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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 064 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 février 2013

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Traduction]

    Bonjour. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre séance d'information sur la situation au Mali se poursuit.
    Je tiens à remercier de leur présence l'ambassadrice de la République du Mali, Son Excellence Madame Traoré Ami Diallo, et l'ambassadeur de France, Son Excellence Monsieur Philippe Zeller. 
    Je crois que Mme Diallo a accepté de s'exprimer en premier; vous aurez tous deux dix minutes pour faire votre témoignage. Une période de questions d'une heure suivra. Encore une fois, merci beaucoup de vous être libérés si rapidement. Nous vous souhaitons la bienvenue et avons hâte d'entendre votre témoignage.
    Madame l'ambassadrice, la parole est à vous.

[Français]

    Monsieur le président, honorables députés, Son Excellence Monsieur Philippe Zeller, ambassadeur de la France au Canada, chers collègues, mesdames et messieurs, je voudrais tout d'abord adresser mes vifs remerciements aux organisateurs de la présente séance et leur exprimer ma profonde gratitude et ma reconnaissance pour cette occasion qui m'est ainsi offerte de venir vous informer sur la situation politique et la question de la sécurité en République du Mali depuis le 17 janvier 2012.
    De l'éclatement de la crise jusqu'à ce jour, le Mali ne s'est jamais senti ni seul ni abandonné. Le monde entier s'est précipité à ses côtés pour l'aider à éteindre l'incendie allumé au Nord. Cette grande sollicitude de la communauté internationale à l'endroit du peuple malien est un témoignage d'amitié qu'il sait apprécier à juste titre.
    Au demeurant, le fait que votre comité m'ait invitée ne me surprend guère, compte tenu des relations d'amitié, de solidarité et de coopération entre le Canada et mon pays qui remontent au début des années 1970. Je me félicite aujourd'hui du fait que le Mali figure parmi les sept pays de concentration de l'aide du Canada en Afrique.
    Honorables députés, mesdames et messieurs, permettez-moi de rappeler que le Mali, à la suite des différentes rébellions, a signé avec les groupes armés plusieurs accords dans le but de ramener la paix, la quiétude et la stabilité, notamment le Pacte national, en 1992, et les Accords d'Alger, en 2006.
    Avec l'appui de partenaires en matière de développement, dont le Canada, de nombreuses actions de développement ont été entreprises pour réduire le retard en matière d'infrastructures dans les régions du Nord du Mali et pour rétablir une certaine tranquillité.
    Cette période d'accalmie s'est malheureusement détériorée avec la crise libyenne, dont les conséquences ont été désastreuses pour le Mali et ses voisins.
    Comme vous le savez, mon pays a été l'une des premières victimes collatérales de cette crise par l'arrivée massive, sur son sol, de groupes armés formés d'anciens mercenaires de retour de la Libye, vite rejoints par des déserteurs touaregs de l'armée malienne, de terroristes d'Ansar Dine, du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest, soit le MUJAO, d'Al-Qaïda au Maghreb islamique et de Boko Haram, du Nigeria.
    L'attaque du 17 janvier 2012 de la ville de Ménaka par le Mouvement national pour la libération de l'Azawad, un mouvement touareg qui revendique l'indépendance du territoire du même nom, a constitué la brèche par laquelle se sont engouffrés tous les mouvements terroristes pour s'emparer des trois régions du Nord du Mali.
    Les revendications de ces groupes rebelles ne sont pas toutes identiques. Tandis que les uns revendiquent une hypothétique indépendance de l'Azawad, d'autres cherchent plutôt à créer un État islamique sur l'ensemble du territoire national en s'adonnant impunément à du trafic de tous genres et au terrorisme, avec à la clé des enlèvements d'Occidentaux.
    Honorables députés, mesdames et messieurs, en vue de recouvrer l'intégrité totale de son pays, le Mali a adressé aux Nations Unies une demande qui a été endossée par la CEDEAO et l'Union africaine afin que nos forces armées et de défense soient soutenues dans le cadre du déploiement d'une force internationale visant à reconquérir les régions du Nord.
    Mon pays se réjouit aujourd'hui de voir que la communauté internationale tout entière a compris la complexité de la situation en matière de sécurité dans la région sahélo-saharienne et que la crise malienne est l'une des menaces les plus sérieuses de cette sous-région, de l'Afrique, mais aussi une menace à la paix et à la sécurité internationales.
    Le Mali se félicite de l'adoption à l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations Unies, sous le chapitre VII, de la résolution 2085 (2012) du 20 décembre 2012 autorisant le déploiement de la Mission internationale de soutien au Mali pour l'aider à recouvrer sa souveraineté et l'intégrité de son territoire, et à lutter contre le terrorisme international.
    Cette résolution fut adoptée sur la base d'un concept d'opération élaboré par un groupe d'experts de la CEDEAO et de l'Union africaine, avec l'appui de l'Union européenne et des Nations Unies. Ce concept d'opération, qui a été adopté à l'unanimité, a permis d'arrêter les modalités de déploiement de la force internationale.
    Je voudrais également rappeler que la résolution 2085 (2012) du 20 décembre 2012 était la troisième à porter sur la crise malienne, après la résolution 2056 (2012) du 5 juillet 2012 et la résolution 2071 (2012) du 12 octobre 2012.

  (1110)  

    Honorables députés, mesdames et messieurs, le gouvernement de la République du Mali, conformément aux vertus de paix et de dialogue du peuple malien, a toujours fait montre de sa volonté d'instaurer un dialogue avec les fils du pays qui se sont égarés, en vue de trouver une solution pacifique à la crise, dans le respect de l'intégrité du territoire national, de l'unité nationale, de la préservation de la laïcité de la république et du principe de la démocratie pluraliste.
    C'est dans ce cadre que des contacts avaient été établis entre des représentants du gouvernement et des rebelles du MNLA et du groupe Ansar Dine, sous l'égide du médiateur de la CEDEAO, Son Excellence Blaise Compaoré, du Burkina Faso. Ces deux groupes avaient déclaré officiellement, à la suite de la rencontre du 4 décembre dernier à Ouagadougou, qu'ils renonçaient à la violence armée et qu'ils s'engageaient dans un processus de négociation politique. Toutefois, le groupe Ansar Dine avait dit vouloir maintenir son intention d'appliquer la charia dans la région de Kidal seulement.
    C'est dans un contexte de rétablissement du dialogue et de la confiance entre les parties que le groupe Ansar Dine, avec l'appui du MUJAO et de l'AQMI, a attaqué avec une extrême violence les positions très repliées de l'armée malienne au sud, à Mopti, le 10 janvier 2013 et à l'ouest, à Diabali, dans la zone Office du Niger.
    L'intervention très déterminante de l'armée française, le 11 janvier 2013, à la demande du président de la république par intérim, a permis non seulement de stopper l'avancée des groupes djihadistes terroristes vers le sud, mais également de libérer en trois semaines les villes de Tombouctou et de Gao.
    Ce serait un euphémisme de dire aujourd'hui que cette intervention de l'armée française pour appuyer l'armée malienne a sauvé l'État, la République du Mali, laïque et démocratique.
    Cependant, il ne faut pas tomber dans un triomphalisme béant. Comme le président de la République française l'a si bien dit au cours de sa visite au Mali, la semaine dernière, les terroristes ont été chassés des villes ci-dessus citées, mais le terrorisme n'est pas encore vaincu au Nord du Mali.
    Au demeurant, la mise en oeuvre de la résolution 2085 s'est accélérée à partir de l'intervention de la France aux côtés de l'armée malienne. Aujourd'hui, le déploiement de la MISMA se fait progressivement et son état-major a été installé à Bamako, la capitale du Mali.
    Je voudrais saisir cette heureuse occasion pour adresser, au nom du président de la République du Mali par intérim et du peuple malien, mes vifs remerciements à l'endroit du gouvernement du Canada pour son appui logistique à l'opération Serval, mais également pour sa généreuse contribution annoncée au cours de la réunion des bailleurs de fonds de la MISMA, tenue le 29 janvier à Addis-Abeba.
    Honorables députés, mesdames et messieurs, pour la sortie de crise sur le plan politique, l'Assemblée nationale du Mali a adopté la Feuille de route du gouvernement, le lundi 28 janvier 2013. Ladite feuille de route s'articule autour de deux axes, à savoir le rétablissement de l'intégrité territoriale du pays par la reconquête du Nord, et l'organisation d'élections générales transparentes et crédibles.
    Elle prévoit l'organisation d'une élection générale au plus tard le 31 juillet 2013 pour le retour définitif à l'ordre constitutionnel.
    La feuille de route prévoit également un vaste volet relatif à la réconciliation nationale par le dialogue, une vertu cardinale du peuple malien réaffirmée par le président de la république par intérim lors de la visite du président de la République française, Son Excellence M. François Hollande. Je le cite:
Notre crédo est d’accélérer et non de compromettre la réconciliation nationale: celle des communautés du Nord, celle des forces du Sud et celle de toute la Nation malienne. Nous le concevons comme un devoir historique et il n’y aura aucune complaisance.

Que tous ceux et toutes celles qui ont le Mali à cœur viennent; nous leur tendons la main! Que tous ceux et celles qui ne sont pas dans les schémas de partition, du terrorisme, du narcotrafic et du crime organisé nous rejoignent, abandonnant ainsi leurs fantasmes pour un vivre ensemble nécessaire et souhaité!
    Compte tenu de l'immensité des besoins qui demandent un financement important, au-dessus des capacités du gouvernement, la feuille de route préconise le recours à l'appui de partenaires techniques et financiers à travers l'organisation d'une table ronde dans l'avenir.
    Pour terminer, je voudrais que vous conveniez avec moi que la situation au Mali est une manifestation des enjeux de la sécurité au Sahel, qu'elle doit par conséquent faire l'objet d'un traitement global avec les mécanismes appropriés des Nations Unies. Il y a donc urgence à agir, d'abord pour abréger les souffrances des populations maliennes et ensuite pour prévenir une situation similaire, sinon beaucoup plus complexe, pour les peuples du Sahel, voire le reste du monde.
    Il y a également urgence à agir, car les activités criminelles et terroristes dans le Nord du Mali et les risques liés à la sécurité qu'elles font peser aujourd'hui sur l'ensemble de la sous-région sont, à terme, une menace sérieuse pour le reste du monde.

  (1115)  

     Monsieur le président, il y a enfin urgence à agir pour la reprise de la coopération avec nos partenaires bilatéraux et multilatéraux afin de consolider une république fondée sur des valeurs laïques et démocratiques. À cet égard, les conclusions de la réunion du Groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali tenue à Bruxelles le 5 février 2013 sont assez encourageantes. Nous espérons que la coopération au développement va reprendre dans les semaines à venir.
    Aujourd'hui, notre peuple est gravement affecté. Toutefois, les Maliens n'ont pas perdu espoir, car ils sont convaincus du soutien des autres nations, comme celle du Canada, dont vous êtes les représentants ici.
    Les Maliens du nord comme du sud attendent légitimement votre solidarité agissante pour sortir de cette crise. Les Maliens savent que vous en avez les moyens et ils attendent vos actions décisives et diligentes. Il y va de la sécurité et de la stabilité de notre sous-région, de l'Afrique et du monde entier.
     Je vous remercie de votre aimable attention.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame.
    Nous donnons maintenant la parole à l'ambassadeur de France, Son Excellence monsieur Zeller.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame l'ambassadrice et chers collègues, je vous remercie de m'avoir invité. Je vous remercie de l'avoir fait symboliquement, en même temps que ma collègue du Mali. Nous sommes solidaires et partenaires dans cette période.
    Monsieur le président, en m'inscrivant dans l'analyse, les propos et l'illustration du président François Hollande qui, comme l'a rappelé Mme l'ambassadrice du Mali, s'est rendu dans ce pays, à Tombouctou et à Bamako, samedi dernier, le 2 février 2013, je voudrais rappeler que le rôle de la France dans la situation actuelle aux côtés du Mali s'inscrit sur trois plans. Les deux premiers plans viennent d'être parfaitement évoqués et illustrés par ma collègue.
    Il s'agit tout d'abord de l'évolution politique du Mali. De ce point de vue, la France se félicite de cette transition démocratique qui est à présent amorcée. À cet égard, la feuille de route adoptée par l'Assemblée nationale du Mali le 29 janvier annonce un processus électoral. M. le président Traoré a indiqué qu'il serait mené avant le 31 juillet de cette année. C'est d'excellent augure. De la même manière et dans l'esprit qui avait été fixé par la résolution 2085 des Nations Unies en décembre dernier, un dialogue Nord-Sud sera engagé entre, si je peux reprendre les propos du président Traoré, les Maliens et les Sahéliens, le peuple du fleuve et le peuple des dunes, et tous les signes et les indications que nous avons en ce sens sont extrêmement positifs.
    La France, comme le Canada et les autres partenaires et amis du Mali, est attentive, dans cette phase particulièrement difficile et délicate, au respect des droits de la personne. À cet égard, le président Hollande a rappelé le rôle, la présence et l'institution majeure en ce genre de circonstance que représente, aux côtés des institutions judiciaires maliennes, la Cour internationale de justice. Comme vient de le rappeler ma collègue, il existe effectivement un Groupe international de soutien et de suivi de la situation au Mali, qui rassemble l'ensemble des acteurs intéressés, c'est-à-dire les grandes organisations internationales, l'Union européenne, l'Organisation des Nations Unies, la Banque mondiale, l'Union africaine et la CEDEAO. Ce groupe s'est déjà réuni à trois reprises, à Abidjan, à Bamako et, tout récemment, avant-hier, à Bruxelles, avec 45 délégations.
    C'était le premier volet, soit le volet politique.
    Le deuxième volet touche le côté humanitaire et la reprise d'une politique d'aide et de développement du Mali. Il y a actuellement 2 millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire au Mali et, globalement, pas loin d'une vingtaine de millions dans l'ensemble de la région. Toutefois, il est essentiel d'apporter au Mali et aux pays du Sahel une nouvelle capacité qui leur permettra de reprendre une politique de développement économique et de lutte contre le développement des trafics. À cet égard, la France, par l'entremise de l'Agence française de développement, et l'Europe, par l'entremise du Fonds européen de développement, ont annoncé ces jours derniers les perspectives de reprise de cette aide au développement à un niveau qui pourrait être égal à celui antérieur aux événements, c'est-à-dire environ 250 millions d'euros.
    Par ailleurs, pour que ces deux volets, c'est-à-dire le volet politique, parfaitement décrit à l'instant par ma collègue, et le volet humanitaire et d'aide au développement, puissent reprendre dans les prochains mois, il faut, bien entendu, que la situation sécuritaire et militaire du pays soit stabilisée et clarifiée. À cet égard, permettez-moi, dans la seconde partie de cette intervention liminaire, de vous dire en quelques points où en est la situation militaire.

  (1120)  

    Cela se situe également à trois niveaux. Il y a d'abord l'intervention française, évidemment. L'opération Serval permet aux troupes françaises et aux troupes maliennes d'aider le Mali à récupérer progressivement l'intégrité de son territoire. Je ne rappellerai pas les faits; tout le monde les connaît désormais. C'est effectivement à la demande du président malien et du président Hollande que la décision a été prise de déclencher une opération les 10 et 11 janvier derniers. Cette opération se poursuit et nous pouvons dire aujourd'hui, comme l'ont dit nos présidents et comme ils s'en sont félicités à Tombouctou et à Bamako samedi dernier, qu'elle est particulièrement efficace.
    Il y a eu toute une série de frappes aériennes dès le 11 janvier. Elles se poursuivent encore aujourd'hui. Depuis le 31 janvier, il y a eu, par exemple, 135 sorties d'avions français ou d'hélicoptères d'attaque, mais il y a eu également un déploiement au sol. En date d'aujourd'hui, nous en sommes à 4 000 militaires français présents sur le terrain. Ce sera le maximum. Nous n'irons pas au-delà, indiquait le ministre français de la Défense, il y a deux jours. La présence de 4 000 soldats est évidemment quelque chose de substantiel. Cela a permis, avec l'appui des forces maliennes, de reprendre toutes ces villes le long de la boucle du Niger et aujourd'hui jusqu'à Kidal.
    Les opérations militaires sont-elles terminées pour autant? Non, parce qu'il y a des îlots de résistance à la fois à proximité des villes et, comme vous l'avez vu dans les nombreuses analyses de presse dont nous disposons présentement, dans la région nord du Mali et dans l'extrême nord du Mali. C'est une région montagneuse qui n'est pas encore sécurisée et qui est probablement une zone de repli des narcoterroristes. Le président Hollande a dit que l'intervention militaire française irait jusqu'à sécuriser cette partie nord du pays.
    Pour mener cette action, nous avons bénéficié du soutien logistique d'un certain nombre de pays partenaires en Europe, comme le Royaume-Uni, le Danemark, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Espagne, mais également de pays à l'extérieur de l'Europe, comme le Canada — j'y reviendrai en conclusion — et les États-Unis, en tout premier lieu.
    L'opération Serval, qui permet également à l'armée malienne de participer à la reconquête et à la sécurisation du territoire, n'est pas faite pour demeurer. Comme l'a rappelé ma collègue, le relais doit être passé à la MISMA, soit la Mission internationale de soutien au Mali, et aux forces maliennes. À cet égard, le déploiement aujourd'hui est tout à fait satisfaisant, puisque nous ne sommes plus très loin d'environ 4 000 militaires, dont environ 2 200 appartenant aux pays de la CEDEAO — nous pourrons y revenir s'il y a des questions — et 1 800 militaires tchadiens. Ces forces sont désormais présentes sur le territoire malien et elles assurent la sécurité. Elles relèvent en quelque sorte les troupes françaises et maliennes dans des villes où la paix est revenue, comme à Diabali ou, par exemple, à Gao, qui est actuellement sécurisée par des troupes du Niger.
    Enfin, un troisième volet est en train de se mettre en place: c'est le volet européen d'appui aux forces maliennes. C'est ce que nous appelons l'EUTM, soit l'European Union Training Mission. Là encore, des choses se passent en ce moment, puisque cette mission européenne a été officiellement engagée il y a deux jours. Elle sera mise en place mardi prochain, le 12 février, à Bamako, avec un effectif initial de 70 personnes. Elle devrait toutefois atteindre au total 500 militaires européens, dont un peu plus de 150 formateurs. Des 27 pays d'Europe, 15 y contribueront, dont la France comme nation-cadre, avec environ 200 personnes.

  (1125)  

    Évidemment, cela nécessite des coûts, ce qui veut dire des engagements. Le ministère français de la Défense a indiqué, par exemple, que la France avait dépensé en surcoûts, au titre de cette opération, environ 70 millions d'euros depuis le début des opérations. Dans le cadre de l'application de la résolution 2085, des appels à contribution ont été lancés pour soutenir la force interafricaine, la MISMA, et pour aider à reconstituer l'armée malienne. On parle de formation et de matériel. C'était l'objet de la conférence des donateurs sur le Mali qui s'est tenue à Addis-Abeba le 29 janvier dernier. Selon les décomptes, cette conférence a permis de recueillir des promesses de soutien à la fois aux opérations militaires et aux forces armées maliennes, mais également un soutien humanitaire à hauteur d'au moins 377 millions d'euros. L'Union africaine a même estimé que c'était de l'ordre de 450 millions d'euros.
    C'est l'ensemble cohérent de notre action.
    En conclusion, permettez-moi d'indiquer que l'intervention française, en appui aux forces armées maliennes et avec leur aide, a mis fin aux sanctuaires terroristes qui menaçaient directement l'intégrité et l'avenir non seulement du Mali ou du Sahel, mais également de l'Europe, puisque nous sommes à 1 500 km de la Méditerranée.
    Par ailleurs, nous avons absolument et énormément apprécié l'aide du Canada, qui a mis à disposition un C-17. Dans un premier temps, c'était pour une semaine, et cela a été prolongé jusqu'au 17 février. Je voudrais insister sur le fait que cet apport a été essentiel également parce que le Canada est intervenu extrêmement rapidement. Dès le mardi 5 janvier — je rappelle que l'opération a été décidée le 11 janvier —, l'avion quittait le territoire canadien, et il était opérationnel dès le jeudi 17 janvier, c'est-à-dire exactement au moment où nous avions besoin d'envoyer massivement du matériel et des troupes depuis la France.
    En dernier point de conclusion, je voudrais rappeler certains propos tenus par le président Hollande le 2 février dernier. En effet, il a mentionné que ce qui se jouait, c'étaient évidemment l'aide et l'appui au Mali ainsi que la reconstitution du Mali dans son intégralité territoriale, dans sa souveraineté et dans sa vie démocratique. De plus, au-delà du Mali, au-delà de l'Afrique de l'Ouest, au-delà du Sahel, c'est bien la relation entre l'Afrique et l'Europe, entre l'Afrique et l'ensemble de ses partenaires qui se joue pour assurer l'avenir de cette Afrique. Pour cela, nous avons besoin de la communauté internationale. Je crois que le Canada a répondu présent quand il le fallait face à un enjeu aussi important que l'avenir et le développement de l'Afrique.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci, monsieur l'ambassadeur.
    J'invite d'abord M. Dewar, de l'opposition, à poser des questions. Vous disposerez de sept minutes, puis nous passerons à M. Dechert.
    Monsieur Dewar.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux tout d'abord remercier nos invités de leur participation à la réunion de notre comité.
    Ma première question s'adresse à M. l'ambassadeur Zeller.
    Monsieur l'ambassadeur, comme vous le savez et l'avez mentionné, le 15 janvier, le Canada a mis à la disposition de la France un avion transporteur. Combien de temps encore aurez-vous besoin de notre soutien dans ce domaine?

  (1130)  

    Monsieur le député, l'avion a été mis à notre disposition par décision du gouvernement canadien jusqu'au 15 février. Cette date a été estimée tout à fait opportune par les autorités françaises. Nous sommes dans cette période et il est tout à fait opportun que cet avion puisse être mis à disposition jusqu'à cette date.
    C'est bien.
    Dans quels autres domaines souhaitez-vous l'intervention du Canada? Serait-ce pour le respect des droits de la personne, l'économie, l'aide aux réfugiés? Selon vous, quels sont les besoins en général? À quels besoins en particulier pourrait répondre l'intervention du Canada?
    Évidemment, je ne veux me substituer ni aux autorités canadiennes ni aux autorités maliennes. C'est une décision qui relève des relations bilatérales entre le Mali et la France. Je voudrais simplement dire que le Canada — et nous l'avons mentionné déjà — faisait partie des 70 pays et institutions présents à Addis-Abeba et qu'il a fait partie des 45 pays qui ont annoncé à cette occasion une aide de 13 millions de dollars.
    Chacun a pu exprimer la manière dont il envisageait aider le Mali. La France, pour sa part, a annoncé ce jour-là qu'elle verserait 47 millions d'euros en vue de soutenir et les forces maliennes et la MISMA. Pour nous, c'est la priorité, et nous apprécions particulièrement que, dans les circonstances actuelles, d'autres pays annoncent de l'aide au développement ou de l'aide humanitaire.
    Madame, en ce qui concerne l'aide que nous fournissons, pensez-vous que le respect des droits de la personne est la priorité la plus importante ou que c'est l'aide aux réfugiés? À votre avis, quel devrait être le rôle du Canada dans l'avenir?
    Je n'ai pas bien compris votre question.
    D'après vous, quel devrait être le rôle du Canada dans l'avenir? Pensez-vous que ça devrait d'abord concerner les droits de la personne?
    Merci, monsieur le député.
    Le Canada est déjà engagé dans ce domaine, dans le cadre d'une autre entente de coopération bilatérale. Le Canada en fait déjà beaucoup pour le Mali dans le domaine humanitaire.
    En ce qui a trait à votre question, c'est tout ce que je peux dire. Avant même l'éclatement de la guerre, le Canada appuyait déjà le Mali dans le domaine humanitaire, ce que le Mali apprécie.
    Comment voyez-vous le rôle du Canada en ce qui concerne le développement de la démocratie? Croyez-vous qu'il puisse jouer un rôle dans la réconciliation entre le Nord et le Sud?
    Merci, monsieur le député.
    L'appui de tous les pays est bienvenu. Pour ce qui est de la réconciliation nationale, nous demandons l'appui de tous les pays du monde. Par quoi passe la réconciliation nationale? Ça passe par le développement des régions du Nord aussi. Ça a été fait. C'est une zone désertique. Le Mali se félicite déjà de faire partie des pays de concentration de l'aide du Canada. Nous ne pouvons pas demander plus. Nous faisons déjà partie de cette catégorie de pays.
    Le Canada, comme d'habitude, peut nous appuyer comme il le veut. C'est une question de souveraineté d'un État. Nous ne pouvons en demander plus. Nous avons déjà nos zones d'intervention de coopération bilatérale. C'est très apprécié par les deux pays. Ça fonctionne très bien entre le Mali et le Canada. Si le MAECI veut faire autre chose, ça dépend de la souveraineté du Canada lui-même.
    Quels autres besoins prévoyez-vous? S'agit-il d'aide humanitaire, d'aide au développement démocratique?
    Le Mali a payé le prix fort pour établir la démocratie, c'est pourquoi il en connaît la valeur. Tout pays — et pas seulement le Canada — qui veut nous aider en matière de démocratie sera le bienvenu au Mali.
    Le Mali n'a pas caché le prix qu'il a payé pour obtenir cette démocratie, en 1991: le monde entier est au courant. Ce n'est pas pour me vanter, mais avant de venir ici, j'étais à l'ONU. La démocratie du Mali y était citée en exemple. C'était une démocratie exemplaire, qui était reconnue par le monde entier. Je faisais partie du comité consultatif des Nations Unies qui était chargé des projets de gouvernance.
     Nous aimerions retourner à la situation que nous connaissions avant que les terroristes ne nous en détournent. Nous voulons revenir à ce point de départ. Tous les apports seront les bienvenus.

  (1135)  

    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Dechert.
    Vous avez sept minutes, monsieur.
    Merci monsieur le président.
    Merci, Excellences, d'être ici aujourd'hui.
    Madame Diallo, j'aimerais simplement vous dire que mes collègues du gouvernement du Canada et moi sommes très préoccupés par le sort du peuple malien.
    Comme vous le savez, nos pays ont depuis 20 ans des liens d'amitié très étroits. Le Canada a été un partenaire important du Mali dans les développements démocratiques exceptionnels qu'il a connus et dont vous avez parlé. Nous offrons nos sincères condoléances à toutes les personnes victimes de la violence au pays de même qu'aux personnes déplacées, et nous espérons que l'aide fournie sera une source de réconfort pour les Maliens. Nous vous adressons, ainsi qu'au peuple malien, nos meilleurs voeux en ces temps difficiles.
    Pouvez-vous, Madame l'ambassadrice, élaborer sur le dialogue qui se noue actuellement entre votre gouvernement, les tribus touaregs et les rebelles du nord? J'ai cru comprendre — je crois que vous en avez fait mention précédemment — que des négociations de paix sont en cours. Pouvez-vous nous transmettre les dernières nouvelles à ce sujet et nous expliquer la dynamique qui règne au sein des diverses factions qui mènent des opérations dans le nord du Mali?

[Français]

    Je vous remercie des bons mots que vous venez d'adresser à mon pays, à mon peuple et à moi-même.
    En ce qui a trait au dialogue en cours, j'ai pris le soin de vous apporter la feuille de route, que je vais vous laisser. Peut-être pourra-t-on la photocopier et la distribuer à tous les parlementaires.
    Dans le Nord du Mali, ou dans l'histoire même du Mali, il n'était pas question de Blancs et de Noirs. On était totalement liés. Historiquement, c'est la terre de la civilisation, comme on le dit en Afrique. Toutes les races étaient les bienvenues. On a cohabité jusqu'à récemment. On se mariait avec des Touaregs. Il y avait des femmes mariées à des Noirs au sud et des Maliennes du sud mariées à des Touaregs du Nord. Cela n'a jamais posé de problème.
    Le Mali a accepté de dialoguer avec les Touaregs, ou disons avec les rebelles. En effet, ils représentent une petite minorité. Comme l'a dit l'autre jour le président nigérien dans son intervention sur RFI, le MNLA ne représente pas tous les Touaregs du Mali; il ne représente qu'une minorité. Le dialogue est déjà entamé.
    Le gouvernement malien a dit qu'il allait dialoguer avec tous ceux qui n'ont pas les mains rougies par les tueries, ceux qui n'ont pas tué. À Aguelhoc, on a égorgé une centaine de militaires alors qu'ils avaient les mains liées dans le dos. On a saisi la Cour pénale internationale du dossier. Le gouvernement veut dialoguer avec tous ceux qui ne font pas partie de ce lot.
     Je vous ai lu une partie du discours de mon président, mais je peux le développer maintenant. Tous ceux qui n'ont pas les mains tachées de sang seront les bienvenus à participer à ce dialogue.
    Pour ce qui est de ces cas, on a déjà transmis les dossiers. Cela dépasse maintenant le Mali. La Cour pénale internationale va maintenant départager cela. Ce n'est plus à notre niveau. On a transmis le dossier des gens qui ont égorgé ou tué des gens, violé des petites filles de 9 ans, flagellé des gens, fait des exactions qui ont rendu des jeunes handicapés à vie. Ces dossiers vont être transmis à la Cour pénale internationale.
    Le dialogue est ouvert au reste des gens du Nord qui n'ont pas les mains tachées de sang, qui étaient avec nous, qui ont été premiers ministres du Mali ou ministres. Il y a eu beaucoup de ministres touaregs et de présidents d'associations qui ont toujours bénéficié de la discrimination positive. Au Mali, on doit passer par un concours pour faire partie de la fonction publique. Les Touaregs, eux, peuvent entrer dans la fonction publique où ils le veulent. Ils recherchent les services qui les agréent, les services économiques où ils peuvent avoir de l'argent. Ils choisissent où ils veulent aller et on les y installe.
    S'ils sont lieutenants dans la rébellion, ils adhèrent à l'armée malienne au même grade, sans formation ni rien. Le gouvernement malien a accepté tout cela.
    Ils ont été ambassadeurs. J'ai une amie, qui se trouve aujourd'hui dans la rébellion, qui était déjà ministre du gouvernement, alors que moi, je n'étais qu'une simple analyste chargée des dossiers aux Affaires étrangères. Elle, elle était déjà ministre au gouvernement. Elle n'était pas plus éduquée que moi ni plus forte que moi. J'ai été chargée des dossiers, et elle, nommée ministre tout simplement parce qu'elle était Touareg. On a accepté tout cela dans le passé.
    Le dialogue va se poursuivre. Selon certaines rumeurs, des organisations internationales auraient dit qu'il y avait eu des exactions. Même le président malien et le ministre de la Défense en ont parlé. Tous les Maliens sont au courant de cela. Cela fait partie de la feuille de route, dont je vais vous laisser une copie. Ils ont dit que toutes les personnes qui seraient prises à commettre des exactions contre les ressortissants du Nord seraient poursuivies au Mali. L'armée est déjà informée de cela. On tient cela pour acquis.
    Pour ce qui est des Touaregs, la discrimination positive qu'ils ont...

  (1140)  

[Traduction]

    Votre Excellence, diriez-vous que vous êtes optimiste quant aux négociations de paix et au processus de réconciliation en cours dans le nord du pays?

[Français]

    Bien sûr que je suis optimiste, même très optimiste. Le peuple malien, par nature, est un peuple épris de paix, c'est connu; c'est un peuple pacifique. Il n'y avait jamais eu ces problèmes. On était ensemble. Ce sont des gens qui sont venus et qui ne représentent qu'eux-mêmes; ils ne représentent rien. Le MNLA se dit indépendantiste. Or, les Touaregs représentent seulement 3 % des régions du Nord, et encore, ceux du MNLA qui veulent l'indépendance ne représentent qu'une petite minorité de ces 3 % de gens. La grande majorité des Touaregs veut rester avec le gouvernement malien. Ils se considèrent comme des Maliens. Il y a un Touareg qui est deuxième vice-président de l'Assemblée nationale du Mali depuis 20 ans, et chaque fois que l’occasion se présente, à Strasbourg ou ailleurs, il apporte la contradiction au MNLA.

[Traduction]

    Merci.
    Ai-je le temps pour une autre brève question?
    Non, vous devrez attendre la prochaine série de questions malheureusement. Merci, monsieur Dechert.
    Monsieur McKay, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous d'eux d'être ici.
    Ma première question s'adresse à monsieur l'ambassadeur Zeller.
    La France fait face à un ennemi très dur. Il est difficile de se battre contre les islamistes, même dans les meilleures conditions; ils conçoivent l'enjeu du conflit différemment, et il est évident que la France préférerait se retirer et confier le plus tôt possible l'affaire à la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine, la MISMA; nous sommes tous d'accord sur ce point.
    La France a-t-elle demandé au Canada de contribuer à la MISMA?

[Français]

    La France n'a pas demandé précisément au Canada de contribuer à la MISMA. La MISMA est mise en oeuvre conformément à une résolution des Nations Unies. Il s'agit de la fameuse résolution 2085. C'est donc dans le contexte de cette résolution qu'un appel a été lancé à l'ensemble des membres des Nations Unies. Ceux qui le pouvaient et le voulaient étaient invités à aider la MISMA.

[Traduction]

    Est-il juste de présumer qu'il est dans l'intérêt supérieur de la France que les opérations de la MISMA commencent le plus tôt possible? Que plus le financement, la formation et l'équipement de la MISMA seront importants, plus la France pourra se retirer rapidement?

  (1145)  

[Français]

    Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris votre question, mais si vous voulez dire que la France préférerait se retirer, permettez-moi de corriger cette affirmation. Le président de la République française a été très clair: la France ne se retirera pas tant que les Maliens n'auront pas recouvré entièrement l'intégrité et la souveraineté de leur pays. C'est pourquoi notre effort militaire français demeure et demeurera jusqu'à ce que cet objectif soit assuré.
     Par ailleurs, il laisse la place à la mise en oeuvre de la MISMA, bien entendu. La MISMA elle-même pourra évoluer, probablement de manière encore plus large, d'ailleurs, au cours des semaines et des mois prochains. Des consultations vont être ouvertes aux Nations Unies. En effet, n'oublions pas que dans ce domaine, nous travaillons sous l'ombrelle globale des Nations Unies.
    Enfin, la MISMA est opérationnelle depuis quelques jours. En effet, environ 4 000 soldats africains sont désormais en territoire malien. Il y a donc une efficacité et une présence. Évidemment, tout appui de la communauté internationale est particulièrement utile, compte tenu des surcoûts que représentent ces opérations pour les forces africaines. C'était notamment l'objectif de la conférence d'Addis-Abeba, qui a permis de recueillir la somme que j'ai mentionnée plus tôt.

[Traduction]

    Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, pourriez-vous répondre le plus succinctement possible?
    Quelle est la définition de la réussite militaire selon la France?

[Français]

    La réussite militaire consiste à permettre aux Maliens de recouvrer l'intégrité territoriale de leur pays et de leur permettre par conséquent, au moyen de la feuille de route, de mener désormais le processus démocratique qu'évoquait plus tôt ma collègue.

[Traduction]

    Merci.
    Madame l'ambassadrice, le gouvernement et vous-même, en fait, avez parlé de la feuille de route pour la démocratie. Cette initiative est certainement la bienvenue. Il me semble toutefois que cette route est parsemée de nids-de-poule. Votre gouvernement a subi dernièrement quelques coups et contrecoups d'État. Le capitaine Sanogo est un personnage plutôt sombre, qui semble mener la barque; les Touaregs entretiennent une relation au mieux très tendue avec Bamako; et trois ou quatre groupes islamistes actifs du nord font leur chemin jusqu'au sud. Même dans les meilleures circonstances, le retour à la démocratie serait extraordinaire. Ne croyez-vous pas qu'un retour à la démocratie en juillet constitue un objectif ambitieux?

[Français]

    Je vous remercie.
    Grâce à l'aide de Dieu et de tous nos amis, cela peut se faire. Voilà la facilité avec laquelle on a pu reconquérir toutes ces régions tombées entre les mains des terroristes. Du 11 janvier à aujourd'hui, pratiquement toutes les régions, à part celle de Kidal, sont redevenues sous la tutelle du Mali. Et nous ne sommes qu'en février. Le gouvernement malien s'est donné le 31 juillet comme échéance. Si on a pu faire tout ce qu'on vient de faire en moins d'un mois, on espère qu'en moins de deux mois, le Mali aura récupéré son intégrité territoriale. C'est tout.
     Le coup d'État dont vous parlez est ce qui a stoppé les élections. Les élections étaient prévues pour le 29 avril 2012, mais le coup d'État a eu lieu. Tous les éléments pour le déclenchement des élections sont déjà prêts. Cependant, nous ne pouvons pas tenir les élections si un centimètre de notre territoire est entre les mains des terroristes. Il faut qu'on attende de libérer la totalité du territoire pour que l'ensemble du peuple malien puisse participer aux élections et choisir ses élus.

[Traduction]

    Est-ce que...
    Désolé, monsieur McKay, votre temps est écoulé.
    Nous devons passer à la dernière série de questions. Nous avons le temps pour une dernière intervention de l'opposition et du gouvernement.
    M. Dechert aimerait poser une brève question avant de céder la parole à Mme Brown, qui aura cinq minutes. Nous terminerons avec M. Harris.

  (1150)  

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie beaucoup de votre présence et des renseignements que vous nous avez transmis. Je tiens à exprimer la gratitude du Canada envers votre gouvernement et les Français pour avoir pris cette initiative, de même qu'envers les forces armées françaises pour être intervenues rapidement en vue d'aider nos amis du Mali et avoir fait — d'après ce que j'ai entendu — un travail exceptionnel pour repousser les rebelles vers le nord.
    Pouvez-vous nous mettre au courant de la situation actuelle des rebelles dans le nord du Mali? Quelles mesures supplémentaires devraient être prises afin de rétablir la paix dans la région?

[Français]

    Monsieur le secrétaire parlementaire, je vous remercie de vos propos.
    Nous avons beaucoup apprécié, je le répète, le soutien du Canada pendant cette période. Je parle à la fois du déploiement de l'avion, de l'annonce faite à Addis-Abeba et des nombreux échanges téléphoniques entre les plus hautes autorités de nos deux pays pendant cette période.
     Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, l'opération que nous avons baptisée Serval se poursuit. Il s'agit d'abord de frappes aériennes, avec le traitement d'objectifs du type des dépôts logistiques, des dépôts d'essence, des centres d'entraînement des différents terroristes qui ont été identifiés. C'est particulièrement le cas dans la région de Kidal et au nord de Kidal, dans la région d'Aguelhoc et de Tessalit, où se sont passés les événements dramatiques qu'a évoqués ma collègue tout à l'heure.
    Il y a également des patrouilles organisées par nos troupes françaises et maliennes autour des différentes villes qui ont été libérées, car il n'est pas exclu que certains terroristes continuent à se cacher. Dans ces zones il y a eu, par exemple, des tirs hostiles de lance-roquettes de la part de groupes résiduels dans la région de Gao. Comme l'indiquait le président de la République française, il faudra poursuivre les opérations jusque dans les montagnes du nord, c'est-à-dire l'Adrar des Ifoghas.
    Ce sont des objectifs que ciblent actuellement les forces françaises. Au stade où nous en sommes, c'est de manière aérienne, puisqu'il y a encore des regroupements hostiles qui ont été constatés à ce niveau. Cette phase qu'il reste à mener est délicate et difficile, parce que le territoire est montagneux et parce qu'il y a encore des éléments hostiles dans cette zone. Le plus tôt cette zone sera contrôlée et sécurisée, le mieux ce sera, mais tout n'est pas fini encore.

[Traduction]

    Madame l'ambassadrice, je vous remercie beaucoup d'être venue témoigner.
    Le Canada entretient des relations avec le Mali depuis de nombreuses années. En 2009, nous avons annoncé que le Mali resterait un pays de concentration, et nous lui avons octroyé d'importantes sommes d'argent en vue d'améliorer la situation.
    J'entretiens des liens particuliers avec le Mali. Je parraine un enfant par l'entremise de Vision mondiale depuis dix ans. Je m'intéresse activement et personnellement à la situation au pays.
    Pourriez-vous, en une minute, nous parler de l'investissement sans précédent du Canada au Mali, des stratégies de gouvernance qui ont été mises en place, de la façon dont elles se sont développées de même que du renforcement de la capacité et de l'éducation?
    Pouvez-vous répondre en une minute?

[Français]

    Merci.
     Félicitations, madame Brown. Comme vous parrainez un enfant malien, vous êtes considérée comme une Malienne, comme si vous faisiez partie du Mali. C'est comme ça, au Mali: c'est de la fraternité.
    Comme je l'ai dit plus tôt, les champs d'intervention du Canada touchent d'autres domaines, dont ceux que vous avez mentionnés: la santé de l'enfant et de la mère, la bonne gouvernance et la démocratie. Le Canada est très sensible à cela; tout le monde le sait. C'est le plus grand projet que le Canada finance au Mali.
    Je ne suis pas la mieux placée pour répondre à votre question. Comme je l'ai dit, c'est le Canada qui est en mesure de dire s'il est satisfait. Quand un projet est financé par un partenaire, il y a un suivi de l'état d'exécution du projet auprès de ce partenaire. Si les projets se poursuivent et que le Mali continue à faire partie de la zone de concentration de l'aide du Canada, c'est que tous ces projets réalisés entre le Canada et le Mali fonctionnent à la satisfaction des deux pays. Je peux vous le confirmer. Le Canada est un partenaire privilégié du Mali. C'est un pays très apprécié et tous les Maliens sont très fiers de cette coopération.
    Un jour, j'ai fait le tour de tous les ministères du Mali qui réalisaient des projets sous la tutelle du Canada. Tous ces gens parlaient de leur satisfaction totale à l'égard de la contribution du Canada au Mali. Je ne peux pas vous en dire plus. Si vous voulez faire le point, ça devra certainement être auprès des autorités canadiennes. Du côté malien, nous sommes très satisfaits de cette coopération, que nous trouvons exemplaire.

  (1155)  

[Traduction]

    Merci beaucoup. Cela m'ennuie beaucoup de vous couper, mais il faut céder la parole à l'opposition pour les cinq prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos deux ambassadeurs d'être parmi nous ce matin. Je leur en suis très reconnaissant.
    Je veux dire à l'ambassadrice Traoré Ami Diallo que nous sommes particulièrement touchés pas ce que vit son pays et que la situation nous préoccupe beaucoup. Nous espérons que vous serez en mesure de surmonter ces difficultés et cette crise, et nous souhaitons vous aider à y arriver.
    Je commencerai avec deux petites questions. Compte tenu de ce qui s'est passé, dans quelle mesure est-il possible d'envisager un dialogue avec les Touaregs et les éléments nordistes? Qu'est-ce que votre pays doit faire maintenant qu'il n'aurait pas fait au cours des quelque 20 dernières années pour renverser la vapeur?
    Deuxièmement, en prévision de l'élection qui aura lieu cette année, aurez-vous besoin de l'aide de la communauté internationale ou sollicitez-vous cette aide pour faire en sorte que les élections soient reconnues comme étant authentiques, équitables et libres?

[Français]

    Je vous remercie de ces mots aimables.
    Que doit-on faire qui n'a pas été fait? On en a fait beaucoup. Or, le malheur du Nord, c'est que c'est une zone désertique. Des milliards de francs CFA ont été injectés dans le développement de cette région du Mali. Cependant, ces projets étaient dirigés par les Touaregs eux-mêmes. Là-bas, les Noirs sont plus nombreux que les Touaregs, mais c'est à des Touaregs qu'a été confiée la direction de tous ces projets de développement réalisés avec l'aide de nos partenaires financiers et techniques.

[Traduction]

    Je ne veux pas vous interrompre. Nous savons qu'il y a du travail qui se fait depuis longtemps, mais je veux parler d'un dialogue qui pourrait régler la crise en cours. Dans quelle mesure est-ce réaliste de penser que cela pourrait se produire dans l'immédiat?

[Français]

    Le dialogue est très réaliste, parce la quasi-totalité des peuples de la région du Nord, même les Touaregs, sont avec le gouvernement malien. Ici, on parle de ceux qui sont indépendantistes. Ces gens ne représentent qu'eux-mêmes. Moi, je veux parler de ces gens dont les mains sont tachées de sang, de ceux qui ont égorgé nos soldats, de ceux-là dont on a transmis les dossiers à la Cour pénale internationale. Tant que la Cour pénale internationale ne statuera pas sur leur cas, il ne pourra pas y avoir de dialogue avec eux. Cependant, avec la majorité des Touaregs qui restent, qui se considèrent comme des Maliens, qui sont dans l'armée et qui sont chefs de toutes ces institutions du Mali, il y a déjà un dialogue. En fait, ils aident au dialogue.
    L'autre jour, j'étais très contente d'entendre sur France Inter l'intervention du président nigérien et de son ministre des Affaires étrangères. Ils disaient que le MNLA n'était en rien représentatif de tous les Touaregs, pas même des Touaregs du Nord. Je ne sais pas comment je vais le faire, mais je vais chercher l'enregistrement au Mali et essayer de vous le faire parvenir un jour.
    Les Touaregs du MNLA, les indépendantistes, sont une petite minorité parmi les Touaregs. Le gouvernement malien a dit qu'il allait discuter avec ces gens-là s'ils n'avaient rien fait. Le Mali est prêt à discuter avec les indépendantistes. Si on veut être démocratique, il faut tenir compte du point de vue de tout le monde. Un vrai démocrate ne doit pas se contenter de son seul point de vue. Tous les points de vue sont les bienvenus quand on discute autour d'une table.

  (1200)  

[Traduction]

    Merci.
    Madame l'ambassadrice, pouvez-vous me dire si les élections auront besoin de l'aide internationale ou si vous croyez qu'elles pourront se dérouler sans qu'on ait à recourir à des observateurs de l'étranger ou à l'aide internationale?

[Français]

    Je n'ai pas compris votre question.

[Traduction]

    La question porte sur les élections. Vous avez proposé qu'il y ait des élections. Vous attendez-vous à recevoir de l'aide internationale ou souhaitez-vous qu'il y ait des observateurs, du soutien ou de l'aide d'autres pays afin d'assurer que le processus soit reconnu comme étant légitime, équitable et libre?

[Français]

    Merci bien.
     Nous avons toujours des observateurs lors des élections en Afrique. Pour que les élections soient transparentes et crédibles, il faut des observateurs indépendants qui proviennent de tous les horizons. Nous avons toujours demandé cela, au Mali. Cela a toujours été le cas. Même avant ces événements, c'était comme ça. Toutes les élections du Mali ont été couvertes par des observateurs internationaux.
    Tous les appuis seront les bienvenus. Nous voulons que les élections soient claires, transparentes, à la satisfaction de tous, et que tout le monde reconnaisse que celui qui l'emporte est réellement celui qui a gagné.
    Il n'y a pas de plan. Tous les appuis seront les bienvenus.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Encore une fois, nos sincères remerciements à nos deux ambassadeurs d'avoir pris le temps de venir témoigner devant ce comité malgré le court préavis.
    Madame l'ambassadrice, je constate que vous nous avez donné la feuille de route en français. Nous la ferons traduire et nous l'acheminerons à nos membres dès que possible. Merci beaucoup.
    Sur ce, je vais suspendre la réunion pour que nous puissions recevoir nos nouveaux témoins.
     Je tiens à remercier encore une fois les ambassadeurs d'être venus comparaître.

  (1200)  


  (1205)  

    Comme nous entreprenons la deuxième heure des délibérations, je veux encore une fois remercier nos témoins de s'être présentés malgré le court préavis. Avec nous, Mme Jessica Thomson, qui est la directrice de l'équipe de l'aide humanitaire et des secours d'urgence de CARE Canada. Bienvenue, madame Thomson. Nous accueillons également M. Kevin McCort, qui est président et chef de la direction de CARE Canada. Monsieur McCort, merci d'être ici aujourd'hui. À ses côtés se trouve Bart Witteveen, qui est directeur des affaires humanitaires et des urgences pour les Programmes internationaux et canadiens de Vision mondiale Canada. À côté de lui, nous avons Elly Vandenberg, qui travaille aussi avec Vision mondiale Canada. Merci à tous d'être ici. Au bout de la table, il y a Mark Fried, qui est avec Oxfam Canada. Merci beaucoup.
    Certains d'entre vous n'en sont pas à leur première comparution devant ce comité. Alors, commençons. Au tour d'abord de CARE Canada. Chacun de vous aura 10 minutes pour exposer ses observations préliminaires. Nous tenterons de vous garder dans ces limites pour que nous puissions poser quelques questions, autant que faire se peut.
    Monsieur McCort, merci d'être ici. La parole est à vous. Vous avez 10 minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup. C'est un honneur d'être ici pour faire une présentation sur le Mali. Il s'agit d'une crise importante. Je vous remercie de l'invitation.

[Traduction]

    Comme on l'a déjà dit, je m'appelle Kevin McCort. Je suis président et chef de la direction de CARE Canada, qui est l'un des plus importants organismes canadiens d'aide internationale et de développement.
    Comme membre de la fédération CARE International, nous oeuvrons dans 84 pays, y compris dans certains des coins les plus instables de la planète. L'an dernier, nous avons mis en oeuvre près de 1 000 projets de lutte contre la pauvreté et nous sommes venus en aide à plus de 83 millions de personnes du monde entier. De plus, CARE est l'un des principaux organismes non gouvernementaux indépendants qui travaillent en partenariat avec l'ACDI.
    Comme vous le savez, il y a un an, la région du Sahel a connu une grave crise alimentaire qui a aussi touché près de 18 millions de personnes, dont une partie au Mali. Au même moment, le Mali, jadis l'un des pays les plus stables de la région, a été le théâtre d'une rapide escalade de la violence qui s'est concentrée dans le nord du pays et qui a engendré les activités militaires des derniers temps. Tant la crise alimentaire que l'augmentation de la violence et de l'insécurité ont fait en sorte que de nombreux ménages maliens se sont retrouvés en situation de crise. Aujourd'hui, environ 4,3 millions de Maliens ont besoin de l'aide humanitaire. En janvier seulement, 18 000 nouveaux réfugiés sont partis pour les pays voisins et quelque 12 000 autres ont été contraints à changer de région à l'intérieur du pays. Un grand nombre d'entre eux ont cherché refuge dans des ménages et des collectivités déjà sérieusement touchés par l'insécurité alimentaire chronique. Ces nouveaux déplacements s'ajoutent à ceux qui ont déjà eu lieu en raison du conflit et qui touchent environ 370 000 personnes.
    Nos collègues qui ont récemment terminé l'évaluation des besoins dans la ville de Ségou affirment que les personnes déplacées à l'intérieur du pays n'ont rien et qu'elles ont besoin de nourriture, d'eau, d'abris adéquats et d'autres objets de première nécessité tels que des ustensiles de cuisine, des couvertures, des nattes et du savon.
    Le nombre de personnes touchées au Mali peut sembler décourageant. Mais au beau milieu de cette masse, il y a des gens comme Rokia, une mère de quatre enfants qui a expliqué à CARE qu'elle avait dû fuir la maison avec les siens. Quelques mois auparavant, son mari a été forcé de quitter le village où ils demeuraient — une agglomération du Nord — après avoir été attaqué, et elle ne l'a pas revu depuis. Depuis qu'il est parti, elle n'arrête pas de s'inquiéter de la façon dont elle nourrira ses enfants, alors qu'elle est loin de chez elle et qu'elle ne possède rien d'autre que les vêtements qu'elle porte. Elle se demande avec angoisse si elle pourra un jour réintégrer sa maison. CARE reconnaît les besoins particuliers des femmes et des filles en temps de crise, ce qui explique l'ampleur de l'attention que nous accordons à des femmes comme Rokia.
    Au cours des trois dernières semaines seulement, CARE a distribué de la nourriture à 54 000 personnes dans deux des cinq régions les plus durement touchées. CARE vient en aide à la fois aux personnes déplacées à l'intérieur du pays et aux collectivités hôtes qui, incidemment, essaient toujours de se remettre de la crise alimentaire de l'an dernier. Pour ce faire, nous mettons en oeuvre des programmes tels que le Programme de rémunération du travail en espèces et nous procédons à la distribution d'outils et de semences afin d'assurer des récoltes décentes. En collaboration avec l'ACDI, CARE répond aussi aux besoins de ceux qui ont trouvé refuge dans les pays avoisinants, comme c'est le cas avec les Maliens nouvellement arrivés au Niger. Bientôt, CARE et ses partenaires commenceront à distribuer à plus de 130 000 personnes de Tombouctou les denrées envoyées par le Programme alimentaire mondial.

  (1210)  

[Français]

    Le processus d'appel de fonds consolidé pour le Mali a été lancé il y a deux mois. Cet appel résume les besoins humanitaires partout au pays, compte tenu de la crise actuelle, et repose sur les évaluations des agences des Nations Unies et des ONG internationales. En deux mois, seulement 2 % des 373 millions de dollars nécessaires ont été reçus. CARE a elle seule lancé un appel pour 6 millions de dollars afin de répondre aux besoins humanitaires les plus urgents.
    La semaine dernière, lors de la conférence des donateurs en Éthiopie, un montant de 450 millions de dollars a été donné en appui à des opérations militaires au Mali. Nous savons que la communauté internationale est en mesure de mobiliser un soutien rapidement. CARE, ainsi que d'autres agences humanitaires oeuvrant au Mali, appellent les donateurs à assurer un niveau d'engagement, de mobilisation et d'attention similaire pour répondre aussi aux besoins humanitaires.

[Traduction]

    L'accent doit être aussi mis sur l'importance des principes d'action humanitaire ainsi que sur l'accès sécuritaire et sans entrave à ceux qui en ont besoin. CARE souscrit aux principes, aux normes et aux codes de conduite internationaux en matière d'aide humanitaire — dont les codes de conduite de la Croix-Rouge, du Croissant-Rouge et des ONG —, et assume ses responsabilités à cet égard. Enfin, CARE s'engage à respecter les droits des groupes vulnérables en temps de crise dont, notamment, ceux des femmes et des enfants.
    L'aide est individuelle et vise ceux dont les besoins sont les plus criants. Toutes les mesures nécessaires sont prises pour éviter les détournements dans la prestation de cette aide essentielle. Dans les mois à venir, il sera primordial de s'assurer que les acteurs humanitaires appliquent le principe d'une action indépendante des objectifs politiques, commerciaux, militaires ou religieux.
    Les organisations humanitaires continuent de faire face à d'importants défis liés à l'accès aux zones d'opérations militaires. Il faut leur accorder un accès sûr aux endroits touchés par le conflit pour qu'elles puissent évaluer les besoins des civils et leur fournir une aide humanitaire d'urgence. Les Français, les Maliens et tous les autres acteurs armés qui effectuent des opérations au Mali doivent collaborer avec les organismes humanitaires pour faire en sorte que l'accès et l'aide aux collectivités vulnérables du nord du Mali sont offerts de manière neutre, indépendante et impartiale et que les principales routes d'approvisionnement ne sont pas obstruées.
    L'accès à l'aide humanitaire ne doit pas dépendre d'une participation ou d'un appui aux opérations militaires. Il faut voir à ce qu'une distinction claire soit établie entre les objectifs humanitaires et militaires pour ne pas risquer de créer un flou qui pourrait en définitive mettre en péril les acteurs humanitaires.
    Tous les acteurs armés au Mali doivent garantir la sécurité des populations civiles. CARE encourage vivement toutes les forces armées à prendre toutes les précautions possibles pour assurer le respect du droit humanitaire international et éviter que les opérations militaires ne causent davantage de préjudices aux populations civiles déjà en difficulté, en particulier aux femmes et aux enfants.
    Conformément aux principales dispositions de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes et les filles, CARE invite toutes les parties au conflit à faire en sorte qu'une attention soit accordée aux besoins de protection particuliers de celles-ci, et que les militaires soient entre autres formés pour tenir compte de l'approche sexospécifique.
    Pour conclure, je répète que le Mali constitue sans aucun doute un exemple de pays où l'aide a sauvé — et continue de sauver — des vies. Même si le Mali semble bien loin de notre réalité au Canada, nous devons agir maintenant, car c'est notre devoir humanitaire.
    Merci.

  (1215)  

    Merci, monsieur McCort.
    Nous passons maintenant à Mme Vandenberg, qui a elle aussi 10 minutes.

[Français]

    Je suis Elly Vandenberg, directrice principale des politiques et de la défense des droits, au sein de Vision mondiale. Je vous présente mon collègue Bart Witteveen, directeur des affaires humanitaires et des services d'intervention d'urgence.

[Traduction]

    Nous vous sommes très reconnaissants de nous avoir invités à comparaître. Nous vous parlerons brièvement des activités de Vision mondiale au Mali et de ce que notre expérience dans ce pays, et dans de nombreux autres environnements humanitaires complexes, nous amène à porter à votre attention pour que vous puissiez, en tant que parlementaires, discerner la meilleure façon de faire face à la situation.
    Vision mondiale Canada est un organisme de secours, de développement et de défense des droits axé sur les enfants. En tant que fédération internationale, Vision mondiale est tout d'abord intervenu pendant la sécheresse au Mali en 1975. À l'heure actuelle, Vision mondiale Mali a une équipe de plus de 300 employés répartis dans six régions, y compris des techniciens spécialisés dans les domaines de l'agriculture, de la sécurité alimentaire, de la réduction des risques de catastrophes, de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement, de la santé, de l'alimentation, des programmes d'intervention en cas d'urgence et, en particulier, de la protection des enfants.
    Le mois dernier, Vision mondiale Canada a reçu une subvention d'un million de dollars de la part de la Direction de l'AHI de l'ACDI pour renforcer les moyens de subsistance des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays et accroître l'accès à un approvisionnement en eau potable, à des installations sanitaires adéquates et à des connaissances relatives aux pratiques hygiéniques. Cette subvention devrait nous permettre d'aider plus de 11 000 personnes.
    Nous travaillons également en partenariat avec l'UNICEF et d'autres organismes voués au mieux-être des enfants pour former du personnel de l'ONU et d'ONG en vue d'offrir un soutien psychologique immédiat en cas de violations à l'encontre d'enfants. Il reste toutefois beaucoup de travail à faire, et la protection des enfants demeure un des secteurs les plus sous-financés.
    Les Canadiens sont fiers de nos interventions. L'aide humanitaire nous tient à coeur. Elle reflète les valeurs canadiennes, elle est directe et elle a un effet immédiat, mais présente aussi des difficultés bien particulières. Vision mondiale et ses autres collègues d'ONG canadiennes disposent d'enseignements clés tirés de dizaines d'années d'expérience dans des situations humanitaires découlant de conflits. Pour faire face à la crise au Mali, nous vous encourageons en tant que parlementaires à tirer profit de ces enseignements et à considérer cinq recommandations clés que passera brièvement en revue ma collègue, Bart Witteveen.
    Premièrement, vous devez accroître votre soutien à l'aide humanitaire pour répondre aux besoins urgents. Le financement pour le Mali promis dans le cadre de la procédure d’appel global des Nations Unies de 2013 est beaucoup trop faible, car il représente seulement 2 p. 100 des fonds alloués. Les pays donateurs, y compris le Canada, doivent engager des fonds d'urgence, en réponse à l'appel de l'ONU et auprès d'ONG actives au Mali, pour appuyer la prestation d'une aide humanitaire essentielle.
    Il faut accorder la priorité aux secteurs les plus critiques, comme la sécurité alimentaire et l'alimentation, la santé, l'approvisionnement en eau et l'assainissement, et la protection de la jeunesse dans les régions du Sud et du Nord. Beaucoup d'enfants touchés risquent de souffrir de malnutrition aiguë et d'un accès limité à une éducation de base.
    Deuxièmement, vous devez vous assurer que les enfants sont protégés contre l'exploitation et l'abus conformément aux résolutions pertinentes de l'ONU et à la Convention relative aux droits de l'enfant. Les conflits augmentent grandement pour les enfants les risques liés à la protection, et une attention particulière doit donc être accordée à l'évaluation de ces risques et au degré accru de vulnérabilité.
    Au cours des dernières semaines, des cas de mariages forcés, de viols et de recrutements forcés d'enfants dans des groupes armés ont été signalés à Vision mondiale par des membres de collectivités déplacées, ce qui confirme des renseignements obtenus auprès d'autres acteurs. Les enfants sont aussi particulièrement vulnérables aux effets des déplacements, qui comprennent le risque accru d'être séparé de ses parents et la perturbation de l'éducation. Il faut aussi prendre en considération d'importantes préoccupations liées à leur sécurité en prenant l'initiative de surveiller et d'atténuer les risques qui y sont liés. Nous devons nous assurer qu'il y a sur le terrain suffisamment de spécialistes de la protection des enfants. Les donateurs, y compris le Canada, devraient dès maintenant débloquer des fonds pour combler les lacunes importantes dans la capacité de protection des enfants et financer les interventions.
    Tous les militaires, les policiers et les civils déployés au Mali devraient préalablement recevoir une formation spécialisée sur la protection des enfants, qui porterait entre autres sur la capacité de prévenir et de surveiller les violations de leurs droits. Il faut tâcher de faire en sorte que les préoccupations liées à la protection des enfants sont signalées rapidement et de manière constante dans le cadre des efforts soutenus de médiation, et qu'elles seront bien prises en compte dans un éventuel accord de paix et de cessez-le-feu. Il faut entre autres prendre des initiatives en vue de démobiliser les enfants-soldats et voir à ce qu'ils reçoivent une aide appropriée.
    Les rapports alarmants de violence sexuelle envers les femmes et les filles au Mali nécessitent également que tous les militaires, les policiers et les civils suivent avant leur déploiement une formation sur les moyens de contrer la violence sexuelle dans toutes les phases de l'opération, y compris au cours des tout premiers efforts de médiation et de cessez-le-feu. Les groupes armés doivent immédiatement mettre fin au recrutement d'enfants de moins de 18 ans et laisser aux organismes humanitaires le soin de s'occuper correctement de ceux qui ont été préalablement recrutés.
    Troisièmement, il faut garantir un accès libre et sans entrave aux populations touchées ainsi qu'un libre passage à tous les civils qui veulent sortir des zones affectées par l'engagement militaire. Il faut aussi préserver l'aspect indépendant et civil de l'accès humanitaire ainsi que la neutralité des interventions.
    Malgré une amélioration de l'accès à des zones du Nord du Mali pour évaluer les besoins des civils touchés, l'insécurité qui persiste a forcé beaucoup d'acteurs humanitaires à continuer de travailler sur le terrain avec un effectif réduit.
    Nous demandons à tous les acteurs armés et militaires ainsi qu'aux gouvernements régionaux de prendre les mesures appropriées pour garantir la protection du personnel et des fournitures humanitaires, le libre accès pour distribuer l'aide aux personnes dans le besoin et le passage libre et sans encombre aux civils qui sortent des zones de conflit militaire conformément au droit international humanitaire, aux droits de la personne et au droit des réfugiés.
    Nous demandons à tous les acteurs militaires de maintenir une distinction nette entre les objectifs militaires et humanitaires, ce qui nécessite des instructions claires précisant que les forces armées ne doivent pas engager d'action humanitaire à moins que le coordonnateur des secours d'urgence de l'ONU ne le leur demande. Les forces militaires doivent se conformer aux directives sur l’utilisation des ressources militaires et de la protection civile dans les situations d’urgence. Il est également impératif que toutes les opérations militaires se fassent dans le respect de l'environnement humanitaire opérationnel pour que les acteurs humanitaires indépendants, neutres et impartiaux offrent de l'aide aux collectivités et garantissent le droit des civils de recevoir une aide vitale. Cela s'applique à tous les acteurs, y compris la CEDEAO.
    Quatrièmement, vous devez continuer de renforcer les mécanismes qui facilitent la coordination entre le nombre croissant d'acteurs militaires et d'organismes qui offrent de l'aide humanitaire. La présence de plus en plus forte d'une multitude d'acteurs militaires au Mali et la vitesse à laquelle ils ont été déployés ont créé un manque de clarté stratégique. Il faut corriger la situation sans tarder pour garantir la sécurité des civils et le respect du droit international humanitaire, des droits de la personne et du droit des réfugiés applicables.

  (1220)  

    Vision mondiale se réjouit du déploiement opportun d'un coordonnateur civil-militaire au Mali par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies et de l'établissement d'une cellule de coordination civile-militaire à Bamako.
    Vision mondiale réclame deux choses: que les États membres de l'ONU contribuent à l'intervention militaire afin d'établir sans tarder un mécanisme approprié et efficace de coordination militaire entre les diverses forces internationales et l'armée malienne; et l'instauration de lignes directrices civiles-militaires propres au pays aux termes d'un accord signé afin d'établir des limites entre les opérations civiles et militaires, de favoriser la compréhension entre les acteurs et de fournir un mécanisme de reddition de comptes.
    Enfin, Vision mondiale n'entrevoit pas de solution militaire à la crise au Mali. Nous reconnaissons la valeur de la feuille de route présentée par le gouvernement du Mali pour assurer la transition. Nous préconisons qu'elle comprenne des dispositions concrètes pour que la société civile soit globalement consultée et représentée dans le cadre du processus de paix et les efforts de reconstruction. Nous demandons instamment au Canada d'appuyer la mise en oeuvre de ce processus difficile par l'entremise de la voie diplomatique et d'un soutien constant. Le Canada doit favoriser l'établissement d'un processus inclusif qui tient adéquatement compte de la voix et des doléances réelles de toutes les communautés, notamment la vulnérabilité particulière des enfants.
    Je vous remercie de nouveau d'avoir invité Vision mondiale à comparaître. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de vous faire part de notre expérience et de nos recommandations, et nous répondrons à vos questions avec plaisir.
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant M. Fried, d'Oxfam Canada.
    Vous avez la parole, monsieur.

[Français]

    Bonjour à tous. C'est un plaisir d'être ici avec vous.
     Je vais faire mes commentaires en anglais, mais je serai heureux de répondre à vos questions dans les deux langues officielles.

[Traduction]

    Oxfam est présent dans plus de 90 pays. Il l'est notamment au Mali depuis de nombreuses années, puisque la population de ce pays compte parmi les plus vulnérables du monde, comme vous le savez certainement. Nous y surveillons le développement de très près. Deux choses nous préoccupent surtout: que l'intensification rapide des combats fasse en sorte que les services humanitaires, comme les organisations ici présentes, aient un accès encore plus restreint, et que la population du pays et des États voisins ait encore plus besoin des services humanitaires.
    Je vous exposerai brièvement la situation à Gao, dans le Nord du Mali, en entrant dans les détails. La nourriture se fait déjà rare dans la région. Si la frontière avec l'Algérie et les routes vers le Sud restent fermées, les stocks s'épuiseront probablement d'ici quelques semaines. L'apport de denrées de base en provenance du Sud a été sérieusement perturbé il y a un peu plus d'un an, en octobre et novembre 2011, et les marchés locaux ne vendent plus de céréales de base comme le millet depuis près d'un an. Depuis le début de 2012, ces céréales ont été remplacées par le riz, le couscous et la farine de blé en provenance de l'Algérie. L'huile et le sucre sont aussi importés de ce pays, mais les nouveaux combats menacent également cet approvisionnement. La route principale vers le Sud est fermée, tout comme la frontière avec l'Algérie. Les échanges transfrontaliers sont très limités avec le Niger.
    Les commerçants ont fui la région en grand nombre avec l'avancée des troupes françaises. Quand ils sont partis, ce qu'ils ont laissé derrière a été soumis au pillage. À l'heure actuelle, pour la première fois, tous les grands commerçants de Gao semblent avoir quitté le pays.
    Dans les principaux marchés de Gao, les trois-quarts des commerces qui vendent de la nourriture sont maintenant fermés. Ces commerces approvisionnent les marchés ruraux de la région et sont essentiels à la survie non seulement de la ville, mais également de la population rurale, particulièrement les communautés de pasteurs et d'éleveurs de troupeaux, qui constituent la vaste majorité de la population du Nord du Mali à l'extérieur des principales villes situées le long du fleuve Niger.
    La nourriture se faisant rare, les prix des aliments ont naturellement bondi d'environ 20 p. 100 depuis le début de l'intervention militaire, au début de janvier. Avant cette intervention, un sac de 50 kilogrammes de riz coûtait environ 34 $ américains. Deux semaines plus tard, ce prix atteignait 41 $ américains.
    Par ailleurs, les gens ont bien peu d'argent pour acheter ces denrées. Le système bancaire n'est plus en activité depuis l'an dernier. Les méthodes traditionnelles pour faire affluer l'argent dans le pays et dans les régions du Nord, y compris les envois de membres de la famille, ont toutes été perturbées. Les éleveurs de troupeaux dont la vente des bêtes constitue la seule source de revenus se retrouvent complètement dépourvus.
    Avant le début de l'intervention, Gao était déjà considérée comme une des régions du Mali où l'insécurité alimentaire était la plus criante. Il s'agit d'une des régions affichant le taux de malnutrition le plus élevé. Avant l'intervention, le taux de malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans était de 15,2 p. 100, ce que l'Organisation mondiale de la santé juge comme étant le seuil d'urgence. Comme nous le disons, les familles achètent la plupart de leurs aliments, mais leurs revenus ont été perturbés et elles ont épuisé leurs stratégies d'urgence, comme la vente d'actifs ou l'endettement.
    Le secours humanitaire a donc un rôle essentiel à jouer en pareille situation. Malheureusement, comme c'est souvent le cas lors de conflits, les organisations humanitaires ont un accès restreint au pays. Leur sécurité y est menacée. Nous avons dû réaffecter notre personnel dans des régions plus sûres. Nous demanderons donc au Canada de faire jouer son influence diplomatique pour encourager le gouvernement du Mali et toutes les parties intervenant dans le conflit d'autoriser les secours humanitaires à accéder au pays.
    Oxfam offre actuellement de l'aide humanitaire dans le Nord du Mali, ainsi qu'aux Maliens réfugiés au Niger, au Burkina Faso et en Mauritanie. Nous leur fournissons des aliments de base, de l'eau saine et de l'aide au chapitre de la santé publique, aidant ainsi quelque 60 000 personnes à Gao et près de 150 000 réfugiés à l'extérieur du pays.
    Je crois qu'un de mes collègues a indiqué que près de 350 000 personnes avaient été forcées de quitter leur domicile depuis janvier 2012, et des milliers d'autres ont dû fuir leurs demeures au cours des dernières semaines quand les combats ont repris.

  (1225)  

    La plupart des gens déplacés à l'intérieur du pays vivent entassés dans des conditions extrêmement difficiles, dans des centres urbains, au sein de familles d'accueil déjà pauvres elles aussi. À l'étranger, la situation est semblable. Les communautés qui les accueillent tentent encore de se remettre de la crise alimentaire de l'année dernière.
    Bien entendu, l'économie est mise à mal. La plupart des pays bailleurs de fonds ayant gelé l'aide mise en place au Mali après le changement de gouvernement, ce dernier a réduit ses dépenses globales de 38 p. 100. Ainsi, les dépenses ont diminué de 17 p. 100 en éducation, de 35 p. 100 en santé et de 94 p. 100 pour les investissements relatifs à l'eau et à l'assainissement.
     Nous craignons que la suspension du soutien bilatéral et d'une partie de l'aide au développement n'ait provoqué un manque à gagner dans le financement des services sociaux, ce qui pourrait avoir des répercussions graves sur la population locale, même en dehors de la région touchée par le conflit.
    En ce qui concerne les recommandations, nous appuyons certainement celles formulées par Vision mondiale et CARE au sujet du droit international humanitaire et des droits de la personne, et serions heureux d'entrer dans les détails pendant la période de questions. Nous demanderions au Canada de communiquer ce souhait à la France et aux autres alliés qui combattent actuellement sur le terrain.
    Les efforts diplomatiques du Canada pourraient viser à assurer l'accès de l'aide humanitaire et à faire en sorte que les États voisins laissent leurs frontières ouvertes pour permettre aux réfugiés de fuir et aux échanges commerciaux, particulièrement ceux des denrées alimentaires, de se poursuivre librement.
    Au chapitre du financement en général, le Canada pourrait effectuer une contribution essentielle. Comme mon collègue l'a souligné, jusqu'à très récemment, les bailleurs de fonds ont fourni moins de 1 p. 100 de l'aide réclamée par l'ONU dans le cadre de l'appel de fonds consolidé. L'Union européenne a versé 20 millions de dollars la semaine dernière, ce qui a porté la contribution à 2 p. 100, mais on est encore loin de l'objectif.
    À long terme — que nous ne voulons pas perdre de vue avant de terminer —, même si l'intervention réussit et que le pays recouvre son intégrité, il reste encore à créer des conditions propices à une paix durable, ce qui constitue un défi de taille. Une intervention militaire ne peut remplacer une stratégie politique d'envergure à long terme, qui viserait à favoriser la cohésion sociale et la gouvernance inclusive pour toutes les communautés du pays. J'espère que nous ne perdrons jamais cet objectif de vue.
    Je serais heureux de répondre à vos questions.

  (1230)  

    Merci beaucoup, monsieur Fried.
    Nous commencerons par l'opposition et M. Dewar, je vous prie.
    Vous disposez de sept minutes.
    Je remercie nos invités de leurs exposés d'aujourd'hui.
    Vous aviez tous un message similaire en ce qui concerne l'aide humanitaire et le fait que le monde en général n'a pas répondu à l'appel. Comme Oxfam l'a indiqué, nous n'avons atteint le seuil de 2 p. 100 que tout récemment. Avant l'intervention de l'UE, ce seuil était de 1 p. 100.
    Quel montant cherchez-vous à réunir? Donnez-nous simplement un montant d'argent.
     Monsieur McCort, peut-être pourriez-vous nous dire quel est le montant qui manque, ou, en d'autres mots, le 98 p. 100. Quelle est la somme d'argent nécessaire que l'on n'a pu obtenir?
    On a réclamé 373 millions de dollars, d'après ce que je comprends. Je n'en suis pas tout à fait sûr. Mes collègues ont peut-être le montant total fourni dans le cadre de l'appel de fonds consolidés, mais j'ai vu un montant de 373 millions de dollars dans l'appel de fonds consolidés initial de l'ONU. On peut procéder à l'envers et déterminer le 2 p. 100. Mais il reste un manque à gagner substantiel.
    Selon notre estimation générale, le Canada couvre habituellement 4 p. 100. C'est une règle empirique que nous utilisons. La contribution de 13 millions de dollars du Canada correspond à cette fourchette, mais certaines subtilités techniques régissent ce qui s'inscrit dans l'appel de fonds consolidés et ce qui n'en fait pas partie. Le Canada a donc fourni 13 millions de dollars et a grandement appuyé le Mali au fil des ans. Nous encourageons le Canada à en faire autant que possible pour répondre à l'appel et même à surpasser les attentes.
    Je veux continuer brièvement dans cette voie.
    En ce qui concerne l'engagement de 13 millions de dollars, vous considérez qu'il s'agit d'un engagement distinct des fonds versés au Mali auparavant; mais fait-il partie des fonds destinés à la région? Le savez-vous?
    Je ne connais pas la question en détail. Après avoir lu le témoignage d'autres personnes hier, je crois comprendre que les fonds viennent du budget humanitaire de l'ACDI de cette année. Ce sont des fonds non affectés qui ont maintenant été engagés pour réagir au conflit.
    C'est un point important, car nous savons que l'aide directe bilatérale a été gelée. Des fonds avaient déjà été alloués au Mali. Nous arrivons à la fin de l'année budgétaire. Nous voudrions que le gouvernement se montre plus clair à ce sujet pour que nous comprenions combien d'argent est engagé et quel montant vient des fonds alloués au Mali.
    J'aimerais aborder la question de la manière dont on peut fournir l'aide. Ce qui nous préoccupe, de notre côté, c'est que notre capacité a diminué en Afrique et dans cette région. Récemment, la situation était un peu confuse au sein du gouvernement en ce qui concerne la fermeture de notre ambassade ou de notre bureau au Niger. Le gouvernement finira par éclaircir les faits, mais au bout du compte, nous ne disposons plus de la même capacité dans la région.
    Monsieur Fried, en quoi cette situation influe-t-elle sur votre capacité à fournir de l'aide sur place? Comme on l'a souligné, c'est un problème régional. Il y avait une grave crise alimentaire avant le plus récent conflit. Si nous avons plus de capacité dans la région, qu'est-ce qu'elle nous permet d'accomplir? Si, au contraire, cette capacité est amoindrie, quelles difficultés avons-nous à aider les gens sur place?

  (1235)  

    Comme vous le savez, les diplomates canadiens n'ont pas pour mandat d'apporter de l'aide humanitaire. Cette tâche incombe aux organismes humanitaires, notamment ceux relevant des Nations Unies.
    Le gouvernement nous affirme que le bureau de l'ACDI au Niger est fermé. Selon lui, il s'agit d'une ambassade, et c'est à lui de démêler l'affaire. Mais quand nous diminuons la capacité dont nous disposons sur place et dans la région, en fermant un bureau dans le Niger voisin, par exemple, quelles difficultés les gens qui veulent apporter de l'aide doivent-ils surmonter?
    Il faut certainement assurer la coordination, car les gens ont une information et une compréhension de la situation limitées si aucun employé canadien n'est là pour les informer. Nous faisons de notre mieux aujourd'hui pour vous transmettre ce que nous comprenons, en partie, de la situation.
    J'ignore les conséquences exactes de l'absence de bureau de l'ACDI au Niger dans cette crise. Mes collègues pourraient peut-être m'aider. Chose certaine, si l'ACDI veut fournir de l'aide et nouer des rapports à cette fin, il est toujours utile d'avoir du personnel sur place.
    Nous soumettrons cette question à Vision mondiale.
    C'est en fait une question d'accès. Pour des raisons évidentes, l'accès est difficile dans les circonstances actuelles. De quelle sorte de soutien auriez-vous besoin de la part du gouvernement pour accomplir votre travail? La présence d'infrastructures sur place vous facilite évidemment l'accès. En quoi notre présence sur place, que ce soit au Mali ou au Niger, vous aide-t-elle à faire votre travail?
    Pour réagir à la crise qui évolue sous nos yeux, nous nous préoccupons principalement des ressources et de l'accès. J'estime que le Canada peut jouer un rôle sur les deux plans. Au chapitre des ressources, il peut fournir du financement pour que nous mettions sur pied une intervention humanitaire adaptée à la situation.
    Pour ce qui est de l'accès, le dialogue politique peut aider; précisons que le message doit permettre de faciliter un accès indépendant, neutre et impartial aux populations vulnérables. Il me semble que le Canada pourrait jouer un rôle dans ce domaine.
    Certainement. En fait, par le passé, nous disposions de ressources dans diverses régions du continent africain, particulièrement au Soudan, où nous avons formé des femmes pour s'occuper de questions relatives à la paix et à la sécurité. Des policières canadiennes se sont rendues au Darfour pour y former des femmes. Ce que je veux dire, c'est que pour toutes les mesures que vous préconisez, particulièrement la surveillance militaire civile, il est difficile d'arriver à brûle-pourpoint. Il est préférable de bénéficier d'une présence sur place. Après avoir entendu vos propos, je ferais remarquer au gouvernement que c'est une chose que de réagir quand une crise survient et de distribuer des vivres dans la région, et une autre que d'intervenir à long terme à l'égard de la crise humanitaire, alimentaire et politique. Pour y parvenir, il ne suffit pas de libeller un chèque quand une crise éclate.
    D'après ce que vous nous dites, on ne peut résoudre la crise en se contentant d'accroître l'aide alimentaire. Je suppose que ma question...
    Combien de temps me reste-t-il?
    Vous dépassez légèrement votre temps maintenant.
    Je dépasse légèrement mon temps. Je continuerai de suivre la question, faisant appel au gouvernement pour qu'il établisse davantage d'infrastructure sur place pour vous aider dans votre travail.
    Je vous remercie de votre exposé.
    Merci, monsieur Dewar.
    Nous accordons la parole à Mme Brown pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également chacun d'entre vous de témoigner. Elly, quelle joie de vous voir. Kevin, je suis heureuse de vous voir. Monsieur Fried, bienvenue. Je ne sais pas si nous avons eu l'occasion de nous rencontrer, mais je suis enchantée que vous soyez ici.
    J'aimerais commencer en faisant un brin de mathématiques, simplement pour aider l'opposition. Tout d'abord, monsieur McCort, vous avez indiqué qu'environ 2 p. 100 des 373 millions de dollars réclamés dans le cadre de l'appel de fonds avaient été reçus. Monsieur Fried, vous avez dit que l'UE avait engagé 20 millions d'euros la semaine dernière. Si je fais un calcul en tenant compte du nombre de personnes qui habitent en Europe et du fait que le Canada a engagé 13 millions de dollars — de l'argent neuf, ferais-je remarquer à l'opposition —, la contribution du Canada par habitant est de loin supérieure.
    Sous le gouvernement actuel, le Canada est reconnu pour honorer ses promesses. Quand nous avons dit que nous engagerions des fonds, nous l'avons fait. C'est une partie du problème auquel la communauté internationale doit s'attaquer, car quand elle affirme qu'elle fournira des fonds, elle doit verser l'argent au lieu de rester là et de distribuer l'argent au petit bonheur, car ce n'est guère utile. Il faut avoir l'argent en main. Nous avons versé nos contributions au fonds mondial et les avons augmentées. Nous avons remis des fonds à l'Alliance GAVI, allant même jusqu'à augmenter nos contributions.
    Ce sont là des fonds bien réels que le Canada a versés. En fait, le Canada n'est pas un nouveau venu au Mali, puisqu'il y a fourni 110 millions de dollars par année depuis 2009. Ce sont ces fonds que vos organismes ont utilisés pour mettre en oeuvre les programmes nécessaires à la sécurité des filles et des femmes, aux occasions d'éducation, à la saine gouvernance et à l'examen des questions de sécurité alimentaire.
    Qui plus est, le Canada est intervenu avant que le problème du Sahel ne prenne une envergure mondiale. Nous y étions et avons fourni 56 millions de dollars pour y assurer la sécurité alimentaire. Je me demande tout d'abord si vous pouvez nous parler de la sécurité alimentaire proactive? Quels genres de programmes d'aide ont été mis en place? Personne n'a vu venir ce conflit. Rien ne laissait présager la crise, car le Mali avait connu 20 ans de bonne gouvernance et de stabilité. Personne n'aurait pu prévoir de tels événements.
    Pouvez-vous traiter de la sécurité alimentaire proactive? Quels programmes mettez-vous sur pied pour aider le Mali, qui est aux prises avec des sécheresses récurrentes depuis des décennies? Ce n'est pas nouveau. Qu'ont fait vos organismes à cet égard? Si vous parlez du succès de la contribution faite au Sahel, quels projets ont été entrepris? C'était une initiative distincte des autres projets entrepris par les organismes humanitaires.
    Voilà ce que j'aimerais savoir.

  (1240)  

    Je vais laisser Bart répondre à vos questions précises au sujet des programmes de sécurité alimentaire proactive et de notre réussite grâce à la contribution du Sahel.
    Je voudrais par contre répondre à ce que vous avez dit au sujet des 2 p. 100 et des besoins. Nous voyons d'un bon oeil le rôle de leadership que le Canada a joué. Puisque vous êtes un des principaux donateurs, nous aimerions que vous encouragiez d'autres pays à prendre un engagement. Nous reconnaissons l'engagement du Canada, et nous estimons qu'il peut jouer un plus grand rôle encore en tant qu'un des principaux pays donateurs.
    Bart, pourriez-vous répondre aux questions précises au sujet des programmes de sécurité alimentaire?
    Oui. Malheureusement, je ne peux pas vous donner une réponse facile. Comme Elly l'a mentionné dans son exposé, nous apportons au Mali une aide traditionnelle au développement depuis près de 30 ans. Le conflit qui s'aggrave là-bas mine grandement nos efforts. Nous sommes confrontés à une importante difficulté, car nous devons répondre aux besoins immédiats tout en essayant de poursuivre le travail de développement que nous avons commencé il y a longtemps.
    Comme certains l'ont déjà mentionné, à tout cela s'ajoutent des sécheresses récurrentes et une grave insécurité alimentaire. Dans les circonstances, nous faisons de notre mieux pour poursuivre le travail de développement, qui consiste en une gamme d'interventions visant à favoriser la résilience des personnes les plus vulnérables de ce pays, et en même temps, nous nous efforçons de répondre aux nouveaux besoins.
    La réponse simple est que nous continuons nos activités de développement dans la mesure du possible, tout en étant conscients que la priorité pour l'instant est l'intervention humanitaire.

  (1245)  

    Si vous me le permettez, je peux vous donner quelques exemples précis de programmes.
    Nous recevons notamment une contribution de 1,6 million de dollars de l'ACDI par l'entremise de certains de nos partenaires. Nous utilisons cette somme pour faire en sorte que les femmes aient plus facilement accès à l'agriculture. Il a été prouvé que si on réduit l'écart entre les hommes et les femmes quant à l'accès à la production agricole, dans bien des régions, on peut doubler la quantité d'aliments produits.
    Nous travaillons pour que les femmes aient un accès équivalent aux semences, au crédit agricole, aux terres et aux services d'expansion, de sorte qu'elles puissent accroître leur production. En général, les femmes participent beaucoup à la production d'aliments pour la maisonnée. Nos efforts visent donc précisément à améliorer l'accès des femmes aux méthodes de production d'aliments pour assurer la sécurité alimentaire des ménages. C'est un exemple très précis de ce que des organismes comme le nôtre font avec les fonds qu'ils reçoivent de l'ACDI, que ce soit directement de cette organisation ou par l'entremise du fonds du Sahel, comme vous l'avez mentionné.
    D'accord. Je vous remercie. Votre temps est écoulé.
    La parole est maintenant à M. Eyking, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Depuis le début de notre étude, nous avons principalement discuté de l'intervention militaire, et je trouve qu'il est bien que la discussion porte maintenant sur un autre sujet, car vous êtes sur le terrain, vous êtes confrontés aux besoins actuels et vous connaissez les besoins futurs.
    Je me suis rendu au Mali il y a cinq ans, et j'ai remarqué, même s'il s'agit d'un pays pauvre — j'ai visité des fermes et quelques collectivités — une transition et un optimisme. C'est malheureux qu'il y ait en ce moment une guerre civile, car ce genre de conflit fait ressortir le côté sombre de l'être humain. Comme quelqu'un l'a souligné, il y a plus de 4 millions de personnes dans le besoin en ce moment. Parmi les recommandations qui ont été formulées jusqu'ici, je crois qu'on a mentionné une augmentation de l'aide financière et la présence de l'ACDI au Mali.
    Je pense aussi qu'on a parlé des Nations Unies. Elles auront un rôle essentiel à jouer, et le gouvernement actuel devrait entretenir de meilleurs rapports avec l'ONU.
    Je vais d'abord poser quelques questions aux représentants de Vision mondiale, et ensuite, je vais m'adresser à vous, Mark.
    Je crois que vous avez parlé, Elly, de cette somme de 1 million de dollars que le gouvernement a versée pour aider Vision mondiale. Pouvez-vous nous dire à quoi doit servir ce montant? Est-ce pour le Mali ou pour l'ensemble de l'Afrique? À quoi cette somme est-elle destinée?
    Cette somme de 1 million de dollars a été allouée au cours du dernier cycle de financement. Elle fait partie des 13 millions dont on a parlé tout à l'heure et elle servira dans le cadre de l'intervention humanitaire en cours, notamment pour fournir des fonds et des aliments ainsi que de l'eau. Elle sera aussi utilisée dans le cadre de projets d'assainissement.
    Cette somme fait partie des 13 millions de dollars, et vous l'utiliserez pour acheter des aliments et les acheminer là-bas.
    Entre autres...
    Vous avez aussi parlé de cette surveillance civile et militaire. Pouvez-vous me donner une idée de ce que vous voudriez voir et de la façon dont nous pourrions contribuer.
    Le plus important, c'est que les organismes d'aide humanitaire puissent intervenir indépendamment de l'action militaire. Leur intervention ne devrait pas servir à appuyer l'action militaire, on ne devrait pas entraver leur travail, et leur intervention devrait être fondée uniquement sur les besoins. En outre, nous souhaitons que la population civile ait la liberté de se déplacer afin de se protéger. C'est aussi simple que cela. Nous encourageons tout effort visant à faire valoir auprès des forces armées, en particulier, mais aussi des Nations Unies, qui jouent un rôle de leadership dans la coordination de l'aide humanitaire, que tout cela est nécessaire.
    Les ambassadeurs ont affirmé que tout le monde s'attend à ce que le conflit se règle bientôt et à ce que la situation revienne pratiquement à la normale, mais le fait est que les guerres civiles laissent des cicatrices, des blessures et de l'animosité. Je crois que vous avez mentionné, Mark, qu'il y aura des répercussions ailleurs. Vouliez-vous parler des réfugiés? Que voulez-vous dire quand vous parlez des répercussions sur d'autres pays et d'autres régions d'Afrique?
    Je voulais dire que le conflit a des répercussions sur les pays voisins. L'effet le plus direct et évident est le déplacement des gens vers ces pays, qui devront alors s'occuper d'eux. Des centaines de milliers de personnes ont dû quitter leur foyer. Elles vivent maintenant dans les pays voisins. Si elles demeurent avec des proches, ces gens-là sont tout aussi pauvres qu'elles, ou bien elles vivent dans des camps de réfugiés. Oxfam et d'autres organismes leur fournissent des services essentiels, mais les réfugiés représentent un fardeau pour les pays qui les accueillent. Tant qu'ils ne pourront pas retourner dans leur pays, ils constitueront un fardeau à long terme pour ces pays voisins, qui sont eux aussi très pauvres.

  (1250)  

    Est-ce que ces camps de réfugiés ont été établis par ces pays voisins? Est-ce que nous participons à la surveillance de ces camps et est-ce que nous y fournissons de l'aide?
    Oxfam fournit de l'aide. Je crois que des collègues de CARE...
    Les ONG fournissent de l'aide, mais est-ce qu'un gouvernement aide ces pays?
    Je crois que le gouvernement canadien offre du soutien par l'entremise d'organismes des Nations Unies.
    Je m'intéresse beaucoup à l'approvisionnement alimentaire  — car je suis un agriculteur — et à l'aide alimentaire. J'ai vu les agriculteurs là-bas. Je ne pense pas que le Mali était autosuffisant sur le plan de la production alimentaire, mais je sais qu'il y avait beaucoup d'échanges commerciaux. Vous avez parlé de cette interruption. Supposons que les choses se calment. Comment notre gouvernement peut-il aider les ONG à rétablir les échanges pour qu'on n'en vienne pas à seulement acheminer de la nourriture là-bas? Comment pouvons-nous remettre l'économie sur les rails et rétablir le commerce alimentaire entre les pays? Comment faire rapidement en sorte que le pays subvienne à ses besoins alimentaires autrement que grâce à l'envoi de nourriture?
    Quand le conflit sera terminé, que les gens auront cessé de s'entretuer, il y aura une période de reconstruction.
    Mais ils auront quitté leurs fermes et leurs terres.
    En réalité, la plupart des gens sont des pasteurs: ils ont des troupeaux de chèvres, entre autres. Ils n'ont pas exactement une ferme, et bon nombre d'entre eux sont nomades. Ils auront perdu beaucoup de leurs avoirs — leurs bêtes — parce qu'ils n'ont nulle part où les vendre et, bien entendu, qu'il n'y a pas assez de pâturages, comme c'est toujours le cas. Donc, vous devez continuer de vendre vos chèvres au marché, mais les marchés sont perturbés. Il y aura vraisemblablement un moment où il faudra se réapprovisionner...
    Le microfinancement pourrait les aider à se remettre sur pied.
    C'est possible, oui. Nous avons fourni des bêtes à des gens, des services vétérinaires. Oxfam le fait régulièrement quand les gens se relèvent d'une sécheresse ou d'un conflit. Une fois qu'ils s'en sont remis, il est important de veiller à ce que les marchés fonctionnent — garder les frontières ouvertes pour permettre la vente de nourriture de l'autre côté, veiller à ce que des négociants puissent faire leur travail. C'est là où le microfinancement peut entrer en jeu, pour ceux qui veulent devenir négociants à la place de ceux qui ont pris la fuite, et acheter les chèvres pour les revendre sous forme de viande. Il y a des gens qui font cela normalement, mais presque plus rien ne fonctionne à Gao.
    Notre gouvernement pourrait beaucoup aider à cela. Il faut que nous soyons sur place et que nous vous aidions.
    C'est ce que j'espère. Merci.
    Il nous reste moins de 10 minutes, et je sais que nous allons entamer le prochain tour dans 5 minutes. Monsieur Williamson, je vais vous donner à peu près 3 minutes, et je vais laisser le NPD poser la dernière question à nos témoins d'aujourd'hui.
    Nous vous écoutons, monsieur Williamson.
    Merci. Tout cela est très intéressant. Il est évident que les besoins sont grands, au Mali, et que les ressources qui y sont déployées ne suffisent pas. Il est à espérer qu'il y en aura davantage.
    Je veux revenir sur une chose qui a été soulevée au sujet de la sécurité. Nous sommes devant une crise qui est à la foi militaire et humanitaire, en raison de la faible sécurité à la frontière, et même les institutions du Mali n'ont pas suffi à la tâche.
    Le passé est le passé. Je ne veux pas revenir là-dessus, car je pense qu'il faut regarder vers l'avenir. Cependant, je suis curieux de savoir l'effet que cela aurait sur votre travail si les Français se retiraient. Quelles sont vos préoccupations sur le terrain, en ce qui concerne la protection de vos gens et des gens auxquels vous venez en aide? Pensez-vous que, si les Français se retirent, les soldats maliens et africains réussiront à rétablir la paix? J'aimerais une réponse rapide de la part de chacun de vous, car je crois qu'il est important que la situation cesse d'être traumatisante ou anarchique, ou qu'une telle situation ne se reproduise pas.
    Il n'existe pas de réponse simple à cela. Il est très difficile de prévoir ce qui se passera. Ce qui compte le plus pour nous, comme je l'ai dit dans mon exposé, c'est que la solution au conflit ne soit pas militaire. Il faut un processus de consultation à l'échelle du pays qui tienne compte des intérêts, des besoins et des griefs de toutes les parties au conflit, pour qu'on en arrive à une solution à long terme. Ce que nous préconisons, c'est la recherche constructive d'avenues possibles.

  (1255)  

    Je pense que c'est toute une déclaration, alors je vais vous demander... j'ai pris des notes. Vous ne pensez pas que la solution doive être militaire. Mais vous devez admettre que l'intervention militaire fait partie de la solution. Il faut la paix et des institutions stables pour qu'une démocratie fonctionnant normalement puisse prendre racine, et pour qu'on puisse répondre aux besoins d'ordre humanitaire. Diriez-vous que cela fait partie de la solution?
    C'est possible, oui. Je ne suis pas un expert en matière militaire, alors je ne vais pas...
    Je suis un peu perplexe. Est-il plus facile de dispenser de l'aide quand la paix règne, ou quand des combats font rage?
    Vous posez cette question pour la forme.
    Monsieur Fried, voulez-vous dire quelque chose?
    J'ajouterai simplement qu'il faut de toute évidence qu'un pays soit en paix pour que les gens puissent profiter de la stabilité qui leur permettra de se tirer de la pauvreté, et qu'on se demande sérieusement si les forces africaines peuvent assurer le genre de sécurité dont nous parlons. Le Canada pourrait contribuer à les doter des compétences nécessaires en matière de droits humains, de sorte qu'ils puissent comprendre leur rôle de protecteurs des civils et des communautés. Je dirais même que les Nations Unies devraient déployer des observateurs chargés de veiller au respect des droits humains, maintenant, alors que le conflit fait rage, pour que nous puissions entreprendre le processus de réconciliation des communautés et des forces militaires qui est essentiel au rétablissement de la paix.
    Oui.
    Monsieur McCort, avez-vous des commentaires?
    J'ajouterais que dans de tels contextes, ce qui compte pour nous, c'est de mettre l'accent sur la neutralité et l'impartialité des organismes d'aide humanitaire, plutôt que le contraire. Nous demandons donc à tous... Qu'il y ait combat ou non, les organismes d'aide humanitaire qui sont jugés impartiaux et neutres par les parties au conflit peuvent souvent offrir de l'aide, même quand il y a des combats. C'est là-dessus que nous mettons vraiment l'accent: nous devons demeurer apolitiques et dépolitisés pour pouvoir atteindre les populations dans le besoin.
    Merci. Merci, monsieur Williamson.
    Nous passons à M. Dewar, puis à M. Dusseault, qui va poser une dernière petite question.
    Je vais faire un bref commentaire, puis je vais laisser la place à mon collègue.
    D'après les données du gouvernement lui-même, une somme de 20 millions de dollars que nous nous étions engagés à consacrer au Mali n'a pas été dépensée, dans le sillage du gel budgétaire. Je tiens donc à ce que les gens sachent que les 13 millions, même s'ils sont bienvenus, ne correspondent pas à l'engagement relatif au Mali. Je crois qu'il faut que les gens le sachent, même si les 13 millions sont les bienvenus.
    Donc, le gouvernement était assis sur 20 millions de dollars, au cours de l'exercice actuel, et l'argent est toujours là.
    Je vais maintenant laisser mon collègue poser des questions.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Il ne me reste que quelques minutes et j'ai une question très précise qui s'adresse aux représentants de Vision mondiale Canada. Comme on le sait, cet organisme travaille plus particulièrement pour le bien-être des enfants dans les pays où il y a des besoins. On sait que, dans la majeure partie des conflits, les enfants sont souvent les plus vulnérables.
     Ma question porte sur les enfants soldats au Mali. Quelle est la situation en ce moment? Est-ce un réel problème? Quelles solutions peuvent être apportées? Quel rôle le Canada peut-il jouer à cet égard?

[Traduction]

    Je crois qu'on peut dire que c'est un problème. Certaines parties au conflit recrutent de toute évidence des enfants, par la force ou autrement. C'est une question cruciale. Ce sont des événements difficiles à prévenir. Ce que nous préconisons, c'est la compréhension des conséquences juridiques sur le plan international. Nous encouragerions donc le Canada à faire valoir cela à l'étranger, et particulièrement auprès des intervenants au Mali.

[Français]

    J'aimerais prendre le peu de temps qu'il me reste pour m'adresser au représentant d'Oxfam.
    Comment envisagez-vous les prochaines élections? Est-ce que ce sera une source de conflit? Comment voyez-vous la suite en ce qui a trait aux élections?
    Nous travaillons toujours avec l'espoir que tout sera pacifique et que le conflit sera résolu. À titre d'acteur étranger, on ne peut pas faire de commentaires sur les élections dans un autre pays.
    Merci.

[Traduction]

    Je remercie beaucoup les témoins d'être venus discuter du Mali, malgré le délai très court.
    Je vais lire une lettre que j'ai reçue du ministre Fantino pour qu'elle soit consignée au compte-rendu.
Monsieur Allison,
La présente fait suite à ma comparution du mardi 4 décembre, devant le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député Paul Dewar souhaitait savoir combien de projets j'avais approuvés depuis que j'assume la responsabilité du portefeuille de la Coopération internationale. Au 23 janvier 2013, j'avais approuvé 35 projets.
Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à communiquer avec Jennifer Cooper, Services ministériels...
    Nous allons faire scanner la lettre et la faire envoyer à tous les bureaux. Je vous l'ai lue pour le compte rendu.
    Je vous remercie encore, mesdames et messieurs. C'est très apprécié.
    Sur ce, la séance est levée.
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