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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 010 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 février 2014

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Français]

    Bonjour et bienvenue à la dixième réunion du Comité permanent de la condition féminine.
    Je voudrais d'abord vous signaler que cette semaine, soit du 2 au 8 février, aura lieu la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles alimentaires. Je crois qu'il est tout à fait approprié que notre comité souligne cette semaine nationale et qu'il est particulièrement opportun de mener cette étude, qui y est justement reliée.
    Je souhaite également vous faire savoir que l'un des témoins dont la comparution était prévue entre 15 h 30 et 16 h 30 a malheureusement dû se décommander en raison des conditions météorologiques qui perturbent la région de London, en Ontario. Nous essayerons de voir s'il est possible de rencontrer cette personne ultérieurement.
     J'aimerais saluer la présence, par l'entremise de la vidéoconférence, de Mme Merryl Bear,

[Traduction]

qui est directrice du National Eating Disorder Information Centre. Elle se joint à nous par vidéoconférence, de Toronto.
    Bienvenue, madame Bear.
    Sachez que vous aurez 10 minutes pour votre présentation, après quoi viendront les questions.
    À vous la parole.
    Madame la présidente, mesdames, je vous remercie de faire connaître la Semaine nationale de sensibilisation aux troubles de l'alimentation. Je sais que certaines d'entre vous se sont manifestées dans les médias sociaux, ce que nous apprécions grandement.
    Les troubles de l'alimentation sont des états complexes, ayant plus d'une cause. Des influences biologiques, psychologiques et sociétales contribuent à leur développement. Par une intervention appropriée, il est possible d'empêcher le trouble de l'alimentation, d'abréger la durée de la maladie et de parvenir à un plein rétablissement.
    Le Dr Woodside a donné au comité des renseignements sur la fréquence, la gravité et les conséquences des troubles de l'alimentation, ainsi que des options de traitement inadéquates partout au pays.
    Au Canada, comme dans d'autres nations occidentales, existe une notion culturelle particulière du corps idéal, qui inclut des principes d'alimentation saine, de poids santé et d'apparence. Existent aussi des acceptions similaires des défis en matière de santé mentale. Ces notions se répercutent dans les troubles de l'alimentation comme mythes, stigmate, ainsi que difficultés socioéconomiques, qui perpétuent les problèmes de prévention, d'identification et de traitement.
    Comme il a déjà été dit, je représente le National Eating Disorder Information Centre, que je désignerai, vu le peu de temps dont nous disposons, par son acronyme, NEDIC. C'est dans l'espace socioculturel que je viens d'évoquer qu'oeuvre le NEDIC et, par l'intermédiaire du NEDIC, que peut être explorée la situation partout au Canada.
    Créé en 1985, le NEDIC est à bien des égards unique en son genre au Canada. Nous sommes en effet la seule organisation communautaire nationale axée sur les troubles de l'alimentation et les problèmes connexes. Nous avons une ligne d'appel nationale et une base de données où figurent approximativement 800 prestataires de services pour les troubles de l'alimentation. Il s'agit dans la très grande majorité de services payants. Or, environ 80 % des gens qui appellent ne peuvent se permettre de payer et recherchent des services couverts par l'assurance-santé provinciale.
    Il est déjà difficile de trouver des services dans les zones urbaines et périurbaines; ils sont quasiment inexistants dans les régions rurales et reculées.
    Le NEDIC fournit des renseignements, du soutien et des ressources aux personnes atteintes par des troubles de l'alimentation, à leurs amis et parents, aux professionnels de la santé et de l'éducation, aux médias et aux étudiants. Nous sommes souvent le premier contact de parents inquiets et, afin de rendre plus facile l'accès aux renseignements et aux services, la plupart de nos actifs sont déployés par le Web.
    L'un des aspects les plus importants de notre travail est de faire mieux comprendre les troubles de l'alimentation dans la population, parmi les professionnels de la santé et de l'éducation, ainsi que dans les médias: de quoi il s'agit, qui ils touchent, ce qui influence leur développement et quelle aide est disponible.
    Nous travaillons fort à tisser des partenariats. Nous sommes convaincus de la nécessité de collaborer pour maximiser ressources et répercussions. Par exemple, nous créons, pour les éducateurs et les organismes au service des jeunes, des curriculums encourageant chez les jeunes et les enfants un esprit critique et une résilience émotionnelle qui aident à prévenir les troubles de l'alimentation, un programme d'estime de soi pour les Guides du Canada, avec un badge « Love Yourself », un feuillet d'information pour le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, ou encore notre travail avec la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario. Nous avons aussi élaboré pour les années 4 à 8, un curriculum d'approche critique des médias qui comble une lacune nationale et satisfait les attentes des ministères dans toutes les provinces et territoires.
    Pour diffuser les renseignements les plus à jour, le NEDIC s'associe à des groupes comme le Réseau canadien pour la santé des femmes, autrefois financé par l'ancien Programme de contribution pour la santé des femmes. Or, il est de plus en plus difficile, pour un petit organisme comme le NEDIC, dont les objectifs sont intangibles (augmenter la compréhension, sensibiliser, prévenir), de trouver des partenaires capables de promouvoir nos priorités communes, sans dépendre d'intérêts commerciaux. La situation entraîne un manque de données probantes sur les troubles de l'alimentation et les questions connexes.
    Le budget limité du NEDIC nous contraint à compter sur des bénévoles et nous empêche de saturer les marchés comme il le faudrait pour avoir un véritable impact. Faute d'un financement suffisant et stable, les organisations communautaires qui, à l'échelle nationale, s'intéressent à l'éducation, à la prévention et au soutien dans le domaine des troubles de l'alimentation restent malheureusement éphémères.

  (1535)  

    Ce sont souvent des personnes s'étant rétablies après des troubles de l'alimentation ou leurs parents qui lancent ces organisations: Sheena's Place, à Toronto; Hopewell, à Ottawa; la National Initiative for Eating Disorders. Les efforts déployés pour améliorer l'accès à l'information et au traitement sont héroïques mais, généralement, ce n'est pas un modèle viable.
    Pour amener un changement des croyances, des attitudes ou du comportement, il faut une approche stratégique de longue haleine sur des plates-formes multiples, avec un financement adéquat. Faute de quoi, nos tentatives de sensibilisation aux troubles de l'alimentation sont des coups d'épée dans l'eau. Il faut absolument atteindre avec notre message un seuil ou une masse critique. Il y a en effet dans notre culture trop de messages provenant des secteurs du régime et de l'apparence, et trop d'information erronée sur la santé du corps et des esprits.
    Certains messages de santé publique, notamment l'écho de ceux diffusés aux États-Unis, contribuent au stigmate du poids et à la honte du corps. Ils peuvent favoriser l'apparition d'une préoccupation d'ordre général quant à l'alimentation et au poids et, parfois, celle de troubles de l'alimentation. Or, la recherche montre que les filles qui n'aiment pas leur corps sont moins susceptibles de se prévaloir des occasions scolaires, sociales et économiques; moins susceptibles aussi d'exprimer leur opinion.
    La stigmatisation d'un trouble de l'alimentation est complexe. Quelle face prête-t-on habituellement à un trouble de l'alimentation? Celle d'une jeune femme émaciée, généralement blanche. On croit souvent que les individus ayant des troubles de l'alimentation s'en prennent à eux-mêmes, que c'est juste une phase, qu'ils devraient manger et en finir, que c'est juste un moyen d'attirer l'attention. La recherche montre que ces mythes ont la vie dure, tant dans la population en général que chez les professionnels de la santé. Mais, dans la pratique, il est impossible de déterminer l'état de santé de quelqu'un d'après sa taille et son poids ni d'identifier ainsi un trouble de l'alimentation.
    Le visage d'un trouble de l'alimentation? Il est en fait multiple: des femmes surtout, mais aussi des hommes; des gens qui s'identifient avec le sexe et le genre qui leur sont assignés, d'autres non; des individus racialisés; des nouveaux venus au Canada, des Canadiens de souche; des gens ayant des incapacités physiques, d'autres troubles médicaux ou psychologiques, comme le diabète, l'abus d'alcool ou d'autres drogues, la dépression, le syndrome de stress post-traumatique, etc. Les troubles de l'alimentation touchent tous les milieux.
    Et ces troubles entraînent le plus fort taux de mortalité de toutes les maladies psychiatriques. Ils viennent au troisième rang des maladies les plus répandues chez les adolescentes.
    Les mythes qui entourent les troubles de l'alimentation sont facteurs de honte et entraînent un silence qui peut s'avérer mortel. Et lorsqu'on a honte de ce qui nous arrive, on est moins susceptible de chercher de l'aide. Il faut élargir la conversation sur les troubles de l'alimentation au Canada, de façon réfléchie, approfondie et empreinte de respect.
    Or, la situation est claire: aucun niveau de gouvernement ne fournit le soutien financier assurant la viabilité, avec des ressources suffisantes, d'une organisation visant à mieux faire connaître les troubles de l'alimentation — leur nature, leur évolution, les facteurs qui y contribuent, le type de traitement disponible et comment y avoir accès.
    Le NEDIC, par exemple, emploie 2,5 personnes à temps plein. Notre seule source de financement annuel est un petit budget accordé par le ministère ontarien de la Santé et des Soins de longue durée. Le plus gros de nos initiatives s'effectue en ficelant le travail d'étudiants et de bénévoles avec un financement de projets.
    Il est essentiel d'oeuvrer en amont, dans le domaine de l'éducation, de la promotion de la santé mentale et de la prévention des troubles de l'alimentation. Pourquoi les campagnes de sensibilisation et d'information sont-elles importantes? Parce qu'elles peuvent améliorer la santé de la population et diminuer le nombre de troubles de l'alimentation subcliniques. Elles peuvent atténuer la honte et le déni, ainsi que la stigmatisation et la discrimination à l'encontre de personnes souffrant de troubles de l'alimentation. Elles peuvent améliorer l'identification précoce des personnes à risque. Elles peuvent amener une intervention plus rapide et donc, c'est prouvé, de meilleurs résultats. Enfin, si on traite plus tôt les troubles de l'alimentation moins enracinés, on diminue la pression sur les services déjà inadéquats offerts aux personnes gravement malades.

  (1540)  

    Manifestement, une prévention appropriée, accompagnée d'une intervention, d'une identification et d'un traitement précoces, aura des répercussions socioéconomiques qu'il est difficile de mesurer. Les parents de personnes ayant des troubles de l'alimentation n'auront pas à s'absenter du travail pour s'occuper d'enfants gravement malades. Les jeunes resteront à l'école, continueront de participer à la société et d'y contribuer, enrichissant ainsi notre vie à tous.
    Il y a au Canada d'énormes lacunes dans le continuum des soins qui devraient exister pour les troubles de l'alimentation; cela va de la recherche et de la promotion de la santé à la prévention et au traitement. Le Canada a désespérément besoin d'une stratégie nationale cohérente de lutte contre les troubles de l'alimentation. Je pense qu'il est impératif d'investir dans l'information de la population en général, ainsi que de certains segments clés.
    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui et serai heureuse de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup de votre excellent témoignage.
    Je demanderais à Mme Truppe de commencer, pour la première série de questions.
    Merci d'avoir accepté de comparaître, madame Bear, et merci de votre exposé. Je sais que vous comptez plus de 20 ans d'expérience dans le domaine des troubles de l'alimentation, si bien que nous sommes heureux de pouvoir profiter aujourd'hui de votre considérable expérience.
    Si j'ai bien compris, l'objectif du National Eating Disorder Information Centre est de sensibiliser la population et de promouvoir la compréhension des troubles de l'alimentation. Selon vous, quelles sont les lacunes qui existent dans notre système de santé ou dans notre société et qui rendent la sensibilisation nécessaire?
    Est-ce que vous pouvez me donner 10 minutes de plus?
    Notre système de santé s'inscrit dans notre contexte socioculturel et économique, ce qui fait qu'il est très difficile de les séparer. Les mythologies associées à notre culture se retrouvent donc certainement dans notre système de santé. En conséquence, les valeurs et les principes que l'on considère importants et dignes d'être financés découlent de notre contexte culturel et économique.

  (1545)  

    Vous avez mentionné l'importance pour le message d'atteindre une masse critique. Selon vous, quelle est la meilleure façon d'amener le message et la sensibilisation à une masse critique?
    Il faut un effort continu et qui porte sur plusieurs fronts. Selon moi, il serait important d'informer la population en général et de cibler dans la population des institutions influentes, comme celles de la presse, de la santé, de l'éducation et de la justice.
    Merci.
    Je regrette, j'ai peut-être été un peu télégraphique. Si vous voulez que j'élabore, dites-le-moi.
    Merci.
    Vous avez été enseignante et conseillère dans des écoles, des collèges et des universités. Comment sensibilisiez-vous les étudiants dans le cadre de l'enseignement et des discussions?
    En en parlant à chaque occasion dans le cadre du programme, et dans les conversations.
    Vu que les messages culturels sous-tendent une bonne part des troubles de l'alimentation et vu que certaines stratégies de traitement vont à l'encontre de la culture, il faut créer des occasions de débats où se confrontent des points de vue différents.
     Merci
    Je dirais qu'on est beaucoup mieux informé aujourd'hui au sujet des troubles de l'alimentation qu'il y a 20 ans, quand vous avez commencé. Mais pourquoi n'en parle-t-on pas encore assez et pourquoi le phénomène n'est-il pas suffisamment étudié? En d'autres termes, pourquoi faut-il que votre organisation continue d'exister?
    Eh bien, il y a 20 ans, j'espérais arriver à un stade où mon poste n'aurait plus de raison d'être. Si ce n'est pas arrivé, c'est, je crois, à cause du manque de ressources consacrées à la question. Si c'est devenu un problème, c'est à cause des médias et d'une culture qui présentent sous un jour flatteur certains des comportements symptomatiques d'un trouble de l'alimentation: manger trop peu, se dépenser physiquement sans compter, se sentir coupable de manger, avoir honte de son aspect physique; et croire, à tort, qu'être mince est la clé de la réussite dans la vie, de la santé, de la richesse, du bonheur, etc.
    Le réseau que vous devez avoir, comme organisation nationale, m'intéresse. Comment entretenez-vous des liens avec des collègues? Mettez-vous en commun des pratiques exemplaires?

  (1550)  

    Autant que possible, oui. Mais nous sommes une toute petite organisation avec un très petit budget. On peut en dire autant des autres organisations travaillant dans ce domaine, notamment dans le domaine de l'éducation, de la sensibilisation et de la prévention; elles sont petites et ont des budgets limités. De ce fait, nous sommes parfois contraints de choisir: aider la personne assise en face de nous à trouver de l'aide et du soutien ou passer du temps au téléphone avec un collègue. Et dans ce cas, la personne assise en face de nous a la priorité ce que nous comprenons bien.
    Il est difficile pour les organismes communautaires locaux de trouver le temps et les ressources voulus pour sortir de leur isolement, vu les pressions du travail à accomplir.
    Le site Web du NEDIC comporte un babillard où il est possible pour un particulier ou une organisation d'afficher tout événement ou occasion d'apprentissage. Nous nous efforçons d'appuyer d'autres organisations, chaque fois que c'est possible. Nous sommes en étroit contact avec les six autres organisations communautaires de l'Ontario. Nous appuyons celles de la Colombie-Britannique, du Québec et de Terre-Neuve.
    Une question rapide, car le temps presse sans doute: parmi les pratiques exemplaires dont vous avez entendu parler, quelle est celle que vous retenez comme la meilleure, la meilleure initiative de sensibilisation aux troubles de l'alimentation?
    Je pense que, quand il s'agit d'enfants et d'adolescents, l'important est de ne pas s'attacher aux troubles de l'alimentation, car il faut plutôt stimuler leur esprit critique, ainsi que leur résilience émotionnelle et psychologique.
    Merci beaucoup.
    Madame Hughes, vous avez sept minutes.
     Je vous remercie sincèrement d'avoir bien voulu participer à notre étude.
    Vous avez parlé d'une approche stratégique attaquant le problème sur plusieurs fronts. Vous avez également mentionné la nécessité d'une stratégie nationale cohérente en matière d'alimentation.
    En étudiant la question, on constate que les troubles de l'alimentation touchent bien plus que la personne affectée, vous avez mentionné la famille, la communauté, le système de soins de santé. Il y a un effet de répercussions. J'aimerais parler des lacunes en matière de traitement que vous avez constatées au fil du temps.
    Les troubles de l'alimentation affectent des gens de toutes les collectivités et de tous les milieux, nous le savons. Selon vous, les communautés minoritaires ont-elles plus de difficulté à obtenir des services et de l'information appropriés à leur culture? Ai-je raison de le supposer? Je me demande aussi quelles sont les répercussions pour les Premières Nations et pour les personnes de milieux défavorisés.
    Les répercussions sont dévastatrices. Il y a un manque de ressources pour toutes les personnes affectées par un trouble de l'alimentation.
    Mais celles qui sortent le moins du monde de l'ordinaire, pour tant est qu'il y en ait un, se heurtent à des obstacles colossaux quand il s'agit d'avoir accès à l'information, au soutien et au traitement voulus. L'accès est en fait inexistant, on peut le dire. Autant que je sache, il n'existe pas de stratégie de traitement pour les gens des communautés minoritaires. Les prestataires de soins de santé dans ces collectivités font leur possible. Mais si la priorité va à d'autres problèmes, qu'il s'agisse du diabète ou d'autres maladies, les troubles de l'alimentation vont continuer d'être insuffisamment identifiés et traités.
    Je voulais simplement vous dire que je trouvais votre témoignage important. Alors, n'hésitez surtout pas à élaborer, si vous le souhaitez. Je serais contente de vous voir utiliser ainsi le temps qu'il m'est imparti.
    Merci.
    Vous avez également évoqué l'aspect du financement. Vous avez dit qu'il n'y avait pas assez de financement. Je vois que le gouvernement provincial apporte une petite contribution (vous êtes en Ontario) et le gouvernement fédéral, aucune. Est-ce bien le cas?
    Oui, effectivement.
    À votre avis, quelles sortes de ressources devraient être dégagées?
    Vous avez parlé de la nécessité de ressources appropriées. Je me demande, puisque le gouvernement fédéral... Si le gouvernement fédéral devait entreprendre une campagne nationale de sensibilisation, comment cette campagne pourrait-elle atteindre les collectivités marginalisées? Au sujet du financement, aussi, combien faudrait-il, selon vous, pour mettre les choses en branle dès maintenant?
    Le gouvernement dirait probablement que nous traversons une période de restrictions budgétaires, mais à mon avis, il faut laisser de côté les restrictions budgétaires un moment et penser aux vies touchées et aux répercussions que cela a sur le système de santé lui-même.
    Pour ce qui est de répondre aux besoins des communautés marginalisées, le meilleur moyen de le faire, selon moi, est en fait de collaborer avec elles. Ce sont elles qui sont les mieux placées pour desservir leurs membres avec l'appui d'experts.
    Pour ce qui est du financement d'une campagne ou d'une stratégie nationale de sensibilisation, je privilégierais la stratégie. Ce n'est peut-être qu'une question de sémantique, mais dans mon esprit, une campagne est un projet ponctuel, alors qu'une stratégie se rapporte à des mesures plus réfléchies, elle cible les multiples paliers de la société qui doivent participer à un débat sur l'alimentation et ses troubles, et sur les préoccupations liées au poids de façon générale. Cela se ferait donc à divers paliers de la société.

  (1555)  

    Quand vous parlez de stratégie nationale, en quoi selon vous devrait-elle consister? Certaines collectivités sont un peu plus difficiles à atteindre, et le Canada est très vaste. S'agit-il de diffuser de l'information sur Internet, ou de faire participer les réseaux scolaires, les commissions scolaires? J'essaie de me faire une idée là-dessus, aussi. Vous avez parlé de l'élément d'éducation, de celui de la santé et de celui de la justice, mais je tente de voir comment on peut rassembler tout cela en un tout.
    Ce sont tous là des aspects utiles d'une stratégie nationale. La technologie et les médias offrent d'énormes possibilités pour mobiliser les citoyens. Je ne pense pas que la création d'un site Web serait utile à moins que les gens soient au courant de son existence et y aient accès.
    Le NEDIC, par exemple, est un secret très bien gardé au Canada parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour mieux faire connaître le centre. Je ne voudrais pas reproduire ou dupliquer ce qui existe déjà. J'aimerais voir une stratégie fondée sur un état des lieux, qui permettrait de regrouper les mesures utiles, puis de les amplifier. Il n'est pas nécessaire de partir à zéro.
    Nombre d'organisations communautaires ont déjà jeté d'excellentes bases dans les collectivités, et nous pouvons exploiter cela. Elles jouissent de la confiance de leurs collectivités. Elles travaillent dans les institutions, pas seulement les écoles, mais aussi le système de santé, par exemple. Pour moi, ce qu'il faut pour qu'une stratégie soit durable, c'est une solide collaboration.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Madame O'Neill Gordon, vous avez la parole pour sept minutes.

[Traduction]

    Je vous remercie d'être des nôtres. C'est à coup sûr un sujet qui nous tient beaucoup à coeur, et avec toutes vos années d'expérience — vous en avez, c'est certain, beaucoup — vous avez sans doute bien des choses à nous dire.
    D'après votre exposé, votre organisation s'intéresse plutôt à la prévention et à la sensibilisation, alors que nous parlons traitements. Quelle a été, jusqu'ici, l'efficacité de cette démarche préventive à votre avis?
    Ce secteur est si peu financé qu'il est très difficile de mettre en oeuvre des stratégies de prévention fondées sur les preuves, particulièrement à l'échelle nationale.
     Autant faut-il accroître le financement et trouver des traitements, autant il faut penser à des programmes de prévention qui ont fait leurs preuves — il y en a — et voir comment ils peuvent être intégrés aux programmes d'enseignement, que ce soit dans les écoles primaires et secondaires ou dans la formation professionnelle.

  (1600)  

     Quelles leçons pouvons-nous tirer de cela, en regard de nouvelles pratiques potentielles?
     Pardonnez-moi, mais pourriez-vous répéter la question?
     Quelles leçons pouvons-nous en tirer en regard de nouvelles pratiques potentielles, des pratiques dont nous pourrions faire la promotion ultérieurement et qui pourraient être encore plus utiles? Y a-t-il d'autres moyens à notre portée?
     Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas votre question. Est-ce que vous voulez que je vous parle d'autres stratégies?
     Oui.
     D'autres stratégies pour les écoles?
    Mme Tilly O'Neill Gordon: Oui.
    Mme Merryl Bear: D'accord.
     C'est un grand défi, parce que notre culture favorise bon nombre des attitudes et des préjugés qui sous-tendent les troubles de l'alimentation. Il faudrait créer une dissonance cognitive. Il faut un débat qui amène les gens à remettre en question leurs notions de ce qu'est la santé, de ce qu'est un corps sain et un esprit sain.
     Je vois.
     Je connais une famille dont la fille a souffert de troubles de l'alimentation. Elle était bien entourée et a fait un séjour dans un établissement où elle a reçu l'aide dont elle avait besoin. Elle est aujourd'hui infirmière et va très bien. Cependant, ce sont ses parents et frères et soeurs qui ont dû composer avec le problème, et cela n'a vraiment pas été facile pour eux.
     Peut-être pourriez-vous nous parler de l'aide qui existe pour les parents et les frères et soeurs.
     Il y en a très peu, en fait. Il y a les organisations communautaires locales — j'y ai fait allusion — qui ont des groupes de soutien des proches de personnes souffrant de troubles de l'alimentation.
     Ceux qui n'ont pas accès à ce genre de services et qui appellent notre centre, nous les renseignons sur les bureaux locaux de l'Association canadienne de la santé mentale ou d'autres mesures de soutien que peut leur offrir leur communauté.
     C'est assez inégal, et beaucoup de membres du personnel d'organisations de santé mentale n'ont pas la formation ou les connaissances nécessaires en matière de troubles de l'alimentation. Il peut être frustrant pour les parents et les proches de tenter d'obtenir de l'aide dans leur communauté.
     Serait-ce pour vous l'une des tâches les plus difficiles dans le domaine?
     Oui. L'une des choses les plus difficiles pour nous, c'est de dire à ceux qui nous appellent qu'il n'existe absolument aucun service vers lequel nous pouvons les aiguiller. Nous ne pouvons pas en effet créer des traitements et des services de soutien. Ce genre d'entretien téléphonique est très difficile.
    Comme je suis très proche des parents de cette personne, je sais combien il est difficile de leur parler de ce sujet. Comme dans tous les cas, ils espéraient toujours que ça lui passerait et que ce n'était pas vraiment grave. Ce n'est que lorsqu'elle a reçu un diagnostic qu'ils ont commencé à comprendre et à chercher à obtenir de l'aide pour elle et pour eux-mêmes.
    Étant très proche d'eux, j'ai trouvé difficile de savoir vers qui se tourner; c'est là où je veux en venir.
     Oui.
    Nous avons parlé l'année dernière à un médecin qui s'insurgeait contre l'influence des médias et la représentation qu'ils font des femmes. Pour les jeunes femmes, les jeunes gens, cela transmet un certain message sur la beauté.
    Pourriez-vous nous parler plus longuement de votre campagne intitulée « Cast Responsibly, Retouch Minimally », axée sur le monde de la mode?
    C'est une campagne gratuite que nous avons réalisée avec l'aide d'une agence de publicité. Nous voulions sensibiliser tant le public que l'industrie sur les canons utopiques de la beauté que répand l'industrie de la mode et, en fait, celle du marketing. Il ne s'agit pas que des industries de la mode et de la beauté. Il n'y a qu'à regarder le genre de corps qui sert à vendre des voitures, des pneus ou quoi que ce soit d'autre; c'est une approche généralisée dans la commercialisation des biens de consommation.
    Nous voulions sensibiliser les gens aux dommages que cause cette image, quand on s'en tient à une notion très étroite de la beauté et de ce qu'elle peut apporter.

  (1605)  

    Merci.
    Notre campagne de sensibilisation a été très efficace dans l'industrie. Elle a été largement diffusée dans les médias de publicité et de marketing.
    C'est bon à savoir. Je suis heureuse d'entendre que la campagne a été réussie.
    Merci.
    Nous laissons la parole à Mme Duncan, pour sept minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente, et merci au NEDIC de l'action fantastique qu'il mène.
    Avant de m'adresser au témoin, j'aimerais savoir ce qu'il en est de l'information très précise qui devait nous être communiquée le 10 décembre et que nous n'avons pas encore reçue. J'espère que cela ne saurait tarder.
    Madame Bear, vous avez dit qu'il y avait au pays 800 fournisseurs de services. Connaissez-vous le pourcentage exact de ceux qui offrent des services tarifés, sinon, pourriez-vous nous faire parvenir ce renseignement ultérieurement?
    Je tiens à préciser que nous maintenons une base de données d'environ 800 fournisseurs de services, mais elle n'est aucunement exhaustive, parce que tous les praticiens du domaine ne sont pas forcément inscrits auprès de nous. Souvent, nous avons dû nous-mêmes trouver les gens qui fournissaient des services.
    Pour ce qui est de la rémunération, je peux certainement obtenir ce renseignement pour le comité.
    Je vous en remercie.
    Certaines personnes peuvent être traitées en clinique externe, d'autres doivent malheureusement être hospitalisées et d'autres encore ont besoin d'un traitement à long terme. Combien y a-t-il de centres de traitement à long terme au Canada?
    Il y en a beaucoup trop peu.
    J'aimerais aussi attirer l'attention du comité sur un autre aspect du traitement dont nous n'avons pas parlé. Avant les traitements en milieu hospitalier, que ce soit dans un hôpital de jour, en clinique externe ou avec hospitalisation, il faut envisager d'autres solutions qui sont souvent moins traumatisantes, moins intenses et moins invasives, et qui peuvent contribuer au rétablissement.
    Oui, il est bon de déceler le problème très tôt, mais quand ce n'est pas le cas, savez-vous exactement combien de centres de traitement à long terme existent au Canada?
    Pourrais-je faire parvenir cette information au comité? Je pourrais aussi ventiler les données par enfants, adolescents et adultes. Est-ce que cela vous serait utile?
    Ce serait extrêmement utile.
    Quand les gens ont besoin de traitements à long terme, et peut-être voudrez-vous faire parvenir ce renseignement au comité aussi, quel est le temps d'attente moyen pour obtenir ce traitement?
    Je pense que le Dr Woodside a parlé des délais d'attente pour le programme de l'Hôpital général de Toronto. Nous ne savons pas toujours quels sont les délais d'attente dans les institutions du pays, et cela change en fonction des ressources dont elles disposent.
    À ce que je sache, les gens qui ont besoin d'un traitement à long terme et qui ne peuvent pas attendre doivent aller à l'étranger. Connaissons-nous le pourcentage de ceux qui doivent le faire?
    Je n'ai pas ce renseignement. Chacune des provinces l'aurait probablement, parce que ce sont elles qui paient le traitement.
    Cependant, bien des parents hypothèquent leur maison pour envoyer leurs enfants se faire traiter à l'étranger. Les programmes qui leur sont offerts ne sont pas d'aussi longue durée qu'au Canada, certains ne durant qu'un mois.

  (1610)  

    Je sais que beaucoup de gens réclament une stratégie nationale. Certains intervenants à qui j'ai parlé souhaiteraient que les traitements en fassent partie.
    Je sais qu'il y a un problème de compétence fédérale-provinciale. Si vous pouviez faire une recommandation au sujet des divers types de traitement, bref, si vous aviez des voeux à formuler, que seraient-ils?
    J'en aurais pas mal.
    Pour ce qui est de déterminer le genre de traitements et leur mode de prestation, cela ne relève certainement pas du NEDIC, mais des cliniciens.
    D'accord, je comprends.
    Vous avez brièvement parlé de financement. Vous disiez avoir été financé par le Réseau pour la santé des femmes.
    Non, nous avions un partenariat avec ce réseau, qui était financé par le Programme de contribution pour la santé des femmes. Il constituait le portail initial de la santé des femmes dans le réseau de Santé Canada, qui était une source d'information très précieuse, crédible et à jour pour les femmes et les gens préoccupés par leur alimentation ou leur poids.
    Revenons donc aux voeux que vous voudriez voir exaucés. Quelles recommandations de financement feriez-vous dans le rapport? Les campagnes de sensibilisation, autre chose? Pourriez-vous nous en faire une liste?
    J'aimerais qu'il y soit question de financement de la promotion de la santé en fonction de la population. J'aimerais qu'il y ait un financement de la prévention. Le financement de l'éducation dans toutes les institutions. Ce serait donc dans tout le système d'éducation, de l'éducation prénatale, très franchement jusqu'à l'éducation des professionnels qui se destinent aux domaines de l'éducation, de la santé, de la justice et des médias.
    J'aimerais qu'il y ait des options de traitement qui comprennent... En fait, j'aimerais qu'il y ait des stratégies pour la détection précoce des troubles de l'alimentation et un processus simplifié de soutien des personnes qui en souffrent pour permettre leur rétablissement.
    Merci beaucoup.
    Je vais vous laisser achever votre réponse avant de passer à quelqu'un d'autre. Aviez-vous autre chose à ajouter?
    Oui. C'est un traitement intensif, qui ne concerne pas seulement les malades graves. Il faut aussi s'occuper des gens en aval, afin qu'ils puissent obtenir des traitements et de l'aide avant de tomber gravement malade.
    Merci beaucoup, encore une fois.

[Français]

    Nous entamons maintenant le deuxième tour de questions.
     Madame Ambler, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup d'être des nôtres, madame Bear. Nous sommes très heureuses que quelqu'un de votre expérience dans le domaine puisse s'entretenir une heure avec nous.
    Pendant les vacances, j'ai lu un article dans l'une de mes revues préférées Canadian Living , sur l'anorexie d'un adolescent racontée par sa mère. L'avez-vous lu? Elle se faisait des reproches. Une fois la maladie diagnostiquée, elle a repensé à toutes les fois qu'elle lui avait dit de ne pas manger une assiette de pâtes qui allait le faire grossir, parce qu'elle même avait eu des problèmes de poids toute sa vie et craignait qu'il en souffre aussi. Cela m'a rappelé quelque chose qu'avait dit le Dr Woodside, c'est-à-dire qu'on blâme beaucoup les familles pour cette maladie, que l'on ne retrouve pas seulement dans les familles dysfonctionnelles.
    Est-ce que selon vous, cela devrait faire partie de la sensibilisation? Est-ce qu'il vaudrait la peine d'informer les proches? En tant que mère, je voudrais être rassurée qu'il s'agit là d'une maladie comme les autres, et c'est ce qu'on entend généralement.
    En convenez-vous?

  (1615)  

    Il ne s'agit pas d'une maladie comme les autres. Elle a une composante culturelle qu'il est difficile d'éliminer, et il est absolument essentiel de ne pas montrer les parents du doigt lorsque leur enfant développe un trouble de l'alimentation. Ces troubles ne s'expliquent pas par une seule cause. Si chaque parent qui faisait une remarque au sujet du poids, de la forme ou de l'alimentation d'un enfant avait un enfant qui développait par la suite un trouble de l'alimentation, nous reconnaîtrions que peut-être... c'est simplement beaucoup plus compliqué que cela.
    Je suis désolée, pourriez-vous répéter votre question?
    Selon vous, devrions-nous aborder cette question lorsque nous sensibilisons les gens, pour veiller à ce que les Canadiens sachent que ces troubles ne sont pas causés par ce que font ou ne font pas les parents, ce qu'ils disent ou ne disent pas?
    Les parents sont perçus, tant par la plupart des professionnels de la santé que par leur enfant, même si ces derniers sont réticents à l'admettre, comme la source de soutien la plus grande et la plus importante dans le processus de guérison. Il est essentiel que toutes les campagnes de sensibilisation reconnaissent que les troubles de l'alimentation sont causés par de multiples facteurs, qu'un trouble de l'alimentation n'est pas causé par un seul déterminant.
    J'ai rencontré cette semaine des représentants d'une initiative nationale contre les troubles de l'alimentation, qui étaient sur la Colline. Je sais que de nombreux autres députés les ont aussi rencontrés. Encore une fois, en ce qui concerne la sensibilisation, ils ont parlé du fait que lorsque les parents apprennent que leur enfant est atteint d'un trouble de l'alimentation, ils sont souvent soulagés parce qu'ils pensent: « Dieu merci, ce n'est pas le cancer, ou quelque chose de pire ». Or, ils sont tout à fait ignorants du fait que le taux de mortalité de l'anorexie est en fait deux fois plus élevé que celui de nombreuses formes de leucémie, disons, et je ne le savais pas non plus jusqu'à ce qu'ils me le disent.
    Encore une fois, en ce qui concerne la sensibilisation dont vous avez parlé, pensez-vous que cela devrait en faire partie? Je pense qu'il serait utile de le dire aux Canadiens. Êtes-vous d'accord?
    Oui, je pense qu'il est important de parler des troubles de l'alimentation dans le contexte des autres problèmes, sans minimiser ces autres problèmes. Les troubles de l'alimentation sont mortels, et il faut s'y attaquer.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Harris, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Bear d'être ici aujourd'hui.
    En réponse à la première question de Mme Truppe, vous avez commencé par demander 10 minutes de plus pour répondre. En comité, l'un des secrets les mieux gardés, c'est que lorsque les témoins se présentent devant nous, ils n'ont jamais l'occasion de dire ce qu'ils souhaitent dire. Si vous estimez avoir quelque chose d'important à dire au comité, vous pourrez sans aucun doute communiquer avec la greffière et envoyer un message électronique, un document ou une note d'information afin de préciser certaines des idées que vous n'aurez peut-être pas eu la chance d'aborder aujourd'hui.
    Je poserai certainement une question supplémentaire lorsqu'on vous a posé une question au sujet des pratiques exemplaires, j'aimerais savoir si vous connaissez une liste de pratiques exemplaires ou un endroit où nous pourrions nous adresser pour en obtenir une, ce qui serait particulièrement utile pour le comité et son travail.
    Je suis aussi heureux de voir que vous ne tentez pas de réinventer la roue, mais que vous tablez plutôt sur le travail qui a déjà été fait. Ainsi, je voulais vous demander ce qui suit: Si nous, députés, souhaitons faire part à nos commettants de certaines des questions et préoccupations et informations au sujet du trouble, étant donné que, comme vous l'avez dit, la solution repose beaucoup sur le réseautage et le fait de s'assurer que les personnes sont au courant, serions-nous en mesure de consulter le site Web et d'obtenir une trousse d'information, ou d'autres informations pour partager avec nos commettants? Existe-t-il une brochure que nous pourrions faire imprimer afin de les distribuer dans nos bureaux? Ces renseignements existent-ils?

  (1620)  

    Oui, en fait, nous lançons un nouveau site Web aujourd'hui même, nous l'espérons, et tous nos documents peuvent être imprimés. Il y a beaucoup d'information. J'incite quiconque constate un manque d'information à nous le laisser savoir, parce que nous ferons de notre mieux pour pallier ce manque.
    Excellent.
    Vous avez indiqué que vous êtes partenaire de nombreuses organisations. Pourrions-nous, ou pourrais-je personnellement communiquer avec vous afin d'obtenir une liste de groupes et d'organisations dans ma région avec lesquelles nous pourrions travailler pour contribuer à informer les gens au sujet de cette question?
    Nous serions très heureux de vous aider.
    Merci beaucoup.
    Vous avez brièvement parlé du fait que les patients atteints de troubles de l'alimentation peuvent souffrir d'autres maladies ou troubles. Ma conjointe est travailleuse sociale au Centre pour la toxicomanie et la santé mentale à Toronto; elle travaille aussi avec de nombreux clients qui ont des troubles concomitants. Pouvez-vous nous parler un peu des défis supplémentaires liés au fait de traiter des problèmes comme les troubles de l'alimentation, alors que quelqu'un fait face à de multiples problèmes à la fois?
    Le plus grand défi auquel nous faisons face est probablement lié au fait que très peu d'établissements de traitement travaillent sur toutes les questions concomitantes. Par exemple, si quelqu'un entreprend un programme de traitement de la toxicomanie et présente un trouble de l'alimentation, il se peut qu'on lui dise qu'on traitera le problème de consommation, mais que pour traiter son trouble de l'alimentation, il faudra qu'il aille ailleurs. Ou encore, si le trouble de l'alimentation est particulièrement grave ou a des incidences négatives sur la capacité de la personne à travailler à la résolution du problème de consommation, cette personne pourrait ne pas recevoir de traitement du tout, il se pourrait qu'on lui dise de commencer par régler son trouble de l'alimentation. C'est un cycle sans fin.
    C'est comme une porte tournante, où les personnes qui sont prêtes à recevoir de l'aide ont beaucoup de mal à franchir la porte afin d'être acceptées pour qui elles sont, comme des êtres humains complets avec des difficultés multiples.
    Merci beaucoup.
    Existent-ils des modèles dans d'autres provinces ou pays — cela s'inscrit dans les pratiques exemplaires — qui sont des chefs de file dans le traitement de l'anorexie ou des troubles de l'alimentation; pourriez-vous en parler au comité, afin que nous puissions consulter ces sources et nous informer à leur sujet?
    Le Royaume-Uni, au niveau gouvernemental, a certainement fait du travail très intéressant. À l'heure actuelle, un comité examine des pratiques exemplaires partout, je pense, en ce qui concerne l'éducation et la sensibilisation. Le Royaume-Uni a également une pratique exemplaire touchant le calendrier de traitement, si on peut l'appeler ainsi.
    Merci.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Young, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Madame Bear, merci beaucoup d'avoir pris le temps d'être ici aujourd'hui.
    Si on voulait savoir combien de patients sont décédés en raison d'un trouble de l'alimentation, où devrions-nous nous adresser? Au Canada, je veux dire.
    On s'adresserait à Statistique Canada.

  (1625)  

    Ces données sont-elles disponibles? Avez-vous tenté de les obtenir?
    Non. Je pense que ces données sont conservées. Ce qui complique aussi les choses, c'est que nombre de ceux qui souffrent de troubles de l'alimentation meurent de complications médicales qui sont alors considérées comme la cause du décès. De plus, beaucoup de ces malades se suicident.
    Si le Canada disposait d'un registre que vous pourriez consulter pour obtenir cette information, cela serait-il utile?
    Je suis de ceux qui estiment que plus on a d'information, mieux on est outillé pour régler les problèmes.
    Selon vous, quelle devrait être la norme minimale de soins offerts aux filles et aux femmes souffrant de troubles de l'alimentation? Vous pouvez prendre le reste de mon temps de parole, soit environ trois minutes, probablement.
    Je pense qu'il est important d'identifier plus rapidement les troubles de l'alimentation. Cela doit se faire de façon respectueuse en collaboration avec la personne et les membres de sa famille qui participent à la prestation des soins.
    Il est nécessaire de tenir compte de la complexité de la position de la personne dans ce que l'on appelle la « place dans la société » dans notre jargon, c'est-à-dire leur situation socioéconomique et leur expérience de vie au Canada. Et il est nécessaire de tenir compte des défis multiples auxquels une personne peut faire face et de tenter d'en tenir compte. Les traitements doivent réellement s'adresser à la personne là où elle se trouve afin de lui permettre d'avancer.
    Étant donné que je vous ai surprise avec ma question, j'aimerais vous demander si, selon vous, nous devrions envisager d'ajouter à la liste le fait qu'il doit y avoir des traitements familiaux afin d'aider la famille également, ainsi que des options de traitement, parce que tous les traitements ne fonctionnent pas chez tous les patients. Serait-il logique d'ajouter ces éléments à la liste?
    Oui, en fait, j'y serais favorable.
    Les hôpitaux tiennent-ils compte des différentes composantes à l'heure actuelle?
    Dans certains cas, oui. Les traitements axés sur les familles représentent le modèle fondamental dans les hôpitaux comme celui de Southlake en Ontario. Le Hospital for Sick Children a un traitement axé sur la famille. Il s'agit actuellement du modèle choisi par de nombreux hôpitaux.
    Qu'arrive-t-il aux filles et aux femmes qui ne terminent pas les programmes dans les hôpitaux? J'imagine qu'elles ne restent pas toutes à l'hôpital jusqu'à la fin du programme pour guérir. Qu'arrive-t-il à celles qui abandonnent? Leur offre-t-on des options? Reprennent-elles leurs anciennes habitudes et reviennent-elles aux symptômes d'alimentation et de purge?
    Pendant le processus d'autorisation de sortie, je pense que tout le monde obtient des solutions de rechange. La nature de la maladie est telle que beaucoup n'ont pas la capacité de se défendre elles-mêmes et peuvent passer par les mailles du filet.
    Chez les jeunes, ou chez les personnes ayant des relations étroites avec leur famille, les résultats sont probablement beaucoup plus positifs, et les possibilités d'améliorer leur qualité de vie, voire de s'en remettre entièrement, sont grandement améliorées.
    Merci.
    Merci beaucoup. Je pense que votre témoignage a été très apprécié par tous les membres du comité. Je tiens à vous remercier du fond du coeur, madame Bear, d'avoir pris le temps de comparaître. Vous nous avez été très utile.
    Nous allons suspendre la séance quelques instants afin de nous préparer à la prochaine vidéoconférence.

    


    

  (1630)  

[Français]

    Nous reprenons la séance. Nous allons entendre deux personnes qui témoigneront par l'entremise de la vidéoconférence.

[Traduction]

    Nous recevons le Dr April Elliott, qui est pédiatre et chef de la médecine de l'adolescence à l'Alberta Children's Hospital. Merci beaucoup d'être avec nous.
    Nous recevons également le Dr Debra Katzman, professeure en pédiatrie à la Division de la médecine de l'adolescence du département de pédiatrie de l'Université de Toronto.
    Bienvenue à vous deux. Vous disposez de 10 minutes chacune. Commençons avec le Dr Elliott.

  (1635)  

    J'aimerais remercier le comité de réaliser cette étude sur les troubles de l'alimentation chez les filles et les femmes et de considérer qu'il s'agit d'une préoccupation de santé importante au Canada. J'aimerais ajouter que ces troubles touchent également les hommes, bien que dans une moindre mesure. À l'heure actuelle, je suis activement quatre jeunes hommes aux prises avec cette maladie et un système dans lequel ils ont du mal à évoluer.
    Je suis pédiatre et chercheur dans le domaine de la médecine adolescente. Je travaille dans le domaine des troubles de l'alimentation depuis environ 14 ans. Les patients que je suis ont généralement entre 11 et 23 ans, mais malheureusement, j'ai aussi vu récemment des jeunes qui ont à peine 7 ans.
    J'ai examiné les transcriptions du témoignage du Dr Blake Woodside. Je sais qu'il a procédé à un examen approfondi de l'épidémiologie, y compris l'incidence, la prévalence et les caractéristiques des troubles de l'alimentation, ainsi que les statistiques de ceux qui en meurent, de sorte que je ne répéterai pas ces renseignements aujourd'hui
    Je tiens toutefois à souligner à nouveau que les causes des troubles de l'alimentation ne sont pas entièrement comprises. Toutefois, depuis de nombreuses années, les influences socioculturelles et les facteurs de risque environnementaux sont considérés comme étant importants.
    Les recherches à ce sujet ont avancé récemment et on soupçonne maintenant que le développement d'un trouble de l'alimentation repose sur de nombreux facteurs, avec des influences socioculturelles, biologiques et génétiques. Des recherches au sujet de la neurobiologie des troubles de l'alimentation ont révélé des liens génétiques. De façon globale, l'anorexie mentale et la boulimie semblent être beaucoup plus communes chez les parents biologiques des proposants anorexiques et boulimiques que dans la population générale. Les troubles de l'alimentation peuvent représenter des solutions pathologiques à un défi lié au développement, surtout chez les enfants. Les recherches indiquent également qu'un type de personnalité obsessif, perfectionniste et anxieux peuvent être des traits pré-morbides qui contribuent au développement de ces troubles.
    J'aimerais donc savoir ce que nous faisons dans nos écoles et dans les programmes de prévention en intervention précoce pour aider les enfants à apprendre à se contrôler et à assimiler des techniques de pleine conscience afin de contrer ces traits et ces pressions? La gravité d'un problème médical associé aux troubles de l'alimentation est importante et ne devrait pas être sous-estimée, peu importe l'apparence extérieure du patient.
    La mortalité des suites de l'anorexie mentale est parmi les plus élevées des maladies psychiatriques. Il s'agit de la troisième maladie chronique chez les adolescentes de par sa prévalence. Les complications médicales de la boulimie et de l'anorexie son multi-système et peuvent avoir des séquelles à long terme mettant la vie en danger.
    Il est encore une fois important de souligner qu'une personne ayant un poids normal ou plus élevé que la normale et perdant du poids de façon excessive peut constater des changements semblables à son statut médical que la personne qui a au départ un poids normal. Il s'agit d'une histoire que bon nombre de mes patients souffrant de boulimie m'ont relatée. Leur omnipraticien dit qu'ils n'ont pas l'air de souffrir d'un trouble de l'alimentation alors que ces personnes de poids moyen ou pouvant avoir un surpoids peuvent avoir des problèmes graves d'électrolyte causés par des activités répétées de boulimie-purgation.
    La réponse pathophysiologique primaire à une perte de poids importante est une réduction du métabolisme en tant qu'adaptation physiologique, comme nous l'avons constaté dans une étude très connue réalisée dans ...[Note de la rédaction: difficultés techniques]... expérience au Minnesota.
    Je suis consultante médicale pour le programme des troubles de l'alimentation à Calgary. Ce programme utilise une approche en équipe interdisciplinaire et plurimodale afin de fournir des services dans le cadre d'un continuum de soins. Nous estimons qu'il est impératif de travailler en équipe et d'inclure le patient et sa famille dans le processus. À cet égard, nous nous efforçons de veiller à ce que le patient et sa famille contrôlent son propre traitement et de leur donner des choix et des options dans les limites des soins responsables. Nous, y compris tous les membres de l'équipe nécessaires, utilisons une approche biopsychosociale à l'égard du traitement, afin de répondre aux besoins du patient et de sa famille. Nous travaillons également très fort pour renforcer les capacités communautaires.
    Voici quelques statistiques au sujet de notre programme.
    Depuis 2009, nous sommes passés de 276 recommandations par année à 437 à l'heure actuelle, pour l'exercice financier 2012-2013.
    Nos diagnostics ont tendance à être divisés...[Note de la rédaction: difficultés techniques]... troubles de l'alimentation sans précision à environ 42 %, anorexie mentale à environ 29,4 % et boulimie à environ 22 %. Un très petit pourcentage de patients très jeunes se présentent avec un trouble de l'alimentation précoce.

  (1640)  

    La fourchette d'âge au cours des cinq dernières années est demeurée constante, la majorité des cas se situant entre l'âge de 18 et 24 ans et l'autre groupe d'âge le plus touché se situe entre 14 et 17 ans.
    Notre programme est géré par un centre de soins tertiaires, je reconnais néanmoins que les médecins de famille sont des acteurs clés en matière de soins de santé. Leurs connaissances ainsi que leurs capacités à dépister, à soutenir et à adresser ces personnes sont essentielles.
    Je me suis toujours efforcée d'offrir de la formation médicale continue aux médecins de famille parce que c'est grâce au dépistage, à la prévention et à la sensibilisation qu'on peut vraiment changer les choses. Si nous n'adoptons pas d'approches audacieuses, ces médecins se sentent souvent démunis.
    Il existe très peu de soutien financier pour ce genre de présentations éducatives organisées en marge de conférences officielles. Je propose d'accorder du financement pour la création d'un programme de formation médicale continue sur le Web dont les cours seraient assortis de crédits et de bonifier les programmes dans les écoles de médecine.
    Au cours des 15 dernières années j'ai vu le traitement des troubles de l'alimentation à Calgary passer d'une approche orpheline dépourvue de l'aspect humain lorsque personne n'était formé ou disposé à les traiter, à des programmes bien organisés et fondés sur des données probantes.
    En général, je pense que nous jouissons d'excellentes ressources en Alberta, à l'exception de quelques aspects critiques qui pourraient diminuer tant la morbidité que la mortalité. La situation est peut-être la même partout au Canada, mais encore là, le financement et les programmes sont très différents.
    D'abord, il n'y a pas d'unités d'hospitalisation dédiées aux patients souffrant de troubles mentaux de moins de 14 ans ni de soins intensifs de longue durée. Souvent, il n'y a nulle part où admettre les patients s'ils sont déjà stables sur le plan médical, mais qui présentent une insuffisance de poids ou des retards de croissance. Ceci peut entraîner des conséquences graves pour la croissance et le développement pour les maladies psychiatriques concomitantes et l'aspect chronique de la maladie.
    Nos unités d'hospitalisation multidisciplinaires souffrent d'un manque d'espace et d'organisation. Les conditions sont très préoccupantes. Nous avons six patients dans une chambre de quatre lits à l'hôpital Foothills. Souvent, d'autres patients doivent partager les chambres avec des malades âgés, qui souffrent souvent de démence, et l'espace dédié au soutien essentiel pour les repas et à la thérapie est d'à peine 150 pieds carrés. Les patients décident parfois de partir de l'hôpital sans le consentement d'un médecin parce que les conditions sont si mauvaises qu'ils deviennent ambivalents par rapport à la poursuite du traitement.
    Je vais conclure en vous parlant d'un exemple pertinent, celui d'un patient que j'ai vu lundi, ironiquement, juste après avoir reçu l'invitation à venir témoigner ici.
    Il s'agit d'une femme de 19 ans souffrant d'anorexie mentale et ayant un indice de masse corporelle de 16, ce qui est bien en deçà du troisième centile pour une personne de son âge. Elle n'est pas stable sur le plan médical, sa fréquence cardiaque au repos est basse, elle est déshydratée et ses troubles cognitifs s'aggravent chaque jour. Elle a besoin d'être hospitalisée, mais nous n'avons pas de lits pour l'accueillir, car nous avons déjà huit patients pour les six lits qui nous sont attribués. Et comme je l'ai dit, ils se retrouvent dans une chambre d'à peine 150 pieds carrés.
    Je n'ai nulle part où admettre cette patiente qui, en passant, souhaite être admise et obtenir du soutien. Par conséquent, je continue mes consultations externes deux fois par semaine et je la prépare à entrer dans notre programme de jour qui bénéficie de plus de ressources, mais qui n'est pas la meilleure option pour elle sur le plan médical en ce moment.
    Pendant le rendez-vous, sa mère éclate en sanglots: « Je me sens démunie. Ma fille a perdu énormément de poids et elle n'a pas mangé depuis quatre jours. Elle est ma priorité, mais elle n'est qu'un numéro aux fins du programme et des ressources médicales. J'espère qu'elle ne fera pas partie des statistiques de mortalité sur lesquelles on se penchera dans 10 ans ».
    Je l'ai évidemment réconfortée et je lui ai assuré qu'elle n'était pas un numéro à mes yeux et que je ferais tout en mon possible pour la défendre et lui obtenir le traitement dont elle a besoin. Malheureusement, il ne s'agit pas d'un cas unique chez les 18 ans et plus. J'espère que nous pourrons continuer d'analyser les difficultés et l'attribution des ressources pour nous assurer que ces jeunes femmes et hommes, qui ont tellement de potentiel, reçoivent les soins dont ils ont besoin pour retrouver un état de santé et de bien-être optimal.
    Merci.

  (1645)  

    Docteur Elliott, merci pour votre excellent témoignage, c'était très émouvant.
    Madame Katzman, vous disposez de 10 minutes.
    Bonjour. J'aimerais remercier les membres du Comité permanent de la condition féminine de m'avoir invitée à témoigner à propos des troubles de l'alimentation chez les filles et les femmes.
    Je suis la Dre Debra Katzman. Je suis professeure et spécialiste de la médecine de l'adolescence à l'Hôpital pour enfants de l'Université de Toronto. Je travaille depuis 28 ans dans le domaine des troubles de l'alimentation. J'ai mis sur pied un programme pédiatrique sur les troubles de l'alimentation à l'Hôpital pour enfants et j'en étais la directrice médicale pendant 22 ans. Mes recherches se concentrent sur les troubles de l'alimentation chez les jeunes filles, et plus précisément sur les complications médicales de ces maladies dévastatrices. J'ai aussi participé à des recherches portant sur les diagnostics précoces chez les enfants et les adolescents et sur le traitement de ces maladies potentiellement fatales.
    J'ai joué un rôle dans l'éducation et la sensibilisation en matière de troubles de l'alimentation à l'échelle nationale et internationale en tant que membre du comité directeur du programme communautaire sur les troubles de l'alimentation de l'Ontario, à titre d'ancienne présidente d'un organisme international, l'Academy for Eating Disorders et actuellement à titre de présidente de la Society for Adolescent Health and Medecine. Comme vous le constatez, les troubles de l'alimentation en pédiatrie me passionnent ainsi que ce que nous pouvons faire à titre de professionnels de la santé, de chercheurs et de citoyens canadiens afin de prévenir, d'identifier et de traiter ces maladies.
    Chaque jour j'ai le privilège de travailler et de prendre soin d'enfants et d'adolescents qui sont très malades, qui souffrent des formes les plus graves de troubles de l'alimentation, en plus de prendre soin de leurs familles. Les troubles de l'alimentation, comme le Dr Elliott en a si bien parlé, sont des maladies mentales à caractère biologique, graves, et potentiellement fatales. Ces maladies requièrent le même type de sensibilisation, de diagnostic, de traitement, de prévention et de financement de la recherche que d'autres maladies. Je vais vous expliquer pourquoi.
    Depuis le début de ma carrière en médecine il y a environ 30 ans, la recherche biomédicale a eu des retombées sur les maladies infantiles et a entraîné des progrès incroyables concernant l'issue de nombreuses maladies graves. Lorsque j'étais étudiante en médecine, la leucémie lymphoblastique aiguë, le cancer le plus commun chez les enfants, affichait un taux de mortalité de 95 %. Aujourd'hui, ce taux a été réduit de 85 %. Six mille enfants par année qui, autrefois seraient morts de la maladie, sont maintenant guéris.
    Le VIH-sida est un autre exemple de progrès scientifique considérable. Il y a 20 ans, un jeune homme de 17 ans infecté par le VIH n'aurait vécu que quelques mois, et maintenant il peut vivre jusqu'à 60 ou 70 ans.
    Ces changements remarquables sont attribuables au financement de la recherche scientifique portant sur la compréhension de ces causes de mortalité tragique. Malheureusement, lorsqu'il s'agit de troubles de l'alimentation, on ne peut pas relater les mêmes histoires de succès.
    Au cours des 20 dernières années, nous avons effectivement réalisé des avancées dans le domaine des troubles de l'alimentation, mais pas dans la même mesure que le cancer, les maladies cardiovasculaires ou le sida. Je vais toutefois vous parler de ce que nous savons à propos des troubles de l'alimentation.
    Les troubles de l'alimentation constituent un problème de santé publique majeur. De plus en plus d'enfants en souffrent. À l'Hôpital pour enfants, nous avons mené une étude en collaboration avec le Programme canadien de surveillance pédiatrique selon laquelle des enfants d'à peine cinq ans développent des troubles de l'alimentation. Ces troubles ont un taux de prévalence relativement élevé. Environ 1,5 % des femmes âgées de 15 à 24 ans souffrent d'un trouble de l'alimentation. Cela signifie qu'environ 525 000 Canadiennes en souffriront par rapport à 10 000 enfants atteints de cancer ou 25 000 atteints de diabète de type 1 ou de type 2. Malgré ces chiffres, les troubles de l'alimentation ne reçoivent pas autant de financement pour la recherche et on n'y porte pas la même attention en général.
    Les troubles de l'alimentation se manifestent à un jeune âge. Il y a deux âges clés, 14 ans et 18 ans. Cette maladie est unique et ne se compare pas à d'autres, telles que les maladies cardiovasculaires ou l'hypertension qui se manifestent à l'âge adulte. La plupart des enfants et des adultes aux prises avec des troubles de l'alimentation sont des filles et des femmes.

  (1650)  

    L'anorexie mentale est la troisième maladie chez les adolescentes. Les troubles de l'alimentation peuvent sévir peu importe la race, la couleur, le sexe ou le statut socioéconomique. Personne n'est immunisé contre les troubles de l'alimentation.
    Comme l'a dit le Dr Elliott, les troubles de l'alimentation sont causés par de nombreux facteurs, dont une combinaison de vulnérabilité génétique, biologique et tempéramentale en interaction avec un environnement très toxique.
    Les troubles de l'alimentation sont liés à des déficiences émotives et cognitives. Nous savons que les femmes et les filles atteintes de troubles de l'alimentation présentent des difficultés de fonctionnement cognitif, et plus précisément des difficultés qui nuisent à leur jugement et à leur mémoire, à leur capacité de prendre des décisions et de saisir les situations dans leur ensemble.
    Pendant notre étude sur un groupe de patients à l'hôpital pour enfants, nous avons constaté que les jeunes femmes présentent des déficits cognitifs marqués pendant la phase aiguë de la maladie qui nuisent considérablement à leur habileté cognitive et à leur habilité à créer des liens avec d'autres personnes. On croit que ce type de déficience cognitive compromet la capacité des jeunes femmes à participer à un traitement psychologique, faisant en sorte que le traitement est moins efficace. De plus, nous ne savons pas si ces déficiences cognitives sont éventuellement comblées.
    Nous savons également que les filles et les jeunes femmes sont atteintes d'importantes comorbidités psychiatriques. Dans le cas de l'anorexie mentale, les comorbidités psychiatriques les plus courantes sont entre autres la dépression majeure et les troubles d'anxiété. Souvent, dans le cas de la boulimie mentale, les comorbidités sont entre autres les troubles d'anxiété, la dépression majeure et les troubles de consommation. Environ 80 % des personnes atteintes d'anorexie mentale ou de boulimie mentale recevront un diagnostic d'un autre trouble psychiatrique à un moment dans leur vie.
    Les troubles de l'alimentation restreignent les activités de vie des jeunes femmes et des filles qui en sont atteintes. Les personnes atteintes d'anorexie ou de boulimie mentales estiment que leur qualité de vie est très basse. Les troubles ont tendance à nuire à l'adaptation sociale, aux habiletés de communication sociale et les réseaux sociaux ont tendance à être très restreints.
    Le fonctionnement éducationnel et professionnel des personnes atteintes de troubles de l'alimentation se situe en deçà des attentes; on remarque qu'elles s'absentent du travail ou de l'école. Une étude a démontré que les filles qui souffrent de troubles de l'alimentation passent environ cinq mois et demi par année à l'école sur une période de deux ans.
    Il s'agit de maladies potentiellement mortelles qui peuvent entraîner de nombreuses complications médicales. Parmi tous les troubles psychiatriques, les troubles de l'alimentation présentent le plus haut taux de complications médicales.
    Les troubles de l'alimentation ont une incidence sur tous les systèmes du corps. Les complications médicales représentent des formes de handicap important. Parmi ces complications, on remarque des déficiences considérables dans la croissance et le développement normal des adolescents sur les plans physique, social et psychologique, des anomalies cardiaques, des problèmes gastro-intestinaux et de l'ostéoporose. En effet, notre groupe a mené la première étude du genre et a observé que les jeunes atteints d'anorexie mentale depuis seulement trois mois sont aux prises avec des os fragiles ou de l'ostéoporose. En plus, comme je l'ai dit, ces jeunes présentent des déficiences cognitives. Nos études ont également permis de remarquer des changements dans la structure de leur cerveau.
    Voilà seulement quelques exemples de complications médicales. De plus, la recherche que nous avons menée ne nous permet pas de conclure que ces complications médicales à long terme sont réversibles.
    Ces complications médicales peuvent entraîner la mort. Parmi les troubles psychiatriques, l'anorexie mentale présente le plus haut taux de mortalité. Il est 12 fois plus élevé que le taux de mortalité annuel de toutes les causes de mortalité chez les femmes âgées de 15 à 24 ans. Les enfants atteints de troubles d'alimentation sont 10 fois plus susceptibles de mourir que les enfants du même âge en santé. Ce risque accru et inexcusable de mortalité à cause des troubles d'alimentation est fréquemment attribuable aux nombreuses complications médicales ou au suicide.
    Dans l'ensemble, les troubles de l'alimentation sont associés à certains des taux les plus élevés de handicap médical et social parmi tous les troubles psychiatriques. Ces maladies entraînent des conséquences graves pour les personnes qui en souffrent, leur famille et la société dans son ensemble.

  (1655)  

    Les troubles de l'alimentation entraînent des conséquences graves pour les jeunes femmes qui en souffrent. Les filles et les femmes atteintes d'anorexie mentale présentent des taux plus élevés de complication lors de la grossesse. Elles présentent des taux plus élevés d'infertilité et de fausse couche et il semble y avoir parmi leurs enfants une plus grande prévalence de problèmes émotionnels et nutritionnels. Les parents et les soignants des patients souffrant d'anorexie ou de boulimie mentales affichent des taux plus élevés de détresse psychologique.
    Enfin, les troubles de l'alimentation entraînent un fardeau économique considérable et une utilisation importante des services de soins de santé. Une récente étude des admissions d'adultes souffrant de maladie psychiatrique à l'hôpital en Angleterre a démontré que les troubles de l'alimentation constituent la proportion la plus élevée de tous les patients admis en psychiatrie. La plupart des lits réservés aux soins psychiatriques des enfants et des adolescents sont occupés par des jeunes atteints de troubles de l'alimentation, une proportion plus élevée que tout autre groupe de diagnostics. Aux États-Unis, les personnes atteintes de troubles de l'alimentation utilisent les soins de santé dans une plus grande proportion que les personnes qui souffrent d'autres formes de maladie mentale.
    Nous venons tout juste de terminer une étude...
    Docteure Katzman, nous aimerions entamer la ronde de questions. Vous pourrez terminer votre déclaration en répondant aux questions.
    Bien sûr.
    Merci pour votre témoignage, docteure Katzman.
    Madame Crockatt, vous avez sept minutes.
    Merci aux deux témoins d'être ici.
    Bonjour April. Je m'appelle Joan Crockatt. Comment allez-vous?
    Bonjour, je vais très bien et vous?
    Je dois dire que j'ai déjà rencontré la Dre Elliott à Calgary et je suis ses travaux depuis longtemps.
    Bonjour docteure Katzman, merci d'être parmi nous.
    Je suis ravie.
    Docteure Elliott, je m'adresse à vous en premier.
    D'abord, je vous remercie pour votre témoignage. Il est évident que vous avez adopté une démarche très avant-gardiste et axée sur les solutions. Je crois savoir que vous avez mis sur pied le programme pour les troubles de l'alimentation à l'hôpital pour enfants de Calgary.
    Pourriez-vous nous expliquer comment vous avez conçu le programme? Avez-vous eu à réinventer la roue? Êtes-vous en train de créer un centre d'excellence? Où en êtes-vous en moment?
    À nos débuts, nous faisions partie du département de psychiatrie. Des gens sont venus, pendant que je faisais ma formation spécialisée avec la Dre Katzman à l'hôpital pour enfants, pour analyser les différents programmes et déterminer la meilleure approche.
    Le programme pour les troubles de l'alimentation à Calgary est unique parce qu'il englobe tous les âges. Nous avons dû élaborer un programme qui, à l'origine, s'adressait à des jeunes d'à peine 7 ans, malheureusement , jusqu'à 24 ans. Au cours des huit dernières années, nous avons reçu des patients de tous les âges. Vous pouvez imaginer à quel point il peut être complexe de tenter d'élaborer un programme pour tous les âges.
    J'ai intégré l'équipe à titre de pédiatre environ deux mois après le début de l'élaboration du programme. Je doutais de la pertinence d'un programme qui inclurait tous les âges. On a ensuite décidé de mettre sur pied un programme pour les 14 ans et plus. Par conséquent nous n'avions plus de programme intensif pour les 14 ans et moins.
    Après de nombreuses années de travail et de nombreuses démonstrations des données probantes portant sur les traitements familiaux, ainsi que d'autres approches, comme le traitement multifamilial du Dr Eisler en Angleterre, nous les avons convaincus de l'importance d'un programme spécialisé pour les moins de 14 ans et pour de nombreux adolescents.
    Les programmes évoluent. Le partenariat et la collaboration entre le département de psychiatrie et celui de la pédiatrie sont excellents. Maintenant que nous avons des données probantes pour quelques programmes familiaux à l'intention des jeunes, mais aussi pour nos travaux à l'intention des adultes, je pense que nous sommes en train de devenir un centre d'excellence.

  (1700)  

    Vous me pardonnerez, j'espère, de creuser un peu la question. Certains de nos témoins ont dressé un bon bilan et j'aimerais maintenant passer à la question des pratiques exemplaires, pour cerner votre expérience et celle de la Dre Katzman dans ce domaine.
    En commençant par les plus importantes, quelles sont, dans vos 14 ans d'expérience, les pratiques exemplaires que nous devrions vraiment souligner dans le cadre de notre étude pour permettre un progrès?
    En ce qui concerne la population âgée de moins de 18 ans, et la Dre Katzman pourra faire des commentaires là-dessus aussi, je suis d'avis que Lock et Le Grange ont fait un excellent travail sur le plan de la manualisation des traitements axés sur la famille. Nous avons la preuve que ces traitements sont efficaces. Nous essayons d'utiliser ces traitements ainsi que des groupes multifamiliaux qui ont aussi fait leurs preuves. Voilà pour la population plus jeune.
    Pour la population plus âgée, comme vous avez pu le constater dans notre étude sur les programmes sur les troubles d'alimentation au Canada, cela varie beaucoup, mais, selon la preuve... Notre programme utilise une approche axée sur la motivation... ainsi qu'un programme de thérapie comportementale dialectique, car un grand pourcentage de ce segment de la population souffre de troubles de personnalité limite et d'autres problèmes. Voilà notre orientation.
    La nouvelle directrice de notre programme, la Dre Monique Jericho, a très bien réussi à axer le programme sur les preuves. Voilà quelques-uns des exemples que nous utilisons.
    Je vais vous poser la même question dans un instant, docteure Katzman, mais je voulais soulever quelque chose dont a parlé le Dr Woodside. Je veux savoir si vous en arrivez aux mêmes conclusions. Il dit que, dans 60 % des cas qu'il a vus, les personnes souffraient du trouble de stress post-traumatique, la plupart à la suite d'abus sexuels. J'aimerais savoir si vous constatez la même chose ou si c'est seulement dans son programme.
    Vous avez dit que la génétique était une des causes, mais est-ce que vous constatez également des traumatismes à l'origine de ces maladies?
    D'abord, la Dre Elliott, et ensuite la Dre Katzman. Merci.
    Je ne sais pas si on peut parler de 60 %. Je sais que chez les gens âgés de moins de 18 ans, le pourcentage est beaucoup plus faible. Chez les gens plus âgés, nous voyons beaucoup d'abus et de stress post-traumatique comme comorbidité. Bon nombre de nos patients profitent du programme de thérapie comportementale dialectique ainsi que d'un traitement spécial utilisé par quelques-uns de nos thérapeutes, et qui consiste en une désensibilisation et une reprogrammation par mouvement oculaire, qui est très efficace pour guérir le stress post-traumatique.
    Je ne sais pas quel est le pourcentage exact dans notre programme, mais je vous dirais que cela se situe entre 40 et 50 %.
    Docteure Katzman, pourriez-vous reparler des pratiques exemplaires que vous voulez faire valoir et des moyens d'en prendre connaissance, étant donné que les soins de santé sont un champ de compétence provincial?
    J'aimerais mettre sur l'accent sur quelques-unes des pratiques exemplaires. D'abord, il faut sensibiliser les pédiatres, les médecins de famille, et ceux et celles qui travaillent sur le terrain avec les jeunes, les enfants, les adolescents, et les femmes, afin de dépister ces maladies le plus rapidement possible.
    En ce qui concerne les soins primaires, il faut absolument dépister ces maladies, et pour ce qui est des pédiatres et des médecins de famille, ils doivent suivre les courbes de croissance des enfants et des adolescents, afin de les aider s'ils s'écartent de ces courbes. Voilà une des pratiques exemplaires.
    Je renchérirais sur ce qu'a dit April, à savoir que la thérapie axée sur la famille est vraiment le premier recours pour les adolescents et les enfants souffrant de troubles d'alimentation. Il s'agit d'une thérapie ambulatoire. Nous avons des services en milieu hospitalier, et nous en avons bien besoin pour les personnes les plus malades, mais notre but c'est d'admettre les enfants, de les stabiliser, et ensuite de les sortir de l'hôpital le plus rapidement possible pour participer à cette thérapie Maudsley, qui est axée sur la famille et qui est le seul traitement fondé sur des preuves dont nous disposions.
    Nous savons que ces traitements sont bons, et je dis bon par rapport à excellent. Ils sont bons. Nous savons que 75 % des jeunes récupèrent grâce à ce traitement, mais les 25 % restants ne récupèrent pas et ont besoin de quelque chose d'autre, de quelque chose de différent.

  (1705)  

    Désolée de vous interrompre, mais nous avons d'autres intervenants.
    Merci beaucoup, docteure Katzman.
    Merci beaucoup de votre témoignage.
    Vous avez sept minutes, madame Hughes.
    Docteure Elliott et docteure Katzman, merci beaucoup pour vos présentations.
    J'ai une question au sujet de la recherche. Vous avez dit qu'il faut financer la recherche, et que le programme d'études en médecine doit être élargi. Vous l'avez mentionné toutes les deux.
    Je vais partager mon temps avec M. Harris.

[Français]

    Entendez-vous l'interprétation simultanée?

[Traduction]

    Oui.
    Oui.

[Français]

    Mes questions sont les suivantes. Est-ce qu'il y a des modèles déjà existants que nous devrions considérer? Est-ce que certains gouvernements investissent des sommes significatives dans des programmes consacrés à l'éducation ou au traitement? De plus, y a-t-il des études ou des rapports sur lesquels le comité devrait se pencher dans le cadre de ses travaux?
     Je voudrais savoir également quel est le montant investi par le Canada dans la recherche à cet égard comparativement aux États-Unis ou au Royaume-Uni? J'ai entendu dire que ce dernier était l'un des plus avancés dans ce domaine.

[Traduction]

    Je vais d'abord parler de la recherche.
    Il y a des exemples que vous devriez souligner, par exemple les instituts nationaux de la santé aux États-Unis. Tom Insel a fait des troubles de l'alimentation un axe de recherche très important aux États-Unis. Je vous conseille de consulter ses travaux. Au Royaume-Uni, on a également fait beaucoup de travail sur les troubles de l'alimentation, en mettant en place des directives de traitement, et, au niveau de son système de soins de santé, comment diviser... ou comment assurer une bonne prestation de soins pour les troubles de l'alimentation. Ces deux pays ont encore beaucoup de chemin à faire avant de constituer une norme de référence en la matière, mais c'est vers cet objectif qu'ils travaillent.
    Au niveau du financement, je crois que nous en avons beaucoup moins qu'aux États-Unis, et j'insiste sur ce point. Or, les États-Unis ont un taux de financement très faible pour les troubles de l'alimentation.
    À titre de chercheure, une grande partie de mon financement provient des National Institutes of Health américains, qui ont des budgets réservés pour les troubles de l'alimentation. Au Canada, il n'y a pas de financement prévu à cette fin, ni de fondation spéciale vouée à cette cause.
    Donc, il nous reste beaucoup de chemin à faire sur le plan de la recherche et sur le plan du financement de cette recherche.

  (1710)  

    Monsieur Harris.
    La dernière partie de votre réponse m'a surpris un peu, à savoir que vous recevez du financement et du soutien du gouvernement des États-Unis, plus précisément les NIH, et pourtant nous n'avons pas vraiment de financement au niveau fédéral ici au Canada.
    Est-ce que vous voudriez que cela change?
    Absolument.
    Les études que j'effectue visent à cerner les complications médicales qui découlent des troubles de l'alimentation. Nous avons une étude d'envergure financée par les NIH sur le traitement de l'ostéoporose chez les jeunes adolescents atteints de troubles de l'alimentation. Cela fait sept ou huit ans que l'étude est financée par les National Institutes of Health. Ça serait génial d'avoir du financement pour ce genre de choses dans le domaine des troubles de l'alimentation. Je pourrais vous donner toute une liste de sujets de recherche pour lesquels il y a un besoin criant, et du financement dont on aurait besoin également.
    J'ajouterais qu'il y a au Canada des cliniciens et des chercheurs très compétents en matière de troubles de l'alimentation. Une collaboration pancanadienne nous permettrait d'élaborer des initiatives de recherche très importantes.
    Oui. Merci beaucoup.
    Bien sûr, tout ce qui peut améliorer la santé, surtout lorsqu'on parle de la prévention — et nous savons que mieux vaut prévenir que guérir — permettra des économies dans le système des soins de santé, ce qui nous laissera davantage d'argent pour investir dans des ressources.
    C'était intéressant d'entendre, je crois que c'est la docteure Elliott qui l'a dit, que ses programmes connaissent un taux de réussite de 75 %, ce qui veut dire que le taux d'échec est de  25 %.
    Vous, et le témoin précédent, avez parlé des bons programmes qui existent au Royaume-Uni. L'un d'entre vous saurait quel est le taux de réussite au Royaume-Uni?
    Les études que je vous ai citées ont été menées de front par les États-Unis et le Royaume-Uni. Dans l'ensemble, il y a peut-être maintenant environ 15 à 20 études qui portent sur le traitement en milieu familial, et de toutes ces études, selon la période de suivi des patients, je dirais que le taux de rétablissement est d'environ 75 %. Je parle des données des États-Unis et du Royaume-Uni.
    Avons-nous des données canadiennes pour les programmes auxquels nous avons participé? Nos taux de succès sont-ils similaires?
    Je crois que oui, du moins pour notre programme. Je suis certaine qu'April pourra donner de l'information sur son programme également.
    Je ne le sais pas pour l'hôpital pour enfants, mais dans notre programme, nous avons un analyste. Je crois que nous avons de la chance d'avoir une personne affectée à cette tâche. Nous prenons des mesures au début et à la fin de chaque segment de notre programme, puis un analyste examine les données.
    Je crois que nous avons l'un des rares programmes à profiter de ce luxe. Le besoin est donc là. En effet, il faut pouvoir se baser sur des mesures pour faire des changements, et ce n'est pas le cas partout.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Mme Young, pour sept minutes, s'il vous plaît.
    Je vous remercie toutes les deux de vos exposés, que j'ai trouvé extrêmement détaillés
    J'imagine que nous faisons cette étude parce que nous avons appris qu'un nombre incroyable de personnes souffre de cette maladie et a besoin d'aide et de soutien. On parle de 1,5 % des femmes, soit 525 000, je crois que c'est le chiffre que vous avez toutes les deux avancé.
    Je crois comprendre qu'il y a ici des résultats positifs en ce sens que, évidemment, vous avez travaillé très fort à Calgary pendant 14 ans, et la Dre Katzman, pendant 28 ans au Canada et à Toronto, pour mettre en place des programmes efficaces. Nous entendons parler d'un taux de succès de 75 %.
    À titre de sociologue, la question que je me pose... Vous avez déjà travaillé très fort et très longtemps à la création de programmes au sein des systèmes de soins de santé provinciaux. Comme vous le savez, au Canada, le système de prestations de soins de santé est de compétence provinciale. Pouvez-vous nous dire comment vous avez été en mesure de créer vos programmes, et comment d'autres provinces, villes ou administrations peuvent créer les leurs et obtenir un taux de succès aussi élevé que vous?
    Nous pourrions peut-être commencer par la Dre Katzman.

  (1715)  

    À mon arrivée, l'hôpital pour enfants faisait déjà figure de champion en matière de troubles alimentaires. Nous nous sommes battus très fort et très longtemps au sein de notre hôpital pour ne pas abandonner cet enjeu, parce qu'à l'époque, il n'y avait en Ontario aucune autre ressource pour les enfants et les adolescents. Aujourd'hui, toutefois, il y en a. Nous sommes ravis que ces autres programmes existent en Ontario.
    Par conséquent, nous avons créé l'Ontario Community Outreach Program for Eating Disorders. Il s'agit d'un réseau qui offre de l'éducation et du soutien aux médecins de premier recours, aux médecins de deuxième recours et aux centres. Les centres de soins tertiaires, comme le CHEO et nous, constituent vraiment la plaque tournante.
    Lorsque les médecins privés ou les médecins des établissements de soins secondaires ont des patients atteints de troubles alimentaires, il peuvent appeler et obtenir du soutien de nos centres. Il y a des programmes d'éducation qui sont offerts une ou deux fois par année. L'Ontario Community Outreach Program for Eating Disorders offre de l'éducation et du soutien aux gens qui veulent offrir des soins aux patients qui souffrent de troubles alimentaires.
    Je crois que le système a réellement aidé, encouragé et habilité les gens à prendre soin de patients souffrant de troubles alimentaires. Ils peuvent être très malades et peuvent prendre beaucoup de temps, mais de savoir qu'on a à sa disposition un centre de soins tertiaires peut être très utile.
    J'aimerais poser une question complémentaire car elle touche, je crois, le coeur du problème.
    Votre groupe est vaillant et de toute évidence vous obtenez du succès et je vous félicite de batailler fort pour obtenir ces résultats et pour que ces services et programmes existent.
    Que faut-il faire de plus? Jusqu'où se battre dans cette cause pour que le taux de réussite ne soit plus de 75 mais plutôt de 100 %?
    Voulez-vous répondre?
    Allez-y.
    Je voulais simplement dire que si vous prenez l'exemple d'une province, et je citerai celui de la Saskatchewan, vous verrez qu'il y a des pédiatres et des psychiatres qui sont compétents et qui pourraient faire ce travail et bâtir un programme. En effet, j'ai eu à Calgary des médecins résidents qui sont retournés plein d'enthousiasme en Saskatchewan pour mettre sur pied un programme, mais ils n'ont pas les ressources nécessaires. Ils ne sont peut-être pas, à ce moment de leur vie, prêts à se battre comme nous l'avons fait dans notre temps. Il n'y a tout simplement pas l'infrastructure nécessaire.
    Il importe non seulement d'avoir les ressources, mais aussi des champions et un plan stratégique. Ici et là au Canada, il y a des programmes qui visent à atteindre cette norme de référence. Il s'agit de rassembler ces programmes, d'examiner le modèle et de créer un plan stratégique afin de pouvoir aider les autres provinces. Je pense que chaque lutte individuelle a été une bonne chose, mais en tant que nation, nous devons apporter aux autres provinces l'appui dont elles ont besoin afin qu'elles ne soient pas obligées de partir de zéro.

  (1720)  

    La seule chose que j'ajouterai, madame Young, c'est qu'il y a des provinces qui ont des programmes de traitement des troubles de l'alimentation. Certaines ont des programmes pour adultes, d'autres en ont pour les enfants et les adolescents, et d'autres encore ont les deux. Il y a enfin des provinces qui n'offrent aucun de ces services pour le moment, alors la tâche n'est pas terminée.
    L'autre chose que j'aimerais vous dire, à titre de pédiatre qui vise un taux de guérison de 100 %, c'est que 75 % ce n'est pas assez. Nous ne sommes qu'au tout début. Nous avons un traitement pour l'anorexie mentale et c'est une thérapie familiale. Si ça ne fonctionne pas, nous essayons divers traitements qui n'ont jamais été étudiés et n'ont pas été prouvés. Nous avons encore beaucoup à faire.
    Je suis entièrement d'accord. C'est pourquoi je vous demandais comment faire pour atteindre 100 %.
    Dans un autre ordre d'idées, il y a 25 ans, nous étions le premier pays au monde à dire que le tabagisme était nuisible, et nous avons légiféré, etc., et maintenant le tabagisme est au plus bas niveau jamais enregistré au Canada. Étant donné que c'est un problème sociétal et culturel, comme nous le disait tout à l'heure Mme Bear du NEDIC, qu'est-ce que vous nous recommandez de faire pour rejoindre et renseigner le plus grand nombre?
    Vous avez une minute.
    Je pense que la Dre Katzman et moi-même avons souligné à maintes reprises que c'est une maladie mortelle, que c'est la maladie psychiatrique qui tue le plus grand nombre de jeunes femmes. Je pense que les gens ne le savent pas. Je pense qu'il y a même de nombreux médecins qui pensent que c'est un choix, que c'est un style de vie. Ce n'est pas un choix. C'est une maladie mentale qui a des conséquences graves, à court terme, et qui peut entraîner la mort. Nous devons faire entendre ce message.
    Nous avons maintenant l'avantage de pouvoir utiliser les réseaux sociaux et d'autres moyens pour diffuser ce message. Les messages d'intérêt public sur la santé sont vraiment importants. Il est vraiment important de travailler avec des gens qui ont souffert de ce trouble et qui ont une certaine visibilité, que le public connaît, et qui parlent de leur expérience. On entend de nombreuses célébrités parler de leur dépression. Mais il est très rare d'entendre quelqu'un parler de ses troubles de l'alimentation et raconter ces effets sur sa vie.
    Merci beaucoup.
    Madame Duncan, vous avez sept minutes.
    Bienvenue à vous deux, et merci pour votre témoignage excellent et très détaillé.
    Je vais me concentrer sur les recommandations, et sur ce que vous aimeriez que nous mettions dans notre rapport afin de mieux servir les familles que vous traitez.
    Ce que me disent les Canadiens qui vivent avec un trouble de l'alimentation, leur famille, les chercheurs et les différents intervenants, c'est qu'ils souhaiteraient qu'il y ait une stratégie nationale sur les troubles de l'alimentation.
    Docteure Katzman, dites-moi si, oui ou non, vous aimeriez qu'il y ait une stratégie nationale. Dans l'affirmative, j'approfondirai la question. Mais d'abord, aimeriez-vous qu'il y ait une stratégie nationale sur les troubles de l'alimentation?
    Oui.
    Merci.
    Docteure Elliott.
    Oui, absolument.
    C'est formidable.
    Pour approfondir, j'aimerais examiner divers éléments. Est-ce qu'il vous faudrait un registre? Quelles sont les pratiques exemplaires? Qu'est-ce qu'il nous faut comme traitement, comme éventail des traitements? Je sais qu'un traitement à long terme est un véritable problème dans notre pays et que certaines familles sont forcées d'aller à l'étranger. Le dernier élément serait le financement de la recherche.
    Je vais vous céder la parole. Soyez aussi précise que possible. Dites-nous: « recommandation 1, voici ce que nous voulons: le registre, les pratiques exemplaires, les traitements et le financement de la recherche ».
    À la fin de mon exposé, j'ai énuméré ce que nous devons faire. Si vous le permettez, je vais vous le lire. Il y a sept choses que je pense que nous devrions faire.
    Nous devrions dépister plus rapidement les jeunes qui ont un trouble de l'alimentation. Cela implique un vaste programme d'éducation et de formation des professionnels de la santé.
    Il nous faut des modalités de traitement plus efficaces. Comme je le disais, nous en avons quelques-unes qui donnent de bons résultats, mais elles ne suffisent pas. C'est dans ce domaine que les cliniciens et les chercheurs doivent collaborer pour trouver des solutions.
    Nous devons nous assurer que des programmes de traitement fondés sur des données probantes sont disponibles dans toutes les provinces afin que ceux qui en ont besoin aient un accès égal et immédiat à ces programmes. Il faut que toute la gamme des lieux de traitement soit disponible au Canada, et cela comprend l'hospitalisation, des traitements en clinique externe, des programmes de traitement et des programmes de traitement en établissement. À l'heure actuelle, en Ontario, nous n'avons pas de programme de traitement en établissement et les enfants qui en ont besoin doivent aller chez nos voisins du Sud. Notre système de soins de santé en fait les frais, alors que nous avons d'excellents cliniciens compétents ici en Ontario qui pourraient facilement traiter ces enfants dans le cadre approprié.
    Nous devons assurer un accès immédiat aux programmes car il y a d'excellentes raisons de croire qu'un diagnostic rapide et des traitements énergiques fondés sur des données probantes sont d'importants facteurs de guérison.
    Nous devons sensibiliser davantage la population à ces troubles, comme nous venons de le dire, particulièrement les personnes qui travaillent avec les enfants et les jeunes femmes.
    Nous devons également travailler à la prévention. Il nous faut des programmes efficaces de prévention, et cela commence par nous tous. Nous devons faire de la prévention à plusieurs niveaux afin d'assurer un message cohérent et la collaboration entre les secteurs de la santé, de l'éducation et des sports.
    Enfin, nous devons mener des recherches de pointe et fournir d'excellents soins cliniques. Il nous faut un programme de recherche et les moyens de financer cette recherche. Dans toutes les rencontres internationales, il y a des Canadiens qui font de la recherche, mais qui ne trouvent pas les fonds nécessaires ici. Il y a des gens très qualifiés ici même au Canada, surtout parmi ceux qui travaillent avec les enfants, les adolescents et les jeunes adultes.

  (1725)  

    Docteure Katzman, c'est très apprécié. Vous nous avez donné sept très bonnes recommandations. Je vais les regarder et je vous demanderais de les remettre au comité.
    Tout à l'heure vous avez parlé de l'identification précoce et de la formation globale. Pourriez-vous remettre au comité les résultats que vous aimeriez voir? Je sais que l'Ontario a un très bon système pour la formation des médecins.
    Vous avez parlé des modalités de traitement plus efficaces. Je me demande si vous pourriez remettre au comité une description de la manière dont on pourrait trouver ces modalités de traitement plus efficaces. J'imagine qu'il faudrait davantage de recherche.
    Vous avez également dit qu'il faut de tels programmes dans chaque province. Est-ce que vous pourriez nous dire quelles provinces en ont et quelles provinces en ont besoin? Nous avons vraiment besoin de ces informations.
    Vous avez parlé de la gamme de traitements qui sont disponibles, et vous avez dit qu'en Ontario nous payons lorsque les familles sont forcées de quitter la province. Est-ce que vous pourriez remettre au comité les documents dans lesquels ces coûts sont établis?
    Je vous demanderais brièvement, parce qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, à quoi devrait ressembler le programme de recherche, à votre avis? Plus vous donnerez de détails, mieux ce sera pour nous pour rédiger notre rapport.
    Combien de temps est-ce qu'il nous reste? Je serai heureuse de vous fournir ces informations dans un rapport.
    Ce serait très bien d'avoir un rapport. Si vous pouviez le remettre au comité, je vous en serais très reconnaissante.
    Alors, vous voulez que j'en parle?
    Vous avez une minute. Encore une fois, c'est moi qui chronomètre.

[Français]

    Je suis désolée.

[Traduction]

    Je ne suis pas sûre de pouvoir bien résumer tout cela en une minute. Il y a eu tellement de choses qui ont été remises au comité.
    Alors, de quoi est-ce qu'on a parlé?
    Docteure Katzman, je crois que Mme Duncan vous demande plus de détails sur le point que vous avez déjà tellement bien fait valoir. Peut-être que la greffière pourra communiquer avec vous. Lorsque nous aurons les bleus, nous allons pouvoir envoyer ce qu'il nous faut vraiment. Je pense que ce serait très utile au comité, parce que vos sept points ont été vraiment très utiles.
    Avec plaisir.
    Madame Duncan, j'ai pris une partie de votre temps de parole.

  (1730)  

    Non, c'était génial. Nous pouvons remettre cela au comité.
    Ça va? D'accord.
    J'aimerais vous remercier docteure Elliott et docteure Katzman, de votre patience, de votre passion et de votre dévouement. Votre témoignage a été très utile au comité.
    J'invite tous les membres du comité qui n'ont pas eu l'occasion de poser une question aux témoins de remettre leurs questions à la greffière. Celles-ci seront communiquées aux témoins qui pourront ensuite y répondre par écrit.
    Je vous remercie à nouveau d'être venus.
    Madame la présidente, vous avez fait un excellent travail. Merci beaucoup.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons nous revoir la semaine prochaine, soit lundi.
    La séance est levée.
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