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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 041 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 décembre 2014

[Enregistrement électronique]

  (0845)  

[Français]

     Selon mon BlackBerry, il est précisément 8 h 45, heure avancée, reculée ou normale de l'Est. Je vous souhaite la bienvenue à la 41e réunion du Comité permanent de la condition féminine. C'est d'ailleurs la dernière réunion du comité en 2014, ce qui en fait une réunion très spéciale. Nous poursuivons notre étude sur les pratiques prometteuses pour prévenir la violence envers les femmes.
    Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marion Little, qui est professeure adjointe à l'École d'administration publique de l'Université de Victoria.
    Nous recevons aussi Mme Tracy O'Hearn, qui est directrice générale du Pauktuutit Inuit Women of Canada.
    Par ailleurs, nous accueillons par vidéoconférence Mmes Bonnie Johnston et Jenny Ofrim, du Sheldon Kennedy Child Advocacy Centre, ainsi que Mme Fay Faraday, qui est avocate et professeure invitée du Osgoode Hall Law School.
    Chacun des groupes de témoins va disposer de 10 minutes pour sa présentation. Par la suite, il y aura la période de questions.
     J'aimerais commencer avec Mme Little, qui dispose de 10 minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente, merci, chers membres du comité. Je vous remercie infiniment de votre invitation.
    Permettez-moi de commencer et de terminer ma déclaration en vous lisant des poèmes qui font entendre certaines des voix des nombreuses femmes et jeunes filles que j’ai eu le privilège d’aider au fil des ans.
    Jamie Jardine est l’auteur du premier poème.
    

Blessures
Nue devant mon miroir,
Je fixe mon reflet.
Que vois-je?
Non pas la femme sans défaut que j’aspire à être,
Mais plutôt une fille meurtrie qui porte des cicatrices permanentes,
Marquée par des coups non désirés qui ne s’effaceront jamais,
Quoi que je fasse.
Chaque regard me rappelle
L’origine de ces blessures.
J’ai cessé d’essayer de changer,
De couvrir ou d’effacer ces cicatrices.
J’ai cessé d’expliquer ces sombres meurtrissures.
Ce sont mes tatouages.

    Il y a tellement de questions dont j’aimerais vous parler aujourd’hui. Par expérience, je mettrai exclusivement l’accent sur les femmes marginalisées qui sont beaucoup plus susceptibles d’être victimes d’actes de violence que qui que ce soit d’autre. La première chose que j’aimerais faire valoir, c’est que les femmes marginalisées doivent avoir accès à des programmes d’entraide personnalisés, réceptifs et inconditionnels qui sont financés de façon durable et qui s’inspirent directement de leurs besoins et du contexte dans lequel elles vivent.
    Pardonnez-moi. Je suis tellement nerveuse que j’entends ma voix trembler.
    Cette pratique exemplaire de base est reconnue comme étant la façon la plus accessible, la plus efficace et la plus économique d’accroître le bien-être de ces femmes, tout en réduisant leur marginalisation et la violence dont elles sont victimes. Les femmes marginalisées sont plus susceptibles de participer à des programmes d’entraide qu’à des programmes ordinaires. La probabilité qu’elles divulguent leurs circonstances est plus grande lorsqu’elles parlent à des pairs en qui elles ont confiance, ce qui rend ces programmes essentiels pour la planification d’interventions, la liaison avec les services de police, leur rétablissement à la suite d’un traumatisme et la prévention de la violence.
    La deuxième chose que j’aimerais faire valoir, c’est que les pratiques exemplaires en matière d’élaboration de politiques et de lois relatives aux femmes marginalisées exigent que ces groupes d’entraide soient consultés à fond et qu’on tienne compte du consensus auquel les chercheurs universitaires parviennent à ce sujet, à l’échelle nationale.
    Dans le rapport d’enquête de la Colombie-Britannique sur les femmes portées disparues, intitulé « Forsaken », l’honorable Wally Oppal définit la marginalisation comme « le processus social qui amène des personnes ou des groupes à être placés en marge de la société » et « à être systématiquement privés des droits, des perspectives d’avenir et des ressources qui sont habituellement à la disposition des membres de cette société ».
    Le terme est lié au fait que les gens marginalisés sont « en danger et vulnérables en ce qui concerne la prédation », « ce qui crée un milieu propice à l’oubli des femmes assassinées et portées disparues ».
    M. Oppal affirme que:
Trois tendances sociales et économiques générales contribuent à la marginalisation des femmes: le retranchement des programmes d’aide sociale, les effets permanents du colonialisme, la réglementation criminelle de la prostitution et des stratégies d’application de la loi connexes.
    Selon l’Ending Violence Association de la Colombie-Britannique, la plupart des femmes et des enfants tués ou gravement blessés au cours d’actes récents de violence familiale ou sexuelle faisaient partie de groupes marginalisés. Pour de plus amples renseignements à ce sujet, veuillez consulter le site Web à l’adresse www.endingviolence.org. Les membres de cette association ont détecté des lacunes dans les services spécialisés offerts dans le domaine de la violence familiale ou sexuelle aux femmes marginalisées et, en particulier, aux femmes autochtones, aux immigrées, y compris les réfugiées et les travailleuses migrantes, aux femmes handicapées, aux femmes atteintes de troubles mentaux, aux toxicomanes, aux habitantes de régions rurales, aux femmes pauvres, aux lesbiennes, aux transsexuelles et aux travailleuses du sexe. Et j’ajouterais que les services offerts aux jeunes itinérantes ou aux jeunes femmes qui risquent de tomber dans l’itinérance sont insuffisants.
    Selon Statistique Canada, les femmes qui sont le plus souvent la cible de toutes les formes de violence sont âgées de 15 à 24 ans. En raison de leur jeune âge et de leur marginalisation, il est difficile de saisir l’énormité du problème, surtout que les femmes marginalisées hésitent souvent à appeler la police et sont plus portées à avoir recours à de l’aide officieuse.
    Comme vous le savez, les femmes autochtones, c’est-à-dire les femmes inuites, métisses et des Premières Nations — font face à des taux de violence élevés et sont surreprésentées parmi les femmes assassinées et portées disparues de l’ensemble du Canada. Elles sont plus vulnérables à la violence simplement parce qu’elles vivent dans ce que l’honorable Wally Oppal appelle « une société qui présente des risques pour leur sécurité ». Le rapport indique également qu’« en Colombie-Britannique et dans le monde entier, les femmes marginalisées et vulnérables sont exposées à un taux de violence plus élevé, dont des agressions sexuelles, des meurtres et des prédateurs en série. »
    La Commission d’enquête sur les femmes disparues de la Colombie-Britannique soutient qu’il est impératif que nous prenions conscience des forces plus vastes de la marginalisation ainsi que du rejet et de l’abandon par la société qui ont contribué à accroître la vulnérabilité de ces femmes. Ce rejet et cet abandon ont également influé sur la réaction des services de police. Si des groupes d’Autochtones et des groupes de travailleuses du sexe ont soulevé des questions valides au sujet de l’enquête menée par la Colombie-Britannique, son rapport contient des recommandations très judicieuses. Je vous conseille de l’examiner.

  (0850)  

    Veuillez examiner le sommaire du rapport de l’honorable Wally Oppal, intitulé « Forsaken », qui est affiché sur le site Web du procureur général de la Colombie-Britannique. Je vous invite également à passer en revue la lettre datée du 1er octobre 2014 que le secrétaire général d’Amnistie internationale a envoyée au Parlement et qui est affichée sur le site Web de l’organisation.
    La Cour suprême a reconnu que les prostituées qui travaillent dans les rues sont parmi les membres les plus marginalisés de la société. Le Centre for Addictions Research de l’Université de Victoria vient juste de publier la première étude sur l’industrie du sexe menée à l’échelle nationale. Cette étude présente de nouvelles conclusions, que certaines personnes pourraient trouver surprenantes. Il est crucial de comprendre la réalité de l’industrie du sexe pour pouvoir élaborer des lois, des politiques, des pratiques et des services de soutien qui préviendront la violence et accroîtront la sécurité de tous. Veuillez consulter le site Web de ce centre à l’adresse www.understandingsexwork.com/fr.
    Le soutien par les paires est une pratique exemplaire fondamentale pour les groupes marginalisés. Par exemple, l’organisation PEERS de Victoria et ses organisations sœurs des quatre coins du pays offrent un soutien par les pairs rare, inconditionnel et digne de confiance aux travailleuses du sexe d’aujourd’hui et hier, lorsqu’elles sont en détresse, qu’elles sont victimes de violence ou qu’elles cherchent de l’aide. Malheureusement, toutes ces organisations manquent cruellement de fonds.
    La relation respectueuse qu’entretiennent l’organisation PEERS de Victoria, les travailleuses du sexe qu’elle sert et l’Unité spéciale des victimes du Service de police de Victoria entraîne régulièrement l’arrestation et l’incarcération de délinquants violents, ce qui accroît la sécurité publique. Le soutien apporté aux groupes marginalisés à un effet bénéfique sur les collectivités en entier.
    Malheureusement, quelques agents immoraux suffisent à détruire cette confiance et les avantages qui s’y rattachent. Les travailleuses du sexe et les études nous révèlent que certains de leurs clients sont des agents de police. Certains agents immoraux sont violents et abusent de leur pouvoir pour forcer les travailleuses à avoir des relations sexuelles avec eux. Comme il est assez commun que les travailleuses du sexe aient cette expérience, elles ont tendance à se méfier de la police en tant qu’institution. Le fait que des agents immoraux exploitent des travailleuses du sexe et leur causent des torts crée un certain dilemme, car, en vertu du projet de loi C-36, ces mêmes agents auront désormais un pouvoir accru sur les travailleuses du sexe et des raisons supplémentaires de les faire taire.
    Il est nécessaire que le système de justice en entier soit renseigné sur les femmes marginalisées afin d’accroître les signalements, de garantir des interventions efficaces, de protéger les personnes vulnérables et de prévenir la violence. Il est également indispensable d’offrir en permanence des cours de formation sur la prévention des mauvais traitements et d’élaborer des politiques robustes pour prévenir les abus de pouvoir au sein des institutions gouvernementales, comme celles responsables de la santé, de la justice et des services sociaux, car les femmes marginalisées ont tendance à se méfier de ces institutions en raison des expériences qu’elles ont vécues auprès d’elles, expériences qui sont allées de l’impolitesse au rejet, en passant par l’exploitation et la violence.
    L’exploitation sexuelle des mineurs ne fait pas partie de l’industrie du sexe. Il s’agit de violence à l’égard des enfants. Cette exploitation et la traite des personnes sont des enjeux distincts et des actes de violence directs qui sont gérés par des lois précises. Toutefois, les lois ne suffisent pas à prévenir ces atrocités. Comme premières mesures de prévention, nous devons fournir un logement stable, une sécurité alimentaire et un renforcement affectif aux plus de 65 000 jeunes Canadiens qui sont actuellement sans abri ou qui risquent de le devenir (voir le site Web www.cheztoit.org).
    La violence faite aux femmes et aux jeunes filles marginalisées est directement liée à nos taux de pauvreté chez les enfants et à notre crise du logement — en fait, elle est liée à la situation de crise dans nos foyers. Si nous cherchons vraiment à prévenir la violence, nous allons devoir atténuer les facteurs qui accroissent la marginalisation personnelle, relationnelle, communautaire et sociétale. Pour ce faire, il faut offrir à ces personnes un logement stable, une aide juridique, une sécurité alimentaire et de l’eau propre. Il faut que nous prévoyions un nombre suffisant de places dans des garderies abordables, de lits dans des centres de désintoxication, de refuges temporaires et de programmes, en particulier des programmes de soutien par les pairs, qui appuient le rétablissement à la suite d’un traumatisme, le développement des compétences et le développement communautaire. Nous devons investir dans l’augmentation de la résilience et l’autonomisation.
    Lorsque nous tolérons la violence faite aux femmes marginalisées, dont les exemples les plus flagrants sont les travailleuses du sexe et les femmes autochtones, nous permettons que cette menace pèse sur toutes les femmes, une menace explicite qui nous rappelle que la violence est tolérée contre n’importe laquelle d’entre nous, en fonction seulement de nos circonstances et des caprices de la société, et que ni nos lois, ni nos droits et libertés en tant que Canadiennes, ne nous protégeront contre cette violence. La violence faite aux femmes marginalisées sur laquelle la société ferme les yeux est une attaque lancée ouvertement contre toutes les femmes, contre le système de justice et contre les droits et libertés des citoyens canadiens.
    Je vais conclure mon exposé en vous lisant un dernier poème très court écrit par une poète de l’organisation PEERS. Elle utilise un labyrinthe plein de culs-de-sac comme métaphore, et elle le compare à une route contemplative sans embranchement:
    

Casse-tête
Ma vie est un labyrinthe.
Des culs-de-sac bloquent constamment ma route,
Peu importe la direction que je prends,
Même lorsque je fais un pas dans la bonne direction.
Je m’efforce de transformer ma vie en une route sans embranchement,
D’être sur la bonne voie,
quelle que soit la direction dans laquelle je m’engage,
D’être toujours centrée sur mon cheminement.

    Merci.

  (0855)  

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, madame Little.
    Je cède maintenant la parole à Mme O'Hearn, qui dispose de dix minutes.

[Traduction]

[Français]

     Bonjour.
    Ullakut.
    Je vous remercie de l'invitation. Je ne parle pas beaucoup le français.

[Traduction]

    J’aimerais vous communiquer les salutations et les meilleurs voeux de Rebecca Kudloo, notre présidente. Elle vit à Baker Lake, au Nunavut, et elle ne pouvait pas être ici aujourd’hui. Elle vous est très reconnaissante de l’occasion qui nous est donnée de comparaître devant vous.
    Pour ceux d’entre vous qui ne connaissent peut-être pas l’organisation Pauktuutit, je précise qu’elle vient de fêter son 30e anniversaire à titre de représentante nationale de l’ensemble des femmes inuites du Canada. Notre organisme a un vaste mandat à remplir, mais notre travail met l’accent sur trois principaux secteurs, notamment la santé, la prévention de la violence et des mauvais traitements, qui est l’une de nos principales priorités depuis 30 ans maintenant, et le développement socioéconomique général.
    Je suis heureuse de répondre à toutes les questions que vous pourriez avoir à ce sujet.
    On nous a demandé de parler aujourd’hui de nos pratiques exemplaires ou prometteuses dans le domaine de l’éducation et des programmes qui peuvent contribuer à prévenir la violence faite aux femmes.
    Nos politiques et nos programmes de prévention de la violence faite aux femmes inuites doivent être fondés sur la culture, les valeurs, les pratiques, la géographie et la langue des Inuits. C’est la norme dans notre travail. Nous produisons un vaste éventail de ressources que les personnes, les fournisseurs de service ou d’autres organisations utilisent dans leur collectivité. Nos ressources sont toujours rédigées clairement en anglais et, au moins, dans l’un des dialectes d’inuktitut. L’inuktitut est l’une des trois langues autochtones du Canada qu’on s’attend à voir survivre, et il est encore employé quotidiennement.
    Nous nous efforçons d’apprendre au fur et à mesure que nous avançons et d’améliorer nos façons de communiquer. L’utilisation d’Internet se répand rapidement dans le Nord — nous avons maintenant une page Facebook —, mais les moyens de communication comme la radio sont toujours très efficaces. À l’heure du dîner, tout le monde retourne à la maison et écoute la radio. C’est donc un défi à relever. Le fait que nous devons communiquer avec des gens éparpillés sur un tiers de la masse continentale du Canada représente probablement l’une de nos plus grandes difficultés. Cependant, nous nous efforçons de tirer des leçons de nos erreurs et de nous améliorer.
    Malheureusement, Pauktuutit lutte contre ce problème depuis 30 ans, et non seulement la situation ne s’est pas améliorée, mais elle s’est, au contraire, considérablement aggravée. Je ne vais pas vous citer de nouveau toutes les statistiques et les taux de criminalité, car ils sont très bien connus. J’aimerais cependant mentionner le récent rapport publié par la Nunavut Tunngavik Incorporated, qui est l’organisation inuite de revendications territoriales du Nunavut. Le rapport porte sur l’état de la société et de la culture inuites, et met l’accent sur la violence faite aux femmes. Le rapport indique que le Nunavut est la région du Canada où les femmes et les enfants sont les plus en danger, et c’est absolument vrai.
    En ce qui concerne la violence faite aux femmes, cet enjeu doit aussi être envisagé comme un important problème de santé mentale et physique. Il existe un vaste éventail d’interventions possibles: les soins d’urgence, les évacuations sanitaires, les chirurgies, la réadaptation, les périodes d’éloignement de la famille et les emplois. Je suis certaine qu’un grand nombre de ces répercussions nous sont tous très familières.
    J’aimerais maintenant attirer votre attention sur le fait que quatre enquêtes régionales sur la santé ont été menées. Il y a quatre principales régions inuites au Canada.
    Dans le cadre d’une étude menée au Nunavut en 2004, on a découvert que la moitié des femmes qui avaient participé à l’enquête sur les ménages inuits avaient été victimes d’agressions sexuelles ou de tentatives d’agressions sexuelles lorsqu’elles étaient mineures. Un quart d’entre elles avait connu les mêmes problèmes à l’âge adulte. Pour ce qui est des hommes, 16 % de ceux qui avaient participé au sondage régional avaient subi les mêmes agressions lorsqu’ils étaient enfants, et 13 % d’entre eux avaient continué d’être agressés à l’âge adulte. Au Nunavut, une femme inuite sur deux a été victime de graves agressions sexuelles pendant son enfance, et ces blessures vont plus loin que des os fracturés. En l’absence de soutien et de services spécialisés, ces blessures peuvent meurtrir une âme et ruiner une vie. En règle générale, ce soutien et ces services n’existent pas dans les collectivités inuites.
    Bien que nous ne puissions le prouver, nous savons au fond de nous qu’un grand nombre des personnes qui ont été victimes d’agressions sexuelles pendant leur enfance choisissent de mettre fin à leur douleur en se suicidant. Nous le savons.

  (0900)  

    J'aimerais parler brièvement d'un projet qui tire à sa fin avec Condition féminine Canada. C'était la première fois que nous avions l'occasion d'étudier les connaissances, les attitudes et les comportements des femmes et des hommes inuits, de différents groupes d'âge, de les sonder sur les connaissances, les attitudes et les comportements qui génèrent un niveau de violence déclencheur de crise. Nous sommes encore en train d'en compiler les résultats. Ce projet va se terminer à la fin mars. Nous espérons en apprendre beaucoup des résultats du sondage.
    Nous travaillons notamment à concevoir une trousse de ressources. Notre projet vise à mobiliser les hommes et les garçons pour réduire la violence. Encore une fois, c'est la première fois que nous avons l'occasion d'utiliser cette approche. Nous sommes aussi en train de concevoir une série d'outils pour les particuliers, pour les groupes d'hommes et pour quiconque veut les utiliser dans les communautés pour encourager les hommes à oser parler de leurs difficultés et à essayer de se guérir.
    Pour ce qui est de recommandations sur les pratiques exemplaires, nous participons à toutes les tribunes possibles pour faire entendre la voix des femmes inuites. À la fin octobre dernier, nous avons participé au 4e sommet national des femmes autochtones à Membertou, en Nouvelle-Écosse. À titre de membres du comité de planification nationale, nous sommes en train de préparer un rapport sur ce sommet. Pendant le sommet de Membertou, nous avions pour tâche d'examiner les recommandations issues des trois premiers sommets nationaux des femmes autochtones pour déterminer ce qui a été fait, ce qu'il faut faire maintenant et ce qu'il faudra faire ensuite. Le principal thème récurrent des recommandations formulées depuis 2007 concerne la nécessité d'un financement stable, coordonné et pluriannuel. Ce travail doit être adapté aux besoins, aux priorités et aux circonstances uniques des femmes membres des Premières Nations, des Inuites et des Métisses et se faire en partenariat équitable avec les organisations représentatives. Malheureusement, rien n'a encore été fait à ce chapitre.
    Je vais vous parler aussi brièvement du plan d'action national de lutte contre la violence envers les femmes autochtones qui a été annoncé en septembre. Je sais que certaines organisations y ont répondu assez rapidement. Nous ne l'avons pas fait, parce que nous avions besoin de comprendre ce qu'il comprenait exactement, ce qui semble nouveau, ce qui pourrait déjà exister. Nous avons publié un communiqué de presse la semaine dernière pour nous positionner autant que possible, sur la base des renseignements que nous avons reçus, principalement d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Sur les 7 millions de dollars que le ministère réserve chaque année pour prévenir la violence familiale et en protéger les victimes, les femmes inuites du Canada reçoivent en ce moment 75 000 $ par année, soit 1 % de ces 7 millions de dollars. Les collectivités inuites sont constamment exclues du financement fédéral destiné aux refuges dans les réserves. Cela fait une vingtaine d'années que nous essayons d'élever cette question au niveau stratégique au ministère, soit depuis que je travaille pour l'organisation.
    Si l'on regarde un peu les 20 millions de dollars attribués cette année aux organisations représentatives autochtones, notamment pour la prévention de la violence familiale, nous avons reçu 80 000 $ cette année, sur 20 millions, pour stimuler le développement économique. Si l'on prend ces 20 millions de dollars, plus 7 millions de dollars, les femmes du Pauktuutit — ce que j'interprèterais comme les femmes inuites en général — ont reçu la moitié d'un pour cent du financement total de 27 millions de dollars rendu disponible cette année par Affaires autochtones et Développement du Nord. Je sentais le besoin de porter la chose à votre attention.
    Je dirais également au sujet des pratiques exemplaires ou prometteuses, qu'il n'y a pas assez de mesures de prévention de la violence chez les Inuits qui ont été évaluées à long terme pour que nous puissions même parler de pratiques prometteuses. Nous sommes appuyées dans notre travail. Notre travail est suivi de près par les femmes de la communauté, par les fournisseurs de services, par les spécialistes des Inuits et par d'autres experts. Nous sommes persuadés d'être sur la bonne voie, mais il faut ratisser plus large, offrir des services viables à long terme et les évaluer sur de longues périodes.
    Encore une fois, je vous suis très reconnaissante de me consacrer du temps ce matin. Merci infiniment.

  (0905)  

    Merci infiniment.

[Français]

     Nous allons maintenant céder la parole à Mme Bonnie Johnston. Nous lui parlons par vidéoconférence et elle dispose de 10 minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie de nous donner l'occasion de témoigner devant le Comité de la condition féminine ce matin. Nous sommes particulièrement honorées de faire partie des discussions pendant les 16 jours de mobilisation contre la violence fondée sur le sexe.
    Je m'appelle Bonnie Johnston et je suis la DG du Sheldon Kennedy Child Advocacy Centre, qui se trouve à Calgary; je suis accompagnée de Jenny Ofrim, notre coordonnatrice des évaluations.
    Nous allons vous parler aujourd'hui des liens fondamentaux entre la violence faite aux enfants et la violence faite aux femmes, puis vous recommander des pratiques prometteuses pour prévenir ces crimes et y réagir.
    Madame Johnston, j'aimerais vous demander de ralentir un peu pour que les interprètes puissent faire leur travail. Je sais que vous êtes très enthousiaste et dynamique lorsque vous parlez de ce projet, mais il serait très apprécié que vous ralentissiez un peu votre débit. Nous allons vous laisser un peu plus de temps de toute façon.
    Merci.
    Le lien avec le public ne s'établit pas tout à fait de la même façon dans l'univers de la vidéo. C'est entendu. Je vous remercie beaucoup. Il est 7 heures ici, à Calgary, et je pense que nous n'avons même pas encore pris notre café, Jen, n'est-ce pas? Nous allons ralentir.
    Le Canada a la chance énorme que ses gouvernements fédéral et provinciaux reconnaissent l'importance du développement sain de l'enfant. Nous avons des ressources clés, comme les divers centres d'appui aux enfants qu'on trouve un peu partout au pays et qui sont des chefs de file dans l'aide aux enfants victimes de violence.
    Nous avons aujourd'hui trois principaux messages à vous transmettre.
    Premièrement, les enfants victimes de violence sont plus susceptibles que les autres de commettre des actes violents contre leurs conjoints et leurs propres enfants plus tard et d'en être de nouveau victimes à l'adolescence et à l'âge adulte.
    Deuxièmement, le fait qu'un enfant soit témoin de violence conjugale est une forme de violence qui vient souvent avec d'autres formes de violence à la maison. Ce ne sont pas des problèmes isolés, et les solutions doivent cibler toutes les formes de violence.
    Troisièmement, les filles et les femmes sont disproportionnellement touchées par la violence, particulièrement par la violence sexuelle. Pour prévenir ou faire diminuer la violence envers les femmes et les filles, il faut essayer de prévenir la violence et d'intervenir précocement auprès des enfants et des adolescents agressés ainsi que des familles à risque. Ces interventions assureront une meilleure qualité de vie à nos enfants et à nos familles, en plus d'avoir des effets visibles sur les générations futures.
    Le Sheldon Kennedy Child Advocacy Centre est un organisme à but non lucratif qui travaille en partenariat avec six organisations gouvernementales: le service de police de Calgary, les services à l'enfance et à la famille de la région de Calgary, les services de santé de l'Alberta, Alberta Justice, la GRC et Alberta Education. Il vise à améliorer les services aux enfants et aux familles touchés par la violence faite aux enfants. Nous sommes extrêmement fières de ce nouveau modèle. Le centre est entièrement opérationnel avec tous ses partenaires et ses presque 100 employés sur le terrain depuis le mois d'avril 2013.
    Le principal objectif de notre centre est de réduire le plus possible les traumatismes grâce au travail d'équipes multidisciplinaires qui se spécialisent dans le traitement, les enquêtes et l'aide aux enfants et aux familles victimes de violence. Celle-ci comprend toutes les formes de violence sexuelle envers des enfants signalées à la police, comme les cas les plus graves et complexes de violence physique et de négligence signalés à l'une de nos organisations partenaires. C'est véritablement un système d'intégration et de collaboration qui cible les enfants et les familles.
    Pendant les 16 premiers mois d'activité du centre, nous avons évalué presque 2 000 nourrissons, enfants et adolescents.

  (0910)  

    Pendant nos 16 premiers mois d'activité, les deux tiers des 2 000 enfants et adolescents évalués au centre étaient des filles. Parmi ces 2 000 cas, 7 sur 10 concernaient des abus sexuels et 2 sur 10, de la violence physique ou de la négligence grave. Quatre-vingt-treize pour cent des enfants et des adolescents rencontrés au centre ont été agressés par une personne de confiance comme un parent ou un éducateur.
    Le centre a également eu l'occasion de recueillir de l'information sur les répercussions de la violence. Bien que nous ne recueillions de données que depuis avril 2014, celles-ci montrent déjà, en première analyse, qu'un nourrisson, enfant ou adolescent sur trois a des pensées suicidaires, une dépendance à l'alcool ou à la drogue, des problèmes de santé mentale, des comportements agressifs ou sexualisés ou une tendance à l'automutilation. Dans le groupe des jeunes de 12 à 17 ans, la proportion atteint un sur deux. À l'écoute des témoignages de plusieurs spécialistes de la violence envers les femmes, il n'est pas surprenant d'entendre que la prévalence de ce crime et les problèmes qui y sont liés sont renversants.
Les répercussions de la violence faite aux enfants sur le taux de revictimisation et de comportements violents futurs doivent être pris en considération pour trouver des solutions afin de prévenir la violence envers les femmes.
    L'une des plus grandes études menées à ce jour, dans le cadre de la recherche sur les expériences négatives vécues pendant l'enfance aux États-Unis, montre que le fait d'avoir été agressé physiquement ou sexuellement ou d'avoir grandi dans un foyer où il y avait de la violence conjugale double le risque de commettre de la violence conjugale ou d'en être victime à l'âge adulte. Chez les enfants victimes de ces trois types d'abus, le risque est trois fois et demie plus élevé pour les femmes et encore plus chez les hommes.
    Les enfants victimes de violence ont eux-mêmes des enfants plus tard. Si rien n'est fait pour les guérir de ce traumatisme, ces enfants peuvent subir longtemps les répercussions de la violence de leurs parents, et ce, de bien des façons. Si l'on ne s'attaque pas très tôt à ces problèmes, les recherches nous montrent que ces filles sont quatre fois plus susceptibles de s'automutiler et d'avoir des idées suicidaires, qu'elles sont 30 % moins susceptibles d'obtenir leur diplôme d'études secondaires, qu'elles sont 1,5 fois plus susceptibles de consommer des drogues illicites à l'âge adulte et trois fois plus susceptibles d'avoir une grossesse précoce non planifiée.
    Le terme « cycle de la violence » revient souvent, et c'est la réalité de nombreux enfants que nous voyons au centre. Il faut reconnaître que la violence faite aux enfants est un problème de santé publique national. Il faut concerter nos efforts pour prévenir la violence contre les enfants. Quand ils en sont victimes, il faut leur assurer les meilleurs services le plus tôt possible, pour qu'ils puissent vivre une vie saine et productive, sans violence.

  (0915)  

    Nous sommes heureuses de saisir cette occasion de faire les recommandations suivantes, qui se fondent sur notre expérience et les réflexions d'autres spécialistes qui luttent activement contre la violence envers les enfants et les femmes.
    Recommandation no 1: Que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership à l'échelle internationale en promettant du financement prévisible et stable pour lutter contre la violence faite aux enfants. Ce financement devrait comprendre des fonds accrus pour appuyer l'établissement et le développement des activités des centres d'appui aux enfants partout au Canada. Le modèle du centre d'appui aux enfants est une solution novatrice pour lutter contre la violence faite aux enfants. En reconnaissance que la violence envers les enfants est un problème multisectoriel, ce modèle fait le lien entre l'application de la loi, la protection de l'enfance, la Couronne, l'éducation et les services thérapeutiques et médicaux. La collaboration entre ces secteurs crée un modèle d'affaires particulièrement efficace. En réunissant ces services à une même enseigne, on peut offrir tout l'éventail des services à une famille au même endroit plutôt que de la voir contrainte de naviguer d'un système à l'autre, par elle-même, pendant une période traumatisante.
    Recommandation no 2: Que le gouvernement fédéral s'engage à ce que ces centres de recherche comme les Instituts de recherche en santé du Canada ciblent les enjeux liés à la violence faite aux enfants, notamment les incidences socioéconomiques des modèles de prestation des services axés sur la collaboration. Jusqu'à maintenant, la recherche en la matière se limite à la divulgation de statistiques et à des rapports sur les taux de violence. Lorsque les multiples secteurs collaborent, une compréhension plus profonde des enjeux et des répercussions de la violence faite aux enfants et de la violence conjugale émerge.
    Recommandation no 3: Que le gouvernement fédéral s'engage à atténuer les répercussions de la violence faite aux enfants grâce à des interventions précoces, notamment en offrant aux enfants et aux familles l'accès à des thérapies intensives reconnues scientifiquement, ce qui comprend l'accès rapide à des services pour les jeunes qui affichent des comportements sexualisés intrusifs ou agressant de nature.
    Recommandation no 4: Qu'on favorise les politiques et pratiques interministérielles provinciales qui permettent l'échange de renseignements pertinents et cruciaux. Dans la pratique, l'échange de renseignements entre les équipes multidisciplinaires du centre s'avère fondamental pour offrir des services rapides et adaptés aux familles dans le besoin. En somme, nous faisons en l'espace de quelques heures ou de quelques jours ce qui nous demandait des semaines ou des mois pour répondre adéquatement à ces familles. Ces échanges permettent à chaque membre de l'équipe de prendre des décisions conscientes pour gérer chaque cas dans l'intérêt de l'enfant et de sa famille.
    Recommandation no 5: Que des interventions spécialisées et rapides ciblent les femmes enceintes et les parents de nourrissons qui vivent dans des environnements à risque élevé. Les femmes dont les options sont limitées doivent avoir accès à des services de garde sûrs à moindre coût. L'Agence de la santé publique du Canada doit continuer d'accorder la priorité à la santé maternelle et infantile. Notre centre offre également les services d'une équipe de soutien prénatal aux femmes enceintes très vulnérables et les renvoie vers les services prénataux qui répondent à leurs besoins. La première année, nous avons effectué 30 recommandations de ce type. Actuellement, nous avons déjà redirigé ainsi plus de 240 femmes de la région en situation de risque élevé. Ce programme s'avère excellent pour réduire le risque et faire diminuer le nombre de bébés confiés aux services de protection de l'enfance.
    Recommandation no 6: Qu'une formation normalisée et spécialisée soit offerte aux professionnels de l'éducation, de la santé, de la justice et des services sociaux pour l'évaluation de la violence, de la revictimisation sexuelle et de la violence conjugale dans le cadre de leurs interventions auprès des enfants et des adolescents, pour que des professionnels comme les enseignants aient les compétences, la formation et les outils requis pour reconnaître les signes de violence contre des enfants, pour comprendre leurs responsabilités et pour réagir avec compassion de manière à les aider vraiment. Il faut aussi que les professionnels de la lutte contre la violence faite aux enfants aient accès à de la formation spécialisée et à du soutien.
    Nous commençons à peine à comprendre toutes les ramifications de la violence faite aux enfants et ses liens avec la violence envers les femmes. Nous sommes en train de concevoir des modèles novateurs axés sur la collaboration. Si le gouvernement, les collectivités et les organisations unissent leurs forces, nous pouvons réussir à changer la vie de nos enfants et ultimement à construire de la résilience pour les générations à venir.
    Notre société a le devoir moral et éthique de protéger ses enfants et de faire de la lutte à la violence envers les enfants et les femmes une priorité nationale.
    Nous vous remercions de votre temps et de votre appui sur ces enjeux très graves.

[Français]

     Je vous remercie, mesdames Johnston et Ofrim.
    Je cède maintenant la parole à Mme Faraday, pour dix minutes.

[Traduction]

     Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer devant le comité.
    Comme on vous l'a dit en introduction, je suis avocate spécialisée en droit du travail et en droits de la personne. J'exerce à Toronto et je suis professeure invitée à la Osgoode Hall Law School. Je travaille depuis 25 ans avec les travailleurs migrants à faible revenu qui arrivent au Canada par les divers les canaux de migration destinés aux travailleurs temporaires: le Programme des travailleurs agricoles saisonniers, le Programme des aides familiaux résidants et le Programme des travailleurs étrangers temporaires.
    J'aimerais vous parler aujourd'hui des problèmes structurels qui rendent les femmes migrantes particulièrement vulnérables à la violence sexuelle. J'aimerais surtout aborder deux thèmes, soit la nécessité d'éliminer les barrières structurelles propres aux programmes de migration pour les travailleurs temporaires, qui rendent les femmes vulnérables à la violence sexuelle, puis le genre de pratiques à mettre en place pour créer un milieu sécuritaire.
    Les caractéristiques qui rendent les travailleurs migrants vulnérables à la violence et exposent particulièrement les femmes à la violence sexuelle sont les conditions de dépendance, d'isolement, de précarité du statut d'immigration au Canada et l'absence de mécanisme efficace pour leur permettre de se plaindre de leur traitement. Ce sont les quatre éléments que je veux examiner.
    J'aimerais également faire le lien avec un exemple de l'usine de transformation de poisson Presteve Foods de Wheatley, en Ontario. Dans cette affaire, 42 travailleuses migrantes mexicaines et thaïlandaises ont porté plainte non seulement pour des infractions en matière d'emploi, mais pour violence sexuelle en milieu de travail. L'employeur a été accusé de 23 chefs d'agression sexuelle et 5 chefs de voies de fait simples. Il a fini par plaider coupable pour voies de fait simples, mais les accusations de violence sexuelle ont dû suivre leur cours sous forme d'une plainte en droits de la personne devant le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario. Le plus remarquable dans l'affaire Presteve n'est pas tant la vulnérabilité des femmes et la violence à laquelle elles ont été confrontées, mais le fait qu'elles aient réussi à porter plainte officiellement. Le plus remarquable dans leur situation, c'est qu'elles étaient syndiquées. Elles ont réussi à porter plainte grâce à l'appui de leur syndicat et d'organisations communautaires du Sud de l'Ontario, mais la plupart des femmes n'ont pas tout ce soutien. Comme vous le verrez, même tout ce soutien n'a pas suffi.
    La principale caractéristique qui rend les femmes migrantes si vulnérables à la violence sexuelle, c'est la dépendance que créent les contraintes associées à leur permis de travail. Selon les programmes de migration pour les travailleurs temporaires à faible revenu, les travailleurs reçoivent des permis qui les lient exclusivement à l'employeur nommé sur le permis, à l'emploi indiqué sur le permis, à l'endroit inscrit sur le permis et pour la période associée à ce permis temporaire. Cette seule condition crée un énorme déséquilibre des pouvoirs qui rend pratiquement impossible pour les travailleurs de résister aux abus auxquels ils sont exposés.
    Pour bon nombre de travailleurs, les programmes de migration temporaire exigent également que le logement soit lié à l'employeur ou qu'il soit dans les faits fourni par l'employeur. Cela crée un autre lien qui les rend encore plus vulnérables.
    Le troisième facteur que je tiens à porter à votre attention, c'est que la plupart des travailleurs migrants qui occupent ces emplois peu rémunérés doivent payer des frais de recrutement exorbitants et abusifs pour pouvoir venir ici. J'ai réalisé une étude qui a été publiée en avril dernier et qui montre que les deux tiers des aides familiaux résidants qui viennent au Canada paient des frais de recrutement de 3 500 $ à 5 000 $. Ces frais ne cessent de grimper ensuite: ils passent à 7 000 $, 9 000 $ ou 12 000 $ pour un travailleur qui arrive au Canada.
    Dans d'autres secteurs, dans la transformation des aliments, en restauration ou pour d'autres emplois peu rémunérés, les frais de recrutement illégaux sont tout aussi courants. Ces frais lient encore davantage les travailleurs à l'employeur, parce qu'ils ne peuvent pas résister aux traitements injustes et aux abus sexuels en milieu de travail, parce qu'ils doivent rembourser leurs prêts de recrutement.
    Dans l'affaire Presteve, quand ces travailleuses du Mexique et de la Thaïlande sont arrivées au Canada, elles étaient liées à cet employeur. Elles avaient payé jusqu'à 10 000 $ en frais de recrutement. À leur arrivée, elles vivaient dans un pavillon-dortoir sur la propriété de l'employeur, si bien qu'elles étaient totalement isolées de la communauté locale et qu'elles étaient abondamment exposées à de la violence et à du harcèlement sexuel au travail.

  (0920)  

    L'impossibilité de porter plainte à ce sujet est tout à fait réelle, car ces femmes ne peuvent pas démissionner et trouver un autre emploi; elles sont liées à leur employeur. Elles ne peuvent pas partir, car elles doivent rembourser les frais de recrutement. Elles sont isolées en raison de leur langue. Elles souffrent aussi d'un isolement physique. Elles ne peuvent pas avoir accès aux services d'établissement, ce qui est vraiment problématique. Les organisations fédérales offrent ces services uniquement aux travailleurs qui ont le statut de résident permanent, et non à ceux qui sont ici temporairement. Il y a vraiment un manque de protection pour les travailleuses qui veulent se plaindre d'actes de violence sexuelle.
    Dans l'exemple que je vous ai donné, les actes de violence ont été commis en 2007 et 2008, et les procédures judiciaires ne sont toujours pas terminées. Le Tribunal des droits de la personne a été saisi de pas moins de 13 motions de procédure. La décision finale quant au bien-fondé des plaintes n'a pas encore été rendue. Les permis de travail des victimes ne sont toutefois valides que pour une période de deux ans. Le processus judiciaire avance à pas de tortue. Bon nombre des travailleuses victimes de mauvais traitements ont déjà dû quitter le pays. Il n'y a aucun processus en place pour protéger les femmes qui décident de se plaindre. Elles n'ont pas accès à un permis de travail ouvert ou à une autre forme de garantie qui leur permettrait de rester au Canada, de trouver un gagne-pain pendant que les procédures judiciaires suivent leur cours, ou d'établir leur admissibilité à la sécurité sociale pour pouvoir rembourser les sommes qu'elles ont dû verser pour venir au Canada.
    Il faut absolument que l'on comprenne bien qu'il y a moyen de faire changer les choses. Je ne suis pas la première à formuler de telles recommandations. Il serait notamment important d'éliminer ces permis de travail créant un lien avec l'employeur. Plusieurs ont déjà recommandé l'instauration de permis provinciaux ou sectoriels qui permettraient aux travailleuses de partir ou de changer d'emploi lorsqu'elles subissent des mauvais traitements. Il faudrait appliquer de façon très stricte des dispositions législatives empêchant l'imposition de frais de recrutement abusifs. Elles doivent pouvoir se syndiquer et s'intégrer à des réseaux communautaires. Il faut les informer de leurs droits à leur arrivée au Canada et leur indiquer à qui elles peuvent s'adresser pour obtenir de l'aide, notamment en cas de mauvais traitements. Il faut leur offrir des recours efficaces pour assurer le respect de leurs droits en leur évitant un processus judiciaire qui risque de durer plus longtemps que leur séjour possible au Canada. Et, en fin de compte, il faut surtout qu'il leur soit possible d'accéder au statut de résidente permanente pour ne pas être piégées dans une situation de séjour temporaire où leur présence au Canada et tous les droits dont elles disposent chez nous sont assujettis au maintien d'un lien avec leur employeur.
    Les modifications apportées, tant au Programme des travailleurs étrangers temporaires en juin qu'à celui des aides familiaux résidants n'ont atténué en rien la vulnérabilité inhérente à ce statut temporaire et à ces permis créant un lien avec l'employeur.
    Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions.

  (0925)  

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, madame Faraday.
    Nous allons maintenant passer à la période des questions.
     Madame Truppe, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je veux souhaiter la bienvenue à tous nos témoins et les remercier de leur présence aujourd'hui. Il est toujours très intéressant d'entendre parler du travail formidable accompli par les différentes organisations et de connaître votre point de vue sur les mesures à prendre.
    Tracy, vous avez abordé différents sujets. J'aimerais en savoir davantage sur les projets que vous réalisez. Vous avez parlé du plan d'action, et les 25 millions de dollars que nous avons annoncés visent non seulement les Premières Nations, mais aussi les Métis et les Inuits. Parmi les autres initiatives prévues dans le plan d'action, nous avons annoncé des investissements de 200 millions de dollars. De ce total, 158 millions de dollars iront à des refuges et à des activités de prévention de la violence familiale, une aide qui sera sans doute très précieuse pour bien des organisations.
    Puis-je vous demander d'abord à combien se chiffre la population inuite?
    Il y a environ 60 000 Inuits.
    Soixante mille pour tout le Canada...
    Pour tout le Canada... et c'est la population qui connaît la croissance la plus rapide au pays.

  (0930)  

    Celle qui croît le plus rapidement?
    Oui.
    D'accord.
    En 2013-2014 vous avez reçu un montant d'un million de dollars des Affaires autochtones pour votre financement de base et la réalisation de projets. À quoi a servi cet argent?
    Il y a différents éléments. L'organisation a reçu 396 000 $ en financement de base pour l'année, ce qui permet de payer pour une partie des dépenses du conseil d'administration, la tenue des réunions, une portion du loyer, les vérifications et toute une série de frais de fonctionnement.
    Beaucoup de frais d'administration...?
    Oui. De nombreux rapports doivent être produits pour tous nos projets. Il y a donc une certaine partie du montant d'un million de dollars que nous recevons qui sert à notre financement de base et le reste est utilisé pour des projets annuels ou surtout pour des projets fondés sur des propositions.
    Alors le reste, si l'on soustrait ces 400 000 $, pour arrondir, du million obtenu, sert uniquement...
    C'est exact et il pourrait s'agir d'un seul projet qui coûte 75 000 $ ou d'un projet d'une durée de deux ou trois ans dont le coût total serait de 300 000 $.
    D'accord.
    Vous avez parlé d'un projet d'un an de Condition féminine Canada qui s'intitule Travaillons ensemble: engager les collectivités dans l'élimination de la violence faite aux femmes et aux filles, avec l'objectif de mobiliser les hommes et les garçons, ce qui est formidable...
    Oui.
    ... Condition féminine Canada a mis en oeuvre différentes initiatives visant à engager les hommes et les garçons, car cette mobilisation est essentielle si on veut vraiment changer les choses. Je me réjouis de constater que vous contribuez à cet effort.
    C'était, je crois, pour un montant de 300 000 $, et vous avez reçu également 228 000 $ pour un autre projet réalisé dans le cadre de l'initiative Débouchés économiques des femmes: ouvrir des portes, en vue de promouvoir l'avancement des femmes dans les secteurs traditionnellement masculins. Pouvez-vous nous parler de quelques pratiques particulièrement efficaces que vous avez pu mettre au point en réalisant ces deux projets?
    J'ai l'impression que vous avez mené plusieurs initiatives différentes. Nous sommes à la recherche de pratiques vraiment efficaces, surtout dans l'objectif d'obtenir l'engagement des hommes et des garçons. Est-ce que vos efforts vous ont permis de faire certaines avancées qui pourraient être utiles pour d'autres organisations?
    Il est peut-être un peu trop tôt pour discuter des conclusions du projet mené avec l'aide de Condition féminine Canada, car nous en sommes à la dernière année d'un projet de deux ans.
    C'est celui qui vise l'engagement des hommes et des garçons?
    C'est bien cela. Il se terminera à la fin du présent exercice financier.
    Je dirais que la meilleure façon de faire consiste à travailler en partenariat avec les femmes des Premières Nations, les Inuites et les Métisses avec lesquelles nous avons établi des liens très étroits. Nous pouvons ainsi travailler à l'intérieur d'un cadre culturel tout à fait pertinent. Les femmes peuvent se reconnaître dans les ressources que nous mettons à leur disposition et dans le travail que nous effectuons.
    Vous avez raison. Il n'est plus possible de travailler en vase clos. Les partenariats sont essentiels à la réussite de toutes nos initiatives.
    Qu'en est-il de votre autre projet dans le cadre de l'initiative visant à ouvrir des portes aux femmes? Celui-là est-il terminé ou suffisamment avancé pour que l'on puisse en tirer des enseignements vraiment révélateurs?
    Nous avons réalisé plusieurs projets de développement économique en partenariat avec Affaires autochtones.
    Il y a un de ces projets dont les résultats ont été au-delà de mes attentes. Nous avons établi un réseau de femmes d'affaires inuites. Vous trouverez sur notre site Web tous les renseignements au sujet de ce réseau dont nous sommes très fières.
    Le réseau a été mis sur pied à la lumière des besoins exprimés par les femmes d'affaires inuites à Iqaluit et à la suite d'une rencontre avec la ministre alors en poste, Mme Ambrose. Elle voulait parler avec les femmes d'affaires. J'étais présente à cette rencontre en compagnie de notre présidente. Il y avait une possibilité qui s'offrait à nous avec le soutien du gouvernement fédéral et tout s'est très bien déroulé.
    Encore une fois, on est parti des besoins exprimés par celles que l'on souhaitait aider, et il fallait tenir compte de la situation particulière du Nord...
    Oui, certainement.
    Et même du contexte géographique dans la perspective du développement économique. Comment pouvons-nous avoir accès aux marchés? Les femmes nous ont aussi indiqué qu'il leur fallait une meilleure connaissance de base des questions financières.
    C'est extrêmement utile.
    Qu'est-ce qu'un plan d'affaires? Quelles sont mes responsabilités en tant qu'employeur? Des choses semblables... L'établissement d'un réseau a été d'un grand secours tout comme l'accès à des modèles et au soutien des pairs, comme on l'indiquait précédemment. Sur notre site Web, nous présentons des femmes d'affaires inuites pouvant servir de modèles.
    Malheureusement, c'était un projet limité à deux ans. Il a connu beaucoup de succès, mais le financement s'est arrêté. Nous sommes présentes sur le Web, mais nous n'avons pas la capacité de poursuivre l'expansion du réseau.
    Oui. Ou de tenir des réunions et des choses semblables...
    Tout à fait.
    C'était une excellente initiative.
    Absolument, et nous avons même pu concevoir du nouveau contenu pour notre site Web.
    L'initiative a très bien fonctionné et c'est une pratique dont d'autres pourraient certes s'inspirer.
    La présidente: Vous avez 30 secondes.
    Mme Susan Truppe: Je n'arrive pas à croire que mon temps est déjà presque écoulé. Comme il ne me reste que 30 secondes, aussi bien continuer avec vous, Tracy.
    Vous avez également parlé, et c'est peut-être dans le cadre d'un des deux projets que j'ai mentionnés, d'une trousse d'outils conçue aux fins des groupes d'hommes au sein des collectivités. Il m'a semblé que cela pouvait être un moyen d'action vraiment efficace.
    Pouvez-vous nous dire rapidement en quoi cette initiative pourrait améliorer les choses?

  (0935)  

    L'une de mes collègues s'est rendue aujourd'hui à Rankin Inlet pour rencontrer un groupe d'hommes avec lesquels elle va passer en revue le contenu de la trousse d'outils. C'est un projet que nous devrions mener à terme d'ici la fin mars.
    Voilà qui est bien. Excellent.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Je cède maintenant la parole à Mme Nash, pour sept minutes.

[Traduction]

    J'aimerais poser des questions à tous nos témoins, mais je vais débuter avec Mme Faraday et le Programme des travailleurs étrangers temporaires, et plus particulièrement celui touchant les aides familiaux résidants.
    Comme je suis une députée de la région de Toronto, je me souviens très bien des événements dont vous nous avez parlé chez Presteve Foods. Cette terrible situation a pu être dénoncée uniquement lorsque les femmes en question ont pu avoir accès à leur syndicat et au soutien de leur collectivité.
     Vous avez évoqué le statut temporaire des aides familiales résidantes. Avec les récents changements apportés, elles seront encore moins nombreuses à pouvoir obtenir le statut de résidente permanente et ainsi avoir accès aux services de santé et sécurité et aux programmes d'indemnisation pour les accidentés du travail. À Toronto, nous nous rappelons du cas de Jocelyn Dulnuan qui a été assassinée dans la résidence de son employeur. Plus récemment et toujours à Toronto, il y a une femme qui est morte d'une blessure à la tête après avoir chuté dans la résidence de son employeur.
    Pouvez-vous nous expliquer de façon plus détaillée à quel point le statut temporaire de ces aides familiales et les obstacles qui les empêchent d'accéder à la résidence permanente peuvent rendre vulnérables les femmes dans cette situation, et nous dire ce qu'il faudrait faire pour qu'elles puissent accomplir en toute sécurité ce travail important qu'on leur confie?
    C'est le statut temporaire de ces travailleuses qui est à l'origine de leur manque de sécurité. Les permis de travail qui les lient à leur employeur sont également un facteur important à considérer.
    Les modifications qui viennent d'être apportées avec l'imposition de maximums ont pour effet de dénaturer l'entente qui est à la base du programme des aides familiales résidantes. En vertu de cette entente, ces femmes pouvaient obtenir le statut de résidente permanente à l'issue de deux années de travail comme aide familiale. Ce n'est plus le cas. Elles peuvent soumettre une demande, mais rien ne garantit qu'on leur octroiera la résidence permanente. Ces femmes deviennent ainsi encore plus vulnérables. Elles ne savent plus si elles pourront devenir un jour résidentes permanentes ou si elles sont prises au piège dans une suite de situations temporaires.
    Pour ce qui est des autres changements apportés, la distinction entre les volets garde d'enfants et soins à des personnes ayant des besoins médicaux élevés est aussi à l'origine d'une vulnérabilité accrue. Auparavant, les femmes pouvaient travailler dans ces deux secteurs pour accumuler les 24 mois d'emploi dont elles avaient besoin. Dorénavant, elles seront limitées à un seul de ces deux volets. Elles ne pourront pas passer de l'un à l'autre pour accumuler des périodes d'emploi.
    Il y a des obstacles bien réels et beaucoup d'incertitude quant à la possibilité d'accéder au statut de résidente permanente. Il faudrait offrir à ces travailleuses le droit à un tel statut dès leur arrivée au pays. Il faut notamment se préoccuper du fait que des changements apportés au volet des fournisseurs de soins à des personnes ayant des besoins médicaux élevés confinent à un statut temporaire toute une série d'emplois généralement occupés par des femmes au titre desquels elles pouvaient demander directement le statut de résidente permanente dans le cadre du volet fédéral des emplois hautement spécialisés. Ainsi, les infirmières autorisées, les infirmières psychiatriques autorisées et les infirmières auxiliaires autorisées, qui pouvaient autrefois présenter directement une demande, se retrouvent maintenant coincées dans un statut temporaire qui les oblige à travailler pendant une certaine période à l'issue de laquelle elles peuvent devenir résidentes permanentes, bien que ce ne soit pas garanti.
    Plus ces travailleuses se retrouvent dans une situation vulnérable et incertaine, plus elles se voient dans l'obligation d'endurer les traitements qu'on leur fait subir au travail dans l'espoir d'accéder un jour à une certaine sécurité. Plus cette éventualité devient éloignée pour elles, plus leur situation devient périlleuse.

  (0940)  

    Vous parlez de femmes qui se retrouvent déjà dans une situation très difficile parce qu'elles sont toutes seules au Canada, très loin de leur pays d'origine et doivent vivre dans l'isolement. Comme elles doivent généralement travailler seules pour une famille, leur statut temporaire rend leur situation encore plus précaire. Nous nous sommes réjouis du changement apporté par le gouvernement lorsqu'il a décidé que les aides familiales n'avaient plus à résider chez leur employeur. Elles demeurent toutefois liées à cet employeur. Pouvez-vous nous expliquer en quoi elles sont plus vulnérables du fait de ce lien avec un employeur unique? Comme vous l'avez indiqué, il est possible qu'elles aient des sommes à rembourser parce qu'elles ont dû payer des frais pour venir au Canada.
    Plus souvent qu'autrement, ces femmes ont effectivement dû payer certains frais. Règle générale, les sommes ainsi versées équivalent à deux années de rémunération pour un travail à temps plein dans leur pays d'origine, ce qui les oblige à s'endetter lourdement auprès d'un prêteur pour pouvoir venir au Canada. Pour ce qui est du lien avec l'employeur, le maintien de bonnes relations est absolument essentiel. Tant les aides familiales résidantes que les autres travailleurs étrangers temporaires sont à la merci du bon vouloir de l'employeur qui contrôle totalement leur situation. Leur droit de demeurer au pays et d'y gagner leur vie est entièrement assujetti à ce lien. Ces personnes ne peuvent pas changer d'employeur sans avoir à reprendre tout le processus du début en obtenant un nouvel avis sur le marché du travail et un nouveau permis de travail.
    Lorsque des travailleuses finissent par porter plainte, elles sont généralement congédiées et se retrouvent sans abri. Si vous êtes sans emploi et itinérante et devez rembourser des frais de recrutement, votre situation est vraiment périlleuse. Les travailleuses qui essaient d'obtenir un nouveau permis de travail doivent vraiment s'armer de patience. Il faut compter de cinq à six mois, une période pendant laquelle elles ne peuvent pas travailler. Certaines femmes doivent donc travailler temporairement sans permis pour pouvoir se nourrir et rembourser les frais de recrutement. Il y a des employeurs qui tirent profit de cette situation.
    Y a-t-il...
    Désolée, Peggy, mais vous n'avez plus de temps. Si vous voulez seulement terminer ce que vous souhaitiez dire, madame Faraday.
    J'allais dire qu'il y a des employeurs qui tirent profit de la situation en sachant que ces travailleuses sont encore plus vulnérables du fait qu'elles n'ont pas de permis, ce qui les expose à davantage de violence, d'autant plus qu'elles doivent payer des frais pour le traitement d'un avis sur le marché du travail, défrayer les honoraires d'un avocat pour obtenir un nouveau permis de travail et régler les droits associés à ce nouveau permis. C'est simplement une nouvelle façon de rendre ces femmes encore plus vulnérables.
    Merci.

[Français]

     Je cède maintenant la parole à Mme O'Neill Gordon, pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    Comme nous le savons toutes, il s'agit d'une étude très importante et nous vous sommes reconnaissantes pour toute l'information que vous nous avez transmise dans vos exposés. Cela nous fournira amplement matière à réflexion et nous vous en remercions.
    Ma première question s'adresse à Tracy O'Hearn. Vous avez parlé dans votre déclaration d'un montant de 20 millions de dollars reçu du gouvernement fédéral. Avez-vous une idée de la façon dont ces 20 millions de dollars ont été utilisés? Vous avez dit que 80 000 $ avaient servi à une étude sur les femmes.
    Je suis désolée, mais je l'ignore. La semaine dernière, j'ai entendu un collègue de l'Inuit Tapiriit Kanatami dire que la totalité du financement avait été allouée, mais je n'ai aucune idée...
    Lorsque votre communauté reçoit cet argent, est-il affecté à certains projets particuliers, ou est-ce que votre association dispose d'un mécanisme lui permettant de décider quoi en faire?
    C'était un processus basé sur des propositions. Le ministère des Affaires autochtones a annoncé ce financement en indiquant les six thèmes pour lesquels on acceptait des propositions. Dans certains cas, nous n'étions tout simplement pas admissibles. On s'adressait plutôt aux Autochtones vivant dans des réserves ou aux membres des Premières Nations. Comme notre personnel est très limité, nous n'avons pu soumettre que deux propositions dans le délai accordé. Elles ont été acceptées toutes les deux, mais nous n'avons obtenu que le quart du financement demandé pour un projet national d'une durée d'un an. Comme je l'indiquais, de ces 7 millions de dollars... Je ne comprends pas vraiment pourquoi il y a 7 millions de dollars pour la prévention de la violence familiale et la protection à cet égard, et 20 millions de dollars pour les organisations représentant les Autochtones, car ce dernier montant s'inscrit également dans le volet de prévention de la violence familiale. Je ne sais pas trop... ce n'est pas vraiment clair, mais il s'agissait effectivement d'activités fondées sur des propositions découlant des besoins et des priorités que nous connaissions déjà.
    J'espère avoir répondu à votre question.
    À partir de ce total de 27 millions de dollars, on nous a accordé du financement pour deux projets, c'est-à-dire un total de 155 000 $.

  (0945)  

     Vous avez mentionné que vous aviez reçu 80 000 $. Dans quelle rubrique cette somme s'inscrit-elle?
    C'était pour des activités de développement économique pour les femmes inuites.
    Ce serait un bon programme.
    Vous avez également mentionné — et ma collègue aussi — la mise en oeuvre d'un nouveau programme ou d'une nouvelle idée appelée Toolkit. Pourriez-vous me l'expliquer plus en détail, étant donné que vous avez manqué de temps? Aimeriez-vous nous en dire un peu plus sur le succès de ce programme? D'après ce que je comprends, il s'agit d'un programme pour les hommes et les garçons.
    Nous avons mené un examen de la documentation pour trouver des pratiques prometteuses ou plus appropriées au sein des populations et des collectivités autochtones avec l'objectif général de travailler auprès des hommes pour réduire la violence. Nous avons cerné environ 10 pratiques qui, à notre avis, sont prometteuses. L'une d'entre elles était le programme I Am A Kind Man exécuté par l'Ontario friendship centre association.
    Nous travaillons toujours avec un comité consultatif qui représente la région. Nous travaillons avec deux groupes d'hommes inuits en particulier: l'un au Nunavik, dans le Nord du Québec et l'autre au Nunavut. Il n'y a pas beaucoup de groupes d'hommes inuits organisés. Nous avons discuté avec les membres de notre comité consultatif de certains des éléments de chaque programme qui, à leur avis, fonctionneraient, et des éléments qui devraient être modifiés et adaptés aux Inuits, et nous avons ensuite commencé l'ébauche de documents qui portent sur le traitement des sévices subis dans le passé. Les hommes ont un grand besoin de guérison. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les hommes ont également été victimes de violence et de mauvais traitements lorsqu'ils étaient enfants. Nous ne commencerons pas à parler des pensionnats, etc., mais nous le savons. Nous rédigeons des ébauches. Par exemple, si un groupe d'hommes d'une collectivité souhaite exécuter un programme pendant six semaines, quels pourraient être les modules de ce programme? Comment pourrions-nous les répartir?
    Un grand nombre de personnes considèrent que les activités menées sur les terres sont très efficaces, car les participants peuvent quitter le village, aller à la chasse et revenir à des pratiques plus traditionnelles qui se perdent en quelque sorte dans l'économie fondée sur les salaires et les virages culturels très rapides. Ce sont les éléments que nous avons tenté de développer en nous fondant sur nos autres travaux.
    Nous soumettons constamment nos conclusions à notre comité consultatif et aux groupes d'hommes et, comme je l'ai dit, ma collègue est à Rankin Inlet aujourd'hui pour préparer ce qui, nous l'espérons, sera la version finale, afin qu'il y ait des outils, des ressources, des exercices et des techniques pour travailler avec les hommes, surtout en vue de leur propre guérison, mais avec l'objectif principal de réduire la violence.
    Il est très important d'inclure les hommes et de les faire participer, comme nous le savons tous.
    C'est vrai.
    Savez-vous combien d'argent a été investi dans ce programme?
    Je crois qu'il s'agit d'environ 300 000 $ sur deux ans.
    D'accord. Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Marion Little.
    Sur quel élément de votre exposé souhaitez-vous attirer particulièrement l'attention du comité?
    Je sais qu'on a récemment annoncé du nouveau financement pour diverses initiatives de partout au Canada qui visent les enjeux liés à la violence faite aux femmes. Je crois qu'il est important de nous rappeler que cela se produit dans un contexte de plus de 10 ans de compressions qui ont déjà décimé notre capacité précédente de réagir. Sur le plan historique, plus de 69 organismes très importants ont été éliminés partout au Canada, notamment l'Association nationale de la femme et du droit, des ressources en santé, des ressources pour les Premières Nations, des ressources en matière d'établissement et des ressources pour les nouveaux venus — des femmes dans ces situations.
    Les organismes pair-à-pair dont j'ai parlé sont traditionnellement sous-financés. Étant donné que mes antécédents les plus récents sont liés au poste de directrice générale d'un organisme pair-à-pair au service des travailleurs du sexe, je sais que les travaux très spécialisés effectués par PEERS Victoria et ses organismes affiliés de partout au pays ne tiennent qu'à un fil, car les gens qui font ce travail ont surmonté leurs propres difficultés, ont obtenu une éducation et de l'expérience, et fournissent maintenant du soutien à la communauté. Cette expérience ne s'achète pas. Sans financement, ces organismes disparaissent et les coûts augmentent pour tout le monde.

  (0950)  

    Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avons pour maintenant, mais d'autres questions vous donneront peut-être la chance de compléter votre réponse.

[Français]

     Madame Duncan, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais remercier tous les témoins d'être ici aujourd'hui, de leur temps et de leurs efforts, ainsi que du travail qu'elles font jour après jour.
    J'ai des questions pour tous les témoins, mais je vais commencer par Mme O'Hearn.
    A-t-on consulté votre organisme sur le plan d'action du gouvernement pour cibler la violence familiale et les crimes violents commis contre les femmes et les filles autochtones?
    Non.
    Merci.
    Vous avez dit que la violence avait atteint un niveau de crise. Étant donné les données que vous nous avez présentées, nous devrions tous être outrés, car la situation est terrible. Et le fait que le Nunavut est la région la plus dangereuse pour les femmes et les enfants...
    Quelles sont les trois recommandations principales que vous aimeriez voir dans le rapport?
     C'est une grosse question.
    L'accès aux services de soutien doit être plus équitable dans les collectivités, et cela comprend les services aux victimes. La plupart des collectivités sont desservies par un seul centre de santé. Vous savez, nous avons récemment comparu devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Je dirais que l'une de nos priorités les plus importantes, c'est l'accès aux soutiens et aux services spécialisés. Il n'y a aucun service en psychiatrie, très peu de services en psychologie... Nous avons besoin de soutien psychologique dans les collectivités, peut-être en rotation.
    Combien de psychiatres et de psychologues y a-t-il dans le Nord? Le savez-vous?
    Je crois qu'il n'y en a aucun.
    Il n'y a aucun psychiatre dans tout le Nord.
    Je ne suis pas au courant de la présence d'un psychiatre dans le Nord. Je crois que les services offerts au Nunavik le sont par l'entremise de télésanté — c'est-à-dire de manière virtuelle. Ce serait donc un service.
    Je dirais que la deuxième recommandation générale est liée à la nécessité d'effectuer des investissements pour résoudre la crise immédiate. Il y a 53 collectivités inuites dans l'Inuit Nunangat, comme on l'appelle. Environ 70 % de ces collectivités n'ont pas de refuge sécuritaire pour les femmes et les enfants qui tentent d'échapper à la violence. Je sais personnellement et par expérience que cette situation a directement entraîné la mort de femmes et d'enfants. Plus de 70 % de ces collectivités n'ont pas de refuge sécuritaire. Il n'y a aucune aide, mais il faut améliorer l'accès aux services qui aident les femmes à quitter leur foyer et leur collectivité, car il faut le faire par avion.
    J'ai entendu une histoire il n'y a pas si longtemps, lorsque Helena Guergis était ministre responsable de la Condition féminine. Elle a participé à notre réunion annuelle. Une femme avait pratiquement supplié un travailleur social de l'Ouest du Nunavut de lui trouver une place dans un avion pour qu'elle puisse échapper à la violence dans sa collectivité. Sa demande a été refusée, et elle a été assassinée.
    Je le sais donc par expérience. Je ne sais pas comment classer des priorités aussi urgentes, mais ce serait la deuxième priorité, c'est-à-dire un meilleur accès à la sécurité pour les femmes et les enfants.
    Je dirais que la troisième priorité est liée à des efforts soutenus, et non à un projet annuel fondé sur des critères prédéterminés et qui répond ou ne répond peut-être pas aux besoins et aux priorités des Inuits. Il faut que ces efforts soient soutenu. Et à mon avis, il faut qu'il s'agisse d'une réponse qui vient de l'ensemble du gouvernement, donc joignons tous nos efforts avec les organismes de femmes inuites régionaux. Nous devons être en mesure de collaborer. Ils n'ont pratiquement aucune capacité. Je crois que tous les intervenants inuits, le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires — nous avons une table ronde en février avec les provinces et les territoires — doivent se rassembler, cerner les priorités inuites et le rôle que chaque entité doit jouer et déterminer la façon dont nous pouvons réaliser ces initiatives de façon durable et appropriée.
    Merci.

  (0955)  

    Merci, madame O'Hearn.
    Je vais aborder la question du financement de base durable. Vous avez parlé de 27 millions de dollars. S'agissait-il de la moitié de la moitié d'un pour cent?
    Il s'agissait de la moitié d'un pour cent, c'est-à-dire 155 000 $ de 27 millions de dollars cette année.
    Merci.
    Madame Little, pourriez-vous commenter les effets qu'aura le projet de loi C-36 sur la sécurité des femmes?
    Les résultats des recherches effectuées au Canada et partout dans le monde et les organismes de défense des droits des travailleurs du sexe de partout au Canada expriment certainement des préoccupations considérables sur la façon dont le projet de loi forcera probablement les travailleurs du sexe à la clandestinité.
    J'ai parlé de la façon dont un seul petit facteur, c'est-à-dire le nombre restreint de policiers qui ont des comportements contraires à l'éthique dans chaque région, peut nuire à la capacité de mettre en oeuvre un tel projet de loi, car ces policiers nuisent eux-mêmes à la relation entre les travailleurs du sexe et la police.
    La confusion liée aux restrictions visant les travailleurs du sexe est énorme, et je pense donc que nous avons créé une situation très complexe pour les gens qui font ce type de travail pour subvenir à leurs besoins.
    Lorsque nous examinons un pays comme la Nouvelle-Zélande, nous constatons certainement que lorsqu'on consulte les femmes marginalisées touchées par une certaine loi, la loi créée a ensuite tendance à faire diminuer la violence commise contre ce groupe. En Nouvelle-Zélande, nous avons constaté, sur plus de 10 ans, comment ce type de consultation avec les groupes pair-à-pair, ainsi qu'avec les entreprises et le gouvernement, avait réduit la violence de façon exponentielle là-bas et avait augmenté le signalement d'activités telles l'exploitation, la traite de personnes, l'exploitation des jeunes, etc.
    Ici, avec la loi en vigueur, les gens hésiteront davantage à s'adresser à la police, ce qui signifie que lorsque les travailleurs du sexe sont témoins d'activités liées à la traite de personnes ou à l'exploitation des jeunes, s'ils hésitaient déjà à s'adresser à la police dans le cadre de l'ancienne loi, ils hésiteront davantage maintenant, car ils ne sauront pas à quelles répercussions s'attendre. Je crois donc qu'il s'agit certainement d'une préoccupation.
    Je sais que l'intention était bonne.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Je cède maintenant la parole à Mme Ambler, pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Puis-je m'adresser à vous, madame Little, pour parler des programmes pair-à-pair? À mon avis, ce sont ceux dont vous avez manifestement souligné l'efficacité dans votre exposé, et vous avez depuis parlé un peu de la raison de leur efficacité. Pourriez-vous nous dire si c'est en raison du mentorat?
    Vous avez mentionné que souvent, lorsqu'une personne a vécu une situation pénible et qu'elle s'en sort, il y a une lumière au bout du tunnel, mais cela semble très simple. Il doit y avoir d'autres raisons pour lesquelles ces programmes fonctionnent. Pourriez-vous nous expliquer leur fonctionnement?
    Je crois que le mentorat est une partie importante des programmes pair-à-pair. Je crois que la partie la plus importante, surtout en ce qui concerne les groupes marginalisés qui ont l'impression d'être isolés au sein de la collectivité — et marginalisés selon la définition de Wally Oppal —, c'est qu'il y a très peu de ressources dans la collectivité pour les groupes de femmes marginalisées que j'ai nommés dans mon exposé, et ces groupes ne peuvent pas avoir accès aux ressources et ces femmes ne pensent pas qu'on les accueillera non seulement avec courtoisie, mais avec des mesures et des ressources appropriées.
    Lorsque j'étais directrice générale de PEERS, et que nous offrions des services aux travailleurs du sexe les plus en détresse, c'est-à-dire environ 20 % des membres de ce groupe, et que nous offrions des services à des gens qui étaient peut-être plus stables, mais qui vivaient une crise, ces personnes se présentaient à notre centre et souvent, elles ne se présentaient qu'à nos centres. Souvent, les personnes marginalisées ne se présentaient pas à d'autres centres.
    Lorsque PEERS a perdu son financement l'an dernier, en raison de changements apportés au financement provincial, et que l'organisme a dû temporairement fermer plusieurs de ses services, nos organismes collègues de la ville nous ont dit que les gens que nous aidions ne se présentaient pas à leur porte. Ils disparaissaient dans la collectivité.

  (1000)  

    Pensez-vous que c'est parce que lorsque ces personnes se rendent ailleurs, elles n'ont pas l'impression d'être comprises?
    Il s'agit de compréhension. De façon plus essentielle, il s'agit de confiance et de dignité, et d'avoir accès à un endroit sécuritaire. Ces organismes pair-à-pair servent de porte d'entrée pour l'accès à tous les autres organismes du spectre des services sociaux — que ce soit le logement, l'alimentation, le soutien juridique et les tribunaux — et particulièrement au maintien de l'ordre, un sujet auquel s'intéresse le comité, je crois.
    Oui, certainement. En fait, vous avez commencé à décrire le modèle du centre de défense des droits des enfants. C'est très similaire.
    J'ai vraiment aimé ce qu'ils ont dit et je crois que c'est important — surtout en ce qui concerne les femmes autochtones, les Premières Nations, les Métis et les Inuits — que des programmes pair-à-pair et des mesures nationales ciblées soient intégrés dans un plan d'action national pour résoudre le problème de la violence faite aux femmes en général. Cela exige exactement le type d'éducation de la petite enfance et d'éducation de la famille dont parlaient mes collègues de la Sheldon Kennedy Foundation.
    Madame Johnston, et madame Ofrim, permettez-moi de vous poser une question au sujet du centre et permettez-moi tout d'abord de vous remercier d'avoir surtout parlé de la prévention. Je vous en suis reconnaissante.
    Je présume que votre premier point m'a particulièrement intriguée, c'est-à-dire que les enfants qui sont victimes sont plus à risque de devenir des victimes de mauvais traitements lorsqu'ils seront adultes et de devenir eux-mêmes des agresseurs.
    Pourquoi, à votre avis, est-ce le cas, et que pouvons-nous faire pour prévenir cela?
    Le point que vous avez mentionné est clairement exprimé dans l'ensemble des documents que nous avons examinés, mais nous le voyons également dans les données du centre. Je ne suis pas exactement certaine de la raison pour laquelle cela se produit. Je crois qu'il y a quelques facteurs en jeu. L'un de ces facteurs, c'est que la violence est un comportement appris. En effet, lorsqu'une personne voit de la violence, elle l'intègre à sa façon d'interagir avec les autres.
    L'autre élément sur lequel nous devons nous pencher concerne les traumatismes au cerveau et les liens affectifs à un très jeune âge. Ces éléments ont des répercussions sur toutes les relations suivantes. S'ils ne sont pas créés dans un contexte sécuritaire pendant l'enfance, il faut intervenir, ou on assistera aux effets des liens affectifs établis dans un milieu non sécuritaire et à des actes violents plus tard.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Je cède la parole à Mme Sellah pour cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Mesdames, je vous remercie de vos témoignages de ce matin.
    Je vais commencer par faire une remarque par rapport à vos réponses.
    Comme il a été dit, rien n'est encore fait et rien n'arrive à freiner la violence faite aux femmes. J'ai su que vous n'aviez pas été consultées au sujet du plan national contre la violence faite aux femmes.
    Contrairement à mes collègues de l'autre côté, je pense que, quel que soit le nombre de femmes, par exemple au Nunavut, la somme allouée devrait être la même. Cela devrait plutôt être une question de qualité.
    Vous avez dit qu'au Nunavut — au Canada —, les femmes et les enfants sont en danger, et cela me fait peur. Il faudrait investir davantage pour pouvoir intervenir dans les cas urgents, afin de protéger la sécurité de ces femmes et de ces enfants, plutôt que d'investir uniquement en fonction de la population.
    Il y a un autre problème. La cour a reconnu que les travailleuses du sexe sont les femmes les plus vulnérables. Or jusqu'à présent, rien n'a été fait pour les protéger de façon correcte.
    Comment expliquez-vous que rien n'ait été fait pour protéger de la violence les travailleuses du sexe ainsi que les femmes et les enfants du Nunavut?

  (1005)  

[Traduction]

    Je crois que l'un des éléments extrêmement importants, c'est que lorsqu'une politique ou qu'une loi touche des femmes marginalisées, qu'il s'agisse de travailleuses du sexe, de femmes autochtones, d'Inuites, de Premières Nations, de Métisses, de femmes qui ont récemment immigré, de réfugiées ou de femmes avec un statut temporaire — peu importe le groupe —, il faut consulter ces groupes, surtout par l'entremise de points de contact pair-à-pair avec ce groupe. Ensuite, le consensus établi par les recherches nationales sur les pratiques exemplaires et sur les répercussions entraînées par la mise en oeuvre de la politique doit être sérieusement pris en compte. Lorsque nous négligeons ces deux éléments, nous nous retrouvons avec le type d'exemple, le très petit exemple, dont je parlais et qui illustre les conséquences produites par un comportement contraire à l'éthique chez un ou deux policiers par région parmi les excellents policiers que nous avons partout au Canada. Ce petit nombre de policiers décime les possibilités des travailleurs du sexe ou des femmes des Premières Nations ou de toutes les personnes qui ont affaire à cette autorité en particulier. La même situation se produit au sein du système de santé et dans celui des services sociaux, c'est-à-dire qu'une ou deux personnes en position de pouvoir et d'autorité dans chaque région et qui affichent un comportement contraire à l'éthique réduisent considérablement la capacité des femmes marginalisées d'avoir accès aux ressources de façon équitable, des ressources que nous considérons comme étant accessibles à tout le monde, sans avoir à faire face à l'exploitation.
    Ces consultations sont donc importantes et, manifestement, le financement des organismes est essentiel. Il est important de fonder la loi sur la recherche et l'information et ensuite, bien sûr, nous devons offrir de la formation sur la prévention des mauvais traitements pour apporter des changements à la culture de violence. Au Canada, nous avons des problèmes intégrés liés au racisme, aux classes, etc., et ces problèmes touchent les gens d'une façon que la plupart d'entre nous ne peut même pas imaginer.
    Je ne sais pas exactement quoi dire. Les documents qui portent sur les mesures qu'il faut prendre sont devant nous. Je crois qu'il n'est pas nécessaire que ces problèmes nous divisent. Dans le cas du projet de loi C-36, par exemple, si les consultations auprès des organismes de femmes de partout au Canada avaient été plus complètes, ces conversations au niveau fondamental auraient mené à un meilleur consensus autour de la table au Parlement. Nous devons examiner ces problèmes comme des problèmes de santé. Par exemple, lorsque le H1N1 a infecté 10 % de la population, nous avons créé l'Agence de la santé publique, nous avons créé un bureau et un fonds d'urgence. Ces initiatives sont durables et elles se poursuivent. Pourtant, la violence faite aux femmes est une menace qui touche 50 % de la population. C'est une menace à la santé et à la justice beaucoup plus importante que n'importe quelle épidémie à laquelle nous avons fait face. Nous devons envisager de mettre en oeuvre les pratiques exemplaires qui existent déjà, nous le savons, car elles ont été utilisées pour réagir aux épidémies dans le système de santé.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Crockett, vous avez la parole pour cinq minutes.

  (1010)  

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    J'apprécie énormément les témoignages que nous avons entendus jusqu'à maintenant. Je crois que nous sommes très près des pratiques exemplaires, ce qui est l'objectif de cette étude. On nous a dit dès le début que nous avions accompli bien des choses depuis 30 ans et que, pourtant, dans certains domaines tels que la violence faite aux femmes, la situation ne s'est pas beaucoup améliorée. C'est très inquiétant.
    Par conséquent, j'aimerais m'adresser aux représentantes du Sheldon Kennedy Child Advocacy Centre. Je considère que ce centre apporte une vague de changement dans la façon dont on traite ces questions et qu'il propose des solutions innovatrices dont nous pouvons nous inspirer aujourd'hui.
    Mesdames, j'espère que vous nous aiderez à tirer parti de vos apprentissages.
    Lorsque nous investissons de l'argent dans un domaine qui mérite notre attention, ce qui est le plus difficile, c'est de savoir ce qui fonctionne et de pouvoir le mesurer au fur et à mesure que nous avançons.
    Pourriez-vous nous en parler un peu, Bonnie?
    Oui. Je vous remercie de votre question. Nous vous en sommes très reconnaissantes.
    Sachez que notre organisme est pleinement opérationnel depuis un peu moins de deux ans, et je peux vous affirmer que la collaboration entre les divers systèmes a une incidence énorme sur notre travail. Je suis dans le domaine depuis plusieurs années, et nous avons tous cherché des moyens d'améliorer les choses pour nos enfants et nos familles. Encore une fois, tout le leadership dont on a fait preuve en Alberta nous a aidés à aller de l'avant. Pour évaluer nos résultats — et c'est d'ailleurs le rôle de Jenny, qui est à mes côtés —, on a créé cinq directions stratégiques. Chacune d'entre elles a un plan d'activités. Nous dirigeons notre organisme comme si c'était une entreprise et, dans le cadre de chaque plan, nous essayons d'établir les principaux indicateurs de rendement. Nous sommes très privilégiées de pouvoir compter sur KPMG, qui consacre beaucoup de temps et d'énergie à l'examen de ces résultats.
    Dans ce centre, nous avons également élaboré un cadre de pratique pour comprendre qu'il ne s'agissait pas que de réunir 100 professionnels. Il fallait créer une culture différente avec différents résultats et différentes attentes en vertu d'un cadre de pratique, alors c'est ce que nous avons mis en place dès le départ. Il y a six mois — et c'était sans précédent —, la police, l'aide à l'enfance et à la famille et les services de santé de l'Alberta ont tous ouvert leurs dossiers. Nous avons donc pu examiner ces dossiers et mettre en commun toute l'information pour voir où se situaient nos pratiques, ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas, ce que nous devions continuer de faire ainsi que les obstacles qui nous empêchaient de réellement aider ces enfants et ces familles. Nous nous réunissons toutes les deux ou trois semaines. Nous discutons de ce qui est efficace et de ce qui ne l'est pas, et de ce qui pourrait être fait différemment. Chose certaine, le processus est transparent. Nous sommes ouverts à toujours fixer la barre plus haut. Nous continuons de travailler avec KPMG pour définir les principaux indicateurs de rendement. Nous sommes en train de créer un cadre d'évaluation qui nous guidera dans la bonne direction.
    Comme nous ne disposons que de très peu de temps, j'espère que vous pourrez en quelque sorte regrouper les pratiques que les autres personnes et organisations pourront mettre de l'avant. Qu'est-ce que vous mesurez exactement? De quelle façon vous vous y prenez pour vous assurer que le modèle intégré donne des résultats exceptionnels?
    Jenny, vous pourriez exposer quelques-uns de nos indicateurs. Nous pourrions les examiner très rapidement.
    Pour l'instant, nous examinons une grande quantité de données descriptives sur les enfants et les familles que nous rencontrons. Nous nous penchons sur les cas de collaboration, par exemple, les cas représentatifs où on a mené une enquête ou une évaluation conjointe, une consultation durant le traitement ou même pendant le processus judiciaire. Nous remarquons également la rapidité de ces processus. Comme Bonnie l'a dit plus tôt, ce qui prenait auparavant des semaines ou des mois prend maintenant des heures ou des jours. Nous constatons également qu'on dispose de davantage de données qualitatives, ce qui permet aux différents professionnels d'être sur la même longueur d'onde; ils sont mieux en mesure de comprendre le point de vue de l'autre que par le passé et de prendre des décisions communes concernant un dossier.
    Pourrais-je vous demander en quoi cela aide les victimes d'agressions sexuelles et comment on peut prévenir cette violence?

  (1015)  

    Très brièvement, je vous prie.
    Grâce à un système de gestion intégrée de soins, nous sommes capables d'intervenir très rapidement. Un jour ou deux après que ces enfants nous ont été confiés, tous les services se mettent à l'oeuvre, et nous sommes en mesure d'intervenir plus rapidement auprès d'eux.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup.
    Madame Young, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

    Encore une fois, je tiens à vous remercier pour les renseignements très pertinents que vous nous avez fournis.
    Pour revenir à Calgary et aux services intégrés, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la nécessité d'avoir davantage de maisons de transition. Nous avons adopté le projet de loi-S-2, qui permet aux femmes vivant dans les réserves de continuer de rester chez elles et qui force l'agresseur à partir. Selon vous, quelle est la meilleure option? Que les femmes et les enfants demeurent dans le foyer où régnait la violence et que l'agresseur parte ou plutôt que les femmes quittent le foyer?
    D'après notre expérience — particulièrement lorsque je travaillais aux services à l'enfance et à la famille —, nous constatons qu'il est de plus en plus souvent préférable que l'agresseur quitte le foyer. La meilleure option est sans contredit que les enfants et leurs familles restent dans leur maison; autrement, on les isole et on les sort de leur communauté et de leur école, ce qui cause beaucoup plus d'instabilité pour ces familles.
    Quand vous dites que vous fournissez ces services intégrés, etc., pourriez-vous nous dire ce qui arrive concrètement dans les cas signalés?
    Nous collaborons avec la police et les services à l'enfance et à la famille. Tous les dossiers passent par ces organismes. Ce sont eux qui les gèrent.
    Chaque matin, au centre, il y a une équipe de triage des services de santé, de l'aide à l'enfance et à la famille et de la police. Ils examinent tous les dossiers qui ont été reçus la veille partout dans la région. Ils décident ensuite quels cas seront renvoyés au centre; ce sont habituellement les cas les plus extrêmes d'agression sexuelle, de violence et de négligence. Ils déterminent les cas qui bénéficieront de ces services intégrés spécialisés.
    Selon vous, les lois actuelles permettent-elles de protéger nos femmes et nos enfants en obligeant l'agresseur à quitter le foyer ou doivent-elles être renforcées?
    À ma connaissance, les lois auraient probablement besoin d'être renforcées pour mieux protéger ces enfants. Sachez qu'il a fallu beaucoup de temps à notre société pour bien saisir toute la gravité de la maltraitance des enfants.
    Quatre-vingt-treize pour cent de nos enfants sont maltraités par des personnes qu'ils connaissent et en qui ils ont confiance. Ce sont donc des situations très difficiles pour ces enfants. Plus nous les protégerons, mieux ce sera.
    Merci.
    Je m'adresse maintenant à Mme O'Hearn. Dans les collectivités du Nord où sévit une importante pénurie de logements, et je suis de tout coeur avec les gens là-bas, diriez-vous qu'il est préférable que ce soit l'agresseur qui quitte le foyer ou plutôt les femmes et les enfants?
    Un grand nombre de femmes nous ont dit qu'elles doivent pouvoir rester chez elles, mais la situation est très complexe. Il n'y a souvent pas d'option. Elles n'ont pas de refuge où aller, et il n'est tout simplement pas possible de vivre dans la rue dans l'Arctique.
    Mais diriez-vous qu'il est plus facile que les femmes et les enfants...? Nous savons que dans la majorité des cas, ce sont les femmes et les enfants qui sont maltraités, et habituellement, il n'y a qu'un seul homme qui inflige les mauvais traitements. De toute évidence, ce n'est pas ce qu'on voit, mais est-ce un meilleur modèle? Je crois que vous avez dit que oui. Vous avez dit qu'il était préférable que les femmes et les enfants demeurent dans leur maison.
    De nombreuses femmes inuites nous ont clairement dit qu'on devrait forcer l'agresseur à partir.
    Elles préféreraient donc rester.
    Dans cette optique, est-ce que nos lois et nos systèmes, selon vous, sont suffisants? Peut-on en faire davantage à ce chapitre?
    La situation dans le Nord est très compliquée, notamment en raison du système de cours itinérantes, qui peut entraîner de longs délais.
    Chose certaine, nous tenons des discussions à l'échelle nationale sur les nombreuses raisons qui pourraient empêcher les femmes de dénoncer leur agresseur. Prenons l'exemple d'une femme qui vit à Clyde River et qui est victime de violence. Tous ses proches habitent dans des maisons surpeuplées, ce qui l'oblige à rester chez elle et à se taire. Et d'après d'autres études qui ont été réalisées dans le Sud, une femme peut être agressée jusqu'à 35 fois avant de porter plainte à la police.
    On n'a pas le soutien nécessaire. Je me souviens d'avoir comparu avec Sheldon Kennedy il y a quelques semaines et d'avoir dit au comité que nous ne pouvions que rêver de cette coordination de services. Ces enfants ont déjà été agressés. On ne fait pas de la prévention; on fait de l'intervention. Il y a tellement de choses.
    Beaucoup de gens vivent dans un logement social et ont signé un bail. C'est souvent ce que nous ont dit les femmes, qui n'ont parfois pas le choix de partir parce qu'elles sont locataires. L'accession à la propriété est le fait d'une minorité. La plupart d'entre elles louent un logement, alors il pourrait y avoir des dispositions dans le bail qui font en sorte que l'agresseur peut rester chez lui.
    Nous devons ensuite tenir compte de toutes les questions de pouvoir et de contrôle et du manque d'options. Vous posez une question très vaste. J'aimerais également souligner l'incidence du système de cours itinérantes et du manque d'accès des victimes aux services de soutien dont j'ai parlé plus tôt. Toutefois, selon ce que les femmes nous ont dit, elles préféreraient rester chez elles avec leurs enfants.
    Les prisons du Nord débordent. Le centre correctionnel de Baffin a été vivement critiqué par l'enquêteur correctionnel, entre autres, et il ne semble pas y avoir d'autre endroit où on peut envoyer ces agresseurs.

  (1020)  

[Français]

     Merci beaucoup.
    Je vous remercie également de nous avoir donné un aperçu de la vie dans le Nord. Dans le Sud, nous n'avons souvent aucune idée des distances, de l'isolement et du manque de services. Je vous remercie de nous avoir donné un aperçu de la vie dans le Nord.
    Madame Duncan, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Madame Faraday, au sujet des problèmes que vous avez soulevés, que pensez-vous des changements apportés par le gouvernement au Programme des travailleurs étrangers temporaires? Est-ce suffisant? Que doit-on faire de plus? Y a-t-il des recommandations précises que vous aimeriez voir dans notre rapport?
    Aucun des changements qui a été mis en oeuvre en juin ne concernait les structures, dont j'ai parlé plus tôt, qui rendent les travailleurs plus vulnérables à l'exploitation et à la violence. Je considère que le retrait des permis de travail qui rattachent les travailleurs à un employeur donné est absolument essentiel.
    Parmi les dangers qui découlent de ces changements, mentionnons la durée plus courte des permis de travail. Les travailleurs ont désormais un permis de travail d'un an, et non plus de deux ans, ce qui leur met encore plus de pression pour ce qui est de se conformer aux demandes de leur employeur et ce qui les rend encore plus vulnérables. Ils peuvent se faire remplacer plus facilement. Ils n'ont aucune garantie qu'ils pourront rester au Canada assez longtemps pour rembourser leurs frais de recrutement, prendre connaissance de leurs droits ici au Canada et s'en prévaloir.
    Nous observons un taux de roulement encore plus élevé; par conséquent, les travailleurs n'ont même pas le temps de faire valoir leurs droits. Ces changements ne visaient aucunement à éliminer les éléments qui ont une incidence sur la vulnérabilité des travailleurs.
    De plus, ces changements contribuent à présenter ces travailleurs étrangers comme étant une menace ou un problème. Lorsqu'il est question d'accorder la priorité aux Canadiens, on crée des dissensions entre les Canadiens et les travailleurs étrangers qui vivent et travaillent ici depuis longtemps.
    Il faut remédier à cette situation et reconnaître que ces travailleurs accomplissent un travail dont dépend l'économie de notre pays. Ce sont des membres de nos collectivités. Il faut en être conscient et leur permettre de régulariser leur statut comme membres permanents de nos collectivités. Ils devraient pouvoir amener leur famille avec eux. Le fait d'être isolés de leur famille les rend encore plus vulnérables. Cela ne fait qu'accroître la marginalisation et faire en sorte qu'il est plus facile pour l'employeur de contrôler chaque aspect de leur vie.
    Voilà donc des enjeux importants auxquels il faut s'attaquer; la question du recrutement n'a pas été abordée du tout.

  (1025)  

    Il est vrai qu'on n'a pas parlé de la question du recrutement.
    Avant de poser ma dernière question, j'aimerais soulever un point afin que les recommandations d'aujourd'hui figurent dans le rapport. On ne peut même pas parler de pratiques exemplaires si on n'a pas de financement stable.
    Cela dit, je vais maintenant poser ma dernière question. Elle s'adresse aux représentantes du Sheldon Kennedy Child Advocacy Centre. Vous avez parlé de l'importance d'adopter une approche multidisciplinaire.
    Quels sont les éléments qui devraient faire partie de cette approche multidisciplinaire?
    À ce stade-ci, nous avons réuni tous les éléments, c'est-à-dire la justice, la police, les services sociaux, la santé, la Couronne, la GRC et l'éducation. L'élément qui nous manque et dont nous avons grandement besoin en ce moment, ce sont les soins de santé mentale. Il serait très important d'offrir plus de soutien à ces enfants, qui ont subi un traumatisme aigu, et de pouvoir stabiliser leur état à leur arrivée. Évidemment, nous aimerions pouvoir compter sur ce soutien, alors que nous continuons d'aller de l'avant.
    Que vous faut-il exactement? Auriez-vous une recommandation précise à formuler en ce qui concerne les soins de santé mentale?
    Comme c'est le cas avec la population inuite, bien que nous soyons à Calgary, nous desservons les Premières Nations du Sud de l'Alberta. Nous devons nous assurer d'offrir ces services dans les régions rurales de l'Alberta et de rejoindre les Premières Nations.
    Par conséquent, il serait important que ces enfants qui vivent dans les régions plus éloignées puissent avoir un accès opportun à des services thérapeutiques. Tous les enfants devraient pouvoir bénéficier des mêmes possibilités.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Barlow, vous disposez de sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier tout le monde d'être avec nous aujourd'hui. Il est formidable d'être témoin de votre passion et d'entendre vos excellentes idées. Je pense que nous avons une belle occasion de nous réunir, de consolider certaines grandes idées, et d'obtenir vos commentaires quant aux choses qui fonctionnent, mais aussi qui ne fonctionnent pas, et sur la façon d'apporter certaines solutions.
    J'aimerais aussi mentionner rapidement que les travailleurs étrangers temporaires constituent un problème de taille en Alberta. Il existe toutefois bien des solutions, comme l'Entrée express à compter du 1er janvier, l'autorisation d'emploi ouverte, et le fait que nous avons quadruplé le personnel faisant enquête sur les rapports de mauvais traitements. J'aimerais que Mme Faraday nous tienne au courant pour que nous sachions dans quelle mesure ces programmes fonctionnent.
    Je m'adresse à Bonnie et à Jenny, qui sont à Calgary: je suis heureux de vous revoir toutes les deux. J'ai eu la chance de visiter le centre à deux ou trois occasions au fil des ans.
    Bonnie, vous avez brièvement dit que le centre arrive à faire en quelques jours et même quelques heures ce qui aurait auparavant nécessité des semaines et des mois. Je vous invite à nous en parler un peu plus. Je pense que ce qui doit être clair, c'est que vous réunissez tous les services sous un même toit. Il s'agit donc d'un centre multiservices, pour ainsi dire. Voilà qui semble changer complètement la donne.
    Tout d'abord, pouvez-vous nous dire ce qui a changé en réunissant tous ces groupes? En deuxième lieu, vous avez parlé de l'équipe d'aide prénatale, mais je n'avais jamais entendu parler de ce programme. Pourriez-vous nous en dire un peu plus là-dessus, en nous expliquant son fonctionnement et ce qu'il comprend?
    Bien sûr.
    Je vais commencer par la question sur la raison pour laquelle le modèle est aussi efficace. Comme je viens de le dire à Jenny, les activités du centre sont tellement récentes que nous travaillons d'arrache-pied pour obtenir des données démontrant vraiment notre efficacité. Voilà pourquoi nous collaborons actuellement avec des évaluateurs.
    Par le passé, John, les services à l'enfance et à la famille devaient d'abord être en mesure de passer un coup de fil. Il fallait ensuite attendre que l'agent de police rappelle, n'est-ce pas? Cela pouvait prendre deux ou trois jours. Il fallait aussi attendre que le médecin confirme s'il s'agissait bien d'un préjudice intentionnel avant de pouvoir procéder à l'arrestation, ou avant que la police ne puisse porter des accusations.
    Puisque tout se fait désormais essentiellement sous un même toit, les intervenants se consultent constamment et préparent le plan d'intervention ensemble. Ils collaborent tous. Un travailleur des services à l'enfance et à la famille se trouve à cinq pieds des agents de police. Leur planification et leurs interventions sont intégrées. Ils travaillent continuellement en équipe. Le médecin s'occupe du triage. Ce milieu permet à chacun d'enseigner aux autres, d'apprendre et de s'entraider les uns les autres.
    Ai-je répondu à votre question à propos de notre culture?

  (1030)  

    Oui. Je pense que nous nous attardons à la façon de mettre fin au cycle de la violence. C'est ce dont nous sommes tous venus discuter aujourd'hui. Il est selon moi primordial d'intervenir en bas âge.
    Vous avez également dit tout à l'heure que l'enfant ne doit raconter son histoire qu'une seule fois, plutôt que de devoir aller dans différents édifices qui sont parfois situés à des kilomètres les uns des autres. Ils peuvent rencontrer les fournisseurs de soins et raconter leur histoire une fois seulement.
    Pourriez-vous en parler? À partir du moment où l'enfant est emmené au centre, quelle procédure doit-il suivre?
    Dès qu'il est établi qu'un enfant vient au centre et qu'une enquête doit être menée, celui-ci rencontre un agent de la police ou de la GRC parmi ceux qui sont désormais sur place. L'enfant est conduit dans une salle d'entrevue, avec tout le soutien nécessaire à la famille dans un milieu axé sur l'enfant. La jeune victime ne passe qu'une entrevue, comme vous l'avez dit, qui peut être surveillée par les services à l'enfance et à la famille. C'est à ce moment que l'histoire est racontée. L'entretien est filmé au cas où l'affaire devait être portée devant les tribunaux. Dans un cas semblable, la grande qualité de l'enregistrement permet d'aller de l'avant sans que l'enfant n'ait à revivre le drame ou à raconter son histoire de nouveau.
    Toutes ces installations se trouvent au centre de sorte que l'enfant puisse y entrer et raconter son histoire. Par exemple, il est déjà arrivé que tout soit fait en une seule journée. La famille a alors obtenu l'aide d'un thérapeute et subi un examen médical au centre dans une même journée.
    Parfait.
     Peut-être pourriez-vous nous parler un peu de l'équipe d'aide prénatale et de la façon dont elle a vu le jour. On ne pourrait pas intervenir plus tôt, j'imagine. Comment ce volet fonctionne-t-il, et comment a-t-il été créé?
    La création de l'équipe a pris un certain nombre d'années. À Calgary, et probablement dans d'autres villes aussi, nous remarquions dès la naissance que les infirmières en milieu hospitalier hésitaient à laisser partir les bébés lorsqu'elles constataient des preuves de violence familiale à l'hôpital. Nous avons donc mis en place une équipe réunissant des infirmières de la santé publique, des agents de police et des travailleurs des services à l'enfance et à la famille afin d'aider ces familles à s'occuper de leur nouveau-né jusqu'à trois mois après la naissance. L'objectif était de les protéger, mais aussi d'aider ces familles à mieux s'occuper du bébé; d'offrir une aide dans le cas des femmes marginalisées; de les aider à assumer un rôle parental; puis de les aider à acquérir les compétences nécessaires pour devenir des parents responsables.
    Il y avait un intérêt à intervenir de façon encore plus précoce. Nous constations que les policiers en ville nous renvoyaient un certain nombre de femmes de la rue qui étaient enceintes et qui se trouvaient dans des situations très risquées. Encore une fois, l'objectif était d'intervenir plus tôt afin que ces femmes puissent bénéficier d'une aide prénatale et, chose tout aussi importante, que leur bébé puisse naître dans un milieu sécuritaire et recevoir le soutien dont il a besoin.
    Nous étions très étonnés. Comme je l'ai dit, nous avons commencé par 30 renvois il y a un an, et nous nous faisons désormais renvoyer plus de 240 femmes de la rue enceintes qui se trouvent dans des situations très risquées. Il faut parfois six à sept tentatives avant de les trouver. C'est un problème incroyable; il s'agit donc d'un service essentiel qu'il faut examiner de plus près dans nos collectivités afin d'aider les femmes marginalisées pendant cette période.
    Bonnie, une fois que ces femmes vous sont recommandées, sont-elles transportées au centre?
    Une grande partie de notre travail se fait dans le milieu; les infirmières de la santé publique se déplacent donc jusqu'à elles. Elles collaborent avec la police et font la majeure partie du travail dans la collectivité.
    Nous établissons également des liens avec un certain nombre d'organismes en ville pour veiller à ce que les femmes soient dirigées vers ces ressources, et nous intervenons dans l'ensemble du continuum de soins offerts dans le milieu.
    J'ai parlé de Calgary; je tiens à préciser que nous sommes en train d'adapter ce modèle au sud de l'Alberta. Quant à nous, au centre, nous pouvons venir en aide aux collectivités rurales aussi et leur offrir ressources et savoir-faire.
    Merci, Bonnie.
    Merci beaucoup.

[Français]

     Je cède maintenant la parole à Mme Nash, pour sept minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.

[Traduction]

    J'aimerais d'abord m'adresser à Mme O'Hearn.
    Vous avez dit que le Nunavut est l'endroit du Canada le plus dangereux qui soit pour les femmes. Vos propos étaient très percutants, tout comme les chiffres que vous avez présentés.
    Des sommes que le gouvernement fédéral accorde aux refuges situés dans les réserves, pouvez-vous nous dire le montant exact qui est versé aux femmes du Nunavut?
    Il n'y a rien.

  (1035)  

    Elles ne reçoivent pas d'argent?
    À ma connaissance, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, ou AADNC, accorde 4 millions de dollars par année aux refuges situés dans les réserves seulement. Aucune somme n'est allouée aux collectivités inuites, qui sont expressément exclues.
    Vous l'avez peut-être dit tout à l'heure, mais veuillez me rafraîchir la mémoire. Pouvez-vous me dire à quel genre de consultations vous avez participé dans la mise en place du plan d'action fédéral?
    Nous n'y avons pas participé. Personne ne nous a consultés ou ne nous a demandé quelques conseils ou priorités que ce soit.
    Par conséquent, dans la région canadienne la plus dangereuse qui soit pour les femmes, vous n'avez pu ni vous faire entendre ni faire connaître les besoins des femmes de votre milieu au gouvernement.
    Pouvez-vous nous dire à quoi ressemblerait une véritable consultation du gouvernement fédéral? Je sais que les Nations Unies ont des lignes directrices à ce chapitre. Dans quelle mesure voudriez-vous que les femmes inuites puissent se faire entendre et conseiller le gouvernement fédéral?
    Je vous remercie de cette question; c'est un sujet auquel nous avons beaucoup songé. Le manque de ressources et l'absence de société civile, pour ainsi dire, constituent tout un problème au sein des collectivités inuites. Iqaluit est probablement la plus grande d'entre elles, et c'est la seule ville. Encore une fois, les Inuits ne vivent vraiment en collectivités et en colonies que depuis deux générations, ce qui représente un changement culturel à la vitesse de l'éclair. Dans certaines régions, 70 % des enfants inuits ne terminent toujours pas leurs études secondaires. Les difficultés sont nombreuses, comme le chômage, la pauvreté et les logements surpeuplés.
    Je ne veux pas exagérer, mais lorsqu'on essaie simplement de passer les jours et de survivre, en nourrissant peut-être ses enfants ou non, il peut être très difficile de réunir les ressources, le temps, les connaissances et les compétences nécessaires à la création d'une telle société civile. Il n'y a aucun groupe de femmes ou autres comme ceux que nous tenons pour acquis dans le sud.
    Nous travaillons auprès de deux organisations régionales de femmes inuites; chacune a sa capacité respective. Nous aimerions consulter officiellement ces femmes afin de connaître les priorités propres à leur région.
    Il existe un certain nombre d'organisations. Le Qulliit Nunavut Status of Women Council a un rôle à jouer, et nous avons un conseil d'administration. En préparation à la table ronde de février réunissant les provinces et les territoires, nous espérons être là, mais nous devrons bien franchement vendre des pâtisseries pour y arriver. Encore ici, je ne veux pas exagérer.
    Puisque nous n'avons pas la moindre ressource pour recueillir les points de vue en matière de priorités, nous avons créé une nouvelle adresse courriel, et j'espère que les femmes nous feront parvenir leurs priorités. Pour que les résultats soient équitables, il doit y avoir des ressources permettant une participation équitable, comme il a été dit plus tôt — non pas un montant par habitant, mais bien des ressources équitables. À l'aide d'une approche préconisant une égalité réelle, que faut-il pour atteindre un résultat équitable, quel qu'il soit?
    Merci beaucoup.
    Il semble que des mesures particulières de communication sont nécessaires, compte tenu des différents obstacles majeurs qui se dressent devant les femmes, ainsi que devant les femmes inuites et la population inuite en général, en raison de leur situation géographique et de leur culture.
    Madame Little, un terrible drame s'est produit récemment à Toronto, un des nombreux cas de violence contre les femmes et leurs enfants, alors qu'une femme a été assassinée avec ses deux garçons. D'après les bulletins de nouvelles, il semble que cette femme avait fui la violence de son mari dans un refuge. Elle y est demeurée un certain temps, mais puisqu'elle travaillait comme infirmière, elle n'a pas eu droit au logement de transition et a dû retourner sur le marché. D'après le reportage, elle est retournée auprès de son mari puisqu'elle ne pouvait pas se payer un loyer, après quoi ses fils et elles ont été assassinés. Le mari est aujourd'hui mort.
    Pourriez-vous décrire les limites s'appliquant aux femmes qui travaillent et n'ont peut-être pas droit aux subventions accordées aux femmes à faible revenu, de même que les défis et obstacles particuliers que doivent surmonter les femmes qui fuient la violence?

  (1040)  

     Je pense que les obstacles et les défis sont considérables non seulement pour les femmes au travail, mais aussi pour les étudiantes de nos universités. Ces personnes sont assez privilégiées et ont accès à bien des ressources. Les femmes de l'École Polytechnique ont été ciblées parce qu'elles avaient accès à des ressources et à l'éducation.
    L'important, c'est d'envisager la question comme un problème global dans lequel nous voulons prévoir des interventions adaptées aux groupes marginalisés. Or, il faut aborder la question dans son ensemble pour que quiconque a besoin de ressources y ait accès en tout temps.
    Je pense que l'élaboration d'une politique globale compte pour une grande partie de la question. Je vous encourage donc à consulter le Centre virtuel de connaissances d'ONU Femmes qui vise à mettre un terme à la violence contre les femmes et les filles à l'adresse endvawnow.org/fr.
    Merci beaucoup.
    J'ai une petite question pour Mme Faraday. Le gouvernement a-t-il un rôle à jouer dans la suppression des frais de recrutement pour les aides familiaux résidants et les travailleurs étrangers temporaires de façon générale?
    Oui, je pense que c'est possible.
    Ce dossier est généralement traité à l'échelle provinciale. Le gouvernement peut jouer un rôle en déterminant des normes à respecter avant qu'un employeur puisse demander une étude d'impact sur le marché du travail et obtenir l'autorisation d'embaucher.
    Pour vous donner un très bon exemple concret, le gouvernement provincial du Manitoba a adopté des lois très rigoureuses obligeant tous les recruteurs à obtenir un permis et à verser un dépôt de sécurité avant de pouvoir détenir un permis, et obligeant tout employeur qui embauche des travailleurs migrants à s'inscrire. Ainsi, le gouvernement fédéral ne traitera pas la demande d'étude d'impact de tout employeur manitobain souhaitant embaucher un travailleur migrant avant que l'employeur ne soit dûment enregistré dans le système provincial et qu'il fasse clairement appel à un recruteur autorisé. Voilà une façon dont les deux systèmes peuvent collaborer pour renforcer la sécurité.
    Merci beaucoup.
    Mesdames, que vous soyez à Calgary, à Toronto ou ici même à Ottawa, je vous remercie infiniment d'enrichir notre étude.
    Je vous souhaite mes meilleurs voeux, et j'espère que vous passerez une période des Fêtes sécuritaire et agréable, de même qu'une très bonne année. Continuez votre excellent travail.
    À tous les membres du comité, n'oubliez pas qu'il n'y a pas de réunion jeudi prochain. Je tiens à vous offrir mes meilleurs voeux pour le temps des Fêtes. Je vous souhaite de passer des Fêtes sécuritaires et reposantes, et de nous revenir fort d'une énergie renouvelée pour notre comité, dont la prochaine séance aura lieu l'an prochain.

[Français]

    Je remercie également tout le personnel de soutien. Notre travail, au sein de ce comité, est soutenu d'une façon très professionnelle.
    Je vous souhaite à toutes et à tous de très joyeuses fêtes.
    La séance est levée.
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