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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 8 mars 2012

[Enregistrement électronique]

  (1305)  

[Français]

    Bienvenue à la 27e séance du Sous-comité des droits internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Nous accueillons aujourd'hui deux témoins qui me sont connus personnellement. Ce sont deux êtres exceptionnels, en l'occurrence deux frères, Shenli Lin et Mingli Lin. Ils ont pour langue maternelle le mandarin et nous allons recourir donc à des interprètes par le truchement desquels nous allons pouvoir faire l'aller-retour entre le chinois et les deux langues officielles, ce qui va bien sûr ralentir un peu nos délibérations.
    Nos témoins sont originaires de la République populaire de Chine. Ils habitent maintenant tous deux le Canada. Shenli Lin est arrivé au Canada après une brève période d'emprisonnement. On lui reprochait son appartenance au Falun Gong, dont la pratique relève entièrement de la liberté de conscience. Il a donc été incarcéré en tant que prisonnier d'opinion.
    Son frère Mingli Lin, est une des 13 personnes nommées dans une motion demandant leur rapatriement au Canada pour rejoindre leur famille. Cette motion a été adoptée à l'unanimité par la Chambre des communes en octobre 2002.
    Je souhaite qu'aujourd'hui nous insistions surtout, lors de nos délibérations, sur ce qui s'est produit après.
    J'invoque le Règlement. Je vois à peu près de quoi il s'agit, mais je voudrais obtenir une précision sur une question d'ordre administratif. Je constate qu'une caméra a été installée, mais je ne me souviens pas que nous en ayons parlé. Je n'y vois aucun inconvénient, mais tiens à m'assurer que l'on va en cela s'en tenir aux règles prévues par la Chambre et que la caméra restera braquée sur la personne qui a la parole.
    Vous avez raison, je vais m'en assurer auprès de la greffière.
    Je vous remercie.
    Je tiens à rappeler ce qui s'est passé après l'adoption de la motion. L'ambassade du Canada et nos diplomates en poste à Pékin se sont attachés à donner suite à cette motion. Ils ont fait de leur mieux pour obtenir que les personnes nommées dans la motion soient libérées, et qu'elles puissent après cela se rendre au Canada.
    Mingli Lin, hélas, s'est vu refuser un visa par le consulat de Shanghai, le consulat canadien s'entend. La question a bien sûr été évoquée à la Chambre des communes. Nous avons rappelé que celle-ci avait, à l'unanimité, adopté une motion demandant à ce que Mingli Lin soit autorisé à venir au Canada. On a, pourtant, refusé de lui délivrer un visa. Il a été, après cela, arrêté à nouveau et condamné encore une fois à des années de prison pour délit de croyance. À nouveau libéré, il a pu, cette fois, venir au Canada, où nous avons été heureux de l'accueillir.
    Je vais maintenant passer la parole à nos témoins. J'espère qu'ils évoqueront pour nous ce qui leur est arrivé après que la Chambre des communes a, il y a 10 ans, adopté la motion en question. Nous voudrions savoir là où nos représentants en Chine ont fait preuve d'initiative et là où ils ont commis des erreurs. Nous souhaitons éviter qu'il puisse se produire à nouveau une autre fois que quelqu'un invité au Canada aux termes d'une motion du Parlement puisse être remis en prison dans son pays d'origine, en raison du manque d'initiative de fonctionnaires canadiens.
     Je souhaite donc la bienvenue à Shenli Lin et à Mingli Lin. Je vais d'abord donner la parole à Shenli Lin. Nous passerons, après, aux questions des membres du comité.
    Je vous remercie.
    Monsieur le président, et honorables membres du comité, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir, par vos efforts, contribué à ma libération, et d'avoir exprimé votre soutien aux adeptes du Falun Gong.
    J'ai été arrêté à Shanghai en raison de mon appartenance au Falun Gong. On m'a mis en prison, on m'a obligé à lire des tracts de propagande et, après me les avoir fait lire, on m'a remmené chez moi dans un véhicule de police. J'ai été assigné à résidence jusqu'au jour suivant, quatre gardes étant postés à ma porte. Le lendemain, on m'a emmené au poste de police. Les quatre gardes sont partis. On m'a alors dit que j'allais devoir effectuer une période d'étude mais que si je modifiais ma manière de penser, on me laisserait partir. On m'a dit qu'il me faudrait reconnaître que Falun Gong est une organisation malfaisante. Sinon, je serais retenu tant que je n'aurais pas accepté de changer.
    Or, cette manière de traiter les gens est illégale en Chine. Ce qu'on m'a fait est illégal. Mon épouse est citoyenne du Canada et ce qu'ils m'ont fait est donc illégal. En effet, la loi chinoise garantit la liberté d'expression.
    Mon épouse est revenue en Chine pour me voir, et je suis allé, avec elle, porter plainte pour emprisonnement illégal, demandant en outre que l'on me permette d'exercer librement mes croyances. Nous avons été accueillis par des policiers en uniforme qui nous ont éconduits et moi, je me suis retrouvé en prison pour 15 jours. J'ai alors signé une pétition. On m'a accusé d'atteinte à l'ordre public et on m'a à nouveau mis en prison, cette fois pour un an et demi. On m'obligeait, pendant l'hiver, à prendre des bains glacés. J'étais rué de coups et forcé d'effectuer des travaux. Cela a été très dur. Tous les matins, je devais me lever de bonne heure pour effectuer des travaux forcés, ne revenant que tard le soir. J'étais chaque jour astreint à plus de 12 heures de travaux. Je souffrais d'hémorragies au dos et à la poitrine, certaines parties étant gangrénées. C'était très douloureux. Il me fallait chaque jour mettre sous mes sous-vêtements une couche qui m'arrachait la peau lorsque je la retirais.
    La nourriture était infecte. Nous cousions, à l'aide d'aiguilles de fer, des balles en cuir, un travail très pénible. Chaque jour, je me blessais les doigts avec ces aiguilles et ma peau se détachait. Chaque jour, ce travail nous imposait un contact avec des produits chimiques dangereux.
    Nous avons beaucoup souffert. J'avais du mal à dormir en raison de la douleur et à cause aussi de la gangrène qui infectait certaines parties de mon corps. On a fini par m'envoyer dans une clinique à l'extérieur de la prison. Le médecin les a lui-même accusés de traitements inhumains tant ils avaient tardé à m'envoyer le voir. Je n'ai pas, cependant, renoncé, ce qui fait qu'ils ont porté à deux ans la peine de prison à laquelle j'étais condamné, et qui initialement était d'un an et demi. C'est alors qu'on m'a dit « Si tu ne changes pas d'opinion, tu passeras toute ta vie en prison ». Je leur ai répondu, « Si vous ne me libérez pas, je mourrai en prison. »

  (1310)  

    Grâce au Parlement et au gouvernement du Canada, ainsi qu'à diverses organisations et aux personnes qui en font partie, le 13 janvier 2002, j'ai été libéré. J'ai pu, après cela, partir pour le Canada.
    Je tiens à remercier le Parlement du Canada, ainsi que les membres du gouvernement qui m'ont accordé leur aide. Je suis heureux, car dans cette terre de liberté, je peux librement, en tant qu'adepte du Falun Gong, exercer mes croyances. Il y a, en Chine, des centaines de milliers d'adeptes du Falun Gong. Ils continuent à souffrir en raison de l'oppression du gouvernement chinois.
    Je tiens à vous remercier de l'aide que vous m'avez accordée et je vous demande de continuer à nous soutenir.
    Je vous remercie.

  (1315)  

    Merci.
    Nous allons maintenant passer la parole à notre autre témoin.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, les adhérents du Falun Gong sont opprimés... Je tiens, d'abord, à vous remercier, monsieur le président, ainsi que tous ceux qui nous ont accordé leur aide. Je vous remercie de vos efforts en vue d'améliorer la manière dont les autorités chinoises traitent les adeptes du Falun Gong.
    Je m'appelle Mingli. J'ai commencé à pratiquer le Falun Gong en juillet 1997, car je cherchais à me guérir d'un certain nombre de maladies dont j'étais atteint. Peu de temps après avoir commencé à pratiquer, j'ai éprouvé une amélioration très sensible de mon état de santé. Je peux dire que le Falun Gong m'a procuré une seconde vie.
    En Chine, le premier secrétaire, qui était à l'époque Jiang Zemin, a commencé à pester contre le Falun Gong. J'ai été, après cela, enlevé à quatre reprises par la police chinoise. On m'a, en 2000, détenu pendant un mois simplement en raison de mes pratiques. Puis, en janvier 2001, on m'a confiné dans un atelier et soumis à des mesures de lavage de cerveau. En avril 2001, on m'a condamné à deux ans de camp de travail. Puis, en octobre 2005, on m'a infligé une peine de prison de six ans, et c'est cela qui m'a le plus marqué.
    Le gouvernement n'avait aucun motif légitime de m'enlever, et les autorités ont dû invoquer des prétextes psychiatriques pour me faire condamner à six ans de prison. Au début, on m'obligeait à m'asseoir, du matin jusqu'au soir, sur un petit récipient en bois. Je devais rester droit, sans bouger les pieds et en gardant pendant plus de 10 heures les bras derrière le dos. Ceux qui faisaient le moindre geste, étaient rués de coups. C'était physiquement insoutenable. Si je bougeais, on me donnait des coups de pied au visage et à la tête. Avec leurs coups de pied, ils m'ont fait sauter toutes les dents. J'ai dû, à cause des coups qu'ils m'ont assénés avec leurs bottes de cuir, me faire remplacer toutes les dents.
    En janvier 2009, on a voulu m'obliger à rédiger un texte dans lequel j'aurais dénoncé la discipline à laquelle s'astreignent les adeptes du Falun Gong. J'ai, au contraire, écrit que le Falun Gong est la voie de la vérité, de la compassion et de la tolérance. C'est alors qu'ils m'ont dit « Mais qu'est-ce que c'est que ces foutaises? Allez, écris. » Ils m'ont mis à nu et m'ont obligé à m'asseoir à même le ciment, m'arrosant d'eau froide et me frappant jusqu'au sang avec des tiges de bambou, au visage, à la tête et sur d'autres parties du corps.
    Pour me punir de ne pas avoir signé une lettre de repentir, on m'empêchait de dormir. Pendant la journée, au moyen d'un puissant appareil de sonorisation, on m'abreuvait de textes de propagande. Le manque de sommeil me déréglait l'esprit au point où je ne pouvais plus distinguer entre le jour et la nuit. On m'interdisait d'aller aux toilettes, me disant que je n'avais qu'à faire cela sur place.

  (1320)  

    On me ligotait sur le lit. Ils utilisaient un épais fil de fer qu'ils m'introduisaient dans l'estomac. Quand ils atteignaient le bas, ils tiraient d'un coup sec. Ils ont fini par me perforer l'œsophage. En retirant le fil de fer, ils provoquaient bien sûr des saignements. Ma bouche était pleine de sang et moi, à bout de résistance, j'ai perdu connaissance. Le sang giclait et ils ont appelé les infirmiers qui leur ont dit qu'ils feraient mieux de m'envoyer à l'hôpital. Étant donné que j'avais entamé une grève de la faim et que je saignais, ils leur ont dit « Il va mourir. » On m'a donc envoyé en urgence à l'hôpital où l'on m'a mis sous perfusion.
    Prenez le temps qu'il vous faut.
M. Mingli Lin (Interprétation):
    Ce n'est là qu'une partie seulement des souffrances. Parce que j'ai refusé d'écrire des lettres de repentir, ils se mettaient à deux pour m'attraper par les pieds et me balancer contre le mur. Ils me versaient aussi de l'eau bouillante sur le visage.
    Dans les prisons chinoises, les adeptes du Falun Gong souffrent énormément. On a du mal à se l'imaginer. Je me souviens, en 2001, lorsque j'étais condamné à deux ans de travaux forcés, je devais travailler à partir de cinq ou six heures du matin, jusqu'à 20 h 30. Ça, c'était l'horaire normal, mais, on nous obligeait toujours à faire des heures supplémentaires et à travailler parfois jusqu'à 22 heures et même jusqu'à minuit.
    On nous fixait à tous des objectifs et ceux qui ne l'atteignaient pas étaient privés de sommeil. Chacun devait remettre les articles qu'il avait fabriqués. Lorsque nous remettions le fruit de notre travail, ils nous suspendaient par les pieds, au-dessus d'un baquet d'excréments. Et puis, petit à petit, ils nous descendaient, jusqu'à ce que nous ayons le nez au ras du baquet pour nous en faire renifler la puanteur. On nous demandait alors « Vas-tu atteindre ton objectif? Si tu ne l'atteins pas, on te fera manger ça ».
    Dans les prisons chinoises, les adeptes du Falun Gong éprouvent de grandes souffrances. J'ai vu personnellement un adepte être rué de coups à la tête au moyen d'une chaussure en plastique, au point de lui faire éclater le crâne. On refusa néanmoins de l'emmener à l'hôpital. On lui a versé de l'eau froide sur la tête et on lui a dit « Comprends-tu maintenant la vérité, la compassion et la tolérance? » On lui mettait un bâillon et on le jetait au bas des escaliers.
    Il était fréquent, en prison, d'entendre les hurlements d'autres adeptes du Falun Gong, que l'on battait, que l'on torturait. Cela arrivait souvent.
    Je vous remercie. Je vous remercie infiniment de m'avoir aidé à sortir de prison plus tôt. Je vous remercie de votre aide et de vos efforts.

  (1325)  

    Je vous remercie d'avoir fait en sorte que je puisse venir au Canada. Votre aide a été extrêmement efficace.
     Les tortures dont je viens de faire état ne sont même pas les pires qu'il y ait en Chine et votre aide et vos efforts vont avoir une influence au niveau politique. En Chine, les adeptes du Falun Gong continuent à souffrir comme j'ai souffert.
    Je remercie la communauté internationale des pressions qu'elle a exercées sur le gouvernement chinois et lui demande de continuer d'intervenir auprès du gouvernement chinois, pour obtenir leur libération.
    Je me suis fait enlever quatre fois, sans jamais qu'il y ait le moindre motif légal. Une fois, je me trouvais chez moi en compagnie de ma vieille mère. Ils m'ont enlevé de là, me liant les mains derrière le dos. Ma mère a dû s'agenouiller devant eux et leur demander « Pourquoi emmener mon fils simplement parce qu'il pratique le Falun Gong? Le Falun Gong semble l'avoir beaucoup aidé. Sa santé s'est beaucoup améliorée, car le Falun Gong est la voie de la vérité, de la compassion et de la tolérance. La police devrait au contraire protéger la population. Pourquoi allez-vous l'emmener? »
    Ils n'ont rien répondu. Ils m'ont ligoté, fait monter dans la voiture de police et m'ont emmené.
    Je tiens à vous exprimer très publiquement ma reconnaissance pour les pressions que vous avez exercées sur le gouvernement chinois afin qu'il me libère plus tôt et que je puisse venir au Canada et échapper ainsi à la torture. Je vous remercie infiniment. Je remercie tous ceux qui m'ont offert leur aide. Du fond du coeur, je vous remercie.
    Je remercie nos deux témoins. On sent combien il peut être douloureux de rappeler de tels souvenirs. Nous sommes conscients de cela.
    Conformément à la pratique du comité, chaque membre va pouvoir poser une question. Nous disposons d'environ une demi-heure. Cela fait cinq minutes chacun, y compris le temps de réponse.
    Monsieur Sweet, voulez-vous commencer?

  (1330)  

    Merci, monsieur le président.
    Les mots ne suffisent pas pour exprimer le regret que nous inspire le traitement qu'on vous a fait subir. Je crois pouvoir dire qu'il n'y en a aucun parmi nous qui ne peine à imaginer non seulement la douleur physique, mais la souffrance psychologique qui ne manque pas de vous avoir marqué.
    Ma première question s'adresse à Shenli Lin.
    Lors de votre emprisonnement, avez-vous été soumis à des tortures aussi sévères que votre frère Mingli?
M. Shenli Lin: (Interprétation):
    Oui. Nous avons été incarcérés dans la même prison et j'y ai subi les mêmes traitements. C'est simplement que je n'y suis pas resté aussi longtemps que lui. Il a été, au début, condamné à deux ans de travaux forcés, puis à six ans de prison. Après mes deux ans de travaux forcés, j'ai été libéré et j'ai pu venir au Canada. J'y ai donc été soumis moins longtemps.
    Les parlementaires canadiens et la population du Canada ont appelé... mon épouse étant canadienne, ils ont élevé la voix et le gouvernement chinois a pris peur. On voulait me torturer, et m'opprimer, mais, en même temps, on craignait l'opinion publique canadienne. Ils ont fini par... Ils ne pouvaient pas me garder en prison, et c'est comme cela que j'ai finalement pu venir au Canada. J'ai souffert moins longtemps, mais le traitement était le même.
    Certains de mes collègues souhaitent évoquer avec vous les mesures que le Canada pourrait prendre afin d'éviter à l'avenir la situation dans laquelle Mingli s'est retrouvé. En raison de la présence dans l'assistance d'une personne en particulier, il y a une question qu'il me faut vous poser. Vous avez manifestement subi des tortures et vous êtes au courant des tortures qui ont été infligées à d'autres adeptes du Falun Gong. Avez-vous, jamais, lorsque vous étiez vous-mêmes prisonnier, su ou appris qu'on ait, sur des adeptes du Falun Gong, prélevé des organes?
M. Shenli Lin (Interprétation):
    Je n'ai pas vu si cela se faisait. J'ai, en prison, passé un test sanguin. Chacun passait bien sûr un examen médical. Peut-être était-ce la première étape. Au début, lorsqu'on m'a mis en prison, je n'étais pas au courant. Une fois sorti, j'ai compris, après avoir réfléchi, qu'en raison des voix qui s'étaient élevées à l'extérieur, ils ne pouvaient pas faire de moi entièrement ce qu'ils voulaient.
    À la fin de mes deux années de travaux forcés, au cours des six derniers mois, j'ai eu droit à une chambre plus grande. La surveillance dont j'avais fait l'objet s'est relâchée. Je ne sais pas trop pourquoi. Je crois que c'est parce qu'ils ont pu voir que j'étais résolu; c'est ce que j'ai cru au début. J'ai compris par la suite, après avoir pris connaissance de certaines déclarations, qu'en raison des voix qui s'étaient élevées parmi les parlementaires et la population du Canada, ils avaient moins de prise sur moi. Ils savaient qu'il leur fallait me relâcher. Lorsque j'ai présenté une demande d'autorisation de sortie pour le Canada, j'ai bien vu qu'ils savaient que mon départ était inévitable.
    Merci, Shenli Lin.
    Mingli Lin, vous avez été enlevé quatre fois. Pensez-vous que cela soit parce que vous manifestiez vos opinions plus ouvertement que la plupart des adeptes du Falun Gong, ou ces enlèvements répétés s'expliquent-ils autrement?
M. Mingli Lin: (Interprétation):
    Pour quelqu'un dans ma situation, être enlevé quatre fois n'a en fait rien d'extraordinaire, car ils sont des centaines de milliers à se faire enlever. Il y a, en effet, des gens qui ont été enlevés six ou huit fois. Ils entendaient simplement pourtant, en tant qu'adeptes du Falun Gong, manifester la vérité, car ils en connaissent les bienfaits.
    J'étais moi-même cardiaque et souffrais de plusieurs autres maladies. Les hôpitaux ne pouvaient rien pour moi. Après avoir pratiqué le Falun Gong pendant quelques mois, ma santé s'est améliorée. Selon une maxime chinoise, « Tu dois de l'aide à celui qui t'a aidé. » Le Falun Gong a beaucoup fait pour moi. Comment alors ne pas m'exprimer sur le sort des adeptes du Falun Gong que l'on fait tant souffrir?
    Le Falun Gong est la voie de la vérité, de la compassion et de la tolérance. C'est la voie du bien. En Chine, tous les adeptes du Falun Gong répandent autour d'eux la bonne nouvelle, parlant de ses bienfaits. Le gouvernement chinois opprime les adeptes du Falun Gong, car il y voit un danger et il craint que cette pratique se répande. Mais, plus il y aura d'adeptes, plus la situation s'améliorera.
    Pour des pratiquants du Falun Gong, quatre enlèvements ce n'est vraiment pas grand-chose. Il y a, en effet, des gens qui ont été enlevés bien plus souvent que moi. C'est comme ça.

  (1335)  

    Vous avez dit tout à l'heure, que lorsqu'ils vous ont perforé l'œsophage, ils vous ont emmené à l'hôpital, puis vous avez évoqué le cas d'un autre adepte qu'ils avaient rué de coups à la tête, mais qu'ils n'avaient pas emmené à l'hôpital. Étant donné cette sauvagerie, êtes-vous jamais parvenu à expliquer pourquoi certains étaient emmenés à l'hôpital, alors que d'autres étaient laissés là gisant sans soins, peut-être même mourants?
    D'après moi, c'est dû à l'action de la communauté internationale. Les interventions du gouvernement canadien ont eu une influence sur le gouvernement chinois. Ceux qui ne bénéficient d'aucun soutien, on les laisse mourir. Pendant 10 ans, des voix se sont élevées pour réclamer ma remise en liberté et ils savaient donc qu'il ne fallait pas me tuer. Dans ces conditions-là, ils vous feront souffrir, certes, ils vous tortureront, mais ils ne vous tueront pas. Ils s'exposeraient, sans cela, à d'énormes pressions de la part de la communauté internationale. C'est pour cela que lorsque j'étais mourant, ils m'ont emmené à l'hôpital, afin, justement, que je ne meure pas.
    J'ai moi-même vu la police... La police ne levait pas elle-même la main sur nous. Elle employait pour nous battre les assassins qui se trouvaient en prison. Ces individus sont constitués en groupes de surveillance chargés de s'occuper des autres détenus, et plus particulièrement des adeptes du Falun Gong. C'est d'eux que provenaient les sévices. La police ne levait pas elle-même la main sur nous; elle se servait d'intermédiaires.
    Les sévices étaient d'une sauvagerie extrême. Je peux vous citer un homme à qui l'on a battu si violemment les parties génitales qu'elles se sont désagrégées. Les traitements qu'ils infligent sont parfaitement inhumains. On vous ligotait sur un lit et on déversait sur vous des baquets d'excréments. Ces traitements inhumains n'étaient pas rares. Le commun des mortels peine à les imaginer. Et de tels traitements étaient infligés aussi à des femmes.
    Les démarches du gouvernement canadien, les pressions qu'il a exercées, ont eu une influence. J'en suis d'ailleurs la preuve. Je tiens à vous en remercier.
    Je peux vous citer le cas de quelqu'un d'autre, dans l'estomac duquel on avait introduit un fil de fer. Ils ont fini par devoir lui ouvrir le ventre pour retirer les morceaux de fer qui y étaient restés. C'est trop.
    Il s'appelle Xin Foo Goo. Lorsqu'ils lui ont ouvert le ventre pour retirer les bouts de métal, ils ne lui ont même pas administré d'anesthésie. Pouvez-vous imaginer à quel point il a dû souffrir? En Chine, de telles choses arrivent tous les jours.

  (1340)  

    Monsieur Marston, vous avez la parole.
    Je tiens, messieurs, à vous remercier tous les deux d'être venus témoigner devant le comité.
    Vous venez de dire combien il est difficile de se faire une idée de ce genre de choses. Cela est particulièrement difficile pour nous, Canadiens, qui habitons un pays où règnent les libertés que vous partagez désormais. Cela suscite un certain nombre de questions.
    On comprend mal, en effet, pourquoi ils s'acharnent comme ça sur des individus, leur imposant ces longues périodes de souffrance et de torture. Outre votre appartenance au Falun Gong, y avait-il chez l'un ou l'autre d'entre vous, quelque chose qui aurait porté les autorités à s'intéresser plus particulièrement à vous?
M. Mingli Lin: (Interprétation):
    Non, nous n'avons absolument rien de particulier. Nous sommes des gens comme tout le monde.
M. Shenli Lin: (Interprétation):
    L’oppression des adeptes du Falun Gong s’exerce à tous les niveaux. À partir du haut, il y a les intellectuels, les professeurs d’université, les ingénieurs principaux. Ja Li Chu… Le gouvernement canadien a aussi offert de l’aider. Il a été relâché après moi. Il était ingénieur principal. Ils n’ont aucun critère. Dès que vous pratiquez le Falun Gong, vous aurez beau être membre du comité central, cela n’aura aucune importance, ils vont vous opprimer.
     Par exemple, Zhu Rongji, l’ancien premier ministre, nous a exprimé sa sympathie publiquement. Il a été expulsé du gouvernement chinois. Donc, il n’y a aucune retenue.
    Leur effort de réforme, c’est de vous ramener dans la société et vous faire dire que le Falun Gong est mauvais. Mais l’une des choses qui intéressent le peuple canadien en ce qui concerne la Chine, ce sont nos relations commerciales. À notre avis, les droits de la personne doivent être associés au commerce. Voilà pourquoi le comité s’intéresse particulièrement à votre situation.
     Avez-vous des recommandations à nous faire, d’après votre expérience de la façon dont le gouvernement canadien, nos ambassades et nos gens ont réagi dans votre cas particulier? Ou y a-t-il d’autres recommandations, à votre connaissance?
M. Shenli Lin (Interprétation):
    Je crois que le gouvernement canadien, de différentes façons, dans les domaines du commerce et de l’éducation, dans les domaines où vous pouvez avoir des échanges avec la Chine… Dans le cadre de ces échanges, vous pourriez faire connaître à vos homologues chinois le niveau d’oppression des adeptes du Falun Gong, et ce qui leur arrive en Chine. Ce serait bien. Comme vous l’avez dit exactement, il faut ajouter la dimension des droits de la personne dans les propositions d’échanges, parce que nous ne jouissons d’aucun droit de la personne en Chine. À part le communisme, il n’y a rien à quoi vous pouvez croire. Et si je dis que je crois en la vérité, la compassion et la tolérance, pourquoi ne me laisseraient-ils pas essayer de devenir un bon être humain? Si je suis un bon être humain, c’est bon pour le gouvernement, bon pour la société.
    Je me rappelle que, à certains endroits, quand ils cherchaient des travailleurs pour une usine, ils disaient que les adeptes du Falun Gong seraient avantagés pour ce qui est d’obtenir du travail dans cette usine. Vous pouvez vous imaginer qu’avec un plus grand nombre de ces travailleurs dans cette usine, la qualité de vie et les conditions de travail y seraient meilleures. Le gouvernement ne vous laisse pas faire cela parce qu’il ne permet aucune autre croyance. Si vous croyez à autre chose, ils ont peur. C’est pour cette raison que je pense que le gouvernement canadien, dans plusieurs domaines, dans ses échanges avec le gouvernement chinois, peut les mettre au courant, parce que de nombreux Chinois en Chine ne savent pas… ils ne sont pas au courant de ce degré d’oppression. La radio et la télévision chinoises sont inondées de propagande. Par conséquent, ils sont conditionnés. Ils ne voient que le point de vue du gouvernement. Ils ne connaissent pas la vérité.
     Si le gouvernement canadien pouvait, dans ses échanges avec le gouvernement chinois, leur faire connaître la nature du Falun Gong, et aussi les droits de la personne les plus fondamentaux qu’un citoyen devrait avoir dans ce pays, je pense que ce serait bénéfique pour nous.

  (1345)  

    Monsieur le président, savez-vous si les problèmes du Falun Gong ont été soulevés dans le dialogue Canada-Chine?
    Je ne le sais pas du tout, mais je peux demander à nos analystes de vous obtenir la réponse. C’est ce que je vais faire.
     Malheureusement, monsieur Marston, cela met fin à votre temps.
     Nous passons à M. Hiebert.
    Merci beaucoup de ce témoignage si courageux et explicite. Je sais qu’il vous a été manifestement très difficile de décrire ce qui vous est arrivé et, personnellement, je suis ahuri du traitement barbare qu’ils vous ont forcé d’endurer. Mais à mon avis, en parlant publiquement, vous vous acquittez d’un rôle important en révélant ce qui se passe réellement, tant à nous qu’à d’autres.
     Quand vous étiez en prison, il y avait certainement d’autres adeptes du Falun Gong en captivité avec vous. Pouvez-vous me donner une idée du nombre des adeptes de Falun Gong qui, d’après vous, sont en train de vivre ce que vous avez vécu?
    Je suis originaire de Shanghai, où les adeptes du Falun Gong se rencontraient régulièrement. Je crois qu’il y a à Shanghai des centaines d’adeptes du Falun Gong — de septuagénaires à des plus jeunes dans la trentaine — qui ont subi différent degrés de torture et d’oppression. Ils ont souffert ce que j’ai souffert. Et je ne parle que de Shanghai.
     Plusieurs ont souffert comme nous, et d’autres ont souffert encore plus. À l’échelle des 30 provinces de la Chine, il n’est pas facile de déterminer le nombre exact. Selon les statistiques du gouvernement chinois, il y aurait 70 millions d’adeptes du Falun Gong en Chine, et moi je dirais qu’il y en a à peu près 100 millions. Tant et aussi longtemps que vous n’abandonnez pas votre foi Falun Gong, ils vont vous opprimer et vous torturer. Certains ont abandonné, par peur, et d’autres poursuivent avec détermination. Je dirais que cela affecte des dizaines de millions de personnes. Je dirais que 30 millions de personnes sont mortes de torture, et que celles qui sont encore en vie souffrent.
     De nombreux tortionnaires sont entrés dans la clandestinité. Au cours des années initiales, le gouvernement chinois annonçait publiquement son intention de recourir à l’oppression, mais lui aussi a fait entrer toute la question dans la clandestinité. Étant donné que des Chinois venaient poser des questions, le gouvernement a enterré l’affaire. Alors, l’oppression et la torture perpétrées secrètement sont difficiles à quantifier. Sur Internet, on voyait de nouveaux cas d’oppression tous les jours. Et on recherche encore des gens qui ont disparu. Il est donc difficile de déterminer le nombre avec précision, à cause du secret entourant la torture. Mais il s’agit de dizaines de millions de personnes.

  (1350)  

    Selon vous, quelle est la chose la plus efficace que notre gouvernement, d’autres gouvernements ou des organismes internationaux pourraient faire pour faciliter la libération des gens qui sont torturés? Comment pourrions-nous convaincre le gouvernement chinois que cela est inacceptable? Avez-vous des noms de personnes qui étaient dans les prisons avec vous et que notre gouvernement ou d’autres gouvernements pourraient contribuer à faire libérer?
M. Shenli Lin (Interprétation):
    Le gouvernement du Canada nous offre de l’aide depuis longtemps. Ça fait longtemps qu’il a commencé à aider. Je l’ai moi-même senti. Bien sûr, j’en ai bénéficié parce que j’avais été emprisonné tôt. Quand l’oppression a commencé en 1999, j’ai été mis en prison et j’ai été au camp de travaux forcés pendant deux ans.
     Mais en fait, la situation a changé au cours des deux ans. Comme je l’ai dit plus tôt, je n’ai pas compris pourquoi ils me surveillaient si rigoureusement pour ensuite devenir plus tolérants. Au début, je n’ai pas compris pourquoi. Mais après être sorti de prison, j’ai compris que c’était le résultat de l’effort provenant du gouvernement canadien et de la société canadienne.
     La voix que le gouvernement canadien a offerte au sujet des adeptes du Falun Gong est très efficace auprès du gouvernement chinois. J’en suis un exemple. Mon jeune frère en est un exemple.
     Dans ce camp de travaux forcés, quand je défendais d’autres prisonniers, la police ne me menaçait pas parce qu’elle savait que j’avais des gens qui m’appuyaient et ça, c’était la voix du gouvernement canadien.
     Si vous dites au gouvernement chinois ce que vous savez du Falun Gong, cela aura assurément une incidence. Ce sera utile. Ils vont même prendre des mesures pour améliorer les conditions, parce que si la société internationale continue à exprimer son opinion, le gouvernement chinois sera bien sûr forcé de continuer à projeter l’image d’une société qui respecte les droits de la personne et la liberté d’expression. Ils veulent donner une bonne impression au reste du monde. Ils devront donc se plier aux pressions internationales; sinon, ils perdraient la face, et ils ne veulent pas perdre la face.
     Alors si vous dites que ce genre de torture existe, que cette oppression existe, ils devront prêter attention. Si les gouvernements de beaucoup d’autres pays commencent à s’exprimer ainsi, cela nous aidera encore plus.
     Je crois que le gouvernement canadien est à la tête — ou en deuxième rang — des pays qui offrent de l’aide aux adeptes du Falun Gong, mais il n’y a pas encore de voix uniforme à l’échelle internationale. Si tout le monde se soulève et critique le gouvernement chinois, ils devront cesser leur oppression.
     Alors, bien sûr, je crois que nous sommes ceux qui en ont bénéficié.
     Quant aux autres adeptes du Falun Gong, nous pouvons vous donner leurs noms plus tard. Nous espérons que le groupe que vous voulez aider ne se limitera pas à la catégorie des conjoints de Canadiens. Je crois que ce groupe devrait être élargi et inclure tous les adeptes du Falun Gong, les personnes qui ont besoin de votre aide pour pouvoir venir ici et jouir de la paix et de la liberté.

  (1355)  

M. Mingli Lin (Iinterprétation):
    Vous voulez que nous vous donnions des noms. Ils sont nombreux en Chine. À Shanghai, la prison Tilanqiao est bien connue pour la torture qui s’y pratique. J’ai été là. Quand je suis sorti de Tilanqiao, il y en avait beaucoup. Combien exactement, je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire. Mais il y en avait des centaines, au moins. J’en connaissais plusieurs personnellement, des dizaines, et ils y sont encore.
     L’homme que j’ai mentionné, celui dont les parties génitales ont été frappées, s’appelle Bin Zhu. Lui, Jie Thu Lay et tous les autres étaient à Tilanqiao. Ils y sont toujours, et ils sont encore torturés.
     Apparemment, la torture semble s’être arrêtée, mais comme nous l’avons dit plus tôt, elle est devenue clandestine. Une personne peut être gardée assise seule dans une pièce. Deux meurtriers la surveillent le jour, et deux autres la nuit. Si elle bouge, ils la battent.
     Dès qu’il a été mis en prison, Zhang Lee Yun a dit aux gardes que le Falun Gong était bon. Ces quatre voyous l’ont cloué au sol et ont commencé à le battre. On ne pouvait même plus le reconnaître. Son nez avait été arraché, et ses dents brisées. Il était méconnaissable. Et il avait seulement dit que Falun Gong était bon. C’est tout ce qu’il a dit.
     C’est trop inhumain. Et il y a beaucoup de cas, tellement d’autres.
     Comme je l’ai dit, votre aide a été très utile. La prison Tilanqiao à Shanghai est l’essence même du mal.
    Monsieur Cotler.
    Merci, monsieur le président.
     Je tiens à vous féliciter tous deux de votre présence ici aujourd’hui. Je sais que ce n’est pas facile d’avoir à revivre ces expériences.
     Et particulièrement dans votre cas, Mingli Lin, ce n’est pas facile d’avoir à revivre la torture que vous avez subie en prison.
     Vous savez, j’ai toujours trouvé que la vérité, la compassion et la tolérance, qui sont les valeurs du Falun Gong exemplifient ce que la civilisation chinoise a de meilleur et que, par conséquent, il faudrait récompenser les adeptes du Falun Gong d’être des citoyens chinois exemplaires, plutôt que de les punir, les emprisonner et les torturer, comme cela se fait.
     Je saisis cette occasion, monsieur le président, pour vous féliciter des représentations que vous faites depuis longtemps pour le Falun Gong.
     Et nous avons ici M. David Kilgour qui a été inébranlable toutes ces années, pendant qu’il était au gouvernement et, surtout peut-être, depuis qu’il n’est plus au Parlement ni au gouvernement.
     Je tiens à vous dire, Shenli Lin, que c’est de fait l’engagement héroïque de votre épouse Jinyu Li, que j’ai rencontrée en 2001 pour la première fois…
     Je trouve parfois que ce sont les conjointes les plus sages qui sont la raison pour laquelle les prisonniers sont libérés.
    Vous savez certainement, mais permettez-moi de le répéter, à quel point ses efforts ont contribué à votre libération.
     J’ai deux questions. La première porte sur le fait que, dans leurs relations avec le gouvernement chinois, les gouvernements canadiens ont toujours eu tendance à soulever de façon générale les questions de droit de la personne en Chine, mais plus en privé qu’en public celle du Falun Gong — en particulier celle des prisonniers politiques adeptes du Falun Gong. Il n’en va pas de même pour nous, parlementaires. Nous avons soulevé ces questions publiquement. Mais les gouvernements ont eu tendance à les soulever en privé.
    Estimez-vous qu’il s’agit là de la meilleure combinaison — c’est-à-dire les gouvernements en privé et les parlementaires en public —, ou que les gouvernements devraient faire leurs représentations plus officiellement auprès des autorités chinoises?

  (1400)  

M. Shenli Lin (Interprétation):
    Je crois que les deux ont une incidence. Les enjoindre ouvertement est assurément plus efficace, mais une incitation personnelle a aussi de l’effet.
     Et les représentants officiels chinois ont d’étranges façons de se faire des amis. Par exemple, un représentant officiel du gouvernement chinois qui a plus de conversations sur le Falun Gong avec des étrangers sera l’objet de soupçons. Je pense donc qu’il est préférable de les enjoindre ouvertement. De plus, la communauté internationale et les autres gouvernements seront témoins de ces pressions, attacheront de l’importance à ces questions, se mobiliseront et feront pression ensemble. Cela est une façon très efficace, à mon avis, mais dans certaines circonstances, un échange d’opinions personnel peut être efficace également.
M. Mingli Lin (Interprétation):
    Je crois personnellement que les enjoindre ouvertement est comparativement plus efficace, probablement. Le gouvernement chinois se soucie de sa réputation. Par exemple, quand j’étais en prison, parfois les inspecteurs venaient inspecter la prison; la prison commençait alors des travaux d’entretien sanitaire. Ils devaient s’assurer que tout était parfait. Après le départ des inspecteurs, ils laissaient tout aller. Donc, ils se soucient des apparences.
     Si vous leur parlez personnellement, ils vous diront oui… Ils vont vous dire « Comment est-ce possible? Vous avez raison. Je m’en occupe tout de suite. » C’est faux; de l’hypocrisie pure. Une fois que vous avez tourné le dos… Entre 1999 et maintenant, c’est-à-dire plus de 10 ans plus tard, il y a eu de nombreuses pressions de la part de la communauté internationale. En apparence, le gouvernement chinois a réduit son oppression, mais il n’en est rien; il la poursuit secrètement.
    Ce que j’essaie de dire, c’est que vos pressions sont assurément efficaces. Ils savent: « Son frère est au Canada; si on le tue en prison, il ne nous lâchera pas. » S’ils se disent « Si nous le tuons, son frère nous dénoncera publiquement à l’étranger », cela les découragera. Si les membres de votre famille, votre frère aîné et votre jeune frère sont à l’extérieur de la Chine, ils ne vous tueront pas. Mais si personne ne sait que vous avez des membres de votre famille à l’étranger, ils vont vous tuer.
     Un autre exemple: M. Shun, qui a été battu à mort. Ils l’ont empêché de dormir pendant 20 heures. Ils l’ont forcé à écrire des lettres répugnantes. Quand il refusait, ils versaient de l’eau bouillante sur son corps. S’il perdait conscience immédiatement, ils le jetaient dans de l’eau froide et le laissaient dedans pendant une semaine. Toutes ses côtes ont été brisées.
     Je crois donc que parler ouvertement, exercer ouvertement des pressions est le meilleur moyen.
     La démarche personnelle peut avoir un certain effet, mais cela peut être trompeur. Ils sont comme des voyous. Les communistes sont comme des voyous. Ils vous diront « Nous ne les opprimions pas. » Ce n’est qu’un mensonge. C’était seulement mon frère et moi. Je ne parle de personne d’autre. Et bien sûr, beaucoup d’autres que nous ont souffert. Nous sommes les exemples. Alors, ce sont des voyous. Ce que dit le gouvernement chinois n’a aucune valeur.

  (1405)  

M. Shenli Lin (Interprétation):
    J’aimerais ajouter quelque chose. J’ai été moi-même l’objet du comportement trompeur du gouvernement chinois. Quand je suis arrivé au Canada, un article publié dans un journal chinois affirmait que j’avais été traité de façon humanitaire dans ma prison chinoise: « Bien que Shenli Lin avait refusé de renoncer à ses idées du Falun Gong, de se repentir et d’admettre qu’il avait tort, nous l’avons quand même traité humainement. » Voilà ce que l’article disait.
    Quelqu’un qui ne sait pas ce qui s’est vraiment passé et qui lit cet article le croira, bien entendu; il croira que j’ai été bien traité, même si j’ai refusé de me repentir. Mais ce que je vous ai relaté ici est exactement ce qui m’est arrivé. Les gens peuvent être trompés.
     Par conséquent, je crois qu’exercer ouvertement des pressions a un meilleur effet, un effet plus puissant.
    Nous avons atteint huit minutes avec vous, monsieur Cotler.
     Je dois passer à Mme Péclet maintenant.
    Je tiens à remercier les témoins et à vous dire que j’admire vraiment votre courage, compte tenu de tout ce que vous avez subi. J’espère que le gouvernement du Canada travaillera avec les autorités chinoises à mettre fin à cette torture de vos frères et sœurs en Chine. J’espère que nous sommes en mesure de le faire.
     C’est tout. Merci.
    Merci, madame Péclet. Et merci aussi à nos témoins.
     Nous avons dépassé d’un peu l’heure à laquelle nous nous arrêtons normalement. Je vous remercie beaucoup tous les deux.
     Aussi, il y a d’autres que j’aimerais remercier ici. Plusieurs personnes œuvrant pour le Falun Dafa au Canada ont travaillé avec grande persistance pour que ces questions restent d’actualité pour les parlementaires pendant plus d’une décennie.
    Je veux exprimer des remerciements tout particuliers à notre interprète. Nous n’avons qu’un seul interprète qui fait du chinois à l’anglais et vice versa. Ce n’est pas facile. Je peux le voir à travers la vitre ici. Mes félicitations pour une tâche très difficile.
     Voilà. Merci beaucoup à tous, et particulièrement à Shenli Lin et Mingli Lin. Merci d’avoir porté ces questions à notre attention.
    La séance est levée.
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