant les mauvaises façons de faire. Nous devons évidemment tenir les gens responsables de leurs actes, mais si on veut vraiment changer un comportement, il faut monter aux gens quels seraient les comportements acceptables, notamment en leur présentant des modèles d'identification.
     Il faut aussi penser aux messagers qui présenteront ces modèles aux jeunes hommes et aux garçons. Nous réfléchissons beaucoup à la question. Dans certains cas, comme pour la sensibilisation, les célébrités, les athlètes, les musiciens et les joueurs de football font de bons messagers, mais pour ce qui est du comportement quotidien, les gens veulent aussi retrouver leur reflet dans le modèle. C'est à cet égard que des projets comme « Ça commence avec toi. Ça reste avec lui. » sont si importants. Les hommes qui veulent devenir de meilleurs pères et s'impliquer davantage dans la vie de leurs enfants ne veulent pas penser qu'ils doivent être des célébrités ou des grandes vedettes pour y parvenir. Ils veulent voir leurs propres expériences reflétées dans cet effort.
    Bien des hommes, quand on pense à la paternité d'aujourd'hui, veulent faire les choses différemment pour leurs enfants, qu'il s'agisse de garçons ou de filles. Nombreux sont ceux qui nous disent qu'ils ne savent pas comment s'y prendre parce que personne ne leur a montré l'exemple. Je ne jette pas le blâme sur leurs pères, car un grand nombre de nos pères appartiennent à une autre génération, y compris le mien, que j'adore. Il a probablement prononcé environ six mots sur le consentement, la santé sexuelle et les relations saines au cours de mes 43 années d'existence, et c'est probablement beaucoup.
    Il est essentiel d'avoir ces idées au sujet des modèles d'identification pour changer les comportements, mais ce n'est pas la seule manière. Les autres travaux que l'Organisation mondiale de la santé a réalisés en évaluant des projets avec des hommes et des garçons ont montré que ces démarches ont une efficacité optimale quand on peut travailler en petits groupes, quand les gens peuvent voir les comportements reflétés dans les communautés dont ils font partie, que ce soit une école, une famille ou un groupe confessionnel, et quand ces messages sont renforcés auprès du public. Si on peut s'attaquer au problème sous les trois angles pour que les hommes apprennent en petits groupes et mettent à l'essai le comportement qu'ils voient chez le modèle d'identification, et que les messages soient renforcés publiquement, c'est alors qu'on observe le changement d'attitude et de comportement le plus concluant et le plus durable.
    Notre message atteint-il les garçons autochtones?
    Il existe deux campagnes formidables: celle intitulée I Am a Kind Man, dont Mme Bennett a déjà parlé, ainsi que la Moose Hide Campaign, en Colombie-Britannique. Ces initiatives permettent de faire des merveilles, mais leur portée est-elle suffisante? Non.

[Français]

     Je vous remercie, madame Crockatt.

[Traduction]

    À la une du Globe and Mail ce matin, le chef Bellegarde de l'Assemblée des Premières Nations a déclaré que les Autochtones sont également concernés par le problème de violence. C'est un long article, si vous ne l'avez pas encore vu. Je me suis dit que je verrais Todd aujourd'hui; je parie que tout le monde se réjouit. Cette déclaration faite hier constitue un acte de leadership immensément courageux.

  (1210)  

[Français]

     Je vous remercie.
    Madame Freeman, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    J'ai une autre question pour Jane Doe.
    Nous avons entendu de nombreux spécialistes du domaine juridique, au sein de divers comités et lors de l'évaluation de divers projets de loi, qui nous ont affirmé que le système d'aide juridique est soumis à des pressions, car le gouvernement fédéral a réduit son financement. Un besoin se fait sentir à cet égard.
    En vous appuyant sur votre expérience du long processus juridique et le travail que vous accomplissez avec d'autres, pourriez-vous nous dire comment l'aide juridique aide les victimes de violence et de violence sexuelle à accéder au système juridique? De plus, que pouvons-nous faire d'autre pour les aider à accéder à ce système comme tel?
    Les pressions que subit le système juridique ne viennent pas des femmes victimes de violence. Elles n'y sont pas admissibles, qu'elles soient victimes de violence de la part de leur partenaire intime ou d'agression sexuelle.
    Vous dites que ces personnes n'ont même pas accès au système juridique.
    Elles n'ont pas d'aide financière; il leur est donc incroyablement difficile d'accéder au système juridique. Personnellement, ma poursuite civile représentait des millions de dollars. Je bénéficiais de financement, mais il serait faux de dire que les tribunaux sont ouverts à tous. Ils le sont à ceux qui ont les moyens d'y accéder. Mais les femmes victimes de violence qui sont dans le système juridique ne peuvent assurément pas se prévaloir de l'aide minime qu'offre l'aide juridique.
    Cette aide leur donnerait alors au moins un coup de pouce, même si nous savons que très peu de gens porteront plainte et s'engageront dans le processus, même avec du soutien financier.
    Certainement.
    Que pouvons-nous faire d'autre, ne serait-ce que pour les encourager, à part offrir l'anonymat et l'aide juridique? Avez-vous des recommandations à formuler à ce sujet?
    Eh bien, je recommanderais, au chapitre de la violence envers les femmes, que ces dernières disposent de leur propre représentation juridique. Dans une affaire d'agression sexuelle, la femme n'est pas représentée. L'avocat de la Couronne est censé la représenter, mais il est là pour représenter l'État, ou plus exactement Regina. C'est sa fonction. Son rôle ne consiste pas à représenter la femme concernée.
    Je suis la première femme à avoir réussi à obtenir ma propre représentation en cours dans un procès relatif à un viol criminel; c'est donc tout à fait possible. Mais nous leur refusons ce droit et nous craignons que si la femme bénéficie de cette représentation ou de ce droit, cela n'empêche l'agresseur allégué de bénéficier de la représentation juridique la plus optimale et la plus entière possible. C'est une recommandation.
    De même, un tribunal a été établi très récemment, en 2011, à Toronto, pour les femmes victimes de violence de la part de leur partenaire intime. Les femmes y éprouvent énormément de difficultés parce qu'elles ne peuvent pas s'exprimer et se défendre.
    Si nous voulons faire quelque chose quand une personne est victime de violence, d'agression sexuelle ou de toute forme de violence, la première chose que nous devons faire est de tenter de lui conférer des moyens, n'est-ce pas? Il ne s'agit pas de lui retirer son...
    Certainement, et on peut le faire en lui donnant l'information dont elle a besoin pour lui permettre de prendre une décision éclairée sur ce qu'elle doit faire et sur les moyens à prendre pour y arriver.
    Je me demande si vous pourriez nous parler brièvement de la culture du viol en milieu de travail. Comment envisagez-vous ce problème? D'après ce que je comprends, vous avez de l'expérience quand il s'agit de traiter de la question.
    Je ne sépare pas la culture du viol du milieu de travail, de la famille, des sports ou du gouvernement. Je pense que nous séparons trop ces éléments. Nous vivons dans une culture du viol, point final, et le problème est hors de contrôle dans tous nos secteurs et toutes nos institutions. Nous ne le savons tout simplement pas ou nous ignorons à quel point le problème est omniprésent parce que les femmes ne signalent pas ces viols. Le taux de condamnation est inférieur à 1 % quand des femmes déposent des accusations. Il en va de même pour le harcèlement sexuel; quand les victimes signalent le problème, toutes sortes de choses horribles commencent à leur arriver, particulièrement s'il s'agit d'enfants ou de très jeunes femmes. Elles perdent leur emploi, très probablement parce qu'elles ont porté plainte. Quant aux jeunes filles qui signalent qu'elles ont été harcelées sexuellement à l'école ou agressées sexuellement, leur vie est finie. Elles sont pour ainsi dire bannies de la cour d'école parce qu'elles ont parlé. Elles doivent habituellement changer d'école.

  (1215)  

    Merci beaucoup.

[Français]

     Je cède maintenant la parole à M. Barlow pour cinq minutes.

[Traduction]

    Je veux en revenir aux pratiques exemplaires. Nous sommes réellement ici aujourd'hui pour parler de certaines démarches qui portent fruit et de la manière dont on peut intervenir afin de répandre ces pratiques et de tenter de les appliquer à l'échelle nationale.
    La semaine dernière, monsieur Katz a comparu et a proposé de modifier complètement le discours pour parler des hommes qui se livrent à la violence plutôt que des femmes qui en sont victimes et de changer ce qui est vraiment la racine du mal.
    Todd, je veux vous interroger brièvement au sujet d'un programme de la Campagne du ruban blanc intitulé Give Love, Get Love qui est, je crois, le fruit d'un partenariat entre la Campagne du ruban blanc et Papa Centrale. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Je pense que ce programme vise à traiter de certains modèles d'identification positifs que les pères peuvent adopter. Étant père de deux filles, je pense qu'il importe, comme vous l'avez fait remarquer, que les pères commencent à en parler dès le début. Je crois comprendre qu'on a étudié la question. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ce programme?
    J'ai indiqué que j'ai un fils de huit ans, mais j'ai aussi une fille de quatre ans; ma tâche est donc parfois un peu difficile, car je dois concilier les deux points de vue.
    Nous avons mis en oeuvre un projet de recherche intitulé Give Love, Get Love avec Papa Centrale Ontario. Comme la paternité est un point d'accès important pour parler aux hommes de l'égalité des sexes, des relations saines et de la violence envers les femmes, nous voulions avant tout comprendre si les hommes étaient conscients de la nature changeante de la paternité et de la manière dont cette évolution contribue à assurer l'égalité des sexes, et s'ils pouvaient établir des liens entre les deux. Nous voulions également prendre le temps de leur demander où ils accédaient à l'information, quels rapports ils avaient avec les autres et comment ils se renseignaient à ce sujet. Nous voulions savoir où nous pouvions les trouver pour leur communiquer de l'information et les aider dans leur périple, car il est certain que la paternité évolue au pays. Plus d'hommes que jamais prennent des congés parentaux et vivent dans des ménages à deux devenus où la dure réalité de l'inégalité des revenus se fait sentir quand la femme ne gagne pas autant d'argent que son partenaire masculin. De plus en plus d'hommes jouent un rôle actif en prenant soin de leurs enfants.
    Nous avons constaté que bien des hommes ne saisissent pas vraiment le rapport entre le fait d'être un parent plus impliqué et la promotion de l'égalité des sexes, mais cela leur est très naturel. Très peu d'hommes souhaitaient que leurs filles aient un sort différent de celui de leurs garçons. Ils veulent l'égalité des occasions et une vie exempte de violence. Mais comme Rosemary l'a souligné plus tôt, les hommes ne savent pas encore comment cela se concrétise et ne connaissent pas toutes les implications.
    Nous avons aussi cherché à savoir où ils trouvent leurs renseignements et comment ils essaient d'y accéder. On ne s'étonnera pas que ce ne soit pas tellement grâce à des moyens officiels, mais plutôt par l'entremise de leurs réseaux d'amis et de pairs qui sont également pères. Cela nous a donné une bonne idée de l'endroit où on peut joindre ces hommes pour leur dire qu'une bonne partie de ce qu'ils font déjà favorise l'égalité des sexes et contribue à éliminer la violence envers les femmes. Une partie des craintes et des obstacles auxquels ils sont confrontés n'ont donc pas de raison d'être; ils n'ont qu'à continuer sur la bonne voie.
    Merci.
    Rosemary, vous avez indiqué que vous avez reçu un financement substantiel depuis 2007 et que 720 programmes communautaires ont reçu du financement. Il y a de quoi se réjouir, mais vous avez fait remarquer que nous devons adopter une approche cohésive concernant les pratiques exemplaires et certains des programmes qui donnent de bons résultats. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Comment envisagez-vous la question et qu'entendez-vous par là? Devons-nous prendre certains programmes qui portent fruit dans les communautés et adopter une approche nationale plus cohésive? Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
    Oui, je pense qu'il est fondamentalement important que les démarches soient multisectorielles, comme nous l'avons tous souligné. Le système de justice est concerné. Des réformes sont nécessaires. Il faut notamment offrir une meilleure formation dans le système judiciaire. L'aide juridique est une autre facette. Jane en a énuméré un certain nombre. Étant avocate de formation, je peux adopter les deux points de vue à cet égard.
    Nous devons intervenir également dans le système de soins de santé pour y assurer l'accès et la compréhension de la santé génésique des jeunes adolescents, laquelle est épouvantable.
    Franchement, il y a le secteur de l'éducation dont nous avons parlé et le rôle important que les conseils scolaires jouent en veillant à ce que le programme scolaire ne traite pas seulement des droits, mais aussi des responsabilités. Il faut faire comprendre aux jeunes qu'il importe qu'ils agissent et interviennent plutôt que de fermer les yeux sur la violence et d'en être complices.
    Les services de police doivent être offerts de manière à inspirer la confiance et le réconfort pour que les femmes et les jeunes filles se manifestent.
    Il faut offrir du financement à ceux qui prodiguent des soins de santé et des services sociaux de première ligne.
    C'est un spectre, et il ne fait aucun doute que vous avez un travail herculéen devant vous. C'est une question plurigouvernementale et multisectorielle, et l'intervention doit englober la prévention, la responsabilisation, la prestation de services et la modification du comportement à tous les égards. Il faut agir sur tous les plans.
    Si vous voulez aller au fond des choses, nous avons besoin d'aide à quelques points précis. Jane en a mentionné quelques-uns et Todd également. Personne n'a cependant indiqué que nous avons besoin de meilleures données. Il faut pour cela s'appuyer sur une fondation empirique solide pour qu'il n'y ait pas de place à débat. Il faut donc accorder du financement à Statistique Canada pour pouvoir obtenir des données non regroupées, car nous ne disposons pas de bonnes données non regroupées pour faire des choix éclairés au chapitre des investissements et des politiques.

  (1220)  

    Merci, madame McCarney.
    Vous pouvez terminer.
    J'ajouterais un dernier élément. Quand l'affaire des étudiants en médecine dentaire a éclaté, j'ai pris une profonde respiration et j'ai demandé pourquoi les lois canadiennes sur la propagande haineuse ne s'appliquaient pas dans pareils cas. Un de mes collègues m'a dit qu'elles ne s'appliquaient pas à la violence fondée sur le sexe. Quand nous avons adopté les lois sur la propagande haineuse il y a 25 ans afin de prévoir une dérogation aux limites de la liberté d'expression, nous n'y avons pas inclus la violence fondée sur le sexe. C'est un autre élément auquel j'espère que le comité s'attardera également.
    C'est fascinant. Je ne pouvais vous arrêter, car vous nous donniez de la matière à réflexion et du contenu à inclure dans notre rapport.

[Français]

     Madame Bateman, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.

[Traduction]

    Je tiens à vous remercier tous d'avoir témoigné et de nous avoir fait part de votre point de vue aujourd'hui. Vos observations nous seront immensément utiles dans le cadre de nos travaux.
    Chacun d'entre vous a parlé des ressources et du financement; je veux donc aborder brièvement la question. J'admets que c'est important. J'ai été comptable agréée il y a longtemps; je veux donc comprendre quelque chose au début de ma période de questions.
    Rosemary, la recherche que j'ai à propos de votre organisation — et vous avez très modestement dit que nous devons commencer — montre que cette dernière a une envergure internationale, juste ciel. Elle compte 8 200 employés et 60 000 bénévoles bien formés qui vous aident à établir des liens. Vous avez une incidence remarquable. Je suis ravie que le MAECD et Condition féminine soient des acteurs de premier plan. De toute évidence, il existe un lien entre la nature du travail que vous accomplissez et la fierté que notre pays éprouve à faire changer les choses dans le monde.
    Vous avez parlé des donateurs individuels, ainsi que du MAECD et de Condition féminine. Si vous faisiez la ventilation approximative, diriez-vous qu'environ un tiers de vos ressources viennent du MAECD ou est-ce que 99 % de vos ressources viennent de particuliers? Je suis simplement curieuse.
    Comme je connais les finances aussi bien que les questions juridiques, je peux vous dire qu'en ce qui concerne les ressources venant du Canada, les contributions du MAECD — et j'ajouterais de Condition féminine également, mais c'est le MAECD qui fournit le plus —, même si elles varient légèrement, représentent moins de 15 % de nos revenus totaux chaque année. Environ 12 à 13 % de nos revenus totaux viennent du MAECD.
    Wow, c'est formidable. Vous êtes présents dans le monde, dans énormément de communautés, dans un grand nombre de...
    Quoi qu'il en soit, pour tirer parti des ressources impressionnantes dont vous disposez, comment échangez-vous l'information? Vous avez 8 200 employés. Comment échangez-vous? Comment vous assurez-vous de faire connaître les pratiques exemplaires au sein de votre organisation? Comment vous occupez-vous des bénévoles? J'aimerais l'entendre.

  (1225)  

    Nous travaillons dans environ 103 000 communautés dans divers pays. Notre organisme est très axé sur les communautés. Chacun de ces pays a un plan stratégique national élaboré après quelques années de consultations exhaustives auprès de dizaines de milliers de communautés et de millions de gens, ainsi que des ministères de l'éducation, de la santé et de la condition féminine dans des pays comme le Zimbabwe ou le Laos. Ces plans stratégiques, élaborés de manière très ascendante, établissent les priorités et le contexte. C'est ainsi que nous procédons. Un budget est prévu pour ce plan, et le tout est transmis à la direction internationale. Voilà comment nous déterminons la manière dont nous mobilisons les ressources, que les donateurs soient britanniques ou canadiens ou qu'ils soient particulièrement intéressés à ce que leurs actions philanthropiques stratégiques visent un pays en particulier, l'assainissement de l'eau, les droits des filles, ou...
    Comment faites-vous la fertilisation croisée?
    Nous procédons par l'entremise des plans stratégiques, puis dans le cadre d'évaluations et d'estimations que des tiers font du travail accompli; ce sont tous des renseignements et des connaissances publics. Nous avons également ce que nous appelons l'académie des plans, où on met en commun tout ce travail devant des éducateurs formés qui examinent les pratiques exemplaires et les évaluations concernant, par exemple, une intervention à Haïti ou un problème particulier sur le plan de l'aide humanitaire. On échange l'information comme le ferait une multinationale dans le cadre de son programme en ligne pour toutes ces choses.
    Merci beaucoup. Le temps nous est toujours compté.
    Je veux faire le suivi par rapport à vos commentaires. J'ai bien aimé que ce petit garçon souhaite être mère. Je pense que c'est une histoire magnifique. Dans ma famille, je suis mariée à un homme très gentil et...
    Brièvement, madame Bateman.
    D'accord.
    Selon moi, cela a toujours été bénéfique pour nos enfants.
    Vos commentaires sur l'industrie et la manière dont les enfants... ce petit garçon a dit qu'il ne peut pas voir de parents prodiguant des soins. Avez-vous envisagé d'exercer des pressions sur l'industrie du divertissement? Avez-vous pensé, je veux dire, mon dieu...
    Madame Bateman, votre question, je vous prie.
    Je viens de la poser.
    Avez-vous envisagé d'exercer des pressions sur l'industrie du divertissement?
    Très bien. Merci beaucoup.
    Votre réponse, brièvement.
    Nous faisons appel à ce que nous appelons notre groupe d'experts de 11 ans, auquel nous confions les questions vraiment difficiles comme celle-là. Nous lui avons posé cette question pour savoir d'où cela venait. Cela ne vient pas seulement de la famille et de l'école, mais aussi des médias, une source importante, ainsi que des sports, de la culture et de tout cela. Un vaste réseau de choses contribue à inculquer ces idées aux garçons de 9 et 11 ans. Elles ne viennent pas d'une seule source. Nous pourrions passer toute notre vie à lutter contre les publicités sexistes et des choses du genre, mais cela ne montre pas aux hommes comment agir correctement. C'est une approche qui met l'accent sur la lutte, pas sur la solution.
    Merci.

[Français]

     Madame Duncan, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci à vous tous d'être ici aujourd'hui. Nous vous sommes extrêmement reconnaissants pour le travail que vous faites.
    Madame McCarney, vous avez parlé de la nécessité de recueillir de meilleures données. Pourriez-vous nous dire quelles sont les difficultés auxquelles nous sommes confrontés sur le plan des données, et quelles sont les recommandations précises que vous aimeriez voir dans le rapport du comité?
    Nous croyons fermement que l'élaboration de bonnes politiques se fait de façon empirique. La réalité est que nous n'avons pas analysé les données au fil des années. Ce n'est pas seulement au Canada; c'est dans le monde entier. Toutefois, si nous voulons établir de bonnes politiques à partir des recommandations du comité, nous devons financer une collecte de données de qualité, des données désagrégées, pas seulement par sexe, mais par âge et sexe. Todd a insisté sur l'importance de recueillir à la fois des données quantitatives et qualitatives. Lorsque Jane affirme qu'on utilise la trousse de prélèvement en cas de viol, par exemple, dans seulement 10 % des cas, sachez qu'une fille sur quatre signale avoir été agressée sexuellement avant son 16e anniversaire dans ce pays.
    Ces données datent de 17 ans, car nous n'avons pas recueilli de données depuis. Est-ce que je crois que la situation s'est améliorée? Je n'en suis pas certaine, mais j'aimerais pouvoir répondre à ces questions en me fondant sur des données probantes et être en mesure de savoir où exactement on doit investir.
    Lorsque M. Barlow a parlé de tous ces différents projets...

  (1230)  

    C'est très bruyant.
    Merci.
    On retrouve toutes sortes de projets disparates partout au pays. Il y a des choses incroyables qui se font dans certaines provinces et au sein de certaines commissions scolaires. La commission scolaire du district de Toronto fait de l'excellent travail. Toutefois, nous ne savons rien de tout cela, parce qu'on ne recueille pas les données. Nous ignorons tout de la vie des jeunes filles et des jeunes garçons partout au pays. Ces données pourraient nous permettre d'orienter nos politiques et de nous assurer d'investir l'argent à la bonne place afin d'obtenir le meilleur rendement possible.
    Statistique Canada doit être habilité à recueillir ces données dont nous avons besoin pour appuyer les changements législatifs et politiques nécessaires et doit obtenir le financement en conséquence. Il doit recueillir à la fois des données quantitatives et qualitatives, parce que les données qualitatives recueillies auprès des jeunes peuvent s'avérer plus fiables que les données quantitatives, mais peuvent aussi être plus coûteuses.
    Avez-vous une recommandation précise à formuler au comité? Vous avez parlé de la nécessité de recueillir de meilleures données. Souhaitez-vous en parler davantage?
    Bien sûr. Il faudrait accorder un soutien suffisant à Statistique Canada pour qu'il recueille et compile des données nationales désagrégées, de sorte que nous soyons bien informés et que nous puissions orienter les initiatives politiques que nous allons prendre.
    Merci.
    Vous nous avez également demandé de faire le point sur nos investissements pour lutter contre la violence. J'aimerais que vous nous en parliez davantage et que vous nous donniez votre opinion sur cette approche. Vous avez parlé de mesures disparates qui manquent de coordination.
    J'ai dit plus tôt qu'il y avait un hasard de la naissance au Canada qu'on ne devrait pas permettre. Si je suis née dans une famille de première génération, dans une famille autochtone, dans une région éloignée ou une région urbaine, les services offerts, les mesures de prévention en place, les services policiers et l'aide juridique auxquels j'ai accès ne sont pas les mêmes. Cela ne devrait pas être le cas. Surtout en ce qui concerne la violence faite aux femmes et aux enfants à l'échelle du pays, nous devrions pouvoir tous bénéficier des mêmes protections, des mêmes services et du même accès à la justice.
    Je sais que le temps file, mais il y a peut-être de l'information que vous aimeriez transmettre au comité. Vous avez parlé de la nécessité d'adopter une loi efficace. Quel type de mesure législative envisagez-vous?
    Plus précisément, ce que j'aimerais présenter au comité, c'est le plan d'action national du gouvernement australien. Le gouvernement du Royaume-Uni a élaboré un plan d'action national très accessible en 2010. À vrai dire, le plan australien est un plan que nous pourrions prendre presque tel quel et l'appliquer au Canada, avec son système fédéral complexe et ses trois ordres d'administration. Une grande partie du travail a déjà été réalisée. Ce qui est bien avec ce plan, c'est qu'il englobe tous les aspects. Les Australiens ont abordé le changement de comportement. Ils ont cerné six objectifs nationaux. Ils se sont donné 12 ans pour les atteindre. Ils réexaminent ce plan d'action national tous les 18 à 24 mois pour évaluer les progrès qu'ils ont accomplis et les ajustements qu'ils doivent y apporter.
    Merci.

[Français]

     Nous apprécierons recevoir les liens ou les documents. Ce que nous distribuerons à ce moment-là sera dans les deux langues officielles. Ce pourrait être un sommaire exécutif, selon l'ampleur de ces documents et leur disponibilité en français. Ces documents semblent être très pertinents à notre étude. Étant donné que nous devons distribuer les documents dans les deux langues officielles, notre analyste nous dira s'il est possible de fournir un sommaire exécutif, que nous distribuerions ensuite aux membres.
    Je vous remercie beaucoup, c'était très intéressant.
    Madame Perkins, vous avez la parole pour sept minutes.

  (1235)  

[Traduction]

    J'ai trouvé vos exposés très instructifs. Je vous suis reconnaissante du temps que vous y avez consacré, et je vous remercie pour votre travail en général.
    Je me suis penchée sur la question, et je considère qu'il y a des pièces manquantes. Peut-être qu'on les a abordées différemment, mais quand je regarde la situation, j'aimerais avoir une perspective plus globale et savoir quels sont tous les éléments en jeu.
    Madame McCarney, vous avez notamment dit qu'il fallait compiler les données, mais est-ce que ce sera suffisant? Est-ce que ces données traiteront des divers types de milieux familiaux, ethniques et culturels? Sera-t-il question du rôle des médias, du gangsta rap ou des vidéoclips dégradants? Qu'en est-il des sports? Nous devrions peut-être regarder... Le programme des Argonauts et toutes ces initiatives sont formidables, mais je vois aussi qu'au sein des équipes sportives américaines, en particulier — je ne suis pas trop familière avec les équipes sportives canadiennes —, on retrouve des violeurs, des violeurs qui ont été reconnus coupables. On les idolâtre. Ce sont des joueurs de basket-ball professionnels, entre autres, et les jeunes les considèrent comme des héros.
    Les gens qui ont grandi dans les années 1950, 1960 et 1970 ont été témoins des mouvements d'émancipation de la femme. La société s'est transformée radicalement; les femmes se sont battues ces dernières années pour devenir ce qu'elles sont aujourd'hui, mais la situation est en train de prendre une tout autre tournure. Les jeunes filles pensent que le gangsta rap est acceptable et qu'elles doivent ressembler à ce qu'on voit dans ces vidéoclips. On met ces idées dans la tête de nos jeunes; je me demande réellement pourquoi on permet ce genre de choses. Est-ce sain? Est-ce qu'on leur donne une bonne éducation et une bonne perception de ce qu'est la vie?
    Comment prenez-vous en considération tous ces facteurs? Ils existent tous. De quelle façon peuvent-ils nous permettre de bien comprendre la situation?
    Je peux commencer, mais je crois que mes collègues auront également des choses à dire.
    Je ne crois pas qu'on puisse faire disparaître ces images négatives et ces stéréotypes parce que nous vivons dans une société libre et ouverte. En revanche, je crois que nous pouvons renforcer l'autre côté de la médaille, de sorte que ce ne soit pas les seuls messages que les jeunes reçoivent ni les seuls modèles auxquels ils s'identifieront. Nous devons renforcer l'autre côté et le rendre plus attrayant et peut-être stigmatiser l'autre côté.
    Il n'y a pas de plan parfait. Nous n'aurons pas une société parfaite; nous sommes des êtres humains imparfaits. Toutefois, nous devons commencer quelque part. La situation s'améliorera au fil du temps, et je pense que nous réglerons les questions de comportement et de préjudice au fur et à mesure que nous progresserons. Chose certaine, nous l'avons fait en ce qui concerne la race et la classe sociale, entre autres. Nous l'avons fait pour le tabagisme en 10 ans.
    Nous pouvons le faire. Nous pouvons changer les attitudes à l'égard de toutes ces images négatives et ces stéréotypes.
    On peut le faire. Il faut simplement commencer quelque part.

  (1240)  

    Je crois que nous pouvons y arriver, mais je ne fais que souligner que nous n'abordons pas ces aspects. Ne devrions-nous pas les considérer comme étant les difficultés auxquelles nous sommes confrontés et y faire face? Nous devons mettre tous les éléments sur la table si nous voulons aller de l'avant.
    C'est vrai. Si on donne aux jeunes garçons et aux jeunes filles le pouvoir de s'exprimer et d'avoir la confiance pour le faire, je pense qu'ils montreront la voie à suivre.
    Rosemary a parlé de créer un contenu opposé, parce que si l'on pense à chaque publicité sexiste, à chaque vidéoclip ou à chaque joueur d'une équipe sportive professionnelle dans le monde, c'est tellement complexe et vaste que c'est pratiquement insurmontable.
    À White Ribbon, nous mettons l'accent sur le contenu positif. N'empêche que la solution la plus tangible pour surmonter cette difficulté, c'est probablement d'enseigner aux jeunes à critiquer ce genre de choses.
    Lorsque nous travaillons avec ces jeunes hommes et ces garçons, nous exposons certaines de ces idées toxiques de masculinité, par exemple, et nous faisons un exercice avec eux. Nous parlons des mythes entourant la violence sexuelle, ce que nous entendons tout le temps: qu'est-ce qu'elle portait, qu'est-ce qu'elle buvait, pourquoi se trouvait-elle seule à cet endroit, et ainsi de suite. Évidemment, nous examinons un peu ce que cela dit au sujet des femmes et des jeunes filles, ce qui est terrible, mais aussi ce que cela dit au sujet des hommes et des jeunes garçons: que nous sommes à une minijupe près d'être un violeur, ou que nous avons si peu de contrôle que nous sommes à peine capables de ne pas agresser quelqu'un après avoir bu une bière? C'est ce que renforcent ces mythes du point de vue des hommes et des jeunes garçons.
    Si vous enseignez aux jeunes garçons à s'ouvrir les yeux sur ce genre de choses, ils en seront ensuite témoins dans différents contextes et ils deviendront les agents de changement dont vous avez besoin pour transformer la société.
    C'est extrêmement lourd et frustrant pour une organisation de devoir intervenir chaque fois qu'une pétition est signée à la suite d'une publicité sexiste ou chaque fois qu'un vidéoclip suscite une controverse... Évidemment, on doit se lever et prendre exemple sur ce type d'intervention et de comportement. Toutefois, comment peut-on arriver à changer l'industrie de la musique ou une ligue sportive professionnelle? Comment est-ce possible? Voilà la grande question.
    La famille est un aspect que nous n'avons pas encore abordé, et je ne parle pas uniquement des enfants ici au pays, mais partout dans le monde, étant donné notre nature multiculturelle, il y a beaucoup de croyances... Quel est le rôle de la famille dans tout cela?
    La famille est un aspect très important, mais c'est tout le temps dont nous disposons pour l'instant. Vous pourriez peut-être soulever cette question plus tard.

[Français]

     Je cède maintenant la parole à Mme Sellah.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leur présence au comité.
    Je joins ma voix à celle de toutes mes collègues pour vous dire que vous êtes des leaders qui travaillent sur le terrain pour lutter contre la violence faite aux femmes, quelle que soit la forme qu'elle prend.
    Vous êtes sans doute au courant que le projet de loi C-570 de M. Rob Anders propose des peines minimales en cas de viol. Son projet de loi met l'accent sur le viol.
    Ma question s'adresse à vous trois en premier.
    Avez-vous été consultés aux fins de l'élaboration de ce projet de loi, oui ou non?

[Traduction]

    Non, et je ne connais personne dans le domaine qui l'a été.

[Français]

    D'accord.
    Est-ce la même chose pour vous deux?

[Traduction]

    Nous n'avons pas été consultés, mais nous ne travaillons pas dans le domaine de la justice, mais plutôt de la prévention, de l'éducation et de la sensibilisation.

[Français]

    Madame Doe, ma prochaine question s'adresse à vous.
    Si l'on veut légiférer pour lutter contre la violence faite aux femmes, ne doit-on pas le faire en incorporant toutes les formes d'agression sexuelle?
    J'en profite pour poser une autre question. À votre avis, l'imposition de peines minimales au moyen d'un projet de loi est-elle la solution pour lutter contre la violence? N'y a-t-il pas d'autres angles d'attaque plus pertinents pour solutionner ce problème?

  (1245)  

     Je vous remercie, madame Sellah.

[Traduction]

    Je ne crois pas que les peines d'emprisonnement plus longues soient efficaces, particulièrement pour 80 % des femmes qui sont violées ou agressées sexuellement par des hommes avec qui elles ont des liens économiques et émotifs. En fait, elles souffrent beaucoup de ces peines d'emprisonnement, surtout sur le plan financier. Je suis en faveur des peines d'emprisonnement plus courtes, mais je crois — et je pense que c'est ce que vous demandiez — que nous devons faire le travail avant d'aller devant les tribunaux. Nous devons agir avant que la loi soit adoptée.
    Je ne suis pas sûre d'avoir bien répondu à votre question.

[Français]

    Vous y avez répondu d'une certaine façon.
    Je pense que M. Minerson a quelque chose à ajouter, et je l'invite à le faire.

[Traduction]

    Il y a une chose que j'aimerais ajouter concernant la détermination de la peine et la réhabilitation lorsqu'il s'agit d'intervenir auprès des hommes. Nous ne travaillons pas avec les hommes qui ont eu recours à la violence, mais d'après mes collègues qui le font, contrairement à la violence conjugale, la violence interpersonnelle, où certaines provinces offrent des programmes de déjudiciarisation qui sont efficaces pour réhabiliter les hommes qui ont eu recours à la violence, il n'y a pas de tels équivalents pour les hommes qui ont perpétré des crimes de nature sexuelle. Les envoyer en prison est strictement punitif et ne favorise en rien la réhabilitation.
    C'est donc l'une des lacunes que nous avons relevées... Il n'y a rien pour les hommes qui ont commis des actes de violence sexuelle. En fait, il n'y a aucun programme de déjudiciarisation pour ces groupes d'hommes, comme les étudiants en médecine dentaire à Dalhousie, par exemple. Une peine d'emprisonnement n'est probablement pas ce qui convient le mieux à ces hommes; des programmes de réhabilitation seraient plus adéquats. Pour l'instant, il n'y a rien qui s'offre aux hommes dans ces situations.
    Rosemary?
    Si vous n'en avez pas encore entendu parler, je crois que la Société John Howard sera en mesure de vous donner beaucoup d'information sur les programmes de déjudiciarisation qu'elle offre dans les cas d'agression physique. Je m'en remets à Todd pour ce qui est des programmes dans les cas de violence sexuelle, mais je sais qu'ils ont beaucoup d'expérience auprès des hommes et dans le domaine de la violence physique faite aux femmes. Je ne peux pas me prononcer sur l'aspect sexuel, mais je crois que ces gens seraient d'excellents témoins pour le comité, si vous ne les avez pas déjà convoqués.
    D'accord. Bien.
    Jane Doe?
    À ma connaissance, bien que la Société John Howard fasse de l'excellent travail, ses programmes de gestion de la colère ne sont pas efficaces. Il s'agit d'un cours obligatoire, mais les hommes ne sont pas aussi guidés qu'ils devraient l'être. Le problème, ce n'est pas seulement la colère. La colère vient de quelque part, et c'est là où il faut aller. Les programmes ne sont pas efficaces; les femmes, autant que les hommes, le disent.
    Dans les collectivités autochtones, nous avons obtenu de très bons résultats dans le domaine de la justice réparatrice. C'est quelque chose qu'on a adopté et vanté. Malheureusement, les femmes autochtones nous disent que cela ne fonctionne pas dans les cas de viol, d'agression sexuelle ou de violence interpersonnelle. Ce n'est pas utile dans ces situations.
    Si je puis me permettre, j'aimerais vous donner le nom de deux organisations qui pourraient vous entretenir sur ce dossier. À mon avis, elles font de l'excellent travail auprès des hommes qui ont eu recours à la violence.
    Une de ces organisations est établie à London, en Ontario. Elle s'appelle Changing Ways. Ils adoptent une approche holistique qui va bien au-delà des méthodes traditionnelles de maîtrise de soi. L'autre organisation est le Bridges Institute à Halifax. Ils misent davantage sur des expériences qui amèneront les hommes à répondre de leurs actes, mais aussi à comprendre le traumatisme, la douleur et l'hostilité qui les a poussés à faire ces choix violents.

[Français]

    Si je résume bien, il faut d'abord travailler avec les partenaires qui sont déjà sur le terrain avant d'aller devant les tribunaux ou de faire augmenter les peines minimales. C'est ce que j'ai compris de vos témoignages.
    Est-ce exact?

[Traduction]

    Mme Rosemary McCarney: Absolument.
    Mme Jane Doe: Oui.

  (1250)  

    Oui.

[Français]

     Je vous remercie, madame Sellah.
    J'aimerais qu'on me précise quelque chose.
    Vous sembliez dire que la justice réparatrice fonctionnait dans certains cas, mais pas dans les cas de violence conjugale en raison de la relation intime entre les partenaires. Est-ce que je résume bien?
    Des voix: Oui.
    La présidente: Je vous remercie beaucoup de ces précisions.
    Madame Truppe, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Madame la présidente, en fonction de la longueur des réponses, je vais partager mon temps avec Mme Crockatt.
    Rosemary, mes questions s'adressent à vous.
    Si je ne me trompe pas, vous avez dit que plus d'un million de Canadiens voulaient un monde plus sûr pour les jeunes filles. Est-ce exact?
    Avez-vous un plan pour augmenter ce nombre à 1,5 million? Comment peut-on y parvenir?
    Il n'y a pas de doute que j'aime les trajectoires de croissance.
    Nous travaillons là-dessus chaque jour et chaque heure dans le cadre de notre campagne Parce que je suis une fille. Nous intervenons dans des centaines d'écoles partout au pays où les jeunes filles entreprennent leurs propres démarches et activités. Nous sommes très actifs sur les médias sociaux et les blogues. De plus, nous publions également un autre portail qui s'adresse aux jeunes enfants et qui porte sur les attitudes à adopter très tôt. Nous sommes sur le point de publier un troisième livre dans la catégorie jeunesse sur les jeunes filles et les jeunes garçons qui prennent des mesures lorsqu'ils voient des choses inacceptables au sein de leur collectivité.
    Je ne m'arrêterai pas à 1,5 million. J'aimerais doubler ce nombre.
    Je ne voulais pas vous effaroucher en disant deux millions.
    Vous avez aussi parlé de la campagne « Parce que je suis une fille », que j'adore. Je pense que c'est une excellente idée. J'ai eu l'occasion d'aller, ces quelques dernières années, aux conférences des Nations Unies sur la condition féminine. Tout le monde en parle tellement en bien.
    Vous dites que vous travaillez avec le Y de partout au pays. Voudriez-vous faire connaître, par exemple, une pratique exemplaire que vous avez appliquée avec lui, qui a donné des résultats?
    Bien sûr.
    L'exemplarité d'une pratique doit toujours tenir compte de la collectivité où on l'applique et de l'empressement des jeunes à y adhérer. Parfois, il faut poser ses conditions et créer un endroit invitant et sûr pour la participation des jeunes et respectueux de leurs opinions, même si elles sont minoritaires. Je songe ici aux Y, à des organisations comme Girls Inc., et à la Campagne du ruban blanc. L'une des pratiques exemplaires que nous appliquons toutes est de permettre aux jeunes de se faire entendre. Nous les entendons. Nous ne sommes pas là comme des adultes qui informent des enfants ou des adolescents. Notre travail est de mettre en place les conditions favorables pour qu'ils s'expriment effectivement et se fassent entendre en étant respectés et protégés.
    Nous avons publié un rapport intitulé Hear Our Voices (Écoutez-nous). C'est le cri de jeunes filles de partout dans le monde, y compris du Canada: « Écoutez-nous. C'est important. Parfois nous n'avons pas l'impression que vous écoutez et, parfois, notre voix semble amortie. »
    Merci.
    Une dernière question avant que je ne cède ma place à Mme Crockatt.
    Vous avez mentionné les 146 millions de dollars affectés à 120 programmes canadiens. S'agit-il de programmes séparés? N'incluent-ils pas le programme des Y? Tous ces programmes ont-ils donné lieu, eux aussi, à une pratique exemplaire?
    Depuis 2007, on a consacré 146 millions de dollars au financement de 720 programmes communautaires de partout au pays, dont près de la moitié visaient à mettre fin à la violence contre les femmes et les filles. Je pense que les gens essaient de faire ce qui doit être fait, de financer, d'apprendre, etc., mais s'il s'agit de petits projets parfaits qui restent toujours isolés les uns des autres, je ne crois pas que nous obtenions un juste retour sur cet investissement, un retour dont nous avons absolument besoin et que nous devons à ces filles et à ces femmes.

  (1255)  

    C'est beaucoup de programmes.
    Madame Crockatt.
    Merci pour votre temps.
    Fouillons un peu plus la notion de viol par rapport à celle d'agression sexuelle.
    Jane Doe, vous en avez parlé au début de votre témoignage, sans vraiment conclure. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Comme vous le savez sans doute, certains déplorent qu'on prenne beaucoup trop à la légère les agressions sexuelles, quand on se les représente comme n'étant que des attouchements sans importance dans un ascenseur, qui ne changent pas le cours d'une vie ni de la société. D'autres sont contre l'emploi du mot « viol ».
    Qu'en pensez-vous, s'il vous plaît?
    Ces expressions interchangeables dénotent la nature contestée de cette terminologie, qui n'est pas particulière aux agressions sexuelles. La loi qui, comme vous le savez, a été adoptée aux environs de 1984 a modifié la terminologie. Le viol est devenu une agression sexuelle pour laquelle on a prévu trois catégories.
    Oui, pour cette raison.
    Il faudrait revoir cela, et il est sûr que tous ceux qui travaillent dans ce domaine seraient d'accord. Au fil du temps, nous avons dépouillé l'agression sexuelle, le viol, de toute idée de violence et nous voyons maintenant des agressions sexuelles de catégorie trois, donc perpétrées avec une arme, ramenées, au fil des plaidoiries, à la catégorie un. Celles de catégorie deux trouvent le même sort. Je pense que nous devons nous interroger davantage sur ce phénomène, par opposition à ce que nous entendons, que la catégorie un n'est pas assez grave.
    D'accord.
    Je pense que toutes les femmes le diraient. Nous sommes dans la situation où le viol d'une femme est plus violent que celui d'une autre ou il en diffère, et la loi a été d'accord et elle a établi cet état de fait. À l'époque, ç'a été vu comme un progrès. Il est sûr que beaucoup de féministes — un mot que personne n'utilise plus aujourd'hui, moi non plus — ont contribué d'une manière extrêmement active à la rédaction de la loi. Elle n'est plus efficace pour les motifs que j'ai décrits.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je tiens à poser une question sur les données à Rosemary.
    Vous avez parlé de données. Nous avons aussi entendu un témoignage, aujourd'hui, sur les difficultés qui découlent du très petit nombre de femmes qui portent plainte. Quelle proportion de nos efforts voulez-vous consacrer à rassembler des données? Ou croyez-vous plutôt que nous ferions mieux de faire avancer les solutions que nous savons efficaces?
    Je vois que Jane a levé la main, elle aussi, mais pourriez-vous répondre la première? C'est toujours la difficulté pour nous: en quoi pouvons-nous le mieux utiliser notre argent? Sur cette question particulière, il nous est très difficile d'obtenir des données justes.
    Je pense que le manque de données de qualité nous expose à des conséquences, notamment à une incrédulité persistante, qui empêche de conclure le débat sur la réalité des faits et sur l'omniprésence de la violence contre les femmes et les filles au pays. Ce débat risque alors de perdurer. Ces questions risquent de toujours se poser: Est-ce grave à ce point? Est-ce que ça se passe vraiment ici? Est-ce vraiment ce qui arrive aux jeunes filles? Est-ce que l'une de nos quatre filles de moins de 16 ans a vraiment dit qu'elles avaient été victimes d'agression sexuelle?
    C'est un sujet constant de discussions, alors que nous aurions dû passer à autre chose. Voilà pourquoi je pense que c'est important.
    Est-ce que des données valent cependant mieux que des études par sondage?
    Non. Je pense qu'il faut des données qualitatives et quantitatives, parce que, grâce à elles, c'est une façon d'entendre les jeunes filles et les femmes. Si elles tiennent à leur anonymat, elles peuvent le conserver tout en signalant ce qui leur est arrivé. Des données qualitatives et quantitatives de qualité sont essentielles et elles permettent d'utiliser au mieux des ressources très limitées. Nous n'aurons pas de ressources limitées pour cela.
    Merci. Mme Jane Doe peut faire quelques remarques, après quoi nous conclurons la séance.
    Merci.
    Je suis d'accord avec tout ce que vous dites. Je pense que c'est une bonne idée. Il se fait de la recherche de qualité, de très haut niveau, sur la violence contre les femmes, dont Statistique Canada néglige de comptabiliser les résultats. Nous ne sommes pas au courant de tant de travaux excellents.
    Nous possédons cependant une donnée que Statistique Canada a comptabilisée: au Canada, une femme est assassinée tous les six jours par son partenaire masculin. Beaucoup d'entre nous s'en étonnent. Pourquoi? Nous ne croyons pas dans les données que nous possédons, et il est certain que nous ne les utilisons pas ou que nous ne les rediffusons pas.

  (1300)  

    Merci.

[Français]

     Je vais le dire dans les deux langues.
    Je vous remercie pour votre passion et votre dévouement à la cause et d'avoir contribué grandement à notre étude. Je vous souhaite une bonne journée.
    Le comité se réunira jeudi, à la même heure.
    La séance est levée.
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