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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 059 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 19 novembre 2012

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Bonjour à tous et soyez les bienvenus à cette 59e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, en ce lundi 19 novembre 2012.
    Notre premier témoin est L'hon. Rob Nicholson, ministre de la Justice. Il est accompagné de M. Donald Piragoff, sous-ministre adjoint principal, Secteur des politiques, ministère de la Justice. M. Glenn Gilmour, de la Section de la politique en matière de droit pénal, est également parmi nous.
    Nous tenons à remercier le ministre de sa présence à la réunion du Comité de la sécurité publique et nationale. C'est un honneur. Nous accueillons souvent le ministre de la Sécurité publique ici, mais nous souhaitons souligner tout particulièrement votre présence aujourd'hui, monsieur. Nous vous remercions de venir nous aider dans l'étude de ce projet de loi et d'être accompagné des fonctionnaires compétents de votre ministère pour faciliter sa compréhension.
    Je crois que vous serez avec nous durant une heure. Vous avez une déclaration préliminaire sur le projet de loi S-7, puis vous répondrez aux questions.
    Soyez le bienvenu. Nous avons hâte d'entendre vos observations.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Vous avez raison de dire que je ne comparais pas souvent devant votre comité. En fait, je ne me rappelle pas l'avoir déjà fait, mais c'est un honneur de le faire aujourd'hui.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler de la Loi sur la lutte contre le terrorisme, le projet de loi S-7. Il vise à modifier le Code criminel afin que le Canada ait les outils nécessaires pour lutter contre le terrorisme et protéger ses citoyens.
    Le projet de loi propose de rétablir les dispositions relatives à l'investigation et à l'engagement assorti de conditions. En outre, il érigera en infraction le fait de quitter ou de tenter de quitter le Canada pour commettre certaines infractions de terrorisme.
    Ces outils ont d'abord été créés dans le cadre de la Loi antiterroriste. L'investigation visait à servir dans le cadre d'une enquête relative à des infractions de terrorisme passées ou futures, tandis que l'engagement assorti de conditions visait à contrecarrer la planification d'une attaque.
    La disposition sur l'investigation permettra aux tribunaux d'obliger une personne qui détient des renseignements concernant une infraction de terrorisme passée ou future à se présenter devant un tribunal et à fournir l'information lors de l'interrogatoire.
    Les dispositions sur l'engagement assorti de conditions enjoindront une personne à contracter un engagement, devant un juge, à respecter des conditions raisonnables imposées par le juge pour empêcher qu'une activité terroriste ne soit entreprise.
    L'investigation et l'engagement assorti de conditions, une fois en vigueur, contiendront de nouvelles mesures de protection en plus de celles qui ont été adoptées initialement en 2001. Permettez-moi d'en nommer quelques-unes.
    D'abord, pour ce qui est de l'investigation, le consentement du procureur général compétent sera requis. Ensuite, la personne tenue de se présenter au tribunal aura la possibilité de retenir les services d'un avocat et de lui donner des instructions en tout état de cause.
    Dans tous les cas, des efforts raisonnables devront d'abord être déployés pour obtenir les renseignements par d'autres moyens. Les renseignements fournis par la personne et tout ce qui en découlera ne pourront en général être utilisés contre elle dans le cadre de poursuites criminelles.
    Si une personne est arrêtée en exécution d'un mandat afin qu'elle assiste à l'audience d'investigation, il y aura des limites claires, fixées dans le projet de loi, quant à la période de détention possible.
    Les procureurs généraux fédéral et provinciaux seront tenus de présenter un rapport annuel sur le recours à la disposition relative à l'investigation, et les rapports annuels du procureur général du Canada comprendront une exigence additionnelle prévoyant qu'il énoncera son opinion, étayée par des motifs, quant à savoir si la disposition devrait rester en vigueur.
    Je vais maintenant parler de l'engagement assorti de conditions. Encore là, le consentement du procureur général compétent sera requis.
    L'arrestation sans mandat d'une personne ne pourra se faire que dans des circonstances très limitées, comme lorsque le dépôt de renseignements devant un juge est rendu difficilement réalisable en raison de l'urgence de la situation et que les agents de la paix ont des motifs raisonnables de soupçonner que la mise sous garde de la personne est nécessaire afin de l'empêcher de se livrer à une activité terroriste.
    Si la personne est arrêtée sans mandat, l'agent devra déposer une dénonciation devant le juge, généralement dans les 24 heures, ou mettre la personne en liberté, et avant de déposer la dénonciation, l'agent de la paix devra obtenir le consentement du procureur général.
    La personne mise sous garde devra être conduite devant un juge de la cour provinciale dans un délai raisonnable, soit dans les 24 heures de son arrestation, à moins qu'un juge ne soit pas disponible durant cette période, auquel cas la personne devra être conduite devant un juge le plus tôt possible. L'audience devra alors être tenue dans les 48 heures.
    Le ministre de la Sécurité publique et le ministre responsable des services de police de chaque province seront tenus de présenter un rapport annuel sur le pouvoir d'arrestation sans mandat, et les procureurs généraux fédéral et provinciaux seront tenus de présenter un rapport annuel sur le recours aux autres éléments de ce régime.
    Les rapports annuels du procureur général du Canada et du ministre de la Sécurité publique comprendront une exigence additionnelle prévoyant qu'ils énonceront leur opinion, étayée par des motifs, quant à savoir si les dispositions devraient rester en vigueur.

  (1535)  

    De plus, le projet de loi S-7 propose d'ériger en infraction le fait de quitter ou tenter de quitter le Canada, ou de monter ou tenter de monter dans un moyen de transport dans l'intention de quitter le Canada, dans le but de participer ou de contribuer sciemment aux activités d'un groupe terroriste, de renforcer la capacité d'un groupe terroriste d'entreprendre une activité terroriste, de faciliter sciemment une activité terroriste, de commettre un acte criminel pour le compte d'un groupe terroriste, ou de commettre un acte criminel qui constitue une activité terroriste.
    Ces nouvelles infractions visent à renforcer la capacité des forces de l'ordre d'arrêter une personne qui a quitté ou tente de quitter le Canada dans le but de commettre des infractions de terrorisme, et de permettre à la Couronne d'intenter des poursuites contre cette personne.
    Enfin, le projet de loi S-7 donne également suite à l'examen parlementaire de la Loi antiterroriste qui a été réalisé par les comités de la Chambre des communes et du Sénat entre 2004 et 2007, et il propose des modifications à l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada pour s'assurer qu'il est compatible avec la jurisprudence récente dans ce domaine.
    J'aimerais maintenant répondre à certaines critiques qui ont été formulées à l'égard des investigations et de l'engagement assorti de conditions.
    On a dit notamment que ces outils ne sont pas nécessaires parce que jusqu'ici, les dispositions actuelles du Code criminel visant à lutter contre le terrorisme se sont avérées suffisantes.
    Si, dans la vie, nous partions du principe que puisque nous n'avons subi aucun préjudice, nous ne devons pas nécessairement nous préparer à la possibilité de subir un tel préjudice, nous nous retrouverions dans un monde fort différent. Ce n'est pas le monde dans lequel nous vivons. Nous savons qu'il nous faut prendre des mesures pour réduire le risque de préjudice qui peut soudainement surgir et que, par prudence, nous devons prendre des mesures pour empêcher qu'un tel risque se pose. Le fait que nous n'avons encore subi aucun préjudice ou que les modifications proposées n'ont pas été utilisées n'est pas une raison suffisante pour conclure que ces mesures ne sont pas nécessaires.
    Certaines personnes ont affirmé que l'investigation porte atteinte au droit de garder le silence. On a fait valoir expressément cet argument dans le cadre de la contestation constitutionnelle de l'investigation, mais l'argument a été rejeté par la Cour suprême du Canada. La cour a souligné que certains éléments relatifs aux protections contre l'auto-incrimination dans la disposition sur l'investigation débordent même — et je cite — « les exigences de la jurisprudence et confère... une immunité absolue contre l'utilisation de la preuve dérivée, de sorte que la preuve émanant du témoignage livré à l'investigation judiciaire ne peut être produite contre le témoin dans d'autres poursuites ».
    Permettez-moi de vous parler d'une autre critique formulée à l'égard du projet de loi S-7. Le projet de loi propose de créer quatre nouvelles infractions concernant le fait de quitter et de tenter de quitter le Canada pour commettre des infractions de terrorisme à l'extérieur du pays. Certaines personnes ont dit craindre que la création de ces infractions aille à l'encontre des obligations internationales du Canada dans l'éventualité où un jeune — c'est-à-dire une personne de moins de 18 ans — serait accusé de l'une de ces infractions, mais comme vous le savez, il existe une mesure législative qui s'applique expressément aux jeunes accusés de crimes, et il s'agit, bien sûr, de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Le projet de loi S-7 n'y change absolument rien. En fait, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents précise que malgré toute autre loi fédérale, mais sous réserve de la Loi sur les contraventions et de la Loi sur la défense nationale, elle a compétence exclusive pour toute infraction qu'une personne aurait commise au cours de son adolescence.
    La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents reconnaît que le système de justice pour les adolescents doit être distinct de celui pour les adultes et être fondé sur le principe de culpabilité morale moins élevée pour les jeunes. Elle met l'accent sur la réadaptation et la réinsertion sociale, les interventions justes et proportionnelles à l'égard de la délinquance et la prise de mesures opportunes pour les jeunes. Elle contient un certain nombre de garanties juridiques visant à s'assurer que les jeunes sont traités de façon équitable et que leurs droits sont protégés. Elle établit également des principes précis et des options de détermination de la peine.
    Merci beaucoup. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

  (1540)  

    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Nous allons entamer la première série de questions en commençant par Mme Bergen, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens également à vous remercier, monsieur Nicholson, ainsi que vos fonctionnaires, d'être parmi nous.
    Comme l'a dit notre président, c'est la première fois que nous vous accueillons à une séance de notre comité, et nous vous souhaitons la bienvenue. Nous sommes très heureux de pouvoir examiner cet important projet de loi que notre gouvernement appuie et considère comme un outil important pour lutter contre le terrorisme.
    Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur les deux dispositions dont vous avez parlé, qui seront rétablies avec ce projet de loi. Si j'ai bien compris, elles ont cessé d'exister en 2007 et depuis, notre premier ministre et notre gouvernement se sont employés à les rétablir. Pourriez-vous nous expliquer, en termes simples, ce qu'est et n'est pas un « engagement assorti de conditions », sur le plan des droits que les gens conserveraient par rapport aux droits de ceux mis en état d'arrestation? Pourriez-vous nous l'expliquer et nous dire pourquoi c'est un outil important pour les forces de l'ordre dans la lutte contre le terrorisme?
    Les dispositions relatives à « l'engagement assorti de conditions » enjoignent un individu à contracter un engagement, devant un juge, à respecter les conditions raisonnables qui lui sont imposées pour éviter qu'une activité terroriste ne soit entreprise.
    Cela fait partie des mesures préventives, avec les investigations et les nouvelles dispositions concernant l'interception d'une personne qui quitte le pays dans le but de participer ou de collaborer à des activités terroristes. Il s'agit de mesures mises en place pour faire cesser les activités susceptibles de terroriser une collectivité ou un pays. Elles sont instaurées afin d'empêcher la perpétration d'autres actes criminels graves.
    Je crois qu'elles sont importantes. C'est la raison pour laquelle elles ont été incluses dans la mesure législative originale, il y a une dizaine d'années, afin que les forces policières aient les outils nécessaires pour démanteler les activités dont nous avons été témoins dans le monde. J'estime que ce sont des mesures importantes. Je sais que les services de police souhaitent vraiment pouvoir compter sur cette mesure. Les responsables de la lutte contre le terrorisme l'appuient.
    Comme vous l'avez correctement souligné, elles ont pris fin en 2007. La loi prévoyait qu'a moins que le Parlement les renouvelle ou les prolonge... J'étais ministre de la Justice, à l'époque, et j'ai cru que nous pourrions le faire à ce moment-là, mais cela n'a pas été le cas.
    Nous continuons de croire en leur importance, monsieur le président; je suis donc heureux qu'elles aient été adoptées par le Sénat. J'espère sincèrement que nous allons continuer et qu'elles seront complètement adoptées par le Parlement. Elles pourront ainsi faire partie des outils dont disposeront les agents de la paix pour mettre fin aux activités terroristes.

  (1545)  

    Pour que ce soit clair, si les forces de l'ordre soupçonnent un individu de participer à une activité qui contribue d'une certaine façon au terrorisme ou qui compromet la sécurité des Canadiens, elles pourraient demander à un juge d'imposer des conditions à cet individu afin qu'il mette fin à ces actions et, ensuite, avec l'investigation, elles pourraient déterminer s'il y a d'autres actions qui doivent cesser.
    Ces enquêteurs et le juge ont-ils la responsabilité de s'assurer que tous les autres moyens d'enquête ont déjà été utilisés?
    Oui. C’est l’une des questions dont les tribunaux seront saisis, à savoir si la mesure était raisonnable, si d’autres recours et d’autres tentatives avaient été envisagés auparavant.
    Cela ne dépendra pas seulement de l’agent d’enquête, mais aussi, comme je l’ai indiqué, du consentement soit du procureur général provincial, soit du procureur général fédéral. Comme je l’ai signalé dans ma déclaration préliminaire, un certain nombre de mesures de protection ont été mises en place, et elles s’ajoutent à celles qui existaient il y a 10 ans, lorsque la mesure législative a été présentée au Parlement.
    Je pense que ces mesures sont raisonnables parce qu’en fin de compte, nous avons tous intérêt à prévenir et à démanteler les activités terroristes éventuelles. C’est l’univers dans lequel nous vivons, et nous le comprenons. Des outils doivent être disponibles. Toutefois, comme je l’ai mentionné, nous sommes tenus d’examiner ces actes d’une manière raisonnable; ce processus sera contrôlé par le tribunal, et il requerra le consentement du procureur général.
    Comme je l’ai indiqué également, ces mesures ne seront pas prises entièrement en vase clos, en ce sens qu’elles ne feront l’objet d’aucun contrôle. Non, ce ne sera pas le cas. Chaque année, le procureur général établira des rapports et procédera à des évaluations. Le Parlement pourra vérifier régulièrement ce qui se passe. Quant au public, il saura si ces mesures ont été employées et à quel moment elles l’ont été, et il pourra juger de leur utilité.
    Encore une fois, je pense qu’il est important de disposer de ces outils.
    Il vous reste une minute et demie.
    Monsieur le ministre, en ce qui concerne les mesures de protection qui ont été instaurées, pouvez-vous nous fournir quelques détails supplémentaires à leur sujet et, notamment, nous parler des droits dont la personne bénéficiera et du rôle que non seulement le personnel d’application de la loi, mais aussi le juge jouera en vue de garantir que les mesures de protection sont respectées et que la sécurité des Canadiens est assurée du même coup?
    Je pense que la question que vous soulevez est importante, tout comme il importe de noter que la personne a le droit d’être représentée par un avocat tout au long du processus. Selon moi, cet aspect revêt une grande importance.
    De plus, comme je l’ai indiqué, les déclarations faites par la personne ne pourront pas être utilisées contre elle au cours de poursuites pénales ultérieures — ce qu’il est important de signaler, selon moi — sauf, bien entendu, si elle se parjure ou si elle contredit les faits qu’elle a mentionnés antérieurement. Ce sont les deux exceptions à la règle, sinon ses déclarations ne seront pas utilisées contre elle dans le cadre d’autres procédures criminelles. Voilà en quoi consiste la règle générale. De plus, la personne a droit à un avocat.
    À mon avis, ces deux arguments sont importants.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, madame Bergen.
    Nous allons passer à M. Garrison, qui dispose de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le ministre et les représentants officiels du ministère d’être venus aujourd’hui.
    Manifestement, quel que soit le côté de la Chambre où nous nous assoyons, nous nous soucions tous de prévenir le terrorisme. Toutefois, la présentation de cette mesure législative et de plusieurs autres nous préoccupe parce que le gouvernement semble compter sur d’autres mesures législatives, dont certaines ont clairement des répercussions à tout le moins sur les droits fondamentaux de la personne. En même temps, le gouvernement a réduit les fonds qu’il dépense dans les services de première ligne de l’application de la loi et de l’Agence des services frontaliers du Canada, lesquels pourraient contribuer grandement à prévenir le terrorisme. Le contexte dans lequel je vais poser mes questions est le suivant: il faut maintenir un équilibre entre les mesures que nous prenons pour prévenir le terrorisme et la protection des droits fondamentaux de la personne au Canada.
    Vous avez commencé par parler des raisons pour lesquelles les audiences d’investigation et les engagements assortis de conditions sont nécessaires, étant donné que ces mesures n’ont jamais été employées depuis qu’elles ont été instaurées. Quelles sont les consultations que vous avez menées jusqu’à maintenant qui vous portent à croire que ces mesures devraient être présentées de nouveau? En d’autres termes, qui demande cela? Est-ce le personnel d’application de la loi, les organismes communautaires ou le SCRS? Pourquoi présentez-vous de nouveau ces mesures au Parlement alors qu’on n’a jamais fait appel à elles auparavant?

  (1550)  

    Ces mesures ont été adoptées afin de répondre aux problèmes que la planète a dû affronter au début des années 2000. Comme vous le savez, elles ont été examinées et, en 2007, un certain nombre de personnes se sont manifestées. Vous devriez peut-être examiner ce document. À l’époque, le gouvernement a proposé que nous continuions. Nous avons étudié les mesures nous-mêmes, et nous avons organisé des discussions à leur sujet, comme je le fais toujours lorsque je parcours le pays. Je rencontre toujours des représentants d’organismes d’application de la loi, des procureurs généraux et des gens préoccupés par le terrorisme ou la criminalité au Canada.
    Nous nous sommes employés à établir cet équilibre que vous avez évoqué dans la question que vous m’avez posée. Vous constaterez que les mesures de protection sont présentes partout. Pour être honnête, cette disposition est assortie d’un plus grand nombre de mesures de protection que les dispositions ordinaires du droit pénal. Vous pouvez être accusé en vertu du Code criminel sans qu’il soit nécessaire d’obtenir le consentement du procureur général fédéral, du procureur général provincial ou de leurs agents. Dans le cas qui nous occupe, il faut obtenir ce consentement. Par conséquent, la disposition bénéficie d’une mesure de protection supplémentaire, par rapport à ce qui pourrait être envisagé normalement.
    Donc, avons-nous trouvé un juste équilibre? Oui, je le crois, et je pense que votre enquête le confirmera. Je vous ai signalé une demi-douzaine de facteurs à cet égard et, lorsque vous jetterez un coup d’oeil à la mesure législative, je pense que vous parviendrez à la même conclusion que mes collègues et moi, à savoir que celle-ci est très raisonnable et qu’il est bon de disposer de ces outils.
    Le fait qu’ils ne soient pas nécessaires ne me convainc pas qu’ils sont inutiles. Si nous étions victimes d’une attaque terroriste qui aurait pu être évitée si des outils comme ceux-ci avaient été disponibles, nous ferions l’objet de critiques, comme vous pouvez l’imaginer, et nous aurions à affronter l’horreur du public canadien qui soutiendrait que toutes les mesures requises doivent être prises pour prévenir de tels actes.
    Les changements qui peuvent être apportés à nos lois pour prévenir des tragédies et des crimes suscitent énormément mon intérêt. Vous avez peut-être examiné les dispositions qui visent à protéger les enfants. Les deux nouvelles infractions que nous avons ajoutées au code sont conçues pour mettre un terme à tout genre d’activités qui peut précéder une atteinte à la pudeur d’un enfant, comme deux adultes qui complotent ensemble des activités en ce sens ou une personne qui remet à un enfant des productions explicites du point de vue sexuel. Encore une fois, certaines personnes nous demandent pourquoi cela est nécessaire. Eh bien, nous souhaitons interrompre l’activité avant que l’enfant soit molesté. Les dispositions qui nous occupent sont dans la même veine. Nous voulons disposer des outils dont nous avons besoin pour arrêter toute activité terroriste éventuelle avant qu’elle ne survienne et pour enquêter sur celle-ci.
    Encore une fois, j’estime que ces mesures sont très raisonnables. Elles l’étaient il y a 10 ans lorsqu’elles avaient été présentées par le gouvernement de l’époque et, comme vous le savez peut-être, monsieur le président, c’est la quatrième fois que nous tentons de les présenter. Je pense qu’il est important que nous disposions de ces outils et, en ce qui concerne l’équilibre que vous avez mentionné, j’ai souligné une demi-douzaine de facteurs à cet égard au cours de ma déclaration préliminaire. Je crois que votre étude le confirmera.
    Par conséquent, si je comprends bien, les consultations auront lieu pendant nos audiences. Nous nous réjouissons à la perspective d’entendre ce que les témoins ont à dire.
    En 2006, le sous-comité de la Chambre des communes chargé de l’examen de la Loi antiterroriste a laissé entendre que ces audiences d’investigation ne devraient être tenues que lorsque le risque qu’un acte terroriste soit commis est imminent. Je pense que c’est la 4e recommandation qu’ils ont formulée en 2006. Vous parlez de prévenir des attaques terroristes à venir et, pourtant, la mesure législative a toujours un effet rétroactif. Pourquoi ne pas suivre la recommandation du comité et limiter l’application des audiences d’investigation à des actes futurs?
    Comme M. Piragoff me l’a signalé, pour prévenir des actes à venir, il est important de disposer des outils dont on a besoin pour être en mesure d’enquêter sur les activités menées par le passé. Je ne souscris pas à la théorie selon laquelle une personne ne participera plus à des activités terroristes dans les années à venir, simplement parce qu’elle y a pris part dans le passé. Je ne crois pas cela. Oui, vous pouvez être appelé à comparaître à des audiences d’investigation afin de parler de ce que vous avez fait dans le passé pour favoriser des activités terroristes ou pour y participer. Il me semble que cela fait partie de ce que nous tâchons de faire, à savoir éliminer toute activité terroriste éventuelle. Selon moi, c’est la seule mesure raisonnable à prendre.

  (1555)  

    Il vous reste 30 secondes.
    Peut-être vais-je vous poser une question très brève et plus précise.
    Vous avez dit que, pour protéger les gens contre l’auto-incrimination, aucun des renseignements communiqués au cours des audiences d’investigation ne pouvait être utilisé dans le cadre de procédures criminelles.
    En effet, c’est une règle générale.
    Confirmez-vous alors que ces renseignements peuvent être utilisés dans le cadre d’instances en immigration, de procédures relatives à la citoyenneté, ou d’instances judiciaires qui ne sont pas d’ordre pénal?
    La Cour suprême du Canada a déjà établi que la protection contre l’auto-incrimination s’appliquait également aux mesures d’immigration et d’extradition. J’espère que cela répond à votre question.
    Merci.
    Nous allons retourner à Mme Findlay.
    Soyez la bienvenue à la séance du comité.
    Bonjour, monsieur le ministre, bonjour, chers représentants officiels. Je vous remercie d’être venus aujourd’hui nous parler de cette importante mesure législative.
    J’ai remarqué dans un reportage diffusé aujourd’hui que le premier ministre a formulé quelques observations au cours d’un événement public. Il parlait de la frontière qui sépare les États-Unis du Canada, et il a mentionné que nos besoins en matière de sécurité et les dangers qui menacent nos sécurités respectives sont les mêmes. Voilà le monde dans lequel nous évoluons aujourd’hui.
    Je ne perds pas de vue le fait que vous avez indiqué que cette mesure protégeait davantage les gens et qu’elle constituait une approche équilibrée. Je sais que nous avons en fait augmenté de 26 p. 100 le nombre d’agents des services frontaliers de première ligne. Et ce n’est qu’une facette de ce que nous nous efforçons de faire pour assurer la sécurité des Canadiens.
    Je suis une députée de la Colombie-Britannique et, bien entendu, l’affaire Air India a attiré beaucoup l’attention là-bas. En juin 2004, la Cour suprême du Canada a été consultée à l’égard de cette affaire, et elle a confirmé la constitutionnalité des audiences d’investigation. Le fait que la Cour suprême du Canada les a jugé constitutionnelles vous rassure-t-il un peu quant à la validité de la mesure législative?
    Vous avez soulevé quelques questions, madame Findlay. En ce qui concerne la sécurité frontalière — et comme vous le savez, je viens d’une collectivité qui compte quatre ponts enjambant la rivière Niagara —, je suis parfaitement conscient, comme je l’ai été toute ma vie, des enjeux qui existent entre le Canada et les États-Unis et de la nécessité que les deux pays collaborent.
    Le fait qu’en 2004, la Cour suprême du Canada a confirmé la constitutionnalité des dispositions relatives aux audiences d’investigation qui existaient à l’époque me rassure un peu. Je suis certain que toutes ces dispositions sont constitutionnelles. C’est une décision que nous prenons chaque fois que nous déposons une mesure législative. Et vous avez tout à fait raison; lorsque je fais face à des gens qui peuvent soutenir que, d’une manière ou d’une autre, ces outils qui visent à prévenir ou à contrôler les activités terroristes sont un peu abusifs, je suis rassuré de savoir que la principale cour du pays a examiné ces audiences d’investigation et les a jugées constitutionnelles. Encore une fois, cela cadre avec le message que nous avons constamment communiqué au sujet de ces dispositions, à savoir qu’elles sont nécessaires, qu’il est important de les avoir à notre disposition et qu’elles constituent des outils supplémentaires pour lutter contre le terrorisme au Canada. Cette lutte ne touche pas seulement le Canada, mais le monde entier. Il est important que ces dispositions existent et, oui, je pense qu’elles survivront à une contestation constitutionnelle. Comme je l’ai déclaré, en 2004, une part importante de ces dispositions a déjà satisfait aux critères constitutionnels.
    En 2004, une affaire connexe appelée « Vancouver Sun (Re) » a également été portée devant la Cour suprême du Canada. Dans cette affaire, la cour a jugé qu’il existait une présomption selon laquelle les audiences d’investigation doivent être publiques. Cela cadre, bien entendu, avec la plupart de nos procédures judiciaires.
    Toutefois, je crois que ce projet de loi prévoit que le juge aura le pouvoir discrétionnaire d’ordonner qu’une audience de ce genre soit entendue à huis clos — par exemple, si la sécurité d’une personne qui se présente pour témoigner risque d’être menacée ou quelle que soit la situation. Peut-on dire sans risquer de se tromper que, selon la présomption, ces audiences seront publiques, mais que le juge a la possibilité d’en décider autrement?

  (1600)  

    Oui. En 2004, la Cour suprême du Canada a également entendu une affaire connexe. Comme vous l’avez mentionné correctement, elle a jugé qu’il existait une présomption selon laquelle les audiences d’investigation doivent se tenir en public.
    Cela étant dit, comme cela se produit parfois dans le contexte d’autres aspects de notre droit pénal, qui rendent nécessaire et raisonnable… Vous avez cité l’exemple d’un témoin dont la sécurité doit être protégée; les tribunaux prennent ces circonstances en considération.
    La présomption de publicité des audiences fait partie de nos lois depuis des centaines d’années. Le projet de loi respecte cette présomption, tout comme l’ensemble de nos mesures législatives. Cela étant dit, nous sommes chargés de protéger les gens qui se présentent devant nos tribunaux et, par conséquent, ce pouvoir supplémentaire est accordé aux juges.
    Le Comité sénatorial spécial sur l’antiterrorisme a examiné le projet de loi avant qu’il nous soit renvoyé. Je sais que ses membres ont apporté quelques modifications au projet de loi S-7 que je qualifierais de mineures. L’une d’elles a trait aux engagements assortis de conditions. Ils ont modifié ce pouvoir en permettant que les conditions imposées dans le cadre de ces engagements puissent être remaniées non seulement par le juge qui les a imposées initialement, mais aussi par un juge relevant d’un tribunal de même niveau.
    Que pensez-vous de cette distinction, et pourquoi est-elle importante?
    Je pense que vous faites valoir un excellent argument, et je vous sais gré de l’avoir avancé. C’est là un amendement ou une modification que nous avons accepté.
    Votre pratique du droit, madame Findlay, vous a appris qu’il n’est pas toujours possible de comparaître devant le même juge qui a rendu la décision. Par conséquent, nous devons disposer d’un autre mécanisme qui nous permet de faire réexaminer les conditions. Je pense que cette modification n’est que juste et raisonnable.
    Lorsque cet amendement a été proposé par le Sénat, c’est avec plaisir que je l’ai accepté. Selon moi, il est raisonnable. Certains problèmes peuvent survenir. Le juge en question peut ne pas être libre. Il peut être impossible de le localiser.
    Je pense que cela ajoute au caractère raisonnable de la mesure législative, et je vous suis reconnaissant d’avoir soulevé la question.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Scarpaleggia, qui dispose de sept minutes.
    Soyez le bienvenu, monsieur le ministre.
    Vous avez indiqué que, même si les dispositions liées aux audiences d’investigation et aux engagements assortis de conditions n’avaient jamais été invoquées, cela ne prouvait pas vraiment qu’elles n’étaient pas requises. C’est l’ancien argument du coussin gonflable dont vous n’aurez peut-être jamais besoin, mais dont vous appréciez la présence dans votre automobile.
    Vous parlez de la nécessité de ces dispositions en termes plutôt absolus — vous dites que nous en avons besoin, même si nous ne les utilisons pas, et qu’elles seront requises à l’avenir.
    Si nous en avons absolument besoin, pourquoi nous faut-il limiter leur application?
    Je le répète, ce sont des pouvoirs additionnels qui sont confiés aux tribunaux et qui sont reliés directement à la menace terroriste à laquelle nous devons faire face.
    En fait, c'est la raison qui a été invoquée il y a 10 ans lorsque le gouvernement de l'époque a entériné ces mesures, c'est-à-dire que ces pouvoirs spéciaux sont nécessaires pour affronter les menaces qui planent sur la planète.
    À l'époque, ces pouvoirs étaient assortis d'une disposition de caducité après cinq ans. Je n'y vois pas d'inconvénient, si vous voulez proposer un amendement pour supprimer...
    M. Francis Scarpaleggia: Non...
    L'hon. Rob Nicholson: Je voulais simplement clarifier les choses, monsieur Scarpaleggia, mais je crois que cette disposition de caducité après cinq ans est une mesure raisonnable.
    Et ce n'est pas tout. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, à titre de procureur général du Canada, je déposerai un rapport annuel sur le sujet, et le ministre de la Sécurité publique déposera aussi un rapport annuel sur les dispositions qui relèvent de sa compétence.
    Je crois que cela est juste et approprié. Toutefois, si dans cinq ans vous êtes absolument convaincu que ces mesures sont toujours nécessaires, vous pourriez présenter un projet de loi d'initiative parlementaire pour abolir la disposition de caducité après cinq ans. Nous examinerons certainement la question attentivement.
    C'est exactement ce que je dis. Vous n'êtes pas absolument certain de leur utilité à long terme.
    Je crois qu'elles sont nécessaires. Tout comme on revoit continuellement les mesures législatives devant le Parlement pour veiller à ce qu'elles protègent bien les victimes et les Canadiens respectueux de la loi, c'est un processus continu. J'espère que la guerre au terrorisme est terminée et que nous n'aurons plus jamais à affronter de tel acte, mais encore une fois, je crois que ces outils sont nécessaires.

  (1605)  

    Si je ne me trompe pas, le gouvernement libéral de Paul Martin a présenté en 2005 le projet de loi C-81.
    Est-il juste de dire qu'un projet de loi a été déposé dans le but de mettre sur pied un comité parlementaire qui serait chargé, en quelque sorte, des questions touchant la sécurité nationale...?
    J'ai siégé à ce comité. Je ne me souviens pas très bien. Y avait-il vraiment eu un projet de loi?
    Eh bien, il me semble avoir lu quelque part qu'il y avait eu le projet de loi C-81, mais je m'en remets à vous, monsieur le président, car vous avez plus d'expérience que moi au sein du comité.
    Que pensez-vous de l'idée? Les députés sauraient, par exemple, quel est le niveau de menace à la sécurité. J'ai siégé à ce comité pendant plus de un an, et si je me souviens bien, nous n'avons jamais tenu une réunion à huis clos sur un sujet quelconque, moins encore sur les questions touchant la sécurité nationale.
    Pensez-vous que ce serait une mesure de contrepoids utile que les députés puissent, en fait, examiner à huis clos le niveau réel de menace à la sécurité, en d'autres mots, qu'ils aient accès à la même information que vous lorsque vous proposez une mesure de ce genre afin que nous puissions juger, nous aussi, de la pertinence absolue de ces dispositions?
    Seriez-vous en faveur de cette idée?
    Eh bien, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur ce qu'a fait ou n'a pas fait le gouvernement qui nous a précédés en 2005. En ce qui a trait au comité dont vous parlez, il serait sans doute préférable que vous soumettiez la question à M. Toews.
    Cela étant dit, les dispositions prévoient, comme vous y avez fait allusion, que le Parlement examine ces mesures. Je ne vous demande pas de les examiner aux six mois, mais on précise que cela doit être fait dans un délai de cinq ans.
    Les comités contrôlent, encore une fois, leur ordre du jour, à savoir les sujets dont ils veulent discuter ou les questions qu'ils veulent examiner. Je laisse donc cela entre vos mains et celles du comité, monsieur Scarpaleggia.
    J'aimerais passer à la question suivante.
    Y a-t-il une limite de temps pour l'interrogatoire forcé, ou peut-il se prolonger indéfiniment? Quelle est la durée d'un interrogatoire dans le cadre d'une investigation, et qui est autorisé à poser des questions — le juge, le procureur de la Couronne, l'agent de police, l'agent du SCRS, l'avocat de la personne interrogée?
    Comme on peut s'y attendre, ce sont les procureurs de la Couronne qui poseront les questions. En ce qui a trait à la durée de l'interrogatoire, c'est un peu semblable aux autres audiences devant la Cour: ce peut être très court ou s'étirer pendant un certain temps.
    Encore une fois, l'investigation est assujettie à un mécanisme de surveillance judiciaire complet. Elle doit se dérouler de façon juste et raisonnable. La personne a droit à un avocat tout au long des procédures, d'avoir un avocat à ses côtés, alors...
    Comment ferez-vous pour savoir qu'une personne quitte le pays dans le dessein de commettre un acte terroriste? S'agit-il plus ou moins d'une constatation après les faits, c'est-à-dire que vous serez en mesure, une fois que la personne aura été arrêtée à l'étranger, de confirmer qu'elle a quitté le Canada dans ce but? Comment appliquera-t-on cette partie de la loi, concrètement?
    Je présume que cela se passera comme pour toute autre infraction au Code criminel, c'est-à-dire que l'information sera acheminée aux enquêteurs. Des parents pourraient avertir les autorités, par exemple, que leurs enfants s'apprêtent à monter à bord d'un avion pour aller rejoindre un groupe terroriste à l'étranger. L'information pourrait provenir des parents, mais les agents d'application de la loi feront enquête, comme c'est le cas pour toute infraction criminelle, et une décision sera prise à ce moment.
    Merci.
    Nous revenons à Mme Doré Lefebvre.

[Français]

    Vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais aussi remercier M. le ministre d'être avec nous aujourd'hui. Les commentaires sont extrêmement intéressants.
    Le projet de loi avait été étudié par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne auparavant, mais il est intéressant qu'il soit étudié aussi par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale, et d'entendre vos commentaires.
    J'aimerais m'attarder un peu sur l'interdiction de quitter ou de tenter de quitter le Canada pour commettre des infractions de terrorisme. Comme vous l'avez mentionné lors de votre allocution d'ouverture, les articles 6 à 8 du projet de loi S-7 ajouteraient quatre nouvelles infractions au Code criminel. Il serait désormais interdit de quitter ou de tenter de quitter le Canada dans le but de participer à une activité d'un groupe terroriste, de faciliter une activité terroriste, de perpétrer une infraction au profit d'un groupe terroriste ou de perpétrer une infraction constituant une activité terroriste.
    Étant donné que ceux qui quittent le Canada n'ont actuellement pas à passer une entrevue, comment les responsables de l'application de la loi pourront-ils déterminer si une personne quitte ou essaie de quitter le Canada dans le but de commettre des actes terroristes?

  (1610)  

[Traduction]

    Encore une fois, tout dépendra des circonstances et des faits liés à chaque cas. J'ai donné un exemple à M. Scarpaleggia. Des parents pourraient avertir un agent d'application de la loi que leur fils ou leur fille s'apprête à monter à bord d'un avion pour aller participer à un acte terroriste ou joindre un groupe terroriste à l'étranger. Les agents d'application de la loi pourraient être informés de différentes façons. Ils déploient des efforts constants pour protéger les Canadiens, et on pourrait donc les informer de mille et une façons du fait qu'une personne s'apprête à quitter le pays pour participer à une activité terroriste ou aider à l'organiser. L'infraction a un sens large et s'applique au type d'activité.
    Qui plus est, on envoie le message qu'ici, au Canada, les activités de ce genre ne sont pas tolérées. Il est inacceptable que quelqu'un quitte le pays dans le dessein d'aller commettre un geste terroriste quelque part dans le monde. C'est un instrument qui nous permet, bien sûr, d'intercepter quelqu'un, mais il nous permet également d'envoyer le message — le bon message, à mon avis — qu'il est inacceptable aux yeux des Canadiens de quitter le pays dans le but d'aller commettre un acte terroriste ou criminel.
    Je répète encore une fois que c'est une mesure législative dont le Canada peut et doit se doter.

[Français]

    Au début de votre réponse, vous avez mentionné que des parents pourraient dire que leurs enfants iront rejoindre un groupe terroriste, par exemple. Cela pourrait-il s'appliquer à des mineurs? En effet, vous avez mentionné aussi, lors de votre allocution d'ouverture, qu'il y avait des lois particulières pour les mineurs. Vous dites que des parents pourraient dire que leur enfant s'en va ailleurs. Est-ce que ce serait relié aux mineurs ou pas?

[Traduction]

    Tout à fait. Comme c'est le cas pour toute infraction au Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents prime, et le projet de loi ne vient en aucune façon lui faire ombrage. Vous vous souviendrez que dans mon exposé, j'ai énoncé quelques éléments de notre philosophie concernant la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et le fait qu'elle mise sur la réadaptation des jeunes délinquants et leur réinsertion dans la collectivité. Ce projet de loi ne vient aucunement porter atteinte aux pouvoirs prévus dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. C'est pourquoi j'en ai parlé dans mon exposé, monsieur le président. Je voulais que ce point soit très clair pour qu'il n'y ait pas de malentendu: toutes les dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, sans exception, continueront de s'appliquer.

[Français]

    Je vous remercie.
    Le gouvernement a-t-il l'intention de créer un système de contrôle des sorties pour toutes les personnes qui quittent le Canada? Cela ne conviendrait-il pas aux libertés civiles?

[Traduction]

    Non, le gouvernement n'a pas l'intention de mettre en place un tel système.
    Le président: Soyez brève, madame Lefebvre.

[Français]

    C'est bien.
    Le paragraphe 6(1) de la Charte canadienne des droits et libertés garantit à tous les Canadiens le droit d'entrer au Canada ou d'en sortir. Est-il possible que les nouvelles infractions ajoutées au Code criminel violent la Charte? Pouvez-vous nous donner plus de détails?

[Traduction]

    Tout droit est assujetti à des limites raisonnables. Encore une fois, s'il s'avérait que quelqu'un s'apprête à quitter le pays pour participer à un acte terroriste, je crois que la plupart des Canadiens conviendraient que cette mesure est raisonnable, et je suis tout à fait convaincu qu'elle respecte également la Constitution de notre pays.
    Merci, monsieur le ministre.
    Merci, madame Lefebvre.
    Monsieur Hawn, c'est à votre tour. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur le ministre, et merci aussi à vos collaborateurs d'être ici aujourd'hui.
    Certains sont d'avis que cette mesure est inutile parce qu'elle n'a jamais été utilisée — et l'analogie de M. Scarpaleggia au sujet du coussin gonflable était très pertinente, selon moi — ou encore qu'elle s'applique aux États-Unis, que le Canada n'est pas menacé, que les événements du 11 septembre ne se sont pas produits ici. Eh bien, il y a 24 familles canadiennes qui pourraient bien être en désaccord avec cela.
    Parlons des certitudes. À mes yeux, il ne fait aucun doute que la menace terroriste plane toujours à l'heure actuelle. Je porte plusieurs chapeaux, dont celui de coprésident canadien de la Commission permanente canado-américaine de défense, et nous examinons notamment la question des infrastructures essentielles. Le Canada et les États-Unis ont, essentiellement, un seul et même réseau d'infrastructures, qu'il s'agisse de pipelines, d'énergie, de télécommunications, d'information, d'Internet, etc. Un individu pourrait s'en prendre aux États-Unis en s'en prenant au Canada, très facilement. Donc, si nous n'adoptons pas ces mesures de protection et restons vulnérables, ne présentons-nous pas en fait une menace pour les États-Unis, car un individu pourrait cibler les infrastructures au Canada pour s'en prendre indirectement aux États-Unis?

  (1615)  

    Il est difficile d'imaginer une menace terroriste aux États-Unis qui serait sans danger pour le Canada. Je rencontre régulièrement les procureurs généraux de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie, de la Grande-Bretagne, des États-Unis et au Canada. Nous avons bien des intérêts en commun quand il s'agit de questions touchant le droit et le système de justice dans notre pays. Il est donc logique pour nous de nous réunir, car nous avons des préoccupations communes.
    Comme l'ont mentionné mes collègues à la table, nous discutons avec les États-Unis des enjeux à la frontière. C'est important en raison de la taille de notre frontière et pour toutes les raisons importantes que vous avez mentionnées dans votre commentaire.
    Oui, nous avons tous intérêt à collaborer avec nos alliés et à nous entraider, car on constate très souvent que de nos jours, la criminalité n'a pas de frontière. Les crimes commis dans un pays ont des répercussions sur des gens ailleurs dans le monde. Il n'y a sans doute pas de meilleur exemple que les États-Unis à cet égard. Comme vous l'avez souligné, les terribles attaques du 11 septembre aux États-Unis ont affecté les Canadiens de bien des façons. Il y a eu bien sûr les pertes de vie, mais il y a eu aussi de nombreuses répercussions qui continuent de se faire sentir encore aujourd'hui.
    C'est pourquoi nous nous devons de mettre continuellement nos lois à jour. Dans votre examen de la question, vous pourriez jeter un coup d'oeil à l'Australie et à la Grande-Bretagne, car ils ont les mêmes défis que nous à relever. Il s'agit encore une fois d'une mesure raisonnable.
    Puis-je vous poser une question à ce sujet? Vous avez parlé de vos discussions avec nos alliés, etc., qui ont bien évidemment lieu sur une base permanente. Pouvez-vous comparer ces mesures à celles qui ont été adoptées dans les pays que vous avez mentionnés? Sont-elles plus sévères, moins sévères ou sensiblement les mêmes?
    Lorsque nous déposons un projet de loi, nous nous en remettons à l'expérience canadienne et à l'analyse des menaces auxquelles le pays doit faire face. Cela étant dit, la Grande-Bretagne a procédé à quelques révisions. Elle a introduit des dispositions sur la détention. Ce n'est pas l'objet de nos mesures; nos mesures portent sur l'investigation. Notre but n'est pas d'emprisonner les gens que nous voulons interroger. Ce n'est absolument pas notre intention. Je ne veux pas dire que c'est ce que d'autres visent, mais si on examine la teneur de diverses lois... Celle de la Grande-Bretagne, par exemple, prévoit qu'une personne peut être détenue pendant 14 jours, je crois. C'est ce que prévoit la nouvelle mouture de la loi. Si je ne m'abuse, c'était 28 jours il n'y a pas si longtemps. Si vous examinez le projet de loi, vous constaterez que la personne se retrouve devant les tribunaux très rapidement. Je le répète, l'investigation ne vise pas à punir une personne, mais bien à obtenir des renseignements qui pourraient permettre de prévenir une attaque terroriste au pays ou à l'étranger.
    Nous pouvons jeter un coup d'oeil à ce que fait l'Australie ou d'autres pays, mais au bout du compte, il faut que nous options pour une solution canadienne, basée sur l'expérience canadienne, sur le droit canadien. C'est notre approche, et ce projet de loi est conforme à cette approche.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Monsieur Rafferty, c'est votre tour. Allez-y.
    Auparavant, pour répondre à la question de M. Scarpaleggia, le projet de loi C-81 a bel et bien été déposé, mais il n'a jamais atteint l'étape de la deuxième lecture. Il n'a donc pas vraiment été examiné.
    Allez-y, monsieur Rafferty.

  (1620)  

    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur le ministre et messieurs, de votre présence.
    Monsieur le ministre, quelle est votre définition d'un acte terroriste?
    Eh bien, nous allons commencer par ce qui s'est passé aux États-Unis le 11 septembre. C'était un acte terroriste. Nous en voyons des exemples partout dans le monde. Il y en a eu à Londres, comme vous le savez. L'écrasement de l'avion d'Air India en est un autre exemple. J'avais été élu député depuis peu à l'époque. Cela s'est passé ici même. Nous en avons donc un exemple d'acte terroriste au Canada.
    Est-ce que des slogans nazis sur une synagogue seraient aussi un exemple d'acte terroriste?
    Désolé, pourriez-vous répéter? Je m'excuse, monsieur Rafferty.
    Je me demande si des cas moins évidents, qui pourraient se situer dans une zone grise, comme des slogans nazis sur une synagogue, par exemple. Si je vous pose cette question, c'est parce que la disposition sur l'engagement permet à un agent de la paix d'arrêter quelqu'un sans mandat, s'il croit que cette personne s'apprête à commettre un acte terroriste.
    Ma première question est la suivante: sur quoi les agents s'appuient-ils pour déterminer qu'il s'agit d'un acte « terroriste » et qu'ils peuvent arrêter une personne sans mandat?
    Deuxièmement, ne craignez-vous pas que cette disposition puisse être utilisée à mauvais escient, en d'autres mots qu'elle serve à un déni de justice dans certains cas ou ruine la réputation de quelqu'un qui est tout à fait innocent des faits qu'on lui reproche?
    Il y a une zone grise, à mon avis. Qui prend la décision?
    Excellente remarque! Vous m'avez demandé comment je définirais ou décrirais une activité terroriste, mais, finalement, ma définition ne servirais à rien; c'est celle du Code criminel qui compte. Tout ceux qui invoquent ces articles ou d'autres articles de lois adoptées dans notre pays sont liés par la définition établie par le Parlement.
    Mais qui contrôle le gardien de la paix qui veut faire une arrestation sans mandat? Est-ce...
    Ce genre de décision se prend régulièrement. Si on croit que quelqu'un est en train de commettre un crime, pas seulement d'après la définition de « terrorisme », mais d'après un article du Code criminel... C'est la raison d'être de la surveillance judiciaire. J'ai mentionné le consentement des procureurs généraux, fédéral et provinciaux, selon les poursuites intentées.
    Les gardiens de la paix sont liés par les dispositions du Code criminel. C'est donc cette définition qui déterminera leur intervention.
    Il y a aussi un article à étudier dans lequel se trouve, je pense, l'expression « le plus tôt possible », ce qui signifie que la détention pourrait durer un certain temps.
    Pas plus de 24 heures et, encore une fois, il faut faire tout son possible. Pas question, comme j'ai dit, pour l'un des exemples, de détenir quelqu'un pendant 14 ou 28 jours. Ce n'est pas le cas au Canada et vous, si vous étiez avocat, vous sauriez que, même en ce qui concerne les enquêtes sur le cautionnement et ce genre de chose, nous faisons comparaître les gens aussi rapidement que possible.
    J'ai une autre question. C'est peut-être la deuxième ou la troisième fois qu'on la pose maintenant.
    Vous avez fait une observation au sujet de parents, par exemple, qui appellent la police pour l'avertir du départ de leur fils ou de leur fille à l'étranger pour commettre un acte de terrorisme. Je reviens encore au gardien de la paix ou à la personne qui prend la décision. Comment saura-t-elle, par exemple, si les parents disent la vérité ou si, plutôt, ils ne veulent pas que leur fille aille épouser un mauvais parti? Y a-t-il une façon de s'assurer que l'information reçue est vraie, avant de détenir un innocent?
    Encore une fois, c'est comme pour toute infraction criminelle: il faut des motifs raisonnables. Il y a notamment...

  (1625)  

    Il faut faire vite, l'avion attend...
    Et on veut faire vite. Pour prévenir un acte terroriste, nous voulons que les agents agissent rapidement, mais nous voulons aussi agir vite pour nous assurer de la juste détention de quelqu'un qui n'est pas innocent.
    C'est pourquoi je suis heureux et convaincu, j'espère que vous le serez aussi, devant toutes les garanties que nous avons mises en place à cet égard, à commencer par le consentement du procureur général. Je suis convaincu que ces garanties, tout comme toutes les enquêtes sur une activité criminelle, doivent être raisonnables dans les circonstances et, par conséquent...
    Monsieur Rafferty, vous avez amplement dépassé votre temps.
    Si vous voulez mon avis, j'ai tout à fait confiance dans le système judiciaire et criminel canadien. Le Canada a ce qu'il y a de mieux.
    Merci, monsieur le ministre.
    Nous revenons à Mme Findlay, qui dispose de cinq minutes, pour conclure en fait.
    Monsieur le ministre, je sais qu'il existe d'autres lois semblables à l'étranger, au Royaume-Uni, par exemple, et en Australie. Je pense qu'au Royaume-Uni la détention peut durer 14 jours. En Australie aussi.
    Est-ce que je vous ai bien compris: comme il est aussi prévu ailleurs dans le Code criminel, quelqu'un, ici, doit comparaître devant le juge dans un délai de 24 heures? Ce délai peut être être prolongé à 48 heures, mais le maximum serait de 72 heures. Est-ce exact?
    C'est tout à fait exact, et je vous remercie, madame Findlay, de l'avoir dit. Je pense que c'est important. Chaque fois que nous modifions le droit criminel de notre pays, on nous rappelle ce qui se fait à l'étranger.
    Je comprends. Chaque pays doit trouver une solution à ce genre de problèmes. Ces questions sont toujours d'actualité dans les pays au système judiciaire semblable au nôtre, et vous avez fait remarquer que, en Grande-Bretagne, par exemple, un individu peut être détenu 14 jours; il n'y a pas si longtemps, c'était 28 jours. Nous ne sommes pas les seuls à changer.
    Cela étant dit, c'est un peu comme les enquêtes sur le cautionnement. Nous tenons à faire comparaître les accusés en justice criminelle. Nous voulons les faire juger. Nous voulons qu'ils puissent protéger leurs droits. Encore une fois, je vous ai fait observer que l'individu a droit à un avocat. Ce n'est que juste et approprié dans notre système judiciaire.
    La comparution doit se faire dans les meilleurs délais. Je pense que c'est juste à tous les points de vue. Nous voulons obtenir l'information, protéger les Canadiens contre le terrorisme, tout en faisant en sorte qu'un processus convenable protège à la fois les droits de l'individu et ceux des Canadiens.
    Notre système diffère en cela de celui de la Grande-Bretagne et de l'Australie, mais c'est néanmoins une réponse suffisante, assortie de garanties considérables. Votre analyse, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, confirmera, je crois, les observations que j'ai formulées: cette mesure peut et devrait faire de nouveau partie des lois de notre pays.
    Elle en a fait partie cinq ans, mais ce n'est pas le gouvernement actuel qui l'a adoptée. J'aurais aimé être au pouvoir au cours des 10 dernières années, mais ça n'a pas été le cas. Nous n'étions pas les auteurs de cette mesure, mais, je pense qu'elle était importante. Tous mes voeux de réussite vous accompagnent, vous et le comité. Cependant, je crois que votre analyse confirmera le caractère très raisonnable de ces mesures qui sont exactement ce dont le pays a besoin et dont il devrait se doter.
    Ai-je raison de comprendre que l'objet des investigations est de perturber l'activité terroriste, actuelle ou éventuelle, dans un but de prévention, mais sans entraîner d'infraction criminelle ni d'audience pénale? Est-ce bien cela?
    Je pense que la question est pertinente. J'oublie qui me l'a posée, M. Scarpaleggia peut-être. L'information obtenue grâce aux investigations, sur l'activité terroriste antérieure, projetée ou, de fait, actuelle, ne pourra pas servir à incriminer l'individu dans des accusations au pénal qui auraient pu ou qui pourraient être portées contre lui. Il est donc protégé contre l'auto-incrimination.
    J'ai dit qu'il y aurait une exception pour le parjure. C'est l'exception que prévoit habituellement la loi, mais, cela étant dit, il est bien évident que ce genre de preuve ne servira pas ultérieurement dans des audiences au pénal. Je pense que c'est également raisonnable.
    Je comprends, mais, aussi, l'engagement assorti de conditions n'est pas en soi une accusation au pénal, n'est-ce pas?

  (1630)  

    Non. C'est comme un engagement de ne pas troubler l'ordre public. La plupart des gens savent de quoi il s'agit. L'individu comparaît, et on fixe les conditions qu'il doit respecter. Cela fait partie de notre système de justice criminelle depuis beaucoup d'années. C'est un outil de plus pour faire cesser par tous les moyens le genre d'activités que nous avons tous en horreur.
    Mme Kerry-Lynne D. Findlay: Merci.
    Merci beaucoup, monsieur le ministre.
    Je vois que notre heure ensemble est écoulée. Nous tenons à vous remercier de votre visite et d'avoir inauguré cette étude. Nous avons bien hâte de la poursuivre.
    Nous allons suspendre la séance un moment, puis nous reprendrons nos travaux au point où nous les avons laissés. Nous allons poursuivre sur le même sujet. Le temps de laisser partir monsieur le ministre, je suspends la séance un moment.
    Reprenons. Nous ne faisons que poursuivre ce qui avait été commencé dans la première heure. Nous ne revenons pas à la première série de questions, mais à la deuxième. C'est là que nous étions.
    Monsieur Rousseau, c'était votre tour de questionner le ministre. Comme vous le constatez, il a dû partir après la première heure, mais deux agents du ministère sont ici pour répondre à vos questions.
    Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis vraiment un partisan des droits et libertés de la personne, entre autres de la liberté de circuler au pays ainsi que du droit d'en sortir et d'y entrer. Comme Canadien, j'ai le droit de sortir du pays et d'y entrer comme bon me semble, et j'aimerais savoir si les nouvelles infractions ajoutées au Code criminel par l'entremise du projet de loi S-7 violent ce droit dont je dispose, comme Canadien, en vertu du paragraphe 6(1) de la Charte.
     Pourriez-vous nous donnez des éclaircissements à ce sujet, s'il vous plaît?

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Piragoff.
    Comme l'a dit monsieur le ministre, tous les droits exposés dans la Charte canadienne des droits et libertés découlent de son article premier, qui garantit les droits et libertés qui y sont énoncés et qui dit qu'ils ne peuvent être restreints que dans des limites raisonnables, dans le cadre d'une société libre et démocratique. Le gouvernement pense qu'il s'agit d'une limite raisonnable au droit des Canadiens de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir, s'ils en sortent pour faciliter un acte terroriste, y participer ou vraiment en commettre un.
    Cela ne se limite pas au terrorisme à l'étranger. Cela englobe aussi l'entraînement à l'étranger, puis le retour au Canada pour menacer la vie et la sécurité des Canadiens, grâce à cet entraînement reçu d'un groupe terroriste.
    Dans le contexte de la sécurité publique, on peut avancer de bons arguments pour montrer que c'est une limite raisonnable pour empêcher un départ à l'étranger motivé par des projets terroristes et non pour des vacances ni des motifs personnels. Nous devrions pouvoir arrêter ce genre de départs.
    Nos lois sur l'immigration empêchent les individus qui ont des projets criminels ou terroristes de venir au pays. Le gouvernement croit qu'on impose aussi une limite raisonnable à ceux qui quittent le pays et qui ont des projets terroristes et même à ceux qui reviennent au pays. C'est une limite raisonnable. C'est une question d'équilibre, comme le ministre l'a dit.

  (1635)  

[Français]

    Le système du registre des armes à feu a été aboli; est-ce que le gouvernement va maintenant créer un registre pour contrôler les entrées et les sorties des citoyens canadiens?

[Traduction]

    Monsieur le président, je pense que le ministre a déjà répondu à cette question. Le gouvernement n'a pas l'intention de se doter d'un système de surveillance. Le ministre a dit que c'était comme pour toute autre infraction criminelle. L'information vient à la connaissance de la police; si, après enquête approfondie, la police a des motifs raisonnables de croire qu'une personne est sur le point de commettre une infraction ou qu'elle en commettra une, elle a le droit de l'arrêter.
    Comme le ministre l'a dit, elle peut avoir été informée par les parents, qui avertissent les autorités qu'un de leurs enfants a l'intention de quitter le pays. Ce pourrait être d'autres personnes de la communauté, au courant de la radicalisation de certains jeunes et de leur projet d'aller s'entraîner à l'étranger ou, pis encore, de se joindre à un groupe terroriste.
    Le ministre a dit que les Canadiens seraient très contrariés contre le gouvernement s'il avouait qu'il avait des soupçons sur ces jeunes, mais qu'il n'avait aucun pouvoir pour les arrêter. Le départ puis la mort de ces jeunes auraient énormément contrarié certaines familles canadiennes.

[Français]

    Il va donc falloir conserver des informations sur les individus qui sortent du pays et y entrent. Les gens nés dans d'autres pays mais qui sont des citoyens canadiens en bonne et due forme ne risquent-ils pas de faire l'objet de profilage racial? Qui déterminera des critères objectifs? Les témoignages d'individus pourront-ils servir de preuve contre d'autres personnes?

[Traduction]

    Eh bien, comme le ministre l'a dit, il n'y a pas de registre. On n'a pas l'intention de conserver un registre des motifs des départs du pays. Quand je passe à la banque, mes motifs pour y aller ne sont consignés dans aucun registre. Même chose quand je vais y faire un dépôt, un retrait ou un braquage. Même chose encore quand je prends l'avion: personne ne sait pourquoi.
    Cependant, si la police découvre, d'une façon ou d'une autre, que mes intentions sont de braquer la banque ou de prendre l'avion pour commettre un acte terroriste, elle a le droit de m'arrêter à la porte de l'établissement ou de l'appareil. C'est ainsi que fonctionne le droit criminel. Nous ne conservons pas de registres des allées et venues dans les banques ou dans les avions, mais si elle peut prouver que tel individu passe à la banque ou prend l'avion pour commettre un crime, la police possède alors le pouvoir de l'arrêter. C'est comme...
    Merci beaucoup, monsieur Piragoff.
    M. Jean Rousseau: C'est tout? J'étais lancé.
    Le président: Ça faisait six minutes.
    Nous allons maintenant à M. Leef, qui dispose de cinq minutes.
    Merci.
    Je vous remercie beaucoup pour cette explication, donnée en termes vraiment simples, qui rappelleront aux Canadiens comment cette disposition s'applique et comment nous allons la mettre en place.
    Peut-être pourriez-vous faire de même pour la disposition concernant l'engagement; je pense qu'elle risque de semer un peu la confusion. Quand un individu se présente devant le tribunal et qu'il négocie un engagement, peut-être pourriez-vous nous renseigner, grâce à votre vaste expérience, sur le genre de conditions qui pourraient s'appliquer.
    Si quelqu'un trempe dans un crime informatique, par exemple, ou dans le terrorisme informatique et se sert de l'ordinateur pour se réseauter avec des tiers, serait-il raisonnable de l'empêcher d'utiliser cette technologie? Expliquez-nous le genre de conditions raisonnables qu'on pourrait lui imposer.
    La nature des conditions dépend essentiellement des circonstances. Les exemples que vous avez donnés portent sur l’utilisation malveillante d’un ordinateur. Le Parlement s’est déjà penché sur l'imposition de conditions à des individus qui utilisent l’ordinateur pour communiquer avec des enfants à des fins de leurre, par exemple. À cet égard, le Parlement a notamment pris des mesures permettant d'imposer des conditions ou une interdiction concernant l’utilisation d’un ordinateur.
    De même, si un individu aide des organisations terroristes en distribuant du matériel ou en agissant sur le Web, entre autres, il serait alors raisonnable de lui en interdire l’accès, ou de lui permettre de l’utiliser sous supervision seulement; ce pourrait être une condition raisonnable. Tout dépend des circonstances. En revanche, si l’activité n’a rien à voir avec les ordinateurs, il ne serait pas raisonnable d’interdire à l’individu de communiquer au moyen d’un ordinateur. C’est donc une question de circonstances.
    Vous m’avez aussi demandé quel est le but de l’engagement assorti de conditions. Comme le ministre l’a dit, l’objectif n’est pas de mettre l’individu sous garde ou en détention préventive. Il s’agit d’un engagement assorti de conditions.
    Le but est de soumettre l’individu à un contrôle judiciaire et de lui imposer des conditions. Ce n’est pas de l’envoyer en détention sous garde prolongée en espérant que ces 14 jours suffiront à réunir les éléments de preuve nécessaires pour porter accusation. Là n’est pas l’objectif. Comme le ministre l’a dit, la disposition sert surtout à interrompre l’activité d’une personne si elle n’a pas encore commis de crime, ou si la preuve ne suffit pas à déposer une accusation contre elle, entre autres. C’est un moyen d’exercer un contrôle judiciaire sur l’individu.
    Naturellement, ce contrôle judiciaire informe par le fait même les complices que les autorités font enquête et savent qu’il se passe quelque chose, ce qui pourrait les dissuader de participer au méfait et de passer à l’acte.

  (1640)  

    Compte tenu du droit à un avocat, les individus peuvent naturellement faire valoir des arguments sur l’engagement et sur les conditions qu’ils estiment trop sévères. Ils peuvent plaider leur cause devant un juge, qui étudiera l’affaire, après quoi la Couronne pourra riposter. La procédure est donc tout à fait transparente.
    Comme le ministre l’a dit, une telle procédure n’est pas sans précédent en droit canadien. Les dispositions sur l’engagement de ne pas troubler l'ordre public sont en vigueur depuis des années et fonctionnent de façon très similaire, c'est-à-dire que l'individu est cité à comparaître devant un tribunal qui doit déterminer s’il convient de lui imposer des conditions pour éviter qu’il ne présente un danger pour d’autres. Lors de l’audition, il a droit à l’assistance d’un avocat. Aussi, des éléments de preuve peuvent être présentés et des arguments adressés sur les conditions raisonnables qui devraient lui être imposées ou non. Le projet de loi reflète donc des dispositions du droit canadien qui existent depuis des années.
    Merci, monsieur Leef.
    C’est maintenant le tour de M. Norlock.
    Vous avez cinq minutes, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Par votre entremise, je remercie les témoins de comparaître aujourd’hui.
    J’aimerais commencer par poser deux ou trois questions, si j’ai le temps. Je vous demanderais d’y apporter des réponses complètes, si possible.
    La première porte sur l’intégration au projet de loi de certaines recommandations adressées en cours d’audience, ainsi que de propositions des comités de la Chambre et du Sénat ayant trait à l’investigation et à l’engagement assorti de conditions. On se souviendra que le Sous-comité sur la revue de la Loi antiterroriste, dont j’étais membre, a formulé certaines recommandations en 2006, je crois, tout comme le Comité spécial sénatorial en février 2007.
    C’est le Comité sénatorial spécial qui a recommandé que l’investigation et l’engagement assorti de conditions soient ajoutés au rapport annuel, et que le ministre de la Justice, ou le procureur général du Canada dans ce cas-ci, soit tenu de donner les motifs pour lesquels il considère que les deux pouvoirs devraient être prorogés. Nous avons intégré ces recommandations au projet de loi S-7.
    Dans son rapport, la Chambre des communes recommandait une prorogation de cinq ans, qui se trouve elle aussi dans le projet de loi S-7. À la suite de la tentative initiale de réactiver les dispositions après leur date d’expiration dans la première version du projet de loi, le Sénat a modifié le texte législatif de façon à ce que les deux pouvoirs fassent obligatoirement l’objet d’un examen parlementaire avant leur expiration. Le Sénat a apporté cet amendement au projet de loi S-7 avant de l’adopter.
    En ce qui concerne l’investigation, vous n’êtes pas sans savoir que les dispositions originales adoptées en 2001 étaient déjà accompagnées de garanties législatives importantes, y compris la disposition très solide d’immunité contre l'utilisation de la preuve et contre l'utilisation de la preuve dérivée, dont le ministre a parlé tout à l’heure.
    De plus, nous avons apporté quelques modifications supplémentaires à la lumière des recommandations du comité de la Chambre, qui a lui aussi déposé un rapport spécial sur ces deux pouvoirs en 2005 ou en 2006, je crois.
    La première portait sur une ancienne exigence voulant que l’investigation serve à obtenir de l’information sur une future infraction de terrorisme. La condition était que des efforts raisonnables devaient avoir été déployés pour obtenir les renseignements par d’autres moyens. Nous avons décidé d’appliquer cette condition non seulement aux futures infractions de terrorisme, mais aussi aux actes terroristes passés. Ainsi, chaque fois que la police veut avoir recours à l’investigation, qu’il s’agisse d’une infraction de terrorisme passée ou à venir, elle devra déployer des efforts raisonnables pour obtenir les renseignements par d’autres moyens.
    Nous avons apporté une autre modification faisant suite à une préoccupation liée à l’investigation soulevée devant le comité de la Chambre des communes qui se penchait justement sur ces deux pouvoirs de la Loi antiterroriste. Par exemple, il est possible d’obtenir un mandat d’arrestation pour une personne sur le point de s’esquiver sans se présenter à l’audience. La question était la suivante: combien de temps la personne sous mandat d’arrestation peut-elle être détenue sous garde?
    Puisque nous voulions que la période de détention soit très claire dans le code, nous avons utilisé la limite qui s’applique à la détention des témoins dans le cadre d’un procès criminel. Nous avons donc intégré à la disposition sur l’investigation l’article 707 du Code criminel, qui régit la détention d’un témoin. Par exemple, si un témoin a reçu signification d'une sommation dans le cadre d’un procès criminel, mais qu’on a la preuve qu’il est sur le point de s’esquiver sans témoigner, on peut l’arrêter au moyen d’un mandat. Par contre, la durée maximale de détention du témoin est de 90 jours; à vrai dire, elle est de 30 jours, mais la période peut être renouvelée jusqu’à concurrence de 90 jours à la suite d’une révision judiciaire. Voilà donc une protection additionnelle.

  (1645)  

    Merci beaucoup, monsieur Gilmour.
    Nous allons revenir à M. Garrison, qui dispose de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie le témoin de rester avec nous afin de répondre à nos questions plus pointues.
    J’aimerais revenir sur l’engagement assorti de conditions. Si je ne m’abuse, le ministre et vous avez tous les deux parlé de la période de 12 mois. J’ai rapidement pris connaissance du projet de loi, et j’aimerais savoir si cet engagement peut être renouvelé. Dans l’affirmative, combien de fois? Peut-il l’être indéfiniment? Je ne trouve rien là-dessus dans le projet de loi.
    Il faudrait alors contracter un nouvel engagement assorti de conditions. La durée maximale d’un engagement est de 12 mois, après quoi il prend fin, à moins bien sûr que les autorités n’en demandent un nouveau. Il doit toutefois s’agir d’une nouvelle demande.
    Si jamais on estimait que la situation n’a pas vraiment changé, il pourrait vraisemblablement y avoir une autre demande et un nouvel engagement assorti de conditions.

  (1650)  

    Oui, si la situation n’avait pas changé. Mais encore ici, tout dépend des faits. Il ne s’agit pas d’un simple processus de renouvellement. Il faudrait alors déposer une toute nouvelle demande.
    Il faudrait donc réclamer une autre comparution où l’individu aurait droit à l’assistance d’un avocat, puis reprendre la procédure du début. Or, rien n’empêche une telle situation de se produire à plusieurs reprises; la période de 12 mois n’est pas la durée maximale qui s’applique à une personne.
    La situation problématique existe toujours si le juge, un deuxième juge ou même un troisième estime que l’imposition de conditions est encore nécessaire pour éviter une activité terroriste. Le seul fait que 11 ou 12 mois se soient écoulés ne signifie pas que, du jour au lendemain, l’individu ne représente plus une menace ou ne devrait plus respecter certaines conditions. Tout dépend des faits. Il est à espérer que la menace se dissipera avec le temps, compte tenu de l’imposition de conditions.
    N’oubliez pas que l’individu visé par l’engagement n’est pas nécessairement celui qui représente la menace ou qui est le principal auteur de l’infraction. Son apport peut se limiter à un appui matériel. Il se pourrait que d’autres choses se produisent pendant cette période, et que la police ait accumulé une preuve suffisante pour mettre le principal malfaiteur en état d’arrestation.
    Il s’agit d’une mesure préventive qui n’est conçue ni pour les poursuites ni pour les enquêtes.
    J’imagine que le problème est le même pour une personne qui refuse de se soumettre aux conditions, et qui est alors passible d’une peine de prison maximale d’un an. Si elle fait l’objet d’une nouvelle demande, elle pourrait demeurer en prison indéfiniment au Canada, et ce, sans même avoir été reconnue coupable de quoi que ce soit.
    C’est ainsi que fonctionne l'engagement de ne pas troubler l'ordre public qui est actuellement en vigueur. Dans ce cas comme dans le cas des dispositions proposées, seule une personne qui refuse de se soumettre aux conditions peut être mise en détention; c’est au juge de trancher. On peut établir un parallèle entre les dispositions du projet de loi et celles qui sont en vigueur sur l’engagement de ne pas troubler l'ordre public. Tout ce que j’essaie de dire, c’est que le concept n’a rien de nouveau.
    Je ne suis pas spécialiste, mais il semble y avoir une différence notable, à savoir que la plupart des engagements de ne pas troubler l'ordre public sont pris volontairement au sein du système judiciaire canadien. Autrement dit, lorsqu’une personne demande un tel engagement, l’autre parti se présente au tribunal et l’accepte généralement volontairement. D’après mon expérience, ces engagements ne résultent pas toujours du non-respect d’une ordonnance, et sont souvent pris volontairement.
    Je ne peux pas commenter la fréquence à laquelle une personne accepte volontairement... Et que signifie le mot « volontairement » si l’autre option est la détention?
    Il reste environ 30 secondes.
    Je reviendrai sur ce qui suit, si j’ai la chance. Certaines communautés minoritaires sont très préoccupées du fait que toutes les discussions entourant le terrorisme en visent un seul type, qui est généralement associé à l’extrémisme ou au fondamentalisme islamique.
    Par exemple, il semble que les membres de la communauté musulmane font souvent l’objet de certificats de sécurité, mais personne d’autre. Comme M. Rousseau l’a indiqué plus tôt, on craint une sorte de profilage racial faisant en sorte que certains groupes de Canadiens soient soumis à plus de pénalités et de restrictions que d’autres en raison d’évènements se déroulant hors de nos frontières.
    Merci, monsieur Garrison. Le témoin n’aura malheureusement pas le temps de répondre, mais pourra glisser un mot là-dessus en réponse à une autre question.
    Monsieur Payne, la parole est à vous.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d’être avec nous.
    L’étude du projet de loi est des plus importantes. J’ai participé récemment à une assemblée publique locale, et le terrorisme faisait bel et bien partie des enjeux.
    J’aimerais faire suite aux commentaires de mon collègue au sujet des investigations.
    Tout d’abord, monsieur Gilmour, vous avez parlé des 90 jours prévus à l’article 707 du Code criminel. Je me demande s’il s’agit d’un délai suffisant pour compléter les audiences et obtenir les résultats escomptés.

  (1655)  

    J’espère que ce sera suffisant. N’oubliez pas que nos mesures de protection ne font que s’ajouter aux nombreuses autres en vigueur depuis l’adoption de la loi originale en 2001. Je ne crois pas qu’il convienne de prolonger la durée de détention au-delà de 90 jours. Nous essayons de traiter équitablement un témoin détenu sous garde à des fins de comparaître dans le cadre d’une investigation et une personne citée à comparaître dans un procès criminel, où la durée maximale est de 90 jours. Il semble raisonnable et logique d’imposer la même limite à une personne arrêtée en vertu d’un mandat dans le cadre d’une investigation.
    Il s’agissait également d’une recommandation du comité.
    Comme je l’ai dit, nous voulions aussi donner suite à une recommandation du comité de la Chambre, qui a réalisé l’examen initial des deux pouvoirs. Les membres étaient préoccupés du manque de clarté de la loi quant à la durée de la détention d’une personne arrêtée en vertu d’un mandat parce qu’elle est tenue de comparaître. Grâce au projet de loi S-7, la période maximale de détention ne pourra clairement pas dépasser 90 jours — et je dis bien « maximale ». Si ma mémoire est bonne, l’article 707 indique que le juge doit décider tous les 30 jours s’il convient de garder le témoin en détention.
    Quand le ministre était ici, je crois l'avoir entendu dire que le processus d'audience d'investigation était conforme à la Constitution. J'aimerais seulement que vous nous le confirmiez, de façon à ce que les Canadiens sachent que les mesures prévues par le projet de loi sont constitutionnelles et qu'elles ne bafouent les droits de personne.
    Aussi, est-ce que d'autres pays tiennent des audiences d'investigation? Si oui, ont-ils un processus différent du nôtre ou est-ce que c'est très semblable?
    Si vous me le permettez, je vais tenter de répondre à la question.
    D'abord, à savoir comment notre processus d'audience d'investigation se compare aux autres, il est juste d'affirmer à mon avis qu'il équivaut aux autres, quand sa portée n'est pas plus limitée.
    Aux États-Unis, il y a évidemment la procédure du grand jury, qui peut astreindre une personne à témoigner en vue de déterminer s'il y a lieu de déposer des accusations criminelles.
    L'Australie a l'équivalent d'un système d'audience d'investigation, qui est comparable au nôtre tout en ayant ses particularités. Là-bas, ce système est régi par la loi sur les renseignements de sécurité, mais c'est équivalent à ce qu'on a ici.
    Le Royaume-Uni a un système très différent du nôtre. M. Piragoff a indiqué que notre processus d'audience d'investigation ne prévoyait pas de sanctions criminelles, peu importe l'infraction. Il s'agit simplement de faire comparaître quelqu'un devant le juge, et cette personne doit répondre aux questions de la Couronne. Au Royaume-Uni, c'est une infraction d'omettre de divulguer à la police de l'information à propos d'un geste terroriste potentiel, ou même d'un geste terroriste passé. Omettre de divulguer cette information constitue une infraction criminelle en soi, comme le prévoit un amendement apporté à la loi sur le terrorisme du Royaume-Uni, adoptée en 2000. Il serait donc juste de dire que le Royaume-Uni adhère à une politique plus ferme que la nôtre en ce qui a trait aux sanctions et à la criminalisation.
    Je suis désolé, j'ai oublié la première partie de votre question.
    La première partie va devoir attendre.
    Monsieur Scarpaleggia, je vous en prie.
    Dans certains pays, comme au Royaume-Uni, c'est une infraction de refuser de témoigner... que disiez-vous?
    C'est un crime. Ce n'est pas tellement le refus de témoigner; c'est de négliger de divulguer l'information à la police.
    D'accord. Dans ce cas, si vous êtes appelé à témoigner à une audience d'investigation et que vous refusez de coopérer, quelles seraient les sanctions?

  (1700)  

    J'imagine que ce serait un outrage au tribunal. Si le juge ordonne à cette personne de répondre aux questions et qu'elle refuse, elle sera traitée de la même façon que quiconque refuse de témoigner devant la cour.
    Vous avez dit quelque chose à propos de trois jours. J'ai mal compris. S'agissait-il de trois jours de... détention?
    Je crois que je parlais de l'article 707 du Code criminel.
    C'est exact.
    Un témoin peut être arrêté si un mandat a été émis contre lui en vertu du Code criminel. La loi prévoit des pouvoirs précis pour procéder ainsi dans des cas particuliers, notamment quand un témoin s'apprête à prendre la fuite. L'article 707 du Code criminel énonce les périodes de détention maximales qui peuvent être imposées à un témoin sous mandat d'arrêt. La période de détention maximale est de 90 jours, mais comme je le disais, le juge doit réévaluer la situation au moins tous les 30 jours et déterminer si la détention doit se poursuivre ou non.
     Peut-être qu'on voulait dire 30 jours?
    J'imagine que j'aurais dû mieux articuler.
    Il y a une partie du projet de loi que je n'ai pas comprise quand je l'ai lue il y a un certain temps. Vous pourriez peut-être m'expliquer ce que cela signifie.
    L'article 2 du projet de loi S-7 propose d'amender le paragraphe 7(2) du Code criminel, qui porte sur les actions ou les omissions commises à l'extérieur du Canada relativement à un aéronef, à un aéroport ou à une installation utilisée pour la navigation aérienne. Pourquoi est-il nécessaire de modifier la formulation du paragraphe 7(2) du Code criminel?
    Aussi, qu'entend-t-on par « action ou omission... commise »? Qu'est-ce qu'on pourrait qualifier d'action ou d'omission commise relativement à un aéronef, à un aéroport ou à une installation utilisée pour la navigation aérienne?
    Il pourrait s'agir de négligence criminelle, par exemple.
    Oh, je vois. D'accord, oui.
    C'est omettre de faire quelque chose qui est de notre devoir.
    Je comprends.
    Les amendements proposés à l'alinéa 7(2)b) sont de nature technique, en fait. Le but est d'harmoniser les différentes parties. À la fin de l'alinéa 7(2)b), par exemple, on peut lire « une infraction aux termes de l’alinéa 77c), d) ou g) ». Il y avait eu des erreurs de rédaction. Je ne sais pas s'il convient véritablement de parler d'erreurs, mais les références n'étaient pas exactes. Ces amendements visent donc à rectifier le tir.
    Aurait-il été possible d'intégrer la notion d'avocat spécial dans cette loi, de la même façon qu'on l'a fait en ce qui a trait aux certificats de sécurité? Est-ce une possibilité, ou est-ce que cela ne cadre tout simplement pas avec ce genre de loi? Est-ce que cela pose un problème sur le plan technique, ou est-ce qu'on aurait pu le faire? Je n'en suis pas certain, mais je crois qu'un comité a recommandé d'y intégrer la notion d'avocat spécial.
    Comment pourrions-nous procéder, et pourquoi est-ce que cela n'a pas été fait si c'était possible?
    Je crois que vous avez répondu à la question quand vous avez dit que cela ne cadrait pas avec la loi.
    La personne a le droit d'être représentée par un avocat, alors elle peut retenir elle-même les services d'un avocat. Pour les instances d'immigration, les avocats spéciaux interviennent lorsque la Couronne détient des renseignements qu'elle souhaite déposer devant le juge, mais vu la nature extrêmement délicate des renseignements, ne peut pas les communiquer à l'accusé ni à son avocat. L'avocat spécial est donc là pour prendre connaissance des renseignements, représenter les intérêts de la personne concernée et contre-vérifier l'information. Toutefois, dans la situation qui nous occupe, la Couronne n'a pas de preuves contre la personne. C'est plutôt que la personne soumise à l'investigation doit témoigner et qu'elle peut choisir d'être représentée par un avocat.
    Très rapidement, monsieur Scarpaleggia.
    Je vais vous simplifier la vie.
    Merci, monsieur.
    Nous entendrons d'abord M. Rafferty, puis nous reviendrons à M. Payne.
    Monsieur Piragoff, j'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi ce projet de loi a d'abord été déposé devant le Sénat plutôt que devant la Chambre des communes.
    Je ne sais pas. Il faudrait poser la question au gouvernement.
    Vous n'avez pas pris part à cette décision?
    Non.
    Vous avez entendu le ministre dire plus tôt que ce projet de loi et ces dispositions, en particulier, sont conformes — je crois bien que c'est le terme qu'il a utilisé — à 200 ans d'histoire dans le domaine du droit. Pourtant, des témoins — et des avocats, d'ailleurs — nous ont dit que les deux dispositions dont il est question aujourd'hui s'éloignent considérablement des traditions juridiques canadiennes. Je ne m'attends pas à ce que vous nous expliquiez pourquoi ils ont dit cela. Je ne vous poserai pas cette question, parce que vous ignorez probablement la réponse, mais j'aimerais savoir ce que vous, vous en pensez. Croyez-vous que ces deux dispositions viennent chambouler les traditions juridiques du Canada?

  (1705)  

    Merci. Je ne peux pas vous donner mon opinion personnelle, car elle n'a pas vraiment d'importance ici.
    Je peux toutefois vous expliquer en quoi ces dispositions sont semblables aux dispositions actuelles, et en quoi elles en diffèrent. Le ministre a indiqué qu'elles se fondaient sur des traditions, et d'une certaine manière, c'est vrai; les dispositions s'appuient sur les précédents en matière de justice pénale. Par exemple, le processus d'engagement assorti de conditions ressemble beaucoup à celui de l'engagement de ne pas troubler l'ordre public.
    Il y a donc une jurisprudence à cet égard, et le processus d'engagement de ne pas troubler l'ordre public existe depuis de nombreuses années. La différence entre les deux réside dans l'ampleur de la chose. Arrêter quelqu'un qu'on soupçonne d'avoir commis une infraction criminelle est une chose; arrêter quelqu'un qu'on soupçonne de vouloir commettre une infraction criminelle en est une autre, et pour cela, le degré de certitude doit être encore plus élevé. Il faut être en présence de motifs raisonnables qui portent à croire que cette personne va commettre une infraction.
    Les normes sont différentes. Si la police doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'un acte terroriste sera posé, le degré de certitude est moindre si elle a des motifs raisonnables de soupçonner que cela va se produire. Ce n'est pas que cette personne va elle-même se livrer à une activité terroriste; c'est qu'imposer des conditions à cette personne va permettre d'éviter que l'activité ait lieu. C'est différent...
    Merci beaucoup. Je n'ai que cinq minutes en tout, et j'ai encore deux ou trois questions à poser.
    Le ministre nous a dit qu'il était très peu probable que ces dispositions soient un jour appliquées. Elles n'ont jamais servi avant, et elles ont fini par être éliminées graduellement. Vous vous souvenez probablement de l'exemple que j'ai donné précédemment; quelqu'un avait affirmé à tort qu'une personne s'apprêtait à quitter le pays et à commettre un acte terroriste. Le risque que cela se produise est sans doute très minime, mais s'il y a le moindre risque, le projet de loi ne devrait-il pas prévoir des mesures de protection supplémentaires ou un mécanisme plus transparent pour éviter que cela ne se produise?
    J'apporterais seulement une précision. C'est faux de dire que les dispositions n'ont jamais été appliquées au cours des cinq premières années. On a voulu les utiliser pour l'audience d'investigation dans l'affaire d'Air India. C'est pourquoi l'affaire s'est rendue à la Cour suprême du Canada. Quand la Cour suprême a rendu sa décision, quelque 18 mois plus tard, le procureur de la Couronne a fait savoir qu'il n'avait plus besoin d'obtenir des renseignements auprès du témoin. Je pense qu'il les avait eus d'une autre source.
    Pour ce qui est des mesures de protection, c'est au comité de décider. Le projet de loi prévoit plus de mesures de protection que le système pénal régulier, comme le ministre l'a indiqué.
    Doit-on en rajouter? C'est véritablement au comité de prendre cette décision.
    D'accord, merci.
    J'ai une dernière question.
    Le projet de loi stipule que les renseignements divulgués par le témoin lors de l'audience d'investigation ne pourront ou ne devront pas être retenus contre lui, mais le ministre a indiqué que cela pourrait parfois être le cas. Il a parlé de parjure à titre d'exemple. Est-ce que cela vous préoccupe?
    Peut-être que M. Gilmour pourrait répondre à cette question. Vous qui êtes avocat et qui connaissez le monde du droit, est-ce que cela vous préoccupe? Est-ce que cela pourrait poser problème?
    C'est un reflet des dispositions actuelles, tant sur le plan de la common law que de la Loi sur la preuve au Canada. Si les témoins sont protégés en cas de déclaration auto-incriminante, ces protections ne s'appliquent pas lorsqu'il est question de parjure ou de témoignages contradictoires — les témoins ne peuvent donc pas mentir sciemment en espérant être protégés —, mais les éléments révélés ne peuvent être retenus contre eux dans d'autres poursuites.
    La Cour suprême du Canada a toutefois indiqué que la loi précédente, qu'on a également proposé de remettre en vigueur, va au-delà des protections prévues par la common law et protège aussi les témoins des preuves dérivées, c'est-à-dire que les preuves obtenues grâce à leur témoignage ne sont pas admissibles contre eux. Elle va au-delà des protections de la common law.

  (1710)  

    Merci beaucoup.
    On revient maintenant à M. Payne. Je vous en prie. Je pense que vous aviez une autre question pour M. Gilmour. Je crois que c'est M. Norlock qui avait demandé des réponses complètes, et nous avons manqué de temps. Alors, nous vous écoutons, monsieur Payne.
    J'espère pouvoir poser plus d'une question, monsieur le président, pour cette deuxième intervention.
    Ma question portait en fait sur la constitutionnalité des dispositions. Les citoyens de ma circonscription, et tous les Canadiens aussi j'en suis sûr, ont des réserves à propos de ce projet de loi et se demandent s'il n'empiète pas sur les droits constitutionnels de chacun. Je vais vous laisser aller là-dessus pendant un petit moment.
     Comme M. Piragoff l'expliquait, on a eu recours une fois à une audience d'investigation. Le procureur général en cause l'avait permis dans l'affaire d'Air India, mais la validité constitutionnelle du processus avait été contestée, et c'est la Cour suprême du Canada qui a été appelée à trancher.
    Différents arguments avaient été présentés contre le processus d'audience d'investigation. Ses opposants avaient fait valoir qu'il faisait entrave au droit de garder le silence, de même qu'à la notion d'indépendance judiciaire. La Cour suprême du Canada a statué, dans une décision unanime, qu'en raison surtout des solides mesures de protection accordant l'immunité contre l'utilisation de la preuve ou de la preuve dérivée, comme on l'a expliqué plus tôt, l'audience d'investigation ne faisait pas entrave au droit de garder le silence ni au droit de ne pas s'incriminer. La Cour suprême a également conclu que le juge présidant une audience d'investigation agit impartialement, comme il le ferait dans toute autre instance judiciaire, et qu'il n'est pas qu'une marionnette, si on veut, à la solde de l'État. La Cour suprême a également rejeté cet argument.
    Comme on l'a indiqué également, la Cour suprême a étendu l'immunité contre l'utilisation de la preuve ou de la preuve dérivée au-delà des poursuites criminelles pour qu'elle s'applique aussi aux audiences d'extradition et de déportation. On craignait que la preuve ne soit utilisée pour envoyer cette personne dans des États qui sont moins respectueux des droits de la personne, disons-le comme ça, que le Canada. Nous nous attendons évidemment à ce que cette loi soit interprétée conformément à la décision de la Cour suprême du Canada, de façon à ce que l'immunité contre l'utilisation de la preuve ou de la preuve dérivée s'applique non seulement aux poursuites criminelles, mais aussi aux audiences de déportation et d'extradition.
    Merci, monsieur le président.
    Ma dernière question portera sur le projet de loi lui-même. Il précise que les autorités doivent faire des efforts raisonnables pour obtenir les renseignements visés avant de faire une investigation.
    Pourriez-vous nous donner plus de détails? Quels seront les moyens utilisés pour obtenir ces renseignements et comment les autorités vont-elles procéder?
    Encore une fois, tout dépend des faits et des circonstances. Par exemple, les autorités pourraient interroger les gens de la collectivité. Elles peuvent avoir recours à tous les moyens qu’elles utilisent habituellement dans l’exercice de leurs fonctions.
    Donc, c’est comme une enquête normale.
    Merci.
    Quelqu’un d’autre voudrait intervenir?
    Allez-y, monsieur Hawn.
    J’aimerais simplement revenir sur les inquiétudes de M. Rousseau. Nous savons depuis des années que le gouvernement sait quand les gens entrent au pays et en partent. Cette information est enregistrée dès que l'on utilise son passeport. On sait qui prend l’avion et à quel moment. Ça n’a rien de nouveau. Nous avons déjà ces renseignements, alors quel est le problème?
    Ce n’était qu’un commentaire. Vous n’avez pas à répondre.
    D’accord.
    Il reste encore une minute, si quelqu’un d’autre désire intervenir. Sinon, nous reviendrons à M. Garrison.
    Donc, je pourrais ajouter cette minute à mon intervention?
    Vous aurez les cinq minutes auxquelles vous avez droit.
    Merci beaucoup.
    Avant que ma dernière intervention ne soit interrompue, faute de temps, je parlais de la perception de certains groupes, notamment la communauté musulmane du Canada. Les Canadiens musulmans ont l’impression d’être davantage visés que d’autres groupes minoritaires en raison des mesures antiterroristes adoptées et de l’attention portée aux extrémistes islamiques au Moyen-Orient. La communauté musulmane du Canada craint que l’ajout de ces deux nouvelles infractions n'accentue cette attention et n'ébranle la confiance des membres envers le système canadien d’application de la loi.
    Qu’en pensez-vous?

  (1715)  

    Les mêmes inquiétudes ont été soulevées en 2001 lors de l’adoption de la loi et de ces dispositions. Peut-être est-ce une des raisons qui ont poussé le parlement à exiger un examen quinquennal de la loi: évaluer la fréquence avec laquelle ces dispositions sont appliquées et la façon dont elles sont appliquées, et déterminer si les autorités s’en servent pour cibler des groupes en particulier.
    La menace terroriste au Canada ne vient pas seulement d’un groupe religieux. Elle vient d’autres régions du monde, dont l’Asie du Sud-Est et l’Asie du Sud où l’on retrouve aussi des groupes terroristes, pas seulement des musulmans.
    Dans une certaine mesure, il s’agit d’une situation historique pour le Canada. À une certaine époque, les terroristes étaient les Irlandais qui participaient aux invasions fénianes. La principale menace et son origine varient d'une époque à l'autre.
    Lors du témoignage des représentants de la GRC et du SCRS — car je suis convaincu que ces organismes seront invités à témoigner —, vous pourrez les interroger sur les évaluations de la menace à la sécurité. Ils vous diront que la menace ne vient pas d’une région précise du globe ou d’un groupe religieux en particulier. Ça varie beaucoup.
    Selon vous, les dispositions relatives à la reddition de comptes proposées dans ce projet de loi sont-elles suffisamment vigoureuses pour permettre, disons, aux parlementaires de juger s’il y a profilage racial ou si un groupe en particulier est ciblé?
    Autrement dit, les rapports exigés seront-ils assez détaillés pour nous permettre d’établir si la loi est appliquée équitablement? Ils pourraient être utilisés pour contester des accusations selon lesquelles ce n’est pas le cas. Je ne prétends pas que la loi est injuste, mais les renseignements contenus dans les rapports permettraient-ils aux parlementaires d’en juger?
    Le rapport annuel n’est qu’un des documents disponibles pour l'examen parlementaire. Je sais que les examens menés il y a plusieurs années ont été assez détaillés: ils se sont étirés sur des mois et plusieurs témoins ont été entendus. Donc, le rapport du procureur général et celui du ministre de la Sécurité publique seront disponibles, mais on pourra aussi entendre des témoignages, notamment des membres de la collectivité et des experts, sur l’application des dispositions au cours des cinq années précédentes.
    Toutefois, selon les dispositions du projet de loi, le contenu des rapports annuels sera très limité. À votre avis, que retrouvera-t-on dans ces rapports? On doit y indiquer le nombre de fois que les dispositions ont été appliquées et le projet de loi exige en outre que l'on précise les raisons de leur application, mais qui déterminera le contenu de ces rapports?
    Puisqu’il s’agit des rapports distincts du procureur général et du ministre de la Sécurité publique, ce sont eux qui en détermineront le contenu. Cependant, la législature a donné certaines directives à ce chapitre. Elle désire savoir si les dispositions ont été appliquées et si, selon le procureur et le ministre, elles doivent être maintenues. Si, au cours d’une année en particulier, les dispositions n’ont pas été appliquées, les rapports seront faciles à rédiger. Mais le procureur et le ministre devront tout de même se prononcer sur la nécessité de conserver les dispositions en question. Le Parlement leur demande d’effectuer une évaluation qualitative des données de chaque année afin de déterminer l’utilité des dispositions, même si elles n’ont pas été appliquées.
    J’aimerais revenir sur un point. Vous avez parlé plus tôt de l’immunité contre l’utilisation de la preuve dérivée, si je ne m’abuse. Je ne connaissais pas cette expression, mais je crois en comprendre la signification. On pourrait donc se questionner sur l’utilité des investigations. Autrement dit, l’investigation risque-t-elle d’entraver les poursuites contre les individus soupçonnés de terrorisme si les renseignements recueillis ne peuvent pas être utilisés contre eux? Sera-t-il plus difficile d’engager des poursuites?
    Dans l’affaire d’Air India, le témoin que voulait interroger le procureur de la Couronne n’était pas un des accusés. Il s’agissait d’un membre de la famille qui détenait certaines informations. Les autorités juridiques et policières vous diront que les interrogations serviront à obtenir des renseignements pouvant être utiles aux enquêtes auprès de témoins et non auprès des accusés potentiels.
    M. Randall Garrison: Donc, la preuve dérivée…

  (1720)  

    Merci, monsieur Garrison. Votre temps est écoulé, pour le moment.
    Madame Findlay, vous avez la parole.
    En plus du Code criminel, ce projet de loi propose de modifier la Loi sur la preuve au Canada. Une des dispositions dont nous n’avons pas encore parlé propose de réduire de 15 à 10 ans la durée d’un certificat délivré par le procureur général, document qui interdit la divulgation de renseignements gouvernementaux confidentiels.
    Pourriez-vous nous expliquer exactement ce qu’est un certificat délivré par le procureur général dans ce contexte et pourquoi il est proposé d’en réduire la durée?
    Il s’agit d’un certificat signé par le procureur général du Canada interdisant la divulgation de renseignements gouvernementaux confidentiels. À l’origine, ce certificat expirait après 15 ans, mais un comité parlementaire chargé de l’examen de la Loi antiterroriste a recommandé de réduire cette période à 10 ans. C'est ce que l'on propose dans ce projet de loi S-7.
    Savez-vous pourquoi cette recommandation a été faite et connaissez-vous les critères utilisés pour déterminer qu'une période de 10 ans serait suffisante?
    Il a été déterminé que, dans la plupart des cas, un délai de 10 ans serait suffisant pour protéger les renseignements visés.
    C’est donc une autre façon de rendre le processus plus transparent.
    C’est exact. Comme je l’ai dit, cette proposition fait suite à une recommandation formulée dans le cadre de l’examen parlementaire de la Loi antiterroriste.
    Il reste encore trois minutes.
    Allez-y, madame Bergen.
    J’aimerais revenir sur la nouvelle infraction proposée dans les cas où quelqu’un quitte le pays dans le but de commettre un acte terroriste. Cette infraction existe-t-elle ailleurs qu’au Canada?
    Si je ne m’abuse, au Royaume-Uni, quiconque participe à un camp terroriste, peu importe où, est coupable d'un acte criminel.
    Donc, c’est semblable: c’est un crime de quitter le Royaume-Uni pour participer à un camp terroriste et ce projet de loi vise ceux qui quittent le Canada pour la même raison.
    Il y a des similitudes. La disposition proposée vise à lutter contre la radicalisation des jeunes et tente de les empêcher de quitter le Canada pour participer à un camp terroriste ou prendre part à des activités terroristes.
    Comme nous l’avons déjà souligné, ce projet de loi propose quatre nouvelles infractions liées au terrorisme.
    Premièrement: est coupable d’un acte criminel quiconque quitte ou tente de quitter le Canada dans le but de commettre un acte criminel, conformément à l’article 83.18 du Code criminel, c'est-à-dire quiconque, sciemment, participe à une activité d’un groupe terroriste ou y contribue dans le but d’accroître la capacité de tout groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste.
    Deuxièmement: est coupable d’un acte criminel quiconque quitte ou tente de quitter le Canada dans le but de faciliter sciemment une activité terroriste.
    Troisièmement: est coupable d’un acte criminel quiconque quitte ou tente de quitter le Canada dans le but de commettre un acte à l’étranger au profit ou sous la direction d’un groupe terroriste ou en association avec lui.
    Quatrièmement: est coupable d’un acte criminel quiconque quitte ou tente de quitter le Canada dans le but de commettre un acte criminel qui constitue, selon les éléments du dossier, un acte terroriste. En d’autres mots, toute infraction qui cadre avec la définition d’acte terroriste fournie à l’article 83.01 du Code criminel est considérée comme un acte criminel.
    Ces nouvelles infractions entraînent une peine justifiée pour quiconque tente de quitter le pays pour commettre un de ces actes terroristes. Comme l’a souligné le ministre, je crois, ceux qui nous inquiètent — et il en est question dans le rapport annuel du SCRS —, ce sont les Canadiens qui quittent le pays dans le but de participer à des activités terroristes, comme ceux qui rallient les rangs d’al-Shabaab, en Somalie. Ces dispositions nous aident à sévir contre ces infractions. Nous espérons que ces dispositions auront un effet dissuasif et qu'elles montreront clairement que les Canadiens considèrent que ce comportement est criminel et qu’il doit être puni.

  (1725)  

    Merci beaucoup, monsieur Gilmour.
    Monsieur Rousseau, vous avez la parole.

[Français]

    Vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci beaucoup, messieurs, d’être venus répondre à nos questions. N’oubliez pas que notre objectif est de mieux comprendre le projet de loi. Certaines questions pourraient vous sembler partisanes, mais ce n’est pas le cas. Nous cherchons simplement à comprendre cette mesure législative.

[Français]

    Cela étant dit, je vais poser mes questions en français.
    Selon vous, les actes observés lors des manifestations qui ont eu lieu lors du G8 et du G20 à Toronto équivalent-ils à des actes terroristes?
    Je vais vous expliquer la raison pour laquelle je vous demande cela. On a besoin de déterminer comment on pourra décider quels groupes de gens, groupes organisés ou non organisés, pourront être considérés comme des groupes terroristes. Je connais des gens qui participent à des camps de survie dans le canyon au Colorado, dans les Alpes et même aussi parfois dans des ranchs au Texas où il y a des armes à feu. Ces sont des camps de survie pour toutes sortes de situations.
    Comment fera-t-on pour démêler quels sont des groupes vraiment terroristes et ceux qui ne sont que des groupes récréatifs impliqués dans des activités de plein air? Les groupes que j'ai mentionnés considèrent cela comme étant des activités de plein air.

[Traduction]

    Merci. Vous soulevez un bon point. C’est la raison pour laquelle les mesures de protection comprises dans la loi actuelle et proposées dans le projet de loi sont si importantes. Même en vertu de la loi actuelle, la participation à un camp terroriste dans le but d’accroître la capacité d’un groupe terroriste à commettre des actes terroristes constitue un acte criminel.
    Ce n’est pas un crime de participer à un camp de survie au Colorado ou au Moyen-Orient ou d’apprendre à se servir d'un AK-47. Par contre, un individu qui fait cet apprentissage dans le but précis d’accroître la capacité d'un groupe terroriste est coupable d'un acte criminel. C’est la raison pour laquelle nous avons utilisé ce libellé pour les infractions proposées. On doit prouver que l'intention de l'individu était d’accroître la capacité d'un groupe terroriste à commettre un acte terroriste. Ce n’est pas un crime d'apprendre à se servir d'un AK-47 ou d'acquérir des habiletés en survie.
    Les mesures de protection sont incluses dans la définition des infractions. C’est pourquoi il faut obtenir l’approbation du procureur général avant de porter des accusations. Un policier ne peut pas prendre cette décision; le procureur général doit convenir qu’il est justifié d’appréhender un individu ou de porter des accusations contre lui.

[Français]

    Au NPD, nos inquiétudes concernent toujours les répercussions sur la Charte, notamment l'augmentation des plaintes qui y sont reliées, la liberté d'association, et ainsi de suite. D'après vous, combien vont coûter aux contribuables la réactivation et le maintien de toutes les mesures contenues dans le projet de loi S-7?

[Traduction]

    C’est difficile à dire. Tout dépend la fréquence avec laquelle les dispositions sont appliquées. C’est donc assez hypothétique. Nous nous attendons à ce que ces dispositions soient contestées. Toutefois, nous croyons avoir suffisamment d’arguments pour démontrer, devant les tribunaux, leur constitutionnalité. Nous laisserons les tribunaux trancher. C’est ainsi que les choses fonctionnent au Canada.
    Merci, monsieur Rousseau.
    Je vois que la séance tire à sa fin. Il me reste juste assez de temps pour poser une question.
    Ma question est plutôt hypothétique. Prenons deux pays: le pays A et le pays B. Disons qu’un citoyen canadien est également citoyen du pays A. On sait que des activités terroristes ont déjà eu lieu dans le pays A. Advenant qu’une guerre éclate entre les pays A et B, certains citoyens voudraient se rendre dans le pays A pour y servir pendant la guerre. Cela pourrait-il être considéré comme une formation terroriste?

  (1730)  

    Les opérations militaires sont exclues de la définition d’acte terroriste. En vertu du droit international, les opérations militaires au profit de l’État ne sont pas considérées comme un acte terroriste. Donc, les individus qui agissent au nom de l’État ou des forces armées de l’État ne sont pas considérés comme des terroristes aux fins des conventions internationales ou de ce projet de loi. Par conséquent, un citoyen qui choisit de servir au sein des forces armées d’un autre pays ne serait pas considéré comme un terroriste.
    Merci. Un traître, peut-être, mais pas…
    Peu importe. Merci beaucoup. Malheureusement, c’est tout le temps que nous avions. Nous remercions les représentants du ministère d’être venus. Merci de nous avoir aidés à mieux comprendre ce projet de loi.
    La séance est levée.
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