Passer au contenu
Début du contenu

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 023 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 30 avril 2014

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Nous en sommes à la 23e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
    Cette séance est télévisée.
    Nous avons le plaisir d'accueillir trois représentants de l'Association du Barreau canadien: Christopher Veeman, Barbara Jackman et Kerri Froc. Bon après-midi, et merci d'être venus. Nous recevons aussi Robin Seligman, avocate — c'est la journée des avocats — et nous entendrons par téléconférence, à partir de la Colombie-Britannique, Richard Kurland, que le comité connaît bien et qui est aussi avocat. Vous allez tous devoir faire très attention à ce que vous dites aujourd'hui.
    Madame Jackman, allez-vous parler au nom de l'Association du Barreau?
    Vous disposez d'un maximum de huit minutes.
     L'Association du Barreau canadien se réjouit de comparaître devant le comité aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-24, Loi renforçant la citoyenneté canadienne.
    L’Association du Barreau canadien est une association bénévole qui regroupe 37 500 avocats répartis dans l’ensemble du pays et dont les principaux objectifs sont notamment de promouvoir la primauté du droit ainsi que l'amélioration du droit et de l’administration de la justice. C'est dans cet esprit que les membres de notre section du droit de l'immigration ont formulé les observations que nous vous avons soumises par écrit et dont nous vous parlerons aujourd'hui.
    Chris Veeman, qui est membre de l'exécutif de la section du droit de l'immigration de l'ABC, et Barbara Jackman, membre de la section, m'accompagnent ici aujourd'hui. Je vais maintenant les laisser vous exposer la teneur de nos observations au sujet du projet de loi.
    Le renforcement de la sécurité canadienne est un objectif que nous partageons tous. L'ABC estime qu'il est très important de tenir un vaste débat public sur ce sujet.
    La dernière fois que des modifications importantes ont été apportées à la loi, en 1977, le gouvernement a publié un livre blanc et a organisé des tribunes aux quatre coins du pays pour s'assurer que tous les citoyens du Canada pourraient participer aux discussions. Nous invitons le gouvernement à envisager le même genre d'approche dans ce cas-ci. Un grand nombre des propositions contenues dans le projet de loi nous surprennent à certains égards et nous réagissons sans en connaître la véritable raison d'être.
    Je vais parler de deux des sujets dont nous traitons dans notre mémoire à savoir l'attribution de la citoyenneté et un aspect particulier de cette question, soit l'intention de résider au Canada.
    De façon générale, l'ABC estime que le projet de loi, qui s'intitule Loi renforçant la sécurité canadienne, part du principe qu'en rendant quelque chose plus difficile à obtenir on augmente sa valeur. L'ABC considère que la citoyenneté est un ensemble de droits et qu'il faudrait l'évaluer en fonction des droits qu'elle confère à son détenteur. Il ne suffit pas de la rendre plus difficile à obtenir pour l'améliorer.
     Le projet de loi C-24 va rendre l'obtention de la citoyenneté canadienne plus difficile, mais l'ABC estime qu'il n'améliore pas les droits des citoyens. L'ABC considère que cette mesure diminue la citoyenneté canadienne en comptant uniquement sur l'efficience administrative pour évaluer les demandes de citoyenneté, en réduisant le droit d'appel des personnes impliquées dans un litige touchant la citoyenneté et en permettant le bannissement de citoyens canadiens, le sujet dont ma collège parlera.
     En ce qui concerne l'attribution, le projet de loi C-24 met l'accent sur l'efficacité du traitement des demandes de citoyenneté. Malheureusement, l'ABC estime que cette efficience est atteinte aux dépens des valeurs canadiennes que sont la discrétion et la compassion. Le seul critère de résidence reconnu en vertu de ce projet de loi est la présence effective au Canada. Nous citons, dans notre mémoire, un certain nombre d'exemples publiés dans le Guide opérationnel de CIC CP5, qui montre le genre de situations dont il faudrait, selon nous, tenir compte pour les demandeurs de la citoyenneté. Prenons, par exemple, un jeune résident permanent qui obtient une bourse Rhodes pour aller étudier à Oxford. Le projet de loi C-24 pourrait l'obliger à renoncer soit à cette bourse, soit à sa demande de citoyenneté.
    Je voudrais parler brièvement de « l'intention de résider ». Comme vous le verrez dans notre mémoire, l'ABC a des réserves au sujet de cette proposition. Premièrement, contrairement au reste de la portée du projet de loi, nous estimons que cela compliquera l'évaluation des demandes de citoyenneté. Il est presque impossible de déterminer les intentions d'une personne au moment de sa demande.
    D'autre part, cette disposition crée une distinction injuste entre les citoyens de naissance qui n'ont pas l'obligation de résider au Canada et les citoyens naturalisés.
    Comme il ne me reste presque plus de temps, je vais céder la parole à Barbara.

  (1535)  

    Je vais parler de la révocation de la citoyenneté. Quelqu'un devra me dire quand mon temps sera épuisé.
    J'aurais trois choses à mentionner. La révocation de la citoyenneté d'une personne née au Canada parce qu'elle a peut-être une double citoyenneté et a commis une infraction proscrite par la loi est quelque chose de nouveau. C'est un changement fondamental. Cela risque d'entraîner le bannissement ou l'exil pour des personnes qui sont nées ici et qui ont grandi ici. C'est un pas en arrière, un énorme pas en arrière que l'on prend sans véritable débat ou discussion nationale pour savoir si les Canadiens veulent que la citoyenneté soit modifiée de cette façon.
    Quand nous enseignons à nos enfants, dans nos écoles, que l'article 3 de la Charte confère à un citoyen le droit de voter à une élection et que l'article 6 leur accorde le droit de demeurer au Canada, d'y entrer, d'y rester ou d'en sortir librement, nous ne leur disons pas que c'est seulement une question de loi, que lorsque le Parlement craint que des jeunes Canadiens puissent faire certaines choses, étant donné que cela vise les jeunes Canadiens qui ont commis des infractions dans d'autres pays, comme il n'aime pas ce que font ces jeunes Canadiens, il va modifier la citoyenneté et l'enlever à certaines personnes. C'est fondamental.
    Il s'agit d'un concept fondamentalement différent de la citoyenneté qu'il faut examiner de plus près. Il faut en discuter et en débattre. Nous estimons que cela pourrait poser de sérieux problèmes sur le plan des droits de la personne. Cela en soulève. Il se pourrait que ce soit contraire à la Charte. La Cour suprême du Canada a déjà déclaré par le passé que nous ne pouvons pas exiler des Canadiens. En redéfinissant qui est un Canadien, vous autorisez l'exil. Ce n'est pas acceptable. C'est contraire à la Charte. Il semble que ce soit contraire à la Charte et je m'attends à ce que cela entraîne d'importantes procédures judiciaires.
    Un autre problème est que cette mesure est rétrospective et qu'encore une fois, elle touche seulement les personnes qui possèdent peut-être la citoyenneté d'un autre pays. Il faudra prouver qu'on ne possède pas la citoyenneté d'un autre pays, même si l'on n'a pas de passeport de ce pays. Par conséquent, les personnes qui n'ont pas droit à la citoyenneté d'un autre pays grâce à un grand-parent ne seront pas exilées. Celles qui peuvent revendiquer une autre citoyenneté grâce à un parent ou grand parent ne seront pas protégées. Elles seront exilées du Canada. La loi est peut-être également contraire à la Charte parce qu'elle défavorise injustement certaines personnes en fonction des lois sur la nationalité d'un autre pays.
    Les motifs de révocation de la citoyenneté posent également un problème.
    Ai-je dépassé les huit minutes?
    Il vous reste une minute.
    Très bien. Une minute.
    Les motifs de révocation de la citoyenneté ont une vaste portée. Il suffit de penser aux Canadiens qui ont pris place à bord du navire de Greenpeace, qui sont montés sur la plate-forme pétrolière russe au nom de Greenpeace. Ils ont été accusés de piraterie et de houliganisme passibles de peines de 7 ans et 15 ans d'emprisonnement. Ils pourraient être dépossédés de leur citoyenneté s'ils avaient accès à une autre nationalité. Ce n'est pas suffisamment grave pour révoquer la citoyenneté.

  (1540)  

    Vous avez terminé?
    Je pensais que mon temps était écoulé. Si j'ai des minutes supplémentaires, je vais aborder une autre question.
    Non. Il vous reste environ 30 secondes.
    Dans ce cas, à propos de la décision du ministre, vous ne devriez pas enlever le pouvoir décisionnel aux tribunaux. Ce processus ne prévoit pas de décideur indépendant et impartial. La révocation de la citoyenneté représente un changement fondamental et on ne doit pas laisser un ministre ou un politicien prendre cette décision en l'absence de tout processus équitable.
    Merci.
    Je n'ai jamais vu un avocat gaspiller 30 secondes.
    Madame Seligman, c'est maintenant à vous et vous disposez de huit minutes.
    Si vous pouviez m'avertir, j'apprécierais beaucoup.
    Je vais faire de mon mieux.
    Merci infiniment.
    J'appuie vivement la position de l'Association du Barreau canadien. Je vais essayer de revenir sur certains points que nous n'avons pas eu le temps de développer.
    Nous avons de sérieuses inquiétudes — et je m'inquiète vivement — au sujet de ce grave changement de direction de la citoyenneté. Cela rend la citoyenneté plus vulnérable et totalement fragile.
    Encore une fois, n'oubliez pas que cela touche des personnes nées au Canada, par conséquent, des personnes qui n'ont jamais vécu dans un autre pays, mais qui pourraient revendiquer une autre citoyenneté grâce à des parents ou grands-parents.
    En voyant les noms dans cette salle, je peux vous dire que la plupart des personnes qui sont ici sont probablement dans cette situation. Cela touche les gens qui ont des parents italiens, britanniques, chinois et cela pose particulièrement le problème de tout Juif vivant au Canada qui a le droit de s'installer en Israël et de revendiquer la citoyenneté israélienne. J'ai fourni des documents sur la loi du retour et chaque personne juive du Canada peut être touchée par cette loi parce qu'elle pourrait revendiquer la citoyenneté israélienne.
    Je trouve aussi particulièrement inquiétant que la loi impose à une personne l'obligation de prouver qu'elle ne deviendra pas apatride, et je vous demande donc d'examiner l'article 10.4 proposé qui le stipule.
    D'autre part, il n'y a pas de droit d'appel. Il est seulement question d'un contrôle judiciaire et si j'en ai le temps, je vais décrire ce que cela signifie.
     Pour être honnête avec vous, si vous recevez une contravention de stationnement à Toronto ou sans doute n'importe où au Canada, vous aurez davantage droit à un procès équitable et un droit d'appel qu'en vertu de la Loi sur la citoyenneté suite aux propositions du projet de loi C-24. Votre contravention de stationnement vous donne droit à un procès équitable. La Loi sur la citoyenneté proposée ne vous y donne pas droit. C'est au ministre qu'il revient de décider si vous y aurez droit ou non. Cela peut prendre une dimension très politique et il faudrait certainement enlever ce genre de décisions au ministre.
    D'autre part, la loi ne laisse aucune latitude. Il n'y a pas d'examen pour considérations humanitaires et la loi n'autorise pas un décideur à réexaminer toutes les circonstances d'un cas. Comme Barb l'a dit, apparemment, la loi cible des jeunes Canadiens qui ont commis des actes qui semblent haineux. Néanmoins, si vous examinez la définition donnée du terrorisme dans le Code criminel, elle est très vaste. Elle comprend le financement, le fait de donner de l'argent, de faire un don. Par exemple, Mohamed Fahmy, le journaliste, se trouve actuellement en Égypte, en prison. Ces dispositions s'appliqueraient à lui. Il a été accusé de terrorisme en Égypte pour avoir diffusé des reportages présentant la position des Frères musulmans. Ce serait visé par notre loi. Voulons-nous vraiment que ce genre de chose arrive? Est-ce ainsi que nous voulons valoriser la citoyenneté? Ou la dévaloriser?
    À mon humble avis, si vous avez lu la loi en détail, vous ne comprenez peut-être pas entièrement à quel point ses dispositions sont vastes et combien de gens elles toucheront. Je ne pense vraiment pas que la plupart des Canadiens le comprennent, et c'est pourquoi je suis entièrement d'accord pour dire que cette loi et ses vastes ramifications doivent faire l'objet d'un débat et d'une discussion approfondis dans l'ensemble du pays.
    Comme je l'ai dit, presque toutes les personnes ici présentes ou leurs enfants ou petits-enfants seraient probablement touchés parce qu'ils pourraient revendiquer la citoyenneté d'un autre pays. Par conséquent, cela ne vise pas seulement ceux qui possèdent déjà la citoyenneté d'autres pays. Les personnes qui peuvent prétendre à une autre citoyenneté en fonction des lois d'un autre pays seraient visées par cette mesure. Comme je l'ai dit, ces dispositions sont très vastes sur le plan du terrorisme et des infractions qui pourraient être considérées dans le cadre de cette loi.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste cinq minutes.
    Les motifs de révocation proposés peuvent être invoqués dans le contexte politique. Dans de nombreux pays, on se sert des allégations de terrorisme pour punir des adversaires politiques. C'est facilité par des faibles seuils de preuve et des procès injustes et les tribunaux peuvent imposer des peines plus lourdes. Il suffit de considérer l'équivalent en droit canadien — comme je l'ai dit, les accusations portées contre M. Fahmy correspondraient à l'accusation équivalente en vertu de la législation canadienne — pour que la loi s'applique à vous. Encore une fois, le ministre est libre de tenir ou non une audience.
    J'ai dit que je parlerais du droit d'appel. Selon la loi proposée, il faudrait obtenir l'autorisation d'en appeler à la Cour fédérale, ce qui veut dire, l'autorisation d'aller devant les tribunaux. Je voudrais expliquer la différence entre un appel et une autorisation de contrôle judiciaire.
    Une autorisation d'interjeter appel, qui doit remplir des critères très exigeants et qui est accordée dans seulement 15 à 20 p. 100 des causes portées devant la Cour fédérale — est une approche très légaliste fondée sur des erreurs de droit et la supervision judiciaire. Les juges de la Cour fédérale ne peuvent pas rendre une autre décision; ils ne peuvent pas recevoir de nouvelles preuves et ne peuvent pas invoquer des motifs humanitaires. C'est donc une procédure sur papier à caractère très légaliste. Cela n'a rien à voir avec une véritable procédure d'appel fondée sur des nouvelles preuves ou d'autres circonstances entourant l'affaire. Il n'y a pas d'audience en personne. L'avocat ou l'intéressé peuvent seulement présenter leurs arguments par écrit.
    Je crois très important que le comité comprenne bien qu'il n'y a pas de contrôle judiciaire, car j'ai entendu des employés du gouvernement dire: « Cela peut être réexaminé à la Cour fédérale. » Il s'agit d'une autorisation d'interjeter appel qui a une portée très limitée et ne permet pas un examen de fond de nouvelles preuves ni une nouvelle évaluation du cas alors qu'un appel le permettrait. Comme je l'ai dit, une contravention de stationnement vous accorderait plus de droits devant les tribunaux que ces dispositions.
     Aujourd'hui, par exemple, comme on peut le lire dans le Toronto Star, Ottawa a déclaré qu'un organisme de bienfaisance est une organisation terroriste. Il s'agit d'IRFAN, l'International Relief Fund for the Afflicted and Needy. C'est un exemple. De nombreux Canadiens ont fait des dons à cet organisme. Si vous lui avez fait un don, pour vous donner une bonne idée de ce qu'est le terrorisme au Canada, vous pourriez être visé par les dispositions de l'article 83 du Code criminel pour avoir financé une organisation.
    Le chapitre humanitaire de cet organisme accordait de l'argent pour aider les enfants et les nécessiteux. Voilà un exemple récent du genre d'activité que le ministre pourrait considérer comme étant visé par ces dispositions. Nous ne savons pas si, à l'avenir, quelqu'un d'autre pourrait inclure ou non ce genre d'activité. Le financement et les dons d'argent seraient visés par les dispositions de la loi à l'égard du terrorisme. Voilà un exemple qu'on peut trouver dans le journal aujourd'hui.
    Également, la peine de cinq ans s'adresse spécifiquement aux attaques terroristes — toutes les autres peines prévues dans la loi sont à perpétuité — commises à l'intérieur du Canada ou à l'étranger. Comme nous pouvons le voir dans le cas de nombreux Canadiens qui se trouvent dans ce genre de situations à l'étranger, en général, les peines sont beaucoup plus lourdes que cinq ans. Par conséquent, cinq ans, c'est presque une simple réprimande pour ce genre d'activité et il faudrait réexaminer cela sérieusement.
    Merci.

  (1545)  

    Merci, madame.
    Monsieur Kurland, bienvenue encore une fois au comité. J'ai toujours du plaisir à entendre vos exposés. Que nous les aimions ou non, ils sont toujours excellents.
    Vous disposez de huit minutes, monsieur, pour nous faire votre exposé.
    Merci, monsieur le président, et je suis ravi de comparaître, même à distance, devant le comité en m'excusant de ne pas pouvoir être là en personne.
    Cela dit, je voudrais mettre en lumière les changements positifs spectaculaires et pragmatiques proposés à la Loi sur la citoyenneté et souligner un problème de conception systémique dans une partie de la loi qui pourrait avoir des conséquences inattendues.
    Le changement le plus positif est l'obligation de faire une déclaration d'impôt. Cela va changer la donne. Les familles peuvent planifier à l'avance ce que représente l'obtention et la conservation de la citoyenneté canadienne. La période de six années est raisonnable et s'impose étant donné qu'il s'agit d'un engagement à vie envers le Canada.
    L'obligation de résidence pendant quatre années sur six avec un minimum de 183 jours par année pendant quatre ans au cours de ces six années tranche un noeud gordien. Nous avons, pour la première fois, un seuil pragmatique et transparent pour l'obtention de la citoyenneté canadienne. Cela se faisait attendre depuis longtemps.
    Il y a un problème, un défaut de conception que je voudrais signaler à l'alinéa 10(3)a) proposé. Je vais lire le passage en question: « Avant de révoquer la citoyenneté d'une personne ou sa répudiation, le ministre l'avise par écrit de ce qui suit: a) la possibilité pour celle-ci de présenter des observations écrites ».
    C'est insuffisant.
    Comment se fait-il que pour révoquer le statut de réfugié, on accorde à l'intéressé le droit à une audience? Comment se fait-il que pour révoquer le statut de résident permanent, on accorde à l'intéressé une audience? Un citoyen n'a pas droit à une audience lorsqu'il est confronté à la révocation de sa citoyenneté?
    C'est un défaut de conception et, à mon humble avis, Mme Jackman, Mme Seligman et d'autres n'ont peut-être pas tout à fait tort d'invoquer la Charte pour défendre les droits individuels en pareille situation.
    Voilà ce que je voulais signaler. Ce problème peut être réglé facilement et rapidement, mais dans l'ensemble, le projet de loi est satisfaisant. Et je vais laisser le temps restant pour les questions qui viendront.

  (1550)  

    Elles arrivent, monsieur Kurland.
    M. Opitz va commencer.
    Merci, monsieur le président et je remercie tous nos témoins de comparaître aujourd'hui. Je l'apprécie vraiment.
    Richard, j'ai tellement l'habitude de vous voir au bout de la table plutôt que sur un écran de télévision. Je ne sais pas si je vais pouvoir m'y habituer, mais je pense que nous y arriverons.
    Mesdames et messieurs, merci beaucoup, encore une fois, pour vos exposés. Christopher, vous avez cité certains exemples au début.
    Mes parents sont arrivés ici à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans des circonstances très difficiles, et il n'a pas été facile pour eux d'obtenir la citoyenneté. À l'époque, vous aviez un contrat de deux ans. On vous donnait un emploi pendant deux ans et vous deviez l'exercer. Souvent, les anciens combattants alliés, en particulier, reprenaient des emplois libérés par d'anciens prisonniers de guerre. C'était très humiliant, je dois dire. Mais ils ont quand même persisté et tenu bon. Je dois dire que mes parents ont attaché beaucoup de valeur à la citoyenneté canadienne. Ils ont 94 et 87 ans, respectivement, et ils sont plus fiers que jamais d'être des citoyens canadiens, un sentiment qu'ils ont su nous faire tous partager. Oui, je suis né au Canada et j'en suis très fier, et j'ai aussi servi notre pays pendant de nombreuses années, dans l'armée.
    Par conséquent, quand nous avons des dispositions qui permettent aux résidents permanents qui servent dans les Forces canadiennes d'obtenir plus rapidement la citoyenneté, je pense que c'est vraiment la chose à faire pour les personnes qui sont prêtes à risquer leur vie pour le Canada.
    À mon avis, des dispositions permettant aux gens de mériter de devenir canadiens et de comprendre la valeur de la citoyenneté sont tout à fait logiques. Pour reprendre les paroles de Richard, c'est pragmatique, c'est dramatique, et les gens doivent comprendre la valeur de la citoyenneté.
     Nous avons un guide Découvrir le Canada qui informe le public. Tout d'abord, nous parlons des personnes qui commettent des infractions au Canada. Elles ne devraient pas venir chez nous pour commettre des infractions. C'est dans le guide Découvrir le Canada. Vous n'immigrez pas pour vous conduire en criminel dans le pays de quelqu'un d'autre. Parfois, certains le font et c'est peut-être intentionnellement. Mais c'est une chose que nous devrions, bien entendu, prendre à coeur. Notre gouvernement conservateur a préparé le guide Découvrir le Canada pour faire savoir clairement ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas dans notre pays, comment voter, quelles sont nos procédures, à quoi ressemble notre démocratie. C'est un guide très clair, je pense, que les gens doivent suivre.
    Quand ce projet de loi a été préparé, soit dit en passant, il a été examiné, bien entendu, par le ministère de la Justice, par nos avocats. Néanmoins, Richard, je prends note de vos observations au sujet de l'article 10 proposé. Bien sûr, elles font maintenant partie du compte rendu et je pense que nous allons les examiner. Néanmoins, voici deux questions que je vais vous poser pour ne pas partir sur une tangente et gaspiller tout mon temps.
     On fait souvent l'erreur de croire, à propos de ce projet de loi, que la disposition concernant « l'intention de résider » est anticonstitutionnelle. Lundi, le ministre Alexander a comparu devant nous et a confirmé que le projet de loi avait été vérifié non seulement par l'équipe juridique de Citoyenneté et Immigration Canada, comme je viens de le dire, mais, bien sûr, par le ministère de la Justice. Je sais que vous approuvez particulièrement la définition de la « résidence » donnée dans le projet de loi, dans la loi.
    Par conséquent, croyez-vous que la définition de la « résidence » figurant dans le projet de loi renforce la valeur de la sécurité canadienne et permet également de réduire la fraude à l'égard de la résidence sinon de l'éliminer entièrement?
    Dites-moi ce que vous en pensez, monsieur.
    En principe, c'est précisément la direction à prendre. J'ai quelques objections à l'égard de la méthode. On a souligné qu'il faut également examiner la lacune que représente l'absence de droit d'appel. L'intention de résider est une expression très vague. À quel moment est-elle évaluée? Que se passe-t-il si les circonstances évoluent? Qui va prendre cette décision? L'intéressé aura-t-il le droit de présenter sa cause par écrit et verbalement devant le décideur?
    Je soulignerais simplement l'intérêt d'avoir Mme Jackman ici. C'est l'avocate qui était mécontente de l'absence d'audience pour la détermination du statut de réfugié. Et nous savons ce qui s'est passé ensuite dans l'arrêt Singh. Par conséquent, nous sommes effectivement sur la bonne voie, l'esprit de la loi est bon, son intention est bonne, mais un comité permanent a pour mission de perfectionner la lettre de la loi pour atteindre ses objectifs et c'est ce que nous faisons maintenant.

  (1555)  

    J'ai également discuté en public du nouveau modèle décisionnel qui réduit les étapes de trois à une seule. Cela va-t-il améliorer énormément les délais de traitement, selon vous? Quant à la deuxième partie de cette question, est-il donc important que ce projet de loi soit adopté le plus tôt possible pour que ceux dont la demande est en cours obtiennent des délais de traitement plus rapides?
    Je pense que ceux dont la demande est en cours devraient abandonner leur demande et en présenter une en vertu du nouveau système s'ils remplissent les exigences relatives à la présence effective. Les premiers à faire leur demande devraient être les premiers à obtenir une réponse.
    Oui, les outils nécessaires pour accélérer le traitement des demandes de citoyenneté sont maintenant présents dans la loi proposée. Du point de vue opérationnel, je peux envisager une réduction du délai de traitement de quatre ans à moins de 18 mois.
    D'autre part, les gens oublient. Étant donné l'élégante simplicité du calcul de la résidence, pour faire le calcul, vous pouvez utiliser, comme ressources humaines, un personnel moins qualifié pour certaines demandes, si bien que cela permettra de traiter plus de dossiers plus rapidement et pour moins cher.
    Il vous reste une minute, monsieur Opitz.
    Nous avons réglé une bonne partie de la pagaille créée au cours des années passées. Bien entendu, en 1947, quand la loi a été adoptée et au cours des décennies, nos amis libéraux ont fermé la porte à un grand nombre de citoyens canadiens. Mais je pense que nous avons résolu le problème en grande partie.
    Un élément du projet de loi va-t-il également faire en sorte que le reste des Canadiens dépossédés de leur citoyenneté puissent l'obtenir? Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Les gens qui croient vraiment dans le processus démocratique que nous avons au Canada devraient penser, par exemple, aux Canadiens dépossédés de leur citoyenneté. Il a fallu du temps. Il a fallu des ressources. Justice a été rendue. Félicitations aux Canadiens dépossédés de leur citoyenneté!
    Merci, monsieur Opitz.
    Madame Blanchette-Lamothe.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie tous les témoins d'être ici avec nous aujourd'hui.
    J'aimerais revenir sur ce qu'a dit le ministre devant le comité, lundi dernier. Il a dit, et je le cite:

Nous croyons que ce projet de loi [en parlant de C-24] est entièrement en accord avec les exigences de notre Constitution.
    Le ministre semble convaincu que ce projet de loi est constitutionnel. Je me demande si vous avez des réserves ou des doutes par rapport à cette affirmation du ministre.
    Comme il n'y a aucune réponse, je demanderais aux représentants de l'Association du Barreau canadien s'ils ont des commentaires à faire à ce sujet.

[Traduction]

    Désolée, mais je vais devoir répondre en anglais, si c'est possible.
    Bien entendu.
    Je rappelle aux membres du comité qu'ils ont adopté d'autres lois que la Cour suprême du Canada a invalidées, et cela encore récemment. Par conséquent, même si le ministère de la Justice et le ministre disent que c'est constitutionnel, cela ne veut pas dire que ce soit le cas. À mon avis, il faut vraiment se poser la question étant donné que dans l'affaire Chieu, un de ses plus récents jugements, la Cour suprême s'est demandé s'il était juste ou non qu'un fonctionnaire supprime à lui seul un droit important.
    Vous avez le ministre, qui va agir en fonction de considérations politiques et enlever sa citoyenneté à une personne née au Canada suite à une infraction. Cette disposition sera utilisée de façon sélective et injuste. Vous ne pouvez pas vous attendre à une audience juste, impartiale et indépendante devant un ministre qui est le champion politique de cette mesure visant à priver des gens de leur citoyenneté. Il ne sera pas un décideur équitable. Il faut un tribunal.

  (1600)  

[Français]

    Madame Seligman, avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet?

[Traduction]

    Je suis entièrement d'accord. À mon avis, si c'est adopté sous sa forme actuelle, cela va bien entendu se retrouver devant la Cour suprême.
    Je voudrais rappeler ce qui suit au comité, car je pense qu'un de ses membres vient de dire que les gens lisent notre guide où nous leur disons que s'ils viennent ici pour commettre des actes criminels, ils ne seront pas autorisés à rester chez nous. N'oubliez pas que cela touche des personnes nées au Canada. Cela touche vos enfants, vos petits-enfants et vous-mêmes.
    En voyant certains de nos noms, je dirais qu'environ 75 p. 100 des personnes présentes dans cette salle ont des ancêtres à l'étranger et ont peut-être droit automatiquement à la citoyenneté de ces pays sans avoir à faire quoi que ce soit. Vous êtes touchés. Alors s'il vous plaît, cette mesure ne peut pas être conforme à la Charte quels que soient les avis que reçoit le ministre.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Kurland, avez-vous quelque chose à dire à propos de l'affirmation du ministre concernant la constitutionnalité de ce projet de loi?
    Oui.
    Nonobstant les prétentions du ministre et du ministère de la Justice, je crois qu'effectivement, il y a une lacune. L'absence d'un processus d'appel est très importante et il est certain que les juges vont beaucoup y réfléchir. Je ne partage pas l'opinion juridique du ministère de la Justice. Je crois que le ministre ne fait pas partie d'un barreau au Canada. Son mandat se limite à des décisions politiques.
     Pour ce qui est de l'exil, je pense que vous en avez parlé, madame Seligman, de même que l'Association du Barreau canadien.
     J'aimerais demander à Mme Jackman et peut-être aussi à M. Kurland s'il est vrai qu'en vertu du projet de loi C-24, une personne née au Canada pourrait être exilée dans un pays dont elle ne connaîtrait ni la langue, ni quoi que ce soit d'autre.
     Est-ce bien le cas?

[Traduction]

    Absolument. L'article 10.4 proposé confère à la personne née au Canada l'obligation de prouver qu'elle ne deviendrait pas apatride. Tel est le critère. Il ne parle pas de la double citoyenneté. Il porte que c'est à vous de prouver que vous ne deviendrez pas apatride. Et comme je vous l'ai dit, dans le cas de nombreux pays, si un de vos parents est originaire d'un de ces pays, même si vous êtes né au Canada et même si votre parent est un citoyen canadien, vous avez droit automatiquement à la citoyenneté. C'est notamment le cas des Égyptiens, des Chinois, des Italiens, etc. Un bon nombre de gens de notre pays ont droit automatiquement à la citoyenneté d'un autre pays. Ils seraient exilés.
    Je pense que nous devons faire attention à ce qui va se passer. J'ai représenté des réfugiés chiliens au fil des ans. Le gouvernement chilien avait une liste d'exilés. Il a empêché des citoyens de revenir au pays, les a exilés du Chili et d'autres dictatures en ont fait autant.
    Ce que nous faisons ici est plus malhonnête. Nous redéfinissons les choses afin de prétendre que ces personnes ne sont pas des Canadiens, même si elles sont nées ici, si elles ont grandi ici, n'ont peut-être vécu nulle part ailleurs et n'ont aucun lien avec un autre pays afin de les jeter dehors. C'est ce que le Chili a fait pendant la dictature. Je suis désolée, mais cela va trop loin. Nous nous sommes débarrassés du bannissement et de l'exil au Moyen-Âge. Ce n'est pas le moment de l'ajouter.

[Français]

     Monsieur Kurland, je m'excuse, mais je vais poser ma dernière question avant de vous céder la parole.
    Madame Jackman, est-il exact de dire que notre système judiciaire actuel prévoit des mesures pour traiter d'offenses aussi graves que la haute trahison et le terrorisme?

[Traduction]

    Nous le faisons. Nous punissons des gens par l'entremise du système de justice pénale. Nous n'avons pas ajouté, jusqu'à présent, de peines supplémentaires en les exilant.
    Il vous reste une minute.

[Français]

    Ma question s'adresse à vous tous, à tour de rôle. Si je comprends bien, vous suggérez simplement de retirer les dispositions dans lesquelles il est question d'une possibilité d'exil pour les gens désignés dans le projet de loi C-24.
     Est-ce bien ce que vous proposez?
    Madame Jackman, je vous laisse la parole.

[Traduction]

    L'Association du Barreau a recommandé la suppression de cette disposition.

[Français]

    Madame Seligman, vous avez la parole.

[Traduction]

    Oui, je suis d'accord, de même que celles qui visent particulièrement les enfants ou les personnes nés au Canada. Il n'a jamais encore été envisagé, dans la législation canadienne, d'expulser des Canadiens nés ici.

  (1605)  

[Français]

    Monsieur Kurland, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je ne suis pas pour l'inclusion dans les systèmes juridiques canadiens de la loi médiévale du bannissement, et j'ai donc de sérieuses réserves pour une question de principe. D'autre part, à l'avenir, le Parlement d'autres pays pourrait mettre la main sur des citoyens canadiens. Le Parlement espagnol se penche actuellement sur un projet de loi sur la citoyenneté qui accordera la citoyenneté espagnole aux Juifs séfarades ce qui veut dire qu'au Canada, si l'on suit le raisonnement de Mme Seligman, un Juif qui détient un certificat attestant qu'il est séfarade obtiendrait la citoyenneté espagnole. Il y a là des conséquences imprévues et inattendues qu'il faudrait longuement étudier avant d'aller plus loin.
    Monsieur Hsu.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Mme Seligman a mentionné le contraste, la différence entre un contrôle judiciaire et un appel devant les tribunaux et elle a parlé des limitations d'un contrôle judiciaire par rapport à un appel devant le tribunal. Étant donné que ce projet de loi porte sur un statut très fondamental, à savoir la citoyenneté canadienne, ne suffit-il pas de dire que ce projet de loi ne devrait pas reposer autant sur le contrôle judiciaire et que les Canadiens devraient avoir la possibilité pleine et entière d'en appeler aux tribunaux lorsque leur citoyenneté est contestée?
    Oui, certainement. J'ai essayé de faire valoir ce qu'est un contrôle judiciaire et, comme je l'ai dit, c'est la permission d'interjeter appel et cela passe par la Cour fédérale. Cette dernière a des pouvoirs très limités. Il s'agit d'un examen administratif. Elle recherche les erreurs de droit. A-t-on suivi la bonne procédure? Elle ne se penche pas sur le fond de la décision à moins que celle-ci ne soit totalement erronée et insensée.
     À part cela, il est extrêmement difficile d'obtenir un contrôle judiciaire. Encore une fois, il n'y a pas d'audience en personne et vous n'invoquez pas les facteurs humanitaires ou des nouvelles preuves. En vertu de cette loi, si vous avez été condamné, c'en est fini de vous, vous n'avez pas droit à un examen. Vous ne pouvez pas faire valoir toutes les circonstances de votre cause si bien que le contrôle judiciaire serait totalement inapproprié dans ces conditions. Il faudrait une audience complète et équitable comme l'ont mentionné M. Kurland et le Barreau. Et je le répète, une contravention de stationnement vous confère plus de droits que le projet de loi C-24. Vous obtenez une audience au tribunal. Je vous ai fourni des documents à ce sujet.
    Ma question s'adresse peut-être à Mme Jackman.
    L'exigence à l'égard de l'intention de résider créerait deux catégories de citoyens: ceux qui sont nés ici et peuvent quitter le pays librement, et ceux qui sont naturalisés et dont la citoyenneté pourrait peut-être être révoquée parce qu'on pourrait réévaluer leur intention de résider.
     Lundi, le ministre Alexander a laissé entendre que tout cela était très exagéré et que cette exigence n'entraînerait aucune révocation étant donné qu'elle ne s'applique pas une fois qu'on a obtenu la citoyenneté. Je pense néanmoins, d'après ce que je viens de dire, que cette intention pourrait être mise en doute après l'attribution de la citoyenneté. Les fonctionnaires du ministère n'ont pas semblé d'accord avec le ministre, plus tard au cours de la réunion de lundi.
    Je ne sais que penser. Cette exigence à l'égard de l'intention de résider pourrait-elle n'être en fait qu'une mesure symbolique qui ne pose pas de risque pour la citoyenneté des nouveaux Canadiens?
    Elle pose un risque pour leur citoyenneté. Il faut bien comprendre que lorsque des fonctionnaires vous disent qu'ils n'ont pas l'intention d'appliquer ainsi cette disposition, ils n'ont aucun contrôle sur ce qui sera fait à l'avenir. Si la loi le permet, cela peut arriver et c'est ce qui se passe. Par le passé, les fonctionnaires nous ont très souvent promis que la loi ne serait pas interprétée ou appliquée d'une certaine façon, mais elle l'a été.
    Prenez la clause de l'appartenance à une organisation, par exemple. Sa portée est si vaste qu'elle couvre les femmes qui élèvent leurs enfants et qui aident leurs maris qui siègent au Parlement si ces derniers sont jugés trop proches d'une organisation terroriste. On ne devrait pas viser les femmes, mais c'est le cas actuellement. Voilà la portée de la loi. On avait promis que ce ne serait pas le cas, mais c'est ce qui se passe maintenant et personne n'est lié par ce genre d'engagement.
    Très bien.
    J'ai une question très différente. Le Globe and Mail a récemment soulevé un sujet que je crois assez préoccupant. Il est arrivé à plusieurs reprises que le Royaume-Uni dépossède des citoyens de la citoyenneté et que ces personnes soient tuées, par la suite, par des frappes de drones américains. Les autorités ont reconnu qu'elles se servaient peut-être des mêmes renseignements et données. Un des témoins craint-il un croisement entre les renseignements à usage militaire et ceux sur lesquels se fondent les décisions en matière de citoyenneté?

  (1610)  

    Pour bien décrire le système britannique, là-bas, le ministre peut supprimer la citoyenneté en l'absence de condamnation et donc sur la foi de renseignements. Si je comprends bien notre loi, la citoyenneté sera supprimée s'il y a une condamnation, mais cela pourrait quand même être à la suite de renseignements.
    Néanmoins, le partage de renseignements est vraiment inquiétant si cela permet aux Américains de penser que si nous avons enlevé leur citoyenneté à des gens, comme cela s'est passé au Royaume-Uni, ils peuvent les attaquer avec leurs drones. C'est ce qui s'est passé.
    Il vous reste moins de 30 secondes.
    Je crois qu'il y a certains groupes armés organisés avec lesquels des gens ont des liens. Vous n'avez pas besoin de condamnation, n'est-ce pas? Il y a donc des données sur des citoyens qui participent à des opérations…
    Vous avez raison: qui participent à un conflit armé contre… Vous avez raison. Cela n'exige pas une condamnation et la loi peut donc avoir une portée aussi vaste que la loi britannique. C'est vraiment inquiétant, car un certain nombre de personnes sont mortes.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Daniel.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de s'être joints à nous.
    Comme vous le savez, le ministre était ici lors de notre dernière séance, lundi. Il a dit clairement que la décision de la révocation ne serait pas prise à la légère. Il tiendrait compte d'autres facteurs et preuves. Je mentionnerais également que les criminels sont les seules personnes dont la citoyenneté est révoquée; ce ne sont pas tous les citoyens qui sont visés. Bien entendu, les criminels ne sont pas bienvenus dans notre pays, surtout ceux qui commettent des actes de terrorisme ou de trahison contre notre pays. N'oubliez pas non plus que 86 % des cas de révocation sont des cas de fraude sur le plan de la résidence. Il ne s'agit pas de terrorisme ou de ce genre de choses.
     Lundi, le ministre Alexander a discuté avec nous de ce que lui disaient les intervenants, les électeurs de sa circonscription et les citoyens canadiens des quatre coins du pays. Il a expliqué que ces personnes aiment les exigences à l'égard de la résidence parce qu'elles renforcent la valeur de la citoyenneté canadienne. Il a ajouté que les Canadiens comprennent que ceux qui commettraient des actes de terrorisme ou de trahison contre notre pays seraient dépossédés de leur citoyenneté s'ils avaient une double citoyenneté.
    Pouvez-vous me dire ce que vous avez entendu à ce sujet, monsieur Kurland?
    Pour faire avancer la discussion au lieu de la faire reculer, je dois souligner l'importance pratique de la déclaration d'impôt sur le revenu canadienne à l'égard de la fraude visant la résidence. Les gens se feront coincer comme Al Capone au lieu que ce soit en raison de leur intention de commettre une fraude. En réalité, étant donné qu'il faut six ans pour être admissible et que le personnel de l'Agence du revenu du Canada est très motivé et bien équipé, en cas de fraude touchant la résidence, sur réception de la demande, un bouton sera poussé à l'ARC. Je m'attends à ce qu'un grand nombre de cas de fraude touchant la résidence soient réglés de cette façon. Cela posait un problème par le passé. N'oubliez pas que nous avons amélioré la technologie. Il y a maintenant des ententes de partage des renseignements entre les ministères, les organismes et les gouvernements étrangers et nationaux et nous avons donc les moyens de résoudre cette question.
    J'ai des réserves en ce qui concerne l'intention. Cela exige des décisions au cas par cas, c'est coûteux, long et lourd pour le contribuable. Il est possible d'obtenir le même résultat grâce à une lettre de l'ARC et un timbre-poste.
    En effet. Vous êtes donc d'accord pour dire que cette loi importante renforcera la valeur de la citoyenneté canadienne?
    Oui, exactement, et c'est pourquoi nous devons renforcer l'importance de la citoyenneté canadienne lorsqu'il s'agit de la procédure suivie pour déposséder une personne de la citoyenneté canadienne. Si la citoyenneté est difficile à obtenir, elle devrait être difficile à enlever.
    Très bien, merci.
    Le ministre a aussi expliqué, lundi, qu'en ajoutant ces dispositions de révocation dans la Loi sur la citoyenneté, on va mieux la faire concorder avec la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR. Une personne reconnue coupable d'un acte criminel ou qui a commis un acte qui constituerait un acte criminel au Canada n'a pas le droit d'entrer au Canada comme visiteur. Que dit-on? Pourquoi devrait-on permettre à ces criminels de devenir des citoyens canadiens?

  (1615)  

    Nous avons un système de justice pénale pour juger au cas par cas et déterminer s'il y a lieu d'imposer une sanction pénale. Quel est le rapport avec l'immigration et la citoyenneté à moins de retourner plusieurs siècles en arrière et à la procédure de bannissement? La punition, l'incarcération et la criminalité se rapportent à des infractions qui n'ont rien à voir avec la citoyenneté et l'immigration.
    Très bien, merci.
    De toute évidence, les délais de traitement se sont allongés au cours des années à cause de certaines décisions touchant CIC prises par d'autres gouvernements depuis environ 13 ans. Non seulement le gouvernement conservateur actuel a pris de nombreuses mesures pour renforcer l'intégrité du système d'immigration et protéger les Canadiens, mais nous faisons maintenant la même chose dans le cadre du projet de loi sur la citoyenneté. Lundi, Robert Orr, de Citoyenneté et Immigration Canada a expliqué que les délais de traitement ont augmenté parce que les niveaux d'immigration ont été accrus au cours de certaines périodes. Dans quelle mesure est-il important que le projet de loi soit adopté rapidement, avec l'appui de tous les députés, pour que les délais de traitement diminuent alors que le nombre de nouveaux Canadiens augmente? Quelqu'un d'autre veut répondre?
    J'aimerais faire une brève observation.
    J'ai vu que l'augmentation massive du délai de traitement a commencé il y a deux ans, et cela parce que le gouvernement cherche tellement à s'attaquer à la fraude, comme c'est sa prérogative. Toutefois, cela entraîne des retards dans le traitement de toutes les demandes. Il y a quelques années, avant qu'on ne commence à scruter tous les dossiers, les traitements d'une demande prenaient environ un an. Maintenant, on envoie des questionnaires sur la résidence à tous les demandeurs, même s'ils leur manquent un jour ou deux. Avant, on leur accordait 30 jours par année pour des vacances et vous n'aviez jamais ce genre de problèmes. Je dirais donc que, contrairement aux renseignements dont vous parlez, il semble que les retards aient commencé ces dernières années simplement à cause des efforts déployés contre la fraude à l'égard de la résidence et non pas de l'autre fraude.
    Pour répondre à ce que vous avez dit à savoir qu'il s'agissait surtout de cas de fraude touchant la résidence, cela ne veut pas dire… L'article 10 de la loi a une très vaste portée et s'applique à tous les genres de condamnations, sans aucun droit d'appel. Par conséquent, ce qui est arrivé par le passé n'est pas ce qui arrivera à l'avenir.
    Merci.
    Merci, monsieur Daniel.
    Madame Sitsabaiesan.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous nos témoins d'aujourd'hui. Vous avez mis en lumière un grand nombre de problèmes et je vous en remercie.
    Je voudrais commencer par l'intention de résider. Si je comprends bien, cette nouvelle ou ancienne exigence au sujet de l'intention de résider figurait dans notre loi avant 1977. On s'en est débarrassé et elle est maintenant rétablie.
    Tout d'abord, l'un d'entre vous saurait peut-être pourquoi nous nous en sommes débarrassés. D'autre part, avons-nous une bonne raison de la rétablir? Vous avez mentionné que cela crée deux catégories de citoyenneté canadienne. Je crois que c'est injuste et je ne sais pas si c'est conforme à la Charte ou constitutionnel.
    Vous pourriez peut-être aborder ces questions brièvement avant que nous ne passions à d'autres sujets.
    Vous savez, j'ignore pourquoi cela a été supprimé, mais c'est sans doute parce que nous vivons dans une communauté mondiale. Nous avons des Canadiens qui font un travail important, des études importantes un peu partout dans le monde. Il y a des choses que vous ne pouvez pas étudier au Canada. Si vous voulez devenir le meilleur physicien nucléaire ou le meilleur chirurgien, vous devez peut-être aller aux États-Unis pour faire vos études. Cette loi vous en empêche. C'est ce qu'elle fait. À quel moment pouvez-vous dire: « Je n'avais pas l'intention »?
    Je vais vous dire ce que fait le gouvernement en ce qui concerne la résidence permanente. Il a modifié les règles à l'égard du retour dans le pays d'origine. Il enlève la résidence permanente à des gens qui ont vécu au Canada pendant 15 ans parce qu'ils sont retournés dans leur pays d'origine.

  (1620)  

    Pourrions-nous faire une étude de cas? Je suis une citoyenne canadienne naturalisée. Je ne suis pas née au Canada. Par exemple, si je décide, dans quelques années, d'aller vivre aux États-Unis pendant cinq ans pour faire mon doctorat, cela veut dire que ma citoyenneté pourrait être révoquée?
    Non. Les gens sont pris entre l'arbre et l'écorce. Si vous êtes un résident permanent et que vous voulez passer cinq ans aux États-Unis pour acquérir des compétences que vous rapporterez au Canada, vous ne pouvez pas le faire, car vous perdrez votre résidence. Vous devez vivre au Canada pendant deux années sur cinq.
    Vous ne pouvez même pas le faire après avoir obtenu la citoyenneté. Si vous obtenez la citoyenneté et que vous partez ensuite, vous perdrez votre citoyenneté parce que vous êtes allée à l'extérieur du pays.
    C'est donc parce que j'ai dit que j'avais l'intention de résider, mais que je ne l'ai pas fait.
    Si l'étudiant en question émigre aux États-Unis, ce qui veut dire que ce sont les Américains qui obtiendront le physicien et pas nous, ou s'il n'y va pas…
    Je ne sais pas pourquoi le gouvernement fait cela. Nous vivons dans un monde de plus en plus petit et il rend les choses de plus en plus rigides. La loi n'a aucune souplesse, aucune.
    La période de résidence exigée est de quatre années sur six et c'est une décision. N'est-il pas suffisant d'exiger quatre années sur six, 183 jours par année en quatre ans ainsi que des déclarations d'impôt? Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de tenir compte de l'intention.
    Qu'arrive-t-il si une personne demande la citoyenneté et se fait accepter dans un programme de doctorat à peu près en même temps? Cela veut-il dire qu'elle a menti dans sa demande en disant qu'elle avait l'intention de résider au Canada parce qu'elle pourrait, à l'avenir, aller faire des études?
    Cela semble tout à fait inapproprié dans le contexte de l'économie mondiale. Pourquoi vouloir empêcher quelqu'un de faire ce genre de choses?
    Le seul problème est que le ministre, celui à qui cette mesure confère tous ces pouvoirs discrétionnaires supplémentaires, a déclaré, lorsqu'il était ici, que personne ne perdrait sa citoyenneté pour avoir quitté le pays après avoir obtenu la citoyenneté.
    Je ne sais pas qui croire. Vais-je croire le ministre qui propose cette loi ou dois-je croire les juristes qui disent qu'ils…
    Nous pouvons croire le ministre. Il ne le ferait peut-être pas, mais le prochain ministre le fera et si ce n'est pas lui, le ministre qui lui succédera. Depuis 30 ans que j'exerce ma profession, j'ai vu que chaque fois qu'on a promis qu'une loi ne serait pas appliquée d'une certaine façon, on a changé d'avis et on l'a fait.
    Exactement et c'est à nous de veiller à tenir compte de l'avenir.
    L'avenir dépend de ce que dit la loi et non pas de ce que dit le ministre.
    Dans le texte de la loi.
    Le renvoi sur les véhicules à moteur est un bon exemple à ne pas oublier. Barry Strayer s'est prononcé sur les principes de la justice fondamentale. Il a dit à tout le monde que c'était seulement l'application régulière de la loi. La Cour suprême du Canada lui a répondu: vous avez tort; voici ce que dit la loi et nous ne sommes pas d'accord avec vous.
    Cela dépend de ce que les tribunaux et les autres fonctionnaires feront lorsqu'ils liront la loi et non pas de la personne en question.
    Juste pour revenir sur la constitutionnalité, l'article 15 interdit la discrimination fondée sur l'origine nationale et ethnique. L'intention de résider s'applique seulement aux Canadiens naturalisés et non pas aux Canadiens qui obtiennent la citoyenneté parce qu'ils sont nés ici.
    Je vois mal comment cette distinction résisterait à une contestation en vertu de l'article 15.
    Merci.
    Monsieur Leung.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins.
    En réalité, je ne suis pas tout à fait d'accord pour dire qu'à l'avenir, les tribunaux interpréteront la loi autrement, car il suffit de prendre la décision que la Cour suprême a rendue sur la constitutionnalité à l'égard de la modification du Sénat. Elle est revenue à l'intention originale qui prévoyait l'accord de sept provinces et de 50 % de la population.
    Par conséquent, si les personnes chargées d'interpréter nos lois sont logiques, je pense que ces substitutions n'auront pas lieu. Je comprends ce qu'a dit M. Veeman. Qu'arrive-t-il si un résident permanent, qui est venu ici pour faire des études, part ensuite étudier aux États-Unis ou à Oxford?
    Du moment qu'il a l'intention de revenir au Canada pour devenir un citoyen canadien, ce que j'ai fait personnellement… Je suis allé faire mes études supérieures aux États-Unis, je suis revenu et cela n'a pas posé de problème, mais c'était en vertu d'une loi différente sur l'immigration qui était antérieure à 1976.
     Ma question, en fait je vais parler d'un corollaire de cette situation. Dans ce projet de loi, comme dans le projet de loi C-31 qui l'a précédé, nous avons commencé à réglementer les consultants en immigration et à veiller à ce que les immigrants obtiennent des bons conseils. Nous proposons une exigence similaire dans la Loi sur la citoyenneté pour réglementer également les consultants en citoyenneté.
    Comme je travaillais antérieurement dans le domaine de la comptabilité publique, je me suis dit que plus le gouvernement présente de lois, plus cela nous donne de travail et plus il y a de lois à interpréter. C'est pour nous une sorte de création d'emplois.
    En écoutant Richard, je me suis demandé dans quelle mesure la réglementation des consultants en immigration et des consultants en citoyenneté serait bénéfique pour l'ensemble des Canadiens. Est-ce bénéfique pour l'ensemble du secteur ou créons-nous simplement un nouveau secteur d'activité pour tous ces consultants? Peut-être pourriez-vous nous faire part de vos opinions à ce sujet et nous dire comment vous renforceriez nos lois sur l'immigration et la citoyenneté.

  (1625)  

    L'intervention qu'une tierce partie autorisée crée, du point de vue opérationnel, une valeur ajoutée pour le processus de détermination de la citoyenneté. Par conséquent, le gouvernement fédéral a créé une organisation professionnelle qui est soumise à une surveillance réglementaire. C'est une bonne chose.
    D'un autre côté, cela a créé un système de garantie privatisé qui est payé par l'usager. Par conséquent, sur le plan de la procédure, je vois des avantages à voir des tierces parties autorisées. Vous avez mentionné les consultants en immigration. Cela comprend des membres du Barreau et les notaires du Québec.
    Ce dont nous n'avons peut-être pas parlé au cours de la dernière heure de discussion, c'est de ce qui ne figure pas dans le projet de loi. Il n'est pas question ici de la révocation de la citoyenneté de naissance. Autrement dit, on ne s'attaque pas aux bébés visant à obtenir un visa ou à rester au pays.
    Bravo au système parlementaire de ne pas avoir inclus cela dans la loi. Je suppose que c'est le chaînon manquant des dispositions relatives à l'intention de résider. Heureusement, la citoyenneté par naissance n'est pas sur la table aujourd'hui et je vais continuer à me battre pour qu'elle n'y figure pas comme je l'ai fait par le passé et comme je le ferai à l'avenir.
    Pour ce qui est de la naissance sur le sol canadien, monsieur Kurland, il y a 100 ans, il était très difficile d'arriver en Amérique du Nord. Par conséquent, une fois que vous aviez fait ce long voyage pour venir ici, votre citoyenneté était une sorte de droit naturel, que l'on vous accordait.
    Il vous reste 30 secondes.
    Dans la société d'aujourd'hui, je veux dire le monde actuel, le transport est instantané. Vous pouvez venir d'Asie en 15 heures de vol, donner naissance à un enfant et retourner là-bas. Néanmoins, je suis d'accord avec vous pour dire que la question ne se pose pas.
    Pour conclure, pensez-vous que la garantie donnée par une tierce partie, par un consultant en citoyenneté ou en immigration est un élément positif de cette loi?
    Oui, c'est un élément positif. Un grand nombre de professionnels choisissent entre deux voies, l'une étant que leur client a droit à l'application régulière de la loi et l'autre qui consiste à examiner la teneur de la demande du client.
    Néanmoins, je n'y vois pas d'inconvénient, car c'est avantageux pour le Canada, pour le demandeur et, bien entendu, pour les affaires du consultant.
    Merci beaucoup, monsieur Kurland.
    La période dont nous disposions est écoulée. Je tiens à remercier les représentants de l'Association du Barreau canadien ainsi que Mme Seligman.
    Monsieur Kurland, ne changez jamais.
    Des voix: Oh, oh!
    Le président: Merci beaucoup. Vous nous avez tous beaucoup aidés et nous apprécions vos observations.
    Nous allons suspendre la séance.

  (1625)  


  (1630)  

    Très bien. Nous recevons M. Matas, de B'nai Brith Canada. Je suppose qu'il est également avocat. Nous accueillons Debbie Douglas, de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants. Enfin, nous recevrons par téléconférence, à partir de la Colombie-Britannique, le témoignage de M. Martin Collacott, du Centre pour les réformes des politiques d'immigration.
    Vous avez déjà comparu tous les trois, et je vous souhaite la bienvenue au nom du comité. Vous disposez chacun d'un maximum de huit minutes pour faire une déclaration.
    Nous allons commencer par vous, madame Douglas.

  (1635)  

    Je vous remercie et me réjouis de comparaître à nouveau devant vous pour parler du projet de loi C-24. Comme vous le savez, ce projet de loi a été déposé le 26 février 2014 et il a été accompagné d’une déclaration du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, selon laquelle le but du projet de loi est de réduire la fraude en matière de citoyenneté, d’améliorer l’efficacité du système et de réduire les retards administratifs.
    Nous, membres de l’OCASI, pensons que ce projet de loi risque fort d’exclure davantage de personnes de la citoyenneté en rendant plus difficile le processus. Nous craignons tout particulièrement que le projet de loi nuise à l’image de la citoyenneté canadienne en traitant différemment les personnes titulaires d’une double citoyenneté et celles qui n’en ont qu’une, en établissant une distinction entre les Canadiens de naissance et les Canadiens par naturalisation, de même qu’entre immigrants employés dans les Forces armées canadiennes et ceux qui ne le sont pas.
    En outre, le projet de loi confère au ministre davantage de pouvoirs de révocation de la citoyenneté tout en réduisant la portée de la surveillance judiciaire.
    Nous craignons tout particulièrement l’incidence des nouvelles dispositions sur les immigrants et les réfugiés racialisés, de même que sur les femmes et les enfants immigrants et réfugiés.
    Je voudrais rappeler que cette année marque le 100e anniversaire de l’incident du Komagata Maru et le 75e anniversaire de celui du SS St Louis, qui marquent d’une pierre noire l’histoire du Canada et de politiques d’immigration honteusement racistes.
    Les amendements à la Loi sur la citoyenneté doivent viser à démanteler les politiques racistes du passé en faisant bon accueil aux nouveaux venus, en gardant à l’esprit que la majorité des nouveaux immigrants et réfugiés d’aujourd’hui sont des personnes qui, voici 75 ou 100 ans, auraient été délibérément exclues du Canada.
    Nous pensons qu’il convient, lors des débats actuels ou futurs portant sur ce projet de loi, de bien garder à l’esprit certains principes. En effet, la loi énonce des règles en matière de citoyenneté qui, de ce fait, définissent qui est Canadien et, également, ce que nous sommes en tant que pays. C’est pourquoi ce projet de loi, d’une grande importance, doit incorporer les principes suivants:
    a) Le respect du principe de l’égalité entre tous les citoyens.
    b) Le respect du principe selon lequel la citoyenneté est un statut dont découlent un certain nombre de droits, ce qui l’assimile à notre statut en tant qu’êtres humains. Ce n’est donc pas une qualité qui peut être perdue par suite d’un comportement répréhensible.
    c) Nous devons veiller à ce que la loi soit conforme aux bons intérêts de l’enfant.
    d) Nous devons également tenir compte du fait que certains résidents permanents sont confrontés à des obstacles structurels à une pleine participation, y compris les réfugiés qui ont subi des persécutions et de longues années de privations de toutes sortes.
    Permettez-moi d’évoquer un certain nombre d’articles du projet de loi sur lesquels nous souhaitons intervenir.
    Le premier concerne l’allongement des périodes de résidence au Canada requises pour ouvrir droit à la citoyenneté. Le projet de loi exige des candidats à la citoyenneté qu’ils aient vécu quatre des six dernières années au Canada, contre trois sur un total de quatre années aux termes de la loi en vigueur. S’il était adopté, le projet de loi ne permettrait plus aux candidats de comptabiliser le temps passé au Canada avant d’y devenir résidents permanents. Or, un tel amendement obligerait les intéressés à attendre plus longtemps avant de devenir admissibles à la citoyenneté, ce qui irait à l’encontre de l’engagement pris par le Canada d’intégrer les nouveaux arrivants.
    L’accession à la citoyenneté revêt une importance toute particulière pour les réfugiés qui n’ont pas d’autre pays vers lequel se tourner. Tant qu’ils ne sont pas citoyens, ils vivent dans un sentiment d’insécurité et doivent affronter des problèmes d’ordre concret tels que la difficulté à voyager sans passeport.
    Certains résidents permanents se trouveront affectés de manière disproportionnée, par exemple, les réfugiés et les personnes soignantes résidentes. Ajoutons que les femmes racialisées sont surreprésentées parmi les personnes soignantes résidentes et qu’elles sont nombreuses à subir, des années durant, des conditions d’exploitation au travail. Le fait de ne pas être autorisé à comptabiliser le temps passé à travailler au Canada en vue d’être admissible au statut de résident permanent ne fera que désavantager encore cette catégorie. Mais il est d’autres résidents permanents qui seront affectés de façon disproportionnée par ce changement, par exemple les personnes admises à la catégorie de l’expérience canadienne, parmi lesquelles les étudiants étrangers obtenant des diplômes auprès d’universités canadiennes.
    Combien de fois ai-je entendu, en Ontario, des étudiants étrangers nous dire que la décision d’opter pour le Canada pour y aller étudier tenait au fait que c’était la voie vers la résidence permanente, suivie de la citoyenneté.
    À ce propos, nous souhaitons faire deux recommandations: maintenir la période de résidence à trois années sur les quatre dernières, et maintenir la règle autorisant les candidats à compter au moins une année de séjour au Canada en vue de la résidence permanente.
    S’agissant de l’intention de résider au Canada, je sais que le dernier groupe de témoins y a consacré un certain temps, et s’est notamment penché sur le fait que les candidats à la citoyenneté doivent, sous la foi du serment, déclarer leur intention de résider au pays. Une telle disposition, étant donné qu’elle s’appliquera exclusivement aux citoyens naturalisés, crée une catégorie différente et moins ouverte à l’accueil. Quant à la liberté de circulation de ces personnes, elle se trouvera menacée, les intéressés craignant qu’elle soit révoquée pour fausse déclaration ou pour fraude; en revanche, les Canadiens de naissance conserveront la possibilité de voyager librement et de profiter des occasions d’éducation ou de travail à l’étranger.
    L’OCASI a entendu dire qu’un nombre croissant d’immigrants rentrent dans leur pays d’origine ou partent pour un autre pays à la recherche d’un emploi parce qu’au Canada, ils se heurtent à des obstacles structurels sur le marché du travail qui, parfois, leur rendent difficile l’obtention d’un emploi adéquat.

  (1640)  

    Un grand nombre d’autres personnes sont rentrées dans leur pays d’origine pendant un certain temps afin de s’acquitter d’autres obligations, par exemple s’occuper de parents vieillissants, et il est probable que cette pratique ira en s’étendant à mesure qu’il deviendra plus difficile d’obtenir la réunification avec les parents et les grands-parents au Canada.
    Le risque existe, et il est grand, que ces Canadiens soient perçus comme se livrant à de fausses représentations, tout simplement parce qu’ils doivent se rendre à l’étranger pour gagner leur vie ou pour s’acquitter d’obligations familiales. C’est pourquoi, dans ce cas, notre recommandation est claire: supprimer cette nouvelle disposition.
    S’agissant de la reconnaissance de la compétence linguistique, le projet de loi élargit considérablement la catégorie des personnes qui doivent satisfaire aux critères de compétence linguistique et de connaissances afin d’être admises à la citoyenneté canadienne. Aux termes de la législation actuelle, la catégorie des personnes devant satisfaire à ces exigences afin d’être admises à la citoyenneté canadienne est la tranche d’âge allant de 18 à 54 ans, alors que le projet de loi C-24 assujettirait aux mêmes exigences la tranche d’âge allant de 14 à 64 ans.
    Les autres problèmes ne manquent pas. Par exemple, les réfugiés déjà âgés pourraient réussir à apprendre suffisamment d’anglais ou de français pour être fonctionnels, mais sans pour autant atteindre le niveau nécessaire pour réussir le test de langue fixé par la loi.
    Il convient d’encourager et d’appuyer les résidents permanents âgés dans leurs efforts pour acquérir l’une des langues officielles du Canada ainsi qu’un bagage de connaissances à propos du pays. Cependant, étant donné qu’il devient plus difficile, à mesure que l’on avance en âge, d’apprendre une nouvelle langue et de se soumettre à des tests, l’extension de la catégorie à l’âge de 64 ans aura pour effet d’exclure un nombre important de personnes de l’accession à la citoyenneté. On reconnaît de manière générale que les personnes âgées sont des membres vulnérables de notre société; or, le fait d’ériger davantage de barrières à la citoyenneté ne fera qu’augmenter leur vulnérabilité.
    Par ailleurs, la justification de l’extension de la tranche d’âge assujettie aux tests aux jeunes âgés de 14 à 18 ans manque de clarté. Il s’agit d’une catégorie de jeunes gens fréquentant l’école secondaire et se trouvant selon toute probabilité dans les écoles canadiennes depuis plusieurs années, de sorte que s’ils ne parlent pas le français ou l’anglais, ou si leurs connaissances à propos du Canada sont insuffisantes, la faute en incombe incontestablement à nos écoles. De plus, s’agissant des tests de langue, on ne sait pas quels seront les critères de mesure de la compétence linguistique applicables, vu que les critères actuellement reconnus ne pourront pas l’être pour ces jeunes gens — achèvement du cycle secondaire ou cours de langue financés par le gouvernement —, et qu’il n’existe pas, en la matière, de documentation d’appui normalisée et entérinée par les conseils scolaires de l’ensemble du Canada. On peut donc craindre que ces adolescents ne se heurtent à des obstacles administratifs de taille pour prouver leur compétence linguistique, ou qu’ils doivent affronter le coût représenté par un test de langue certifié, lequel peut aller jusqu’à 200 $ et représenter une dépense bien souvent prohibitive pour les familles. C’est pourquoi, en imposant ces nouvelles exigences aux jeunes âgés de 14 à 18 ans, nous risquons d’engendrer une nouvelle classe de jeunes qui ont passé la majeure partie de leurs années de formation au Canada mais auxquels on refuse la citoyenneté et, partant, la possibilité de participer pleinement à la société.
    Voici donc notre recommandation: maintenir la tranche d’âge de 18 à 54 ans pour l’exigence de tests de compétence linguistique et de connaissances. J’ajouterai que nous avons réussi à faire admettre par Citoyenneté et Immigration Canada que la notion de test d’expression et de compréhension à l’écoute n’est pas applicable aux immigrants sourds et malentendants; nous avons donc été capables d’obtenir une exemption sur présentation d’un rapport d’audiologie justifiant de l’exception. C’est là quelque chose qui mérite d’être applaudi, mais nous voulons continuer dans cette voie.
    Merci, madame Douglas. Désolé, mais nous devons passer au témoin suivant, veuillez nous excuser.
    Monsieur Matas, vous avez la parole.
    Merci de m’avoir invité à comparaître aujourd’hui au nom de B'nai Brith Canada.
    Je m’en tiendrai à des commentaires concernant les dispositions du projet de loi concernant la révocation, car B'nai Brith Canada a beaucoup d’expérience dans ce domaine.
    Les modifications proposées à la Loi sur la citoyenneté ont à la fois des aspects positifs et des aspects négatifs. Côté positif, le gouvernement envisage d’éliminer les carences qui avaient entravé les efforts utilisant la révocation comme remède dans le cas de criminels internationaux fugitifs au Canada. Le projet de loi présente sur la loi en vigueur la supériorité de retirer le Cabinet du processus, d’autoriser le recours en appel et de regrouper les procédures de révocation et de déportation.
    L’ancienne loi exigeait l’approbation du Cabinet. En d’autres termes, la branche juridique du gouvernement pouvait l’emporter devant les tribunaux et ensuite la branche politique, à savoir le Cabinet, pouvait renverser la décision. C’est ce qui s’est produit dans le cas de Wasyl Odynsky et dans celui de Vladimir Katriuk, dont les tribunaux avaient déclaré que tous deux étaient entrés au Canada en cachant leur passé nazi.
    Malgré cela, le Cabinet a déclaré, sans justification, qu’ils pouvaient rester au pays. La Ligue des droits de la personne de B'nai Brith Canada, que je représente ici, est allée en justice pour défendre la position selon laquelle le Cabinet n’est pas habilité pour ce faire et qu’il devait révoquer la citoyenneté.
    Le tribunal a toutefois décidé que le Cabinet disposait, en fait, d’une telle prérogative et qu’il pouvait autoriser les personnes dont les tribunaux avaient établi qu’ils avaient menti à propos de leur passé nazi au moment de leur entrée au Canada à rester au pays. Nous sommes donc rassurés de voir que le projet de loi propose de retirer au Cabinet une prérogative si mal utilisée.
    En l’absence de recours en appel, les tribunaux pouvaient prendre des décisions contradictoires en matière d’interprétation de la loi, et il était impossible d’y remédier en les harmonisant. Le projet de loi, lui, prévoit au contraire le recours en appel, permettant ainsi aux tribunaux de se prononcer de façon uniforme.
    Les nazis qui avaient réussi à entrer au Canada en cachant leur passé au moment de leur admission au pays n’étaient traduits en justice que des décennies plus tard, alors qu’ils étaient beaucoup plus âgés, si bien qu’ils adoptaient une stratégie qui a réussi pour la plupart d’entre eux: faire traîner les procédures jusqu’à ce que la mort règle le problème. Même ceux d’entre eux qui avaient perdu devant les différents degrés de l’instance judiciaire pouvaient compter sur un si grand nombre d’étapes judiciaires qu’ils mouraient de mort naturelle avant que le processus ne soit achevé. Le projet de loi, en réduisant la fragmentation et en fusionnant deux étapes, à savoir la révocation de la citoyenneté et la déportation, tend à faire échec à cette stratégie du contentieux qui n’en finit pas. Un tel changement est le bienvenu.
    Voilà pour ce qui est des bons aspects du projet de loi. Mais il n’y a pas que du bon. Ainsi, le projet de loi facilite beaucoup trop la perte de la citoyenneté dans des situations qui n’ont rien à voir avec les crimes internationaux. Actuellement, la révocation de la citoyenneté est limitée à un seul motif, à savoir la fausse déclaration ou fraude ou encore dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Le projet de loi propose d’élargir les motifs de révocation.
    Les condamnations pour trahison ou terrorisme constituent l’un des nouveaux motifs de révocation, avec également la certitude raisonnable qu’une personne a servi en tant que membre d’une force armée d’un pays ou d’un groupe armé organisé, et que ce pays ou groupe armé était lui-même engagé dans un conflit armé avec le Canada.
    S’agissant des infractions criminelles liées au terrorisme, les condamnations peuvent être prononcées aussi bien à l’étranger qu’au Canada. Or, il faut savoir que les régimes répressifs se servent du terrorisme comme accusation contre leurs opposants qui recourent à la violence afin d’essayer de les renverser.
    La Déclaration universelle des droits de l’homme dispose ainsi dans son préambule: « … il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ».
    La Déclaration universelle des droits de l’homme, on le voit, reconnaît que la tyrannie et l’oppression peuvent conduire à la rébellion. Lorsque les tyrans et les oppresseurs condamnent leurs opposants rebelles pour terrorisme et que ces opposants sont des citoyens canadiens, le Canada ne doit pas être légalement habilité à révoquer la citoyenneté de ces citoyens tout simplement parce que des oppresseurs et des tyrans ont taxé cette rébellion de terrorisme.
    Il convient donc d’établir une restriction afin que n’importe quelle condamnation pour terrorisme provenant de l’étranger ne puisse entraîner la perte de la citoyenneté canadienne. Une telle condamnation prononcée à l’étranger, si elle est infligée dans le mépris des normes internationales reconnues, ne devrait pas être entérinée au Canada. Au demeurant, la notion de prise en compte des normes internationales reconnues en matière de condamnation est déjà mise en oeuvre dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
    En dépit de la possibilité de révocation pour activités criminelles, le projet de loi n’est pas aussi englobant qu’il pourrait l’être. Il est en effet anormal qu’on puisse perdre sa citoyenneté pour avoir caché, au moment de son entrée au Canada, un passé entaché de crimes nazis contre l’humanité, mais qu’on ne risque pas de la perdre pour avoir effectivement commis de tels crimes. S’il est vrai que, bien souvent, il est plus facile de démontrer que l’intéressé a menti au moment de son entrée au pays que de faire la preuve qu’il a commis les crimes en question, tel n’est pas toujours le cas. Il se peut que des dossiers d’immigration se soient égarés, alors que les preuves de la commission des crimes en question peut être parfaitement accessible. Il devrait donc être possible de révoquer la citoyenneté pour perpétration des crimes internationaux graves figurant dans le statut de la Cour pénale internationale, à savoir les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide.
    Précisons toutefois que les crimes donnant lieu à révocation doivent avoir été commis avant que l’intéressé n’acquière la citoyenneté canadienne. En effet, la révocation pour actes commis après l’obtention de la citoyenneté pose problème, même lorsqu’on la limite aux citoyens à double nationalité comme le fait le projet de loi.

  (1645)  

    Il arrive qu’une personne ait une double nationalité à la naissance et qu’elle n’ait même pas connaissance de ce fait, tout simplement parce qu’elle n’est pas au courant des lois sur la citoyenneté de l’autre pays.
    Quel que soit le crime commis, nous ne devons pas révoquer la citoyenneté de Canadiens pour des crimes commis après l’obtention de cette citoyenneté. Une fois qu’une personne a obtenu la citoyenneté canadienne, si elle commet un crime, c’est de nous qu’elle relève et nous ne devons pas voir la chose autrement.
    Le projet de loi propose également une nouvelle procédure en matière de révocation, et il répartit les différents motifs de révocation entre les deux procédures. J’ai préparé un développement assez long sur ce point, mais je m’abstiendrai de l’exposer en détail ici. Le gouvernement a proposé, entre autres, une nouvelle procédure pour des motifs de simplification. Je voudrais dire, tout au moins, que cette initiative complique en fait les choses de façon considérable et vous vous en convaincrez en lisant ce document. Cette même mesure risque de faire perdre au gouvernement, simplement parce qu’il a choisi la mauvaise procédure, des procès contre des criminels internationaux qu’il pourrait remporter dans d’autres circonstances.
    Pour conclure, j’aimerais dire que nous félicitons le gouvernement d’avoir fusionné les procédures relatives à la révocation et à la déportation, d’avoir prévu le recours en appel et d’avoir écarté le Cabinet du processus. Nous déplorons la possibilité de révoquer la citoyenneté pour des crimes commis après l’obtention de la qualité de citoyen canadien tout en déplorant l’impossibilité de révoquer la citoyenneté pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, ainsi que l’introduction d’une procédure de révocation moins équitable dans certains cas.
    Il conviendrait d’abandonner la possibilité de révoquer la citoyenneté pour crimes commis après l’obtention de la citoyenneté. Il conviendrait d’instaurer la possibilité de révoquer la citoyenneté pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide lorsque les crimes ont été commis avant l’acquisition de la citoyenneté. Il conviendrait de limiter la possibilité de révocation pour condamnation prononcée à l’étranger pour un acte terroriste commis avant l’acquisition de la citoyenneté, en n’admettant que les condamnations conformes aux normes internationales. Il conviendrait, enfin, de remplacer la procédure moins équitable de révocation par voie de décision ministérielle sous réserve d’examen judiciaire, par la procédure plus équitable de décisions prises en Cour fédérale dans tous les cas.
    Je n’ai pas d’autres observations. Merci beaucoup de votre attention.

  (1650)  

    Merci beaucoup, monsieur Matas.
    Monsieur Collacott, c’est à vous. Soyez une fois de plus le bienvenu devant notre comité. Vous disposez d’un maximum de huit minutes.
    Merci, monsieur le président. Merci également aux membres du comité de m’inviter à témoigner devant vous aujourd’hui. Je suis heureux de pouvoir présenter mon point de vue sur ce remaniement approfondi de la Loi canadienne sur la citoyenneté, qui aurait dû être apporté depuis longtemps.
    Je me permets d’ajouter, à ce propos, qu’avant d’entamer ma carrière à l’étranger avec l’Agence canadienne de développement international et le ministère des Affaires étrangères, j’ai été conseiller en matière de citoyenneté auprès du ministère de l’Éducation de l’Ontario. À ce titre, je m’intéresse depuis longtemps aux questions évoquées ici.
    Mes observations concernant un certain nombre de dispositions spécifiques du projet de loi sont les suivantes:
    J’appuie la prolongation, de trois des quatre dernières années à quatre des six dernières années, des exigences en matière de résidence pour les demandes de citoyenneté. J’aurais préféré que l’on revienne à l’exigence de résidence de cinq années, qui était en vigueur jusqu’à 1977 et que j’avais recommandée dans un document publié en 2008. Toutefois, je comprends qu’un compromis puisse être nécessaire afin d’obtenir l’accord sur cette mesure.
    Il convient de noter qu’aucun autre pays accueillant des immigrants — en tout cas à ma connaissance — n’a une exigence de résidence aussi brève que le Canada: l’Australie exige quatre années de séjour, les États-Unis cinq ainsi que le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l’Irlande. La dernière fois que j’ai fait une vérification, la Norvège en exigeait sept, et l’Allemagne et la Suisse huit. L’on voit donc que notre période obligatoire de résidence est l’une des plus brèves.
    On a soutenu l’idée que plus vite on accorde la citoyenneté à un nouveau venu, plus il s’attachera au Canada. Tout en reconnaissant que cela s’applique peut-être dans certains cas, on entend beaucoup plus souvent parler de personnes qui cherchent à acquérir la citoyenneté canadienne le plus rapidement possible pour retourner au plus vite à l’étranger, et qui considèrent la citoyenneté canadienne comme une sorte de police d’assurance.
    Pour ma part, je crois que les nouveaux venus accorderont davantage de valeur à leur citoyenneté s’ils savent que ce n’est pas quelque chose que l’on peut obtenir à la sauvette et sans répondre à certains critères.
    J’appuie donc vigoureusement la disposition du projet de loi C-24 qui vise à s’assurer que les exigences en matière de résidence soient effectivement satisfaites, compte tenu notamment des milliers de personnes dont on sait pertinemment qu’elles ont obtenu leur citoyenneté de façon frauduleuse en déclarant de façon mensongère qu’elles avaient passé une certaine période au Canada.
    Le projet de loi C-24 prévoit des pénalités beaucoup plus sévères pour ce genre de fraude, tout comme il exige que la déclaration d’impôt soit faite ici, en même temps que la prise d’un engagement de vivre au pays. Il s’agit là de mesures indéniablement utiles pour veiller à ce que les exigences de résidence soient respectées. Je pense toutefois que le Canada, et c’est important, doit mettre en place le plus rapidement possible des programmes de filtrage et d’archivage détaillés des mouvements d’entrée et de sortie de tous les Canadiens dans notre territoire et à partir de celui-ci. Cela nous permettra d’avoir une image beaucoup plus précise du degré de conformité aux critères de résidence.
    Je me réjouis, par la même occasion, de constater que le projet de loi comprend des mesures visant à accélérer le processus de traitement des demandes de citoyenneté et à réduire le nombre important de requêtes en souffrance. En effet, lorsqu’une personne a satisfait aux critères de résidence et autres en vue de l’acquisition de la citoyenneté, il importe de lui accorder cette dernière sans retard.
    Par ailleurs, j’appuie tout aussi vigoureusement les sections du projet de loi visant à rehausser la valeur de la citoyenneté, telles que les exigences en matière de compétence linguistique. L’aptitude à communiquer de façon suffisamment efficace en anglais, ou en français lorsqu’on se rend au Québec, constitue sans aucun doute l’un des facteurs permettant à un nouveau venu de jouer un rôle utile au sein de la société canadienne et de s’y trouver à l’aise; c’est également un critère déterminant dans l’obtention d’un emploi au pays.
    C’est pourquoi je me réjouis de voir que les dispositions du projet de loi C-24 reconnaissent combien il importe d’avoir au moins une maîtrise élémentaire de l’une des langues officielles du Canada lorsqu’on se présente dans notre pays, afin de pouvoir participer à la vie de notre société et à son économie, mais aussi pour pouvoir réaliser ses rêves et ses aspirations en tant qu’immigrant.
    Permettez-moi toutefois de préciser que, selon moi, le niveau exigé pour la compétence linguistique, à savoir le niveau 4 des niveaux de compétence linguistiques canadiens, reste encore assez bas et qu’il faut atteindre des niveaux de compétence nettement plus élevés lorsqu’on aspire à trouver un emploi dans tout un éventail de professions et notamment au niveau cadre.
    J’appuie également les articles qui prévoient la révocation de la citoyenneté pour les personnes qui ont obtenu ou conservé cette dernière après avoir fourni de fausses informations dans les domaines comme la résidence, qui ont dissimulé des sources d’inadmissibilité pour activités criminelles ou qui ont fraudé sur l’identité, tout comme les personnes qui ont commis des actes terroristes.

  (1655)  

    Ainsi que je l’ai mentionné devant votre comité au mois d’avril de l’an dernier, il y a un fort mouvement d’opinion en faveur d’un durcissement des mesures conduisant à la révocation de la citoyenneté. Une enquête de 2012 a constaté que 8 des 10 répondants étaient d’avis que les Canadiens convaincus de trahison ou de terrorisme devraient se voir retirer leur citoyenneté. Quelques années auparavant, un sondage Ipsos Reid avait révélé que trois Canadiens sur quatre seraient favorables à la révocation de la citoyenneté des personnes qui, après l’avoir obtenue, auraient commis des crimes graves; le même sondage a également constaté une chose intéressante, à savoir que 35 % des répondants appuyaient de telles mesures, même dans les cas des contrevenants nés au Canada. Une telle disposition n’a guère de chances d’être retenue, mais le sondage donne une idée de l’orientation de l’opinion en la matière.
    Je sais que la question du certificat de naissance n’est pas traitée dans le projet de loi à l’étude. Il s’agit d’une question complexe, qui implique les provinces et les territoires dans la mesure où ces entités ont la responsabilité des services de santé de même que de la tenue du registre des naissances. Cependant, il convient de régler la question des certificats de naissance dans les meilleurs délais. Aux termes des dispositions en vigueur, tout enfant né sur le sol canadien peut obtenir la citoyenneté de notre pays. Or, il est bien connu que cette disposition a été largement exploitée et contournée par des personnes qui n’ont aucun lien avec notre pays mais qui font en sorte de donner naissance à leurs enfants chez nous, afin qu’ils puissent profiter tout au long de leur vie des avantages que confère la citoyenneté canadienne.
    Je souligne au passage que la notion de certificat de naissance avait été élaborée aux États-Unis au lendemain de leur guerre civile, afin de s’assurer que les anciens esclaves nés sur le territoire américain ne se voient pas refuser la nationalité américaine. Cette disposition n’a plus d’utilité aujourd’hui et c’est pourquoi elle a été abolie dans la quasi-totalité des pays, à l’exception du Canada et des États-Unis — dans ce dernier pays, des initiatives sont en cours depuis un certain temps afin de l’abolir.
    Monsieur le président, voilà qui conclut mes observations liminaires et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Menegakis, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie à nouveau nos témoins de comparaître devant nous aujourd’hui et des informations que nous valent leurs témoignages.
    J’aimerais faire quelques commentaires et poser une ou deux questions. Au cours de cette session comme de la précédente, les témoins nous ont fait des observations concernant les exigences de résidence et les critères de compétence linguistique, ainsi que sur leurs perspectives d’application une fois ce projet de loi adopté par le Parlement.
    S’agissant des exigences de résidence, un député a posé à un témoin de notre comité la question suivante: « Je suis moi-même Canadien par naturalisation. Si je voulais quitter le pays pour poursuivre mes études doctorales pendant une période de cinq ans à l’étranger, pourrait-on révoquer ma citoyenneté? » Je réponds que rien, dans ce projet de loi, ne saurait dissuader un citoyen canadien quel qu’il soit, naturalisé ou autre, de se rendre aux États-Unis ou ailleurs dans le monde, par crainte qu’on lui retire sa citoyenneté du fait de son absence du pays. Le projet de loi à l’étude ne contient aucune disposition dans ce sens, et ce serait véritablement forcer les dispositions que de prétendre, en tant qu’expert juridique ou en tant que profane, qu’en effet, une telle disposition pourrait être appliquée à une personne quittant le pays pour aller faire un doctorat à l’Université Columbia à New York. Après 15 ans de citoyenneté canadienne, on ne doit pas révoquer notre citoyenneté.
    Une telle idée est si éloignée de la réalité qu’il faut, selon moi, se montrer extrêmement prudent et que nous devons tous, aussi bien les membres du comité que l’ensemble des parlementaires, bien veiller, lorsqu’on cherche à prévoir la façon dont les dispositions du projet de loi seront effectivement appliquées, à ne pas employer d’exemples aussi extrêmes, qui n’ont ni fondement juridique ni assise dans la réalité.
    S’agissant des exigences en matière de compétence linguistique, nous voyons que le projet de loi applique les périodes de résidence nécessaires en passant de trois à quatre des six dernières années et élargissant la tranche d’âge assujettie au critère de compétence linguistique, de 18-54 ans à 14-64 ans.
    Nous sommes fermement convaincus qu’en accordant davantage de temps de séjour au Canada à tous les aspirants canadiens afin qu’ils renforcent leurs compétences linguistiques ne pourra que leur donner de meilleures chances. Ils seront ainsi mieux intégrés à la société canadienne et seront beaucoup mieux placés, dans l’avenir, pour exercer un potentiel renforcé en vue du succès; or, tout ce que nous souhaitons aux nouveaux venus dans notre pays, c’est qu’ils réussissent. Nous voulons qu’ils s’en sortent bien et nous voulons qu’ils aient à leur disposition dans l’avenir toute la panoplie nécessaire en tant que citoyens canadiens. C’est dans cet esprit que le projet de loi C-24 a été rédigé et telle est l’intention du législateur.
    Je crois que c’est M. Collacott qui a parlé dans ce sens tout en soulignant que notre pays est encore plus généreux que certains pays équivalents en ce qui a trait aux exigences de résidence et de compétence linguistique. Je ne vois aucun pays équivalant au nôtre présentant une exigence de résidence de seulement trois ans, au terme de laquelle on peut présenter sa requête en citoyenneté.
    Permettez-moi quelques observations à propos du projet de loi et en réponse aux commentaires sur l’accumulation des dossiers de citoyenneté en souffrance. Je pense bien que l’un des témoins entendus au cours de nos audiences a fait valoir que ce retard avait été engendré, au cours des dernières années, par notre détermination à dépister plus efficacement les cas de fraude. Eh bien, disons les choses sans ambages: s’il est nécessaire, pour procéder à un examen approfondi des dossiers afin d’éliminer tous les fraudeurs et retenir exclusivement les candidatures de personnes respectueuses de la loi, c’est exactement ce que nous ferons; il reste que 90 % des requêtes sont effectivement traitées, et je ne vois pas le problème.

  (1700)  

    S’il faut que nous examinions à la loupe les 10 % restants afin de bien nous assurer que nous admettons uniquement des personnes semblables aux 90 % qui ont été admises au pays et auxquelles la citoyenneté est accordée, nous n’agirons pas autrement. Nous voulons, au Canada, des citoyens respectueux de la loi et nous n’accueillerons pas des personnes qui se sont rendues coupables de fraude, sous quelque forme que ce soit. De telles personnes ne sont pas les bienvenues chez nous.
    J’ajouterai à cela que la meilleure façon d’éviter de faire révoquer sa citoyenneté, c’est de ne pas enfreindre la loi. C’est aussi simple et aussi facile que cela. L’un des témoins a pris sur elle de mettre en exergue les noms des personnes qui siègent autour de cette table en disant que, compte tenu de nos patronymes, nous pourrions être les premiers concernés. Seulement voilà, personne autour de cette table ne se livrant à des activités criminelles, nous ne craignons pas d’être chassés.
    Je m’appelle Menegakis. À l’évidence, ce n’est pas un nom canadien de souche, et mes parents venaient de Grèce. Cela dit, tant que je ne viole pas la loi, personne ne révoquera ma citoyenneté, ni celle de mes enfants ni celle d’un membre quelconque de ma famille. Voilà la meilleure façon d’éviter que votre citoyenneté soit révoquée.
    J’aimerais revenir pour quelques instants à la réalité et poser une question.
    Est-ce qu’il me reste un peu de temps?
    Oui, moins d’une minute.
    Ma question s’adresse à M. Collacott.
    Monsieur Collacott, nous avons fusionné les trois étapes du processus décisionnel concernant l’octroi de la citoyenneté. Qu’en pensez-vous?
    Je pense qu’il s’agit d’une mesure extrêmement cohérente. Comme je l’ai dit dans mon exposé, nous devons avoir comme priorité de réduire les retards administratifs ainsi que le temps d’attente. Je pense que l’on maintiendra une forme de recours devant la Cour fédérale pour les dossiers complexes. Cependant, le gouvernement a constaté, je crois, qu’une grande majorité des dossiers pouvaient être traités de façon rapide et efficace au moyen de la procédure à étape unique. C’est là, selon moi, une solution rationnelle et qui n’exclut pas un mécanisme de recours en appel pour les dossiers plus complexes.

  (1705)  

    Merci, monsieur Collacott.
    Madame Sitsabaiesan.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins qui comparaissent devant nous aujourd’hui.
    Madame Douglas, vous avez déclaré, lors de votre exposé, que « la citoyenneté est un statut dont découlent certains droits ». Je ne saurais être plus d’accord et vous remercie de cette déclaration, tellement vraie, que nous avons peut-être parfois tendance à oublier.
    Vous avez également dit que la déclaration d’intention de résider crée deux catégories de Canadiens, les Canadiens naturalisés et les Canadiens de naissance. Vous avez aussi évoqué de façon spécifique la liberté de circulation et le fait que celle des Canadiens naturalisés est remise en question.
    Pourriez-vous nous donner davantage de détails là-dessus?
    Je sais que l’Association du Barreau canadien a également traité de cet aspect dans le mémoire qu’elle nous a adressé. Nous n’avons pas eu l’occasion d’en parler et c’est pourquoi j’aimerais vous demander d’approfondir la réflexion.
    C’est l’un des problèmes les plus épineux auxquels nous sommes confrontés. Lorsque l’on fait prêter serment aux Canadiens naturalisés qu'ils résideront au pays, dès qu’ils dérogent à cet engagement cela les expose, selon nous, à des accusations de fraude. Lorsqu’ils quittent le pays, que ce soit pour étudier ou, comme l’expérience nous l’a démontré, pour rentrer dans leur pays d’origine s’occuper de leurs parents et grands-parents, comme ils sont nombreux à le faire, ils risquent de se faire dire qu’ils ont menti pour obtenir leur citoyenneté canadienne. Comme je l’ai dit dans mon exposé, nous avons rendu de plus en plus difficile la réunification, au Canada, des familles avec leurs parents et grands-parents. Notre quota est de 5 000 par an pour ce qui est des requêtes et des autres phénomènes dont vous avez connaissance en tant que parlementaires. Nous pensons que le fait de demander aux Canadiens naturalisés de jurer qu’ils résideront au pays alors que les Canadiens de naissance ne sont pas assujettis à la même mesure aboutit à créer deux catégories de citoyens. Je suis pleinement d’accord avec mes collègues de l’Association du Barreau qui, lors de leur comparution avant la nôtre, ont dit qu’une telle mesure ne résisterait pas à une contestation aux termes de l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
    Je vous remercie.
    C’est en effet ce qu’a déclaré l’Association du Barreau dans son mémoire, à savoir qu’une telle exigence n’est pas imposée aux Canadiens de naissance. En d’autres termes, ils ne sont pas enchaînés au pays, comme le sont les Canadiens naturalisés.
    Vous avez également parlé du test de connaissances et des compétences linguistiques pour l’obtention de la citoyenneté. Je sais que l’OCASI s’occupe d’immigrants récents, auxquels vous fournissez toutes sortes de services. J’aimerais savoir si vous disposez d’études qui pourraient éclairer davantage le comité en ce qui a trait aux Canadiens âgés ou aux personnes âgées au sein de la communauté en général. Je pose la question en raison de l’augmentation de l’âge d’assujettissement à ces tests. J’aimerais savoir si vous disposez de statistiques concernant vos propres clients, et notamment l’apprentissage durable d’une langue par des personnes âgées, qui pourraient nous être utiles.
    Je ne peux pas vous citer d’études comme ça, au pied levé, mais je me ferai un plaisir de vous adresser ces renseignements dès mon retour. Nous savons cependant…
    Merci de les faire parvenir au greffier.
    Nous n’y manquerons pas. Nous savons en particulier qu’il y a un grand nombre de réfugiés, parmi lesquels des femmes âgées, qui ont passé toute une génération dans des camps et qui n’ont jamais eu d’instruction formalisée. Le Canada leur a accordé sa protection et nous pensons qu’elles sont tout aussi habilitées que n’importe qui d’autre à accéder à la citoyenneté de notre pays. Nous pensons qu’il est injuste de s’attendre à ce que quelqu’un ayant dépassé la soixantaine entreprenne non seulement d’acquérir une langue, que ce soit l’anglais ou le français, avec comme objectif de fonctionner dans cette langue, mais également de passer des tests écrits dûment structurés. Certes, nous sommes tous favorables à ce que ces personnes puissent participer de façon utile à la vie de leur collectivité et de maîtriser la langue à cette fin; soit dit en passant, c’est très différent du niveau 4 des NCLC, dont je sais que M. Collacott le considère comme insuffisant; mais je crois que demander à ces personnes d’acquérir une compétence linguistique suffisante pour rédiger un test de citoyenneté, c’est trop exiger, notamment pour ceux qui n’ont pas été scolarisés de façon structurée.
    Je vous remercie.
    Monsieur Matas, je pense que vous avez mis la révocation au cœur de votre exposé. Voici donc ma question, qui concerne le paragraphe 10(2): nous parlons ici des amendements apportés par le projet de loi aux conditions de révocation de la citoyenneté d’un individu qui aurait pu se rendre coupable du crime de terrorisme ou de trahison dans un autre pays, ou qui aurait fait l’objet d’une inculpation pour un tel crime et à qui l’on pourrait révoquer sa citoyenneté canadienne. Il est dit très clairement que le crime aura pu être commis après, mais aussi avant que la personne ne se voie conférer la citoyenneté canadienne et que la mise en accusation pourra provenir d’un autre pays. Il se trouve que je peux vous énumérer sans difficulté au moins cinq pays dont le système judiciaire ne m’inspire guère confiance, en tant que citoyenne du Canada. Comment expliquez-vous donc que, dans notre propre législation, nous inscrivions noir sur blanc que nous nous en remettons à n’importe quel pays au monde en prenant pour acquis qu’il dispose d’un système judiciaire équitable, indépendant et échappant à toute influence? Je m’adresse à vous en tant qu’avocat. Est-ce que cela vous paraît raisonnable? Est-ce dans ce sens que nous devons aller? Et, ajouterai-je, doit-il appartenir aux bureaucrates d’évaluer si le système juridique d’un autre pays répond aux critères d’équité et si nous devons nous en remettre à lui?

  (1710)  

    Oui, c’est d’ailleurs un aspect que j’avais évoqué dans mon intervention et qui, à n’en pas douter, pose problème. En fait, je ne suis même pas sûr qu’il reste encore aux bureaucrates le moindre critère d’évaluation: lorsqu’une personne est condamnée à l’étranger pour l’une de ces infractions, eh bien elle risque tout simplement de perdre sa citoyenneté. Certes, nous venons d’entendre la question, ou plutôt la déclaration de M. le député il y a un instant, qui nous dit qu’il suffit de ne pas commettre d’infractions criminelles si l’on ne veut pas avoir de problèmes. Mais ça n’est pas ainsi que les choses se passent avec ce genre de délit, parce que les gens se voient condamnés même lorsqu’ils ne l’ont pas commis. Il ne s’agit pas d’une erreur, ce qui peut aussi arriver au Canada, mais plutôt d’un acte intentionnel. Comme vous l’avez dit, j’observe quantité de cas — et j’ai peut-être à l’esprit plus de cinq pays où cela peut se passer — où les gens se font taxer de terroristes et condamner alors qu’ils n’ont fait qu’exprimer de façon pacifique leur opposition au régime en place. C’est pourquoi, dans un régime tyrannique, l’étiquette « condamnation pour terrorisme » est une forme de discrédit que l’on inflige à l’opposition démocratique. Cela n’a pas de sens que de menacer quelqu’un de lui retirer la citoyenneté canadienne parce qu’un gouvernement étranger despotique essaie de faire échec à une opposition démocratique.
    Merci, monsieur.
    Monsieur McKay.
    Je voudrais poursuivre sur ce sujet, car je me faisais la réflexion suivante: j’ai connu, au cours de ma vie, les terroristes irlandais, puis les terroristes tamils et ensuite les terroristes musulmans; cela dit, une bonne partie de ces idéologies dépendent en grande partie de la perception que l’on en a. Aucun Tamil, au Sri Lanka, ne peut être jugé dans des conditions équitables; et pourtant on a l’impression, assez répandue, que tous les Tamils du Sri Lanka sont des terroristes. C’est pourquoi, si une citoyenne canadienne comme Rathika entreprend de voyager — ce qu’elle a fait — et participe à une forme quelconque de mouvement de contestation, le gouvernement là-bas peut l’étiqueter comme terroriste. D’ailleurs, je ne sais pas si elle est née au Canada ou si elle a été naturalisée…
    Mme Rathika Sitsabaiesan: Je suis citoyenne canadienne naturalisée.
    L’hon. John McKay: Mais pourquoi devrait-elle, en fait, être exposée à un double danger?
    En effet, permettez-moi de dire qu’à mon avis, il s’agit là d’une déficience flagrante du projet de loi, à laquelle il faut remédier. D’ailleurs la formulation, pour ce faire, est extrêmement simple et se trouve dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, dans laquelle il est stipulé que la condamnation doit être conforme aux normes internationales. On peut donc laisser la disposition mais ajouter la formule « conformément aux normes internationales ». Mais pour l’instant, cette mesure ne fait que renforcer l’oppression des…
    Bien entendu, vous avez évoqué les terroristes irlandais ou tamils et d’autres encore, et il existe des cas individuels de terrorisme, personne ne le conteste. Le problème se pose avec les opposants — et, très souvent, dans un contexte de guerre civile avec violence de la part des partisans de l’un et l’autre camp. Nous en sommes arrivés à une notion très large de la complicité et du terrorisme, si bien qu’il suffit tout simplement d’être sympathisant, notamment lorsqu’on a affaire à des gouvernements répressifs qui ne font pas le détail entre les comportements pacifiques et les comportements violents: pour eux, il suffit que vous soyez vaguement favorable à l’opposition pour qu’ils vous taxent de terrorisme.

  (1715)  

    Quel que soit le sens que l’on attache à la notion de normes internationales, celle de procès équitable est inexistante au Sri Lanka.
    En effet, mais c’est justement ce que l’on entend par « normes internationales ». Cela veut dire…
    Mais peut-on véritablement considérer qu’une quelconque « condamnation au titre du terrorisme » prononcée au Sri Lanka présente la moindre conformité avec les normes internationales, alors qu’il s’agit d’un État voyou qui a été condamné, à juste titre selon moi, par notre propre gouvernement?
    Je reconnais que certains systèmes de justice n’ont de justice que le nom, étant donné que les juges ne sont pas indépendants et prennent leurs instructions auprès du gouvernement. Il arrive même qu’ils ne tranchent pas les affaires dont ils doivent connaître, et que l’on décide pour eux. D’ailleurs, pour certains de ces systèmes, étant donné qu’ils sont intrinsèquement dépourvus d’équité, on doit remettre en question le moindre jugement prononcé dans une quelconque affaire.
    Je pense que l’on n’aurait aucun mal à dresser toute une liste de pays où l’appareil de justice n’a de justice que le nom.
    J’en conviens.
    Je crois que l’Association du Barreau canadien recommande tout simplement de se débarrasser de cette disposition car elle est vouée à créer davantage de difficultés qu’elle ne peut en atténuer.
    Je suis sûr que nombre de Canadiens sont profondément indignés des activités de certains autres Canadiens.
    Pour ma part, je ne recommande pas de se débarrasser complètement de cette mesure, mais plutôt faire en sorte qu’elle ne soit pas applicable à un citoyen canadien coupable de crime après avoir été naturalisé. Cependant, lorsque le délit a été commis avant la naturalisation et que la condamnation est conforme aux normes internationales — et je reconnais que cela n’est jamais le cas dans certains pays — et lorsque l’intéressé a la double nationalité, alors, dans un tel contexte, cette notion a sa place. Parce que dans la réalité, il y a des gens qui, avant de devenir citoyens canadiens, commettent des crimes terroristes en Grande-Bretagne, aux États-Unis, ou encore en Europe et puis s’en viennent au Canada. Je ne vois pas pourquoi la loi ne devrait pas pouvoir traiter de ces cas-là.
    Je vous remercie de ces observations. Je dois dire, à la lumière de mon expérience dans mon propre bureau lorsque nous nous occupons des dossiers de citoyenneté, et compte tenu des délais interminables entre le moment de l’octroi de la résidence permanente et l’obtention de la citoyenneté, si l’on pouvait mettre tout ce projet de loi au panier et simplement régler ce problème, cela résoudrait 98 % des peines et des douleurs occasionnées par ce genre de situation.
    Je m’en tiendrai là. Je ne suis pas membre de ce comité et je suis arrivé en retard durant le témoignage. Je ne veux donc pas prendre le temps des députés qui sont…
    En tout cas, vous avez fait du très beau travail, monsieur McKay.
    Je vous remercie de ces aimables propos, monsieur.
    Propos mérités. Malheureusement, votre temps est épuisé.
    Monsieur Shory, c’est à vous.
    Merci, monsieur le président, et merci également à nos témoins.
    Le projet de loi C-24 comporte les dispositions de mon propre projet de loi d’initiative parlementaire, notamment lorsqu’il s’agit de la révocation de la citoyenneté, et aussi de la reconnaissance manifestée aux personnes servant au sein des Forces armées canadiennes.
    Mais avant d’en venir à ces deux aspects, je voudrais préciser quelque chose concernant le projet de loi.
    Tout d’abord, monsieur McKay, je tiens à vous remercier d’avoir donné acte au gouvernement de sa prise de position concernant le Sri Lanka, laquelle illustre que lorsqu’il s’agit de criminalité émanant d’instances étrangères, nous ne nous laissons tout simplement pas faire.
    Merci d’avoir prêté l’oreille au point de vue de l’ensemble des parlementaires sur cette question.
    Veuillez arrêter la pendule pour une minute.
    Monsieur Shory, le moment n’est guère propice pour se lancer dans des débats avec les autres députés.
    Je ne me lance pas dans un débat, monsieur le président.
    C’était un compliment.
    Veuillez poser une question ou faire une déclaration. Je vous en prie, monsieur.
    Merci, monsieur le président.
    Je commencerai par préciser un point ou deux. Lorsque nous parlons de critères de compétence linguistique, dans ce projet de loi, je rappelle qu’il existe une disposition d’exemption pour raisons d’ordre humanitaire. J’ajoute que s’agissant d’actes criminels, nous nous référons au Code pénal et que toute action entreprise par un pays, quel qu’il soit, doit être conforme aux dispositions de notre Code pénal.
    Je reviens à présent aux dispositions qui, c’est ma conviction profonde, doivent acquérir force de loi dans notre pays.
    Le comité a entendu les témoignages de personnes favorables à la révocation de la citoyenneté des terroristes condamnés. Comme je l’ai dit, je défendrai ma conviction selon laquelle la citoyenneté est étroitement tributaire de la loyauté. Par conséquent, la personne qui s’emploie à déstabiliser l’État à travers le terrorisme ne doit pas rester titulaire d’un passeport canadien.
    Le passeport canadien est un titre de grande valeur et qui est hautement respecté. Alors il m’arrive, lorsque j’écoute les propos tenus ici, de ne pas en croire mes oreilles. Ce dont il est question, ce sont quelques terroristes condamnés pour avoir utilisé de façon intentionnelle et délibérée leur passeport canadien afin de se rendre dans un pays tiers, peut-être pour y suivre des entraînements de toutes sortes, d’y rester pendant des mois voire des années, et puis se lancer dans des actes sanguinaires contre l’humanité. J’ai entendu certains témoins émettre l’opinion que ces individus devraient avoir la possibilité de rester au Canada et de se servir de leur passeport canadien; mais en fait ils décident de se rendre ailleurs.
    Voici donc ma question, monsieur Collacott: Que pensez-vous de la justification proposée pour la révocation de la citoyenneté de terroristes condamnés?

  (1720)  

    Vous parlez de la révocation de la citoyenneté directement liée à la participation à des activités terroristes, c’est bien cela, monsieur Shory?
    En effet, monsieur Collacott.
    Eh bien je pense que vous avez parfaitement résumé la question. Il ne s’agit pas d’individus qui ont été inculpés pour terrorisme dans un pays n’ayant pas un système juridique valable, et je pense que le projet de loi traite de ce genre de cas. Il s’agit d’individus qui se sont incontestablement engagés dans des opérations terroristes infiniment répréhensibles et, pour moi, il n’y a pas de doute possible.
    Bien entendu, si nous nous mettions à priver de leur citoyenneté tous les Canadiens inculpés de terrorisme, disons par exemple en Russie ou pour les activités en Ukraine et dans quantité d’autres endroits, là il y aurait problème. Mais je ne pense pas que tel soit l’objet du projet de loi et je ne crois pas non plus qu’il sera détourné de sa vocation dans un tel but. Je pense qu’il existe des garde-fous et qu’ils sont bien conçus.
    J’aimerais faire part d’un autre aspect à notre témoin. Au cours des dernières semaines, nous avons appris des choses qui ont de quoi perturber. Tout d’abord, on nous a confirmé que l’un des terroristes soupçonnés de l’horrible attentat à la bombe en Bulgarie est un citoyen canadien. Au cours du week-end, on a confirmé que ce sont deux citoyens canadiens dont on pense qu’ils ont participé à l’abominable attentat terroriste en Algérie, et que deux autres pourraient également être impliqués. Et nous avons également appris, lors des délibérations de notre comité, qu’un grand nombre de Canadiens se rendent à l’étranger pour se livrer au terrorisme.
    Voici ma première question: Pensez-vous que la radicalisation des citoyens canadiens constitue un problème montant? En deuxième lieu, pensez-vous qu’il importe d’adresser un message à ces terroristes, je veux dire les citoyens canadiens terroristes, pour leur faire comprendre que leurs actions ne seront pas tolérées et seront considérées, à juste titre, comme une renonciation violente à leur loyauté envers le Canada, avec comme conséquence le retrait de leur citoyenneté?
    Monsieur Collacott, je commencerai par vous.
    Pour ma part, je suis d’accord avec vous. Je crois que ce message vaut la peine d’être adressé. Permettez-moi d’ajouter que j’ai publié, en 2006, un document dans lequel je recommande que les personnes qui viennent chez nous pour être naturalisées prêtent serment en déclarant qu’elles ne commettront pas d’actes terroristes. Mais cette recommandation n’a pas été suivie d’effet.
    S’agissant à présent de la question de savoir si nous avons une citoyenneté à deux vitesses et si nous traitons les Canadiens naturalisés différemment des Canadiens de naissance, je pense que nous faisons tout notre possible pour éviter que cela soit le cas. Cependant, je crois que dans certaines situations, ce genre de prise de position est justifiée à l’égard de personnes qui pourraient venir chez nous avec l’intention d’obtenir notre citoyenneté et d’utiliser le Canada comme tremplin pour des actes terroristes. Je ne crois pas qu’il y ait une foule de personnes qui agissent ainsi, mais leur nombre va croissant et c’est un problème grave. Je crois aussi que les garde-fous prévus par le projet de loi suffisent à éviter que l’on abuse des dispositions pertinentes.
    Merci, monsieur Collacott.
    Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?
    Une minute, monsieur.
    Merci.
    Monsieur Matas, conviendrez-vous avec moi qu’un terroriste condamné ne devrait pas être en mesure d’utiliser un passeport canadien pour se rendre à l’étranger et s’associer à des groupes extrémistes ou se lancer dans des actes terroristes?

  (1725)  

    Ce que j’aimerais — et c’est à votre portée — c’est qu’un amendement soit apporté au projet de loi afin de le rendre conforme à votre conception des choses. À l’heure actuelle, la loi établit une équivalence basée sur les infractions criminelles, mais non pas sur les actes.
    D’après votre conception, si un acte terroriste est commis à l’étranger, il doit être considéré comme un acte terroriste ici. Cependant, le projet de loi stipule que si quelqu’un est condamné pour crime de terrorisme, et si l’énoncé de cette infraction criminelle est équivalent à notre énoncé à nous, quelle que soit la réalité de l’acte commis à l’étranger, la personne risque de perdre sa citoyenneté canadienne. Et c’est là le problème. S’il s’agissait d’un acte concret plutôt que d’une infraction criminelle, le problème qui me préoccupe disparaîtrait de lui-même car à ce moment-là nous nous pencherions sur les caractéristiques de l’acte commis plutôt que sur la condamnation, dont la qualité risque de sonner à désirer.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Shory, je suis désolé mais votre temps de parole est expiré.
    Monsieur Matas, vous nous avez dit avoir apporté un document et l’un de mes collègues aimerait savoir si vous seriez disposé à le communiquer au comité.
    Oui, je l’ai d’ailleurs remis aux interprètes.
    J’ai également apporté certaines corrections typographiques, et…
    Ne vous faites pas de souci pour les fautes de frappe ou d’orthographe.
    Je vous donnerais bien volontiers ma propre copie, ou bien je pourrais vous adresser une version revue et corrigée par courriel.
    Voilà qui est parfait. Vous voudrez bien faire parvenir le document à notre greffière, elle le fera traduire à l’intention des autres membres du comité.
    Je n’y manquerai pas.
    Je vous remercie, monsieur.
    Madame Blanchette-Lamothe, vous avez le temps nécessaire pour une question.
    Une question? Bien.

[Français]

    Monsieur Matas, j'aimerais vous poser une question sur la déclaration d'intention de résider au Canada.
    Il semble y avoir une divergence d'opinions à cet égard. Certains disent qu'à cause de cette déclaration d'intention de résider, si la personne ne réside pas au Canada, elle pourrait être accusée, par exemple, d'avoir fait une fausse déclaration et de voir sa citoyenneté être révoquée. Or le gouvernement continue à dire que personne ne pourrait voir sa citoyenneté être révoquée si elle déclarait une intention de résider et qu'elle ne résidait pas au pays après avoir obtenu sa citoyenneté.
    En tant qu'avocat, quelle est votre opinion à ce sujet? Selon le libellé du projet de loi — et non selon l'intention du gouvernement —, serait-il possible de retirer la citoyenneté sur la base de la déclaration d'intention de résider?
    Je vais répondre à cette question en anglais.

[Traduction]

    Il va falloir attendre de voir la façon dont la loi s’appliquera dans la pratique, mais, bien entendu, ce n’est pas exclu. En ma qualité d’avocate en exercice, j’ai une expérience concrète de ces questions. Un grand nombre de personnes aujourd’hui naturalisées arrivent chez nous avec le statut de réfugié. Et puis, étape par étape, elles obtiennent la résidence permanente, puis la citoyenneté, et s’en retournent ensuite dans leur famille ou ailleurs. J’ai suivi des cas où le gouvernement s’est efforcé de mettre tout cela au jour, tout d’abord en révoquant leur statut de réfugié, en faisant valoir que ces personnes s’étaient à nouveau prévalues de la protection de leur pays d’origine. Donc, ils essaient d’élucider la question une fois le statut antérieur réintégré.
    Selon moi, cela se produit fréquemment dans le contexte de la criminalité canadienne. On décide de déporter quelqu’un pour activité criminelle au Canada, mais la démarche est trop compliquée car il faut une attestation de danger pour le public, alors on essaie une autre voie. Je veux dire par là que si les gens se contentent de parler, ils ne donneront pas suite, mais dans certains cas, ils vont vouloir s’en débarrasser pour une autre raison, alors ils vont choisir cette voie. C’est plus facile que d’essayer d’obtenir le résultat pour l’autre motif. Pour moi, c’est là que se situe une partie du problème.
    Une fois que l’on met les pouvoirs en place, il faut espérer qu’ils ne feront pas l’objet d’abus extrêmes et généralisés. Mais dans la réalité, le risque est là et cela se produit.
    Merci, monsieur Matas.
    Il vous reste le temps de poser une question très brève.
    Formidable.

[Français]

    Madame Douglas, on a parlé du fait qu'un Canadien de deuxième génération pourrait être exilé dans un autre pays, même s'il n'y a jamais vécu ou qu'il ne connaît pas la langue.
    Madame Douglas et monsieur Matas, avec le projet de loi C-24, une personne pourrait-elle être exilée dans un pays où elle n'a jamais vécu ou dont elle ne connaît pas la langue? Selon vous, serait-il juste qu'on impose une peine donnée à quelqu'un en raison de l'origine de ses parents?

[Traduction]

    Non, ce n’est pas juste du tout. Nous avons le même problème en ce qui a trait à la marge de tolérance accordée dans le cadre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Dans ce cas, lorsqu’on commet une infraction criminelle comportant une peine de plus de six mois, on risque, au vu des nouvelles dispositions, d’être déporté vers un pays avec lequel on n’a pas le moindre lien, tout simplement parce qu’on est né là-bas.
    Il en va de même avec la Loi sur la citoyenneté. Du fait de la double citoyenneté, on peut être envoyé dans un pays avec lequel on n’a rien en commun. C’est injuste et, comme nous l’avons dit, nous créons en fait une citoyenneté à deux vitesses.
    Je ne crois pas que cela corresponde à l’image du Canada en tant que pays.

  (1730)  

    Merci, madame Douglas. Nous vous avons donné le dernier mot.
    Au nom de notre comité, je vous remercie ainsi que M. Matas et M. Collacott de nous avoir fait bénéficier de vos réflexions sur ce projet de loi.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU