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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 020 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 avril 2014

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    J'invite les cameramen à quitter la salle. Merci beaucoup.
    Je rappelle à tous que notre séance d'aujourd'hui fait l'objet d'un enregistrement.
    Comme vous le savez, nous poursuivons notre étude des améliorations à la Nouvelle Charte des anciens combattants.
    Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui quelqu'un qui s'y connaît très bien en la matière. Je lui disais d'ailleurs tout à l'heure que nos chemins se sont croisés à une ou deux occasions et que je sais à quel point il a ces questions à coeur.
    Sénateur Dallaire, nous sommes ravis de vous recevoir aujourd'hui. Comme vous êtes très au fait du fonctionnement des comités, vous savez déjà que nous allons d'abord entendre votre déclaration préliminaire après quoi les membres du comité vous poseront leurs questions. Êtes-vous prêt?
    D'accord, nous vous souhaitons la bienvenue. Vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à vous, mesdames et messieurs les membres de ce comité dont le travail revêt une importance capitale pour un si grand nombre de gens. Merci d'avoir la patience d'inviter un ancien combattant vieillissant, un général à la retraite à qui il arrive de travailler de l'autre côté de la Colline.
    Je vais m'adresser à vous aujourd'hui surtout en ma qualité d'ancien combattant et de général à la retraite, mais aussi dans l'optique de mes fonctions de sénateur.
    J'aimerais d'abord situer un peu les choses dans leur contexte. Je vais toutefois remonter un peu plus loin en arrière que peut le faire CNN lorsqu'il se penche sur les événements de la semaine précédente. Je soulignerai ensuite quelques éléments qui me tiennent particulièrement à coeur. J'ose espérer que mon allocution ne se prolongera pas indûment, mais je devrai faire un effort car les généraux à la retraite n'ont pas la réputation d'être brefs.

[Français]

    Mesdames et messieurs, je comparais devant vous à titre de vétéran pour soulever des questions qui entourent la Nouvelle Charte des anciens combattants. Je vais vous présenter un peu d'histoire et mettre également en perspective cette charte que vous êtes en train d'étudier en détail.
    Je vous félicite d'avoir entrepris cet examen et de prendre le temps d'écouter de nombreux témoins. Lors de sa visite devant votre comité, le ministre vous a donné pour directive, je crois, de ne pas vous rendre sur le terrain, de ne pas aller rencontrer les vétérans et leur famille dans leur milieu. Peut-être est-ce un élément qui aurait dû être reconsidéré, bien qu'on nous dise souvent que ce genre d'initiative coûte cher et prend du temps.
    Comme on le dit, vétéran un jour, vétéran toujours. Pour nous, il ne s'agit pas d'un problème de temps, au contraire. La difficulté consiste à obtenir qu'on réponde à nos besoins.

[Traduction]

    En guise d'introduction, j'aimerais vous glisser quelques mots sur les origines de cette charte. Pour avoir lu les comptes rendus de vos séances, je sais que le général Semianiw vous a déjà présenté un exposé exhaustif à ce sujet.
    Vous me permettrez tout de même de souligner quelques points concernant la genèse de cette charte. Disons tout d'abord qu'elle n'a pas vu le jour à l'initiative d'un groupe de fonctionnaires qui auraient tout à coup décidé que c'était la solution à un problème. La charte a été créée en réponse à un besoin fondamental défini par un comité multidisciplinaire établi à l'origine par l'amiral Murray, qui était sous-ministre au tournant du siècle, soit aux environs de l'an 2000. Ce comité était présidé par M. Neary, celui-là même qui a rédigé un ouvrage détaillé sur la charte initiale qui remontait à 1943.
    Le comité multidisciplinaire avait pour mandat de conseiller le sous-ministre et, par le fait même, le ministre relativement aux problèmes liés à l'application de la Loi sur les pensions à une nouvelle génération d'anciens combattants. Outre ces problèmes d'application, il y avait aussi le fait que l'on arrivait difficilement à répondre aux besoins de cette jeune clientèle qui se distinguait considérablement de celle des octogénaires que le ministère s'employait surtout à servir à ce moment-là.
    Le ministère devait donc effectuer un virage radical pour s'adapter à une clientèle qu'il n'avait pas connue depuis les années 1940 ou 1950, une époque où la majorité des vétérans étaient âgés de 18 à 23 ans, ou à peu près. C'était en soi un choc considérable.
    Cette équipe multidisciplinaire composée de représentants de plusieurs ministères et de différents autres intervenants a donc apporté une contribution significative qui s'est concrétisée en mars 2004 sous la forme d'un document que l'on a appelé le rapport Neary.
    J'ai eu la chance de participer au processus à titre de représentant des anciens combattants des Forces canadiennes, le nom que nous nous étions donné depuis la fin de la guerre froide, et d'accompagner M. Neary lorsqu'il a présenté son rapport ici même en mars 2004 pour la gouverne du ministère et des anciens combattants dans le but d'appuyer la réforme.

  (1535)  

    Les effets du rapport Neary ne se sont pas limités à son seul contenu. Il y a eu en quelque sorte un amalgame de certains éléments du rapport et des importants efforts d'examen et de réorganisation déployés à l'interne par le ministère lui-même pour régler les problèmes existants et composer avec cet afflux d'une nouvelle génération d'anciens combattants depuis le début des années 1990.
    Le résultat final a été, bien sûr, ce projet de loi. C'est moi qui ai piloté le projet de loi C-45 au Sénat. Je n'étais en poste que depuis trois semaines. C'est bien peu, mais c'est tout de même davantage que le temps que nous avons consacré à l'étude de ce projet de loi, soit à peine 24 heures. La Nouvelle Charte est donc un document essentiel pour les anciens combattants de notre époque, mais il y avait une réserve très importante à établir. Il devait s'agir d'un document évolutif, car nous ne connaissions pas tous les paramètres des besoins à combler chez cette nouvelle génération de vétérans ainsi qu'au sein de leurs familles, une considération fondamentale dans la production du rapport Neary. Ce n'était plus seulement les militaires eux-mêmes qui étaient déployés, mais leurs familles également pour ainsi dire.
    À ce titre, je vous dirais qu'à mon retour du Rwanda il y a 20 ans, ma belle-mère, qui est décédée depuis, a déclaré qu'elle n'aurait jamais survécu à la Seconde Guerre mondiale si elle avait dû la vivre comme ma propre famille l'a fait. Mon beau-père commandait un régiment d'infanterie et le pays tout entier était en guerre. Les technologies de l'information étaient rudimentaires, sans compter la censure qui faisait en sorte que les gens savaient très peu de choses sur ce qui se passait dans les zones de conflit.
    Avec la révolution des communications et la possibilité d'obtenir des rapports en temps réel, nous voyons maintenant les familles zapper sans cesse entre les différentes chaînes d'information pour savoir laquelle annoncera en premier qui a été tué, blessé ou fait prisonnier. Ainsi, au retour d'une mission, le militaire retrouve une famille qui a vécu sa mission en même temps que lui. Ce n'est plus un exercice que l'on fait chacun de son côté. C'est une alliance.
    C'est une communion entre le militaire et sa famille, et toute politique qui ne tient pas compte de cette réalité est fondamentalement bancale en ce sens qu'on ne peut pas aider un militaire en laissant quelqu'un d'autre s'occuper de sa famille, alors qu'il faudrait en fait qu'on la soutienne en priorité. Cette dimension que l'on souhaitait inhérente à la loi projetée ne s'y retrouve pourtant pas. Il est bien difficile de trouver quelque référence que ce soit au concept de famille dans cette loi.
    En revanche, cette loi a donné au gouvernement porté au pouvoir en janvier 2006 la capacité de mettre en oeuvre toute une génération de nouveaux outils qui devaient permettre de répondre aux besoins relevés. Soit dit en passant, M. Neary et moi-même nous sommes rendus à l'Île-du-Prince-Édouard trois mois avant le dépôt du projet de loi pour être informés des différents changements pouvant découler de cette mesure.
    Plusieurs de ces changements n'avaient jamais été envisagés auparavant. Ainsi, la question du montant forfaitaire n'a jamais été soulevée dans les délibérations du comité multidisciplinaire qui conseillait le sous-ministre, et ce n'était que l'un des nombreux ajouts qui n'ont pas manqué de nous étonner. Nous n'avons toutefois pas eu la chance d'en débattre pour proposer des modifications, parce que le processus était trop avancé. Le tout a donc simplement été mis en oeuvre, mais reste quand même, comme je le disais tout à l'heure, que c'est un document évolutif et que le ministre aura toujours la possibilité d'apporter des ajustements.
    Au cours des dernières années, il n'y a eu qu'une intervention d'importance, soit le projet de loi C-55.

  (1540)  

    Si je parle d'intervention d'importance, c'est parce qu'il s'agit d'une loi et non parce que c'est une mesure d'envergure, car c'est bien peu par rapport aux besoins à combler. De plus, certaines mesures contenues dans ce projet de loi auraient pu être prises directement par le ministre, une fois ses collègues du Conseil du Trésor convaincus, sans passer par la voie législative. Mais il y a effectivement des mesures législatives qui ont leur importance, et c'est le second élément que je souhaiterais aborder concernant cette charte.
    Nous avons recommandé vivement que la charte donne au ministre le pouvoir de modifier les programmes et les directives sans avoir les mains liées par une réglementation trop lourde exigeant des dispositions législatives. Comme la charte est un document évolutif, on voulait que le ministre, pour autant qu'il convainque ses camarades du Conseil du Trésor de lui octroyer les ressources financières nécessaires et qu'il ne contrevienne à aucune autre loi, puisse intervenir pour apporter les changements qui s'imposent afin de répondre rapidement aux besoins des militaires et de leurs familles. Cette loi ne lui procure pas une telle marge de manoeuvre. Au contraire, l'ampleur de la réglementation dont elle est assortie lui complique grandement la tâche, tant et si bien qu'il devient très difficile pour lui d'apporter certains des changements proposés par de nombreux comités.
    Comme vous le savez, pas moins de cinq comités ont débattu de ces questions et formulé des centaines de recommandations. Je crois d'ailleurs que votre comité en a lui-même proposé un bon nombre il y a près de deux ans à la suite de son étude sur le syndrome de stress post-traumatique ou la santé mentale en général. Les recommandations de ces comités n'ont pas eu une résonance très large. J'ai bien peur que très peu d'entre elles, voire aucune, n'ait abouti sur le bureau d'un fonctionnaire. De fait, les cinq présidents de ces comités n'ont pas reçu de véritable réponse du ministère concernant leurs recommandations. Celles-ci sont en quelque sorte restées lettre morte.
    Tout ça pour vous dire que j'essaie d'aborder ce document dans une perspective davantage stratégique en évitant, comme vous avez pu le constater, de m'arrêter aux détails d'un si large éventail de programmes, de projets et de directives. C'est dans cette perspective stratégique que je peux vous affirmer qu'il faut absolument que cette charte soit modifiée. Cela ne veut pas nécessairement dire une nouvelle charte ou des modifications à la Loi sur les pensions, mais il faut une charte qui réponde aux besoins qui ont évolué avec le temps, car il ne faut pas oublier, mesdames et messieurs, que notre mandat couvre maintenant 25 années de plus par rapport à 2005, lorsque la charte a été présentée... La nouvelle génération d'anciens combattants est apparue avec la fin de la guerre froide et la guerre du Golfe. D'ailleurs, la façon dont vous avez traité les victimes du syndrome de la guerre du Golfe montre on ne peut mieux que nous avons vraiment besoin de toute une gamme de nouveaux outils. Nous n'avons pas vraiment aidé ces militaires qui vivent encore avec les séquelles de cette guerre.
    Notre travail ne se limite donc pas aux vétérans de l'Afghanistan, car c'est juste le point culminant de 25 années de campagne où nos militaires ont été présents sur différents théâtres d'opérations en espérant pouvoir rentrer de temps à autre à la maison pour panser leurs plaies. Nous avons besoin de cette loi pour prévoir toutes les mesures nécessaires afin de prendre bien soin de ces militaires qui rentrent au pays. Ce faisant, il faut considérer que les besoins vont continuer d'augmenter sans cesse; ils ne vont certes pas diminuer. Les anciens combattants de l'Afghanistan, de la Yougoslavie et de la Somalie ont maintenant 60, 65 ou 70 ans. La nouvelle charte ne prévoit rien de concret quant aux soins à long terme, si bien qu'il faut s'assurer de couvrir toutes les possibilités. Selon le pacte que nous avons proposé en 2004, nous prenons envers les militaires un engagement de loyauté mutuelle qui ne s'éteint pas lorsqu'ils cessent de porter l'uniforme. Comme nous avons changé la culture de ces personnes, nous demeurons responsables de leur sort toute leur vie durant.
    Comme j'ai déjà parlé trop longtemps et que je voulais éviter d'entrer dans les détails, je suis maintenant disposé à répondre de mon mieux à toutes les questions des membres du comité, monsieur le président.

  (1545)  

    Merci beaucoup, général Dallaire. Je crois que personne n'a eu l'impression que vous avez parlé trop longtemps. Je suis persuadé que vous pourrez ajouter différents détails en répondant aux questions.
    Nous débutons avec M. Chicoine qui dispose de six minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Sénateur Dallaire, c'est un plaisir de vous recevoir ici aujourd'hui. Je vous remercie non seulement des services que vous avez rendus au pays, mais également de votre participation à cette étude sur la Nouvelle Charte des anciens combattants.
    L'année dernière, vous avez dirigé, en tant que président du Sous-comité sénatorial des anciens combattants, une étude sur la nouvelle charte. Les trois premières recommandations de cette étude portaient sur le contrat social. Vous y affirmiez que le gouvernement devrait déposer un document en vue d'exposer et de faire connaître le contrat social.
     J'aimerais que vous nous disiez comment, selon vous, ça s'articulerait. S'agirait-il d'un préambule à la nouvelle charte ou d'un document séparé?
    En 1997, lorsque je remplissais les fonctions d'adjoint du sous-ministre adjoint, nous avons fait une étude sur la condition des troupes, en l'occurrence sur leur moral et leur qualité de vie. Deux des cinq éminents intellectuels qui réalisaient cette étude ont recommandé, à titre de meilleure solution, que les Forces armées canadiennes se dotent d'un syndicat. Le besoin était criant.
    À partir de ce moment, nous en avons débattu, et ce débat a duré jusqu'au moment où j'ai dû quitter les Forces armées canadiennes pour des raisons médicales. On faisait valoir qu'un contrat social devrait être établi entre les vétérans et la population canadienne par l'entremise du gouvernement. Je pensais que cette idée aurait pu au moins être présentée dans le cadre d'une motion à la Chambre, voire dans celui d'un projet de loi.
    Que ce soit par l'entremise d'une motion ou d'un projet de loi, il fallait adopter une position bien éclairée. Dans ce contexte, nous aurions pu faire état de lignes directrices, d'une philosophie à l'égard des vétérans qui s'appliqueraient ad vitam æternam et en vertu desquelles tout gouvernement aurait la responsabilité de respecter l'esprit sinon la lettre de ce contrat social.
    Au fil des ans, je suis arrivé à la conclusion que le fait d'établir un contrat social venait avec l'application de limites. Signer un contrat implique que les deux parties s'entendent sur les limites du contrat en question.
    Quand je suis parti en Afrique et que mes collègues sont partis ici et là dans le monde, personne ne m'a dit qu'une limite déterminait jusqu'à quel point je devrais mettre ma vie en danger pour accomplir ma mission. Il n'y avait pas de limite. Je fonctionnais selon un contrat volontaire. Enfin, disons qu'il était volontaire le jour où je l'ai signé, mais qu'il ne l'était plus guère par la suite. Je me suis joint à une organisation qui nous demandait d'être prêts et de suivre les ordres du gouvernement. Aucun choix ne s'offrait à nous. Comme nous n'avions pas de syndicat, nous n'avions pas le droit de ne pas participer à une opération. On mettait notre vie en péril et on s'attendait à ce que nous soyons prêts à cela.
    Si on établit un genre d'état quasi biblique concernant ce qu'on demande à l'individu, comment peut-on signer un contrat?
    Ce que je suggère, ce n'est pas un contrat, mais ce qu'on appelle un covenant.

  (1550)  

[Traduction]

    Un pacte d'engagement qui a un certain poids, en ce sens qu'il est soumis à l'examen de la Chambre des communes, et peut-être aussi du Sénat, de telle sorte qu'il puisse être reconnu comme un cadre philosophique à l'intérieur duquel les citoyens et les anciens combattants du pays conviennent que si vous êtes disposé à faire l'ultime sacrifice, alors le pays s'engage à mettre tout en oeuvre pour s'acquitter de ses responsabilités à votre égard et auprès de ceux qui sont directement touchés, à savoir vos proches.
    C'était ma réponse brève à votre question.

[Français]

    Merci. Ça ressemble beaucoup à l'approche britannique qu'on désigne par le terme « armed forces covenant ».
    C'est en effet un terme tout à fait semblable. Ça permet de guider les parlementaires, en ce sens que ça élimine le débat visant à déterminer si on est responsable et si on devrait le faire ou non.
    Il faut se rendre à l'évidence: l'individu a été déployé, affecté, blessé ou tué. Il a mis sa vie en péril et sa famille a vécu cette expérience. Il n'y a pas d'option là-dedans.
    Oui, il y a toujours la question financière, la nécessité de déterminer ce qui est raisonnable. Or c'est selon les moeurs du pays qu'on établit ça.
    J'aimerais revenir sur le rapport que vous avez produit et qui ne contient pas de recommandation sur la somme forfaitaire.
    Quelle est votre opinion au sujet de la somme forfaitaire? Quelle approche préconisez-vous à cet égard?
    Je trouve que cette mesure est exceptionnellement néfaste. Elle ne convient pas du tout aux besoins de la personne et de sa famille. On dit que c'est une somme qui doit permettre à une personne de se relancer, or cette somme est insuffisante pour cela. Une personne peut avoir acheté une première maison ou fait des investissements et, après 2008, avoir perdu les deux tiers de ses investissements, de sorte qu'il ne reste plus rien de cette somme. Je ne trouve pas que c'est une mesure qui permet à un individu d'avoir non pas une dépendance, mais une stabilité d'esprit sur laquelle il peut bâtir. On lui garroche un tas d'argent et on espère que ça va marcher.
    De plus, à cause de la nature complexe et ambiguë des conflits dans lesquels se trouvent la majorité des vétérans blessés, ces derniers font face sur le terrain à des dilemmes éthiques et moraux, voire légaux. Cela entraîne des traumatismes et, ultimement, des dépressions et d'autres problèmes psychologiques.
    Quand on est aux prises avec de tels problèmes et que, loin de tous, on a des idées suicidaires, on n'est pas en mesure de prendre des décisions de cette envergure, peu importe les conseils qu'on reçoit. J'ai moi-même vécu ce genre de problèmes. La famille est touchée par notre état d'esprit et ne connaît probablement pas le système. Dans un tel cas, les décisions concernant l'avenir de la famille sont prises à partir d'informations trop limitées et elles sont quasiment nuisibles pour elle.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Hawn. Vous avez six minutes.

  (1555)  

    Merci, monsieur le président, et un grand merci à vous, général Dallaire, de votre présence aujourd'hui. Il est toujours agréable de discuter avec vous.
    Nous sommes tous les deux couverts par la Loi sur les pensions à la suite de notre service militaire. Est-ce que tout s'est bien passé avec cette loi? Est-ce que certains anciens combattants ont formulé des plaintes à l'égard de la Loi sur les pensions?
    En guise de réponse, je pourrais vous remettre le rapport Neary en vous précisant que ce n'est que la version abrégée. Nous avons entrepris ce travail parce que les besoins avaient changé. Les modalités de la Loi sur les pensions avaient été établies en fonction de notre statut en vertu de l'OTAN qui nous considérait essentiellement comme des militaires en temps de paix, plutôt que des militaires prêts à faire la guerre.
    La Loi sur les pensions est entrée en vigueur aux environs de 1952 ou 1953, mais elle visait la période postérieure à la guerre de Corée. Elle s'adressait donc à une force militaire qui, malgré qu'elle était en pleine guerre froide, se retrouvait essentiellement en temps de paix. Nous avons déployé des troupes au Congo dans les années 1960 et à Chypre dans les années 1970, mais ces périodes mises à part, nous étions une force de temps de paix qui s'entraînait en vue d'un éventuel déploiement en situation de conflit. La Loi sur les pensions était adaptée à cette réalité-là. Nous avions besoin de mesures ciblées différemment, surtout pour les militaires les plus grièvement blessés.
    Si je puis me permettre d'interrompre un général...
    Désolé.
    Non, ça va. J'ai seulement six minutes et j'essaie de poser le plus de questions possible.
    Je voulais seulement faire valoir qu'aucun système n'est parfait. La Loi sur les pensions a suscité elle aussi certaines plaintes, ce qui a mené à ces changements. Cette charte n'est pas idéale elle non plus; c'est justement pour cette raison que nous sommes ici.
    La Charte des anciens combattants prévoit tout un train de prestations et de services. À mon sens, elle pose toutefois un problème du point de vue de l'accès, du fardeau de la preuve et des communications. Pour ce qui est de l'accès, il y a tout simplement trop d'étapes à franchir pour obtenir de l'aide. Dans le cas du fardeau de la preuve, les exigences à remplir sont déraisonnablement élevées. Enfin, l'information transite difficilement du ministère de la Défense nationale à celui des Anciens Combattants, lorsqu'un militaire passe du côté des vétérans.
    Nous restons ici dans une perspective plutôt générale, mais dans quelle mesure pourrions-nous améliorer les choses si nous réglions ces problèmes d'accès et de communication? Je sais qu'il y a différents seuils et montants qu'il convient de rajuster, mais j'ai l'impression que cela contribuerait grandement à régler une bonne partie du problème.
    Ces trois aspects que vous soulevez relèvent du MDN à l'interne. On cherchait des moyens de rejoindre les militaires et leurs familles pour répondre à leurs besoins.
    Nous savons que le MDN est une organisation très paternaliste. C'est ainsi que l'on peut s'assurer de compter sur la loyauté voulue et la capacité nécessaire. Les efforts déployés ont permis de se donner les moyens de prendre les militaires en charge de façon beaucoup plus efficace qu'on peut le faire à Anciens Combattants Canada. On peut d'ailleurs noter que bien des militaires ne souhaitent pas passer sous la responsabilité d'ACC. C'est en raison des avantages dont ils bénéficient, mais aussi parce qu'ils ont l'impression de faire encore partie de la famille.
    Il faut donc se demander s'il est possible de faire en sorte qu'ACC réponde aux besoins des militaires aussi bien que le MDN, et ce, même si des sous-ministres adjoints des deux entités conjuguent leurs efforts au sein d'un comité conjoint depuis 1997-1998. J'irais même jusqu'à dire que l'on peut se demander si l'on a vraiment besoin de deux ministères distincts.
    Je suis ravi de vous l'entendre dire.
    Il n'est pas question de déplacer qui que ce soit. Je m'interroge simplement sur la logique de confier à une autre organisation à responsabilité du soutien à une personne qui fait toujours intrinsèquement partie des forces militaires, même si elle ne porte plus l'uniforme.
    Comme bien d'autres, j'aimerais bien que l'on puisse aller de l'avant avec un projet de loi d'initiative parlementaire de telle sorte que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne fasse plus obstacle aux échanges d'information entre les deux ministères. Il serait peut-être bon d'envisager la possibilité d'avoir un ministre de la Défense nationale et un ministre associé des Anciens Combattants au sein d'un seul ministère.
    Ils ont des budgets qui leur permettent de protéger ces éléments. Il y a toutes sortes de moyens à leur disposition. Pour avoir été moi-même sous-ministre adjoint, je peux vous assurer que c'est chose possible. Mais ce transfert de dossier et cette impression générale de se retrouver dans l'obligation d'avoir à mendier et d'avoir à utiliser toutes sortes de moyens pour obtenir de l'aide, sans vraiment savoir à qui s'adresser... On peut toujours lire le bulletin Salut!, mais ce n'est pas un outil de communication efficace pour un ministère qui compte plus de 200 000 clients.
    Nous avons reçu il y a deux jours, le caporal Fuchko qui nous a dit avoir reçu des montants forfaitaires totalisant 566 000 $ d'ACC et du RARM, sans compter bien sûr d'autres prestations comme l'allocation pour perte de revenu et l'allocation pour déficience permanente.
    La situation serait-elle plus acceptable si nous parlions d'une pension pour perte de revenu et d'une pension pour déficience permanente, plutôt que de parler d'allocations? L'argent est disponible et il faudrait en faciliter l'accès, mais le problème est en partie uniquement lié à des perceptions. N'êtes-vous pas de cet avis?

  (1600)  

    C'est un point très intéressant, car tout cela a laissé l'impression que nous avions simplement conçu un régime d'assurance fondé sur le RARM. Le RARM est une mesure prise en temps de paix pour apporter l'aide nécessaire aux militaires qui se blessaient pour la plupart pendant l'entraînement.
    Il était tout simplement illogique de vouloir élaborer un programme pour les anciens combattants en s'inspirant de ce genre de philosophie, lorsqu'on sait qu'à peu près toutes les prestations issues de ce régime sont imposables. Ce n'était pas le cas avec le régime qui l'a précédé. Il ne prenait pas fin à 65 ans. On ne se retrouvait pas sans protection. Les soins à long terme étaient offerts.
    L'allocation pour déficience permanente est versée toute la vie durant.
    La terminologie est certes un aspect à considérer, mais je recommanderais vivement que l'on s'intéresse à la nature même de la chose et au fait qu'il faut changer le cadre philosophique qui la sous-tend, non seulement pour adopter le pacte d'engagement, mais pour en faire une véritable charte des anciens combattants, plutôt qu'un régime d'indemnisation des accidentés du travail.
    Merci beaucoup, monsieur Hawn.
    C'est maintenant le tour de M. Valeriote, pour six minutes.
    Merci, monsieur le sénateur Dallaire, pour le service rendu à notre pays, non seulement dans les Forces, mais aussi au Sénat. Merci aussi de votre comparution aujourd'hui.
    Vous avez parlé très ouvertement à tout le pays du TSPT dont vous souffrez, votre trouble de stress post-traumatique. Bon nombre des personnes qui ont comparu devant le comité et d'autres anciens combattants auxquels nous avons parlé se sont montrés très ouverts à ce sujet, alors que d'autres ne le sont pas tant et que certains quittent les Forces sans connaître les conséquences de ce qu'ils ont vu et des souffrances qu'ils éprouveront peut-être plus tard à cause de cela.
    Ce matin, j'ai eu un breffage de la part des gens du ministère, et je leur ai demandé ce qui se passe à la fin de leur période de service au sein des Forces. Eh bien, ils se soumettent à un examen de départ. J'ai essayé d'en savoir plus. Dans quelle mesure recherchez-vous des preuves de l'existence d'un TSPT? Eh bien, ils ne peuvent pas dire qu'ils cherchent tant à le savoir, franchement; on pose quelques questions dans l'espoir que la personne sera ouverte et honnête. J'ai recommandé des choses: une liste de vérification, un questionnaire écrit, même. Avez-vous des cauchemars? Êtes-vous toujours en colère? Peu importe les indices. Certains reprochent aux Forces de ne pas assez tendre la main, et d'autres reprochent aux anciens combattants de ne pas être au courant.
    Comment pensez-vous que les gens d'Anciens Combattants Canada devraient aborder ce problème, et estimez-vous qu'ils doivent s'en occuper avant que la personne parte et devienne un ancien combattant, ou plutôt attendre que quelque chose se produise?
    Premièrement, la blessure apparaît alors qu'ils servent encore dans les forces. Une fois qu'ils sont blessés et qu'ils sont déclarés anciens combattants parce qu'ils ont servi au moins un an, on leur ouvre un dossier au ministère des Anciens Combattants.
     Revenons rapidement sur la raison pour laquelle j'ai parlé d'un ministère. Le soldat qui sert activement dans les forces a aussi un dossier aux Anciens Combattants, qui fournit des ressources. Il y a parfois des frictions. Vous avez deux ministères qui s'occupent du même problème sans pour autant être coordonnés.
    La portée, car c'est un aspect très important de la question... Le seul pays qui m'a envoyé de l'aide pendant le génocide, c'est ce pays, et c'était deux Hercules. Onze officiers étaient présents avec moi au Rwanda, et sur 12 personnes, 7 ont gravement souffert de TSPT. L'un de nous s'est suicidé 15 ans plus tard, et il était en traitement. Des familles ont éclaté à cause des tensions et des pressions sur la vie familiale. On sous-estime souvent l'importance des besoins, tant ceux des personnes blessées que ceux des personnes qui les entourent.
    Pour ce qui est de la façon dont nous nous sommes occupés de cela, je pense que la sensibilisation et la formation qui précèdent le déploiement se sont traduites par un degré de capacité élevé. Les exigences dans le théâtre d'opérations — bien que j'ai été surpris d'apprendre, l'autre jour, qu'il n'y avait pas de services en français, mais j'aimerais bien savoir si des psychiatres seraient prêts à aller en zone de guerre... Quoi qu'il en soit, il faut donner ça à forfait.
    Sur le terrain, nous avons constaté que les exigences ont eu un excellent effet — les troupes qui sont là, la façon dont les gens ont été entraînés pour s'occuper des leurs, plus la thérapie professionnelle. La transition lors du retour, avec les quatre ou cinq jours à Chypre ou ailleurs, pour décompresser, c'est essentiel. C'est une pression sur la famille, mais c'est essentiel.
    Vous ne pouvez revenir d'un échange de feu et, en 24 heures, déambuler sur une rue du centre-ville. Nous savons ce qui s'est produit avec le Vietnam. Quand nous nous sommes adressés aux Américains pour avoir de l'aide, en 1997, parce que nous n'avions absolument aucune capacité, ils nous ont dit qu'ils ne voulaient pas que nous fassions ce qu'ils avaient eu à faire pour passer au travers. Ils ont dit avoir perdu 58 000 personnes environ, dont ils sont nombreux à être nommés sur le monument, à Washington. Mais en 1997, 22 ans après la fin de la guerre du Vietnam, ils étaient au fait de plus de 102 000 suicides directement liés au Vietnam.
    Le suivi représente donc l'enjeu essentiel. Est-il aussi rigoureux, aussi complet qu'il le faudrait? Et je ne parle pas que des membres de la force régulière, que vous pouvez attraper par la peau du cou pour veiller à ce qu'ils aillent chercher de l'aide — même s'ils ne le font pas de leur plein gré, ils voient au moins un thérapeute qui peut les évaluer dans une certaine mesures —, mais aussi du réserviste à Matane, sans rien autour de lui, outre une unité de réserve sans moyens de l'aider, sans journées d'instruction spéciale, sans argent ou capacités locales pour changer la situation.
    Je dirais que le suivi est toujours faible, et qu'il est principalement dominé par le psychiatre, ce qui ne fait pas problème, car c'est lui qui donne les pilules. J'en prends neuf par jour, et ça me permet d'être tel que je suis en ce moment: raisonnable. J'ai besoin de ça.
    Cependant, ce qu'il me faut, c'est que le psychologue fasse en sorte que je vive ainsi et essaie de m'amener à un niveau où je serais fonctionnel. Je pense que c'est là que se situe la grande faiblesse du programme; c'est la raison pour laquelle nous continuons de voir les taux de pertes grimper, non seulement parmi les militaires, mais parmi leurs familles. Le suivi, qui exigerait qu'ils se soumettent à un examen rigoureux — chacun d'eux... On le fait avant de les déployer. Ils reviennent, et tout à coup, nous n'avons plus la même rigueur?
    Quand j'étais au commandement de ma brigade, le dentiste avait plus de pouvoir que les commandants parce que, quand il se présentait, il avait une liste de ceux qui étaient marqués en rouge. Quiconque était marqué en rouge, en ce sens qu'il ne pouvait être déployé, pouvait être accusé de ne pas avoir respecté les règles s'il ne se prévalait pas de bons soins dentaires. Je ne vois rien de cela pour cette blessure. Je dirais qu'il faut se rendre jusqu'à ça.

  (1605)  

    Les thérapeutes m'ont dit: « Oui, mais ils doivent venir d'eux-mêmes. » Quelqu'un m'a même dit quelque chose de bien stupide: qu'ils se stigmatisent eux-mêmes. Je n'avais rien entendu d'aussi ridicule depuis des années. Vous ne vous stigmatisez pas vous-même; vous êtes blessé. C'est ce qui mène à l'isolement, et c'est donc une entité inexistante.
    Si les gens ne vont pas d'eux-mêmes chercher de l'aide, c'est peut-être parce que les thérapeutes ne vont pas assez au-devant d'eux. Les gens n'aiment pas s'adresser à un thérapeute. Ils ne pensent pas tous, comme Woody Allen, que c'est « in » d'avoir un psychiatre ou un psychologue. C'est ce qui ressort dans ses films, mais vous ne voulez peut-être pas l'imiter sur d'autres aspects. Les thérapeutes doivent vendre leur produit, s'approcher le plus possible des unités et s'engager plus intimement.
    Comment passer tout cela aux Anciens Combattants? Cela n'arrive pas si souvent. Vous devez presque tout recommencer du début. J'ai le même thérapeute depuis 13 ans. Si on venait me dire que je dois voir un autre thérapeute, je m'estimerais vraiment mal pris.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant le tour de M. Hayes, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Général, j'ai eu beaucoup de plaisir à causer avec vous, avant la séance. Je pense que votre chemin a très probablement croisé celui de mon père. J'espère avoir la chance de discuter un peu plus de cela avec vous.
    J'aimerais citer une phrase du rapport du sous-comité: un bon rapport. Ça dit: « Dans l’ensemble, nous avons constaté qu’ACC et la NCAC servent bien la majorité des membres des FC et des vétérans. » Il est important de ne pas oublier cela pendant notre étude.
    J'aimerais poursuivre dans la même veine que M. Chicoine, concernant l'absence d'un contrat social clair sur lequel s'entendraient, d'un côté, les Canadiens, représentés par leur gouvernement, et de l'autre, les membres et les anciens combattants des Forces canadiennes. Je crois que vous avez mentionné, concernant le processus menant à ce contrat social, que vous estimez qu'il faudrait le négocier, pour en fin de compte le faire adopter par la Chambre.
    J'aimerais avoir une idée du processus qui permettrait cela. Qui participerait à cela? Vous pourriez nous l'expliquer un peu.
    De toute évidence, ce n'était pas inclus dans la Charte des Anciens Combattants de 2005. J'imagine donc que la question à poser, c'est pourquoi cela n'a pas été fait alors. Quel rôle voyez-vous pour le comité, dans la conception du nouveau contrat social? Je pense que nous y sommes tous engagés.
    Merci, monsieur.

  (1610)  

    Merci beaucoup.
    En réalité, dans le rapport Neary, nous utilisons l'expression « pacte social ». Il faut garder à l'esprit que ce n'était pas une entreprise éphémère et que cela a informé le SM et les SMA sur les réformes que nous estimions nécessaires. L'analyse bureaucratique du problème a essentiellement pris le pas sur le besoin réel.
    Avant de parler de processus, permettez-moi de revenir sur ce que vous avez dit à propos de la charte qui répond bien à la majorité des besoins.
    Quand j'étais le sous-ministre adjoint chargé du personnel, à la Défense nationale, nous avions 80 000 militaires, et j'avais aussi 31 000 civils. J'allais aux réunions du Conseil des Forces armées, où siégeaient des généraux trois étoiles qui prenaient toutes les décisions avec le CEMD, et au moins 75 % de l'ordre du jour portait sur des questions liées au personnel: la qualité de vie et Dieu sait quoi — les affectations, les promotions et tout le reste.
    Je regardais comment tous les projets d'immobilisation étaient adoptés — achat de camions, de ceci, de cela — et comment ils étaient gérés, et je constatais que les problèmes du personnel étaient gérés de la même manière, comme si c'était semblable à l'achat de camions. On proposait une solution qui devait s'appliquer au personnel, une politique, et ils disaient: « C'est bon. C'est réglé. » Et c'est comme s'ils vous disaient de ne pas revenir avec ça avant 20 ans, parce que des camions, ça dure 20 ans, alors nous ne voulons pas entendre de nouveau parler de ce problème.
    Mais quand il s'agissait de défendre des projets d'immobilisation, comme je l'ai fait pendant quatre ans, on pouvait être plutôt content d'un camion qui était efficace à 90 % sur la route. Cependant, quand j'ai plongé dans l'univers du personnel, il est devenu évident pour moi que le seul pourcentage acceptable, c'était 100 %, parce que chaque membre du personnel compte.
    Si vous avez quelque chose qui fonctionne à 75 ou 80 % — le TACRA est excellent pour les statistiques et vous en obtiendrez toutes les statistiques que vous voulez —, sans atteindre 100 %, vous avez une lacune et un problème.
    C'est le but de l'exercice que nous envisageons, je l'espère: la marge qui existe. Ils servent, ils sont blessés, ils ont des problèmes différents, ce qui peut être complexe et... Dieu sait dans quelle mesure ils tergiversent parfois, mais ils font tout autant partie de la vaste majorité dont il faut s'occuper.
    Le système doit passer à ce niveau.
    En ce qui concerne le processus relatif au pacte, que vous m'interrogiez à ce sujet me fait chaud au coeur.
    D'un côté, il y a ceux qui disent ne pas vouloir un système paternaliste, ne pas vouloir que les gens soient dépendants. Ils veulent que les gens deviennent des civils normaux, qu'ils fassent ce qu'ils ont à faire et qu'ils reprennent le cours d'une vie civile.
    Ça allait, après la Première Guerre mondiale, parce que les gens entraient dans les Forces pour la guerre, sans intention d'y rester après, parce qu'ils comptaient plutôt poursuivre leur vie, retourner à l'école, etc. Cependant, aujourd'hui, les gens sont là parce qu'ils ont la possibilité d'y faire carrière et que ça les intéresse. Ils viennent pour s'engager à long terme.
    Quand votre programme ne montre pas que vous reconnaissez avoir voulu les garder 30 ou 35 ans, mais que vous les avez perdus parce qu'ils sont blessés, ce n'est pas simplement que vous leur tournez le dos; vous continuez de veiller à ce que cette personne se concentre sur la tâche de devenir un bon citoyen. Vous ne l'avez pas abandonné. Vous ne l'avez pas laissé tomber; vous le suivez continuellement. C'est le sentiment paternaliste qui demeure.
    Ce qui différencie le pacte social du contrat social, c'est le cadre philosophique qu'il faut articuler. Ce n'est pas un programme d'immobilisation, ni un plan budgétaire; ce n'est pas une loi pour laquelle il faut prévoir des fonds, parce que ce n'est pas prévisible. Nous savons ce qui se passe en ce moment avec la poursuite en Colombie-Britannique. On essaie de regarder les chiffres et tout ça. Cela n'a rien à voir avec les chiffres; c'est un cadre philosophique portant sur les façons d'envisager ces personnes. Nous les avons engagées, et maintenant, nous devons aller les chercher.
    Je pense qu'un cadre législatif qui est une philosophie de... Nous entendons souvent les gens parler de leurs valeurs: « Ce sont nos valeurs, nous voulons être éthiques et transparents », et ainsi de suite.

  (1615)  

    Dans ce cas, on légifère sur des valeurs, et je pense que c'est possible. Il est alors bien plus facile pour ceux qui ont le mandat de les mettre en oeuvre d'avoir au moins l'impression d'évoluer dans une approximation de manière responsable sans avoir à toujours se demander si on a assez ou pas assez coupé, etc. Ils sentent cette responsabilité.
    Je vous remercie beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Rafferty, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Pouvez-vous me faire signe quand il restera deux minutes, pour que Mme Mathyssen puisse poser une question?
    Vous allez donc poser vos questions une à une.
    Oui.
    Contrairement à d'autres, ce seront des questions individuelles. J'aimerais que plus de gens le fassent ainsi.
    Eh bien — des questions individuelles? On verra.
    Général Dallaire, merci beaucoup de votre présence. Je suis ravi que vous soyez ici et, comme d'autres l'ont fait, je vous remercie du service que vous avez rendu aux Canadiens et au pays.
    Dès le début de vos observations, vous avez mentionné quelque chose que presque tous les autres témoins ont mentionné aussi, je pense, et c'est que les familles sont laissées pour compte, dans cette charte. J'aime la façon dont vous avez dit que, quand on déploie des membres, on déploie aussi des familles.
    Je ne veux pas que vous vous sentiez contraint de répondre tout de suite, et vous pourrez le faire plus tard, mais je me demande s'il y a un libellé que vous souhaiteriez dans la charte pour tenir compte de cela.
    Vous pouvez tout simplement copier et coller les mots qui sont déjà là — et je ne vous dis pas ça avec désinvolture. Les mots sont là.
    Je n'ai pas lancé qu'on déploie les familles en même temps qu'on déploie les membres des Forces sans penser d'abord à l'effet de mes propos, car il faut se souvenir du principe que l'armée avait autrefois: si l'armée avait voulu que vous ayez une famille, elle vous aurait envoyé avec une famille. C'est alors que nous avons commencé à comprendre qu'il serait bien qu'un soldat puisse rentrer chez lui quand sa femme va accoucher, de sorte qu'ils puissent vivre cet événement ensemble. C'était majeur. Des gens n'aimaient pas ça du tout.
    Maintenant, nous avons même des congés de paternité. Je n'en suis toujours pas revenu, de cela, mais en tout cas...
    Le scénario social a nettement changé, mais en même temps, tout ce qui touche les communications a changé, ce qui signifie que vous n'êtes plus isolé de votre famille quand vous êtes dans un théâtre d'opérations. La famille peut tout voir, tout vivre et tout suivre.
    Donc, ils sont déployés. Ils sont à la maison, mais ils sont déployés; ils sont en attente. Chaque fois qu'on annonce que quelqu'un a été blessé, ils réagissent — chaque fois. Deux de mes enfants ont eu besoin d'aide, à mon retour. Quand je suis revenu, je ne ressemblais en rien à la personne que j'étais à mon départ, mais ma famille n'était plus la même non plus.
    Je vais donc aller jusqu'à dire que si vous envoyez un membre des Forces dans un théâtre d'opérations, vous devez assumer la responsabilité de la famille. Peu importe l'entente que vous concluez avec une province à propos d'un membre des Forces, vous avez intérêt à conclure quelque chose pour sa famille aussi.
    Merci de votre réponse.
    Concernant la question de M. Hayes, je vous remercie aussi d'avoir établi la distinction entre le contrat social et le pacte social, qui sont deux concepts très différents.
    Ma prochaine question porte sur les réservistes. Presque tous les témoins nous ont dit qu'à leur retour après un déploiement, les réservistes ne sont pas traités sur un pied d'égalité avec les militaires réguliers. Je me demande comment cette charte pourrait garantir que les réservistes qui vont au combat sont traités comme les militaires réguliers.
    À Thunder Bay, notre grande garnison a envoyé bon nombre de réservistes combattre en Afghanistan, dont trois sont morts là-bas. Je pense que tout le monde comprend que les réservistes ne sont pas différents des militaires réguliers.
    Comment la charte pourrait-elle leur garantir le même traitement?

  (1620)  

    J'ai aidé des unités de réserves en tant que capitaine, j'ai servi à titre de lieutenant-colonel dans un quartier général de secteur et j'ai commandé toutes les forces de réserves du Québec. En tant que commandant adjoint de l'armée, je veillais bien sûr à répondre à tous les besoins en ressources pour les réservistes.
    Le système est conçu pour aider les militaires réguliers. L'adaptation aux réservistes constitue un problème fondamental. C'est tout simplement inefficace, autant pour le salaire et les soutiens dans les unités que pour le traitement et le dépistage liés à ceux qui ont combattu et qui ont souffert dans le même théâtre des opérations. Les réservistes ne profitent pas d'un cadre aussi complet, parce que le réserviste de Matane habite à 300 kilomètres de Valcartier.
    Vous pourriez demander aux Forces d'examiner tout d'abord le problème des réservistes pour trouver comment leur donner le soutien dont ils ont besoin. Les réservistes représentent maintenant de 20 à 25 % de nos troupes opérationnelles.
    Lorsque je leur ai prêté main-forte en 1971, les artilleurs réservistes n'avaient pas le droit de tirer au fusil sans la présence d'un militaire régulier et ils utilisaient encore l'équipement de la guerre de Corée. De nos jours, 25 % des réservistes combattent, commandent et participent sur tous les plans comme les militaires réguliers. Ce n'est pas négligeable; on ne parle pas de quelques réservistes seulement. C'est un chiffre considérable. Le régiment de 200 réservistes dont j'étais colonel honoraire en a déployé 49 en Afghanistan. Nous n'avons aucune capacité permanente pour le faire.
    Nous nommons des colonels honoraires. Nos propres fonds servent à payer le transport des réservistes. Ce serait pertinent d'y réfléchir pour une fois, parce qu'une étude majeure de cinq ans vise à intégrer la réserve et la force régulière, comme nous cherchions à le faire dans les années 1990. Il faut savoir ce que les réservistes ont besoin pour répondre aux exigences. C'est possible d'adapter la réserve à la force régulière en un tournemain.
    Je pense qu'il faut examiner la question ainsi.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au dernier député.
    Monsieur Galipeau, vous avez six minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci de transmettre votre savoir à des néophytes comme nous, monsieur le sénateur.

[Français]

    Sachez qu'avant que vous deveniez sénateur et avant que je sois député, je cherchais déjà votre sagesse, ayant assisté à des conférences que vous aviez données à l'Université d'Ottawa. Alors, c'était rafraîchissant encore aujourd'hui de vous écouter.
    J'ai fait une étude sommaire du rapport provisoire de votre comité sénatorial daté de mars 2013. J'aimerais discuter surtout de la recommandation 6:
Le gouvernement du Canada envisage de simplifier la façon dont les vétérans peuvent accéder au processus de nomination interne dans l’ensemble de la fonction publique fédérale et de faire en sorte qu’on leur donne priorité et qu’ils soient soutenus au cours du processus.
    Même si le gouvernement n'a pas encore déposé sa réponse à votre rapport, je suis fier des gestes posés par le gouvernement et de l'engagement du ministre des Anciens Combattants.
    En novembre, nous avons déposé le projet de loi C-11, Loi sur la priorité d'emploi aux anciens combattants blessés, qui effectivement donne la priorité aux anciens combattants blessés lors de l'embauche de fonctionnaires dans la fonction publique fédérale.

  (1625)  

[Traduction]

    Le gouvernement va plus loin avec le projet de loi C-27, qui permet enfin aux soldats, aux marins et aux aviateurs hautement qualifiés d'accéder aux concours internes de la fonction publique fédérale. Ces hommes et ces femmes remarquables seront aussi admissibles à l'embauche préférentielle lorsqu'ils vont concurrencer des Canadiens aux compétences égales dans les concours externes.

[Français]

    Votre recommandation 9 se lit comme suit:
Anciens Combattants Canada songe à impliquer davantage de vétérans à travers le Canada afin d’améliorer la pertinence de ses activités de diffusion.

[Traduction]

    Que voulez-vous dire par « améliorer la pertinence de ses activités de diffusion »?

[Français]

    Permettez-moi d'utiliser quelques termes en anglais.
    Je peux vous remettre le texte en anglais, si vous le voulez.
    Je l'ai ici.

[Traduction]

    En 1993, les militaires ne pouvaient pas accéder à la fonction publique, parce qu'on parlait du parachute kaki. À l'époque, la priorité consistait à embaucher des femmes et des minorités visibles.
    Les militaires étaient surqualifiés pour les emplois. Ils engorgeaient le processus de promotion dans la fonction publique et étaient écartés. Nous avons ensuite tenté d'instaurer la priorité. Le ministre a beaucoup parlé du projet de loi qui a été déposé.
    Il faut indiquer très clairement dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique que tous les sous-ministres doivent appliquer cette directive formelle, parce qu'auparavant, ils pouvaient décider de jouer le jeu ou non et avaient le pouvoir absolu. Le projet de loi doit garantir que tous les sous-ministres vont se prêter à l'exercice, tout comme la Charte des droits et ses quatre critères... En fait, un critère exige d'embaucher des personnes handicapées. Si le projet de loi ne stipule pas l'obligation d'appliquer cette règle, il y aura peu d'amélioration.
    Comment un fantassin peut-il présenter une candidature concurrentielle pour un poste dans la fonction publique sans être commissionnaire ou faire ce genre de travail? La Charte des anciens combattants ou un autre texte doit garantir que les militaires recevront une nouvelle formation pour qu'ils puissent se mesurer aux autres candidats. Les militaires peuvent être embauchés, mais aussi congédiés, parce qu'ils ne reçoivent pas le statut indéterminé automatiquement.
    Si la formation n'est pas garantie pour permettre aux militaires de rivaliser et de sentir qu'ils font un bon travail parce qu'ils sont compétents, le projet de loi laisse à désirer. Il importe de songer à ces deux aspects, parce qu'ils ont permis aux ministères d'ignorer les candidatures.

[Français]

    Pour diffuser l'information aux anciens combattants, on a suggéré qu'on embauche des anciens combattants pour aller parler dans les unités et partout.

[Traduction]

    Malgré l'opposition de nombre de thérapeutes et de professionnels, nous avons créé le système de soutien par les pairs dans lequel les anciens combattants s'entraident. Nous estimons qu'il permet de prévenir un suicide par jour. Anciens combattants Canada doit donc engager des pairs pour promouvoir cet outil dans les Forces et dans les milieux où se trouvent les anciens combattants. C'est ce qu'il faut faire, car les autres outils ne fonctionnent tout simplement pas.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai 14 autres questions, mais je vais en rester là.
    En comité, nous avons convenu d'entendre le sénateur durant une heure. En effet, nous pourrions continuer longtemps.
    Nous devons entendre quatre autres exposés. Nous vous sommes très reconnaissants, monsieur le sénateur Dallaire. Si vous avez d'autres commentaires, nous aimerions les recevoir, parce que votre témoignage ici aujourd'hui a été très utile.

  (1630)  

    Merci, monsieur le président. Je tiens simplement à dire qu'il faut traiter les militaires tombés au combat, les anciens combattants blessés et leurs familles avec dignité et avec respect. Les anciens combattants ne doivent pas lutter pour vivre une vie décente au pays.
    Merci beaucoup.
    Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes pour procéder aux changements.

  (1630)  


  (1635)  

    Nous reprenons la séance.
    Nous poursuivons notre étude sur la Nouvelle Charte des anciens combattants. Si vous êtes d'accord, nous allons entendre les quatre exposés selon l'ordre du jour, avant d'entamer les séries de questions qui s'adressent à un ou à tous les témoins. Nous ferons de notre mieux pour respecter les délais.
    Nous accueillons aujourd'hui Thomas MacEachern; Ray Kokkonen et Joseph Gollner; Daniel O'Connor; Melynda Jarratt et Don Chapman.
    Nous allons suivre cet ordre. Chaque groupe de témoins dispose de 10 minutes. Nous n'arrêtons pas les exposés qui durent un peu plus longtemps, mais compte tenu du nombre de témoins et des délais, veuillez respecter le temps imparti le plus possible.
    Monsieur MacEachern, nous sommes très heureux de vous accueillir parmi nous aujourd'hui et nous avons hâte d'entendre votre témoignage. Allez-y quand vous serez prêt.

  (1640)  

    Merci, monsieur le président. Bonjour aux membres du comité et aux témoins.
    J'ai préparé mon exposé sans connaître tous les groupes qui allaient témoigner ici, dont le général. Certaines questions pourraient donc se répéter. Toutefois, je vais donner le point de vue d'un survivant de la famille d'une ancienne combattante qui a rencontré des obstacles et qui a eu du mal à trouver de l'aide.
    Merci de l'invitation. Je témoigne ici au nom de ma famille, mais aussi des familles d'autres anciens combattants qui ont éprouvé des problèmes, qui ont traversé des crises semblables dernièrement et qui sentent peut-être qu'elles n'ont pas voix au chapitre.
    Vous savez sûrement tous que je suis le mari de la caporale des Forces canadiennes à la retraite Leona MacEachern, qui était une fière ancienne combattante avec 23 ans d'expérience. À Noël l'an dernier, il y a à peine quelques mois, Leona a foncé dans un camion avec sa voiture. Il était trop tard lorsque nous avons trouvé sa note, qui dressait la liste des problèmes constants qu'elle a rencontrés au fil des ans avec le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada.
    Je m'excuse si mes émotions prennent le dessus. Plusieurs questions ne sont toujours pas réglées et sont assez récentes pour nous tous.
    Je représente aussi notre fille de neuf ans, ainsi que les six frères et soeurs survivants de Leona et leurs familles. La caporale MacEachern était la cadette dans sa famille. Je précise que trois de ses quatre soeurs étaient ou sont mariées à des anciens combattants des Forces canadiennes.
    Depuis trois générations, je suis le seul homme de ma famille qui n'est pas militaire. Mes deux grands-pères ont combattu dans la Première Guerre mondiale. Mon père porte les cicatrices physiques et émotionnelles des derniers jours de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les alliés sont entrés en Allemagne. Mon oncle Jack, le frère de ma mère, est mort à 18 ans durant le camp de formation de l'ARC, à Borden. Son nom figure dans un Livre du Souvenir. Son père Thomas, nom dont j'ai hérité, a travaillé comme commissionnaire ici même, à l'édifice du Centre, de la fin des années 1950 jusqu'à sa retraite.
    Il semblait quelque peu particulier que j'épouse une soldate en 2001, moi qui n'avais pas poursuivi la tradition familiale. Cela dit, mes ancêtres vivaient bien sûr à une autre époque. Les gens combattaient et guérissaient ensemble en tant que société.
    La caporale MacEachern était une agente de police militaire dans une armée d'hommes. Ceux qui l'accompagnaient durant ses deux déploiements de 1980 à 2007 l'appelaient Puggy, en référence à son nom de jeune fille Pudlak et à son nez plutôt proéminent, influence de ses origines polonaises et ukrainiennes.
    L'histoire des parents de Leona est sans commune mesure et commence en Allemagne nazie en 1941. En gros, ses parents étaient des esclaves enlevés par les nazis en Ukraine. La mère de Leona n'a jamais revu sa mère après son enlèvement. Il a fallu près de 40 ans avant que Leona puisse la faire retourner dans son pays pour se réunir avec les survivants de sa famille.
    Ce qui a retenu l'attention des médias partout au pays dans la première semaine de janvier 2014, ce n'est pas tant la longue lutte de Leona contre son trouble dépressif ou même la déclaration qu'il s'agissait d'un acte intentionnel, que la lettre qui est arrivée quelques jours après les funérailles à Calgary. Cette lettre offrait de simples condoléances et demandait de rembourser la partie inutilisée de son allocation temporaire pour perte de revenus pour la période du 26 au 31 décembre. Des feuilles de calcul méticuleux figuraient en pièces jointes et précisaient que le service de recouvrement prendrait bientôt contact avec nous.
    Ce qui n'a pas été mentionné et qui est d'autant plus choquant, c'est que la lettre envoyée de Charlottetown était datée du 9 janvier. Nous l'avons reçu par la poste régulière à Calgary le matin du 10 janvier. Je soutiens fermement Postes Canada et la livraison à domicile, mais je doute que la lettre ait été acheminée en moins de 24 heures. Le fonctionnaire d'Anciens Combattants Canada, dont je vais taire le nom mais que je n'oublierai pas de sitôt, avait postdaté la lettre, qu'il a sans doute rédigée et envoyée le jour des funérailles.
    Les faits révélés après le 8 janvier ont été corroborés par la famille immédiate de Leona durant les funérailles. La simple mention dans l'avis de décès qu'elle était une ancienne combattante a tout de suite alimenté la spéculation des médias, les appels et les courriels d'anciens combattants qui avaient compris le fond de l'histoire.
    Au départ, nous voulions tirer un trait là-dessus, mais les anciens combattants et les militaires ont été très nombreux à me raconter leurs histoires personnelles et leurs anecdotes. C'était clair que le problème était bien plus grave que nous le pensions.
    Une rumeur non confirmée qui court dans les Forces donne à penser que le nombre de suicides liés à l'ESPT et aux BSO depuis 12 ans excède le nombre de militaires tombés au combat en Afghanistan.

  (1645)  

    Comme vous vous en souvenez peut-être, il y a eu cinq suicides au cours du mois qui a précédé celui du caporal MacEachern, et il y en a eu au moins quatre depuis ce temps, à notre connaissance. Je souligne que la partie importante de cette phrase, ce sont les mots « à notre connaissance ». Il y a un manque de statistiques précises à ce sujet, du moins de statistiques publiées. De plus, même si nous entendons de nombreux récits non officiels rapportant comment certains membres des forces armées et anciens combattants ont trouvé la mort, les familles survivantes ont souvent simplement trop de peine ou sont trop terrassées pour divulguer ce qui s'est réellement passé.
    Par conséquent, tout le monde sait qu'il y a un problème. Les soldats subissent des blessures physiques et mentales, et ce sera toujours le cas. Les familles subiront aussi toujours des pertes et, dans le cas des enfants, la souffrance peut empirer au fil du temps.
    La question qui se pose maintenant, puisque nous semblons être à la croisée des chemins, c'est qu'allons-nous faire à ce sujet?
    Depuis cet événement, j'ai été extrêmement touché par la sympathie et les paroles de réconfort que m'ont exprimées d'anciens confrères militaires et leurs familles — dont certaines sont également des victimes de suicides liés au stress post-traumatique et dont certaines personnes en souffrent elles-mêmes. Parfois, il s'agissait de parfaits étrangers qui sont sincèrement inquiets du fait qu'on semble s'attaquer au contrat social ou au pacte social, si vous voulez, qui a été conclu avec les militaires. Aujourd'hui, je réserverai mes commentaires sur la position du MDN, déclarée récemment par l'entremise de ses avocats, selon laquelle il n'existe aucun contrat social.
    Au cours des derniers mois, j'ai parlé avec beaucoup de personnes qui travaillent activement à l'amélioration du sort des vétérans, des personnes comme Mike Critchley, de Can Praxis, en Alberta, qui offre des thérapies à l'aide de chevaux, et Mike Blais, du Groupe de défense des intérêts des anciens combattants. J'ai aussi rencontré le caporal Christian McEachern — aucun lien de parenté — un des premiers cas de TSPT à avoir été très médiatisé au Canada il y a environ 22 ans. Celui-ci a fait l'objet de poursuites criminelles pour des actes qu'il avait commis sous la contrainte. À l'époque, il s'était mis à consommer beaucoup d'alcool.
    Vous pouvez dire et penser tout ce que vous voulez au sujet de certaines de ces personnes et de la douzaine d'autres qui suivent certains de leurs programmes et qui ajoutent leur voix au débat public, mais au moins elles font quelque chose. Je regrette de dire ceci, mais si nous traitions toujours les gens de la bonne manière, ces groupes de soutien aux vétérans n'auraient probablement aucune raison d'être.
    Cependant, contrairement à ce qui se dit dans les médias, cela ne veut pas dire que je me compte parmi ceux qui politisent le débat ou qui atténuent les efforts de ceux qui font partie du système, y compris ce comité.
    Récemment, j'ai été informé du fait que le CCG se livre à une analyse dans le but de faire tomber les barrières qui se dressent quand vient le temps de faire passer un soldat du statut actif à celui de vétéran. Il s'agit d'un pas important dans la bonne direction, tout comme le serait celui de donner aux vétérans, aux membres actifs, aux réservistes, à temps plein — donc à toute la gamme de militaires — l'accès aux services du MDN et aux cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel. Récemment, votre comité a entendu un groupe de vétérans de l'OTAN dire qu'il faudrait constituer des équipes d'intervention d'urgence. Ce serait un excellent pas dans la bonne direction.
    Même si certaines choses auraient dû être faites différemment dans le cas du caporal MacEachern, on ne doit pas nécessairement prendre en défaut des personnes en particulier. Toutefois, mon objectif aujourd'hui, c'est de vous exhorter à tirer des leçons de ce qui est arrivé et à appliquer de véritables solutions pour améliorer le processus, et ce, aussi rapidement que possible. Certains d'entre nous aimerions mettre l'Afghanistan derrière nous... J'espère que je me trompe, mais si je me fie à ce qui est arrivé récemment à d'autres militaires en situation de crise, nous pourrions fort bien avoir un réveil brutal dans peu de temps.
    Incidemment, j'aimerais vous faire part du commentaire d'une réserviste qui est récemment revenue de ce qu'elle a appelé le choc culturel de l'Afghanistan. Sur un ton désinvolte, mais résigné, celle-ci m'a dit qu'elle avait besoin d'aide parce qu'elle n'avait pas assez d'énergie pour se taper toutes ces crétineries.
    Cela m'amène à parler des trois thèmes que le ministre Fantino a désignés, lors de son passage au comité le 19 novembre 2013, comme étant les sujets pertinents à examiner. Premièrement, c'était les soins et le soutien offerts aux vétérans gravement blessés. Deuxièmement, c'était l'aide offerte aux familles. Troisièmement, c'était les améliorations qui doivent être apportées à la manière dont le ministère des Anciens Combattants exécute ses programmes et services et accorde les avantages, de manière à ce que ceux-ci correspondent à ce qui est énoncé dans la charte.
    Il est évident que cet examen n'a pas été effectué assez rapidement, ni pour moi ni pour toutes les autres familles touchées par ces problèmes au cours des dernières années, et qui se demandent encore que diable s'est passé. Je soutiens que la Charte des anciens combattants a échoué sur ces trois fronts.
    On ne nous offre ni renseignements pertinents ni service d'orientation ni soins spécialisés. Les problèmes et les démarches de mon épouse ont commencé plus d'un an avant son décès. En fait, dans le cadre de la procédure d'appel du Bureau de services juridiques des pensions des vétérans, un débat en cours cherche à déterminer quel diagnostic avait été posé, qu'est-ce qui avait causé son état et qui devrait en être responsable — cela parce que sa demande de pension avait été refusée. J'ai reçu un avis à ce sujet exactement un mois, jour pour jour, après les funérailles.

  (1650)  

    En ce qui concerne le soutien aux familles, le seul soutien immédiat que nous avons reçu a été offert par le Centre de ressources pour les familles des militaires de Calgary. Pour ceux qui ne le savent pas, il s'agit d'un organisme autonome et non gouvernemental qui est a comme principale tâche d'assister aux familles des membres de la force régulière et de ceux qui sont à contrat et dont le conjoint est affecté au loin ou qui ont besoin d'aide au pays.
    Je tiens à souligner la réponse rapide et fort appréciée de la directrice, Marla Ferg, et de l'agent de liaison familiale, James Knox, à Calgary, lui-même un membre actif et un vétéran de l'Afghanistan.
    Nous avons fini par téléphoner au ministre Fantino et à la sous-ministre, et nous avons rencontré le ministre depuis ce temps à Calgary et cet après-midi, pour avoir des discussions similaires à celles que nous avons en ce moment. Or, avec tout le respect que je dois au ministère, si la population n'avait pas été aussi touchée par l'incident, je doute fort que ces communications auraient eu lieu ou que je me trouverais ici aujourd'hui, accompagné de ces estimés collègues, pour participer à cet appel à l'action.
    Sur le plan du soutien, mis à part avoir été offert la possibilité de présenter une demande de pension à titre posthume, l'aide dont mon épouse bénéficiait en vertu du PAAC à été prolongée jusqu'à la fin de l'année. C'est très apprécié du fait que cet hiver est le plus long que nous ayons jamais vu — y compris sur le plan du pelletage de la neige.
    Qu'est-ce qui s'est mal passé? Voici les choses qui se sont mal passées dans le cas de mon épouse sur une période d'environ 16 mois.
    Je répète que nous ne devons pas tenir le ministère des Anciens Combattants entièrement responsable de ce qui est arrivé, mais je continue de soutenir qu'il aurait eu bien des occasions d'améliorer le sort de mon épouse et, peut-être, de sauver sa vie.
    Les premiers problèmes d'anxiété de mon épouse ont été traités à la salle d'urgence de l'hôpital de Calgary. Elle a dit qu'elle était un vétéran, mais dès que les soignants ont appris qu'elle n'était pas dans une véritable zone de combat et qu'elle était à la retraite depuis quatre ans, ils ont présumé qu'ils pouvaient écarter l'hypothèse du TSPT. Pendant la première guerre du Golfe, elle a été soignée en Allemagne pour le stress et la fatigue. Bien qu'elle n'ait jamais connu le théâtre de la guerre en tant qu'agente de police militaire, elle avait assisté à des meurtres, à des suicides et à des accidents de voiture causant la mort.
    Une visite subséquente à la salle d'urgence a abouti à un diagnostic plus intelligent, et on lui a prescrit des antidépresseurs. Toutefois, la demande de subvention pour l'ordonnance a été rejetée. Le médicament ne figurait pas sur la liste des produits acceptés.
    Lors d'une conversation téléphonique avec l'agent du ministère chargé de son cas, mon épouse a souligné que son anxiété et deux autres problèmes médicaux l'empêchaient de trouver du travail. Le conseiller lui a alors dit ceci: « Pour l'amour du ciel, vous êtes encore jeune. Remettez-vous à la recherche d'un emploi. »
    Elle a demandé de pouvoir bénéficier de soins psychologiques. Ceux-ci ont fini par lui être accordés, à la condition qu'ils visent à enrayer les symptômes — malgré le fait qu'on n'avait jamais officiellement reconnu qu'elle avait un problème. La psychologue du secteur privé agissant à titre de tierce partie à laquelle on l'avait envoyée a dit, après quelques rencontres, que le cas dépassait ses compétences. Mon épouse a donc été envoyée au seul hôpital de Calgary où il y avait de la place dans un pavillon de soins de santé mental. Elle a été placée avec des délinquants violents et ceux qui attendaient d'être hospitalisés de façon permanente. Son état s'est détérioré quand on lui a prescrit des médicaments, dont les effets secondaires comprenaient des migraines constantes, l'insomnie, la paranoïa et la claustrophobie.
    À ce moment-là, elle a préparé une demande de pension en raison de stress post-traumatique, mais son état mental ne lui permettait certainement pas de bien faire la demande. Néanmoins, elle était convaincue qu'elle pouvait la faire seule, comme elle l'avait fait à maintes reprises pendant qu'elle était au ministère de la Défense nationale.
    Le 12 décembre, elle a reçu une lettre d'excuses de la part de l'agent de ACC qui était chargé de son cas: pendant que celui-ci se rendait d'une réunion à une autre, apparemment, il aurait perdu son dossier personnel. Celui-ci a été trouvé dans un banc de neige par un membre du corps enseignant de l'Université de Calgary, qui a appelé les gens du ministère pour leur demander s'ils avaient perdu quelque chose. Nous n'avons pas déposé de plainte auprès de la commissaire à la protection de la vie privée, bien qu'on nous ait encouragé à le faire.
    Le 18 décembre, après avoir attendu deux-mois, elle a enfin été admise à Ponoka, le seul établissement spécialisé en soins de santé mentale qui reste en Alberta, près d'Edmonton. Nous avions espéré qu'elle y recevrait enfin un diagnostic et un plan de traitement. Or, on lui a enlevé les médicaments qu'elle prenait depuis huit mois et, deux jours plus tard, on l'a renvoyée à la maison pour le congé de Noël.
    Par conséquent, en tant que membre d'une famille ayant subi les conséquences de la Charte des anciens combattants et du processus, d'après tout ce que j'ai appris au sujet du processus au cours des épreuves de mon épouse et en me fiant aux conversations que j'ai eues avec beaucoup de gens depuis ce temps, je tiens à dire ce qui suit concernant l'aide qui devrait être offerte aux militaires souffrant de blessures mentales et physiques.
    Je travaille dans l'industrie du tourisme. Dans le domaine des services à la clientèle, il faut régler les problèmes d'abord, et s'occuper des détails plus tard. S'agit-il d'un ministère dont la culture est axée sur la compassion et l'efficacité? On ne doit pas traiter les gens, surtout les gens blessés, en appliquant le même processus qu'on le ferait pour acheter des fournitures de bureau, ni passer son temps à réinventer des procédures qui exigent l'approbation de cinq niveaux hiérarchiques avant d'aller d'obtenir le feu vert pour une demande et de cinq niveaux hiérarchiques avant d'agir réellement. Tout à l'heure, le général Dallaire s'est plaint de la même chose: qu'il s'agisse de camions ou de dossiers de militaires, le ministère suit toujours la même procédure d'approvisionnement.

  (1655)  

    Il importe que les vétérans aient immédiatement accès à du personnel médical ou à des travailleurs sociaux compétents, qui ont de l'expérience dans le militaire ou qui sont au moins en mesure de tenir compte des aspects particuliers du service militaire, et qui, en situation de crise, peuvent faire le nécessaire pour mettre les vétérans en contact avec des gens qui peuvent les aider.
    Les agents du ministère qui sont chargés de cas, doivent suivre une formation pour savoir comment et quand déterminer qu'il pourrait exister un problème plus important et comment aider la personne immédiatement. Encore une fois, ils doivent soigner le patient maintenant, et s'occuper du processus plus tard. À court terme au moins, ils doivent communiquer, au besoin, avec des groupes de soutien servant de tierces parties qui ont été approuvés pour travailler auprès des vétérans. Certaines des mesures dont je viens de parler sont prises en ce moment, d'autres pas.
    Il faut trouver des endroits où ceux qui souffrent peuvent établir des liens entre eux et se rétablir ensemble grâce aux traitements. Le système de santé public est déjà aux prises avec assez de problèmes et, apparemment, les soignants du système n'ont pas la formation requise pour s'occuper de cas comme ceux-ci. Les médecins et les psychologues de première ligne ont besoin d'aide pour déceler les cas problèmes et savoir où les envoyer.
    Dans les situations d'urgence, pourrions-nous simplifier et moderniser les moyens de communication? À l'heure actuelle, seuls des télécopies, des lettres et des appels téléphoniques sont permis. Pourrait-on avoir recours à des technologies de type Skype et à des courriels pour au moins faire certaines des enquêtes de routine quand une rencontre face-à-face ne peut être organisée? Après tout, nous sommes en 2014.
    À mon avis, nous sommes tous d'accord pour dire que la culture du militaire, notamment son mode de vie, est différente de toutes les autres. Mon épouse aimait cette culture. C'était sa vie, son identifié. Malheureusement, en cours de route, les choses ont mal tourné, ses problèmes se sont aggravés et elle ne réussissait tout simplement pas à se remettre sur pied. Elle ne savait pas quoi faire dans la vie civile. Sa situation était différente de celle de beaucoup d'autres personnes. Dans son cas, les facteurs de stress étaient dus au fait qu'elle participait au processus militaire et non pas au fait qu'elle avait connu un théâtre de guerre. Or, cela peut paraître paradoxal, mais quand une personne est blessée sur le plan psychologique, les seuls à pouvoir l'aider sont ceux qui comprennent cette culture.
    J'ai déjà utilisé l'analogie suivante, mais je vais le faire encore une fois aujourd'hui. Certaines personnes ont du mal à la comprendre, mais la plupart des gens à qui je l'ai présentée l'ont saisie immédiatement. La vie militaire, c'est presque comme faire partie d'une secte. Vous êtes formés. Vous êtes programmés. On vous dit que vous faites partie d'un tout qui est plus grand que vous et que vous devez faire ce qu'on vous dit de faire, coûte que coûte. On vous dit que, en retour, on vous nourrira, on deviendra votre famille: en gros, voilà votre vie.
    Pourtant, les gens qui quittent les sectes doivent être soigneusement déprogrammés et, parfois, cela prend des mois. Comme nous l'avons entendu plus tôt aujourd'hui, quand les gens quittent le militaire, s'ils ont de la chance, ils reçoivent une pension au moment de partir. Après 23 années de service, le caporal MacEachern avait droit à 172,05 $ par mois.
    Monsieur le président, messieurs les membres du comité, je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter aujourd'hui. Je remercie également les autres groupes représentés ici aujourd'hui pour tout ce qu'ils apportent aux vétérans. Beaucoup de bons programmes sont exécutés directement au sein du ministère des Anciens Combattants et ils améliorent le sort des vétérans. Je vous ai parlé de ce qui a vraiment besoin d'être corrigé le plus rapidement possible.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur MacEachern.
    Je cède maintenant la parole à Ray Kokkonen de l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix.
    Nous sommes ravis de vous accueillir. À vous la parole.
    Monsieur le président, je vous fais part d'une petite anecdote. Mon frère dit KO-kko-nen, et moi Ko-KKO-nen. Allez comprendre.
    D'accord.
    Monsieur le président, honorables membres de ce comité essentiel, bon après-midi et merci de me donner l'occasion de venir vous exposer le point de vue de l'Association canadienne des vétérans pour le maintien de la paix, ou ACVMP en bref, sur l'amélioration de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Je suis bien entendu accompagné de Joseph Gollner, notre parrain.
    Fondée en 1991, l'ACVMP est un organisme national apolitique et sans but lucratif qui est entièrement constitué d'anciens combattants bénévoles et dont les sections régionales s'étendent de l'île de Vancouver à St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador. L’association n’est pas financée par le gouvernement. Sa mission consiste à tenir lieu de défenseur fort et éminent des droits de tous les anciens combattants et à favoriser la camaraderie entre ces derniers. L’ACVMP est ouverte à tous les anciens combattants et elle compte parmi ses membres des vétérans de la Deuxième Guerre mondiale, de la guerre de Corée, de missions de maintien de la paix, des campagnes dans les Balkans et en Afghanistan, ainsi que des membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, de la GRC et de services de police, d’autres anciens combattants, sans oublier des représentants de certains pays.
    L’ACVMP joue un rôle important dans les dossiers qui touchent les anciens combattants, par exemple la mise en place du service d’aide téléphonique sans frais d’ACC, la création du poste d’ombudsman des vétérans, l’instauration de la Journée nationale des Casques bleus, le 9 août, et la création de la Médaille canadienne du maintien de la paix. De plus, l’ACVMP a collaboré activement aux travaux sur la Nouvelle Charte des anciens combattants et la Déclaration des droits des anciens combattants, de même qu’à la mise sur pied du Bureau de l’ombudsman des vétérans. Ses membres ont fait partie de divers comités liés à la Nouvelle Charte des anciens combattants et à d’autres comités d’ACC.
    Les anciens combattants sont uniques au sein de la société canadienne pour une raison fondamentale: ils ont servi leur pays en vertu de la clause de responsabilité illimitée, selon laquelle ils doivent donner leur vie en tant que sacrifice ultime si cela se révèle nécessaire. De plus, ils ont servi en étant tenus d’obéir à tous les ordres légitimes, quelles qu’en soient les conséquences pour eux-mêmes. Le sens de cet engagement et de cette obligation échappe à la plupart des civils canadiens.
    En reconnaissance de ce qu’ils ont donné, le Canada a le devoir d’offrir des soins appropriés aux anciens combattants blessés et malades, ainsi qu’aux membres de leurs familles, afin qu’ils puissent vivre dignement. ACC sert d’intermédiaire permettant à la population canadienne de s’acquitter de son obligation envers les anciens combattants et, dans une très grande mesure, le ministère accomplit un travail raisonnablement bon, bien que cela soit rarement reconnu. Pour rendre hommage aux employés remarquables d’ACC ou à leurs bureaux, l’ACVMP applique un programme de primes depuis plusieurs années à l'échelle nationale et provinciale. L'ombudsman des vétérans et son personnel sont les derniers à avoir reçu cette prime.
    Nous n’ignorons pas que vous avez reçu de nombreuses présentations d’autres organismes d'anciens combattants. C’est pourquoi nous chercherons aujourd’hui à renforcer les thèmes clés ou principaux. Essentiellement, en tant que membre du Groupe de consultation d'anciens combattants, qui se compose d’une vingtaine d’organismes représentant des anciens combattants, l’ACVMP appuie sans réserve les trois priorités concernant la Nouvelle Charte qu’a relevées le groupe de consultation. Ces priorités ont été acceptées à l’unanimité par le groupe et ont été communiquées au ministre des Anciens Combattants en mai et en octobre 2013.
    Les priorités sont les suivantes: il faut bonifier l’allocation pour perte de revenus de manière à fournir la totalité du revenu d’avant la libération et la verser à vie; augmenter le montant maximal de l’indemnité d’invalidité pour qu’elle corresponde au montant accordé aux travailleurs civils blessés ayant obtenu des dommages-intérêts devant les tribunaux; et mettre fin aux inégalités actuelles en ce qui a trait à l'APR pour les réservistes de classe A et de classe B, qui cumulent moins de 180 jours de service, relativement à une blessure attribuable au service.
    Bien qu’il s’agisse des questions prioritaires clairement énoncées, et qui ont une incidence sur les vétérans les plus gravement blessés, l’ACVMP a beaucoup d’autres préoccupations concernant la Nouvelle Charte. L’ACVMP avait de sérieux doutes durant la période qui a précédé l’adoption de la Nouvelle Charte étant donné la teneur de celle-ci et le virage en faveur d’un principe fondé sur l’assurance. Elle a fait part de ses préoccupations au sujet de l’adoption hâtive de la Nouvelle Charte et de l’absence d’examen parlementaire qui aurait normalement été effectué avant son adoption.
    Les Canadiens, en particulier les anciens combattants, ont reçu l’assurance qu’il s’agissait d’une charte en évolution. Cette assurance, réitérée plusieurs fois, nous a amenés à croire que les lacunes de la charte seraient comblées en temps voulu. Malheureusement, notre confiance était mal placée, puisqu'à part l’adoption du projet de loi C-55 en 2010, les nombreuses lacunes qu’avaient relevées le comité, l’ombudsman des vétérans et de nombreux organismes de vétérans persistent encore.
    Les trois mesures correctives à apporter à la Nouvelle Charte en priorité sont les éléments les plus importants qui déboucheraient sur un niveau acceptable de prestations pour les anciens combattants les plus gravement blessés. Il y a cependant d’autres points qu’il faut également régler. Je vais vous en exposer trois.
    Tout d'abord, il y a le pacte social. Le gouvernement du Canada doit clairement réaffirmer au public et aux vétérans, dans la Nouvelle Charte, qu’il a le devoir envers les anciens combattants et leurs familles de répondre à leurs besoins, notamment aux besoins de ceux qui ont été gravement blessés durant leur service.

  (1700)  

    En outre, pour que la Nouvelle Charte des anciens combattants soit vraiment un projet en évolution, il faut mettre en oeuvre un processus législatif comportant des examens critiques périodiques, effectués en vue d'apporter sans tarder les changements requis à la Charte.
    Enfin, la confusion, le mécontentement et l’animosité qui règnent au sujet de la Nouvelle Charte dans le milieu des anciens combattants sont attribuables au fait que ces derniers ne comprennent pas la Charte, ainsi que ses règlements et ses politiques souvent compliqués. Il incombe à ACC de fournir aux anciens combattants et à leurs familles des renseignements qu’ils peuvent comprendre sur la Nouvelle Charte.
    Trois questions principales dans la Nouvelle Charte méritent des mesures correctives immédiates afin que les anciens combattants les plus gravement blessés puissent vivre dans la dignité. Aujourd’hui, nous insistons de nouveau sur la nécessité de bonifier l’allocation pour perte de revenus, d’augmenter le montant maximal de l’indemnité et d’aplanir les inégalités qui touchent les réservistes. Il ressort clairement des exposés présentés par la plupart des organismes d'anciens combattants que les préoccupations exprimées aujourd’hui par l’ACVMP trouvent écho dans le milieu des anciens combattants. Forte de cet appui solide de la part des vétérans à l’égard des priorités, l’ACVMP recommande vivement au comité, à ACC et au gouvernement de donner suite à son appel.
    De plus, on ne peut négliger ces trois questions interreliées — le devoir du Canada envers les anciens combattants, la Charte en évolution et les informations compréhensibles sur la Nouvelle Charte —, car elles constituent la base de l'application de la Charte et en assurent la pertinence.
    L’ACVMP demande que le Comité permanent des anciens combattants, s’appuyant sur son mandat, sur sa compétence avérée et sur sa préoccupation réelle à l’égard du bien-être des anciens combattants du Canada, prenne fermement des mesures pour apporter à la Nouvelle Charte les changements qui s’imposent. Ces changements permettront au Canada de s’acquitter pleinement de son obligation de servir nos anciens combattants équitablement et de faire en sorte qu’ils puissent vivre dans la dignité, comme ils le méritent entièrement.
    L’ACVMP est très reconnaissante de cette occasion qui lui a été offerte de présenter au comité ses points de vue sur la Nouvelle Charte. Elle remercie et félicite le comité pour tout le travail soucieux, dévoué, responsable, extrêmement important et précieux qu'il accomplit au nom des anciens combattants.
    Merci.

  (1705)  

    Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait part de votre point de vue.
    Nous entendrons maintenant M. Daniel O'Connor, du Fonds du Souvenir.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, membres du comité, j'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de vous parler brièvement de la Nouvelle Charte des anciens combattants cet après-midi et de vous faire particulièrement part du point de vue du Fonds du Souvenir à cet égard.
    Je m'adresse à vous à titre de président national du Fonds du Souvenir, dont je suis membre depuis 20 ans, tout d'abord comme directeur, puis comme président de la région du Québec. Membre de la haute direction nationale depuis quatre ans, je suis président national depuis deux ans.
    Je compte 30 ans de carrière militaire, tant dans les forces régulières que dans la réserve. Je suis titulaire d'un diplôme de génie électrique du Collège militaire royal de Kingston. Je suis membre du Barreau du Québec depuis 1990 et j'ai une maîtrise en administration de l'Université McGill, à Montréal. J'ai été privilégié à tous ces égards au cours de ma carrière et de ma vie. D'autres ont par contre connu de grandes souffrances, comme nous l'avons entendu cet après-midi.
    J'aimerais vous faire un bref historique du Fonds du Souvenir. C'est là un de nos nombreux défis; la plupart des Canadiens et même des militaires, malheureusement, ne savent pas exactement ce qu'est le Fonds du Souvenir et ce que nous faisons.
    Permettez-moi de relater les origines du Fonds du Souvenir.
    Notre histoire a commencé en décembre 1908 quand un homme inconscient a été trouvé dans la rue et conduit à l'Hôpital général de Montréal. Arthur Hair, préposé en chef à l'hôpital, a trouvé dans la poche du pauvre homme une enveloppe venant du ministère de la Guerre de Grande-Bretagne, dans laquelle se trouvait le certificat de libération honorable du soldat de cavalerie James Daly, qui avait servi l'Empire pendant 21 ans. Ce dernier souffrait d'hypothermie et de malnutrition, et il est mort plusieurs jours plus tard à l'âge de 53 ans. Ses restes devaient être envoyés à la morgue pour qu'on en dispose, mais M. Hair a recueilli des fonds auprès de particuliers pour offrir au soldat des funérailles dignes. Il a été inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, sur le mont Royal, à Montréal. C'est ainsi qu'ont commencé l'oeuvre et la mission du Fonds du Souvenir, qui consistent à offrir des funérailles et une inhumation dignes à tous les anciens combattants qui meurent dans la pauvreté.
    Au début, l'oeuvre du Fonds du Souvenir était exclusivement financée par des dons de particuliers. Mais en 1921, quand il a été constitué en vertu d'une loi fédérale, il a commencé à recevoir un financement régulier du gouvernement. Nous considérons que cela allait de soi, mais comme vous le verrez dans quelques instants, le fonds a connu quelques revers au cours des dernière décennies.
    En 1921, l'organisation a élargi ses activités à l'ensemble du pays. En 1995, on l'a chargée d'offrir le Programme de funérailles et l'inhumation tel que nous le connaissons aujourd'hui, lequel relève d'Anciens Combattants Canada. Nous avons une entente avec ce dernier pour offrir ce programme.
    Depuis 1909, des centaines d'hommes et de femmes dévoués ont fait en sorte que les anciens combattants décédés reçoivent la reconnaissance respectueuse qu'ils ont méritée grâce à leurs services et à leurs sacrifices. Les anciens combattants pauvres sont certains d'avoir les funérailles dignes qu'ils méritent pleinement.
    Conformément à son mandat, le Fonds du Souvenir est un organisme dans but lucratif fondé à Montréal en 1909, comme je l'ai indiqué. Au cours de son histoire, l'organisme a organisé des funérailles et, au besoin, offert une inhumation et une pierre tombale à plus de 150 000 anciens combattants du Canada, de Grande-Bretagne, d'Écosse, d'Irlande, d'Australie, de Belgique, de France, de Pologne, d'Afrique du Sud et d'autres pays alliés.
    En plus de mettre en oeuvre le Programme de funérailles et d'inhumation au nom d'Ancien Combattants Canada, le Fonds du Souvenir appuie d'autres initiatives visant à préserver le souvenir des anciens combattants canadiens. Nous avons notamment notre propre cimetière militaire, un lieu magnifique situé à Pointe-Claire, au Québec. Je vous encouragerais à vous y arrêter si vous n'y êtes jamais allés. Le Champ d'honneur national de Pointe-Claire est devenu un lieu historique national il y a environ six ans. J'ai eu le privilège de préparer la demande à cette fin et de la présenter à Parcs Canada. Nous avons été enchantés que l'endroit soit reconnu comme le lieu historique national qu'il est vraiment. Ce cimetière existe depuis 1930 environ.
    Les inhumations que nous offrons ont notamment lieu à notre propre cimetière militaire, à Pointe-Claire, où plus de 21 000 anciens combattants ont été inhumés depuis 1930. Le fonds soutient d'autres champs d'honneur locaux et est présent dans plus de 2 900 cimetières du pays. Le Fonds du Souvenir sait qu'il importe d'honorer ceux qui ont servi notre pays.
    Chaque année, le premier dimanche de juin — c'est le 1er juin cette année —, le fonds tient des cérémonies commémoratives sur le fleuve Saint-Laurent en l'honneur des membres des Forces navales qui ont péri pendant la guerre, aux cimetières de Notre-Dame-des-Neiges et du mont Royal, à Montréal, et, en après-midi, au Champs d'honneur national de Pointe-Claire.

  (1710)  

    Nous offrons également le programme de pierres tombales, dans le cadre duquel le Fonds du Souvenir fournit des pierres tombales aux anciens combattants qui reposent dans des tombes anonymes. Nous travaillons également en collaboration avec le ministère de la Défense nationale pour fournir des pierres tombales aux membres des Forces canadiennes.
    J'aimerais parler des améliorations apportées récemment au Programme de funérailles et d'inhumations. Il s'agit d'améliorations considérables faites depuis un an seulement environ.
     Ces dernières années, Anciens Combattants Canada nous a demandé de réduire notre budget administratif de près d'un million de dollars parce que le nombre d'anciens combattants « traditionnels » de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée diminue. Le fait est qu'il y a plus de 600 000 anciens combattants de l'ère moderne, qui ne sont pas du tout couverts par le programme.
     Environ 10 000 à 15 000 anciens combattants traditionnels disparaissent chaque année. Il en reste moins de 100 000 au Canada aujourd'hui. Cette diminution nous a obligés à réduire le budget du Programme de funérailles et d'inhumation — ce qui est en un sens logique — et à fermer de nombreux bureaux au pays. Nous sommes cependant présents dans chaque province.
    Mais c'est une logique bancale, car 600 000 anciens combattants de l'ère moderne ne sont pas couverts depuis le début du programme. Selon les statistiques compilées par Anciens combattants Canada, plus de 400 de ces 600 000 anciens combattants de l'ère moderne meurent chaque année dans la pauvreté. Aucun d'eux n'était admissible au Programme de funérailles et d'inhumation.
    En ces temps difficiles, nous avons continué de préconiser la modification du programme afin d'augmenter le montant maximal pouvant être versé aux maisons funéraires, lequel n'avait pas changé depuis des décennies. Ce montant était de 3 600 $, alors que le coût moyen des funérailles au Canada se situait entre 6 000 et 8 000 $. Heureusement, nos efforts ont porté fruit dans le plan d'action économique de 2013 du gouvernement fédéral. L'an dernier, le montant maximal pouvant être versé à une maison funéraire est passé à 7 376 $, ce qui correspond mieux aux coûts réels des funérailles. C'est là l'un des efforts les plus importants du Fonds du Souvenir, mais pas le plus grand.
    Le gros problème, c'était l'admissibilité au Programme de funérailles et d'inhumation; nous voulions élargir ce dernier à tous les anciens combattants des Forces canadiennes en difficultés financières au moment de leur décès. C'est en 1921 que le gouvernement du Canada a pour la première fois admis qu'il lui incombait de fournir, au nom de tous les Canadiens, des funérailles et une inhumation dignes à tous les anciens combattants canadiens décédés avec peu ou pas de ressources financières. Cependant, depuis quelques décennies, les règlements régissant le Programme des funérailles et d'inhumation stipulaient que seuls les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée et ceux qui reçoivent des prestations d'invalidité y seraient admissibles.
    Ces dernières années, en raison de cette situation et du vieillissement des anciens combattants de l'ère moderne, le Fonds du Souvenir a fait savoir que sa mission inclut ces membres non admissibles. Au cours des deux dernières années, nous avons dépensé 98 000 $ des 120 000 $ recueillis en don — c'est tout ce que nous avons — pour inhumer 31 anciens combattants parce qu'ils n'étaient pas admissibles au programme. Nos fonds étaient pour ainsi dire épuisés et les dons se font rares. C'est pourquoi nous étions ravis quand le gouvernement au pouvoir a annoncé, dans son plan d'action économique de 2014, qu'il avait une responsabilité envers tous les Canadiens et qu'il rendait les anciens combattants de l'ère moderne admissibles au Programme de funérailles et d'inhumation. C'était un énorme soulagement pour le Fonds du Souvenir. Nous continuerons notre mission indéfiniment avec ces fonds afin de soutenir Anciens Combattants Canada et le programme.
    Il reste encore un peu de travail à accomplir — et je dis « un peu » compte tenu de l'énorme avantage reçu dans le dernier budget —, mais ce n'est pas négligeable. En 1995, l'exemption à la succession pour l'admissibilité à ce programme était de 24 000 $. En raison des difficultés financières qu'il éprouvait à l'époque et des efforts qu'il a déployés pour éliminer le déficit dans le cadre de l'examen des programmes, le gouvernement fédéral a réduit ce montant à 12 000 $.

  (1715)  

    Brièvement, l'exemption pour la succession signifie que si un ancien combattant décède et que la valeur de sa succession est supérieure à cette somme, l'ancien combattant et sa famille ne sont pas admissibles au programme. Je tiens à préciser, pour être transparent, que l'admissibilité et le seuil excluent la maison, c'est-à-dire la résidence principale de l'ancien combattant, et sa voiture. Donc, si un ancien combattant avait à l'époque un actif de 24 000 $ ou plus, mises à part la maison et la voiture, il n'était pas admissible. Ce n'est pas énorme, surtout si on veut en laisser à ses enfants, etc.
    Cette somme a été réduite à 12 000 $ en 1995 et elle n'a pas changé depuis. Aujourd'hui, si un ancien combattant meurt et qu'il possède plus de 12 000 $, lui et sa famille ne sont pas admissibles au programme. C'est scandaleux et ce n'est pas logique. Si la somme de 24 000 $ était adéquate en 1995, pourquoi ne l'est-elle pas encore aujourd'hui? Sans compter qu'aujourd'hui, selon la feuille de calcul de l'inflation de la Banque du Canada, ce montant devrait plutôt être 37 000 $. Le taux d'inflation a augmenté de 42 % depuis 1995, alors logiquement, la somme devrait être rajustée à 37 000 $. C'est le plus gros problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui, et cela signifie que bon nombre de nos anciens combattants qui décèdent et qui disposent de ressources financières assez limitées ne peuvent même pas bénéficier de ce programme. La famille de l'ancien combattant doit donc prendre entre 7 000 et 10 000 $ du peu qui reste de sa succession pour couvrir les frais de funérailles et d'inhumation. Je ne crois pas que ce soit juste.
    D'une part, l'exemption pour la succession devrait être augmentée à 37 000 $ et, d'autre part, elle devrait être indexée, de sorte qu'on ne se retrouve pas avec le même problème dans plusieurs années, par exemple, avec une somme de 12 000 $ qui n'a pas changé depuis 1995. Quelle honte. Comment cela peut-il être acceptable? Quoiqu'il en soit, le gouvernement doit ramener le montant d'exemption à son niveau antérieur et l'indexer au coût de la vie. Un montant de 37 000 $ serait à la hauteur des coûts actuels.
    Pour résumer, le Fonds du Souvenir souhaiterait que le Programme de funérailles et d'inhumation fasse partie de la Nouvelle Charte des anciens combattants. D'une certaine façon, sur les plans administratif ou bureaucratique, cela n'a pas vraiment d'importance que le programme figure dans la Nouvelle Charte des anciens combattants ou dans un projet de loi distinct, pourvu qu'il soit offert. Je considère qu'il s'inscrit dans les paramètres de la Nouvelle Charte des anciens combattants, au chapitre des avantages offerts aux anciens combattants et à leurs familles. Pour des raisons historiques que je ne comprends pas vraiment, le programme n'a pas été relégué aux oubliettes, mais a plutôt été intégré aux programmes de commémoration d'Anciens Combattants Canada, et c'est là où il se trouve aujourd'hui. J'estime qu'il s'agit d'un service à l'intention des anciens combattants et qu'il devrait faire partie de la Nouvelle Charte des anciens combattants, à titre d'avantage aux familles. C'est une question qui mérite d'être examinée par le comité.
    Par ailleurs, l'exemption pour la succession, comme je l'ai mentionné, devrait être augmentée à 37 000 $, en date d'aujourd'hui, puis être indexée par la suite. On devrait en faire autant en ce qui concerne la somme de 7 600 $ dont j'ai parlé, pour les funérailles, de sorte qu'on n'y perde pas au change en raison de l'inflation.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je félicite le comité pour son travail et je vais tenter de répondre du mieux que je peux à vos questions concernant le Fonds du Souvenir ou l'administration du Programme de funérailles et d'inhumation.
    Merci, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur O'Connor.
    Je cède maintenant la parole à Mme Melynda Jarratt, de la Canadian War Brides.
    Je m'appelle Melynda Jarratt et je suis historienne pour l'organisme Canadian War Brides. Je fais beaucoup de recherche et j'écris au sujet de l'expérience des épouses de guerre canadiennes depuis plus de 25 ans. Je suis ici aujourd'hui pour discuter de la Charte des anciens combattants parce que je considère important que vous, les parlementaires, compreniez les similitudes entre les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée et les anciens combattants de l'ère moderne. Bien qu'ils puissent sembler très différents, en réalité, ils se ressemblent beaucoup. Je fais ici référence aux anciens combattants qui ont servi en Afghanistan, en Bosnie, au Rwanda et en Somalie.
    J'espère que la douleur dont ont souffert les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et les leçons qu'ils ont tirées à propos des pensions, des services et du soutien offerts à la suite de blessures physiques et mentales, y compris le syndrome de stress post-traumatique non diagnostiqué, seront prises en considération par le comité dans le cadre de son étude sur la Charte des anciens combattants et le projet de loi C-55.
    Je m'intéresse particulièrement au SSPT parce que c'est un trouble dont j'ai souvent entendu parler lors de mes recherches. Ce traumatisme est un phénomène très courant. Chaque fois que j'entends parler du SSPT, je pense immédiatement à une épouse de guerre que j'ai rencontrée il y a très longtemps — l'une des premières épouses de guerre que j'ai rencontrées dans le cadre de mes recherches — qui m'a raconté l'histoire de son arrivée au Canada en 1946. Son mari a d'abord servi en Angleterre, puis il a été déployé lors du débarquement en Normandie, en Belgique, en Hollande, puis en Allemagne. Il a été témoin d'horreurs indescriptibles qu'aucun humain ne devrait voir ou subir. Il a survécu et il est revenu au Canada.
    On lui a prescrit des médicaments pour les nerfs et on s'attendait à ce qu'il retourne à la vie civile, qu'il occupe un emploi et qu'il prenne soin de sa famille. Son épouse est arrivée avec leur petit bébé. Au cours de la même année, il s'est enlevé la vie parce que la pression était trop forte. Il a laissé son épouse, qui n'avait pas de compétences professionnelles, seule avec leur jeune enfant. À l'époque, il était fréquent que les femmes ne travaillent pas. De plus, il n'y avait pas encore de régime d'aide sociale au Canada. Comme elle n'avait aucune famille ici, elle est retournée en Angleterre. Cette famille a été dévastée par l'héritage de la guerre. Les souffrances de l'ancien combattant étaient terminées, mais celles de son épouse ne faisait que commencer.
    Elle fait partie des nombreuses femmes et des nombreux enfants que j'ai côtoyés au cours de mes 25 années au sein de Canadian War Brides.
    D'autres anciens combattants canadiens de la Deuxième Guerre mondiale, leur épouse et leur familles ont souffert en silence pendant des années à cause d'un SSPT non diagnostiqué. À l'époque, ce traumatisme n'était pas reconnu cliniquement. Je sais que vous en avez déjà entendu parler. Lorsqu'un ancien combattant avait un trouble de santé mentale, on l'envoyait voir un psychiatre, par exemple, à l'Hôpital Lancaster à Saint John, qui est un hôpital pour les anciens combattants. On lui prescrivait des médicaments, puis on le renvoyait à la maison, après quoi il retournait à la Légion ou dans les bois pour boire avec ses copains afin d'engourdir le mal. Beaucoup d'enfants d'anciens combattants canadiens ont vécu la même histoire. Leur père, alcoolique, passait plus de temps à la Légion avec ses amis de l'armée qu'à la maison avec sa famille.
    Une autre épouse de guerre m'a raconté le jour où son époux est revenu de l'étranger dans leur petit village, dans le nord du Nouveau-Brunswick, en juin 1945. Elle s'y était établie un an auparavant avec d'autres épouses de guerre. Ils avaient une petite fille de 18 mois. Son mari s'est vu décerner une Médaille de la bravoure; il a sauvé la vie d'un camarade en Italie. Après un séjour en Italie, il s'était rendu en Hollande, puis en Allemagne jusqu'à la fin de la guerre, pour ensuite revenir au Canada. Il était ravagé. Évidemment, elle n'en savait rien, étant donné qu'elle était ici, alors elle attendait impatiemment son retour.
    En juin 1945, au jour de son retour, elle s'est rendue à l'arrêt d'autobus pour l'accueillir, mais il n'est jamais arrivé. Deux jours plus tard, il est rentré à la maison, ivre, débraillé et violent. Et c'est ainsi qu'elle a passé le reste de sa vie au Canada. Elle est toujours vivante aujourd'hui; elle est âgée de 92 ans. Son mari boit encore et son état s'est même aggravé. Il n'est pas du tout le même homme qu'elle a rencontré en Angleterre ni celui dont elle est tombée amoureuse.

  (1720)  

    Il a perdu son emploi. Il faisait des cauchemars, et il donnait des coups de pied durant son sommeil. Ils ne pouvaient plus dormir ensemble. Il la frappait, criait sans cesse et se battait avec ses amis à la Légion, où il se saoulait et finissait par se faire mettre à la porte. Il a finalement obtenu un emploi à temps partiel dans les bois. C'est le seul endroit où il se sentait bien. Comme il n'a jamais eu de travail à temps plein, son épouse a dû travailler elle aussi. Il ne s'est pas enlevé la vie, mais il a fait vivre un enfer à sa famille. Les blessures qu'il a subies se sont répercutées sur toute sa famille, à travers les générations, jusqu'à sa fille et à ses petits-enfants.
    Des histoires comme celles-là, je pourrais vous en raconter pendant des heures.
    Un autre homme, un ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale, a menacé de tuer ses enfants avec un fusil, alors qu'il était ivre. Il les a pourchassés sur une route de campagne en dehors de Fredericton et il leur tirait dessus. Il a maltraité son épouse. Il l'a poussée alors qu'elle était enceinte de sept mois. Il l'a frappée au visage et il lui a donné un coup de pied dans le ventre. Elle a dû accoucher prématurément. J'ai rencontré l'un des bébés qui a survécu à cette maltraitance. Elle a beaucoup pleuré, et moi aussi, parce qu'il s'agit d'une histoire terrible.
    J'ai également entendu des histoires de femmes qui se cachaient de leur mari chez leurs amies et qui essayaient de dissimuler leur oeil au beurre noir sous des lunettes ou du maquillage. Il y a des femmes qui ont quitté la maison avec leurs enfants pour vivre dans la pauvreté au Nouveau-Brunswick, ou qui sont retournées en Grande-Bretagne, en Hollande ou en France, dans les différents pays d'où elles étaient originaires, parce qu'elles ne pouvaient plus endurer la maltraitance.
    Ce sont des souvenirs qui perdurent. En fait, ils restent gravés à tout jamais dans la mémoire des personnes touchées.
    Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que 75 ans après le début de la Deuxième Guerre mondiale, que nous soulignons en grand, il y a des milliers de Canadiens dont le père a souffert d'un SSPT non diagnostiqué et a fait vivre à sa famille un véritable cauchemar. Ces enfants en subissent encore aujourd'hui les conséquences. C'est une souffrance qui est bien visible. On peut la mesurer. Ce n'est pas un mythe ni un prétexte pour mal se comporter. Ce traumatisme est bien réel et il est causé par les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale.
    C'est ce qui m'amène maintenant à parler des anciens combattants de l'ère moderne, qui ont servi en Afghanistan, en Bosnie, au Rwanda et en Somalie. Je vis à Fredericton, tout près de la base de Gagetown, qui est devenu le plus grand centre d'entraînement militaire au Canada. Les militaires font partie de la vie de Fredericton depuis près de 200 ans, et peut-être même plus. Je vois des soldats en uniforme partout, mais ceux qui m'inquiètent sont ceux que je ne vois pas, ceux qui ont disparu dans la pauvreté, qui ont trouvé refuge dans la drogue et l'alcool, ou pire encore, qui se sont enlevé la vie, laissant derrière eux un énorme vide.
    Nous avons tous entendu parler des récents suicides au Nouveau-Brunswick. Chaque fois que j'entends qu'un autre soldat s'est suicidé, je pense aux épouses de guerre. Je me demande à quoi elles pensent lorsqu'elles apprennent ces histoires dans les médias. Je me demande comment ces femmes ont pu gérer autant de souffrance pendant 30, 40, 50, ou même 60 ans. Certes, c'était à une époque différente, avec une toute autre mentalité. Les gens avaient des valeurs traditionnelles et une attitude différente à l'égard du mariage: le divorce était inacceptable; les gens s'engageaient à la vie, à la mort. C'est ce que j'entendais souvent.
    Les femmes d'aujourd'hui sont différentes. Elles ont une façon de penser moderne par rapport aux relations. Le divorce n'est pas quelque chose d'impensable. Grâce à l'Internet, elles peuvent maintenant explorer les diverses ressources qui sont à leur disposition. Elles ont maintenant accès à un réseau social, c'est-à-dire des services de soutien, des refuges où elles peuvent aller pour leur sécurité, ce que les épouses de guerre de la Seconde Guerre mondiale n'avaient pas. Notre société refuse désormais de fermer les yeux sur cette maltraitance et de faire taire les femmes, comme c'était le cas par le passé.
    Avec tous ces suicides, on s'est intéressé davantage aux causes du SSPT. Les Canadiens ont maintenant une meilleure compréhension de ces troubles. Parlez à n'importe qui dans la rue et vous verrez qu'on éprouve beaucoup de compassion à l'égard des anciens combattants d'aujourd'hui. Les Canadiens ont fait le rapprochement entre le service militaire dans les zones de conflit et les blessures subies au combat comme le SSPT. Il sera peut-être trop tard pour les anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée, mais il n'est pas trop tard pour les anciens combattants de l'ère moderne. Ils ont besoin de notre soutien, tout comme leur femme et leurs enfants.

  (1725)  

    Les soldats canadiens de la Deuxième Guerre mondiale n'ont pas eu tout ce dont ils avaient besoin, surtout lorsqu'il s'agissait du SSPT non diagnostiqué, mais il y avait au moins une chose sur laquelle ils pouvaient compter: leur pension. J'ai rencontré récemment une épouse de guerre de 91 ans, dont le défunt mari a servi à l'étranger pendant près de six ans, de décembre 1939 — ce qui signifie qu'il faisait partie des premières troupes à débarquer le 17 décembre 1939 — à juin 1945, y compris deux ans comme prisonnier de guerre en Allemagne, et a souffert d'un SSPT non diagnostiqué tout au long de sa vie. Elle m'a dit qu'elle n'avait pas vraiment de quoi se plaindre sur le plan financier, et qu'elle considérait qu'on avait pris bien soin d'elle. Elle a dit — et laissez-moi vous dire que la sagesse de ces vieilles dames ne cesse de m'épater —, et je la cite: une veuve n'est aussi bonne que la pension de son mari, ce qui est précisément le problème.
    Elle a sa pension; elle est garantie.
    Elle a accès au PAAC, évidemment, ainsi qu'à des dispositifs d'aide comme une marchette ou un fauteuil roulant, et même à un éplucheur adapté si elle en a besoin, parce qu'il y a de nombreuses années, elle a présenté une demande à titre de veuve d'ancien combattant britannique, une aide qui était à l'époque offerte aux épouses de guerre canadiennes et, apparemment, aux hommes aussi qui étaient des anciens combattants britanniques. Les gens pouvaient donc obtenir les mêmes services que les anciens combattants canadiens, pas une pension, mais des services du PAAC. Elle a donc eu accès à ces services. Entre-temps, elle avait une voisine qui était également une épouse de guerre, qui a servi pendant la Deuxième Guerre mondiale à Kenley. Elle est âgée de 92 ans. Elle a fait partie du WAAF britannique. Elle a survécu aux bombardements de la base aérienne de Kenley en Angleterre, en 1941, durant la bataille de l'Angleterre. Elle n'a pas fait la demande de ces services avant qu'ils ne soient abolis et, par conséquent, elle n'y a pas droit aujourd'hui.
    Ces deux femmes sont voisines. L'une a des avantages, l'autre pas. Je considère que c'est une injustice. Je suis certaine qu'il y a des centaines d'autres personnes dans la même situation. Selon moi, c'est un exemple de l'inégalité du système qui découle de dates limites arbitraires et de décisions prises par des politiciens et des bureaucrates anonymes qui n'ont aucune idée des répercussions sur la qualité de vie des gens, comme dans le cas de la Charte des anciens combattants. Tout comme le défenseur des anciens combattants, Michael Blais, qui a comparu la semaine dernière, je considère que les militaires canadiens, leur épouse et leurs enfants devraient avoir le choix entre un paiement forfaitaire ou une pension.
    Ces épouses de guerre, qui sont aujourd'hui nonagénaires, dont la plupart ont survécu à leurs époux, sont une preuve vivante que les prestations qu'elles reçoivent, bien qu'elles soient inégales, leur permettent d'avoir une qualité de vie que les autres n'ont pas. Elles peuvent vivre de façon autonome dans leur maison. Elles peuvent même recevoir un peu d'aide pour entretenir la maison, pelleter la neige ou même tondre le gazon. C'est le genre d'aide qui améliore la qualité de vie de ces gens. La nouvelle génération dont nous parlons, les anciens combattants de l'ère moderne, sont jeunes et ont toute la vie devant eux, et je suppose que c'est ce qui inquiète le gouvernement. Il doit se dire: « Oh! mon Dieu, nous allons devoir prendre en charge ces gens pendant encore 75 ans. »
    Mon amie, une épouse de guerre, et son mari, qui a été capturé en Sicile et qui a passé deux ans dans un camp de prisonniers, ont été jeunes aussi à une certaine époque. Eux aussi avaient toute la vie devant eux. Nous avons un engagement sacré, une obligation, à l'égard de ces militaires. Qu'est-ce qui est si différent entre les hommes et les femmes qui ont sacrifié leur jeunesse et leur vie il y a 75 ans et ceux qui joignent les rangs de l'armée aujourd'hui? Nous ne devons pas renier cet engagement, sinon à quoi bon tous les collants, les épinglettes et les drapeaux portant le slogan « Appuyons nos troupes »? Ils ne veulent rien dire du tout.
    Les gens qui n'appuient pas nos troupes font preuve d'un manque de patriotisme et peuvent même être considérés comme des traîtres à la patrie. Toutefois, si vous parlez à ces anciens combattants aujourd'hui du traitement qu'on leur a accordé, ils vous diront qu'ils se sentent abandonnés. Ils n'ont pas l'impression que le gouvernement a à coeur le bien-être de ses troupes. Personne ne s'étonnera d'apprendre que le ministère des Anciens Combattants n'a pas toujours fait ce qu'il fallait, et cela lui vaut des réprimandes.
    Je me souviens d'une histoire que m'a racontée la fille d'un ancien combattant qui a survécu à la torture, à la barbabie et à la malnutrition pendant quatre ans dans un camp de prisonniers japonais. Lorsqu'il est rentré au Canada pour retrouver son épouse, le seul emploi qu'il a pu obtenir — il n'avait pas d'éducation, étant donné qu'il était un simple soldat lorsqu'il a été capturé à Hong Kong —, c'était comme préposé aux soins dans un hôpital psychiatrique à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Ce n'était pas un emploi facile pour une personne qui a passé quatre ans dans un camp de prisonniers de guerre. Il passait beaucoup de temps debout alors qu'il avait de la difficulté à marcher.

  (1730)  

    Toute cette souffrance découlait du fait que ses tortionnaires prenaient plaisir à lui frapper sur la plante des pieds. Lorsqu'il a fait une demande pour des orthèses, on lui a dit que ce n'était pas lié au service militaire. Il était furieux. Il a piqué une crise dans le bureau d'Anciens Combattants de Saint John. Il ne pouvait pas croire qu'on lui refuse une aide aussi ridicule.
    Il n'a jamais obtenu ses orthèses. Selon sa fille, à partir de ce moment, il n'était plus le même homme. Il était devenu cynique.
    Toute sa famille en a souffert. C'est une insulte qui résonne jusqu'à la troisième génération. Parlez d'Anciens Combattants Canada et c'est l'histoire que vous entendrez, près de 75 ans après le début de la Deuxième Guerre mondiale, au sujet du mauvais traitement qu'on lui a accordé. Ces enfants n'ont pas de bons souvenirs de la façon dont on a traité leur père. Lorsque sa fille m'a raconté cette histoire, j'ai pleuré, parce qu'elle pleurait aussi. C'était terrible.
    Je ne veux plus pleurer pour les femmes et les enfants des anciens combattants. Je vous supplie de faire ce qu'il faut pour les anciens combattants et leur veuve et leur donner le choix entre un paiement forfaitaire ou une pension. C'est la bonne chose à faire, car cela permettra de rétablir la confiance des Canadiens dans le lien sacré qui unit les anciens combattants et le gouvernement. Comme le sénateur Dallaire l'a dit, un « cadre philosophique », un ensemble de valeurs qui guidera la façon dont nous traiterons les anciens combattants au cours des 75 prochaines années.
    Merci beaucoup.

  (1735)  

    Merci, madame Jarratt.
    Nous allons maintenant amorcer notre première série de questions.
    Nous allons commencer par M. Chicoine. Vous disposez de six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Messieurs et madame, je vous remercie de votre présence. Cela va certainement nous aider dans notre étude sur l'examen de la Nouvelle Charte des anciens combattants.
    J'aimerais vous remercier tout particulièrement, monsieur MacEachern. Le seul fait que vous soyez présent aujourd'hui et l'aplomb que vous avez démontré dans votre témoignage font preuve d'une grande force de caractère, d'autant plus que vous n'avez probablement pas terminé votre deuil. Je saisis l'occasion pour vous exprimer mes plus sincères condoléances.
    Monsieur MacEachern, vous en avez parlé brièvement dans votre déclaration d'ouverture, mais surtout dans le témoignage qui a été diffusé à la télévision un peu plus tôt aujourd'hui. Vous avez mentionné que votre femme avait fait une demande d'indemnité ainsi qu'une demande pour obtenir des soins de santé qui, je l'imagine, étaient liés à son problème de santé mentale. Sauf erreur, les deux demandes lui ont été refusées. Elle n'a pas continué la démarche parce qu'elle était enterrée de paperasse.
    Pourriez-vous nous décrire les difficultés qu'elle a vécues afin d'obtenir une indemnité et des soins de santé mentale, et nous indiquer si cela a joué un rôle dans sa décision de mettre fin à ses jours?

[Traduction]

    Je suis certain que c'était un facteur. Les problèmes qui l'assaillaient remontaient à plusieurs années, mais se sont exacerbés du fait qu'elle avait de la difficulté à s'adapter à la vie civile. Après quelques années, elle devait se trouver une carrière ou un gagne-pain, et elle en était arrivée à la conclusion qu'elle devait toucher des prestations ou recevoir une aide quelconque.
    Plus ses problèmes s'aggravaient et plus elle se rendait compte qu'elle devait faire quelque chose. Elle ne savait pas quoi faire parce qu'elle n'avait qu'un métier; elle avait été soldate toute sa vie et rendue dans la mi-quarantaine, elle se considérait trop vieille pour retourner travailler comme policière. Elle a donc entamé un processus... Il y a d'autres choses que je n'ai pas mentionnées dans mon mémoire ou dans ma déclaration concernant ses problèmes médicaux qu'elle avait tenté de régler en obtenant une pension, mais cela lui avait été refusé.
    Cela s'est ajouté à son stress et à son anxiété. En fin de compte, un médecin lui a diagnostiqué un SSPT retardé. C'est un diagnostic tellement vague. Je trouve que c'est problématique, puisque personne ne sait exactement de quoi il s'agit. Ce traumatisme semble englober de nombreux symptômes, et différents éléments peuvent en être à l'origine.
    Dans son cas, elle avait interjeté appel pour obtenir une pension, et nous n'avons appris le refus qu'après sa mort. C'est maintenant en appel.

[Français]

    Vous avez également mentionné qu'elle avait dressé une liste des batailles qu'elle avait livrées. J'ai cru comprendre qu'elle accordait beaucoup d'importance à la justice pour tous et qu'elle avait mis le doigt sur des difficultés avec Anciens Combattants Canada. Pouvez-vous nous dire si c'était bien le cas?

[Traduction]

    Comme je l'ai dit dans ma déclaration, tout au long du processus, elle n'a pas obtenu beaucoup de sympathie... Nous avons toujours cru qu'à un certain moment, quelqu'un la comprendrait et réaliserait qu'elle avait un problème beaucoup plus profond qu'une demande de pension. Il me semble que lorsqu'une personne demande une pension pour un traumatisme lié au stress, elle doit nécessairement recevoir des soins spécialisés. On nous a remis une liste de psychologues autorisés et on nous a indiqué d'aller en consulter un et, qu'à partir de là, on pourrait évaluer son cas. Ces séances étaient subventionnées. Malheureusement, la personne qu'elle a rencontrée manquait d'expertise dans ce domaine.

  (1740)  

[Français]

    Merci.
    Il y a un mois, des épouses d'anciens combattants sont venues témoigner devant le comité. Elles ont dit qu'elles ne se sentaient pas très appuyées, qu'elles ne recevaient pas d'aide et qu'elles devaient souvent laisser leur travail pour s'occuper de leur conjoint.
    Qu'en est-il de vous dans tout cela? Auriez-vous eu besoin d'aide, vous aussi? Je suppose que vous n'avez pas eu le temps d'en demander, parce qu'il fallait évidemment obtenir un diagnostic afin d'être admissible aux indemnités. Auriez-vous eu besoin d'aide pour faire face aux difficultés?

[Traduction]

    Vous voulez dire moi-même, après le fait?

[Français]

    Oui, je parle de vous, personnellement, après ou même pendant les faits. Des femmes nous ont dit qu'elles devaient quitter leur emploi, qu'elles ne pouvaient pas en avoir un de toute façon. Était-ce votre cas?

[Traduction]

    Non, je suppose que j'ai eu la chance d'avoir un emploi très stable et flexible qui me permettait de m'occuper de ma femme. Ce n'était pas facile. Il y a un long processus qui l'a conduite à son décès.
    Tout le processus a duré environ un an et demi. Il y avait des périodes où les choses s'amélioraient, puis elle refaisait une crise. Heureusement que j'avais un employeur compatissant.
    Une autre chose aussi — et j'en ai discuté avec d'autres personnes —, c'est le fait que je sois un homme. Habituellement, c'est le contraire. L'homme est le soldat et la femme prend soin de son mari et de leurs enfants. Il ne faut pas se le cacher; les femmes ont un instinct plus maternel que les hommes. Le fait de devoir m'occuper seul maintenant de notre fille, en plus de mon emploi, est tout un défi.
    À cet égard, comme je l'ai dit dans ma déclaration, le Centre de ressources pour les familles des militaires a été extraordinaire et m'a aidé à trouver des programmes, des ressources, et même une aide financière afin que je puisse bénéficier d'un programme de garderie et continuer à travailler. J'imagine que beaucoup de gens dans une pareille situation ne peuvent plus travailler, parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer la garderie, selon le nombre d'enfants qu'ils ont. Certaines femmes doivent se retrouver dans cette situation.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lizon, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'être ici cet après-midi, particulièrement M. MacEachern. Je vous offre mes plus sincères condoléances, et je sais que votre deuil est tout récent, et qu'aucune de mes paroles ne pourra vous réconforter, vous ou votre fille. Je suis très bouleversé par votre histoire.
    J'ai une demande et une question. Tout d'abord, si vous le voulez, vous pourriez nous transmettre une liste de recommandations qui seraient utiles dans le cadre de cette étude, des changements à la Charte que vous aimeriez voir. Nous vous en serions très reconnaissants.
    Voici maintenant ma question. Dans les années qui ont suivi la libération de votre femme, alors qu'elle essayait de s'adapter à la vie civile, avez-vous eu espoir, à un certain moment, qu'elle s'en sorte?
    Pas vraiment. Je dirais qu'au début, quelques années après sa libération, les choses allaient plutôt bien. Elle était travailleuse autonome. Elle avait une garderie en milieu familial et prenait soin d'autres enfants. Toutefois, après un certain temps, la situation était devenue trop stressante pour elle. Elle a même dit que d'exploiter une garderie était pire que tout ce qu'elle avait pu faire dans l'armée.
    Cela dit, elle ne pouvait plus continuer comme ça, elle n'en pouvait plus de changer des couches et de gérer une bande d'enfants dans la maison. Il y a ensuite eu une période — je dirais probablement dans les quatre ans qui ont précédé Noël dernier — où les choses allaient mieux. Elle remontait la pente et c'était encourageant. Elle a fait beaucoup de bénévolat, notamment au sein des banques alimentaires et des églises, tout pour se tenir occupée. Mais chaque fois qu'il y avait un problème, elle retombait.
    Je dois dire qu'en tant qu'époux — et n'importe qui dans la salle qui a déjà vécu quelque chose de semblable sera d'accord avec moi —, on se sent tellement impuissant. Je ne savais pas quoi lui dire. J'essayais de l'encourager. Je lui disais d'aller voir un médecin, qu'il pourrait l'aider, mais au bout du compte, il n'y avait rien que je pouvais faire. C'était une situation très difficile.

  (1745)  

    Merci.
    Je vous ai écoutée, madame Jarratt. Je suis né neuf ans après la guerre, et j'ai grandi dans une collectivité où tout le monde a été touché par la guerre. Les membres de ma famille ont soit combattu dans l'armée, soit été forcés d'aller en Allemagne pour travailler dans des camps de travail et des fermes. Mon père faisait partie du mouvement de résistance et il se cachait dans la forêt. J'ai donc grandi aux côtés de gens qui ont été touchés non seulement par le fait que leurs proches étaient dans l'armée, mais aussi par la guerre elle-même, tous les bombardements, les atrocités et le va-et-vient des armées. Je comprends très bien ce dont vous parlez. C'est quelque chose qui a fait partie de la vie de beaucoup de gens après la guerre.
    J'ai une question d'ordre général qui s'adresse à tout le monde, étant donné que tous les témoins et toutes les organisations ont parlé de la Charte. Y a-t-il des organisations représentées ici qui ont pris part aux consultations avant 2005?
    Absolument. L'ACVMP a participé aux consultations.
    À ma connaissance, le Fonds du souvenir n'a pas été consulté.
    Nous non plus.
    Pourriez-vous dire au comité dans quelle mesure votre organisation a participé aux consultations tenues par le gouvernement de l'époque? Quelles étaient vos positions? Avez-vous formulé des recommandations? Si oui, ont-elles été mises en oeuvre?
    Je vais répondre brièvement. L'ACVMP était l'une des organisations à s'opposer à l'adoption rapide de la nouvelle Charte des anciens combattants, parce que nous estimions qu'elle n'avait pas fait l'objet d'un examen suffisamment approfondi. Évidemment, nous avons tourné la page.
    Toutefois, pour ce qui est des autres questions, je vais m'en remettre au général Gollner, qui était également présent à ce moment-là.
    Monsieur le président, nous n'avons pas eu le temps de nous pencher sur la Nouvelle Charte des anciens combattants. Comme le général Dallaire l'a dit très brièvement, cela faisait partie d'un processus continu, mais pour des raisons que j'oserais peut-être qualifier d'opportunisme politique, la Nouvelle Charte des anciens combattants a été adoptée à toute vapeur. Même des hauts fonctionnaires d'Anciens Combattants Canada, y compris le défunt Jack Stagg, qui était sous-ministre à l'époque, ont dit que ce projet de loi était inachevé et qu'il fallait y consacrer plus de temps. Toutefois, comme nous le savons, le projet de loi a été déposé et adopté à la Chambre le même jour.
    Et ce, malgré toutes les lacunes relevées. La question du paiement forfaitaire, encore une fois soulevée par le général Dallaire, ne faisait même pas partie des discussions. Il y a eu l'étude du Dr Neary, mais aussi Anciens Combattants Canada, le Comité des finances, et probablement le Conseil du Trésor qui ont participé à l'élaboration de cette Charte.
    Nous avons parlé de la philosophie du dévouement et du devoir, mais ce n'était pas la priorité. Les discussions visaient à économiser de l'argent. C'était à l'époque où le gouvernement au pouvoir tenait mordicus à réaliser des économies; c'est pourquoi on a apporté des modifications qui ont surpris tous les groupes d'anciens combattants participants. Ces observations et ces préoccupations ont malheureusement été écartées, et le projet de loi a été déposé.
    J'aimerais cependant revenir à Jack Stagg, qui était sous-ministre à l'époque. Il a été un acteur clé, et il était très préoccupé par l'adoption à toute vitesse de ce projet de loi qu'il qualifiait lui-même d'inachevé. Nous en payons le prix depuis maintenant neuf ans.

  (1750)  

    Merci beaucoup, monsieur Lizon.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Valeriote. Vous disposez de six minutes.
    J'aimerais vous remercier d'avoir pris le temps de comparaître aujourd'hui. Si je ne vous pose pas de questions, cela ne signifie pas que vos idées n'ont pas été reçues et qu'elles ne seront pas proposées.
    Monsieur MacEachern, ce n'est certainement pas suffisant de vous offrir nos condoléances. D'autres vous les ont offertes, mais honnêtement, elles sont vides de sens si elles ne s'accompagnent pas d'une réaction, et je suis désolé de ce que vous avez dû subir.
    Aujourd'hui, j'ai rencontré des représentants du ministère lors d'une séance d'information pour discuter des détails de la Nouvelle Charte des anciens combattants et de sa mise en oeuvre. Pendant que j'étais avec eux, je réfléchissais à notre pacte social, à notre obligation sacrée. Ces dernières semaines et ces derniers mois, j'ai réfléchi à cette notion et j'ai tenté de la définir. Que signifie-t-elle vraiment? J'en ai conclu que, si ceux qui se battent en notre nom lorsqu'on leur demande de le faire sont prêts à se rendre n'importe où et à donner leur vie sans limite de responsabilité, la responsabilité des Canadiens, et non celle du gouvernement, devrait aussi être illimitée. Il s'agit d'un pacte réciproque, c'est-à-dire qu'il n'y a pas seulement une partie. Donc, ce que j'entends, c'est que nous ne respectons pas notre partie de l'entente.
    J'aimerais parler des commentaires que vous avez formulés — vous avez écouté le sénateur Dallaire — sur la préoccupation selon laquelle de nombreuses personnes souffrent en ce moment, et ces cas de suicide pourraient très bien se reproduire encore et encore, au point où cette guerre fera davantage de victimes après le retour de nos soldats.
    D'autres personnes l'ont déjà affirmé. Cette semaine, j'ai entendu Brian Forbes, du Conseil national des associations d'anciens combattants, et la semaine dernière, Michael Blais, du Groupe de défense des intérêts des anciens combattants canadiens, déclarer qu'il fallait prendre des mesures immédiatement. Honnêtement, je crains que des choses bien pires aient le temps de se produire avant que cette étude soit terminée, qu'elle soit prête, et que le ministre l'ait reçue et ait pris des mesures.
    Croyez-vous que des mesures peuvent être prises dès maintenant pour commencer à changer les choses? Ce que j'entends, c'est que les fonctionnaires entretiennent actuellement une culture malsaine. Ils fonctionnent plutôt comme une société d'assurance qui tente de refuser une réclamation pour coup de fouet cervical dans un accident de la route, et ce n'est pas la façon dont les choses devraient fonctionner. Vous ne devriez pas avoir à prouver votre réclamation. Vous êtes blessé. C'est tout.
    Pouvez-vous répondre à cela?
    Je crois que vous l'avez exprimé avec éloquence. C'est certainement ce que nous ressentons de notre côté.
    Un autre ancien combattant qui prépare les demandes des autres anciens combattants de l'Afghanistan a servi sept fois là-bas et il a reçu un diagnostic de TSPT après la septième fois. Maintenant, il passe son temps à préparer des demandes de pension au nom d'autres anciens combattants qui reviennent de là-bas et il affirme que ce processus s'apparente à une bataille. Il dit que la bataille fait actuellement rage au pays, et qu'elle vise à obtenir des soins pour ces gens.
    Il faut d'abord terminer les formalités administratives, et cela prend au moins trois mois. L'autre jour, je lisais un site Web sur les anciens combattants où l'on disait qu'un taux de roulement des demandes de l'ordre de 80 % en 16 semaines était satisfaisant. C'est stupéfiant. Comment peut-on considérer ce taux comme étant une réussite ou utiliser un point de référence comme celui-là lorsqu'il s'agit d'une question de vie ou de mort?
    La meilleure chose que j'ai lue sur le sujet dernièrement, c'était dans un témoignage livré ici, pendant la réunion du 7 mars, je crois. Il s'agissait du témoignage de l'Organisation canadienne des vétérans de l'OTAN, dans lequel on disait qu'il fallait mettre sur pied des équipes d'intervention en cas de crise.

  (1755)  

    Et nous en avons besoin maintenant.
    M. Thomas MacEachern: Exactement.
    M. Frank Valeriote: Nous ne devrions pas attendre que le rapport soit présenté.
    Je vois que tout le monde hoche la tête.
    Comment cela se produit, je ne le sais pas, mais...
    Oui, Don.
    Je suis touché par cela d'une manière tout à fait différente. Je me bats contre les fonctionnaires du gouvernement du Canada depuis 40 ans. J'ai écrit un livre à ce sujet. Je connais le sentiment de se heurter à un mur de briques.
    Je suis aussi pilote de ligne. Si quelque chose arrive dans le poste de pilotage, on ne doit pas rester assis et en parler jusqu'à ce qu'on s'écrase sur la montagne.
    Il faut agir maintenant. Essentiellement, ces soldats servent la population, mais vous aussi, et l'ensemble de la population canadienne vous demande de faire quelque chose à cet égard.
    Je vous remercie de votre commentaire.
    J'ai une dernière question, et elle sera brève.
    Lorsque j'ai rencontré les représentants du ministère aujourd'hui, ils m'ont dit qu'ils géraient un peu plus de 7 000 cas et que leurs gestionnaires de cas s'occupaient chacun, en moyenne, de 40 dossiers. J'ai calculé que cela faisait environ 170 gestionnaires de cas. Je crois qu'ils sont débordés, que le financement est insuffisant et qu'ils sont sous-qualifiés. Vous avez dit que ce n'était pas votre expérience. Cela n'aide pas lorsque vous êtes au milieu de ce type de circonstance.
    Convenez-vous, en vous fondant sur votre expérience avec votre femme, que le nombre de cas est trop élevé et que le personnel n'est pas qualifié pour servir nos anciens combattants? Est-ce qu'un autre témoin est de cet avis?
    Je dirais qu'il faut s'occuper du problème maintenant et régler les détails plus tard. Je ne crois pas qu'il est possible de quantifier la valeur de la vie d'une personne. Une fois que ces personnes auront disparu, il sera trop tard. Nous devons nous en occuper maintenant. Réglons ces problèmes une fois pour toutes.
    Oui. D'autres commentaires?
    Je crois que tout le monde est d'accord.
    Thomas, êtes-vous d'accord?
    Vous n'avez pas le droit de poser la question, Frank, car votre temps est écoulé. Mais si l'un d'entre eux souhaite répondre, j'ai beaucoup aimé votre question, mais je présume que tout le monde a terminé. Ou quelqu'un d'autre...
    J'aimerais faire un bref commentaire, monsieur le président.
    L'un des paradoxes, c'est qu'un grand nombre de personnes affirment que la dernière chose dont nous avons besoin, c'est d'autres fonctionnaires. Pourtant, ironiquement, oui, je crois que nous devons affecter d'autres personnes à cette tâche. Le nombre de cas est très élevé.
    L'une des meilleurs gestionnaires de cas que ma conjointe a eus l'a admis, et elle s'est excusée. Elle a dit qu'elle était désolée, mais... Et la roue continue de tourner, n'est-ce pas? Tout le monde attend son tour. Il n'y a aucun ordre de priorité. Donc une fois que vous êtes en ligne, vous attendez votre tour. À moins que votre cas soit exceptionnel, vous attendez votre tour et vous patientez pendant qu'on règle les formalités administratives.
    Monsieur le président, puis-je faire un commentaire?
    L'Ombusman des vétérans a écrit un article intéressant, en fait un article percutant, dans The Hill Times, hier ou avant-hier, je crois, dans lequel il réfutait une proposition faite par Michel Drapeau et un collègue qui visait à modifier la structure organisationnelle d'ACC. Il disait que le problème était plutôt dans le processus de demande initial. En modifiant ce processus, nous pourrions probablement accélérer grandement les choses.
    Évidemment, il a mentionné, entre autres, que même l'Agence du revenu du Canada acceptait certains documents sans vérification immédiate. Je crois que le deuxième commentaire qui m'a frappé, c'est qu'Anciens Combattants Canada devrait présumer que la plupart des anciens combattants sont honnêtes.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Gill, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais également profiter de l'occasion pour remercier nos témoins de comparaître devant le comité et de nous aider à mener cette importante étude.
    J'aimerais également me faire l'écho des commentaires formulés par mes collègues à M. MacEachern. Nous vous offrons nos plus sincères condoléances, monsieur. Les mots ne peuvent pas remplacer quoi que ce soit, mais nous compatissons vraiment avec vous et votre famille. Nous vous remercions d'avoir le courage de comparaître devant le comité et de partager votre expérience avec nous, afin que nous puissions aider d'autres personnes.
    D'après ce que je comprends, votre femme a servi pendant environ 23 ans. Est-ce exact?

  (1800)  

    Oui, 23 ans sur une période de 27 ans, et c'est en partie parce que... Elle était une soldate exemplaire, elle avait reçu d'excellentes évaluations et on l'avait déclarée apte à être promue. En 1994, pendant qu'elle était en Allemagne, elle a présenté une plainte de harcèlement sexuel contre son superviseur, et cela a signifié la fin de sa carrière. Elle a interjeté appel auprès de la Commission canadienne des droits de la personne et elle a obtenu gain de cause, et le MDN a été obligé de lui permettre de reprendre le service.
    Lorsqu'elle a repris le service, elle a tenté d'obtenir son ancien poste, son rang et son salaire, mais toutes ses demandes ont été refusées. C'est en partie ce qui a causé sa frustration ultime à l'égard du service. Elle avait donné sa vie entière et tout ce qu'elle avait au service. Elle adorait son emploi. Tout allait très bien. Mais les choses ont commencé à se gâter, et elle n'a jamais pu s'en remettre.
    Depuis que c'est arrivé, j'ai examiné ses documents personnels. Elle avait 22 boîtes de documents militaires. Ces boîtes contenaient l'ensemble de sa carrière, toutes les mesures de redressement, toutes les affaires et les études d'Anciens Combattants Canada. Ces dernières années, il y avait deux grosses boîtes pour les documents d'Anciens Combattants Canada. Lorsque j'ai relu l'affaire du harcèlement sexuel, je me disais qu'aujourd'hui, on ne permettrait jamais à ce genre de choses d'arriver. Mais c'est arrivé à l'époque. On lui a essentiellement dit qu'on était fatigué d'entendre parler de cette affaire et qu'elle devrait tout simplement laisser tomber. Toutefois, une fois l'affaire présentée à la Commission canadienne des droits de la personne, l'organisme a conclu, en trois semaines, que c'était certainement un cas de sexisme.
    C'est ce qui a provoqué ses difficultés sur le plan psychologique, et à l'époque, en Allemagne, elle a cherché à obtenir de l'aide auprès du MDN pour ses problèmes liés au stress et à l'anxiété. Tout cela se retrouve dans les documents. C'est dans son dossier. Son formulaire de libération énumère toutes les choses pour lesquelles elle a été traitée par le personnel médical de la base pendant cette période de cinq ans — c'était une affectation de cinq ans — et sous la mention « traitée pour anxiété et dépression » on avait écrit « cas réglé avec une thérapie ». Il n'y a eu aucun suivi supplémentaire. Ensuite, pendant sa deuxième affectation, un incident similaire s'est produit pendant qu'elle était à Kingston. Elle était affectée à Kingston, au centre de formation, et elle a essentiellement refait une dépression. On a réglé ce problème en l'envoyant consulter l'aumônier. Aucune autre mesure n'a été prise à cet égard.
    Encore une fois, ce sont des points sensibles au MDN, et il s'agit en quelque sorte d'un problème distinct, mais on aurait pu, à mon avis, découvrir ce qui provoquait ses problèmes dès le début, même si c'était assez évident pour elle. Elle avait été profondément blessée par toute cette histoire, et elle a consacré la deuxième partie de sa carrière à tenter de récupérer tout ce qu'elle avait perdu. Eh bien... elle n'y est jamais parvenue.
    J'ai une deuxième question, monsieur. Vous avez mentionné qu'elle recevait une pension d'environ 172 $ par mois, d'après ce que je comprends. Était-ce la seule forme de paiement qu'elle recevait du gouvernement?
    Pas à l'époque. Pour clarifier les choses, lorsqu'elle a demandé de l'aide psychologique, on lui a également accordé des prestations pour perte de revenu. C'est l'argent réclamé dans la lettre reçue après sa mort. Elle a reçu ces prestations pendant... six ou huit mois, je crois.
    Pouvez-vous nous dire combien d'argent cela représentait?
    C'était quelques milliers de dollars par mois. C'était son plein salaire de caporal, son dernier rang. Cette somme était peu élevée, car elle ne recevait pas une pleine pension militaire, même si elle y avait droit. Lorsqu'elle a été déclarée « inapte à continuer son service militaire » la première fois, on lui a essentiellement dit: « Voici le document, signez ici. » Elle est donc partie sans rien obtenir. Elle a signé pour sa pension et elle a touché ses prestations. Il y a une période pendant laquelle vous pouvez racheter votre pension. Mais à son retour, lorsqu'on lui a permis de rejoindre les Forces, cette période était écoulée.
    Les affectations de sa deuxième période de service étaient donc entre la classe A, la classe B et la réserve, et elle n'a jamais été en mesure de récupérer une pension complète. C'est un autre problème, c'est-à-dire la différence entre les réservistes et les membres des Forces en ce qui concerne les pensions et les problèmes que cela engendre, étant donné que, comme je l'ai mentionné plus tôt, les réservistes combattent aux côtés des militaires de la force régulière, et que ces derniers obtiennent une pension, mais pas les autres. Mais c'est une toute autre histoire.

  (1805)  

    Merci, monsieur Gill.
    Madame Mathyssen, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier tous les témoins.
    Votre témoignage était très émotionnel. J'ai quelques questions, mais j'aimerais tout d'abord vous parler de mon expérience personnelle de députée en ce qui concerne un hôpital pour anciens combattants de ma circonscription. En effet, Parkwood se trouve dans ma circonscription.
    Je rencontre des anciens combattants de l'ère moderne tout le temps, car on leur a refusé des soins à long terme. Cet hôpital pour anciens combattants a refusé de les appuyer.
    Un ancien combattant en particulier — un colonel, un pilote de la guerre froide, l'un de ceux qui pilotaient un avion dans les environs du rideau de fer au quotidien — avait environ 80 ou 81 ans. Il devait être opéré au dos en raison d'une blessure qui était liée au service, selon le chirurgien. Il s'est retrouvé dans un fauteuil roulant. Il ne pouvait pas retourner chez lui, car il n'avait pas les installations nécessaires. Il n'y avait pas de lit de soins à long terme dans le centre de soins de longue durée de la province. On lui a dit « Désolé, mais vous devez partir ».
    Nous nous sommes donc battus pour lui permettre de rester à Parkwood, et d'obtenir un lit de soins de longue durée. Grâce à une grande persévérance et à de nombreuses personnes qui se sont battues pour lui, il a finalement obtenu ce lit, mais à un certain coût. Il devait payer pour le lit, et Anciens Combattants Canada a eu l'audace de lui dire de ne pas s'inquiéter, car il ne prenait pas la place d'un ancien combattant, c'est-à-dire qu'il ne poussait pas un ancien combattant hors d'un lit à Parkwood.
    Ce qui m'inquiète, c'est que Neil, et de nombreux autres anciens combattants — et peut-être votre conjointe, monsieur MacEachern — ne reçoivent pas les soins à long terme dont ils ont besoin, que ce soit sur le plan émotionnel ou physique, et c'est tout simplement inacceptable. Les anciens combattants de l'ère moderne devraient effectivement recevoir des soins à long terme. J'en ai parlé au ministre, et j'ai toujours entendu la même réponse — et même hier soir pendant un débat —, et c'est que nous avons des services de soins de santé provinciaux et que ces services devraient s'occuper de nos anciens combattants.
    Qu'en pensez-vous? Croyez-vous qu'il revient aux provinces de s'occuper des anciens combattants de l'ère moderne?
    Non, je crois qu'il s'agit d'une responsabilité fédérale, étant donné que les anciens combattants sont des employés fédéraux. Pour revenir au pacte, s'il existait une armée de l'Alberta, peut-être que dans ce cas, les anciens combattants seraient le problème de la province. Dans le cas qui nous occupe, c'est une compétence fédérale, et ce qui est malheureux, c'est qu'il semble qu'on essaie de refiler cette responsabilité aux provinces. Si les provinces étaient en mesure d'assumer cette responsabilité, ce serait bien, mais elles ne sont pas en mesure de le faire, car elles vivent toutes une crise financière pour plusieurs raisons, à l'exception de l'Alberta, notamment en raison de la façon dont l'argent a été dépensé et où les fonds ont été affectés et en raison du fait que leurs priorités ont changé au cours des années.
    J'aime citer l'exemple de Ralph Klein: lorsqu'il était premier ministre, il a fermé plus d'hôpitaux en Alberta, une province en pleine croissance, qu'il en a ouverts, y compris les établissements de soins psychiatriques. Il a fermé des hôpitaux psychiatriques et les gens ont été jetés à la rue. Que se passe-t-il maintenant? Nous avons des problèmes de santé mentale dans les rues de Calgary. Maintenant, des organismes sociaux doivent construire d'énormes foyers — il y en a trois — au centre-ville pour prendre soin de personnes qui devraient probablement se trouver dans un établissement psychiatrique.
    Dans le cas de ma conjointe, il y avait une liste d'attente de deux mois pour être admis dans cet établissement. Nous avions espoir, mais quelqu'un n'a pas donné suite à notre demande. Cela arrive souvent. Encore une fois, le nombre de cas et de lits...
    Et le problème ne s'arrête pas là. On manque d'expertise. On n'a pas le cadre de référence nécessaire pour les problèmes liés au TSPT. Dans son cas — et nous soutenons toujours que ses problèmes étaient liés au service, en raison de ce qui s'est produit pendant qu'elle était en service —, c'était un cas assez différent, mais même si l'on ne tient pas compte de cela, il n'y a aucun cadre de référence pour ces gens. Notre propre médecin de famille ne connaissait rien à ce sujet et nous a dit qu'il fallait que nous trouvions une personne qui s'y connaissait davantage dans ce domaine.

  (1810)  

    Le sénateur Dallaire nous a parlé de la culture, de la réalité, de la camaraderie propres à la vie militaire et de l'importance de tout cela dans les soins. Je dois dire qu'on trouve des soins de cette qualité à Parkwood. Le problème, c'est qu'il n'y a pas assez de places. Il n'y a qu'une aile, on ferme des lits, et l'on n'y offre pas de soins psychologiques. Les gens attendent des mois et des mois pour y avoir accès. J'ai bien l'impression que c'est une question de gros sous.
    L'une des choses qui m'a frappée, monsieur O'Connor, lorsque vous parliez du Fonds du Souvenir, c'est que les réductions de 1995 étaient attribuables à des compressions budgétaires, qu'il fallait équilibrer le budget. C'est ce qu'on entend encore et encore. Sommes-nous en train de sacrifier nos anciens combattants pour un budget équilibré parce que nous ne sommes prêts à payer le coût financier de véritables soins?
    C'est pire que cela. C'est une observation, c'est tout ce que c'est. Je ne jette de pierres à personne. Non seulement le budget a-t-il été réduit arbitrairement de moitié en 1995, pour atteindre l'équilibre budgétaire, mais on s'attendrait à ce que quelques années plus tard, il soit rétabli parce que le budget est équilibré. Non. Le pire, c'est qu'il n'a pas été indexé par la suite, de sorte que 12 000 $ en valent 8 000 aujourd'hui. C'est dérisoire. Une personne qui meurt avec 9 000 $ de nos jours ne peut pas y avoir accès en dollars de 1995, c'est une insulte. C'est ma façon de voir les choses. Comme je l'ai dit, ce n'est qu'une observation, une observation rationnelle. C'est ce qui s'est passé. Il a été réduit de moitié arbitrairement, il n'a jamais été rétabli et n'a même pas été indexé. C'est une insulte.
    Merci beaucoup, madame Mathyssen.
    Monsieur Hawn, s'il vous plaît, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous d'être ici.
    Monsieur MacEachern, je vous exprime mes condoléances moi aussi.
    J'aimerais clarifier une chose. Lorsque votre épouse a été libérée par application de l'alinéa 5f), a-t-elle eu droit à un remboursement de cotisations parce qu'il y a quelque chose à cet égard dans le régime de retraite.
    Oui. On a l'option...
    On peut recevoir un montant forfaitaire en remboursement de cotisations.
    Il faut le prendre au complet, oui.
    D'accord, cela explique tout.
    Nous venons de dire que le gouvernement fédéral a la responsabilité d'offrir des soins de santé aux anciens combattants. Nous transférons des milliards de dollars aux provinces en santé. Si nous nous lançons dans le rétablissement du système — et l'armée s'est affranchie de sa dépendance au système de santé des anciens combattants il y a bien longtemps —, il va nous en coûter des milliards de dollars, ce n'est pas réaliste. Il faut peut-être faire quelque chose. Je déplore notamment qu'on n'accorde pas la priorité aux anciens combattants d'aujourd'hui dans les soins de longue durée en Alberta. Je pense que c'est un problème. Cela dit, je n'estimerais pas judicieux de retourner en arrière et de réinventer un système de santé pour les anciens combattants qui ne serait pas indépendant. Nous n'en avons tout simplement pas les moyens.
    Monsieur O'Connor, j'appuie totalement vos recommandations, qui me semblent raisonnables et sensibles.
    Monsieur Kokkonen et général Gollner, je suppose, au sujet de la mentalité de la compagnie d'assurance, j'ai déjà dit souvent que le problème à mon avis n'est pas ce que l'assurance comprend, parce qu'elle comprend beaucoup de choses, mais la difficulté à y accéder. Le fardeau de la preuve est trop élevé. La mentalité de la compagnie d'assurance est telle qu'il faut prouver sans l'ombre d'un doute qu'on mérite de recevoir ceci ou cela. Croyez-vous qu'il serait possible d'adopter la philosophie inverse? Si quelqu'un se présente avec une blessure ou je ne sais quoi d'autre, tant que cela paraît raisonnable, contentons-nous de continuer à lui verser des prestations, à faire preuve de diligence. S'il s'avère en bout de ligne que la personne n'y avait pas raisonnablement accès, ne lui réclamons pas les prestations, cessons-les tout simplement. Croyez-vous que si nous adoptions la philosophie inverse, que nous laissions les choses aller pour nous soucier des menus détails plus tard, la majorité des gens seraient contents plutôt que d'être à tout le moins irrités?
    On nous a déjà recommandé à quelques reprises cet après-midi de résoudre le problème et de réfléchir aux détails après. Je ne suis pas tout à fait certain de comprendre ce que vous voulez dire par « philosophie inverse ».
    Plutôt que d'exiger une preuve sans l'ombre d'un doute, acceptons l'histoire, parce que la plupart des gens vont être honnêtes. Il y a des gens qui vont leurrer le système, c'est comme ça.
    Cela s'applique à AAC comme au TACRA, c'est le même concept.
    Oui, c'est exactement ce que je dis.
    L'ombudsman des vétérans a exposé une solution dans l'article qu'il a publié dans les journaux il y a deux jours, et c'est ce qu'il proposait. Il proposait d'inverser l'obligation de tout prouver hors de tout doute raisonnable. Bien sûr, dans la même veine, c'était le problème au TACRA aussi. Le bénéfice du doute s'exerçait à l'inverse dans ce cas, et bien sûr, nous en avons déjà parlé, donc...
    Général Gollner, voulez-vous ajouter quoi que ce soit à cela?

  (1815)  

    L'ombudsman des vétérans a publié un certain nombre d'articles très fouillés et très réfléchis au cours de la dernière année sur les problèmes que pose la Nouvelle Charte des anciens combattants. Tout récemment, M. Parent a présenté sa proposition, et je présume que ce n'est pas par accident. Elle va dans le sens que Ray vient de nous expliquer il y a quelques minutes: on remplit sa déclaration de revenus, on peut demander des prestations du RPC, on peut demander un prêt étudiant, on peut demander toutes sortes de choses. Tout se fait par ordinateur. Les gens de Revenu Canada, à tout le moins ceux avec qui je parle, ne sont pas particulièrement gentils avec les plaisantins. Ils font leurs vérifications. Si vous faites votre déclaration de revenus aujourd'hui, par voie électronique, il y a de bonnes chances que vous receviez un remboursement ou que vous vous fassiez dire que vous devez payer plus dans les trois semaines.
    Si l'on peut le faire pour une démarche aussi fondamentale que la déclaration de revenus, ne devrait-on pas pouvoir en faire autant lorsqu'on demande des avantages destinés aux anciens combattants plutôt que de devoir se taper tout le système bureaucratique qui a été établi? Il s'est développé au fil des générations. Il n'est pas arrivé par accident. Il s'est construit, graduellement. Je ne sais pas combien de gens à l'Île-du-Prince-Édouard s'occupent de toute cette paperasse, mais ils doivent être légion. C'est un processus très compliqué, fondé sur des faits, très difficile. Les gens se plaignent régulièrement du fait qu'une infirmière quelconque a rejeté la demande d'un ancien combattant pourtant appuyée par un médecin spécialiste chevronné. Ils se demandent comment c'est possible. C'est très simple, parce que l'infirmière est dans le système, qu'elle doit prendre connaissance de l'avis médical et voir s'il s'applique à la personne en service, donc il ne s'agit pas nécessairement de critiquer l'avis médical, mais son rapport à la personne en service.
    Je pense que nous pourrions faire mieux. Ray a qualifié l'article de l'ombudsman des vétérans de véritable bombe. Je pense que c'est encore plus que cela. Si nous adoptions ce système, un ancien combattant pourrait peut-être se faire répondre dans les trois semaines comme la plupart d'entre nous lorsque nous présentons notre déclaration de revenus.
    Soyez très bref.
    D'accord. Très brièvement. Je pense que la réponse va être courte.
    Avez-vous des réflexions à nous communiquer sur l'idée de fusionner le MDN et AAC?
    Général Gollner, vous êtes peut-être le mieux placé pour répondre à cette question.
    Ce n'est pas une idée nouvelle.
    Je crois que c'est en 1987 ou en 1988, quand j'étais au quartier général de la Défense nationale — et je vais utiliser ma propre petite expression pour l'endroit: Fort Fumble sur le canal Rideau —, qu'un livre vert a circulé dans les deux ministères et qu'on nous a demandé de donner notre opinion. Il émanait du personnel du quartier général de la Défense nationale. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de ce document, sauf qu'il a été examiné sérieusement. L'idée était de joindre juridiquement les deux ministères et de nommer un ministre associé des Anciens combattants, qui s'accompagnerait de tout le personnel nécessaire.
    Ce n'est pas une idée nouvelle. Elle circule depuis longtemps.
    Monsieur Hayes, s'il vous plaît, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, monsieur MacEachern, je vous prie d'accepter nos plus sincères condoléances. Cela n'allégera votre douleur en rien, mais j'écoutais Global (je suis certain que c'était Global News) il y a trois jours, et j'ai dû réécouter la nouvelle, mais je ne suis même pas certain d'avoir bien compris. Je l'ai téléchargée. J'ai compris que 100 000 soldats américains avaient intenté à leur propre vie. Récemment, il paraît qu'ils seraient jusqu'à 22 par jour à le faire. Quand vous dites que le fait que nous ayons un problème n'est pas un secret, ce n'est vraiment pas un secret.
    L'un de nos collègues député, Harold Albrecht, a déposé un projet de loi proposant un cadre national pour la prévention du suicide. Je ne suis pas certain que si ce cadre avait été en place, la tragédie que vous vivez aurait été évitée. J'espère toutefois que quand elle va être mise en place, elle va s'appliquer à l'armée en tout premier lieu, bien sûr. Je n'ai pas vraiment de question à vous poser, je voulais faire une observation.
    Vous êtes très chanceux d'avoir l'appui de votre employeur. D'après ce que je comprends, il fait preuve de beaucoup de compassion, il est très compréhensif. J'espère toutefois que vous pourrez faire une chose pour nous, et vous pouvez le faire plus tard, je ne vous demande pas de le faire tout de suite: j'aimerais que vous précisiez par écrit quelle forme d'aide vous croyez qu'on devrait offrir aux personnes dans les mêmes circonstances que vous, si elles n'ont pas la chance d'avoir un aussi bon employeur. Je vous laisse y réfléchir, monsieur, et j'espère que vous allez envisager de le faire pour le comité.
    Monsieur O'Connor, je vous remercie de reconnaître le travail du gouvernement dans votre domaine. Vous avez répondu à toutes mes questions. Vous êtes très compréhensif quant à ce qu'il reste à faire à votre avis, et je ne peux pas vraiment vous demander grand-chose de plus. Vous avez été très efficace dans votre présentation.
    Monsieur Kokkonen, je vais en dire autant de vous. Vous avez fait du très bon travail, vous nous avez présenté clairement les choses, mais j'aimerais vous poser une question, monsieur, que j'aimerais peut-être poser à M. Gollner aussi. Elle concerne le rapport de l'ombudsman des vétérans. Certains de nos témoins ont affirmé que nous devrions simplement accepter les recommandations de l'ombudsman des vétérans et les suivre, un point c'est tout. Voici le document, voici les recommandations et voici ce que le comité et le gouvernement devraient recommander et mettre en place. Êtes-vous d'accord avec cela, monsieur?

  (1820)  

    Oui, je pense que tous les membres du groupe de consultation des anciens combattants sont d'accord. Ils appuient tous le rapport de l'ombudsman des vétérans. Tout ne peut pas se faire en même temps, et je pense que la plupart des gens l'admettent, en toute rationalité. Cependant, il va y avoir une certaine controverse parmi les anciens combattants si vous utilisez le mot « supplémentaire ». Ils ont l'impression qu'on devrait déjà faire tout cela.
    Ils ont donc ciblé trois enjeux. Le gouvernement nous a demandé plusieurs fois d'établir des priorités. Il y a consensus pour dire que toutes les recommandations formulées par ce comité et tous les autres sont importantes, mais les anciens combattants reconnaissent qu'on ne peut pas tout faire, si bien qu'ils se sont donné trois grandes priorités, qui ont été présentées à maintes reprises par toutes les organisations.
    Monsieur le président et monsieur Hayes, l'ombudsman jouit d'une position unique pour faire un travail détaillé puisqu'il a accès à tous les fichiers, à toutes les données et à toutes les statistiques d'Anciens Combattants Canada. Beaucoup d'autres personnes essaient d'analyser la situation du ministère, mais la Loi sur la protection des renseignements personnels et d'autres lois ne le leur permettent pas.
    Par conséquent, l'ombudsman des vétérans a produit des articles très légitimes et très fouillés, comme nous n'en avons jamais vus auparavant, à tout le moins dans le public, qui proposent des idées claires et simples, que tout le monde peut comprendre, et il a toujours reçu l'appui des divers ministres des Anciens Combattants, faute de quoi ses rapports ne seraient pas là aujourd'hui. Ils sont la référence pour beaucoup de gens. Nous sommes donc chanceux que ce poste existe et que le Bureau de l'ombudsman des vétérans fasse tout cela.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Nous allons clore notre série de questions avec M. Rafferty. Vous avez six minutes, s'il vous plaît.
    Merci infiniment, monsieur le président.
    Je remercie tout le monde d'être ici aujourd'hui. Je vais essayer de poser une question à chacun, si nous en avons le temps.
    Avant de commencer, j'aimerais vous dire, monsieur MacEachern, que vous faites preuve d'un courage incroyable en vous tenant ici aujourd'hui. Je ne suis pas sûr que je pourrais en faire autant. Je vous en félicite et je vous remercie d'être ici.
    Monsieur O'Connor, vous avez un M.B.A., et vous avez probablement déjà entendu parler de la théorie de l'administration selon laquelle on continue de dire non jusqu'à ce que les gens s'en aillent. Elle me semble très courante aux Anciens Combattants, ou du moins c'est mon impression. Elle est peut-être répandue à l'échelle du gouvernement.
    Cela dit, lorsque vous parlez du Fonds du Souvenir et de la nécessité de l'intégrer à la Nouvelle Charte des anciens combattants, avez-vous réfléchi à la formulation à utiliser pour l'inclure à la Charte? Je suis certain que les mots « respect » et « dignité » figureraient quelque part, mais avez-vous réfléchi à une formulation potentielle?

  (1825)  

    Je n'y ai pas vraiment réfléchi, mais le programme en tant que tel est très bien documenté à Anciens Combattants Canada. Il ne serait pas difficile du tout d'extraire un paragraphe ou deux ou quelques phrases de ce qui constitue essentiellement le mandat d'Anciens Combattants Canada dans l'administration du programme de frais de funérailles et d'inhumation.
    La formulation est là, mais je n'y ai pas réfléchi moi-même.
    Vous serez sûrement le bienvenu si vous voulez envoyer une note au greffier, si vous pensez à une formulation qui vous semblerait appropriée.
    En fait, j'y ai jeté un coup d'oeil et j'ai remarqué que l'article 57 porte sur les prestations de décès. Ce serait l'endroit idéal pour l'ajouter, c'est ce que je m'apprêtais à proposer au comité. Il suffirait de remplacer le mot « membre » par le mot « ancien combattant » et d'inscrire dans le programme de frais de funérailles et d'inhumation qu'il existe une forme de prestations. Il s'agit en réalité de prestations de décès pour les membres de la famille qui restent.
    Quoi qu'il en soit, je vais y réfléchir.
    Très bien. Je vous remercie.
    Monsieur Kokkonen, vous avez parlé de la Nouvelle Charte des anciens combattants et de l'idée de la rendre vraiment vivante. Vous avez parlé de révisions critiques périodiques.
    Je me demande si l'un de vous a déjà réfléchi à la fréquence à laquelle il y aurait lieu de la réviser.
    Bien sûr, nous connaissons la recommandation générale de l'une des organisations des anciens combattants, et elle est de deux ans. En fait, le général Gollner et moi en avons discuté hier soir, ce matin même, et nous avons décidé de ne pas recommander de fréquence précise. Je pense qu'il y a des personnes plus qualifiées que nous pour en juger.
    Nous souhaitons vivement que la loi prévoie une révision critique obligatoire de la Nouvelle Charte des anciens combattants. C'est la seule façon d'en faire un document vivant.
    Merci infiniment.
    Monsieur MacEachern, beaucoup d'autres témoins nous ont dit que la transition entre le MDN et Anciens Combattants a toujours été un problème et que c'en est toujours un. Il n'y a même pas de travailleurs sociaux chargés d'assurer le suivi entre le MDN et Anciens Combattants, ce qui serait pourtant simple.
    À la lumière de votre expérience, auriez-vous des suggestions pour assurer une transition appropriée, toute en douceur?
    Comme je l'ai déjà mentionné, il pourrait y avoir fusion des deux ministères, le MDN et Anciens Combattants. Je ne connais pas toute l'histoire ni pourquoi cette structure est comme elle est. C'est probablement à cause du grand volume d'anciens combattants qu'il y avait à l'époque, après la Seconde Guerre mondiale ou même la Première Guerre mondiale. Ce serait mon hypothèse. Mais s'il n'y avait qu'un seul et même ministère, l'un relevant simplement de l'autre...
    Soit dit en passant, je dois mentionner que l'une des difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés dans la préparation de ces appels est l'accès à l'information. Un ministère ne permet pas nécessairement à l'autre d'avoir accès à ses données non plus, dans ce cas-ci le MDN; les anciens combattants ne peuvent pas nécessairement avoir accès à toute l'information — rapidement à tout le moins.
    J'aimerais mentionner une chose qui m'est venue à l'esprit à ce sujet. Je suis certain que tout le monde a vu dans les nouvelles, hier, ce qui s'est passé aux États-Unis, à Fort Hood. Ce ne sera probablement pas une surprise quand on va apprendre que c'est l'oeuvre d'un soldat agissant sous la contrainte ou en état de SPT.
    J'espère que nous ne commencerons pas à vivre la même chose ici, mais si les nombres augmentent, maintenant que nous sommes sortis de la zone de conflit... Je tenais simplement à souligner cet incident malheureux et à porter à votre attention que ce genre de chose peut arriver.
    Merci, monsieur Chapman et madame Jarratt.
    Vous avez parlé de l'accès pour les épouses de guerre aux services d'Anciens Combattants. Je suppose que d'après votre expérience, elles y ont presque toutes accès. Je pense que le processus était beaucoup plus simple à l'époque.
    Oui, c'était assez simple. Il y avait très peu de complications. Je suis certaine qu'il y en avait qui n'étaient pas d'accord avec ce qui arrivait après la mort de leur mari, par exemple, pour ce qui est des pensions, mais j'ai l'impression qu'elles vivaient toutes à peu près la même expérience en général.
    Je pense que Don aimerait dire quelque chose à ce sujet.
    J'aimerais mentionner une chose, parce que j'ai étudié en finances.
    Monsieur MacEachern, vous avez tout à fait raison. Ce n'est pas un jeu à somme nulle. Si l'on ne dépense pas l'argent nécessaire pour aider ces soldats comme il se doit, il va nous en coûter très cher un moment donné, et l'on ne peut pas exclure la possibilité d'un incident comme celui de Fort Hood.
    C'est tout.

  (1830)  

    Nous en discutions justement hier, nous parlions du paiement d'un montant forfaitaire par rapport à la pension dont Don nous a parlé.
    Vous voulez peut-être nous dire de quoi il s'agit, Don.
    Mon beau-père d'adoption est un ancien prisonnier de guerre japonais. Si en 1946, nous lui avions donné l'équivalent de 350 000 $, cela aurait représenté environ 22 000 $ pour vivre les 50 années suivantes. Essayez de vivre à Vancouver avec 22 000 $.
    Ce qui est très intéressant, aussi, c'est qu'il n'en parlait pas beaucoup, mais que juste avant de mourir, il a mentionné qu'il avait fait des cauchemars pendant toutes les années 1990. C'était 50 ans plus tard.
    Très bien, c'est tout le temps que vous aviez, je suis désolé. Tout le monde a eu six minutes.
    J'aimerais saisir l'occasion de remercier tous nos témoins d'aujourd'hui pour l'information et les observations de qualité qu'ils nous ont présentées. Comme vous pouvez l'imaginer, il y a des choses que nous avions déjà entendues, ce qui est positif. Chose certaine, nous vous remercions d'avoir pris le temps de vous présenter ici, et nous vous assurons que nous prenons vos témoignages très au sérieux.
    J'aimerais mentionner aux membres du comité que nous allons tenir une courte séance administrative mardi prochain, après le premier tour, pour régler quelques questions.
    Merci beaucoup. En vous remerciant, je déclare la séance levée.
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