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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 036 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 mai 2012

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 36e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. L'ordre du jour prévoit, conformément à notre ordre de renvoi du mercredi 15 février 2012, l'étude du projet de loi  C-309, Loi modifiant le Code criminel (dissimulation d'identité).
    Nous reprenons le débat sur l'amendement NPD-1 qui vise l'article 2.
    Mme Boivin a demandé la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je serai brève, parce que j'ai fait part de tous mes arguments mardi dernier. Je veux simplement ajouter une chose relativement au premier amendement proposé par le NPD au projet de loi C-309. Nous nous sommes exprimés en seulement une heure, après avoir entendu nos témoins. J'ai donc été surprise d'entendre des députés du gouvernement prétendre que nous faisions de l'obstruction systématique, alors que ce n'était pas du tout le cas.
    Il est important pour moi de revenir sur cette question dans le cadre des travaux de ce comité. Je peux vous assurer que le seul temps où vous allez nous voir faire de l'obstruction systématique sera lorsque vous nous imposerez des restrictions de temps. Autrement, les gens vont s'exprimer sur ce qu'ils ont entendu et, à ce que je sache, c'est ça, la démocratie.
    Mon collègue Brian Jean peut être en désaccord avec moi. On peut être en désaccord l'un avec l'autre mais sans être impolis les uns envers les autres. Cet amendement n'est pas frivole. Il n'est pas complètement déconnecté de la réalité. Bien au contraire, il est appuyé par plusieurs témoins. Il semble que la population comprenne mal l'impact du projet de loi. Certaines personnes pensent — et on le voit par des sondages ou par les interventions de certains médias — que, suite à l'adoption du projet de loi, jamais plus qui que ce soit ne pourra participer masqué ou déguisé à des manifestations qui seraient par ailleurs paisibles et respectueuses des lois.
    Dans ce contexte, on va quand même se retrouver avec certains problèmes, qu'il s'agisse du projet de loi C-309 tel quel ou qu'il s'agisse du projet de loi C-309 tel qu'il pourrait être amendé pour le rendre plus conforme au Code criminel et au droit existant au Canada en vertu des chartes.
    Je vais m'arrêter là, car je voulais justement souligner que nous ne faisons pas d'obstruction systématique. Nous nous exprimons démocratiquement sur ce que nous pensons à propos de l'amendement.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, madame Boivin.
    Monsieur Goguen.
    Merci, monsieur le président.
    Nous parlons de l'amendement NPD-1, bien entendu, et je vais commencer par une évidence: la liberté d'expression et la liberté de réunion sont des droits garantis par la Constitution.
    Selon moi, une fois qu'il sera en vigueur, le projet de loi C-309 permettra de renforcer encore la protection de tels droits. Le chef Graham, qui était le chef de police au moment des émeutes de Vancouver, de même que le sergent Webb, expert policier en maîtrise des foules, ont tous les deux témoigné devant le comité. Ils nous expliqué l'ampleur des mesures que doivent prendre les autorités policières afin de protéger le droit des citoyens de se rassembler dans le cadre d'une réunion pacifique. Les autorités doivent maintenir les communications avec la foule à tous moments et guider les mouvements de cette foule. Elles recourent à tous les moyens possibles afin de s'assurer que le droit des citoyens de se rassembler dans le cadre d'une réunion pacifique continue d'être un droit constitutionnel bien respecté.
    Elles nous ont également expliqué de quelle façon les réunions pacifiques peuvent rapidement se transformer en attroupements illégaux ou, pire encore, en émeutes. Elles ont expliqué que les personnes qui manifestent peuvent être classées en fonction de quatre catégories. D'un côté il y a les personnes qui cherchent simplement à exprimer un point de vue ou à faire passer un message de manière pacifique.
    Mais, de l'autre, il y a les anarchistes — ce qu'on appelle le bloc noir — dont le seul objectif consiste à faire du grabuge, à semer la confusion au sein de la foule et à commettre des actes de violence. Or le projet de loi C-309 vise justement à dissuader les gens de porter un masque et de participer aux activités perturbatrices que l'on associe au bloc noir. Prévenir de telles activités permet de protéger les droits de ceux et celles qui désirent se rassembler pacifiquement pour faire connaître leur point de vue, conformément à la garantie que leur offre la Charte.
    D'aucuns maintiennent que l'article 351 du Code criminel est suffisant et que le projet de loi C-309, tel qu'il est actuellement libellé, n'est pas vraiment nécessaire. Cependant, le chef Graham nous a dit que, par rapport à la totalité des accusations déposées à la suite des émeutes de Vancouver, seulement deux ont pu être déposées aux termes du paragraphe 351(2). À cet égard, il a évoqué la difficulté à identifier les responsables. Pourquoi? Parce qu'ils portaient un masque.
    Dans un sens, le projet de loi C-309 vient s'ajouter à cet article du Code criminel, et je vous ai déjà expliqué son objectif.
    S'agissant des activités qui se déroulent actuellement à Montréal, je dirais que ce projet de loi tombe vraiment à point nommé. Nous sommes tous au courant, grâce aux informations, des affrontements qui se produisent dans cette ville. Il est évident que certains étudiants manifestent pour des raisons tout à fait valables; d'autres pour causer des dégâts. Il peut être difficile de les distinguer les uns des autres.
    M. Blake Richards a reçu un courriel d'Alain Cardinal, qui est

[Français]

chef du Service des affaires juridiques et affaires internes de la Ville de Montréal.

[Traduction]

    M. Cardinal nous a dit ceci:
J'ai lu au journal ce matin que le ministre de la Justice appuiera votre projet de loi. Si vous avez besoin de témoignages de la part de policiers du SPVM (Service de police de la Ville de Montréal), nous serons très heureux de comparaître devant un comité de la Chambre des communes.
    Il est évident que nous n'aurons pas besoin de ces témoignages maintenant, puisque nous avons conclu cette partie du travail du comité.
     De plus, je lisais dans un article paru dans La Gazette de Montréal que le maire, Gérald Tremblay, aurait déclaré, lors d'une conférence de presse, que le droit de manifester est un droit démocratique, mais que les citoyens possèdent également le droit d'être protégés contre des vandales qui lancent des pierres — c'est-à-dire le bloc noir, les anarchistes — qui perturbent la circulation et qui commettent des actes de violence. Voilà ce qu'il a dit:
Quand les manifestations dérapent constamment et donnent lieu à des actes de violence et de vandalisme, non seulement les Montréalais doivent-ils payer la note, mais l'image de la ville se trouve ternie… Nous ne parlons pas là du défilé du Père Noël, de la Carifiesta ou du Festival Juste pour rire.
    Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de quoi en rire.
    Toujours sur l'amendement NPD-1, je vous fais savoir que nous allons voter contre cet amendement car, à notre avis, il va tout à fait à l'encontre de l'objet du projet de loi. Mes observations valent également pour l'amendement NPD-2. Le premier concerne les attroupements illégaux et l'autre concerne les émeutes. Le premier amendement porte sur les émeutes.
    La motion du NPD aurait pour effet de créer une infraction d'intention spécifique. Voilà qui augmenterait la charge de la preuve. Il faudrait essentiellement que le ministère public produise des éléments de preuve à partir desquels le tribunal pourrait déduire que l'accusé avait l'intention de participer à une émeute et s'est déguisé dans ce dessein même.
    Par contraste, le projet de loi C-309 exige simplement que le ministère public prouve que l'accusé était déguisé au moment de participer à une émeute. À ce moment-là, c'est l'accusé qui a la charge de la preuve et il lui appartient donc de prouver qu'il avait une raison légitime de vouloir dissimuler son identité.
    L'amendement du NPD ne permet pas à l'accusé d'invoquer, comme moyen de défense, qu'il avait une raison légitime de vouloir dissimuler son identité. Ce moyen de défense ferait en sorte que les personnes qui portent un masque ou qui se couvrent le visage pour des raisons légitimes — par exemple, pour des raisons religieuses ou culturelles, ou afin de protéger leur santé ou leur sécurité — ne sont pas jugées criminellement responsables.

  (1110)  

    Enfin, l'inclusion de l'expression « enduit de couleur » dans l'amendement que propose le NPD pourrait viser à régler le problème du grimage. Or l'expression « ou autre déguisement  » qu'on retrouve déjà au projet de loi C-309, et dont le sens est très large, est suffisante pour couvrir cette éventualité.
    Je vous ferais également remarquer la mention au Code criminel selon laquelle la Cour suprême a confirmé que l'utilisation de l'expression « excuse légitime » est fondée, étant donné la présomption d'innocence. J'aimerais tout de même demander l'avis des spécialistes à ce sujet…
    Des fonctionnaires.
    … oui, merci, je voudrais seulement solliciter l'opinion des fonctionnaires sur le fardeau de la preuve pour le ministère public par suite de l'amendement du NPD. Sont-ils parmi nous aujourd'hui?
    Oui.
    J'invite les fonctionnaires — ou un fonctionnaire — à s'avancer.
    Elle ne porte pas un chandail rayé, monsieur le président.
    Je vous remercie de votre présence. J'espère que vous avez entendu la question.
    Avant de commencer, pourriez-vous vous identifier pour les fins du compte rendu. Nous vous en remercions.
    Bonjour. Je m'appelle Carole Morency et je suis avocate générale à la Section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice.
    Je crois que la question portait sur l'inclusion, dans l'amendement NPD-1, de la notion d'intention. C'est bien cela?
    C'est-à-dire qu'il crée une infraction d'intention spécifique. De quelle façon ceci augmenterait-il le fardeau de la preuve pour le ministère public?
    Je crois savoir que l'amendement NPD-1 s'appuie sur le paragraphe 351(2). Conformément à ce paragraphe, et comme le prévoit la motion, le ministère public serait tenu de prouver que l'accusé avait l'intention de commettre, en l'occurrence, l'infraction concernant les émeutes ou les attroupements illégaux, et portait un masque à cette fin.
    En général, les infractions d'intention spécifique sont plus difficiles à prouver. Elles ne constituent pas la norme; en d'autres termes, elles sont assez exceptionnelles au Code criminel. Ainsi le ministère public devrait produire des éléments de preuve pour démontrer que l'accusé avait l'intention de commettre l'infraction en question en participant à une émeute ou à mettre un attroupement illégal. Si vous examinez la jurisprudence liée au paragraphe 351(2), vous verrez que les tribunaux ont clairement indiqué que l'intention précise de l'accusé doit être claire, faute de quoi, le bien-fondé des arguments avancés n'aura pas été démontré.
     Il y a donc une distinction entre l'approche que propose l'amendement et celle proposée dans le projet de loi C-309. Un élément y est ajouté. Il sera possible d'en faire la preuve dans certains cas, mais c'est tout de même un élément de preuve de plus que le ministère public doit produire, de sorte qu'il devient plus difficile de prouver que l'infraction a été commise.

  (1115)  

    Et, aux termes du projet de loi C-309, quelle intention faudrait-il prouver?
     D'après ce que propose le projet de loi C-309, dans un premier temps, l'infraction concernée serait celle liée à la participation à une émeute ou un attroupement illégal. Ensuite le ministère public devrait démontrer que l'accusé portait un masque afin de dissimuler son identité.
    Je crois savoir, comme j'ai pu examiner le compte rendu de réunions précédentes du comité, que des questions ont été soulevées concernant l'approche qui a été adoptée dans ce cas-ci. Le comité voudrait peut-être savoir qu'une approche semblable sous-tend l'article 255 du Code criminel concernant l'infraction de conduite avec facultés affaiblies. Donc, il existe déjà un article qui s'appuie sur ce même modèle. L'infraction de conduite avec facultés affaiblies est assortie d'une peine particulière, mais si la conduite avec facultés affaiblies cause des lésions corporelles ou la mort, la peine infligée est plus sévère. Je dirais que l'approche adoptée ici est semblable.
    Et, bien entendu, il y a également le moyen de défense de l'excuse légitime. Peut-être pourriez-vous vous prononcer sur cet élément-là.
    Comme vos observations nous l'ont fait remarquer, la distinction entre l'amendement que propose le NPD, qui ne permettrait pas à l'accusé d'invoquer le moyen de défense de l'excuse légitime, et le projet de loi C-309 est justement la présence du moyen de défense de l'excuse légitime dans le projet de loi. Ayant lu les observations qui ont été faites lors de séances antérieures du comité, je crois savoir que certains exemples ont déjà été cités. Le fait de se couvrir le visage pour des raisons religieuses serait jugé constituer une excuse légitime, par exemple. Il pourrait aussi s'agir de raisons de santé ou d'autres raisons encore.
    Permettez-moi de vous expliquer le déroulement d'une affaire dans ce contexte: s'il est démontré que l'accusé portait un masque et le ministère public présente des preuves indiquant que ce dernier cherchait à dissimuler son identité, à ce moment-là l'accusé pourrait, lui aussi, apporter certaines preuves. Le fardeau de la preuve n'incombe pas à l'accusé. L'accusé peut se contenter de produire des preuves crédibles indiquant qu'il avait une raison légitime d'agir ainsi; à ce moment-là, il appartient désormais au ministère prouver que l'accusé n'avait pas d'excuse légitime en l'espèce.
    Je vous remercie.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Woodworth.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Si je me dois de prendre la parole ce matin, c'est malheureusement parce que mon nom a été mentionné à la dernière réunion par l'un des députés d'en face.
    Il existe une vieille pratique parmi les avocats qui veut que nous cherchons à « anonymiser » — si ce mot existe — les choses dans la mesure du possible. Nous revêtissons même des robes pour les affaires importantes. Si nous faisons cela, c'est parce que quand nous examinons des concepts juridiques devant un tribunal, ce qui compte, ce sont les questions de droit, la preuve et les principes, et non pas le nom et la personnalité des personnes concernées. Bien sûr, le Parlement n'est pas composé uniquement d'avocats, et ne fonctionne pas non plus selon les règles de politesse qui sont de mise dans un tribunal. Je vais malgré tout respecter la règle de politesse que suivent les avocats en évitant de mentionner le nom du député concerné.
    Je suis tout à fait prêt à accepter que l'on soit en désaccord avec mon interprétation juridique. Cela ne me dérange aucunement. Il est vrai que j'ai mentionné, en faisant mes observations, que la nouvelle loi exigerait que l'accusé ait porté un masque en vue de dissimuler son identité. Cependant, si je suis d'avis que le député d'en face a commis une erreur en qualifiant mes observations d'inexactes, c'est parce qu'il suppose que cela peut changer la donne et que la mention dans le projet de loi de l'intention de dissimuler son identité nous amène nécessairement à conclure qu'il ne s'agit pas d'une infraction d'intention générale.
    J'avoue que j'ai dû m'arrêter pour réfléchir de nouveau à la question, étant donné que mon initiation aux joies du droit pénal remontent à une quarantaine d'années. Mais je suis certain qu'à l'époque, on m'a enseigné un principe juridique de l'interprétation — et ce n'est qu'une interprétation — selon lequel on présume qu'une intention sous-tend les conséquences naturelles de l'acte commis.
    Hier soir, j'ai eu l'occasion de vérifier la chose auprès d'un juge qui m'est très proche, et je lui ai donc demandé s'il était au courant du renversement ou du rejet de ce principe par les tribunaux. Or ce juge m'a dit qu'il n'était au courant d'aucun cas de renversement de ce principe.
    Selon moi, par rapport à l'infraction de porter un masque que crée ce projet de loi, il existe la présomption selon laquelle les personnes qui portent un masque le font afin de dissimuler leur identité. Je ne prétends pas que cette présomption ne peut pas être réfutée. Mais il ne fait aucun doute que le fait de porter un masque suppose que l'intéressé souhaitait dissimuler son identité, à moins que la présomption ne soit réfutée.
    Pour moi le problème des députés d'en face réside en partie dans le fait qu'ils peuvent ne pas être au courant d'une autre vieille leçon du cours d'introduction au droit pénal, qui établit une distinction entre l'intention et la motivation, ou entre l'intention et l'excuse. Les raisons qui peuvent motiver les gens à faire certaines choses ne correspondent pas nécessairement à leur intention. Ce qui rend un acte intentionnel est le fait qu'il n'est pas accidentel.
    Mon observation selon laquelle cette nouvelle infraction en est une d'intention générale, plutôt que d'intention spécifique, est donc parfaitement exacte, à mon avis. Pour qu'un accusé soit condamné pour cette nouvelle infraction, il suffit qu'on prouve son intention de porter un masque et de le garder en participant à une émeute ou à un attroupement illégal. À vrai dire, je considère qu'il s'agit là d'une intention beaucoup moins coupable que celle qui serait exigée aux termes du paragraphe 351(2), où il s'agit d'une intention véritablement coupable, étant donné que l'individu qui porte un déguisement prévoit réellement de commettre un acte criminel. Aux termes de cette nouvelle loi, une telle planification ou préméditation n'est pas exigée.

  (1120)  

    En réalité, une personne pourrait éventuellement être condamnée parce qu'elle a commis la bêtise de négliger d'enlever son masque lors de sa participation à une émeute ou un attroupement illégal. C'est pour cela que je serais beaucoup plus heureux que la peine prévue pour cette infraction soit moins sévère que celle inscrite à l'article 351, étant donné la différence de culpabilité exigée.
    Pour le dire autrement et en termes plus modernes, par rapport à ceux qui s'utilisaient pendant ma première année d'études de droit, il y a 40 ans, il n'est pas nécessaire, relativement à cette nouvelle infraction, de prouver l'existence d'un lien entre l'intention de mettre un masque et l'intention de commettre un autre acte criminel. Une personne qui a l'intention de mettre un masque ou de le garder n'a pas nécessairement l'intention de participer à une émeute ou à un attroupement illégal. Aucun lien entre les deux intentions n'est à prouver.
    Le seul lien qu'il faut prouver, relativement à cette infraction, en est un de circonstance — c'est-à-dire, d'heure et de lieu. L'accusé doit avoir porté le masque au moment de participer à l'émeute ou à l'attroupement illégal. Par contre, la disposition qu'on retrouve à l'article 351 exige la présence d'un lien beaucoup plus clair entre l'intention de porter le déguisement et celle de commettre un acte criminel, me semble-t-il.
    Voici un élément intéressant, monsieur le président. Le fait que le NPD, l'opposition officielle, ait proposé cet amendement en vue d'y inclure une infraction d'intention spécifique révèle que tous leurs arguments voulant qu'une intention spécifique devait nécessairement sous-tendre l'infraction n'était pas vraiment des arguments sérieux. Si les députés néo-démocrates soutenaient avec sérieux tout à l'heure que l'infraction que propose M. Richards suppose la présence d'une intention spécifique, ils n'auraient pas ressenti le besoin de proposer un amendement pour y ajouter la mention d'une intention spécifique. En d'autres termes, s'ils croient vraiment que le projet de loi de M. Richards exige la présence d'une intention spécifique, leur amendement, qui est censé y introduire la notion d'intention spécifique, est totalement redondant, superflu et fallacieux.
    Vous pouvez choisir le terme qui vous convient le mieux. D'une façon ou d'une autre, cet amendement ne me plaît pas, et je vais donc m'y opposer.
    Je vous remercie.

  (1125)  

    Madame Boivin, vous avez la parole.

[Français]

    Notre collègue a peut-être mal compris ce qui sous-tend l'amendement. Il est clair qu'il faut plus que ce qu'il semble penser, même dans le projet de loi C-309. Depuis le début, notre argument principal est que l'infraction relative à l'émeute existe déjà. Monsieur le président, l'article 351 du Code criminel existera encore après l'adoption de ce projet de loi.
    Depuis le début, je vous ai fait part de mon inquiétude. Je redoute qu'en utilisant une terminologie différente, on pourrait créer des problèmes d'interprétation lorsqu'on arrivera avec l'acte d'accusation devant le tribunal. L'avocat de la défense se lèvera et dira qu'il ne comprend pas pourquoi son client est accusé. En effet, il s'agit d'une infraction spécifique, à savoir celle de participer à une émeute en portant un masque ou un autre déguisement dans le but de dissimuler son identité. Il faut retourner à l'objectif qui était visé par M. Richards lorsqu'il a présenté son projet de loi.
    Nous avons tenté de garder la même terminologie. Fondamentalement, nous sommes d'accord avec le gouvernement quand il s'agit de truands, d'imbéciles et de criminels qui participent à des manifestations qui sont, autrement, paisibles et légales. Les gens vont faire valoir leur point de vue, ce qui en soi n'est pas illégal au Canada grâce à la Charte canadienne des droits et libertés et du droit à la liberté d'expression de se rassembler et de s'exprimer. On voulait s'assurer qu'on soit en mesure d'avoir pour ces gens une infraction précise.
    Voyons quel était l'objectif initial du projet de loi. On voulait faire une infraction du fait de porter un masque ou un autre déguisement dans le but de dissimuler son identité lors de la participation à une émeute ou à un attroupement illégal. On peut tenter de faire de la grande sémantique sur les intentions spécifiques, mais un fait demeure. J'ai bien entendu ce que la dame du ministère de la Justice a souligné. Elle nous a expliqué les différences entre l'un et l'autre. Je ne pense pas qu'elle me contredira à ce sujet, mais la Couronne devra démontrer que la personne a participé à une émeute. Participer à une émeute ne signifie pas simplement qu'on a les deux pieds à l'intérieur de l'émeute. Il faut enlever cela de la tête des gens parce que des éléments peuvent survenir.
    Après cela, on dit que la personne se lèvera pour dire qu'elle avait une excuse légitime. Même le projet de loi indique que c'est dans le but de dissimuler son identité. Ce ne sera pas à l'accusé de faire la preuve qu'il a fait cela dans le but de dissimuler son identité. Il faudra que la Couronne prouve cela également. Imaginez que quelqu'un participe à une manifestation contre un leader politique, peu importe lequel, faites votre choix. Cette personne serait bien intentionnée et beaucoup de personnes auraient le masque de ce leader politique lui recouvrant le visage. Toutefois, par la suite, la manifestation tournerait à l'émeute. Cette personne n'aurait pas du tout l'intention de participer à une émeute de quelque façon que ce soit et, quand elle porterait son masque, elle ne le porterait pas pour dissimuler son identité, mais le porterait pour exprimer une opinion.
    Il y avait des problèmes de clarté à ce sujet. L'amendement a pour but, je le répète, de garder la même terminologie, soit celle qui correspond à la façon dont les tribunaux sont habitués d'interpréter l'article 351. Il a pour but de s'assurer que ce qu'on fait est de créer une infraction additionnelle. C'est ce que je comprends. Nous sommes favorables à créer une infraction additionnelle, soit celle de porter un masque dans le but de participer à une émeute et à un attroupement illégal. On aurait alors deux chefs d'accusation additionnels qui seraient à la disposition des policiers. Le NPD n'a pas d'objection à cela, en autant qu'on le rédige correctement et en autant qu'on respecte les droits fondamentaux des gens. C'est une question de lecture et de formulation du libellé.
     Je veux revenir sur certaines déclarations que mon collègue M. Goguen a faites relativement aux événements de Montréal. Il est évident— si vous avez regardé votre téléviseur ce matin, ce qui passe présentement n'est pas plus beau — que personne ici n'accepte ce genre de comportement criminel et déficient qui ne doit pas être toléré dans une société libre et démocratique comme la nôtre.

  (1130)  

    Malheureusement, comme le disaient même le ministre de la Sécurité publique du Québec, le ministre de la Justice et le ministre des Transports, ces petits criminels qui lancent des bombes fumigènes dans le métro de Montréal profitent du contexte d'une cause pour tenter d'imposer leur vision anarchique de la situation. C'est avant tout ce qu'il faut viser et essayer d'enrayer.
    On déplore ce qui se passe à Montréal et, bien sûr, on sympathise avec les gens qui sont touchés par cette situation. Par contre, comment peut-on, dans le respect de nos lois et de ce qu'est le Canada, arriver au résultat recherché? Je ne pense pas qu'un projet de loi à lui seul, y compris le projet de loi C-309 — tel quel ou modifié par nos amendements — , va réussir à empêcher ce genre d'attitude.
    L'idée derrière le projet de loi est de faire en sorte que les gens désireux de s'exprimer aient peur de le faire, et ça nous inquiète. Je tiens à le répéter. On parle d'un moyen de dissuasion. Or, face aux criminels, je crois que c'est à cela que devrait servir une loi. Une personne qui commet un meurtre, par exemple, est passible d'une peine donnée. C'est ce qui forme la base de notre Code criminel. Il indique aux gens ce qui va leur arriver s'ils commettent tel ou tel acte. C'est à cela qu'un Code criminel doit servir et non à empêcher des innocents de poser des geste légaux.
    Est-ce que ce projet de loi a été rédigé dans l'espoir non avoué qu'il serve aux bons citoyens, à ceux pour qui le Parti conservateur a tellement de respect qu'il a retiré les recours pour propos haineux, en vertu de la Charte des droits et libertés, pour favoriser la liberté d'expression? Ceux qui ont de bonnes raisons de manifester, qui le font correctement, qui s'expriment avec un masque, de la peinture et peut-être même un déguisement de quelque sorte, risquent de tellement craindre d'être pris dans ce genre de situation qu'ils vont cesser de s'exprimer. C'est mon inquiétude, et je crois que les gens de ce côté-ci la partagent. J'aurais souhaité que ce soit également le cas de l'autre côté.
    Pour empêcher les gens de commettre des actes criminels, il faudrait prendre des mesures adéquates plutôt que de punir des innocents. Vous allez me dire que c'est peut-être justifié dans une société libre et démocratique. Comme dans la ville de Montréal, on pourrait inclure dans la réglementation l'interdiction du port de masques. Je ne veux pas dire à une municipalité ce qu'elle doit ou ne doit pas faire. Par contre, comme juriste, je me pose des questions. Je pense que cela avait déjà été proposé, mais que ce fut renversé par les tribunaux parce que c'était une limite beaucoup trop générale qui ne se justifiait pas.
    Les gestes de violence dont on est témoins depuis quelque temps de façon un peu plus concentrée justifient-ils qu'on enfreigne le droit à la liberté d'expression? On verra. Pour ma part, je ne pense pas qu'on en soit rendus là. Des témoins nous ont dit que lors de Jeux Olympiques et d'autres grandes manifestations, les choses s'étaient très bien passées parce que la communication était présente. Les gens qui organisaient ces manifestations disposaient de leur propre personnel de sécurité parce qu'ils voulaient s'assurer que leur cause ne serait pas kidnappée par des criminels, des individus auxquels on ne veut pas accorder une once de sympathie.
    À notre avis, la façon dont le projet de loi est rédigé crée des problèmes à un point tel qu'au sujet des articles 65 et 66, il y a autant d'opinions concernant leur signification qu'il y a de personnes autour de la table.

  (1135)  

    Alors, imaginez-vous si vous vous retrouvez devant la cour avec un avocat de la défense intelligent qui commencera à soulever toutes ces interrogations sur l'intention précise. On pourrait reprendre le discours que j'ai trouvé absolument brillant de mon collègue de l'autre côté, M. Woodworth, en se demandant si l'intention est précise ou non, et ainsi de suite. Imaginez-vous le genre de débat auquel cela donnerait lieu.
    En cas de doute, qu'arrive-t-il? L'accusé est toujours acquitté. Si c'est ce qu'on vise, prenons un libellé qui ne se tient pas, qui peut porter à confusion et qui fait en sorte de ne pas atteindre l'objectif que l'on recherche. Dans le cas contraire, prenons plutôt une disposition qui a déjà fait ses preuves. Cette disposition est peut-être difficile d'accès, mais elle aurait un effet de dissuasion chez les gens. Ils sauraient que s'ils participent à une émeute, non seulement seront-ils passibles d'une peine donnée, mais que s'ils y participent en ayant le visage couvert d'un masque ou enduit de couleur, ou s'ils sont autrement déguisés, ils seront coupables d'un acte criminel.
    C'est la création directe d'une infraction additionnelle à l'infraction actuelle de participer à une émeute, ce qui est passible d'une sanction. Si cette disposition est bien écrite et que l'auteur de l'infraction est passible de cinq ou de dix ans d'emprisonnement, cela peut être sensé. Quand une disposition est floue et porte à interprétation ou à confusion, c'est un problème. À un moment donné, l'accusé va se lever et dire qu'il n'avait absolument pas cette intention. C'est le cas même si ça prenait une preuve d'intention et que la Couronne en fait la preuve. Le fait qu'une personne n'ait jamais enlevé son masque en participant à une émeute ou qu'elle était en train de faire de la casse, tout ça est déjà utilisé comme éléments aggravants par les tribunaux pour imposer leur peine. Maintenant, cela devient une infraction dans son sens strict et direct vis-à-vis de l'infraction reprochée. À mon avis, cela respecte tous les critères et évite beaucoup de discussions additionnelles. C'est une infraction sérieuse qui serait punie sévèrement par des peines maximales prévues. C'était l'objectif visé. Il ne s'agit pas ici de jouer au fin finaud, mais de trouver des formulations au libellé du Code criminel qui ont déjà fait leurs preuves.
    Je comprends le point soulevé par Mme Morency, qui nous parlait de l'article 255. Je peux concevoir qu'on puisse avoir ce genre de libellé dans le Code criminel, mais compte tenu de l'objectif principal de M. Richards, qui est venu nous le présenter et par rapport à ce qu'on vise, ce n'est pas tant de ramener l'excuse légitime autant que de créer une infraction à part entière pour punir ce genre de comportement illégal et criminel. On parle de la participation à une émeute et de se cacher dans l'optique de participer à une émeute et non d'aller s'exprimer purement et simplement. Ne mettons plus l'accent sur l'excuse légitime, mais concentrons-nous sur ce qu'on vise réellement à faire, c'est-à-dire de créer une deuxième infraction pour l'émeute et l'attroupement illégal.

[Traduction]

    Merci, madame Boivin.
    Madame Morency, votre nom a été mentionné à deux reprises pendant cette intervention. Peut-être aimeriez-vous réagir?
    En ce qui me concerne, les observations en question ne remettaient aucunement en question les explications que j'ai fournies au comité. Je suis là pour vous aider, dans la mesure du possible, en vous donnant d'autres explications, s'il y a lieu.
    C'est très bien.
    Monsieur Scott, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'apprécie votre présence aujourd'hui, madame Morency. Quand nous avons affaire à des projets de loi d'initiative parlementaire, l'un des plus gros problèmes que nous rencontrons est le fait de ne pas savoir dans quelle mesure ils ont été bien analysés d'un point de vue juridique, et la possibilité d'avoir accès à un avocat-conseil, même comme témoin, beaucoup plus tôt, dès lors qu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, nous serait grandement utile. Je suis donc très content que vous soyez là maintenant.
     Deuxièmement, et je vais peut-être continuer à faire ceci à l'égard du député d'en face, M. Woodworth — il est souvent nécessaire, pour que le compte rendu soit clair relativement à un argument ou une série d'arguments présentés succinctement, de nommer une personne et de revenir sur les propos de M. Woodworth, en l'occurrence, pour que les gens sachent où retrouver ces arguments dans le hansard.
    Nous ne sommes pas dans un tribunal où, comme pourrait nous le rappeler dignement le député d'en face ou d'autres avocats, il est évident de qui vous parler — ce serait même le cas à la Chambre. Comme vous l'admettez vous-même, ce n'est pas un tribunal, et ainsi je préfère que les arguments qui sont avancés soient rattachés aux personnes qui les ont fait valoir, au lieu de rester anonymes. Vous pouvez m'appeler M. Scott ou Craig, ou ce que vous voudrez. Vous pouvez me nommer autant de fois que vous voudrez.
    Troisièmement, je ne veux pas me livrer à des comparaisons pour savoir qui se souvient le mieux du contenu de son cours d'introduction au droit pénal. J'ai suivi le mien plus récemment, mais ma mémoire est peut-être pire que la vôtre, si bien que tout cela s'équivaut.
    Enfin, lorsqu'on conclut, en fonction de la foi qu'on ajoute à sa propre analyse juridique et sa propre logique, que la partie adverse est fourbe, eh bien, cette conclusion ne tient debout que si votre logique est solide. Dans la mesure où vous vous trompez, vous demandez aux gens de vous faire entièrement confiance, au fond, quand vous traitez les gens de fourbes.
    C'est tout ce que j'ai à dire.
    S'agissant de l'argument de M. Woodworth, qui soutient que la mention du désir de dissimuler son identité est superflue à certains égards, je dois dire que ce seul fait me préoccupe — c'est-à-dire la possibilité qu'on ait inscrit dans cette disposition quelque chose qui n'a pas besoin d'être là, puisqu'il s'agit d'une infraction d'intention générale, de sorte qu'on se trouve en présence d'une forte présomption d'intention de dissimuler son identité.
     Madame Morency, à votre avis, l'expression — et mon propos va peut-être entraîner encore plus de confusion — « to conceal their identity », notamment à la lumière de la version française, qui dit « dans le but de dissimuler son identité », revêt-elle une importance particulière dans cet article?

  (1140)  

    Encore une fois, pour en revenir à ce que je disais tout à l'heure, les dispositions que propose le projet de loi C-309 ne deviennent opérantes que si l'infraction d'avoir participer à une émeute ou à un attroupement illégal a déjà été prouvée.
    L'infraction est claire. La question est de savoir si, selon les faits en l'espèce, l'accusé portait un masque ou autre déguisement afin de dissimuler son identité; ainsi ce sont les faits en l'espèce qui vont déterminer le résultat. Le ministère public chercherait donc à apporter des preuves de l'intention de l'accusé. Le procureur aurait toujours à prouver que l'accusé portait le masque ou le déguisement dans le but de dissimuler son identité.
    Oui, dans le but de dissimuler son identité.
    L'accusé peut toujours, comme je le disais tout à l'heure… Il ne s'agit pas d'inverser le fardeau de la preuve, mais disons que l'accusé peut toujours chercher à obtenir ou à produire une preuve crédible quant à la raison pour laquelle il a porté un masque ou un déguisement. Il reste qu'il appartiendra toujours au ministère public de prouver, dans cette situation précise, que le port du masque ou du déguisement n'était pas motivé par une raison légitime.
    Ce n'est pas du tout une critique mais, dans un sens, vous établissez un lien direct entre la preuve de la dissimulation — c'est-à-dire la preuve de l'intention de dissimuler son identité — et la présence d'une excuse légitime. Voilà qui soulève une autre question au sujet de laquelle je voudrais obtenir des précisions; si je comprends bien, vous nous dites qu'il ne s'agirait pas simplement de prouver l'intention générale — en d'autres termes, le fait que l'accusé avait l'intention de porter un masque — mais qu'il faudrait également prouver que l'accusé avait l'intention de porter un masque dans le but de dissimuler son identité. C'est bien cela qu'il faudrait prouver, n'est-ce pas?
    C'est la conclusion qui découle d'une interprétation du libellé du projet de loi C-309 s'appuyant sur le bon sens.
    En effet. Et, en faisant intervenir le bon sens, on pourrait supposer que les termes qu'on retrouve dans le projet de loi ne servent à rien ou qu'ils sont superflus. Je vous remercie.
    Il y a néanmoins une distinction entre l'amendement et le projet de loi relativement à l'approche adoptée par rapport au port d'un masque ou d'un déguisement.
    Oui. Je cherchais simplement à démontrer que cette disposition, telle qu'elle est actuellement libellée donne lieu à une multitude de désaccords et de problèmes en matière d'interprétation. Le texte est loin d'être clair et net. Vous disiez que l'intention de dissimuler son identité et la notion d'excuse légitime pourraient être un peu floues en ce sens que, si vous avez une excuse légitime, cela veut peut-être dire que vous n'aviez pas l'intention de dissimuler votre identité. Est-ce que vous laissiez entendre que cela pourrait éventuellement correspondre à l'interaction entre ces deux articles?
    C'est exact. L'expression « sans excuse légitime » n'est pas exceptionnelle. Elle figure ailleurs au Code criminel. Les procureurs, les avocats de la défense et les tribunaux ont bien l'habitude d'interpréter cette expression dans le contexte de chaque affaire qu'ils ont à examiner.

  (1145)  

    Très bien. Ce qui nous inquiète, entre autres, vu notamment le genre de conduite dont il est question ici, est le fait qu'il appartiendrait aux policiers qui sont en première ligne d'interpréter cette disposition et de porter un jugement sur l'opportunité ou non de détenir une personne, et ce avant même que les procureurs aient pu prendre une décision, sans même parler de l'intervention du tribunal.
    Je trouve préoccupant que l'expression « sans excuse légitime » ne soit pas parfaitement claire dès le départ dans un contexte pareil. J'ai posé quelques questions au chef Graham concernant ce qui pourrait constituer une excuse légitime. Il a déclaré qu'il faudrait en parler avec un avocat, et je comprends bien sa réponse.
    En ce qui vous concerne, est-il entendu — si c'est le cas, tant mieux — que si une femme, par exemple, porte le voile ou une personne porte un bandage pour des raisons médicales — deux exemples cités par M. Richards — et que l'activité se transforme en émeute ou en attroupement illégal, il s'agirait dans les deux cas d'une excuse légitime qui autoriserait l'intéressée à continuer à le porter?
    Encore une fois, je vous ramène au point de départ, qui est que l'accusé…
    … participe.
    … a été trouvé coupable de l'infraction concernée. Si l'accusé a également porté un masque en plus de dissimuler son identité, c'est là qu'intervient l'autre élément. Mais on ne peut pas sauter la première étape.
    Très bien. Donc, si une personne participe à une émeute… Très bien. à mon avis, vous avez tout à fait raison.
    Ainsi, si vous participez à une émeute, de la manière prévue par la loi — et j'y reviendrai dans une seconde — c'est-à-dire en ayant l'intention de participer à l'émeute, par opposition à une situation où vous vous trouveriez par hasard au milieu d'une émeute, vous seriez en réalité tenu d'enlever votre masque si vous ne vouliez pas faire l'objet d'accusations au criminel?
    Non, parce que si vous avez une excuse légitime…
    C'est justement ça ma question.
    … vous le porteriez pour cette raison-là.
    Oui, c'est vrai, mais est-ce qu'on peut aller plus loin et supposer que, si la personne participe à une émeute et porte le voile, elle serait tenue d'enlever le voile pour ne pas faire l'objet — du moins de façon théorique, selon le droit pénal — d'une accusation relative à cette infraction supplémentaire?
    En cherchant à aider le comité, je dois nécessairement m'appuyer sur le texte de la disposition proposée, à savoir « en portant un masque ou autre déguisement dans le but de dissimuler son identité ». Tous ces éléments sont pertinents. Selon l'exemple que je vous ai déjà donné, si une personne porte le voile pour des raisons religieuses, elle a une excuse légitime.
    Oui, tout à fait.
    Cette personne ne cherche pas à dissimuler son identité; elle est motivée par des principes religieux.
    Très bien. Dans votre réponse, vous m'avez grandement aidé en insistant sur l'expression « dans le but de dissimuler son identité », et j'en prends bonne note. Votre explication m'indique que cette expression pourrait être bien utile. Merci.
    S'agissant du contexte d'une manifestation pacifique, M. Goguen a bien fait de nous rappeler, me semble-t-il, que la police — et nos témoins ont bien insisté là-dessus — considère que son rôle consiste à améliorer l'exercice du droit constitutionnel de participer à une réunion pacifique, et surtout à protéger l'espace public pour ceux qui veulent manifester de manière pacifique. J'en ai d'ailleurs déjà parlé. Un témoin a même cité l'exemple de familles qui veulent savoir qu'elles peuvent manifester en toute sécurité.
    Dans ce contexte, la question des masques d'un certain type que peuvent porter les gens ne se pose pas, n'est-ce pas? Beaucoup d'exemples ont été donnés de gens qui décident de porter un masque pour des raisons d'expression personnelle. Pour ma part, je voudrais soulever la question de la motivation qui peut sous-tendre l'anonymat et son lien éventuel avec la dissimulation de l'identité. Si une personne — un membre d'une diaspora particulière, par exemple — porte un masque de peur que les agents d'un État étranger photographient les participants à une manifestation, ou si d'autres personnes, pour des raisons justifiées ou injustifiées, craignent que les services de leur propre État décident de les photographier, à l'occasion de manifestations pacifiques, alors qu'elles préfèrent rester anonymes, ou si quelqu'un pense que certains employeurs pourraient regarder des vidéos tournés lors de manifestations afin de voir si leurs employés y ont participé, le fait est que toutes ces raisons justifient l'anonymat.
    Je ne crois pas que cette situation pose problème dans le contexte d'une manifestation pacifique. Mais, est-ce qu'il arrive un moment — encore une fois, vous avez mentionné la condition de base que reflète l'expression « après avoir commis une infraction » — ou, si vous participez à un attroupement illégal ou une émeute, de sorte que l'anonymat ne soit plus jugé constituer une excuse légitime, si bien que, si vous vous trouvez au milieu d'une émeute, vous seriez obligé d'enlever votre masque, à supposer que vous soyez motivé par le simple désir de rester anonyme?

  (1150)  

    Êtes-vous en train de me demander d'émettre une hypothèse quant à la façon dont un tribunal pourrait interpréter la situation dans un cas particulier?
    Je cherche à savoir comment la police pourrait le faire, avant même qu'on en arrive au tribunal.
    Dans une telle situation, ou dans toute autre situation, la police doit normalement faire intervenir son jugement et son expertise en analysant les faits qui se présentent. Le comité a déjà reçu énormément de témoignages de la part d'agents de police concernant leur expérience dans ce domaine et la façon dont ils exercent leur pouvoir discrétionnaire dans une telle situation.
    Tout ce que je peux dire aux membres du comité, c'est que l'expression « sans excuse légitime » est connue de tous les intervenants du système de justice pénale et, si jamais l'affaire était portée devant un tribunal, ce dernier examinerait l'ensemble des faits et des circonstances avant de rendre un jugement. L'accusé qui a commis l'infraction de participer à une émeute ou un attroupement illégal avait-il une excuse légitime qui l'autorisait à continuer à porter son déguisement dans le but de dissimuler son identité? Tous ces éléments seraient devant le tribunal.
     Tout ce que je peux vous dire, comme je l'ai déjà indiqué, c'est que, quand des représentants de la police ont comparu devant le comité, ils ont fait savoir, me semble-t-il, qu'ils sont assez souvent obligés d'exercer leurs pouvoirs discrétionnaires dans des situations de ce genre. Si j'ai bien compris l'objet du projet de loi C-309, par rapport à ce que prévoit la loi actuelle, il s'agit ici de viser une situation qui ne peut plus être qualifiée de réunion légale, mais qui s'est plutôt transformée en émeute ou en attroupement illégal. Selon moi, tous ces facteurs devraient être pris en compte par la police.
    C'est bien utile. Je vous remercie.
    J'ai une dernière question à poser. Je me permets tout d'abord d'insister sur le fait que notre amendement exige la présence d'une intention spécifique, c'est-à-dire, l'intention de commettre une infraction qui, elle-même, suppose la présence d'une intention quelconque. Mais je ne suis pas sûr de comprendre l'interaction des deux d'une manière qui démontrerait clairement l'intention spécifique; quoi qu'il en soit, je vais laisser ça de côté pour le moment et vous demander ceci. Je me trompe peut-être, mais je crois savoir que les tribunaux ont incorporé au moins certains éléments de subjectivité dans leur appréciation de l'infraction de participer à une émeute ou un attroupement illégal; autrement dit, ce n'est pas le simple fait d'être pris dans l'un ou l'autre contexte qui en fait un acte criminel. C'est bien cela?
    Je vous pose la question parce que cet aspect pourrait se révéler extrêmement important si ce projet de loi est adopté. Il s'agit de s'assurer que le projet de loi précise que la condition préalable est l'intention de participer à une émeute ou à un attroupement illégal. Savez-vous si certains éléments liés à l'intention sont déjà pris en compte par rapport à ces infractions-là?
    Il me semble que le comité a déjà reçu des témoignages concernant l'effet des infractions actuelles concernant les émeutes et les attroupements illégaux. Donc, le projet de loi C-309 ne change aucunement les facteurs liés à ces infractions-là.
    Exactement.
     Le projet de loi C-309 ne change aucunement les éléments de preuve qu'il faut produire dans l'un ou l'autre cas.
    Par contre, il existe, évidemment, une distinction entre ce qu'il faut démontrer pour l'une ou l'autre infraction. L'infraction de l'attroupement illégal à l'article 66 est une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité; il s'agit donc d'une infraction de niveau inférieur. Vous devez tout de même prouver que toutes les conditions rattachées à l'infraction sont réunies avant d'obtenir une déclaration de culpabilité, y compris la présence d'un rassemblement de trois personnes ou plus, etc. Mais il est également possible qu'une personne soit déclarée coupable de cette infraction si toutes ces conditions-là sont remplies et que l'intéressé, étant conscient de la situation, a choisi d'accepter passivement la situation; il existe de la jurisprudence sur ce point.
     Il importe que le comité se rappelle que le projet de loi C-309 ne change aucunement l'application fondamentale de l'une ou l'autre infraction. Il concerne plutôt la peine à infliger à une personne qui a commis l'une des infractions en portant un masque dans le but de dissimuler son identité sans excuse légitime.
    Très bien. Je vous remercie.
     Vous avez tiré au clair l'élément subjectif de la question, c'est-à-dire le fait de savoir qu'une activité s'est transformée en émeute ou en attroupement illégal et de décider de rester quand même; voilà qui serait un résumé très approximatif de l'intentionnalité et de la dimension mens rea.

  (1155)  

    C'est-à-dire qu'il existe un élément à la fois objectif et subjectif.
    Bien entendu. Et cela, c'est l'élément subjectif.
    Oui.
     Si, sachant que tous ces facteurs sont réunis et trois personnes ou plusieurs personnes s'assemblent dans l'intention d'atteindre un but commun — qui est évalué de manière objective — alors que les activités deviennent tumultueuses et certains décident de rester pour l'une ou l'autre raison et ils sont trouvés coupables de l'infraction… Le projet de loi C-309 ne change rien à tout cela.
    Très bien. Merci. C'était très utile. Cela clarifie les choses de sorte que nous soyons tous sur la même longueur d'onde. Je pense sincèrement que nous avions déjà la bonne interprétation, mais certains témoignages semblaient laisser entendre que le simple fait objectif d'être présent lors d'un attroupement illégal ou une émeute pourrait justifier que vous fassiez l'objet d'une accusation aux termes de cette infraction sur le port d'un masque.
    Merci infiniment.
    Je n'ai plus de questions.
    Merci.
    Monsieur Côté, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Quand je fais face à un problème difficile à cerner, j'essaie de faire appel au gros bon sens et, surtout, à des images très fortes pour l'illustrer. C'est mon bagage de croyant. J'essaie toujours de suivre l'exemple du Christ. Souvenons-nous que, dans les Évangiles, il se servait de paraboles pour dénoncer des situations sociales totalement inacceptables pour les rendre compréhensibles aux gens qui l'écoutaient.
    Dans mon autre vie, j'ai travaillé 12 ans pour Ameublements Tanguay. J'y ai connu énormément de personnes. Ce fut une belle école de vie. En écoutant ma collègue Françoise, je me suis rappelé une très bonne rencontre que j'y ai faite. Un agent de sécurité, qui suivait une formation très poussée pour devenir consultant en sécurité pour ne pas être un simple vendeur de babioles de systèmes de sécurité, élaborait un concept intégré de sécurité en prenant en compte à la fois des moyens et une configuration. Il voyait avec son client à quoi cela pouvait ressembler. Cet homme, qui travaillait aussi chez Ameublements Tanguay, me montrait la clôture Frost ceinturant la cour de transbordement de l'entrepôt qui était couronnée de barbelés. Il me disait que c'était un moyen pour empêcher les honnêtes gens d'entrer par inadvertance sur une propriété privée.
    Cet exemple, qui paraît un peu absurde de prime abord, était une image très forte. La difficulté principale, quand on parle de sécurité publique et de la sécurité des gens, c'est que les moyens utilisés pour empêcher qu'un crime soit commis soient équilibrés. C'est un but parfaitement légitime, qui est aussi celui de nos collègues d'en face. Il faut éviter les systèmes de sécurité très sophistiqués, massifs et brutaux qui restreignent beaucoup la liberté individuelle et collective. Les gens doivent pouvoir se déplacer, se réunir et s'exprimer sur la place publique.
    Mes collègues d'en face veulent rejeter l'amendement de ma collègue. Ils veulent se réfugier dans un faux sentiment de sécurité en érigeant une clôture Frost qui va limiter passablement la liberté d'expression des honnêtes gens et la liberté légitime de rassemblement et d'expression sur la place publique. C'est très décevant.
    Je vais inverser ce qu'on pourrait appeler le fardeau de la preuve. Personne, parmi mes collègues qui se sont exprimés ce matin et les témoins qu'on a entendus lors des jours précédents — je dis bien personne —, n'a réussi à assurer les membres de ce comité que les honnêtes gens présents lors d'une manifestation qui, malheureusement, dégénère en émeute, ou qui se retrouvent pris involontairement dans un attroupement illégal, ne seraient pas grandement lésés avec les dispositions du projet de loi C-309.
    Il ne manque malheureusement pas d'exemples très récents d'arrestations massives avec les instruments actuels du Code criminel. J'ai cité l'exemple des 49 arrestations autour du Cégep de Limoilou, dans Beauport-Limoilou, pour un rassemblement de trois personnes. C'est un ratio terriblement élevé d'arrestations pour un rassemblement qui se voulait pacifique, où des moyens démesurés semblent avoir été utilisés. Je ne présumerai pas des résultats des futures convocations à la cour. Il y a énormément de personnes qui ont été arrêtées, dont un étudiant totalement opposé au mouvement de grève qui est contraint de contester une amende d'environ 500 $. J'ai aussi rappelé à ce comité les attroupements, en fait tous les événements malheureux entourant le sommet du G20 à Toronto.

  (1200)  

     Je ne tenais pas à m'épancher longuement sur le sujet et à en faire une démonstration. Je crois en effet que mes exemples étaient assez éloquents.
    Malheureusement, le projet de loi, dans sa forme actuelle, risque bien davantage de léser des personnes honnêtes que de permettre à nos corps policiers d'empêcher légitimement la perpétration de crimes lors d'attroupements illégaux ou d'émeutes. Ce qui est vraiment malheureux, c'est qu'on est en train de créer tout un espace public qui va être de plus en plus un parcours de combattants, un espace qui sera très difficile d'accès pour les gens qui ne demandent qu'à exprimer leurs opinions, à se rassembler librement et à vivre leur vie de citoyen en toute légitimité. C'est très inquiétant. Je termine là-dessus.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    La parole est à M. Jacob.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Pour ma part, je suis favorable à ce que propose l'amendement. Personne ne veut que des infractions soient commises et que des actes criminels soient perpétrés. Me Champ a dit dans le cadre de son témoignage que le projet de loi C-309 limiterait le droit à la liberté d'expression, à la vie privée, à la présomption d'innocence et à la liberté d'association. Il y a eu plusieurs contestations en vertu de la Charte concernant des projets de loi similaires.
    Je veux simplement préciser que mardi dernier, le professeur Stribopoulos a indiqué qu'il y avait une confusion entre les articles 309 et 351. Il a dit également que cela alourdirait l'appareil judiciaire. Dans un souci de concordance en matière de principes d'interprétation du droit et afin de rendre les choses plus précises — dans le libellé non modifié, la portée de ces principes est en effet trop vaste —, j'appuie l'amendement que Françoise a proposé ce matin.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci.
    Puisqu'il n'y a plus d'interventions, je vais mettre la question aux voix.
    L'amendement NPD-1 est-il adopté?
    Pourriez-vous faire un vote par appel nominal, monsieur le président?
    Nous allons faire l'appel nominal.
    (L'amendement est rejeté par six voix contre cinq.)
    Le président: Nous passons maintenant à l'amendement du gouvernement, qui modifie l'article 2.

  (1205)  

[Français]

    L'amendement se lit comme suit:
Que le projet de loi C-309, à l'article 2, soit modifié par substitution, à la ligne 15, page 1, de ce qui suit:

maximal de dix ans.

[Traduction]

    Nous proposons que le projet de loi C-309, à l'article 2, soit modifié par substitution, à la ligne 15, page 1, de ce qui suit:

maximal de 10 ans
    Monsieur le président, le projet de loi C-309 prévoit une peine maximale de cinq ans pour l'infraction consistant à participer à une émeute en portant un masque dans le but de dissimuler son identité sans excuse légitime. L'objet de cet amendement est de s'assurer que la peine prévue pour cette nouvelle infraction cadrera avec celle prévue pour une disposition actuelle du Code criminel portant sur des agissements semblables qui se trouvent au paragraphe 351(2).
    Le paragraphe 351(2) du Code criminel est une disposition d'application générale qui crée une infraction punissable par mise en accusation et passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans pour quiconque porte un masque ou un autre déguisement en ayant l'intention de commettre un acte criminel. La participation à une émeute constitue un acte criminel, si bien qu'un accusé trouvé coupable d'avoir porté un masque en participant à une émeute, conformément au paragraphe 351(2) du code, est passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans.
    Nous proposons donc de faire passer la durée de la peine d'emprisonnement de cinq à 10 ans pour que ce soit conforme au paragraphe 351(2).
    Il existe deux nouvelles infractions. En faisant passer l'emprisonnement maximal à 10 ans au projet de paragraphe 65(2) du Code, l'amendement permet d'éviter de créer des peines différentes pour des activités semblables. Même si la participation à un attroupement illégal précède la participation à une émeute et constitue en conséquence une infraction moins grave, la peine que prévoit le projet de loi C-10 pour les deux nouvelles infractions, par suite de la mise en accusation est de cinq ans. Ainsi, en relevant la peine maximale à 10 ans au paragraphe 65(2), l'amendement améliore le projet de loi en établissant que la participation à une émeute en portant un masque afin de dissimuler son identité est un crime plus grave que le fait de porter un masque pour dissimuler son identité dans le contexte d'un attroupement illégal.
    Merci.
    Madame Boivin.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je n'ai pas grand-chose à dire au sujet de cet amendement. En fait, je trouve un peu particulière la logique inhérente à cela. D'une part, mon collègue nous dit qu'une infraction similaire existe déjà, ce que je me suis épuisée à dire pendant toute les audiences au sujet ce projet de loi. Toutefois, il reste qu'on s'entend enfin sur quelque chose. Par contre, on ne peut pas parler d'infraction similaire. Une experte du ministère de la Justice nous a dit qu'il y avait des distinctions relativement à l'intention. En outre, on a entendu tous les propos de la partie gouvernementale à ce sujet.
    Avec le projet de loi C-309, on est en train de créer un flou juridique absolument incroyable. À mon avis, ce projet de loi va malheureusement générer plus de problèmes que de solutions par rapport à ce que nous voulons tous faire, et ce, pour les motifs que j'ai déjà décrits de long en large en partie mardi et en partie ce matin. On tente d'imposer 10 ans sous prétexte que ce sont des infractions similaires.
    Au moins, il faudrait éviter que la Couronne ait à déterminer selon quel acte d'accusation procéder ou s'il est pertinent de se fonder sur le paragraphe 351(2) ou le paragraphe 65(2) à cause de la différence des sentences. En ce qui me concerne, je trouvais que c'était plus similaire. Cependant, je prends bonne note du fait que mon collègue, M. Goguen, considère ces deux infractions très similaires.
     Malheureusement, à cause de la façon dont l'article 65 est rédigé, le fait d'imposer 10 ans ne semble pas nécessairement rendre justice aux objectifs qu'on veut atteindre à cet égard.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Côté.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    C'est vraiment dommage, après le rejet de notre amendement, de voir qu'on se trouve pris avec cet amendement qui va selon moi imposer une peine et surtout créer une illusion de sécurité tout à fait évidente. L'idée d'imposer des peines lourdes comme effet dissuasif prête à débat depuis très longtemps.
    J'ai eu l'occasion, justement, de feuilleter une étude qui s'appelle « Punir ou réhabiliter les contrevenants? Du Nothing works au What works (Montée, déclin et retour de l'idéal de réhabilitation », qui a été écrite par M. Pierre Lalande, qui est agent de recherche aux Services correctionnels du Québec, au ministère de la Sécurité publique. Cette étude démontrait, premièrement, que quand on parle de la punition ou de la réhabilitation, c'est un sujet complexe et non seulement très difficile à appréhender, mais qui fait en sorte qu'il est difficile d'arriver à une position simple, à des conclusions simples. Les conclusions qu'on peut tirer sont aussi complexes que la réalité humaine, en fin de compte. Par contre, il mettait en évidence le fait que certains grands penseurs, comme Robert Martinson et Pierre Landreville, une sommité en matière de criminologie et d'étude des politiques et des pratiques pénales, croient que ce qu'on pourrait appeler l'école québécoise ou les moyens utilisés au Québec pour punir et faire cheminer et réhabiliter les criminels a mené à des résultats vraiment probants. Ça vaut donc la peine, au moins, de ne pas négliger cette expertise accumulée et qui démontre, d'ailleurs, que la société québécoise est l'une de celles où la criminalité est parmi les plus faibles.
    Je suis toujours aussi étonné et c'est dommage. Malheureusement, notre amendement a été rejeté. Cela aurait peut-être pu orienter autrement mon intervention en rapport avec la peine maximale de 10 ans. Mais pour les mêmes arguments que j'ai évoqués précédemment, en fait à la séance précédente et encore dernièrement, concernant l'amendement qu'on avait présenté, on est en train, potentiellement, de condamner à des peines allant jusqu'à 10 ans de prison des gens qui, légitimement, ont été victimes de circonstances, des gens qui étaient présents pour exprimer leur opinion et qui n'avaient aucune intention criminelle. C'est vraiment déplorable.
    Ma collègue Françoise a évoqué plusieurs fois — et je l'ai fait aussi — la question de la dissuasion, la mise en parallèle par rapport aux moyens qu'on peut déployer et qu'on peut se donner, en dehors de moyens législatifs, pour contrer la criminalité.
    Quand on a entendu les témoignages de chefs de police, de gens qui avaient une expertise en matière de contrôle des foules qui peuvent dégénérer en émeutes incontrôlées, la question des moyens est revenue plusieurs fois.
    On peut parler aussi des méthodes policières. Il y a eu une évolution qui fait qu'on a maintenant des moyens beaucoup plus importants qu'autrefois, alors qu'on devait se contenter d'utiliser la matraque. On a des moyens qui sont à la fois plus doux, plus respectueux aussi de la présence malheureuse de gens qui sont là comme simples témoins ou comme participants n'ayant pas d'intentions criminelles. C'est déjà une bonne chose.
    Pour utiliser encore une image forte, sachez que quand on parle de moyens, on peut s'entendre sur le fait que sur notre réseau routier, quand on veut contrer la vitesse excessive, il y a des amendes qui sont quand même passablement salées. On peut toutefois se poser la question à savoir où se trouve l'aspect le plus dissuasif. Est-ce que ce sont les centaines de dollars et les points d'inaptitude auxquels s'expose le contrevenant ou la présence policière sur nos routes?
    Je vous donne un exemple. En me rendant au conseil général de la section Québec à Drummondville, j'ai été dépassé, sur l'autoroute 20, par le propriétaire d'une Volvo S70 récente, donc d'un véhicule assez coûteux, qui roulait à grande vitesse et qui a appuyé hypocritement les freins dès qu'il a vu deux voitures de la Sûreté du Québec. Je ne pense pas du tout que c'était à cause du montant de l'amende. À tout le moins, je présume que le montant de l'amende n'était probablement pas l'aspect le plus dissuasif, puisque que cette personne avait les moyens de posséder ce genre de voiture. L'aspect dissuasif était beaucoup plus le risque d'être arrêté par la police et d'être immobilisé durant de longues minutes, au point d'être impatienté.

  (1210)  

    Je reviens à l'exemple de la clôture Frost. Ce qui est malheureux, c'est qu'on va imposer à de nombreuses personnes qui n'auront pas eu de comportement criminel l'obligation de démontrer qu'elles portaient un masque de façon légitime. On va exposer des gens à des peines de prison pouvant être très lourdes, tout en n'ayant absolument pas l'assurance de contrer la criminalité dans une émeute ou un attroupement illégal. Une des conséquences malheureuses, c'est que nos corps policiers pourraient se retrouver avec un faux sentiment de sécurité d'avoir les moyens pour réprimer le crime. C'est la raison pour laquelle je vais voter contre cet amendement.
    J'en reviens à l'exemple de mon ami qui était présent à plusieurs manifestations. Quand il s'est rendu à Toronto, il m'a confié ses dernières volontés au cas où la situation dégénérerait. Comme je vous l'ai dit, il est très expérimenté. Il a participé à plusieurs manifestations de façon toujours pacifique afin de pouvoir s'exprimer dans un espace public, et en collaborant avec les corps policiers et les autorités pour éviter des débordements. Il m'a exprimé plusieurs fois sa frustration de voir des casseurs prendre en otage des manifestations tout à fait légitimes. Un des rôles que je suis très fier de jouer au sein de ce comité est de donner aux autorités les moyens d'éviter que cet ami s'expose à des lésions, voire d'être une victime innocente de ces casseurs, et que je doive appliquer ses dernières volontés.
    Il est vraiment dommage d'avoir heurté un mur avec mes collègues d'en face. On n'apporte vraiment pas de solutions. On va plutôt créer énormément de problèmes.
    Merci.

  (1215)  

[Traduction]

    Merci.
    Madame Sgro.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remplace M. Cotler ce matin et j'ai bien suivi la discussion.
    Je dois vous dire que, selon moi, ce projet de loi est tout simplement excessif. En même temps, je ne cautionne certainement pas le comportement de casseurs qui détruisent nos villes et causent des dommages massifs.
    Mais, en tant que législateurs, nous sommes toujours censés atteindre le juste équilibre. Le plus souvent il s'agit de jeunes gens qui descendent dans la rue pour exprimer leur opposition à quelque chose. Quelques-uns d'entre eux finissent pas s'adonner à des actes criminels, etc.
    Mais, vous savez, ils en sont à une étape particulière de leur vie; ils ont tendance à aller trop loin. Nous avons bien vu ce qui est arrivé à Vancouver.
    Mais, infliger une peine d'emprisonnement de 10 ans à quelqu'un parce qu'il a porté un masque, alors que la peine dont il serait normalement passible pour avoir participé à de telles activités serait sans doute bien moins sévère, est tout simplement excessif, selon moi.
    Je ne suis pas surprise parce que cela cadre parfaitement avec le programme du gouvernement actuel. Pour ma part, je préfère m'assurer que les gens qui décident de participer à de telles activités savent qu'ils peuvent faire l'objet de peines sévères, qu'ils devront répondre de leurs actes et qu'on va les poursuivre. De plus, étant donné que le pénitencier de Kingston et d'autres prisons vétustes au Canada vont fermer leurs portes si le gouvernement continue à poursuivre son vaste programme de répression de la criminalité, j'imagine que ces gens-là devront prendre un numéro ou faire la queue parce qu'il n'y aura pas de place pour eux dans nos prisons si nous infligeons des peines d'emprisonnement aussi sévères à droite et à gauche.
    C'est une mesure tout à fait excessive et je vais voter contre.
    Merci.
    Puisqu'il n'y a plus d'interventions, je mets la question aux voix.
    L'amendement G-1, qui vise l'article 2, est-il adopté?
    Pourriez-vous procéder à un vote par appel nominal?
    (L'amendement est adopté par six voix contre cinq.)
    L'article 2, modifié, est-il adopté?
    (L'article 2, modifié,est adopté.)
    Le président: Nous avons l'amendement NPD-2 à l'article 3.
    Madame Boivin.

  (1220)  

[Français]

    Je vous remercie.
     Vous ne serez pas surpris de ce que je vais dire et je ne ferai pas un long discours. C'est pour vous démontrer qu'il n'y avait pas d'obstruction systématique, mais des gens qui avaient tout à fait le droit de s'exprimer sur le projet de loi en question. Chacun des amendements a été proposé dans un esprit tout à fait pragmatique et respectueux des lois canadiennes. Il s'agit mot à mot des mêmes arguments mentionnés. Je n'en dirai pas plus à ce sujet.

[Traduction]

    Avez-vous terminé?
    Oui, j'ai terminé.
    Puisqu'il n'y a plus d'interventions, l'amendement NPD-2 est-il adopté?
    Auriez-vous l'obligeance de procéder à un vote par appel nominal?
    (L'amendement est rejeté par six voix contre cinq.)
    L'article 3 est-il adopté?
    (L'article 3 est adopté.)
    Le président: Nous en sommes maintenant à l'article 1.
    Je suppose que je dois demander à chaque fois un vote par appel nominal, n'est-ce pas? Non, d'accord.
    L'article 1 est-il adopté?
    (L'article 1 est adopté par six voix contre cinq.)
    Le président: Le titre est-il adopté?
    Avec dissidence.
    Des voix: D'accord.
    Le projet de loi, modifié, est-il adopté?
    (Le projet de loi C-309, modifié, est adopté par six voix contre cinq.)
    Dois-je faire rapport du projet de loi modifié à la Chambre?
    Une voix: Avec dissidence.
    Des voix: D'accord.
    Le comité ordonne-t-il la réimpression du projet de loi modifié?
    Une voix: Avec dissidence.
    Des voix: D'accord.
    Le président: Je vous remercie.
    Monsieur le président, si vous n'êtes pas à la Chambre, devrais-je supposer qu'il m'appartient de faire rapport du projet de loi?
    Oui, peut-être.
    Ne me faites pas ça.
    Je vais faire rapport du projet de loi à la Chambre dès lundi.
    Ce ne serait pas gentil.
    Le comité a quelques questions administratives à régler.
    Avez-vous tous reçu une copie du budget pour ce projet de loi?
    Quelqu'un voudrait-il proposer l'adoption?
    J'en fais la proposition.
    Je vous remercie.
    Tous ceux qui sont pour?
    C'est adopté.

[Français]

    Il y a déjà des témoins. C'est excellent.

[Traduction]

    Le greffier appellera les témoins qui doivent comparaître sur le projet de loi C-299 mardi.
    Puisqu'il n'y a plus d'affaires à débattre, la séance est levée.
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