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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 015 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 3 mars 2014

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Français]

    Bienvenue à la 15e réunion du Comité permanent de la condition féminine.
    J'aimerais informer les membres du comité que Mme la ministre de la Condition féminine ne peut pas comparaître devant le comité le mercredi 5 mars pour discuter du Budget supplémentaire des dépenses (C).
    Par ailleurs, le Budget principal des dépenses de 2014-2015 a été déposé et renvoyé au comité le 27 février dernier. Un courriel vous a été envoyé à cet effet, aujourd'hui. Avec l'accord des membres du comité, je demanderais à la greffière d'inviter Mme la ministre de la Condition féminine à comparaître pendant au plus une heure, d'ici au 31 mai 2014, pour parler du Budget principal des dépenses de 2014-2015. Sa comparution serait suivie de celle des fonctionnaires pendant la deuxième heure, et la réunion serait télévisée, si possible. Ce serait donc la marche à suivre pour le Budget principal des dépenses.
    Madame Truppe, vous avez la parole.

[Traduction]

    Pourquoi le 31 mai? Je ne sais pas si j'ai manqué quelque chose. Par contre, j'aime qu'on inclut une date.
    Oui.
    Avec l'accord du comité, nous allons vérifier ses disponibilités. Disons que nous ne voudrions pas que ce soit le 29 mai. Nous allons essayer de faire en sorte qu'elle vienne à notre retour en mars ou au début d'avril.
    Bien, alors veut-on choisir le 30 avril? J'imagine qu'on peut toujours changer la date plus tard, si nécessaire.
    Je veux seulement vérifier quand la ministre est libre.
    Je sais que vous voulez connaître ses disponibilités, mais parce que la ministre voyage beaucoup, on pourrait devoir changer une date qui peut sembler convenir initialement. Si on dit le 30 avril, on peut toujours reporter au 31 mai, si nécessaire.
    Madame Truppe, je ne propose pas qu'on la rencontre le 31 mai, mais plutôt que de lui donner jusqu'au mois d'avril...
    Disons le 30 avril, le dernier jour du mois. Cela nous donne deux mois, mars et avril.

[Français]

    Madame Ashton, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je veux m'assurer que la ministre ne viendra pas avant que le Rapport sur les plans et les priorités soit déposé à la Chambre, afin que nous ayons les renseignements nécessaires pour poser les bonnes questions.
    Peut-être devrions-nous demander à la greffière de coordonner le tout.

[Français]

    C'est bien.

[Traduction]

    Nous verrons quand elle est libre d'ici le 30 avril, et nous ferons en sorte que cela soit coordonné avec ce dont a parlé Niki Ashton.
    C'est pour discuter du Rapport sur les plans et les priorités. Bien.

[Français]

    Par conséquent, nous sommes tous d'accord.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins. Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Patricia Lemoine, à titre personnel, et Mme Valerie Steeves, professeure associée à l'Université d'Ottawa. Également, nous communiquerons par vidéoconférence avec Mme Laura Beattie, vice-présidente de Families Empowered and Supporting Treatment of Eating Disorders Canada Task Force.

[Traduction]

    Aussi, par vidéoconférence de Winnipeg, au Manitoba, nous recevons Mme Elaine Stevenson, administratrice du Alyssa Stevenson Eating Disorder Memorial Trust.
    Bienvenue à toutes. Vous avez chacune 10 minutes pour faire votre exposé. Nous commencerons avec Mme Lemoine.
    Premièrement, je voudrais vous remercier de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui dans le cadre de cette importante étude. Je veux également souligner à quel point je suis reconnaissante que non seulement ma patronne m'ait donné la permission de témoigner en personne, mais qu'elle m'ait aussi fortement encouragée à le faire. Voilà un exemple parfait de l'importance et de la nécessité du soutien en milieu de travail pour s'assurer que les personnes atteintes d'un trouble de l'alimentation ne rechutent pas. De plus, cela démontre qu'il est possible, en tant que femme, d'avoir une belle carrière tout en étant une activiste dans le domaine de la santé mentale.
    La maladie est née dans les recoins de mon esprit. Elle m'a paralysée. Elle a touché tous les aspects de ma vie et non, je ne cherche pas de l'attention. Pendant des années, j'ai souffert d'une maladie mentale. Elle était invisible à l'oeil nu, mais croyez-moi, dans ma tête, elle était très, très réelle. Lorsque je dis que mon trouble alimentaire était invisible, je veux dire que puisque je souffrais de boulimie et non pas d'anorexie — le trouble alimentaire le plus commun auquel on pense —, j'ai facilement pu cacher ma maladie puisque je maintenais un poids normal. Oui, mon IMC a beaucoup varié et était parfois au-delà de 25, mais généralement, j'avais l'air normal.
    J'ai souffert de boulimie lorsque j'étais adolescente jusqu'à environ l'âge de 25 ans, ce qui signifie que la maladie n'a pas été diagnostiquée ou traitée pendant près d'une décennie. Ma maladie est devenue hors de contrôle en 2006, et j'y reviendrai dans quelques minutes.
    Aujourd'hui, je considère que je suis guérie de la boulimie, bien que je souffre parfois d'anxiété — surtout liée à la nourriture —, et en particulier pendant des périodes stressantes. Je crois fermement qu'il est possible de se rétablir d'un trouble alimentaire, mais j'ajouterai que la décision de ne pas rechuter est un choix quotidien.
    Adolescente, la voix dans ma tête me disait que j'étais paresseuse et grosse, que je n'étais pas assez belle, pas assez bonne, pas assez intelligente. J'ai commencé à m'empiffrer et à me purger en cachette. Plus tard, lorsque j'étais jeune adulte, mes études en droit étaient si exigeantes que j'avais l'impression que je perdais le contrôle, si bien que j'ai essayé de reprendre les rennes de ma vie en contrôlant ce que je mangeais.
    À l'automne 2006, après des années d'autodestruction, et après avoir passé une année très stressante alors que je vivais seule, j'ai touché le fond du baril. J'avais perdu près 40 livres en huit mois et j'ai souffert de multiples troubles de la vésicule biliaire. Je me suis retrouvée aux urgences et on m'a dit que je devais me faire opérer pour l'ablation de la vésicule biliaire. C'est alors que j'ai compris que cette autodestruction devait cesser, car j'avais l'impression que mes habitudes avaient quelque chose à voir avec les troubles dont je souffrais.
    Mon gastro-entérologue ne m'a pas posé de questions sur mes habitudes alimentaires, pas de questions précises, mais a dit que le fait de passer plusieurs heures sans manger, par exemple, pour ensuite se gaver pourrait être l'une des causes de ma maladie. Je n'ai rien dit à ce sujet. Aussi, comme je l'ai déjà mentionné, j'avais l'air normal. Je pesais 140 livres, ce qui était considéré comme un poids normal pour ma taille. Par contre, les gens autour de moi, ma famille et mes amis, avaient commencé à dire que j'étais peut-être un peu trop maigre, que j'avais perdu beaucoup de poids assez rapidement et que je ne semblais pas très en santé. Cependant, d'autres me félicitaient d'avoir perdu ce poids. Je me souviens d'être surtout déçue de ne pas être à la hauteur des attentes de tout le monde, quelle que soit mon apparence.
    Je me souviens aussi clairement du moment où on m'a amenée en salle d'opération pour l'ablation par laparoscopie de la vésiculaire biliaire. J'ai eu une discussion avec moi-même. Je savais que j'étais à la croisée des chemins. Ces quelques minutes ont changé ma vie. Je savais que j'étais boulimique — j'imagine que c'est probablement ainsi qu'un toxicomane sait qu'il a un problème —, même si je n'en avais jamais parlé à personne, par peur d'être étiquetée.
    Je savais également que je ne pouvais pas continuer à vivre ainsi, ne serait-ce que du fait que j'allais peut-être mourir, car, comme vous le savez, les boulimiques peuvent développer des complications potentiellement mortelles. Silencieusement, quelques minutes avant la chirurgie, j'ai naïvement presque prié que le tyran dans ma tête disparaisse aussi pendant la procédure chirurgicale. Bien sûr, je savais que cela n'allait pas se produire, mais je le souhaitais vraiment car je ne savais pas comment j'allais me rétablir, même si j'étais convaincue que je devais le faire. Ce serait un euphémisme de dire que je me sentais impuissante face à ma boulimie.
    Dans les mois qui ont suivi, j'ai cherché de l'aide, et en thérapie, j'ai été soulagée de parler à un professionnel qui me comprenait et qui semblait vraiment s'intéresser à mon bien-être.

  (1535)  

    Malheureusement, après quelques séances, j'ai compris que je n'étais pas admissible aux séances payées par le système public, et j'avais déjà épuisé les séances couvertes par mon assurance. À 125 $ de l'heure en pratique privée, l'absence d'une thérapie abordable était maintenant un obstacle. Il ne semblait pas y avoir d'aide gratuite disponible même si j'étais prête à demander de l'aide et à admettre que j'avais un problème.
    Sans thérapie, un réseau social d'appui allait être d'une aide précieuse, mais la stigmatisation et la difficulté de parler de ma maladie m'ont empêché de débuter ce que je considérais comme étant mon rétablissement. Même si je n'avais été en thérapie que pour une courte période, elle avait été très productive parce que j'avais appris des méthodes de base pour gérer les déclencheurs, et j'ai pu créer des plans d'action lorsque ces déclencheurs surgissaient. Néanmoins, la période entre 2006 et 2008 a été très difficile, et j'ai vécu plusieurs épisodes d'autodestruction à cette époque-là.
    Pendant les premières semaines et mois de rétablissement, j'ai décidé de me concentrer sur les raisons que j'avais pour m'efforcer de recouvrer la santé. J'avais confiance que ces raisons me guideraient dans la bonne voie, et je les voyais comme un plan vers mon rétablissement.
    Au début, il s'agissait de choses simples, je voulais me rétablir parce que je savais que je devais être assez forte pour terminer mes études de droit et déménager après avoir obtenu mon diplôme. Je savais que je devais me rétablir pour être fille d'honneur au mariage d'une amie et ne pas avoir à m'échapper pendant la réception pour aller me purger. Je savais que je devais me rétablir parce que je voulais être libre.
    En fin de compte, il m'a fallu une volonté ferme de guérir, combinée à beaucoup de soutien et à de nombreuses séances de thérapie dispendieuses, que j'ai finalement pu me payer grâce à la progression de ma carrière. Je n'ai pas toujours eu d'assurance privée.
    Après tout ce cheminement, je peux dire aujourd'hui, en 2014, que je n'ai ni succombé à mon trouble alimentaire ni eu de comportements autodestructeurs depuis maintenant six ans.
    Le diagnostic de ma maladie mentale ne m'a pas défini. Les troubles alimentaires affichent les plus hauts taux de mortalité de tous les diagnostics psychiatriques. Je suis en vie devant vous aujourd'hui. J'ai 32 ans, et je suis guérie.
    Lorsque j'ai obtenu mon diplôme de droit en 2008, j'ai décidé de ne pas passer l'examen du Barreau du Québec, de ne pas devenir avocate, mais plutôt de me rétablir. Je ne me voyais pas poursuivre une carrière juridique en même temps. J'avais l'impression que ce rétablissement durerait peut-être toute ma vie, et ces deux réalités me semblaient incompatibles.
    Comme de nombreux dirigeants l'ont dit publiquement au cours des dernières années, je crois qu'il n'y a pas de santé sans santé mentale, et qu'il est essentiel de briser le silence et d'ouvrir le dialogue lorsqu'on vit avec une maladie mentale — plus précisément un trouble alimentaire, dans mon cas.
    Dans le cadre de mon processus continu de guérison et de rétablissement, j'ai participé de plus en plus à des initiatives de promotion de la santé mentale et de sensibilisation aux troubles alimentaires sur le plan local, national et international. Mon objectif en tant qu'activiste dans le domaine et survivante d'un trouble alimentaire est d'encourager le dialogue afin de mettre fin à la stigmatisation entourant la maladie mentale.
    Comme l'un des mes auteurs favoris, Kurt Vonnegut, l'a déjà écrit, « Tu étais malade, mais maintenant tu vas mieux, et il y a du travail à faire. »
    Merci.

  (1540)  

    Merci beaucoup.

[Français]

    Je donne maintenant la parole à Mme Steeves pour 10 minutes.

[Traduction]

    J'aimerais commencer par féliciter le comité d'avoir entrepris cette étude. Je crois qu'elle est très importante. J'aimerais aussi féliciter Mme Lemoine du témoignage vraiment important qu'elle a fait devant le comité, et je la remercie d'être venue nous faire part de son histoire.
    Plutôt que d'examiner les effets et les conséquences au niveau individuel, je me suis penchée sur le problème dans une perspective différente. J'aimerais prendre le temps de présenter certains problèmes structurels dans la société qui font que les filles sont particulièrement vulnérables aux troubles alimentaires et aux problèmes liés à l'image corporelle. Je me base sur les résultats d'un projet de recherche appelé eGirls Project que j'ai codirigé avec ma collègue Jane Bailey, professeure à l'Université d'Ottawa. Nous avons commencé le projet eGirls parce que nous voulions savoir comment les filles présentent leur genre en ligne.
    Au début du projet, nous nous attendions à voir différents types de filles, puisque les médias en ligne — comme ils sont distincts du monde physique — offrent une plus grande égalité et liberté aux filles d'exprimer la véritable perception qu'elles ont d'elles-mêmes. Notre première incursion dans ce domaine a été renversante. Nous avons examiné plus de 1 500 profils de filles sur les médias sociaux qui disaient avoir entre 15 et 22 ans à Ottawa. Et nous avons constaté une image monolithique de la fille. C'était une fille qui était ultra maigre, très hétéronormative, très blanche, très sexualisée, et ainsi de suite. Cette constatation nous a fascinées car nous pensions que c'était peut-être parce que nous examinions des profils publics.
    Alors nous avons reçu du financement pour rencontrer des jeunes femmes de l'Ontario, de régions urbaines et rurales, pour parler de leurs expériences en ligne et de ce qu'elles pensaient de cette représentation de la fille. Elles nous ont dit que c'est la fille normale en ligne, qu'elles subissent énormément de pressions pour se conformer à cet idéal de très grande maigreur et de beauté féminine qui est si inatteignable. En réfléchissant aux raisons qui expliquent ce phénomène, nous sommes arrivées à la conclusion qu'il y a une conséquence involontaire qui fait partie de la combinaison de l'architecture en ligne et des visées commerciales des sites Internet que fréquentent les filles. Ces sites sont bâtis autour d'une collecte intégrale de renseignements personnels provenant des enfants qui fréquentent ces sites. Mais il ne s'agit pas seulement de leur nom, de leur adresse et de ce genre de renseignements. Tout ce qu'elles font, tout ce qu'elles disent et tout ce qui concerne leurs relations avec les autres sont colligés. Et tous ces renseignements nourrissent un algorithme qui les classe à des fins commerciales afin que l'on puisse leur proposer non seulement des publicités ciblées, mais aussi un nouvel environnement qui encourage certains genres de comportements. Des recherches, y compris la nôtre, semblent indiquer que cet algorithme n'est pas neutre. Lorsque nous classons les gens, nous les classons en fonction des mêmes « -ismes », des mêmes habitudes discriminatoires que l'on voit dans le monde réel.
    Je vais vous donner deux exemples rapides de ce qui se passe pour ces filles à qui nous avons parlé — il s'agit en fait de deux de mes expériences en ligne. Il y a plusieurs années, alors que j'étais sur l'un des premiers sites de réseautage social populaire, j'avais lu toutes les conditions d'utilisation. Cela faisait deux semaines que je fréquentais ce site. Le site connaissait mon adresse IP et je connaissais toutes les conditions d'utilisation. J'ai ensuite décidé de m'inscrire pour voir ce que c'était d'être une fille de 16 ans de Vancouver. J'avais visité le site, et chaque fois que j'allais sur la page d'accueil, j'étais entourée de nouvelles sur le monde. Il s'agissait de nouvelles sur le monde d'un genre particulier, oui, mais quand même des nouvelles du monde, comme la politique et des sujets d'actualité. Je me suis inscrite à titre de fille de 16 ans, et instantanément, les nouvelles ont disparu et j'ai été entourée de nouvelles sur les vedettes et sur leurs relations, des conseils des vedettes pour maigrir et des publicités pour des chirurgies afin d'être plus belles. Alors, l'algorithme ne sert pas seulement à cibler les jeunes femmes avec un genre de publicité, il construit l'environnement social dans lequel elles vivent afin de faire la promotion d'une certaine perception de la fille.
    Permettez-moi de vous donner un autre exemple intéressant tiré de mon expérience. Pendant cette même période, je visitais beaucoup de sites Internet sur l'anorexie. J'avais discuté avec un certain nombre de personnes des initiatives de sensibilisation pour aider les filles à gérer ce genre de messages et soigner leur anorexie ou leur boulimie. L'un des meilleurs sites en matière d'éducation était commandité par des publicités provenant de Google.

  (1545)  

    Lorsqu'on allait sur ce site éducatif pour en savoir plus sur sa maladie et obtenir des renseignements pour la gérer, il était commandité — et je ne blague pas — par des publicités pour la chirurgie plastique et les régimes alimentaires. Voilà mon premier point.
    Cet environnement est modifié pour privilégier et promouvoir un certain genre de féminité qui est très dangereux pour les jeunes femmes parce qu'il met de l'avant des attentes complètement irréalistes concernant le poids et l'image corporelle. Cela a des conséquences graves pour les jeunes femmes, et nous avons passé les deux ou trois dernières années à parler à un certain nombre d'entre elles. On nous a répété souvent que c'est un environnement très stressant. Elles subissent énormément de pressions pour se conformer. Elles doivent être vraiment maigres. Elles doivent porter du maquillage. Elles doivent être sexy — pas trop, mais quand même sexy. Toutes les filles ont dit utiliser la « face de canard », qui est une photo de profil où l'on se rentre les joues pour avoir l'air d'Angelina Jolie, ou elles se rappelaient en riant l'avoir fait plus jeunes. Elles étaient très conscientes du fait que ce n'était pas nécessairement très sain ou prosocial, mais elles disaient également que c'était une bonne façon d'avoir l'air maigre en ligne. Ces jeunes femmes subissaient d'énormes pressions pour se conformer à des images irréalistes de leur taille.
    Je vais terminer avec trois histoires.
    Voici la première. Les photos en lingerie fine étaient très populaires chez les filles de 15 ans. Les jeunes filles suivaient des régimes fous avant de porter la lingerie pour bien paraître et avoir l'air maigre, puis elles affichaient ces photos sur Internet. Je leur ai demandé pourquoi et elles m'ont répondu que ces filles avaient l'air d'avoir confiance en elles. Quand je leur ai demandé des explications, elles m'ont dit qu'il fallait avoir assez confiance en soi pour enlever ses vêtements et mettre une photo de soi sur Internet en lingerie fine. Une fois la photo affichée, on la surveillait, et si on ne recevait pas 30 « j'aime » dans les 10 premières minutes — vous savez que sur Facebook et d'autres médias sociaux, on peut cliquer sur le bouton « j'aime » —, alors il fallait l'enlever car c'était une catastrophe et on était humilié. Donc, avoir confiance en soi, c'était montrer un corps maigre et hautement sexualisé en ligne et être « aimé » des autres. Elles ne voyaient pas ça comme un manque de confiance, parce que si les autres ne nous « aimaient » pas, on était humilié, et il fallait enlever la photo tout de suite.
    Ces jeunes femmes nous ont parlé du stress de l'environnement, et à quel point il est difficile d'être une jeune fille aujourd'hui avec tous ces messages qui les entourent pour leur dire qu'elles doivent être ultra maigres, se comporter d'une certaine façon et dégager un type très précis de féminité. Je veux souligner que ce n'est pas lié seulement à la misogynie, mais aussi au racisme, à l'homophobie et à d'autres préoccupations de groupes qui cherchent à obtenir l'égalité. Lorsqu'on demandait aux filles d'où ces messages venaient, bon nombre d'entre elles nous disaient qu'ils provenaient des médias et qu'elles en étaient entourées.
    La deuxième histoire que je veux vous raconter est celle d'une fille de 15 ans d'une région urbaine de l'Ontario. Nous parlions de ces sujets, et je lui ai demandé ce qu'elle faisait sur Facebook. Elle m'a dit qu'on exerce beaucoup de pressions sur les filles dans les médias. Je lui ai demandé si elle affichait des photos sur Facebook et elle m'a répondu que non, elle ne le faisait jamais. Je me suis alors dit que j'avais trouvé une fille qui ne croyait pas à cela, qui rejetait ce système et qui avait décidé de ne pas le faire parce qu'elle trouvait cela stupide. Je lui ai donc demandé pourquoi elle n'affichait pas de photos d'elle sur Facebook, et elle m'a répondu que c'était parce qu'elle était grosse et laide, qu'elle le savait, et qu'elle n'allait pas laisser ces gens horribles, ces — grossièreté censurée — de jeunes avec qui elle allait à l'école lui dire qu'elle était grosse et laide. Elle se disait laide et n'affichait pas ses photos.
    Premièrement, son poids était probablement sous la normale. Elle avait 15 ans. Dans toutes mes entrevues, à l'exception d'une... Un jour, j'ai dû me pencher vers une fille qui pleurait et lui dire qu'elle était belle. Elle était belle, et elle essayait de se conformer à cette image, mais cela a créé tant de tension, qu'elle s'est plutôt complètement rejetée.
    La dernière histoire que je veux vous raconter — et je serai très brève parce que mes 10 minutes sont presque écoulées — est celle d'une femme de 22 ans, et encore une fois, je me dis que c'était fantastique parce qu'elle m'a raconté comment elle utilisait les médias pour faire la promotion d'une entreprise qu'elle avait lancée. Elle fait beaucoup d'artisanat, et elle en prend des photos et les affichent sur Pinterest. Je me suis dit que c'était super, que j'avais trouvé une jeune qui naviguait cet espace, mais elle m'a dit qu'il n'en avait pas toujours été ainsi et qu'elle avait eu beaucoup de mal à accepter son image corporelle. Elle avait commencé à se mutiler à l'école secondaire et je lui ai demandé pourquoi.

  (1550)  

    Elle m'a dit qu'en 9e année, elle voulait vraiment être populaire et qu'elle avait tout fait pour y arriver: suivre des régimes, se maquiller, porter de beaux vêtements. Elle avait tout fait pour joindre les rangs des jeunes populaires. Un jour à l'école, elle est allée sur Facebook. L'une des filles populaires de l'école avec qui elle était amie avait affiché une photo d'elle sur sa page Facebook.
    Une autre fille du groupe d'amies avait écrit ceci: « Nous savons toutes pourquoi tu as affiché cette photo. » Elle ne comprenait pas trop ce qu'elle entendait par là, alors elle est allée voir la fille qui était avec elle sur la photo pour lui demander des explications. Cette fille lui a dit qu'elle comprenait sûrement. Elle lui a répondu que non, elle ne comprenait pas. Elle ne savait pas de quoi elle parlait et ce que pensaient d'elle maintenant tous les gens sur Facebook. L'autre fille lui a dit: « Eh bien, tu es grosse et laide. Tu me fais bien paraître. C'est pourquoi je suis amie avec toi. C'est pourquoi j'affiche des photos de toi sur ma page Facebook. »
    Alors, non seulement il est extrêmement difficile pour les jeunes femmes de naviguer sur cet espace social, mais nous permettons également l'exploitation commerciale du monde social dans lequel elles vivent. Il devient vraiment difficile pour elles d'avoir des relations saines entre elles, où elles peuvent s'entraider pour combattre cet état de fait.
    Je m'arrêterai là. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup de cet exposé fascinant.
    Nous entendrons maintenant Mme Beattie, pour 10 minutes, s'il vous plaît.
    Bonjour. Merci de me donner l'occasion de prendre la parole devant le comité.
    Je tiens d'abord à préciser qu'il y a aussi des familles avec des garçons qui souffrent de troubles de l'alimentation. N'oublions pas nos fils. En ne parlant que des femmes et des filles, nous ne faisons que perpétuer les préjugés et les mythes associés à cette maladie.
    Je vous parlerai volontiers de ma famille, afin de vous donner un exemple d'intervention réussie dans le combat contre l'anorexie, mais j'exhorte le comité à entendre d'autres familles, notamment celles dont les enfants ont dû faire la transition vers le système des adultes, qui ont des fils, dont les enfants avaient moins de 10 ans au moment du diagnostic, qui sont sur des listes d'attente et dont les enfants ont déjà été hospitalisés, ou dont les enfants sont aux prises avec des problèmes de frénésie alimentaire ou encore de boulimie.
    Ma fille célébrera son anniversaire de 17 ans ce mois-ci. Elle est en rétablissement depuis près de quatre ans. Il s'agit d'une belle adolescente joyeuse, en santé, resplendissante et pleine d'énergie. Son père et moi surveillons de près les signes et les symptômes que nous avons appris à reconnaître. Nous n'oublions jamais que le rétablissement est fragile et que des rechutes peuvent se produire. C'est pourquoi nous sommes toujours prêts à intervenir afin de remettre notre fille sur la bonne voie. Nous savons que certains parents de jeunes adultes ont réussi à aider leurs enfants à ne pas rechuter et que nous pourrons prendre des mesures afin d'épauler notre fille lorsqu'elle aura atteint l'âge adulte.
    Ma fille avait 13 ans lorsqu'elle a reçu le diagnostic d'anorexie mentale restrictive. Elle avait 12 ans lorsqu'elle a dévié de sa trajectoire de croissance. Lors de son examen médical de routine, on avait calculé, à partir de son poids et de sa taille, que son indice de masse corporelle était normal pour une fille de son âge. La recherche montre que les signes et les symptômes des troubles de l'alimentation apparaissent au moins deux ans avant le diagnostic, au report de la taille et du poids sur une courbe de croissance. On avait également discuté des stades de développement approprié selon l'âge, mais rien n'avait été dit au sujet des signes et des symptômes des troubles de l'alimentation.
    Elle n'avait jamais eu de problème d'image corporelle. À la maison, nous n'avions jamais parlé de régime.
    Notre quête de renseignements afin de pouvoir venir en aide à notre fille a été jalonnée de mésaventures médicales. On m'a demandé d'appeler la réception de la clinique des troubles de l'alimentation. On ne demanderait jamais à un parent de faire lui-même une demande d'examen médical auprès d'une clinique d'oncologie, si on soupçonnait un diagnostic de cancer. La personne responsable du triage m'a posé des questions pertinentes pour un adulte qui souffre de troubles de l'alimentation. Mais les enfants et les adolescents ne sont pas des adultes de petite taille.
    On nous a renvoyés à notre équipe de santé familiale afin de rencontrer un conseiller en santé mentale. J'étais, pendant tout ce temps, témoin de la détérioration de l'état de santé de ma fille... elle était anxieuse, froide, faible, asociale, et elle courait dans les boisées, patinait pendant des heures sur l'étang, montait et descendait à répétition l'escalier, n'arrivait pas à tenir en place et mangeait très peu. Physiquement, son cerveau rétrécissait, sa puberté et sa croissance étaient en arrêt, ses os s'amincissaient et son rythme cardiaque ralentissait.
    J'ai découvert l'organisation en ligne F.E.A.S.T., Families Empowered and Supporting Treatment of Eating Disorders, et le forum Around the Dinner Table qui y est associé. J'y ai appris qu'il existait des traitements pour adolescents qui avaient fait leur preuve. Mais ce que j'y ai appris d'encore plus important, c'est que notre famille pouvait aider ma fille à se remettre de ce trouble de l'alimentation. En effet, j'ai appris l'existence d'un traitement fondé sur des résultats cliniques, le traitement familial, ou TF, qui représentait le meilleur espoir de rétablissement chez les adolescents.
    Comme nous ne savions pas vers qui nous tourner pour nous prévaloir de ce traitement, mon mari et moi-même avons commencé à réalimenter notre fille en utilisant la méthode Maudsley, et j'ai lu tout ce que je pouvais trouver à ce sujet. Je me sentais épaulée et encouragée par d'autres parents qui se sentaient eux aussi isolés, se blâmaient et déploraient le manque de traitement approprié et opportun et de soutien pour les familles.
    Je vais maintenant vous parler plus en détail de la réalimentation, en quoi ça consiste et comment réussir. Nous avons mis cinq mois à rétablir le poids de ma fille, cible qui change constamment chez les jeunes personnes en raison de la puberté et de la croissance à l'adolescence. Toute la vie de notre famille s'articulait autour du rétablissement du poids de notre fille par l'alimentation. C'est un travail de tout moment. J'ai dû quitter mon emploi et nous avons transformé notre maison en clinique interne. J'étais déterminée à alimenter ma fille une bouchée à la fois.
    Premièrement, j'aimerais que vous pensiez à ce qui vous fait le plus peur au monde. Vous pouvez probablement éviter cette situation anxiogène. Nous exposions notre fille à ce qui lui fait le plus peur, mais elle ne pouvait pas refuser la nourriture car elle en serait morte. Notre fille pleurait, hurlait, crachait, frappait, égratignait, criait que c'était trop de nourriture, qu'elle avait mal au ventre, qu'elle voulait mourir. Elle lançait des assiettes pleines de nourriture. Ensuite, elle devenait catatonique. On aurait dit une scène du film L'Exorciste.
    Les repas pouvaient durer des heures, mais la nourriture est un remède. Nous avons appris à distinguer le trouble de l'alimentation de notre propre fille. Notre instinct nous dicte d'éviter de mettre en colère ou de faire souffrir notre enfant, mais pendant la réalimentation, nous n'avons pas le choix. On ne peut pas faire entendre raison à un trouble de l'alimentation.
    Ce n'était pas du gavage, ce n'était pas punitif. C'était simplement un besoin, et nous faisions tout en notre pouvoir pour y répondre. La vie s'arrête tant que la personne ne mange pas. Il n'y a pas d'alternative: la solution passe par l'alimentation. Et si la personne refuse de manger, le plan B est mis en branle: une visite à l'urgence pour procéder à l'alimentation par sonde naso-gastrique, ou encore un appel à l'unité de crise mobile.

  (1555)  

    Par chance, je n'ai jamais eu à le faire. Nous avons survécu à la dérégulation émotionnelle, à l'anxiété et aux repas prolongés. Mes lectures m'ont permis de comprendre ce qui se passait dans son cerveau. Elles m'ont aidée à me montrer plus patiente. Ma fille, face à une situation anxiogène, avait une réaction typique de lutte ou de fuite. Tout cela a une certaine logique du point de vue neurobiologique.
    Mon fils, qui a deux ans de plus que sa soeur, tentait de la distraire pendant les repas en lui racontant des histoires et en chantant des chansons. Le souper se prolongeait souvent jusqu'à 23 heures. Mon fils portait des bouchons d'oreilles pour étudier et dormir. Après les repas, nous restions avec elle pour l'empêcher de faire de l'exercice compulsif ou de rester debout, et pour lui changer les idées afin qu'elle oublie son inconfort physique. Il nous fallait absolument tout contrôler. J'ai couché dans la chambre de ma fille pendant cinq mois car elle était effrayée, et je voulais la surveiller pour l'empêcher de faire de l'exercice physique compulsif pendant la nuit. Je surveillais son ordinateur pour m'assurer qu'elle ne visite pas de sites pro-anorexie et qu'elle ne discute pas de suicide en ligne. Nous écoutions à la porte de la salle de bain pour nous assurer qu'elle ne se purge pas, qu'elle ne fasse pas d'exercice. Pour réduire le risque, nous avons barricadé le grenier et avons caché les couteaux et les médicaments. Nous nous sommes débarrassés de la télé afin d'éviter le contenu qui aurait pu la provoquer ou être dérangeant pour nous tous. Pour éviter un repas, elle sortait parfois dehors pieds nus dans la neige en courant; mon mari, mon fils et moi-même devions la pourchasser et la ramener à la maison, même si elle se débattait. Au début, j'ai dû la surveiller 24 heures sur 24 et elle détestait cela.
    En raison des restrictions d'exercice physique, j'accompagnais ma fille en voiture à l'école matin et soir, et je retournais à l'école deux fois par jour pour l'accompagner pendant les deux pauses nutritionnelles. Elle n'avait pas le droit d'assister au cours d'éducation physique ou de participer à ses activités sportives parascolaires préférées. J'ai passé en revue son programme scolaire pour m'assurer qu'il comporte rien qui puisse la provoquer, aucune partie à laquelle elle ne pourrait pas participer. Ironie du sort, elle venait de terminer la section consacrée aux troubles de l'alimentation.

  (1600)  

    Quelques semaines après le début de notre programme de réalimentation, notre médecin de famille nous a référés à un pédiatre, ainsi qu'à un psychiatre pour adolescents. Ni l'un ni l'autre ne connaissaient la méthode de réalimentation Maudsley, ou encore le fonctionnement du traitement familial. Le pédiatre était d'avis que c'était trop difficile et que je devrais retourner au travail et accorder à ma fille l'indépendance appropriée à son âge relativement à la préparation des aliments et à l'alimentation. C'était un conseil complètement déplacé et dangereux.
    Quant au pédiatre, il nous a référés à un pédopsychologue pour aider notre fille à se sentir mieux dans sa peau. Le psychologue a dit qu'elle souffrirait d'anorexie pour le restant de ses jours, mais qu'il n'avait jamais entendu parler du traitement familial, ni du fait que les troubles de l'alimentation puissent être soignés complètement. Quelle perte de temps et d'argent! Notre fille de 13 ans a été dévastée d'entendre ces propos.
    Trois semaines après avoir commencé à réalimenter notre fille, nous avons finalement intégré le programme de traitement familial pour les adolescents souffrant de troubles de l'alimentation de notre localité. Nous avions déjà commencé à voir des résultats. Notre fille souriait et était moins repliée sur elle-même à l'école. Elle avait recommencé à chanter. Pendant les cinq mois suivants, grâce à l'appui du Programme de traitement familial et à notre participation subséquente à un programme de traitement multifamilial d'un an, nous avons réussi à rétablir le poids de ma fille et à la mettre sur la voie de la guérison.
    Le temps et les aliments ont fait leur oeuvre, et notre fille a cessé de ressentir le besoin de faire de l'exercice excessivement. Certains de ses mouvements, qui ressemblaient à ceux des personnes atteintes de troubles obsessivo-compulsifs, ont diminué de fréquence. Elle s'est remise à avoir une vie sociale et a recommencé à apprécier les aliments. J'ai presque pleuré quand elle m'a dit que le repas était délicieux. Les repas en famille n'étaient plus ni violents ni désagréables.
    Mais il ne s'agit pas là d'un sprint; il s'agit plutôt d'un marathon de vigilance. On y consacre des jours, des mois et des années, et on surveille la croissance pendant toute la puberté et l'adolescence. C'est l'art de comprendre quand et à quel rythme redonner progressivement à son enfant le contrôle de ses choix alimentaires. C'est empêcher à notre enfant de faire la grasse matinée, comme les autres adolescents, car elle doit s'alimenter à des heures régulières. C'est déterminer quel cours notre enfant ne pourra pas suivre à l'école, notamment les cours de nutrition et d'éducation physique, quand le rétablissement est encore trop fragile.
    C'est sensibiliser les enseignants pour qu'ils permettent à votre enfant de manger en classe pour qu'il s'alimente à des heures régulières. C'est déterminer si votre enfant est à un stade assez avancé de son rétablissement pour lui permettre de participer aux sorties scolaires et aux camps de vacances. C'est sensibiliser ces institutions pour qu'elles prennent des mesures d'adaptation qui favorisent le rétablissement, tout en donnant à l'enfant un sentiment de normalité et de réussite.
    Imaginez tous les efforts que doivent déployer parfois des parents seuls, travailleurs autonomes, des parents qui ont d'autres enfants en bas âge, ou encore des enfants en difficulté, sans compter ceux qui doivent s'occuper d'une personne âgée, ou qui souffrent eux-mêmes de problèmes de santé. Et que faites-vous quand votre enfant est physiquement plus grand que vous?
    Il faudrait également s'intéresser à la question des troubles concomitants, notamment le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité, le trouble obsessivo-compulsif, la dépression et la toxicomanie.
    Imaginez que vous êtes en Saskatchewan, à l'Île-du-Prince-Édouard ou au Québec, que vous lisez au sujet du traitement familial et que vous vous rendez compte que vous n'avez aucun moyen de vous prévaloir de cette thérapie qui offre les meilleurs résultats. Imaginez que votre enfant a dû être hospitalisé, et qu'après son congé, on le met sur la liste d'attente d'un programme et que vous devez regarder, impuissant, votre enfant rechuter par manque de soutien. Ou encore imaginez ce qui se passe lorsque votre enfant a plus de 18 ans et que vous aimeriez participer à un Programme de traitement familial, mais que le centre de traitement de votre localité n'accepte de recevoir que votre enfant sur une base individuelle en tant qu'adulte? Et qu'en est-il des familles pour lesquelles le traitement familial ne fonctionne pas?
    J'ai moi-même souffert de dépression et du trouble de stress post-traumatique après l'épisode de réalimentation de notre fille. Notre fils, qui a 19 ans, a souffert de dépression en raison du stress et du traumatisme de voir sa famille consacrée toute son énergie et son attention à la lutte contre ce trouble de l'alimentation. Ma fille se sentait honteuse et coupable d'avoir obligé sa famille à traverser cette épreuve, même si nous lui répétions que ce n'était la faute de personne. Elle a parfois des reviviscences découlant du traumatisme de la réalimentation. Elles sont inexactes, mais bien présentes.
    Notre parcours a été parsemé d'embûches et est loin d'être terminé. Lorsque notre fille quittera le foyer familial, nous devrons nous assurer qu'elle est en possession de tous les outils nécessaires pour assurer son rétablissement et sa résilience. Quand un enfant est atteint d'un trouble de l'alimentation à un jeune âge, la famille sert de filet de sécurité pour éviter les rechutes. Il est alors facile de croire que le rétablissement de l'enfant est complet et qu'il n'y aura pas de rechute. Il faut à la fois faire preuve d'une extrême vigilance, tout en permettant à notre enfant de vivre sa vie dans un monde réel, sans filtre.
    Merci.

  (1605)  

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je cède maintenant la parole à Mme Stevenson pour 10 minutes.

[Traduction]

    Madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du comité, merci de me donner l'occasion de vous entretenir des troubles de l'alimentation. J'ai le privilège d'avoir travaillé en partenariat avec nombre des témoins qui sont venus plaider en faveur des services offerts aux Canadiens atteints de troubles de l'alimentation.
    J'aimerais vous faire part de mes observations relativement aux effets néfastes que les troubles de l'alimentation peuvent avoir sur un enfant, sur toute une famille et sur la société en général.
    Je formulerai une série de recommandations concernant le besoin urgent de certains services liés aux troubles de l'alimentation. Cette liste a été compilée au cours des 24 ans où je me suis fait le porte-voix de ceux qui souffrent de troubles de l'alimentation. J'ai eu le privilège de rencontrer de nombreux enfants qui souffrent de troubles de l'alimentation ainsi que leur famille d'un peu partout au Canada. Je les ai rencontrés dans le cadre de conférences où j'avais été invitée à participer, aux échelons provincial, national et international, ainsi que dans le cadre de tribunes communautaires pour les cliniciens. De plus, j'ai souvent donné des cours magistraux aux infirmières en santé mentale en quatrième année d'études.
    On ne peut dissocier les troubles de l'alimentation de la honte, du secret et du silence. De plus, les troubles de l'alimentation ont un effet débilitant sur la personne, détériorent son état de santé et peuvent potentiellement entraîner la mort des personnes qui en sont atteintes. Les troubles alimentaires touchent des gens de tous les milieux socioéconomiques et culturels. La Dre Leona Pinhas a mené des recherches intensives à ce sujet au Canada. Dans ses conclusions, elle indique que les enfants peuvent développer des troubles de l'alimentation dès l'âge de cinq ans. Je trouve cette déclaration fort inquiétante mais, malheureusement, je n'en suis pas étonnée.
    Le taux de mortalité des personnes atteintes d'anorexie est le plus élevé de toutes les maladies mentales. On calcule à 10 % la proportion des personnes anorexiques qui mourront dans les 10 ans suivant le déclenchement du trouble alimentaire.
    Le 27 août — je peux vous montrer une photo de notre fille Alyssa —, notre vie a changé à tout jamais. Notre fille Alyssa est décédée à l'âge de 24 ans, après s'être battue pendant 12 ans contre son trouble de l'alimentation. La maladie et le décès d'Alyssa ont encore d'importantes répercussions sur notre famille aujourd'hui. Nombreuses sont les familles canadiennes qui continuent de ressentir la perte d'un être cher qui a succombé à un trouble alimentaire.
    Après 24 ans de démarches, je suis très triste de constater que de nombreuses familles tentent encore désespérément d'avoir accès à un programme spécialisé en troubles de l'alimentation offert en temps opportun qui pourrait aider leur enfant. Ces personnes souffrantes doivent souvent attendre de 6 à 18 mois. Comme l'a dit le Dr Woodside devant votre comité, et c'est également le cas de plusieurs autres maladies, l'intervention précoce et spécialisée est souvent l'élément clé d'un rétablissement complet.
    Les intervenants en santé mentale doivent desservir plusieurs localités dispersées. Ils ont rarement de l'expérience dans le traitement des troubles de l'alimentation. Les services cruciaux au traitement des troubles de l'alimentation n'existent souvent que dans les grandes villes. Il peut être extrêmement difficile de quitter son foyer et sa famille afin de suivre un traitement intensif dans une ville où l'on ne connaît personne et où l'on risque de se sentir isolé et déprimé. Les parents, qui sont souvent tenus de rester à la maison pour travailler, ne sont pas là pour offrir le soutien affectif dont l'enfant a besoin pendant le traitement. Certains clients quittent le traitement trop tôt car ils se sentent seuls et loin de leurs familles.
    Souvent, les familles savent d'instinct que leur enfant se trouve dans une situation extrêmement dangereuse sur les plans physique, mental et émotif. Elles savent que leur enfant ne peut plus attendre d'avoir accès à un traitement et se mettent à chercher frénétiquement des programmes ou des thérapeutes privés spécialisés dans les troubles de l'alimentation. Certaines familles décident d'envoyer leur enfant à l'extérieur de la province, et même à l'extérieur du pays, pour suivre des traitements. De nombreux parents doivent assumer les coûts de subsistance de leur enfant, puisque les personnes qui souffrent de troubles de l'alimentation sont inaptes au travail.
    Nous, les parents d'Alyssa, avons été tenus d'envoyer notre fille consulter un thérapeute du secteur privé. À raison de trois séances de trois heures par semaine au coût de 120 $ de l'heure — c'était dans les années 1990, le prix s'élève à 150 ou 160 $ à l'heure actuelle —, cette thérapie a eu des répercussions financières sur toute la famille.
    Je suis outrée de constater que la question de la longueur des listes d'attente avant d'avoir accès à des traitements des troubles de l'alimentation, dont le besoin est pressant, n'est toujours pas réglée. Il me semble qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond lorsqu'un système de santé public n'ouvre ses portes à quelqu'un que lorsqu'il est à l'article de la mort.

  (1610)  

    On n'aurait pas idée de faire attendre des patients atteints du cancer, du diabète ou de maladies cardiaques aussi longtemps pour recevoir un traitement urgent. Oui, les troubles alimentaires peuvent être tout aussi mortels, étant donné qu'un grand nombre de patients souffrent en permanence de déséquilibres électrolytiques qui peuvent causer un arrêt cardiaque, une insuffisance rénale et même la mort. On parle de sauver des vies, d'améliorer la qualité de vie des gens et de les aider à entamer un traitement qui leur permettra de se sentir mieux.
    En vertu de la Loi canadienne sur la santé, deux des cinq principes, à savoir l'universalité et l'accessibilité des soins, indiquent que tous les résidants assurés ont droit à des soins de santé de même qualité et doivent jouir d'un accès raisonnable aux établissements de santé. Ces principes ne sont pas respectés pour un grand nombre de personnes atteintes de troubles alimentaires partout au Canada.
    En outre, un grand nombre de patients atteints de troubles alimentaires souffrent également de troubles concomitants, notamment des troubles obsessivo-compulsifs, des troubles anxieux, de la dépression grave, de l'ostéoporose précoce, des problèmes dentaires graves et de la toxicomanie. Ces patients ont souvent des comportements autodestructeurs; il s'infligent des brûlures, des coupures, et peuvent même aller jusqu'à se suicider ou tenter de le faire.
    Dans les cas de toxicomanie, parfois, en tant que parents, nous nous sentons coincés étant donné qu'un grand nombre de fournisseurs de services n'acceptent pas de traiter notre enfant tant que le problème de toxicomanie ou que le trouble alimentaire n'est pas traité en premier. Il s'agit là de deux troubles de santé dangereux, et je crois fermement qu'un nombre accru de programmes doivent être créés afin de traiter les troubles concomitants en même temps.
    En tant que société, il nous faut aussi faire preuve d'un grand esprit critique à l'égard de messages négatifs véhiculés par les médias, qui sont souvent entretenus par l'industrie des régimes alimentaires, une industrie très puissante et extrêmement lucrative qui nous fait constamment miroiter que la minceur nous apportera la santé, le bonheur et un corps de rêve, et nous permettra d'être acceptés par la société. La quête de la perfection et les normes sociales de beauté inatteignables causent des dommages physiques, mentaux, affectifs et spirituels irréparables, et même la mort.
    En tant que parent et porte-parole, je suis souvent troublée par le fait qu'un grand nombre de médecins ne connaissent pas bien ou n'ont pas beaucoup de formation dans le traitement des troubles alimentaires. Je me pose la question suivante: « Pourquoi un grand nombre de médecins examinent-ils souvent seulement l'indice de masse corporelle d'une personne pour déterminer son état de santé général ou s'il y a présence d'un trouble alimentaire? » Cela est d'autant plus troublant que l'Organisation mondiale de la Santé, en 1946, a défini la santé comme un état de bien-être physique, mental et social complet, et pas seulement comme l'absence de maladies ou d'infirmités.
    Conformément à cette définition, toute intervention destinée à régler quelque problème de santé que ce soit doit s'inscrire dans le cadre d'une approche holistique, où l'on considère aussi bien les facteurs sociaux, mentaux, affectifs et physiques de la santé. Pour moi, ce qui fait le plus gravement défaut, c'est qu'aux échelons provincial et fédéral, les gouvernements de notre pays ne font pas le suivi des répercussions de cette maladie mortelle. Des experts qui ont déjà témoigné devant vous estiment que plus d'un demi-million de Canadiens sont atteints de troubles alimentaires.
    Je crois aussi que les chiffres concernant la mortalité associée aux troubles alimentaires ne sont pas adéquatement établis. Bien souvent, on indique que la personne est décédée aux suites d'un arrêt cardiaque ou d'une insuffisance rénale, et l'on fait rarement mention des facteurs qui ont contribué au décès, à savoir la boulimie ou l'anorexie. Je sais sans l'ombre d'un doute que la lutte de 12 ans qu'a menée Alyssa contre son trouble alimentaire est la cause de sa mort et que le facteur qui a contribué à son décès était une embolie pulmonaire résultant directement de son trouble alimentaire.
    Dans son témoignage, le Dr Blake Woodside a indiqué ce qui suit:
Environ 60 % des gens que je traite présentent un trouble chronique et complexe de stress post-traumatique — ils ont été victimes de violence sexuelle ou physique. Il leur faudra 8 ou 10 ans pour s'en remettre [...]
    Notre fille a fait l'objet d'abus sexuels à plusieurs reprises, et ce n'est qu'après sa mort que nous avons été en mesure de connaître les circonstances précises de ce qui lui est arrivé, étant donné qu'elle avait confié avoir été victime d'abus sexuels à l'âge adulte à son médecin et à son thérapeute. Je crois fermement que si nous avions connu ces circonstances précises, nous aurions pu aider Alyssa à surmonter ce qui s'est passé, et nous aurions pu l'aider si elle avait décidé de porter des accusations au criminel et peut-être, je dis bien peut-être, nous aurions eu la chance de la sauver.
    Je crois de tout mon être que nous aurions pu sauver Alyssa de ce qu'elle décrivait comme un monstre qui vivait à l'intérieur d'elle. Mais nous avions tort. Nous ne ramènerons pas Alyssa, pas plus que tous les autres qui sont décédés à la suite de troubles alimentaires au Canada et, bien sûr, partout ailleurs dans le monde.

  (1615)  

    Le fait que le Comité de la condition féminine entreprenne d'étudier les troubles alimentaires m'a donné bon espoir que nous pouvons travailler en partenariat pour sauver la vie de personnes atteintes de cette terrible maladie mortelle. Même si des progrès ont été enregistrés dans le traitement des troubles alimentaires au cours de mes 24 années à titre de porte-parole, ils ont été réalisés beaucoup trop lentement pour ceux qui en souffrent ainsi que leur famille.
    Je sais que je n'aurai pas le temps de lire toutes mes recommandations, et j'espère qu'elles ont déjà été envoyées au comité, mais il y en a une que je dois vous lire, qui porte sur la formation pour les urgences et les soins intensifs. Nous devons nous assurer qu'une formation intensive est obligatoire pour les cliniciens qui traitent des patients atteints de troubles alimentaires graves. Ils doivent aussi recevoir une formation continue afin de se tenir au courant des pratiques exemplaires et de l'évolution des traitements. À la lumière de ce que ma fille a vécu, je crois qu'il est essentiel que tous les membres du personnel affectés à des unités de soins intensifs soient bien informés du syndrome de réalimentation et de la nécessité absolue de réalimenter les patients extrêmement lentement et de s'assurer qu'ils font l'objet d'un suivi très étroit pour éviter les déséquilibres électrolytiques, les crises, l'arythmie cardiaque et même la mort.
    En outre, nous devons examiner différentes thérapies afin de traiter ceux qui souffrent de troubles de stress post-traumatique et qui ont été victimes de violence — verbale, physique, psychologique et sexuelle.
    Merci beaucoup, madame Stevenson. En effet, nous vous remercions énormément de nous avoir transmis vos recommandations par écrit. Nous les ferons traduire et les distribuerons à tous les membres du comité.
    Merci beaucoup de vos quatre excellents témoignages.
    Nous allons passer aux questions.
    Madame Truppe, vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à accueillir chacune de nos témoins et à les remercier de leur témoignage très personnel. Je sais que cela a certainement été difficile pour plusieurs d'entre vous qui ont vécu personnellement le fléau que sont les troubles de l'alimentation, alors je tenais à prendre un moment pour vous remercier. Je suis certaine que tous les membres du comité comprennent les difficultés que vous avez traversées.
    Je vais commencer par Mme Lemoine.
    Merci beaucoup de votre témoignage. C'est bien de pouvoir parler à quelqu'un qui a vécu cette situation et qui peut nous donner des idées susceptibles de nous aider dans notre étude.
    Si je comprends bien, vous avez dit que vous en étiez atteinte de l'adolescence jusqu'à l'âge de 25 ans, que vous aviez perdu 40 livres et que vous avez dû subir une chirurgie à la vésicule biliaire.
    Oui, c'est exact.
    Quand avez-vous su que les choses allaient mal? Saviez-vous que votre état de santé s'aggravait entre votre adolescence et vos 25 ans, pendant toute cette période? Y a-t-il eu un diagnostic, ou avez-vous dû vous en rendre compte par vous-même?
    Je pense que je savais que quelque chose n'allait pas, mais comme d'autres l'ont indiqué, nous parlons tellement de l'apparence physique à l'école et avec les amis qu'il me semblait que nous étions toutes un peu obsédées par notre image corporelle. En plus, je faisais du ballet, ce qui n'est pas une mauvaise activité, mais dans mon cas, cela ne m'a probablement pas aidée. Il fallait se conformer à une certaine image.
    Je pense que je savais qu'il y avait un problème, mais je ne savais pas vraiment de quoi il s'agissait. Tout ce que je savais, c'est que je me sentais toujours entre deux eaux, et que je n'étais jamais satisfaite de mon apparence. Si je perdais du poids, on me disait que j'étais trop mince, et si j'avais un poids normal, alors on me disait, « Tu as un si joli visage, mais tu devrais vraiment perdre 10 livres ».
    Quel âge aviez-vous lorsque vous avez finalement pris conscience que vous étiez atteinte d'un trouble alimentaire et que vous avez commencé à chercher de l'aide? Quelqu'un vous a-t-il suggéré de demander de l'aide?
    Je pense que je m'en suis rendu compte lors de mes crises de la vésicule biliaire. Je suis allée trois fois aux urgences avant qu'on se décide à me l'enlever, parce qu'elle menaçait mon pancréas. Je me suis alors rendu compte qu'il y avait un problème grave, mais j'avais peur d'en parler avec mes parents. Je vivais seule et je pouvais donc faire tout ce que je voulais. Je ne voulais pas vraiment en parler parce que je craignais qu'on pense que j'étais superficielle. Les préjugés, je crois, représentaient un gros problème. Je savais que quelque chose n'allait pas, mais je n'arrivais pas à cerner le problème.

  (1620)  

    Vous étiez dans la vingtaine à ce moment-là?
    Oui, au début de la vingtaine.
    Quelle aide avez-vous obtenue? Vous avez parlé à quelqu'un? On vous a opérée pour la vésicule biliaire à votre troisième visite aux urgences. L'avez-vous finalement dit à quelqu'un, peut-être pas à vos parents, mais à quelqu'un de l'hôpital? Existait-il de l'information à propos de certains traitements, ou vous êtes-vous demandé ce que vous pouviez faire?
    Après mon opération à la vésicule biliaire, j'étais si en détresse qu'on m'a permis de consulter une infirmière psychiatrique à l'hôpital, mais on ne m'a pas laissé voir un psychiatre parce qu'on a jugé que mon cas n'était pas assez critique. Je suis certaine que ce n'était pas ce qu'on voulait dire, mais ce n'était probablement pas la bonne chose à dire à une personne dans mon état. Alors on m'a permis de consulter une infirmière psychiatrique. Je l'ai vue environ 12 ou 15 fois, à raison d'une séance par semaine.
    On m'a initialement prescrit l'Effexor XR, un médicament contre l'anxiété. Mon anxiété était liée à la nourriture parce que je pensais constamment à ce que je devrais manger ou non. Je faisais sans cesse des calculs mentaux pour savoir quelle quantité de nourriture je pouvais manger.
    J'ai pris l'Effexor pendant six mois environ, mais les effets secondaires physiques étaient si horribles que j'ai décidé d'arrêter de le prendre. Par la suite, j'ai découvert que mes rencontres avec l'infirmière ne seraient plus remboursées par les assurances et que je devrais avoir recours à des soins privés, ce que j'ai fait pour quelque temps, mais c'était trop dispendieux et je n'avais plus les moyens de payer.
    Vous vous êtes bien débrouillée. J'ai l'impression que vous vous êtes prise en main sans avoir de soutien...
    Oui.
    ... félicitations.
    Parmi les soins que vous avez reçus pendant cette épreuve, pourriez-vous cerner une pratique qui a bien fonctionné pour vous? Y a-t-il une pratique qui a donné de bons résultats pour vous, ou peut-être pour quelqu'un d'autre qui a dû se débrouiller seul? Quelle serait cette pratique exemplaire? Ou auriez-vous une suggestion?
    Je dirais que les proches devraient vous soutenir. Si vous trouvez que vos amis ou des membres de votre famille vous parlent de votre poids, de votre corps ou d'autres aspects de votre vie qui nuisent à votre développement, eh bien, il faut couper les ponts avec eux parce que vous ne pourrez pas vous rétablir si, dans votre for intérieur, vous croyez agir pour le mieux, mais que les gens autour de vous remettent constamment en question ce que vous faites.
    Je dirais qu'il faut bien s'entourer si on ne peut pas trouver des professionnels pour nous aider.
    Merci, j'ai une dernière question pour vous.
    Croyez-vous qu'on fait plus de sensibilisation aujourd'hui en comparaison à l'époque où vous étiez malade?
    Je pense qu'on en parle davantage, mais pour être honnête avec vous, personne ne parle vraiment de la boulimie, parce que nombreux sont ceux qui pensent qu'il est vraiment dégoûtant de se faire vomir.
    De mon côté, je constate qu'on fait beaucoup de sensibilisation à propos de l'anorexie, mais pas à propos de la boulimie précisément. Je ne crois pas que la situation ait beaucoup évolué.
    Madame Stevenson, j'ai une question pour vous. Je vous transmets mes condoléances pour le décès de votre fille, Alyssa. Merci de nous en avoir parlé.
    Je veux m'assurer de bien comprendre: sa bataille a duré 12 ans, et j'ai l'impression que vous n'avez, vous aussi, reçu aucune aide. On dirait presque que vous avez dû vous débrouiller toute seule jusqu'à un certain point.
    Quelle aide avez-vous obtenue?
    Absolument aucune. Dans les années 1990, quand Alyssa a reçu son diagnostic, il n'y avait aucun programme de traitement des troubles de l'alimentation pour les adolescents au Manitoba. Quand j'ai commencé ma lutte, nous avons avant toute chose consacrer nos efforts à la création d'un programme. Le 8 mai 2001, en partenariat avec le gouvernement, nous avons inauguré le premier programme de traitement de jour des troubles de l'alimentation chez les adolescents au Manitoba.
    J'étais très heureuse de travailler sur ce projet. Alyssa n'a pas pu en profiter parce qu'au moment où le programme a été inauguré, elle avait atteint l'âge adulte, alors nous nous sommes tournés vers le privé pour sa thérapie. Nous n'avions aucun autre choix.
    Madame Beattie... Est-ce qu'il me reste encore une minute, ou c'est terminé? Les sept minutes passent très vite. Je suis désolée.
    Merci de votre coopération.

[Français]

    Madame Ashton, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup. J'aimerais remercier tous les témoins qui sont venus nous voir aujourd'hui. Vos témoignages étaient très percutants et très personnels, et je vous remercie de nous avoir confié vos histoires.
    Nous avons entendu de nombreux témoins nous parler de la perspective clinique, qui est bien sûr extrêmement importante, mais il ne fait aucun doute que vos témoignages d'aujourd'hui nous aideront à orienter notre travail et à communiquer des expériences auxquelles d'autres personnes pourront s'identifier.
    Je veux remercier Mmes Beattie et Stevenson de nous avoir parlé de leur expérience personnelle et de leur travail de sensibilisation.
    Mes questions s'adresseront à Mmes Lemoine et Steeves.
    Madame Lemoine, merci beaucoup de nous avoir raconté votre expérience. Je pense que vous êtes la seule personne qui a dévoilé avoir souffert d'un trouble de l'alimentation, et c'est extrêmement courageux. Merci de l'avoir fait.
    Je crois savoir que vous tenez un blogue dans lequel vous avez parlé de votre expérience. Je me demandais si des gens sont entrés en contact avec vous pour vous demander de l'aide. Qu'entendez-vous le plus souvent? Vous avez parlé du fardeau financier. Est-ce que les gens vous parlent de leurs problèmes financiers et de leur capacité d'obtenir les soins dont ils ont besoin? Que vous disent-ils? De quoi vous parlent-ils?

  (1625)  

    Je suis coauteure d'un blogue sur la survie aux troubles de l'alimentation dans l'America's mental health channel, un carrefour sur la santé mentale à l'adresse HealthyPlace.com, basé au Texas. J'écris une chronique publiée aux deux semaines. La plupart des commentaires que ma co-auteure Jessica et moi-même recevons proviennent de femmes qui nous écrivent pour nous poser les questions suivantes: « Comment vous êtes-vous rétablie? Comment arrivez-vous à vous sentir à l'aise dans la vie quotidienne sans vivre une lutte perpétuelle? » Nous recevons aussi beaucoup de commentaires de femmes en début de rétablissement et qui sont en proie à des pulsions. Elles veulent savoir comment les maîtriser ou apprendre à les gérer. Je leur dis souvent que les choses ont l'air facile parce que je vais bien et que je suis là pour en témoigner, mais j'ai vécu des luttes quotidiennes avant d'en arriver là. Il y a des jours où je ne me sens pas très bien.
    Nous recevons des questions plutôt simples comme: « Est-ce que nous pouvons vraiment y arriver? Est-ce que nous pouvons nous rétablir sans que la maladie gâche toute notre vie? »
    Nous recevons beaucoup de commentaires encourageants. Parfois, nous recevons des remarques bouleversantes, mais l'expérience est plutôt très positive, et le fait d'aider mes semblables m'aide à rester en santé.
    Je suis ravie de l'entendre. Merci.
    Madame Steeves, j'aimerais aussi vous remercier de l'analyse que vous nous avez présentée aujourd'hui.
    Nous avons entendu des cliniciens, des spécialistes du domaine et bon nombre de témoins parler des préjugés auxquels sont confrontées les personnes atteintes de troubles de l'alimentation, car il s'agirait de troubles qui touchent en grande partie les femmes. Vous avez parlé de ce système patriarcal qui bombarde les jeunes filles d'images corporelles irréalistes. Pourriez-vous nous dire combien de profits sont réalisés ou nous parler de la taille des sociétés qui gagnent de l'argent sur le dos des jeunes femmes?
    Voilà une excellente question.
    Mme Stevenson a parlé des produits amaigrissants, une industrie qui représente de nombreux milliards de dollars, et je suis d'accord pour dire qu'elle fait partie du problème.
    Je pense qu'il faut tenir compte de la perception qu'ont les consommateurs de la jeunesse et de l'adolescence et la placer dans le contexte du secteur du divertissement, de la mode ou des cosmétiques.
    J'ai constaté toute une transition au cours de ma vie. Il était autrefois inadmissible de cibler les adolescents dans les publicités. Les enfants ne l'étaient certainement pas lorsque j'étais enfant. Nous avons constaté des changements dans les marchés, et je pense que cette question se retrouve au centre de la consommation dans son ensemble. Je crois qu'il s'agit d'une des stratégies de plus en plus courantes dans le secteur privé, à savoir recueillir des renseignements précis à propos des gens et utiliser ces renseignements pour changer leur environnement social et encourager certains types de consommation.
    Je ne peux pas y attacher un montant. L'une des choses que nous aimerions faire après le eGirls Project serait de nous pencher sur la publicité comportementale afin de mieux comprendre le fonctionnement de ces algorithmes et le genre d'interventions faites par le secteur privé afin d'encourager certains types de consommation.
    Dans la même veine — et je sais que vous avez abordé le sujet dans votre exposé —, j'aimerais savoir si vous croyez que le gouvernement fédéral pourrait mettre en oeuvre des politiques et des règlements qui pourraient empêcher les médias de cibler les jeunes filles. Je pense entre autres au droit à la vie privée.

  (1630)  

    Je formulerai deux recommandations ou parlerai de deux domaines potentiellement intéressants à étudier. Il y a premièrement les lois sur la protection de la vie privée. La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui concerne les renseignements personnels dans le secteur privé, comporte une section sur les motifs raisonnables pour lesquels les organismes peuvent recueillir des renseignements et les utiliser à des fins qu'une personne raisonnable jugerait appropriée dans les circonstances.
    Le Commissariat à la protection de la vie privée a appliqué à quelques reprises une interprétation particulière de cette section pour limiter la publicité qui s'adresse aux enfants. Je dirais qu'il y a certainement matière à étudier si l'utilisation de ces renseignements est appropriée. J'avancerai certainement que les gens raisonnables jugeraient cette utilisation inappropriée en raison du coût qui y est associé.
    Je pense qu'il vaudrait la peine de réfléchir sérieusement à cette question.
    L'autre aspect concerne les pratiques de consommation dans leur ensemble ou la publicité. Les pratiques de commercialisation déloyales relèvent certainement du gouvernement fédéral. Je comprends qu'on marche sur des oeufs, parce qu'il s'agit de trouver un équilibre entre la censure et la liberté d'expression, entre autres choses. En même temps, on reconnaît que les enfants sont un groupe vulnérable de la société, et on les protège davantage pour cette raison. Au Québec, le Code civil limite la portée de la publicité qui s'adresse aux enfants. La France a montré la voie en Europe en proposant que la taille des mannequins dans les médias, que ce soit dans les magazines, à la télévision ou au cinéma, soit réglementée.
    Je pense que des mesures peuvent être prises pour lutter contre ce fléau. Dans une certaine mesure, on peut faire un parallèle avec la culture du viol. Il existe des risques de dérapage.
    J'ai quatre filles et un garçon. Ma plus jeune a 16 ans. Elle parlait de l'espace entre les cuisses et disait que c'est un sujet omniprésent aujourd'hui à l'école. Elle est mince et élancée, et elle dit que les gens s'adressent à elle pour lui demander si elle a un écart entre les cuisses et répliquent: « Je te déteste parce que tu as un écart entre les cuisses ». Quand on n'a pas d'écart entre les cuisses, on est laide et grosse. Ces discussions ne sont pas sans fondement. Je crois que c'est ce qui me choque le plus.
    Mme Lemoine parlait de la voix dans sa tête et du tyran dans sa tête. Nous avons parlé de stéréotypes dans les médias et des déclencheurs. Je dirais que les jeunes en général subissent d'énormes pressions en raison de ce type de messages véhiculés par les médias. Les filles y sont particulièrement vulnérables pour toutes sortes de raisons, bien que je convienne qu'ils peuvent affecter les garçons aussi.
    Merci beaucoup, madame Steeves.
    C'est en effet très intéressant, mais je dois donner la parole à quelqu'un d'autre.
    Madame O'Neill Gordon, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    D'abord, j'aimerais remercier tous les témoins d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui. Pendant notre étude, nous avons certainement appris et acquis des connaissances fort intéressantes à propos des troubles de l'alimentation et ce qu'ils signifient vraiment. Nous avons aussi appris qu'il faut établir un contact avec nos communautés et leur offrir les renseignements nécessaires disponibles.
    Ma première question s'adresse à Patricia Lemoine.
    D'abord, je vous remercie d'avoir pris le temps de nous raconter votre expérience personnelle et d'être parmi nous aujourd'hui.
    Comme nous l'avons dit, certaines attitudes sont en train de changer. Comme vous l'avez dit, il est très bien que votre patronne ait reconnu que vous aviez besoin d'être ici. Pour commencer, je pense qu'il y a quelques années, vous n'auriez probablement pas eu envie d'en parler. C'est bien de constater ce changement d'attitude.
    Cette étude est très importante et nous apprenons tous énormément. Il ne fait aucun doute que les attitudes ont changé. Toutefois, vous qui militez pour cette cause, à quels égards faut-il encore sensibiliser les gens aux troubles de l'alimentation? Que souhaiteriez-vous voir se concrétiser?
    Mon expérience avec la communauté médicale n'a pas été très bonne. La plupart des médecins que j'ai rencontrés au fil des années manquaient de tact pour parler du corps de la femme. Il s'agit pour moi d'un aspect fondamental, parce que si vous allez chercher de l'aide et que vous parlez à quelqu'un, vous seriez porté à penser qu'un professionnel de la santé ferait preuve de compassion, mais vous vous retrouvez dans un dialogue très négatif sur l'alimentation et sur ce que vous devriez faire à propos de votre corps. Je pense que cette attitude pourrait vous empêcher de parler et d'aller chercher davantage d'aide. J'aimerais vraiment encourager davantage... je ne sais pas si je parlerais de formation, car je pense qu'il y a un manque de sensibilité de la part des intervenants. Je pense qu'ils pourraient apprendre à faire montre de plus de sensibilité et qu'on devrait se concentrer sur la communauté médicale.

  (1635)  

    Vous voulez dire se concentrer sur les membres de la communauté médicale et la façon dont ils traitent les patients.
    Je pense qu'il y a un grand besoin à cet égard.
    La communauté médicale devrait aussi en apprendre un peu plus à ce sujet. Lorsque nous pensons aux troubles de l'alimentation, nous ne devrions pas seulement penser à monsieur et madame tout le monde; nous devrions tous nous sentir davantage concernés.
    Ma prochaine question s'adresse à Elaine Stevenson. D'abord, je dois dire que j'ai hâte de lire les recommandations que vous avez envoyées, car votre grande expérience nous sera sans doute utile. Bien que nous n'ayons pas le temps d'en parler aujourd'hui, nous avons hâte de prendre connaissance de vos suggestions pour nos recommandations.
    En ce qui concerne votre expérience personnelle, pourriez-vous nous parler des ressources qui existent pour aider une personne atteinte de troubles de l'alimentation et sa famille qui en pâtit?
    Voilà ma première question. Qu'existe-t-il comme ressources?
    Tout d'abord, je pense que l'une des meilleures ressources, qui est absolument incroyable, est offerte par le Centre national d'information sur les troubles de l'alimentation. La directrice générale, Merryl Bear, a comparu devant votre comité. Il y a des années, je me suis rendue jusqu'au centre en Ontario pour demander sans détour à Merryl si elle pouvait m'aider avec ma fille.
    Bon nombre de programmes de traitement des troubles alimentaires prévoient simultanément des programmes d'aide aux proches des enfants atteints de troubles alimentaires qui suivent un traitement. Et c'est là que le bât blesse. C'est une bonne chose que les familles suivent ces programmes d'aide en raison du fait que leur enfant suit un traitement dans l'un des hôpitaux de soins tertiaires ou programmes communautaires de traitement des troubles alimentaires. Mais bien souvent, il y a une restriction, et si votre enfant ne suit pas un traitement, vous n'êtes pas admissible à recevoir de l'aide familiale. Donc, pendant sept ans, j'ai été vice-présidente de la Eating Disorders Association of Manitoba. Avec l'aide de différentes personnes, nous sommes parvenus à organiser un groupe d'aide destiné aux familles, car c'était un besoin absolument urgent et essentiel, qui se fait sentir partout au pays.
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Valerie Steeves.
    J'ai remarqué que vous avez indiqué que les jeunes filles subissaient de fortes pressions pour avoir une certaine image, et c'est là certainement quelque chose à laquelle nous assistons tous les jours, plus particulièrement dans les médias, comme vous l'avez indiqué. Le contexte a changé et exerce beaucoup de pressions sur les jeunes filles. Dans le milieu universitaire, savez-vous s'il y a des recherches ou des communautés d'experts qui étudient les troubles alimentaires et qui pourraient apporter le petit coup de main nécessaire?
    La littérature que je connais relève davantage des disciplines de la communication et de la sociologie et cible davantage l'image corporelle. Mais certains travaux ont été effectués sur l'image corporelle, que ce soit dans l'ensemble de la communauté ainsi que dans les médias sur Internet et d'autres formes de médias. Je serais ravie de vous fournir certaines références, si cela peut être utile au travail du comité.
    L'autre jour, comme je l'ai indiqué à d'autres témoins, après que notre comité a décidé de se lancer dans cette étude, j'ai remarqué dans un nouveau catalogue que des maillots de bain étaient présentés sur des gens qui n'étaient pas tout à fait minces; ces personnes portaient ces maillots de bain pour les montrer. Alors je me suis dit que peut-être que nous... il doit y avoir des gens qui se rendent compte de la gravité de la situation.
    En effet, il y a des pratiques exemplaires. En fait, Dove a fait preuve de leadership comme entreprise et a produit des publicités vraiment très intéressantes.
    Une revue australienne a tenté d'adopter cette approche en présentant des corps de taille normale, mais tous les publicitaires ont retiré leur publicité, et la revue a dû être retirée. Les femmes l'adoraient, les jeunes filles l'adoraient, la revue faisait l'objet de plein de commentaires positifs, mais les publicitaires ont décidé de ne pas appuyer la revue, qui a donc dû retourner à ses anciennes méthodes.
    Mais il y a des pratiques exemplaires, je suis d'accord, et nous devrions les reconnaître et les encourager.
    Absolument. La situation est difficile pour les jeunes filles.

  (1640)  

    Il vous reste 15 secondes.
    Je voulais juste vous demander... eh bien non, oubliez cela. Mes 15 secondes sont écoulées. C'est bon.
    Merci beaucoup de votre compréhension.

[Français]

    Madame St-Denis, vous avez la parole pour sept minutes.
    Je vais revenir sur ce que disait ma collègue par rapport aux mesures du gouvernement fédéral. On sait qu'un certain aspect de la santé relève du provincial et qu'il ne faut pas s'immiscer dans les champs de compétence des provinces.
    Vous êtes-vous attardées à ce que vous pourriez demander au gouvernement fédéral pour que les situations que vous avez décrites s'améliorent? Par exemple, madame Steeves, vous avez parlé des médias. Les communications peuvent relever du gouvernement fédéral. Avez-vous des demandes plus précises à formuler à l'intention du gouvernement fédéral, qui a compétence en ce domaine?

[Traduction]

    Le Bureau de la concurrence est en train d'entamer un examen préliminaire du ciblage comportemental et du modèle de commercialisation qui motive une bonne partie de ce type de publicité. On s'est tourné vers la vie privée des enfants et des répercussions que ces pratiques ont sur eux. C'est quelque chose que l'on examine comme une pratique commerciale déloyale possible.
    En outre, je pense qu'il vaudrait la peine de réfléchir à un genre de cadre réglementaire ou de loi qui pourrait établir certaines normes relatives à l'image corporelle dans la publicité. Je pense que ce serait extraordinaire, parce que vous avez raison; lorsque l'on regarde les publicités de Dove et que l'on voit des filles ou des femmes normales, on est tout à fait impressionné.
    Si l'on pouvait changer l'environnement visuel dans lequel évoluent les enfants, cela pourrait effectivement avoir des répercussions. Je dirais que vous devriez aussi envisager cette possibilité.

[Français]

    Merci.
    Je reviens sur les propos de Mme Beattie. Je pose la question parce qu'il est très important que ce soit inclus dans le rapport. C'est ce dont on tient compte.
    Vous avez dit qu'il serait important qu'on reconnaisse que les problèmes d'alimentation sont des problèmes de santé mentale. Cela n'est pas suffisamment reconnu.
    Avez-vous déjà pensé à proposer des programmes à cet égard? En fait, la santé mentale est un enjeu important. Le gouvernement fédéral accepte parfois de mettre sur pied des programmes particuliers pour corriger ce genre de problème, par exemple. Y avez-vous pensé?
    Madame Stevenson, avez-vous pensé que cela pourrait être intéressant?

[Traduction]

    Je pensais que la question s'adressait à Laura. Elle m'était destinée?

[Français]

    Croyez-vous qu'on pourrait demander au gouvernement de mettre sur pied des programmes?

[Traduction]

    Absolument. Je pense que nous devons créer des programmes qui sensibilisent le grand public, les médecins et tous les cliniciens qui interviennent dans le traitement des troubles alimentaires et des problèmes de santé mentale. Je suis étonnée et parfois extrêmement frustrée du nombre de personnes qui donnent l'impression d'en savoir plus au sujet des troubles alimentaires, mais qui en réalité, n'en savent rien.
    Il y a quelques années, j'ai participé à une conférence sur la santé, et un médecin est venu examiner notre exposition sur les troubles alimentaires. Il m'a dit que les jeunes garçons n'avaient pas de troubles alimentaires. Je l'ai regardé et lui ait dit: « Mais bien sûr que c'est un problème qui touche aussi les garçons. » Cependant, il a insisté avec fermeté sur le fait que c'était un problème féminin qui ne concernait pas les garçons. La sensibilisation est donc vraiment un aspect sur lequel nous devons insister.
    Vous avez demandé ce que pouvait faire le gouvernement fédéral. Il peut légiférer en ce qui a trait aux effets néfastes des médias et de la publicité sur les jeunes enfants, ce qui est tout à fait inacceptable. Il faudrait aussi s'attaquer à l'industrie des régimes alimentaires. On voit des publicités d'une page qui vous disent: « Si vous suivez ce régime, vous serez plus intelligente et plus riche. »
    D'ailleurs, cet article d'une page publié dans le Winnipeg Free Press a été rédigé par une société qui vend des régimes alimentaires. Il n'est indiqué nulle part que l'article a été rédigé par ce type d'entreprise.
    Il nous faut examiner de près l'industrie des régimes. En tant que particuliers, parents, groupes de soutien et cliniciens, nous devons collaborer étroitement avec les médias afin de voir comment on peut réduire les effets néfastes de la publicité et comment on peut enrichir les programmes destinés aux gens qui en ont besoin de façon urgente, y compris leurs familles.

  (1645)  

[Français]

    Madame Beattie, quelles sont les causes des problèmes alimentaires, selon vous?

[Traduction]

    Nous ne savons pas trop quelles en sont les causes. Je pense qu'on ne peut pas faire de prévention primaire avant de savoir. C'est la vulnérabilité génétique, l'environnement et tout un ensemble de facteurs qui entrent en ligne de compte. D'après toutes mes lectures, nous ne connaissons pas exactement les causes. Je sais qu'un projet de recherche est mené actuellement dans d'autres pays, l'Anorexia Nervosa Genetics Initiative, ANGI — auquel le Canada ne participe pas —, qui vise à étudier les composantes génétiques pour trouver des traitements.
    Mais dès que l'on parle des causes, il faut faire la distinction entre l'image de soi et la maladie mentale associée aux troubles alimentaires. Chaque fois que l'on parle de la sensibilisation aux troubles alimentaires, on semble s'attarder sur l'image de soi. Or, les enfants n'ont pas une notion très développée de l'image de soi. On ne constate pas les mêmes problèmes d'image de soi ou les mêmes symptômes et comportements chez les adolescentes ou les jeunes femmes que chez les hommes, qui expriment leurs troubles différemment. Lorsque les jeunes femmes et jeunes filles ont des troubles alimentaires, elles expriment en fait leur insatisfaction par rapport à leur apparence physique ou à leur poids. Mais il s'agit là de symptômes, de comportements. Il ne s'agit pas des causes des troubles alimentaires.
    De nombreuses recherches neuroscientifiques ont été réalisées sur le phénomène, et on commence à comprendre qu'il faut s'attaquer aux causes profondes du problème et ne pas s'arrêter uniquement aux symptômes et aux comportements. Il faut donc chercher plus loin et trouver les causes sous-jacentes des comportements, car pour l'instant, nous ne les connaissons pas. Nous savons qu'il y a toutes sortes de facteurs en cause, mais ils peuvent varier, selon qu'il s'agisse d'un enfant, d'un adolescent, d'une jeune femme ou d'un jeune homme.
    Alors oui, l'environnement a son rôle à jouer, mais ce n'est pas tout.
    Merci beaucoup, madame Beattie.

[Français]

    Je cède maintenant la parole à Mme Crockatt pour cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, et je souhaite à mon tour remercier nos témoins. Vos témoignages ont été aussi émotifs qu'informatifs.
    Elaine Stevenson, je comprends votre frustration d'avoir été la première à connaître cette expérience; j'admire votre ténacité. J'imagine que vous faites tout ce travail à la mémoire de votre fille. Je vous admire et je vous remercie.
    Je voulais également dire à Patricia et à Laura que je crois que nous devrions prendre vos trois témoignages — Valérie, le vôtre était également intéressant, mais je pense aux témoignages à la première personne — et nous devrions les imprimer ou les afficher tels quels sur des sites Web afin que tout le monde puisse voir comment une personne en chair et en os est touchée par ces troubles. Je pense que ces témoignages étaient les plus instructifs de tous. Il est bien entendu très intéressant d'entendre les spécialistes médicaux parler du problème, mais les témoignages à la première personne de jeunes femmes sont beaucoup plus éloquents, et c'est ceux auxquels les autres jeunes femmes pourront s'identifier.
    Patricia, j'ai été particulièrement impressionnée de vous entendre dire que vous devez votre rétablissement au rôle de counseling que vous avez adopté. Je me demande s'il ne s'agirait peut-être pas là d'une pratique exemplaire. Qu'en pensez-vous?
    Je pense qu'il est très important pour les hommes et les femmes de voir que l'on peut effectivement guérir, ainsi que la forme que prendra ce rétablissement. Je rédige un blogue et je fais également des vidéos dans lesquelles je rappelle que je suis une personne tout à fait normale. Je suis une fille ordinaire. J'ai grandi dans une famille typique et j'ai connu une enfance typique. Souvent, on dit que les troubles alimentaires sont un problème de jeunes filles blanches, et chaque fois je me dis, « Mon Dieu, il y a encore tant de travail à faire, car les troubles alimentaires ne discriminent pas, et n'importe qui peut en être atteint...
    Me permettez-vous que je vous interrompe pour aborder les choses autrement? C'est que mon temps est compté.
    Je m'intéresse tout particulièrement à cet aspect de votre guérison, qui vous maintient sur le droit chemin, à savoir le modelling. Il a été question d'agression sexuelle, et j'aurais une question à cet égard, mais je pense qu'il y a également un aspect de recherche de la perfection. Or, vous avez réussi à changer de cap. De toute évidence, vous avez une volonté de fer, et je crois que la plupart des jeunes touchés par cette maladie ont également de la volonté. Je me demande si une partie de votre réalisation et de votre guérison — et c'est une théorie que vous pourrez confirmer ou infirmer — est imputable au fait que vous aidez les autres, et que cette aide aux autres se convertit en prise en main personnelle. Le don de vous semble vous avoir aidée. Pensez-vous qu'on devrait en faire une pratique exemplaire dans notre rapport?

  (1650)  

    Oui, je pense que vous devriez en parler, car la guérison commence par une décision personnelle, une décision de reprendre sa vie en main et de ne pas laisser la maladie prendre le dessus. C'est un dialogue intérieur avec soi. Je dois me dire très souvent « Non, Patricia, je t'interdis d'avoir ces pensées négatives. » Il faut se répéter qu'il faut persévérer, qu'on est sur la bonne voie.
    Pouvoir dialoguer en ligne, c'est très valorisant. Il y a des gens qui m'écrivent pour me demander ce que je fais quand je connais une journée difficile. Je me dis alors que je pensais connaître une journée difficile, mais que ces gens-là de toute évidence connaissent une journée encore plus difficile que la mienne, et que peut-être je peux les aider. Je leur raconte ce que je fais pour me venir en aide. Parfois, ces stratégies peuvent paraître tout à fait banales, mais elles peuvent changer le cours de votre vie, car c'est le moment qui compte.
    Je voulais également revenir sur le lien — et je ne sais pas si c'est un lien de cause ou un lien corrélatif — entre les agressions sexuelles et les troubles alimentaires. Le Dr Woodside, que nous avons entendu dès le début de notre étude, a affirmé que 60 % de ses patientes avaient été agressées sexuellement. De plus, dernièrement, nous avons entendu Bonnie Brayton, qui affirme que la violence contre les femmes et les filles est la cause profonde des troubles alimentaires.
    Madame Stevenson, vous avez dit que vous aviez appris a posteriori que votre fille avait été victime d'agression sexuelle. Avec le recul, et je m'adresse à vous en particulier mais également aux autres et à Valerie si j'ai le temps. Je me demande si vous pensez que les agressions sexuelles sont une cause directe des troubles alimentaires. Devrions-nous avoir comme pratique exemplaire la formation d'équipes de counselling en matière d'agressions sexuelles? Ou s'agit-il d'une autre question sans rapport?
    Je pense qu'il faudrait avoir des équipes spécialisées qui peuvent, tout d'abord, traiter les troubles alimentaires, et ensuite tout autre trouble coexistant, y compris les troubles liés aux agressions sexuelles. Ce n'était pas le cas d'Alyssa, bien que nous ayons dit aux médecins et aux cliniciens dès le début que l'on soupçonnait des agressions sexuelles, sans pour autant avoir de détails.
    Il existait un programme dans cette ville pour traiter spécifiquement des agressions sexuelles, et c'est justement là le problème: nous devons avoir des équipes pluridisciplinaires qui peuvent traiter les troubles alimentaires, mais en même temps les troubles découlant d'agressions sexuelles et les troubles obsessifs compulsifs. L'on ne peut pas s'attendre que le patient et sa famille se rendent au centre X pour les agressions sexuelles, au centre Y pour les toxicomanies, au centre Z — non seulement ce n'est pas pratique, mais ça ne marche pas.
    Puis-je adresser la même question à Laura, madame la présidente? Je remarque qu'elle hoche vigoureusement de la tête, mais qu'elle n'a pas encore parlé.
    Peut-être que quelqu'un d'autre pourra lui poser la question.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Sellah, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    D'abord, je remercie les personnes qui sont ici ainsi que celles que nous entendons par vidéoconférence. Leurs témoignages nous informent un peu plus sur la question des troubles alimentaires.
    En fait, depuis le début de notre étude sur les troubles alimentaires, nous savons qu'il s'agit d'un problème assez complexe. C'est un trouble biologique et comportemental. Il devrait y avoir une équipe multidisciplinaire pour cerner ce problème et, ultérieurement, avoir un plan de traitement.
    Ma question s'adresse à Mme Laura Beattie.
    Vous avez dit que vous aviez traité votre fille à la maison au moyen d'une approche thérapeutique familiale. J'aimerais savoir pourquoi vous avez choisi de la soigner à la maison. Est-ce parce qu'il y avait une difficulté d'accès au traitement dans un programme spécialisé? Avez-vous fait face à d'autres problèmes qui vous auraient incitée à prendre soin vous-même de votre fille à la maison?

[Traduction]

    Eh bien premièrement, c'est parce que mon médecin ne savait pas quoi faire. Il n'était pas au courant de traitements au sein de la famille dans notre ville, et je ne pouvais tout simplement pas ne rien faire et la regarder mourir. J'ai trouvé de l'information en ligne, et j'ai compris que des familles partout au monde sont touchées par cette maladie sans avoir accès à des services de traitement.
    Le traitement en milieu familial est avalisé par la Société canadienne de pédiatrie, et il s'agit du traitement de première ligne pour les adolescents, les enfants, et de plus en plus, les jeunes adultes.
    Mais je ne savais rien. J'ai appelé une clinique de troubles alimentaires, mais le responsable des admissions n'avait pas idée de la différence entre les adultes, les enfants et les adolescents. C'était un traitement tout nouveau à l'époque; il avait été fondé à peine quelques mois auparavant. Aussi, j'ai commencé à m'en servir moi-même, et entre-temps, j'attendais un aiguillage vers un pédiatre et un psychologue pour adolescents. Je ne savais pas trop quoi faire, mais je savais qu'il fallait faire quelque chose.
    L'on essaie de traiter les enfants à la maison, car même si votre enfant obtient un traitement en milieu hospitalier, tôt ou tard, il va falloir le ramener à la maison. Leur affection ne sera peut-être pas aussi aiguë ou horrible que la mienne, bien que ce scénario ne soit pas inhabituel. Quoi qu'il arrive, il faut ramener les enfants à la maison, et c'est alors qu'ils font une rechute. C'est lorsqu'on ramène l'enfant ou l'adolescent à la maison et que les parents ne savent pas quoi faire.
    J'ai trouvé un forum en ligne où j'ai pu échanger avec d'autres parents qui soignaient leurs enfants à la maison. En fait, on transforme son chez-soi en clinique médicale; c'est ainsi qu'on les traite. Seulement, ce sont les parents qui ont le contrôle.

  (1655)  

[Français]

    Je vous remercie de vos explications.

[Traduction]

    Dans ce genre de traitement, il faut mettre les parents en contrôle, il faut les autonomiser. C'est essentiel.

[Français]

    En effet, il faut un encadrement pour le patient ou pour son entourage. Dans ce cas, c'était vous.
    Je vous ai entendue parler de la thérapie familiale de Maudsley. Cette thérapie a-t-elle contribué à la guérison de votre fille? Dans l'affirmative, pourriez-vous nous dire quels sont les fondements de cette thérapie?

[Traduction]

    D'accord. Parlons de la méthode Maudsley. Maudsley est un hôpital de London où tout a commencé. Le clinicien avait remarqué que, lorsque les personnes touchées de troubles alimentaires retournaient chez elles, elles faisaient inévitablement une rechute. On les nourrissaient à la clinique ou à l'hôpital, mais dès qu'elles rentraient chez elles, elles arrêtaient de manger.
    C'est pourquoi ils ont élaboré ce traitement en milieu familial, où les parents étaient responsables du traitement. C'est un traitement en trois étapes.
    Première étape, les parents se chargent de nourrir leur enfant. Je vous l'ai décrit, car je voulais que vous sachiez combien il peut être difficile de nourrir un enfant. Il y a trois étapes bien définies, mais elles se chevauchent l'une l'autre, car tout dépend de l'âge de l'enfant en cause.
    La deuxième étape peut commencer lorsque l'enfant a récupéré un poids normal ou presque. On constate dès lors une amélioration de sa sociabilité et de son profil d'alimentation. C'est comme si on vous rendait votre enfant et qu'à votre tour, vous lui rendiez la responsabilité et le contrôle sur sa vie, tout dépendant de son âge. L'on ne fait pas avec un adolescent de 15 ou 16 ans ce que l'on ferait avec un enfant de 10 ans, car, à 10 ans, l'enfant dépend presque entièrement de ses parents pour son alimentation, tandis qu'un adolescent de 16 ou 17 ans a beaucoup plus de liberté. L'on essaie donc de rendre à l'enfant les libertés et responsabilités qu'il devrait avoir en fonction de son âge. Si vous avez un enfant de 10 ans, cette étape va durer beaucoup plus longtemps que s'il a 16 ou 17 ans.
    Ensuite, à la troisième étape, lorsque la vie familiale reprend son cours normal, le thérapeute travaille alors avec les parents afin de les aider à renouer avec ce qui devrait être une dynamique familiale normale. On ne parle pas des causes profondes du trouble alimentaire; on se moque des raisons pour lesquelles le trouble est survenu en premier lieu. Anciennement, on cherchait à faire une psychothérapie et à analyser le problème de la famille. Mais la thérapie en milieu familial n'en tient pas compte: on se contente de savoir qu'un enfant a eu un trouble alimentaire, mais on cherche à tourner la page, et le thérapeute aide les parents à aider leur enfant. Le problème, c'est que le thérapeute ne peut pas vous dire comment il faut s'y prendre.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Young, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Merci à tous les témoins de nous consacrer de leur temps aujourd'hui.
    Je souhaite commencer par Mme Valerie Steeves.
    J'ai été particulièrement impressionné par vos observations sur le projet eGirls et par ce que vous disent les filles sur la façon par laquelle Internet colore leur opinion d'elles-mêmes. Il a même été question de site Web pro-anorexie, et je sais qu'il existe également d'autres sites Web qui encouragent les gens à se suicider.
    Pensez-vous que l'on pourrait décrire des sites comme Facebook et d'autres sites sociaux comme étant dangereux pour les enfants et les filles?

  (1700)  

    En fait, l'on a constaté que ces sites privilégient le visuel ou la visualité, ce qui exerce des pressions sur les filles pour qu'elles aient une apparence particulière.
    Comme je le disais, lorsque nous avons démarré ce projet, nous présumions que ces espaces virtuels se convertiraient en forum où les filles seraient encouragées à remettre en question les idées discriminatoires. Or, nous avons constaté que ces sites Internet, notamment les sites des médias sociaux, mettent l'accent sur le visuel, et cela a tendance à aliéner les filles de leur enveloppe corporelle, et elles finissent par se juger par rapport aux images qu'elles voient sur Internet, sans parler du fait que les autres les jugent également.
    Est-ce que cela pourrait préparer le terrain pour un trouble de l'alimentation?
    Nous parlons plutôt d'un continuum de comportements et de facteurs environnementaux. Si l'on revient au témoignage que l'on a entendu au sujet de la petite voix dans la tête...
    Disons-le autrement. Recommanderiez-vous que les parents encouragent leurs enfants à utiliser ces sites? Ou, au contraire, les mettriez-vous en garde?
    Je les mettrais en garde. Mais tout dépend de l'âge de l'enfant.
    J'ai fait beaucoup de recherche sur les enfants de la quatrième à la onzième années d'école, et nous constatons qu'une grande proportion d'enfants en quatrième année ont déjà des cellulaires et s'en servent pour texter. Ces enfants ont également des comptes Facebook, même si en principe, ils n'en ont pas le droit puisqu'il faut avoir 13 ans. Il y a de bonnes raisons de ne pas encourager les enfants à se précipiter sur les médias sociaux, car ces derniers représentent une porte d'entrée sur l'environnement social de l'enfant.
    Ainsi, personnellement, je souhaiterais mettre les parents en garde.
    Merci beaucoup.
    Patricia, merci d'être venue aujourd'hui. Merci de votre courage et merci de renoncer à votre intimité afin d'aider tous ceux qui souffrent de boulimie et d'anorexie.
    Lorsque vous avez compris que vous souffriez d'une maladie connue, une maladie pouvant être diagnostiquée, avez-vous affronté des obstacles avant d'obtenir un traitement? Et savez-vous si de tels obstacles sont toujours présents aujourd'hui au Canada?
    Le premier obstacle, c'était le fait qu'après avoir épuisé les séances gratuites auxquelles j'avais droit, j'aurais dû payer 125 $ la séance pour poursuivre ma thérapie. C'était un obstacle de taille, car je venais de terminer mes études et je trouvais cela très cher. C'était en fait un fardeau financier considérable. Cela était en train de mettre à mal non seulement ma vie, mais également mes finances.
    J'étais fiancée à l'époque et j'ai dû en parler avec mon fiancé. Bien entendu, il m'a soutenue dans ma guérison. Mais je pense que cet obstacle est toujours là.
    J'ai quelques questions supplémentaires.
    Vous avez dit que vous avez pris l'antidépresseur Zoloft dans le cadre de vos traitements. S'agissait-il de Zoloft ou d'Effexor?
    Il s'agit d'Effexor XR.
    Nous savons pourtant que ce médicament a beaucoup d'effets indésirables.
    Vous sentez-vous à l'aide de nous parler de certains effets indésirables que vous avez ressentis?
    Le pire, pour moi, c'était les cauchemars. Ils étaient extrêmement réalistes et me bouleversaient. Je me réveillais assoiffée.
    Un autre problème, c'est que je souffrais également de migraines. Or, Effexor XR ne devrait pas être pris en même temps que Maxalt, un médicament pour les migraines. Mon médecin ne m'avait pas prévenue, et j'ai fini à l'hôpital lorsque j'ai failli m'évanouir pour avoir pris les deux en même temps.
    Avez-vous l'impression que l'Effexor était en fait cause d'anxiété ou d'agitation?
    Tout à fait.
    Quel conseil avez-vous pour les parents? Si un parent remarque que sa fille se dirige vers les toilettes immédiatement après le souper et pense qu'elle est en train d'y vomir, que devrait-il faire?
    Si les parents n'arrivent pas à établir le dialogue avec elle sur la question, ils devraient essayer de trouver quelqu'un dans l'entourage qui jouit de la confiance de l'enfant: le parent d'un ami, une ou un ami, ou un autre membre de la famille.
    Les choses peuvent empirer très rapidement. Alors, il faut intervenir le plus tôt possible.
    Et que doit-on faire si l'enfant ou l'adolescent nie le problème?
    Bien entendu, au début ils le nieront...

  (1705)  

    Et que faire alors?
    Je n'ai pas d'enfant, mais j'encouragerais les parents de ne pas se laisser décourager par une réponse telle que « Non, je ne veux pas en parler, vous êtes fous, ce n'est pas de vos affaires, c'est ma vie à moi ». Je les encouragerais à continuer de creuser ou à trouver quelqu'un qui arrivera à parler à l'enfant.
    Y a-t-il des ressources sur Internet que vous recommanderiez pour les parents ou les patients?
    Oui, j'encourage les parents à consulter les divers sites Web où d'autres parents parlent de leur expérience. Bien entendu, je travaille pour HealthyPlace et je pense que c'est un excellent site Web, une excellente ressource. En gros, je les encourage à faire des recherches.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Young.

[Français]

    Madame Ambler, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Tout d'abord, merci d'être venues ici pour nous parler de votre expérience. C'est grandement apprécié.
    Je commencerais par Mme Steeves, si vous le permettez.
    J'ai moi aussi été captivée par ce que vous aviez à dire. J'ai deux adolescents, et la semaine dernière, ma fille — je ne connais pas la terminologie, je suis tellement arriérée —, n'a pas retweeté quelque chose qu'un ami avait tweeté, mais elle a reçu un tweet direct d'une amie. Il s'agissait en fait de quatre images de corps décharnés. L'une de ces images portait sur le fameux espace entre les cuisses, et j'en ai entendu parler pendant une semaine. Dans chacune des images, on voyait une partie de l'anatomie décharnée, et en dessous une question. Par exemple, préférez-vous avoir des hanches osseuses ou une tablette de chocolat? Préférez-vous avoir un espace entre les cuisses ou une tranche de pizza?
    Si c'était réellement une question, je miserais sur la pizza.
    Oui, moi aussi.
    Elle déteste que je la surveille sur Twitter. En fait, et je dois le faire par l'entremise de Google parce qu'elle ne cesse de me bloquer. C'est très facile à faire, et donc je ne m'en prive pas. Je lui ai demandé de retirer ce tweet.
    Je lui ai dit: « Ce n'est pas approprié. Retire-le. Ce n'est pas drôle. » Elle m'a répondu: « Maman, tu prends les choses bien trop au sérieux. C'est en fait très drôle. Tu prends tout trop au sérieux. »
    Je lui ai alors dit que nous faisions justement une étude sur le sujet et que certaines filles prennent ces choses très au sérieux, à tel point qu'elles en meurent car elles essaient à tout prix d'avoir des hanches osseuses alors que ce n'est pas naturel.
    C'est pourquoi je veux tout d'abord vous remercier de votre travail pour tenter de protéger les jeunes gens dans le cyberespace.
    Maintenant, pourriez-vous me dire quels sont les dangers du cyberespace? Que pouvons-nous faire pour favoriser l'estime de soi, la confiance en soi des jeunes?
    En tant que comité ou à titre de particulier? Nous avons déjà parlé de la réglementation... Alors, que pourrions-nous peut-être...
    [Note de la rédaction: inaudible] ... Merci de ces deux suggestions qui relèvent de compétences fédérales. Peut-être l'une ou l'autre est possible.
    Je travaille depuis de plusieurs années à essayer de sensibiliser les gens, comme c'est sans doute le cas de nombre d'entre vous à cette table.
    Il faut intervenir dès le plus jeune âge afin d'éduquer les enfants en littéracie numérique et médiatique afin qu'ils puissent s'y retrouver et faire la part des choses dans toutes ces images dont ils vont être bombardés pour le reste de leur vie. Les enfants sont les plus influençables lorsqu'ils sont très jeunes. Nous pouvons donc profiter de leur jeune âge pour leur parler du problème, sans attendre qu'ils aient 13 ou 14 ans et qu'ils affrontent toutes sortes de pression. Ce dialogue les mène à remettre en question les images qui les entourent, et on peut alors en profiter pour orienter ces questions. C'est un moment très opportun.
    Comme je le disais, j'ai des adolescents à la maison. Je comprends donc votre situation. Mais les recherches indiquent clairement que la surveillance des enfants n'est pas la meilleure façon de faire, car il vaut mieux créer un environnement de confiance où l'on se sent libres de se parler. Je suis tout à fait d'accord avec ce que disait Patricia.
    Donc, je ne suis pas censée contrôler ses activités sur Twitter?
    Non, car les recherches montrent une corrélation avec les comportements les moins prosociaux. J'ai fait des recherches auprès d'enfants qui m'ont dit que, s'ils pensent que leurs parents ou d'autres membres de la famille les espionnent sur Internet, cela veut dire qu'ils ne se sentent pas à l'aise de leur parler en personne. Cela donc interdit le dialogue.
    Le problème, c'est que nous, les adultes, nous sommes choqués par ce que nous voyons sur Internet, des images qui nous paraissent très dangereuses. Or, lorsque j'en parle aux enfants, et surtout les plus jeunes, ils me disent que ces images sont leur pain quotidien et qu'ils trouvent que ce sont les adultes qui sont naïfs. Ils se disent: « Comme c'est drôle, tu penses que les filles ne devraient pas avoir à s'inquiéter de l'espace entre leurs cuisses. »

  (1710)  

    D'accord. En d'autres mots, c'est son monde à elle, et je devrais tout simplement accepter que c'est à elle de s'y retrouver.
    Et vous êtes sa meilleure ressource. Vous devez créer les conditions dans lesquelles elle se sentira à l'aise pour vous parler de son monde cybernétique.
    Mais pour cela, il faut sensibiliser les parents, informer les enfants et créer des occasions de dialogue.
    Ainsi donc, les parents ont également besoin d'éducation?
    Oui. Je pense que beaucoup de parents se sentent dépassés par Internet. Or, le dialogue avec les parents est souvent très fructueux. Personne n'aime davantage les enfants que leurs propres parents, et pourtant il est très difficile pour ces derniers de parler avec leurs enfants d'Internet.
    En tant que parent, je me suis demandé si je devrais parler à mes enfants des régimes alimentaires? Devrais-je leur parler de l'industrie des régimes? Je ne voudrais pas les encourager à faire des régimes. Je ne voudrais pas être celle qui leur en donne l'idée. Mais ayant vu plusieurs panneaux de publicité pour La Senza avec mes filles quand elles avaient quatre ans, je me suis rendu compte que l'idée leur avait déjà été donnée.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame St-Denis, vous disposez de cinq minutes.
    Ah, je n'avais pas prévu parler une seconde fois. Je vais passer mon tour. Je vais laisser madame poser ses questions.
    Vous aimeriez passer votre tour?
    Oui, je vais passer mon tour. Je ne pensais pas que j'avais droit à un autre tour de parole.
    Très bien.
    Ai-je le droit de donner mon tour à qui je veux?
    Oui.
     Je voudrais le donner à Mme Ambler. Je trouvais ses propos intéressants et importants.
    D'accord.
    Madame Ambler, vous pouvez peut-être partager le temps avec Mme Crockatt, qui n'avait pas eu la chance de terminer ses questions.
    Vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    C'est très gentil. Merci.
    J'ai une dernière question. Elle sera brève. Puis, je vous céderai la parole.
    Certains pays ont adopté des lois sur la maigreur des mannequins.
    La France en a adopté.
    La France, effectivement. Qu'en pensez-vous?
    Nous réglementons toutes sortes de choses. Les emballages de cigarettes sont réglementés. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas réglementer ce genre d'images.
    On peut faire valoir que c'est une pratique commerciale trompeuse; il y a beaucoup de vidéos très instructives sur Internet où l'on voit comment, avec Photoshop, on peut retoucher les photos de sorte que même les mannequins ne ressemblent plus à des mannequins.
    Je trouve bizarre qu'on soit si obsédé par cette image qui est très racialisée, hétéronormative, entre autres choses. Il me semble que cela devrait faire l'objet d'un débat public et que, si l'on juge bon de réglementer cela, il faudrait le faire puisqu'on réglemente toutes sortes d'autres pratiques commerciales. Pourquoi pas celle-là aussi?
    Qu'entendez-vous par « hétéronormatif »?
    Ce que les filles m'ont dit, c'est que le genre de féminité qu'on trouve en ligne est très restreint et que c'est ce qu'elles sont censées copier. Vous devez ressembler à la femme blanche, même si vous n'êtes pas blanche. Nous savons aussi que le taux de chirurgies plastiques chez les Canadiennes d'origine asiatique et chez les Asiatiques en général augmente, car elles sont de plus en plus nombreuses à ne plus vouloir des yeux bridés.
    On discute beaucoup des filles et des femmes noires qui raidissent leurs cheveux pour avoir l'air plus blanches, par exemple. L'idéal de beauté qui est privilégié est racialisé. C'est celui de la race blanche et du corps grand, mince et filiforme.
    Je décris comme hétéronormatif le fait que toutes ces filles nous ont dit qu'elles subissent d'énormes pressions pour avoir l'air sexy, mais pas trop, pour se conformer à l'image hétérosexuelle de la femme, celle qui est attirante pour les hommes dans la société. Or, ce sont des enfants. Ce n'est peut-être pas la réalité, mais c'est ainsi qu'elles voient les choses.
    Elles nous ramènent toujours à Hollywood: elles veulent ressembler à Rihanna, elles veulent être Rihanna. Rihanna est connue pour bien des choses, notamment parce que son conjoint la maltraite. Elle a aussi tenu des propos tristement célèbres: elle a dit que, si vous n'envoyez pas de sexto à votre petit ami, vous n'êtes pas une bonne petite amie. Cela revient dans les discussions. Le corps féminin n'est plus qu'un objet de consommation pour l'homme hétérosexuel.

  (1715)  

    En passant, hier soir, pendant la cérémonie des Oscars, on a montré à répétition une photo du film Gravity où Sandra Bullock est en apesanteur dans la capsule spatiale; elle a les jambes hyperminces. Personne n'a des jambes qui ressemblent à cela.
    Et si l'on pouvait combattre cela efficacement par l'émulation? Nous pensons aux lois et aux règlements, qui sont importants, mais si une célébrité ou un groupe connu menait une campagne contre cela en ligne... Qu'en pensez-vous?
    J'ai deux choses à dire très rapidement, car je sais que nous avons peu de temps.
    Oui, en effet, cela arrive. L'actrice en vedette dans Hunger Games, comment s'appelle-t-elle? Vous savez de qui je parle?
    Des voix: Jennifer Lawrence.
    Mme Valerie Steeves: Oui, Jennifer Lawrence, avait avant un poids normal. Kate Winslet aussi avait un poids normal. Pourtant, ces deux actrices ont perdu beaucoup de poids en 10 ans. Elles ont bien tenté de dire qu'elles ne suivaient pas de régime, qu'elles refusaient de perdre 40 livres, qu'elles se trouvaient très bien telles qu'elles étaient, mais elles ont subi des pressions. C'est malheureux, car ce sont des modèles qui exercent une influence énorme.
    Il y a beaucoup de pratiques exemplaires pour les initiatives dirigées par les jeunes dans le cadre desquelles des adolescents se réunissent pour contrer ce phénomène. À Montréal, des adolescentes se sont unies pour lancer une campagne dans les médias dénonçant la femme-objet et où elles clamaient leur refus de se conformer à cette image et leur volonté de s'accepter telles qu'elles sont.
    Je dois cependant vous mettre en garde, car ce genre de mouvement peut facilement être récupéré. Je vous donne un exemple: l'une de mes initiatives préférées parmi celles lancées par les entreprises est celle du magazine Seventeen, le projet Body Peace. C'est une campagne en ligne encourageant les adolescentes à faire la paix avec leur corps et à cesser les régimes draconiens. Mais toutes les images associées à ce site Web montraient des préadolescentes et des adolescentes hyperminces. Les célébrités qui ont accepté de prêter leur nom à ce projet étaient toutes hyperminces, sauf une, et certaines d'entre elles avaient subi des interventions de chirurgie esthétique, parfois avant l'âge de 16 ans.
    Ce que cette initiative avait d'intéressant, c'est qu'on demandait aux filles de promettre de bien traiter leur corps, de ne pas écouter cette voix dans leur tête leur disant qu'elles ne sont pas assez minces ou assez belles. Je crois que le défi que nous devons relever comme citoyens et comme législateurs, c'est de réduire cette voix au silence, car elle n'est pas dans la tête des adolescentes, elle provient de leur milieu. Or, nous sommes responsables de leur milieu. Je crois en effet qu'il faut mieux sensibiliser les médecins et améliorer les traitements médicaux, mais il faut aussi être critiques de ce genre d'initiatives qui sont facilement récupérées.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Truppe, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je vais poser à Mme Beatie la question que j'allais lui adresser quand j'ai épuisé mes sept minutes. Je vais aussi partager mon temps de parole avec mon collègue, Terence Young.
    J'aimerais revenir à certaines questions. En interrogeant les autres témoins, j'ai constaté qu'elles avaient dû se débrouiller seules. Il semble que vous aussi, avec votre fille de 13 ans, vous n'avez pas obtenu d'aide.
    Je me demande si on a posé le bon diagnostic. Est-ce vous ou quelqu'un d'autre qui a déterminé qu'il s'agissait d'anorexie? J'ai l'impression que vous avez trouvé la méthode Maudsley et le traitement familial. C'est comme si tout dépendait de vous.
    Oui. Les choses se sont améliorées, je crois, depuis quatre ans, mais les prestataires de soins primaires ont besoin de formation continue. Les étudiants en médecine et les résidents ne sont pas bien formés. Ils n'entendent parler que de l'épidémie d'obésité. J'ai présenté un mémoire qui contient notamment des courbes de croissance. En effet, j'ai trouvé cela en ligne. J'avais des soupçons. Au début, les parents refusent de faire face à la réalité, mais j'ai fini par comprendre que ma fille était gravement malade. Souvent, les médecins, surtout les prestataires de soins primaires, ne font rien s'ils ne savent pas quoi faire. Ils estiment ne pouvoir rien faire. Il faut les sensibiliser et leur donner une meilleure formation et des outils pour qu'ils sachent comment intervenir.
    Il faut établir des normes pour tout le pays. En ce moment, la situation dépend de l'endroit où vous vivez. Même en Ontario, cela varie. J'ai la chance de vivre dans une ville qui offre ce traitement. Il n'existe pas partout. Je sais aussi que les traitements se sont améliorés. Même par rapport à l'époque où moi, j'ai commencé à administrer le traitement familial, il s'est amélioré.

  (1720)  

    Vous nous direz dans un moment en quoi le traitement s'est amélioré, mais j'aimerais d'abord que vous nous parliez des leçons que vous avez tirées de votre expérience. D'après ce que vous avez dit, il semble que le traitement familial a été merveilleux et a beaucoup aidé votre fille.
    Oui.
    Vous ne saviez pas que ce traitement existait. Avez-vous tout simplement fait une recherche sur Google? Où avez-vous fait vos recherches?
    J'ai trouvé beaucoup d'information qui n'était plus à jour. J'ai trouvé des renseignements visant à sensibiliser les gens aux troubles de l'alimentation. Comme je l'ai dit plus tôt, de mon point de vue de mère, il était très frustrant de voir tout ce qu'on présentait sur l'image corporelle et le documentaire « Dying to the Thin » parce que cela ne correspondait pas à ma situation, parce que ma fille était une enfant.
    J'ai finalement trouvé F.E.A.S.T. et maudsleyparents.org. J'ai été sidérée. Comment se faisait-il que tous ne connaissaient pas ces ressources? Pourquoi ne savons-nous pas que ces troubles peuvent être traités, qu'il y a une prédisposition génétique et que ce n'est pas seulement une question d'image corporelle. Il y a tant de choses que le public ignore sur cette maladie.
    F.E.A.S.T., qui est un forum de parents, est une source inestimable d'information. Et pas seulement sur le traitement familial, car tous n'ont pas accès à ce traitement. Il permet aux parents de prendre en charge la situation. Dans le passé, les parents ont été blâmés, dénoncés et stigmatisés, mais ils ne savent pas quoi faire. Le site F.E.A.S.T. contient une quantité inouïe d'information.
    J'en ai parlé aux gens, à mes amis, à mes collègues qui ont parlé de ce site à d'autres parents qui s'inquiétaient pour leur enfant et qui, à leur tour, en ont parlé à leur médecin. Ainsi, ils sensibilisent les médecins.
    Merci.
    Ai-je déjà pris la moitié de mon temps, madame la présidente?
    Il vous reste trois minutes et demie.
    Je les cède à mon collègue, M. Young.
    Merci.
    Je m'adresserai de nouveau à vous, madame Steeves, car, je le répète, je trouve vos recherches passionnantes.
    En ce qui concerne les réseaux sociaux, je sais que vous n'irez pas jusqu'à dire qu'ils sont dangereux et que, comme universitaire, vous devez être objective et laisser de côté vos émotions, mais vous avez dit être mère. Vous avez indiqué que ces sites exercent des pressions sur les filles pour qu'elles se conforment à une certaine image et vous avez employé le terme « nouvel environnement ». Cela me semble un univers parallèle, un monde où rien n'est vrai même si on voudrait nous faire croire que tout est vrai, avec toutes ces photos de femmes retouchées à l'aide de Photoshop. Google permet aux entreprises qui font de la publicité de cibler les adolescentes selon leur âge, leur groupe démographique, pour leur vendre des produits minceurs, de la chirurgie plastique et d'autres interventions risquées.
    Vous n'en avez pas fait mention, mais je sais, pour avoir fait mes propres recherches, qu'elles sont très vulnérables à l'influence de la publicité à cet âge. Certaines ont plus de maturité et de scepticisme, certaines ont des parents, comme vous, qui ont une certaine formation ou assez de sagesse pour leur conseiller de ne pas être dupes, mais elles sont une minorité. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vous avez aussi fait allusion à des pratiques commerciales trompeuses et injustes.
    Diriez-vous que ces réseaux sociaux sont risqués ou peu indiqués pour des filles de différents âges, pour des filles de 6 ans — je connais une fillette de 6 ans qui fréquente les réseaux sociaux —, de 12 ans, de 13 ans et de 15 ans?
    Quel conseil donneriez-vous aux parents de ces fillettes et adolescentes?
    Ces réseaux sont-ils dangereux? Quand vous posez la question aux enfants, ils vous disent: « Mais regarde autour de toi. Ils sont partout. Ils ne sont pas seulement en ligne. Ils sont dans les films, à la télé, dans les publicités que je vois quand je me promène au centre commercial Bayshore. » Les réseaux sociaux sont partout.
    Quand vous parlez d'enfants, que voulez-vous dire?
    Je parle de filles de 11 à 17 ans. Elles nous l'ont dit très clairement.
    Mon projet se concentre sur les médias sociaux, mais il faut aussi reconnaître que les médias sociaux nous donnent un instantané de la vie des adolescents qui nous resterait peut-être inconnue, car les médias sociaux ont un aspect public-privé. Je ne crois pas que ces problèmes soient l'apanage des médias sociaux. Les médias sociaux nous aident à comprendre comment la commercialisation de l'enfance touche les jeunes tant en ligne qu'ailleurs.
    Les enfants disent qu'il n'y a pas de différence, que tout est un espace social. Pour eux, ce n'est pas le meilleur des mondes, c'est simplement le monde où ils vivent.
    Cela dit, je suis d'accord pour dire qu'il y a tout un éventail d'images corporelles. Les images diffusées par les médias sont pertinentes quand on tente d'aider celles qui souffrent de cette maladie — car c'est une maladie —, parce qu'elles peuvent être l'élément déclencheur. Elles peuvent aussi réduire les enfants au silence. Il est difficile pour les adolescents d'avouer avoir des problèmes de ce genre quand tout ce qu'ils entendent, c'est que les adolescentes doivent chercher à être minces.
    Tous ces facteurs sont interreliés. Ce n'est pas parce qu'une fillette a une mauvaise image de son corps qu'elle deviendra anorexique. C'est beaucoup trop simpliste. Mais particulièrement pour les plus vulnérables de notre société, les fillettes et les adolescentes qui souffrent de cette maladie, ce peut être un élément déclencheur, et il nous incombe d'agir à ce chapitre. Nous devons aussi tenir compte de façon plus générale de la santé mentale et sociale des filles.

  (1725)  

    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame Ashton, vous avez la parole pour quelques minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Steeves, un des thèmes qui ressortent de cette étude-ci, mais aussi des autres études menées par notre comité, c'est l'absence de porte-parole, surtout dans la société civile, en matière de condition féminine. Quand j'étais adolescente, MediaWatch menait des campagnes contre les publicités au contenu sexuellement explicite ou misogynes. Ce genre d'organisation semble plus rare aujourd'hui.
    Vous, qui êtes universitaire, qu'en pensez-vous? Y a-t-il des personnes ou des organisations qui se font les porte-parole des jeunes femmes ou des femmes plus âgées et qui défendent leurs intérêts et est-ce que nous appuyons ce genre d'initiative?
    Oui, il y a des pratiques exemplaires et des sites Web qui sont particulièrement utiles. Des jeunes femmes ont lancé des campagnes contre la femme-objet. D'ailleurs, les médias sociaux nous donnent une idée du genre de réponses qu'elles reçoivent quand elles dénoncent certaines pratiques.
    D'après nos recherches, le phénomène de l'humiliation des salopes prend de l'ampleur. Si une femme ou une jeune fille prend position et l'exprime, on l'attaque essentiellement parce qu'elle est une femme. On l'a vu il y a peine quelques jours à l'université d'Ottawa: la présidente d'une organisation étudiante a été attaquée et menacée de viol dans un clavardage auquel participaient certains de ses confrères de l'organisation étudiante.
    C'est de la misogynie pure et simple. On l'attaque parce qu'elle est une femme, et la meilleure façon d'attaquer une femme, c'est de menacer de l'agresser, de la violer et de dire qu'elle est grosse et laide.
    Il est intéressant de noter que, quand on lancé le projet eGirls, on s'attendait à trouver des points de vue et des voix diversifiés. Or, de plus en plus, les médias réduisent l'espace où peuvent s'exprimer cette diversité. Je crois que c'est parce que le message dominant est de plus en plus puissant. Nous recherchons la conformité à une norme, et nous exerçons des pressions sur les jeunes pour qu'ils se conforment à des normes particulières de comportement, de taille et de corpulence.
    C'est plutôt paradoxal.
    Madame Lemoine, nous avons entendu parler de votre blogue. S'il nous arrivait de voir des initiatives entreprises par de jeunes femmes, estimez-vous que le gouvernement pourrait jouer un rôle pour soutenir leur démarche? Je ne vise pas particulièrement votre blogue, mais devrions-nous envisager une telle solution?
    Je pense qu'il devrait certainement exister des mécanismes pour soutenir ces initiatives et les mettre en oeuvre dans les écoles. Les enfants passent le plus clair de leur journée non pas avec leurs parents ou chez eux, mais à l'école, avec leurs pairs, à entendre parler de l'écart entre les cuisses. Ce n'est pas en passant trois ou quatre heures avec eux le soir que les parents parviendront à neutraliser les effets de ces propos entendus toute la journée.
    Et il serait certainement très utile d'avoir des initiatives en milieu scolaire pour promouvoir l'image positive du corps, les initiatives sur la manière de déceler les signes de difficulté chez quelqu'un qui a une faible estime de soi ou des initiatives de sensibilisation sur les déclencheurs passifs.
    J'ajouterais que nous avons un centre canadien d'excellence qui tire son épingle du jeu avec ce genre de démarche de sensibilisation et d'éducation. C'est MediaSmarts. C'est l'une des plus vastes organisations de littératie médiatique et numérique du monde. Elle mène des initiatives d'éducation phénoménales justement sur ce genre de sujet.

[Français]

    Les mots me manquent pour vous remercier sincèrement d'abord de nous avoir transmis des témoignages absolument personnels, mais également de nous avoir fait voir la lumière au bout du tunnel. C'est ce que j'ai beaucoup apprécié. Malgré les défis mentionnés, il y a de l'espoir. La rencontre se termine sur une belle note positive.
    Je dois rappeler aux membres du comité que lors de la prochaine réunion, au cours de la première heure, nous entendrons des témoins. La deuxième heure servira à nous préparer pour la prochaine étude. Je vous invite à mettre vos idées sur papier pour que nous puissions en discuter, en prévision de la prochaine étude que nous ferons.
    Merci encore une fois.
    La séance est levée.
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